important de l'Art Nouveau. Elle a fait l'objet d'une restauration exemplaire. Ouverte au public, elle permet à chacun de mieux saisir l'intérêt historique et esthétique des vieilles demeures bruxelloises. Lors de votre visite, vous découvrirez des espaces d'exposition, une petite librairie thématique et une scénographie originale signée Benoît Peeters et François Schuiten.
En 1893, Horta a 32 ans : après ses stages chez Balat,
quelques maisons à Gand et de nombreux projets, il reçoit commande d'une maison personnelle de son ami Eugène Autrique, ingénieur chez Solvay. Le programme fixé par Autrique était simple : « aucun luxe, aucune extravagance : souterrain habitable, vestibule et escalier honorables, salon et salle à manger agréablement unis, premier étage avec bain et toilette (pas encore courants à l'époque) et deuxième étage mansardé pour enfants et personnel » (V. Horta, Mémoires, p . 31). Le terrain choisi se trouvait 236 chaussée de Haecht (aujourd'hui n° 266), terrain que Victor Horta acquis en vente publique à titre de command pour E. Autrique. Ce sera le premier hôtel particulier construit par Victor Horta. On y décèle déjà des éléments qui feront l'objet de recherches continuelles par l'architecte : un début de liaison avec le trottoir, des revêtements muraux d'épaisseurs diverses, la coexistence de symétries-
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dissymétries, sans parler de l'usage du métal et de matériaux industriels. Presque en même temps, Horta réalise l'hôtel Tassel ; les années qui suivent verront les commandes se multiplier et s'épanouir ce style qu'on appellera bientôt l'Art Nouveau. Dans ses Mémoires, Horta revient sur son travail : '[...] ma conscience était satisfaite d'avoir contenté un ami et mon bonheur professionnel touchait à toutes mes aspirations du fait d'avoir réalisé une oeuvre honnête, n'ayant rien emprunté à personne.' (Mémoires, p. 33) La Maison Autrique constitue un but de visite essentiel pour tout amoureux de l'architecture et pour tout amateur de l'oeuvre de Victor Horta.
La 'Maison du Peuple' détruite en 1963
Premier édifice marquant de Victor Horta, la Maison
Autrique est un élément majeur du patrimoine architectural bruxellois. D’abord parce que cette maison de 1893 représente une étape essentielle dans l’évolution du plus grand architecte belge. Ensuite parce que ce bâtiment vient de faire l’objet d’une restauration à bien des égards exemplaire (par le bureau MA 2, accompagné d’un véritable comité scientifique), aidant à mieux comprendre la naissance de l’Art Nouveau. Cet édifice aujourd’hui ressuscité est pour nous une oeuvre émouvante: c’est la première réalisation importante d’un jeune architecte qui y mit tout son coeur, soutenu par la bienveillance de son client et par le désir d’affirmer un tempérament original. Stylistiquement, la Maison Autrique relève de l’éclectisme, mais l’usage des matériaux industriels et
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l’élaboration d’un langage ornemental basé sur la courbe annoncent l’Art Nouveau. Le bâtiment est encore engoncé dans des formes empruntées au passé, mais est parcouru çà et là d’un souffle de jeunesse prometteur de bien des bouleversements architecturaux. À lui seul, le jeu des couleurs – minutieusement reconstituées à partir de nombreux sondages – permet de porter un nouveau regard sur le travail du jeune Horta.
LES MÉMOIRES D’UNE MAISON
La mémoire est sans doute la clé du projet scénographique conçu par François Schuiten et Benoît Peeters pour faire vivre la Maison Autrique. Au sens originel, une maison n’est-elle pas d’abord ce qui demeure ? Et pour beaucoup d’entre nous, une maison n’évoque-elle pas aussi des images liées à l’enfance : un dédale de longs couloirs et d’escaliers dérobés, bordé par ces deux lieux obscurs que sont les caves et le grenier. C’est avec de telles émotions, un tel imaginaire, que la Maison Autrique voudrait renouer. Bien plus que comme une visite de musée, la découverte est conçue comme un véritable récit, un parcours quasi initiatique, permettant de traverser plusieurs couches d’espace et de temps. C’est comme si les murs se souvenaient, révélant les années écoulées, les étrangetés, les mystères, les traces laissées par les habitants successifs.