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Dans les années 90, l'État malien, faute d'avoir réussi sur le terrain militaire
avait créé la milice Gandakoye pour faire diversion et chercher à dénaturer le
conflit qui l'opposait aux Mouvements de l'Azawad. Cette diversion avait pour
objectif de présenter cette question comme un conflit inter ethnique et
dégager ainsi la responsabilité politique et pénale des dirigeants de l'État.
Cette manœuvre a été facilitée par certains cadres Touaregs dont la jugeote
politique n'a, à l'évidence, pas été à la hauteur des espoirs qui avaient été
placés en eux.
Ces gouvernants cherchent encore à opposer les Touaregs entre eux en faisant
croire à certains qu'il existe une République malienne digne d'être défendue
par tous ses fils. Mais l'État malien dans son fonctionnement aujourd'hui ne
remplit pas les conditions nécessaires pour que l'ensemble de ses citoyens
puissent le défendre sans donner l'impression de participer à leur auto-
destruction. En instituant l'impunité comme règle de base dans sa gestion de la
question du Nord, le Mali se discrédite et perd toute légitimité en indexant ses
opposants dans leurs luttes pour le changement.
Le jour où le Mali jugera les criminels responsables des massacres des année 60
et 90 et où les Touaregs seront réellement des citoyens maliens respectés dans
leur identité et dans leurs droits fondamentaux, alors des Touaregs seront
légitimés à défendre leur pays. Aujourd'hui, le Mali ne respecte pas sa
communauté touarègue. Les cadres touaregs qui sont terrorisés à l'idée d'être
soupçonnés de sympathie pour leur peuple en viennent à soutenir la
diabolisation de ceux qui essaient de dénoncer les injustices indiscutables qu'ils
subissent. Ces cadres sont plus installés dans le fatalisme et le désespoir que
dans la réelle conviction qu'ils sont maliens comme les autres !!! Il suffit de
constater leur silence et leur absence d'initiative pour contribuer à la
résolution d'une question dont ils ne peuvent pas nier l'ampleur et la dimension
ethnique.
Les veuves, les orphelins et tous ceux qui ont été endeuillés par les actions de
l'État malien ne pourront jamais avoir confiance dans cet État tant que la vérité
n'a pas éclatée et les victimes réhabilitées. La construction d'un État de droit
passe par cette vérité et cette justice. Plus on tarde à l'accepter plus on
hypothèque la possibilité de voir rapidement la paix nécessaire au
développement du pays s'installer. Car la paix ne se décrète pas et ne s'impose
pas durablement par la force. Elle s'installe par l'effet conjugué d'une justice
impartiale et d'un État capable d'assumer pleinement les missions qui sont sa
raison d'être.
Le Pacte national et les accords d'Alger auraient pu servir de base à une large
réconciliation entre l'État malien et sa communauté touarègue. Mais ces
différents accords n'ont, à l'évidence, jamais été pris au sérieux par les
autorités maliennes. Pour elles, le seul objectif a toujours été de désarmer les
combattants touaregs. Or dans ce genre de conflit le désarmement, s'il devait
se faire, n'intervient que quand les raisons du conflit ont disparu ou que la
confiance est suffisamment revenue pour garantir l'application de ce qui a fait
l'objet d'accords.
Que les dirigeants maliens ne s'y trompent pas. La lutte du peuple Touareg pour
ses droits et ses intérêts ne dépend pas d'une personne ou d'un groupe
d'individus. Le désarmement d'un groupe ou son " intégration " n'empêcheront
jamais la poursuite de cette lutte tant que les injustices actuelles perdurent.
S'il y a une chose qui fait l'unanimité, c'est bien la conscience qu'ont tous les
Touaregs de cette injustice et de leur détermination à la combattre par les
moyens qui s'imposent à eux.
Les officiers et responsables politiques touaregs qui sont encore dominés par
des sentiments compréhensibles liés aux vicissitudes du passé doivent se
ressaisir et garder leur lucidité sur la marche politique de l'Histoire. Nous avons
vu par le passé que, quand l'État s'en prend aux Touaregs, il ne fait jamais la
différence entre les tribus. Les auxiliaires du système ont souvent connu le
même sort que ceux qui sont taxés d'ennemis par les tenants du pouvoir.
L'Histoire récente est riche d'enseignements en la matière.
Dans l'Histoire des peuples, ceux qui jouent contre leurs " groupes naturels "
finissent toujours par être marginalisés, voire éliminés, y compris par ceux qui
les ont utilisés. Le manipulateur a rarement de la considération pour celui qui
se prête à ce jeu !!! Aucun fondement juridique ou politique ne justifie que des
Touaregs acceptent de combattre leurs frères pour préserver un système qui les
a toujours marginalisés et massacrés sans discernement !!!
Pour rappel : l'État malien a massacré au cours des années 90 plus de 10 000
Touaregs et Maures sur le million que compte le pays. C'est comme s'il
massacrait 100 000 Maliens toutes ethnies confondues. Ou que l'État français
massacrait 600 000 de ses citoyens !
Février 2009
Abdoulahi ATTAYOUB
Temoust | Lyon-France