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Daniel Stiernon

La vie et l'œuvre de S. Joseph l'Hymnographe. A propos d'une


publication récente
In: Revue des études byzantines, tome 31, 1973. pp. 243-266.

Résumé
REB 31 1973Francep. 243-266
D. Stiernon, La vie et l'œuvre de S. Joseph VHymnographe. A propos d'une publication récente. — L'ouvrage d'Eutychios
Tômadakès, surtout en ce qui concerne la biographie de Joseph l'Hymnographe, est à réviser sur plusieurs points ; la Vie écrite
par Théophane a été sous-estimée par rapport à l'œuvre postérieure du diacre Jean. D'où plusieurs corrections de date et des
identifications plus justes de plusieurs personnages.

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Stiernon Daniel. La vie et l'œuvre de S. Joseph l'Hymnographe. A propos d'une publication récente. In: Revue des études
byzantines, tome 31, 1973. pp. 243-266.

doi : 10.3406/rebyz.1973.1468

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1973_num_31_1_1468
LA VIE ET L'ŒUVRE
DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE
A propos d'une publication récente*

Daniel STIERNON

Excellent connaisseur de l'hymnographie byzantine, le professeur N.B. Tôma-


dakès a naturellement orienté son neveu et disciple Eutychios vers un des person
nagesqui a le plus abondamment illustré la poésie religieuse grecque, au point
de mériter le titre d'hymnographe. Présenté le 4 décembre 1970 devant la Faculté
de philosophie de l'Université d'Athènes comme thèse de doctorat, le travail
de E. Tômadakès a été admis le 17 février de l'année suivante.
Comme le suggère le titre, on discerne dans cette étude deux grandes parties :
la vie et l'œuvre. En fait, l'auteur y distingue cinq sections :
I. L'introduction (p. 20-28) fait suite au prologue (p. 7-8) et aux listes biblio-
graphico-codicologiques (p. 9-18). Elle décrit, en référence aux ouvrages d'Aman-

* Eutychios I. Tômadakès, 'Ιωσήφ δ 'Υμνογράφος. Βίος καΐ έργον (Collection


'Αθηνά 11), Athènes 1971 ; 306 p. (résumé en italien, p. 301-303). On citera par le nom
de l'auteur les ouvrages ou articles suivants :
Da Costa-Louillet = Germaine Da Costa-Louillet, Saints de Constantinople aux
vrae-ixe et Xe siècles, Byz. 25-27, 1955-1957, p. 813-823.
Loparev = Ch. Loparev, Les vies byzantines des saints des vnie-ixe siècles (en russe),
KF18, 1911, p. 1-6.
Mioni = E. Mioni, I kontakia inediti di Giuseppe Innografo, Bollettino délia Badia
greca di Grottaferrata 2, 1948, p. 191-192.
Vie : Papadopoulos-K. = Vie de saint Joseph VHymnographe par Théophane (BHG 944),
éditée par A. Papadopoulos-Kérameus, Monumenta graeca et latina ad historiam Photii
patriarchae pertinentia, 2, Petrograd 1901, p. 1-14 (avec préface en russe).
Vailhé = M. Théarvic (= S. Vailhé), A propos de Théophane le Sicilien, EO 7,
1904, p. 31-34, 163-171.
Van de Vorst = Ch. Van de Vorst, Note sur s. Joseph l'Hymnographe, An. Boll. 38,
1920, p. 148-154.
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tos et de Vasiliev, la situation civile et religieuse à Byzance au VIIIe siècle (p. 21-23)
et dans la première moitié du IXe (p. 24-26).
IL La vie de Joseph est analysée en sept chapitres (p. 29-73) d'après les biogra
phies de Théophane et de Jean Diacre et suivant la chronologie établie par le
P. Van de Vorst, sauf en ce qui concerne l'année où Joseph dut quitter la Sicile
(831 au lieu de 827) et plus précisément la ville de Palerme, que E. Tômadakès
revendique comme patrie du futur hymnographe, de préférence à Syracuse com
munément admise depuis Pédiasimos (BHG 947). Cette hypothèse sur le lieu de
naissance de Joseph (p. 31-41) est présentée comme un des apports majeurs de la
dissertation (p. 7-8).
III. L'œuvre hymnographique (p. 77-94). C'est ici que E. Tômadakès situe
l'autre contribution essentielle de son travail. Surtout il y expose les critères
permettant de distinguer les compositions de Joseph l'Hymnographe de celles de
son homonyme stoudite, Joseph, archevêque de Thessalonique, tous deux artisans
de la réforme hymnographico-liturgique au IXe siècle. En somme, on attribue à
l'Hymnographe la plupart des canons consacrés à des saints (et de ce fait contenus
généralement dans les Menées) et tous les canons de la Paraklètikè, dont l'acros
tiche(un trimétron iambikon ou dodécasyllabe byzantin) forme les premières
lettres de tous les tropaires du canon avec, à la fin, le nom Iôsèph (initiales des
tropaires de la 9e ode). Ne sont pas de lui les canons qui portent l'acrostiche
του 'Ιωσήφ dans les théotokia. Appartiennent à Joseph Stoudite, qui a composé
peu de canons complets, les canons contenus dans le Triôdion et le Pentèkostarion
et qui ont seulement à la 9e ode le nom acrostiche de Joseph. Dans un appendice
de cette partie (p. 95-96), l'auteur présente comme œuvres authentiques de Joseph
deux panégyriques de saint Barthélémy.
IV. Joseph a été célébré 1) par les hymnographes (p. 99-102), en particulier
par Jean Euchaïtès dont Tômadakès édite deux canons, l'un d'après le Palatin,
gr. 138 (p. 242-254), l'autre, qu'une erreur de copiste a fait attribuer à Jean Da
mascene, d'après le même manuscrit et le Coislin. gr. 192 (p. 255-272) ; 2) par
l'hagiographie, entendez essentiellement par l'iconographie, d'ailleurs pauvrement
représentée et relativement récente (p. 103-104).
V. Le catalogue de l'œuvre hymnographique de Joseph (p. 107-225) constitue
le plat de résistance. Au total : dans les Menées, 385 canons et 9 kontakia ; dans
la Paraklètikè, 68 canons ; dans le Triôdion, 6 canons et 34 triodes-tétraodes ;
dans le Pentèkostarion, 2 canons et 24 triodes-tétraodes ; plus une demi-douzaine
d'autres canons et 13 stichères non compris dans les livres liturgiques. Pour
chacune de ces pièces disposées suivant l'ordre qu'elles occupent dans ces livres,
l'auteur donne l'indication du jour liturgique, l'acrostiche, le ton (ou mode) et
l'incipit de la première ode ; si le texte est inédit, le ou les manuscrits qui les
contiennent et éventuellement un renvoi au répertoire d'Eustratiadès ; si le texte
est publié, l'édition est indiquée en note.
Les inédits sont marqués d'un astérisque. La plupart se trouvent dans des
manuscrits de l'Athos, du Vatican et de Grottaferrata. L'édition en cours, à
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laquelle Tômadakès a collaboré, des Analecta hymnica graeca e codicibus eruta


Italiae inférions (collection dirigée par le prof. G. Schirô) a déjà rendu caduque la
remarque de la p. 88 où sont déclarés inédits «jusqu'à ce jour (1962) » (lire sans
doute 1972 ou plus exactement 1971) quelques 72 canons de Joseph dont 9 ont
été publiés depuis par A. Proiou (Çanones Januarii, t. 5 du corpus, Rome 1971).
Tômadakès a conscience que ces « 466 pièces » ne constituent pas un bilan
définitif : « Nous croyons, écrit-il, que la recherche ultérieure livrera au grand
jour d'autres œuvres de Joseph l'hymnographe » (p. 92). Il fait suivre cet invent
airede quelques remarques sur certains canons et kontakia attribués à Joseph
(p. 226-232) et il restitue à Grégoire de Nicomédie, à Théophane, à d'autres mélodes,
des œuvres précédemment éditées sous le nom de Joseph.
En annexe à cette dernière partie, l'auteur publie, après une introduction,
outre les canons de Jean Mauropous déjà cités, un canon de Joseph l'Hymno-
graphe en l'honneur de saint Sabin d'Hermopolis, d'après le Paris, gr. 255 colla-
tionné avec les Paris, gr. ZM et 2473 et le Vatican, gr. 2541 (p. 273-285). Suivent
les tables : la première analytique, avec les noms de personne et de lieu ; la seconde
hagiographique, avec les noms de saints célébrés par Joseph.
Il s'agit donc d'une ample monographie de réelle valeur, la première qui ait
été tentée sur un personnage pourtant considérable1. Elle méritait d'être lue avec
attention. On ne s'étonnera pas d'y découvrir des lacunes, des erreurs, des hypot
hèses hasardeuses. Voici celles que je crois utile de signaler.

Les sources
L'auteur n'apporte pas d'éléments nouveaux2 au sujet de l'higoumène Théo
phane et du diacre Jean, les biographes de notre Joseph (outre le plus récent,
Théodore Pediasimos auquel il accorde une certaine attention tout en soulignant
sa fantaisie poétique). Il y avait lieu cependant d'examiner de plus près certains
points intéressants.
1. Théophane. A propos de la date à laquelle ce successeur de Joseph au poste
d'higoumène aurait composé la Vie, Tômadakès se contente d'écrire : « environ
douze ans après la mort du poète, comme l'a montré Ο (= Germaine !) da Costa-
Louillet » (p. 29). Mais sur quoi repose la démonstration de cette dame ? Elle

1. Parmi les travaux antérieurs qui méritent une mention, citons l'étude de V. I. Pan-
durski, Prep. Josif Pesnopisec, dans GodiSnik na Duchovnata Akademija Sv. Kliment
Ochridski 8 (34), 1958-1959, p. 271-313. Nous n'avons pas vu l'article de A.J. PHYTRAKès
(sur Joseph Hymnographe et le Stouditès), dans Επιστημονική ΈπετηρΙς της Θεολο
γικής Σχολής 17, Athènes 1970, p. 1-27 ; voir le compte rendu de P. Chrèstou, dans
Κληρονομιά 3, 1971, p. 404-405.
2. L'auteur renvoie le plus souvent à Da Costa-Louillet (dont il ignore l'identité
et à laquelle il accorde beaucoup de confiance) et au mémoire peu original de M. E.
Colonna, Biografie di Giuseppe Innografo, dans Annali délia Facoltà diLettere e Filosofia
deir UniversitàdiNapoliX 1953, p. 105-112.
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dépend en fait de l'éditeur de la Vie, Papadopoulos-Kérameus, qui notait que l'œuvre


avait été rédigée après la mort de Photius (datée alors de 897) et avant le concile
d'union (daté par lui de 899/900 ou 900/901 )3. Madame DCL adopte ce point de
repère, avec cette différence qu'elle suit son maître Grégoire pour la date du concile
d'union (897 ou 898), sans trop se soucier du terminus a quo qu'elle semble voul
oir reculer, par pure distraction j'imagine, jusqu'à la mort du patriarche Ignace
en 878 (sic !)4. Or, peut-on réellement découvrir dans la première Vie de Joseph
un terminus ante quern déterminé par ledit synode ? PK le pensait. Selon lui,
dans le chapitre final de sa biographie, Théophane avait « visiblement en vue les
troubles provoqués en 891 sous le pape Formose et aussi le schisme qu'ils causèrent
entre l'Eglise romaine et l'Eglise byzantine et enfin l'ardente controverse sur la
procession du Saint-Esprit »5. Je me demande s'il est permis de lire tout cela dans
la supplication dernière adressée par le biographe qui, après beaucoup d'autres
faveurs, prie son héros d'intercéder auprès du Christ afin que celui-ci daigne
« pacifier son Eglise, supprimer tous les scandales » et conserver toujours « iné
branlable et intacte la foi orthodoxe des chrétiens »6. Ce cliché hagiographique
rejoint les intentions de la prière universelle de la liturgie byzantine valable pour
toutes les époques. Rien n'autorise à y voir une allusion aux « importantes ques
tions ecclésiastiques qui, en 898, étaient en passe d'être résolues »7. Même après
le concile d'union (qu'avec le P. Grumel nous daterions du printemps ou de l'été
de 899)8, Fhagiographe aurait pu écrire la même chose, avec d'autant plus de raison
s'il a composé son œuvre après qu'eut éclaté l'affaire de la tétragamie. En effet,
rien n'empêche de prolonger la vie de Théophane jusqu'au début du Xe siècle.
Il n'était pas nécessairement une des premières recrues de Joseph9. Lorsque celui-ci
le choisit comme compagnon, en mars 886, pour sa dernière visite à Photius,
dans le but, pense-t-on, de le présenter au patriarche comme son successeur à la
tête du monastère10, il est probable que Théophane jouissait d'une certaine ver
deur en harmonie avec la charge d'higoumène qu'il allait bientôt assumer. Or,

3. Vie (préface russe) : Papadopoulos-K., p. rv.


4. Da Costa-Louillet, p. 813 et 823 (n. 2).
5. Vie (préface) : Papadopoulos-K., p. rv.
6. Ibidem, p. 1424~27.
7. Ibidem, p. ni.
8. Grumel, Regestes n° 596.
9. Théophane fut pris παιδόθεν par Joseph, qui l'arracha des bras paternels {Vie 1 ;
Papadopoulos-K., p. 29). Donnons-lui 15 ans en 850, donc 65 ans en 900 : même en sup
posant que Théophane fut un des premiers disciples de Joseph, il a pu vivre et écrire au-
delà de la fin du ixe siècle.
10. Théophane parle de cette visite sans mentionner l'accompagnateur : Vie, 14 :
Papadopoulos-K., p. 11 ; c'est Jean Diacre qui fournit ce renseignement (PG 105, 9724),
sans donner cette raison de la présentation du successeur, une déduction de Papado
poulos-Kérameus admise sans réticence par Tômadakès. Mioni (p. 88, n. 3) laisserait
croire que Théophane succéda à Joseph dans sa charge de skévophylax.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 247

au moment où il prend la plume pour immortaliser son maître, il avoue traîner


un corps investi de maladies incurables11. A moins d'y voir un cliché ou de supposer
que la santé de Théophane s'est brusquement infléchie au lendemain de la mort
de son didascale, cette déclaration suggère une existence sur le déclin.
En conclusion, au sujet de la date de cette œuvre, aucune précision n'est possible.
Toutefois, il s'agit bien de l'œuvre d'un contemporain. Ceci est acquis dès l'édi
tion de Papadopoulos-Kérameus et confirmé par Van de Vorst, qui s'est gardé
d'avancer une date précise. Faut-il identifier ce Théophane avec le mélode Théo
phane le Sicilien ? Le P. Vailhé a vigoureusement démontré que non12. Tômadakès
enregistre le désaccord sans prendre position (p. 29). Il aurait pu exprimer indi
rectement son avis en compilant l'index des noms de personnes. Or, on est surpris
de constater que Théophane y est fort mal traité. Les citations de la Vie ont été
estimées trop fréquentes pour que son auteur figure dans l'Index. Mais aux p. 29
et 30 Tômadakès traite explicitement de Théophane, comme aux p. 30 et 31 il
disserte sur Jean Diacre, absent aussi de l'index. Au nom Théophane l'hymno-
graphe on compte sept renvois, dont cinq concernent Théophane Graptos13.
Le renvoi à la p. 87 aboutit à une phrase de G. Schirô où il est dit que Joseph
compléta l'Octoechos avec l'aide de son élève εκ Σικελίας Théophane. Enfin,
le septième chiffre renvoie à la p. 57, où Tômadakès rapproche de l'hymnographe
Evode, autre disciple de Joseph, « Théophane dont on conserve le canon et la vie
de Joseph l'hymnographe ». A cet endroit, notre auteur considère comme gratuite
l'opinion d'Eustratiadès qui voulait que la fondation monastique de Joseph fut
sicilienne (p. 58). Par là il semble pencher pour la thèse défendue par S. Vailhé.
Le problème valait cependant la peine d'être repris avec plus de décision, quand
on voit le professeur Dvornik traiter encore un moine Théophane correspondant
de Théodore Stoudite comme un correspondant de Photius, identifié avec Théo
phane le Sicilien et avec le successeur de Joseph l'Hymnographe14.
En outre, que penser de l'hypothèse du P. Vailhé qui proposait de voir le bio
graphe de Joseph dans l'higoumène Théophane à qui nous devons un récit sur

11. Vie : Papadopoulos-K., p. 214.


12. Vailhé, p. 163-171 (contre l'opinion de Papadopoulos-Kérameus).
13. Par contre, il n'y a pas de renvoi aux pages 29, 100, 226, 227, 228, où il est question
de Théophane le Sicilien. Un renvoi à la p. 100 s'imposait d'autant plus que Tômadakès
attribue en cet endroit à Théophane le Sicilien le kontakion édité comme adespote par
Mioni, p. 191-192.
14. Fr. Dvornik, Les légendes de Constantin et de Méthode vues de Byzance, Prague
1933, p. 142-143 ; l'identification est encore admise par Da Costa-Louillet, p. 813,
et partiellement par Mioni, p. 191-192, en ce seDS qu'il restitue à Théodore Stoudite la
lettre à Théophane insérée dans la correspondance photienne. En outre, il valait la peine
d'examiner si le Théophane auteur d'un canon en l'honneur de Jean, disciple de saint
Grégoire le Décapolite et de Joseph l'Hymnographe, est bien, à ce qu'il paraît, l'élève, le
successeur et biographe de Joseph et de surcroît un hymnographe, distinct cependant de
l'homonyme sicilien selon Tômadakès.
248 D. STIERNON

la fin de la vie et la translation du patriarche saint Nicéphore15. Le professeur


Beck tient pour une certitude que le biographe de Nicéphore a composé son œuvre
dans la seconde moitié ou plus précisément dans les dernières années du IXe
siècle. A cette notice il juxtapose celle sur Joseph l'Hymnographe sans aborder
la question de l'identité d'auteur16.
2. Le diacre Jean. Ici également, Tômadakès rapporte les opinions des autres
relatives à l'époque où fut composé ce logos biographique, sans prendre parti
nettement dans le débat. Peut-être même n'exprime-t-il pas avec toute la précision
souhaitable la pensée de ses devanciers. Ainsi, c'est forcer la note d'écrire que
Germaine Da Costa-Louillet « s'efforce de l'identifier à Jean Doxopatris » (p. 30).
Celle-ci exprime d'abord son impression que l'œuvre de Jean a été rédigée « envi
ron vingt ans après celle de Théophane »17, soit vers 917, selon la chronologie
adoptée par elle. Ensuite elle passe en revue toute une série de Jean (plusieurs
aberrants) susceptibles d'être ce Jean Diacre. Et ce n'est que tout à la fin qu'elle
signale, sans grande conviction, Jean Doxopatris, en constatant que cette dernière
hypothèse l'obligerait à retarder d'un siècle la deuxième vie de Joseph l'Hymnog
raphe18.
Au lieu de reproduire une opinion émise du bout des lèvres et qui ne tient pas
compte de l'attribution du Περί οικονομίας à Nil Doxopatris19, n'eût-il pas été
plus utile de rechercher si le biographe de Théophane n'est pas ce diacre Jean,
auteur d'un opuscule Contre les détracteurs du culte des images ? G. Rochefort
avait promis une étude plus étendue sur ce personnage. On l'attend toujours, de
même que l'édition promise de l'apologie en question20.
Sans doute Tômadakès a-t-il estimé cette recherche trop ardue. Il aurait pu
du moins, en ce qui concerne l'âge probable du logos du diacre Jean, mentionner
l'estimation du P. Venance Grumel qui place la seconde biographie de Joseph
l'Hymnographe dans la première moitié du XIe siècle21. C'est assurément la
meilleure hypothèse proposée jusqu'à présent.

Repères chronologiques
Pour ce qui est de la chronologie de la vie de Joseph, E. Tômadakès n'a pas
cru opportun d'ébranler celle établie il y a plus de cinquante ans par un bollandiste

15. BHG 1336-1337 ; cf. Vailhé, p. 168.


16. H. G. Beck, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, Munich
1959, p. 561.
17. Da Costa-Louillet, p. 814.
18. Ibidem, p. 815.
19. H. G. Beck, op. cit., p. 599-600.
20. G. Rochefort, Une anthologie grecque du xie siècle : le Parisinus Suppl. gr. 690,
Scriptorium 4, 1950, p. 17.
21. V. Grumel, La mosaïque du Dieu Sauveur au monastère du Latome à Thessa-
lonique, EO 29, 1930, p. 168.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 249

bien au courant des VIIIe et IXe siècles byzantins, le P. Van de Vorst, C'est à ce
spécialiste que l'on doit l'établissement, à partir des données de Théophane,
de la date la plus probable de la mort de l'Hymnographe (3 avril 886), date qui
commande celle de la naissance (816) et celle de l'entrée au monastère de Thessa-
lonique (831). Mais un esprit vraiment critique peut-il accepter sans plus l'année
816 proposée pour la venue au monde de Joseph ? Germaine Da Costa-Louillet
a bien soupçonné un cliché hagiographique dans la mort de Joseph à l'âge parfait
de 70 ans. Mais en raison de l'exactitude chronologique de tout le récit de Théo
phane, elle n'a pas cru cette donnée suspecte22. Or il est remarquable que Théo
phane ne parle pas de l'âge de son héros, lorsqu'il fournit les coordonnées per
mettant de fixer le jour du décès de celui-ci. Il cite un nombre biblique au para
graphe suivant, dans l'évocation de l'universel regret provoqué par la disparition
d'un homme qui « a émigré vers le Seigneur dans sa vieillesse et à un âge véné
rable, cette limite de la vie que le grand David chante dans ses psaumes : (le temps
de) nos années font soixante-dix ans »23. Il s'agit bien d'un lieu commun hagio
graphique, compte tenu surtout du contexte. Par ailleurs, nous verrons que l'exac
titude chronologique de Théophane est toute relative, car sur deux points au
moins les biographes modernes de Joseph sont obligés de la redresser.
Bref, Théophane nous autorise uniquement à admettre que Joseph était, en
gros, septuagénaire lorsqu'il rendit le dernier soupir. Par conséquent sa date
de naissance reste flottante. Rien ne s'oppose à la situer vaguement entre 812 et
818, une fois admise évidemment comme quasi certaine l'année de sa mort en
886 (et celle-ci également, nous le dirons bientôt, peut être remise en question).
Pour Tômadakès ce flottement est impossible. Sa chronologie exige nécessairement
que Joseph ait vu le jour au plus tôt en 816. Ceci en raison de la date tardive
(831) par rapport à celle communément reçue (827) qu'il assigne à l'expatriation
de Joseph et de sa famille. Car, d'une part il doit tenir compte du fait que Joseph
embrassa la vie monastique à l'âge de 1 5 ans, en dehors de sa patrie, plus précis
émentà Thessalonique24. Il veut d'autre part que le jeune homme n'ait quitté la
Sicile que l'année de la prise de Palerme par les Arabes (831). Le voilà donc lié
à l'année 816.
Notre auteur ne manque pas d'habileté pour administrer la preuve que le futur
hymnographe est né, non à Syracuse, mais à Palerme. La démonstration part des
deux données génériques fournies par Théophane : naissance et bonne éducation
quelque part en Sicile, fuite lors de l'invasion arabe. Syracuse est exclue : elle
ne tomba aux mains des Sarrasins qu'en 878. Tômadakès élimine aussi toute cité
de seconde zone où Joseph n'aurait pas pu recevoir l'enviable instruction que
ses biographes lui attribuent. Reste Palerme dont la prise en 831 a été racontée
par le chroniqueur napolitain Jean Diacre et par l'historien arabe Ibn-al-Ata,

22. Da Costa-Louillet, p. 816.


23. Vie : Papadopoulos K., p. 121β~27.
24. Ibidem, p. 3""12.

18
250 D. STIERNON

lequel note expressément que les notables rescapés se réfugièrent en territoire


byzantin (p. 38-39).
L'hypothèse de l'origine panormitaine de Joseph l'hymnographe paraît sédui
sante. Toutefois elle ne réussit pas à écarter l'éventualité d'une patrie moins pres
tigieuse, quelque cité de la côte méridionale tombée tout au début de la grande
invasion arabe de juin 82725.
Théophane note qu'après avoir abandonné la Sicile la famille de Joseph s'éta
blitdans le Péloponnèse26. Pressé par sa chronologie, Tômadakès ne peut se
permettre de laisser son jeune héros prendre racine de ce côté-là et il le fait passer
illico à Thessalonique, après avoir imaginé gratuitement que l'intention première
des réfugiés était de se rendre à Constantinople (p. 45).
Pour la date d'entrée au couvent, Tômadakès adopte donc d'année 831 donnée
par le bollandiste Van de Vorst. Le P. Grumel, dans l'article déjà cité qui traite
du prodige survenu au monastère de Latomos27, estimait cette date trop tardive
et il croyait devoir reculer de plusieurs années, avant 830, l'entrée de Joseph dans
la vie religieuse28. Pour reculer de plusieurs années avant 830 l'entrée de Joseph
au monastère de Thessalonique il ne suffit pas, je pense, d'interpréter largement
les 70 ans atteints par l'hymnographe en 886. Dans la pensée du P. Grumel,
c'est cette date elle-même qui devait être remise en question au profit de l'année
883, qui devient acceptable si l'on interprète avec une certaine souplesse les sept
jours de maladie de notre higoumène avant l'issue fatale29. De cette manière
il est possible de faire remonter la naissance de Joseph vers l'année 810, de sorte
qu'il accède au sacerdoce à un âge normal. Un tel bouleversement de la chronol
ogiereçue entraîne nécessairement une fuite de la Sicile antérieure à 827. Cela
supposerait que l'information de Théophane se rapporte à une incursion passa
gèredes Sarrasins, comme ce fut le cas fréquemment depuis le VIIIe siècle.
La difficulté majeure que présente la chronologie traditionnelle consiste à
faire accéder Joseph au sacerdoce au plus tard à 24 ans, soit six ans avant l'âge

25. Tômadakès (p. 45, n. 5) attribue l'hypothèse du départ de Sicile vers 828 à Da
Cosla-Louillet, pour qui cette date concerne le transfert à Thessalonique. Après avoir
admis 816 comme année de naissance de Joseph, Da Costa-Louillet (p. 817) reprend
la date de 813 fixée par Papebroch et date la fuite de Sicile des années 819-820, selon la
chronologie relative à l'invasion sarrasine établie par Loparev, p. 2.
26. Vie : Papadopoulos-K., p. 32.
27. Il est surprenant que Tômadakès (p. 46, n. 1) ne connaisse rien de plus récent que
Tafrali et Eustratiadès concernant le monastère thessalonicien.
28. V. Grumel (article cité, n. 21), p. 167, n. 4 ; notre confrère n'a pas repris ce sujet
sur lequel il promettait de s'expliquer.
29. La date de la mort placée en 878 soulèverait une difficulté du fait que Joseph
collabora pendant un certain temps avec Photius après la mort d'Ignace (23 octobre
877) ; d'autre part il composa des kontakia en l'honneur de ce dernier el des saints Nazaire,
Gervais et Protais, datés respectivement du 23 octobre 878 et du 15 octobre 880, selon
Mioni, p. 94-95, 97.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 251

canonique. Sans doute, il y a des précédents que rappelle Tômadakès. Mais ici
le silence des biographes touchant une ordination précoce donne à réfléchir.
Notre auteur pense que Jean Diacre suggère une dispense d'âge en notant que
l'appel à l'ordination émana de toute la communauté de Latomos et de l'évêque
de Thessalonique (p. 47). En outre, on peut se demander (ce que ne fait pas Tômad
akès) ce que signifie cette phrase de Jean : « II (Joseph) ne dérobe pas au temps
la dignité qui rapproche de Dieu »30, qui fait suite à deux autres où il est dit que le
saint ne brigua pas le sacerdoce et précède celle où il est question de l'insistance
de la fraternité et de l'évêque. S'agit-il d'une allusion à l'anticipation du temps
canonique (à interpréter à double sens), ou tout simplement à l'idée très haute
que Joseph se faisait d'une dignité toute céleste qu'il ne voulait pas ravir au temps
présent ? Je croirais volontiers que le diacre Jean reste étranger à ce problème des
30 ans. Car il a tout mis en œuvre pour brouiller les pistes. Délibérément il a
supprimé les trois points de repère essentiels de Théophane : entrée au monastère
à 15 ans, retraite de 5 ans à Saint-Jean-Chrysostome, mort à l'âge idéal de 70 ans.
On ne voit pas pourquoi il aurait insinué ici une dispense, alors que rien dans son
récit ne permet de soupçonner une irrégularité quelconque.
Puisqu'il date l'ordination de Joseph vers 840, Tômadakès aurait pu avancer
le nom de Léon le Mathématicien comme archevêque de Thessalonique. Le transf
ertà Constantinople en 840, le séjour d'environ un an dans la capitale avant
l'envoi à Rome (841) sont fixés par conjecture selon le curriculum vitae établi
par Van de Vorst. Tômadakès ajoute un détail inattendu : pendant ces premiers
mois de vie byzantine Joseph se serait livré à une occupation bien monastique :
le métier de copiste (p. 49). A l'appui de cette affirmation, notre auteur renvoie à
la notice que le professeur P. Chrèstou a consacrée à Joseph l'Hymnographe dans
l'encyclopédie religieuse hellénique31. On y lit en effet que la famille de Joseph s'en
fuit au Péloponnèse et plus tard à Constantinople (!) où Joseph fit œuvre de calli-
graphe. Puis Chrèstou passe à l'ambassade de 841. Ainsi on survole allègrement
des faits majeurs (entrée au monastère, séjour assez long à Thessalonique) pour
évoquer une activité de copiste dont les sources ne soufflent mot, du moins à
l'époque du premier séjour du jeune hiéromoine à Constantinople.
A propos de ces porteurs de suppliques32 qui abordèrent à Constantinople
Grégoire le Décapolite et l'engagèrent à envoyer à Rome son jeune disciple
Joseph, il aurait été intéressant de rechercher si le sicilien Méthode, ancien émiss
aire à Rome de l'iconodulie byzantine, et modérateur, à partir de 838, de la
politique religieuse de Théophile n'aurait pas été à l'origine de l'ambassade de
841 confiée à Joseph33. La capture par les Arabes au cours de la navigation vers

30. PG 105, 952^.


31. ThEET, 112-113.
32. Vie : Papadopoulos-K., p. 6e : ήκόν τίνες δεήσεις προσάγοντες.
33. Bibliotheca Sanctorum ix, 385.
252 D. βΉΕΙΙΝΟΝ

Rome est dûment mentionnée par Tômadakès. Comme Van de Vorst, il limite
à environ un an (fin 841 -fin 842) la captivité de Joseph en Crète. Ici également une
fois adoptée la chronologie susdite, on n'a pas le loisir de prolonger le temps
d'internement au sujet duquel les sources ne précisent rien34.
Un certain désaccord existe entre les historiens au sujet de la date de retour à
Constantinople35. Théophane présente l'événement d'une manière ambiguë36.
Sans s'occuper des divergences qui divisent les auteurs modernes, Tômadakès
ne doute pas que le prisonnier, libéré après le 28 janvier 842, soit rentré dans la
capitale en février 843, à la veille de la fête de l'orthodoxie (11 mars 843), (p.
51-52, 55)37.
A la suite de Van de Vorst, Tômadakès ne prolonge pas au-delà de 845 le
second séjour de Joseph à Saint-Antipas (p. 55). Or Théophane parle de χρόνοι
συχνοί38. Le P. Van de Vorst a bien compris qu'il s'agit de plusieurs années39,
en tenant compte peut-être de la date limite avancée par le P. Vailhé40. Il y a
également le souci chez ces historiens d'accorder à Joseph quelques loisirs hymno-
graphiques entre la fondation de son monastère et son exil à Cherson (858),
après la déposition du patriarche Ignace. Il me semble plus conforme au texte de
Théophane d'étendre au-delà de deux années (843-845) cette longue période de la
vie du saint et de proposer la chronologie suivante : 843-850 : claustration à Saint-

34. Notons un détail : pendant sa captivité Cretoise, Théophane aurait ramené à la saine
doctrine un évêque iconomaque, son compagnon de captivité (Vie, 6 : Papadopoulos-K.,
p. 619~22). Influencé peut-être par Da Costa-Louillet (p. 820) qui juge invraisemblable
cette conversion, Tômadakès (p. 51) parle d'un évêque sur le point d'apostasier la religion
chrétienne.
35. La date est fixée avant la fête de l'Orthodoxie : Vailhé, p. 169 ; Mioni, p. 88. Au
lendemain du 11 mars 843 : Van de Vorst, p. 151 ; vers 844 (trop tardif) par Da Costa-
Louillet, p. 821. Fr. Dvornik (La vie de saint Grégoire le Décapolite, Paris 1926, p. 26)
avait bien compris que Joseph était rentré à Constantinople pour la fête de l'Orthodoxie ;
cependant il a déclaré ensuite que Joseph revint dans la capitale seulement sous le patriar
cat d'Ignace : Fr. Dvornik, Le Schisme de Photius. Histoire et Légende, Paris 1950, p.
331. Avec raison, Tômadakès (p. 55) relève l'erreur.
36. Vie 8 : Papadopoulos-K., p. 7 ; ce paragraphe de la Vie mentionne la mort de
Théophile, la restauration des Images, la participation de Joseph à la joie commune au
retour de captivité et le décès récent de Grégoire le Décapolite.
37. Ailleurs (p. 25), Tômadakès dit aussi qu'un concile œcuménique proclama ce
jour-là la restauration des Images.
38. Vie, 9 : Papadopoulos-K., p. 728 ; cf. PG 105, 961e : χρόνον συχνόν.
39. Van de Vorst, p. 152, n. 1.
40. Vailhé, p. 169. Dans un autre article, le même auteur estime que μετά χρόνους
συχνούς nous reporte certainement au-delà de l'année 845 : S. Vailhé, Saint Jean le
Paléolaurite, ROC 9, 1904, p. 496. Tômadakès néglige l'évaluation chronologique en
disant que Joseph demeura à Saint-Antipas επί ολίγα ϊτη (p. 55, η. 3).
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 253

Antipas avec Jean ; 850 : mort de Jean41 ; enfin (μετά χρόνους συχνούς), 850-
855 : séjour près du σηκος de saint Jean Chrystome ; 855 : fondation du monast
ère.
C'est encore dans le sillage du docte bollandiste que Tômadakès étend la durée
de l'exil de Joseph à Cherson tout au long du premier patriarcat de Photius
(858-867), soit neuf années. Or ici Théophane indique un laps de temps relativ
ement plus court que celui de la claustration antérieure42. Que devient dans ce cas
l'exactitude historique de Théophane ? Certes, ce premier biographe est incontes
tablement mieux informé que son tardif et mauvais imitateur Jean Diacre. Mais
pourquoi prendre d'une part à la lettre les 70 ans des funérailles et d'autre part
avec restriction les données, imprécises sans doute, mais assez significatives, qui
se rapportent à Saint-Antipas et à Cherson ? On répliquera probablement que la
mémoire de Théophane était meilleure quant au total des années atteintes par son
maître que sur le chapitre, plus lointain, de l'exil. Toutefois, il faut rappeler que,
de son propre aveu, il s'est trouvé dès son enfance et pendant longtemps aux côtés
de Joseph. Dès lors on comprend mal qu'il ait estimé à quelques années une longue
absence de près de dix ans. Par conséquent, si Théophane mérite quelque crédit,
il faut croire que Joseph, s'il fut exilé dès la déposition d'Ignace (début de 859),
a dû revenir assez vite à Constantinople (je n'insisterai pas sur l'argument qu'on
pourrait tirer en faveur de cette hypothèse du peu d'empressement manifesté
par l'exilé face aux mesures de rappel43) ou — chose plus probable — , s'il fut
relégué à l'autre bout de la Mer Noire seulement plus tard, cela se passa peu de
temps avant le 21 avril 866, date de l'assassinat de Bardas44. Le champ reste
ouvert aux hypothèses pour expliquer ce qui, dans le contexte de la controverse
photienne, a amené l'autorité impériale à agir ainsi envers notre hymnographe.
Il importait dans cette biographie de poser la question et de proposer une solution.
Une grande part d'incertitude subsiste donc dans la chronologie de Joseph
l'Hymnographe. Ceci ne ressort pas assez de l'exposé du jeune byzantiniste
athénien.

41. Date conjecturée d'après la seule Vie par Jean Diacre dans AS, Apr. JI (3 e éd.),
p. 580. Le déménagement de Joseph, de Saint-Antipas à Saint-Jean-Chrysostome, a
peut-être quelque rapport avec la crise ouverte en juillet 847, dès l'élecvion d'Ignace
contestée par le syracusain Grégoire Asbestas. Le biographe Théophane, qui ne parle pas
non plus du patriarche Méthode, ne détermine ce déménagement qu'en relation avec
la mort de Jean l'ascète, introduite du reste très discrètement.
42. Vie, 12 (Papadopoulos-K., p. ΙΟ19) : μετά τινας χρόνους.
43. Il convient de se méfier de Jean Diacre qui fournit ce détail : PG 105, 968B.
44. L'auteur de la Vie (12 : Papadopoulos-K., p. 1013~15) dit que Joseph fut exilé à
cause des scandales suscités dans l'Eglise par Bardas. Un rappel d'exil du temps même de
Michel III et de Bardas (ou de Basile co-régent après l'élimination de Bardas) pourrait être
suggéré par la phrase peu éloignée (p. 1020~21) où il est dit que le pouvoir impérial recon
nut son erreur quelques années plus tard.
254 D. STIERNON

Joseph l'hymnographe et Grégoire le décapolite


On regrettera également que Tômadakès ne se soit pas soucié d'harmoniser les
données de la Vie de Grégoire le Décapolite avec celles de la Vie de Joseph. Il
est vrai qu'Ignace, biographe de Grégoire, passe Joseph sous silence. Dvornik
suppose que le diacre Ignace appartenait au groupe des modérés, tandis que Joseph
se rangea d'abord parmi les ignaciens intransigeants45. Tômadakès connaît bien
et cite cette explication, mais il la comprend mal, car il écrit : « Mais le fait que
Joseph l'hymnographe accepta de collaborer ensuite avec le patriarche Photius,
adversaire du patriarche Ignace, a peut-être influencé le biographe Ignace qui,
à cause de cela, a évité de mentionner Joseph dans sa biographie » (p. 48). Or,
dans l'hypothèse de Dvornik (Ignace, du parti des modérés) le silence sur Joseph
de la Vie de Grégoire s'explique du fait de l'ignorance où se trouvait cet Ignace
au sujet de la réconciliation entre Joseph et Photius (877), ignorance bien compréh
ensible, puisque le diacre Ignace écrivait avant cette date.
Cependant, même exactement reproduite, la théorie du professeur Dvornik
a-t-elle encore une certaine part de probabilité ? En d'autres termes, le biographe
du Décapolite était-il vraiment le modéré que l'on dit ? Car il importe maintenant
de tenir compte de l'étude de Mme Wolska-Conus qui remet sérieusement en
question l'identification si souvent discutée (Ignace, biographe de Grégoire =
Ignace, biographe des patriarches Taraise et Nicéphore)46 et ébranle très fortement
l'hypothèse selon laquelle le biographe de Grégoire aurait été « un des premiers
agents du cercle formé autour du patriarche Méthode en lutte acharnée contre les
Studites et leurs adhérents »47. Reste à trouver une autre explication aux prété-
ritions ignaciennes. L'absence d'informations concernant les rapports (éphémères
à Constantinople) entre Grégoire et Joseph ? C'est peu vraisemblable, compte
tenu de la présence de la sépulture de Grégoire au monastère de Joseph à l'époque
même où Ignace rédigeait sa biographie. Une obscure rivalité ? Il reste à éclaircir
le mystère.
Ce silence mis à part, quels sont les points de contact entre les deux Vies ?
Ecartons tout d'abord l'hypothèse de ce Bénédictin de Paris qui a imposé le nom
de Joseph au moine avec qui Grégoire se rendit à Rome48. Considérons encore
comme peu vraisemblable l'opinion de Mioni, simplement enregistrée par Tômad
akès (p. 48 n. 5), mais déjà formulée par Lancia Di Brolo49, selon laquelle Joseph

45. Fr. Dvornik, La vie de saint Grégoire le Décapolite, Paris 1926, p. 19.
46. Wanda Wolska-Conus, De quibusdam Ignatiis, dans TM 4, 1971, p. 329-360 ;
voir surtout p. 340-342, 359.
47. Fr. Dvornik, La vie, p. 18.
48. Vies des Saints et des Bienheureux xi (novembre), Paris 1954, p. 685 ; cette notice
relie les données des deux biographes Théophane et Jean Diacre mais de façon malad
roite. Théophane exclut un voyage combiné de Grégoire et de Joseph à l'ancienne Rome.
49. D. G. Lancia di Brolo, Storia délia Chiesa in Sicilia nei primi died secoli del
christianesimo, II, Palerme 1884, p. 294 ; Mioni, p. 95.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 255

aurait rencontré Grégoire dès son enfance sicilienne, opinion que l'hypothèse
de l'origine panormitaine de Joseph rend encore plus improbable. Arrêtons-nous
à un point commun : le voyage de Grégoire de Thessalonique à Constantinople50.
Théophane permet de dater ce voyage au plus tard de 841. Par ailleurs il donnerait
à penser que le Décapolite est demeuré à Byzance jusqu'à sa mort. Cependant le
biographe Ignace nous apprend que Grégoire s'est rendu de Constantinople au
Mont-Olympe et est ensuite rentré à Thessalonique51. Ce retour se place évidem
ment pendant que Joseph était retenu captif en Crète. C'est donc de là que Grégoire
informé du malheur survenu à son disciple, se sera soucié de venir à son secours
en rassemblant la somme nécessaire à son rachat52. Une fois libéré et au courant
du repli de Grégoire en Macédoine, Joseph s'est dirigé tout d'abord vers Thessa
lonique, croyant y retrouver son maître. Tômadakès ne tient pas compte de cette
circonstance suggérée par la vie de Grégoire. Cependant, sur la route de Crète
à Constantinople, il impose à son héros un détour par la Thessalie. Ce circuit
inattendu lui est inspiré, non par le souci de réunir Grégoire et Joseph à Thessa
lonique même, mais à cause d'une histoire de reliques dont nous reparlerons.
Revenons à la biographie d'Ignace. Elle nous apprend que le Décapolite n'a quitté
définitivement Thessalonique pour la capitale où l'appelait son oncle Siméon
(emprisonné par les iconoclastes) que vers le début de novembre 842, puisqu'il
arriva à Byzance, après une rapide navigation, le 8 de ce mois, douze jours avant
sa propre mort (20 novembre)53. Par conséquent, si vraiment Joseph est passé
par Thessalonique avant de revenir à Constantinople, c'est seulement après le
départ de Grégoire, dans le courant de novembre. A son arrivée en Macédoine,
il aura appris la nouvelle du récent départ de Grégoire pour la capitale où, malgré
sa diligence, il parvint, au dire de Théophane, après la mort de son maître. Cette
reconstitution des événements nous permet de situer le retour de Joseph sur le
Bosphore avant même la fête de l'orthodoxie.

Le monastère de joseph a Constantinople


Ε. Tômadakès fait preuve d'imagination lorsqu'il reconstitue la genèse de
l'entreprise cénobitique de Joseph à Constantinople. Après la mort de Jean l'ascète
(ancien disciple aussi de Grégoire), survenue selon lui en 845 (vers 850, d'après
moi), Joseph passa cinq ans près du σηκος de saint Jean Chrysostome. Dans ce
nouveau logis — et c'est à partir d'ici que notre auteur affabule — , Joseph aménagea
un petit atelier de copistes (p. 55). Cet endroit étant devenu trop exigu pour accueill
ir les élèves qui affluaient vers lui, très probablement pour recevoir des leçons

50. Vie 5 : Papadopoulos-K., p. 517~18 ; Fr. Dvornik, La vie, p. 63 (§ 20).


51. Fr. Dvornik, La vie, p. 6315~1β.
52. Théophane dit simplement que le paiement de la rançon fut assuré par des chrétiens
(Papadopoulos-K., p. 612). Tômadakès (p· 52) pense que Grégoire fut le principal artisan
de la libération.
53. Fr. Dvornik, La vie, p. 728"9.
256 D. STIERNON

de calligraphie, Joseph bâtit un monastère bien à lui, plus spacieux et plus confort
able.Ce phrontistèrion aurait été formé primitivement des pièces indispensables
pour l'installation de l'atelier de copistes et pour le logement de ses disciples.
Ensuite, vers 851, Jean y transféra et y ensevelit les reliques de Grégoire le Déca-
polite et de Jean... et bâtit l'église qu'il consacra à la mémoire de l'apôtre Barthé
lémyet de son maître Grégoire, transformant ainsi l'endroit en un monastère
dont lui-même assura l'higouménat (p. 56).
Voyons maintenant ce que disent les sources. Après avoir évoqué la mort de
Jean, Théophane écrit : « Déjà les moines affluaient en plus grand nombre vers
le vénérable et très saint Joseph, à cause de sa très belle et vertueuse manière de
vivre. Mais comme ils ne pouvaient fréquenter l'endroit, Joseph érigea en ce lieu
alors désert notre école de vertu54. »
De son côté, le diacre Jean présente ainsi cette tranche de vie de son héros :
« Beaucoup accouraient à lui (Joseph) pour être gouvernés et dirigés par lui avec
art τεχνικώς et pour écouter sa voix douce comme le miel. Mais l'endroit était
beaucoup trop exigu. C'est pourquoi, près de ce lieu alors tout à fait désert, il
construisit un monastère où il établit ses nombreux disciples55. »
Manifestement, comme dans l'ensemble de son panégyrique, Jean Diacre ne
possède aucun renseignement nouveau touchant la nouvelle entreprise de Joseph.
Il se contente de modifier, ici également sans trop de bonheur, le texte de Théo
phane. Rien dans le récit de ce dernier ne laisse soupçonner la fondation en deux
temps imaginée par Tômadakès. Ce sont bien des moines ou du moins dès candi
datsà la vie monastique μονάζοντες, qui se réunissent près de Joseph, attirés
par sa vertu. Pour eux, il fonde un véritable monastère, qui fut celui du biographe
Théophane56, mais auquel n'appartint pas le diacre Jean. Ce dernier, qui exagère
sans doute en parlant des nombreux moines, reste dans la note juste en attribuant
à l 'exiguïté des lieux l'impossibilité pour les disciples de Joseph de se réunir sous
sa houlette. Ce sont sans doute des termes comme φροντιστήριον, μαθητού
et l'emploi de l'adverbe τεχνικώς, dont nous avons parlé, qui trompent Tômad
akès et le conduisent à émettre l'hypothèse aventureuse d'une fondation préalable
d'école de copistes. Car, d'après le contexte, cet adverbe n'a pas le sens technique
que lui prête notre auteur en référence à l'art de la calligraphie et de la poésie
ecclésiastique. Il désigne tout simplement l'habileté avec laquelle Joseph dirigeait
ses novices.

54. Vie, 9 : Papadopoulos-K., p. 732-84 ; l'édition porte συνεΐναι τφ τόπω, où le verbe


est peut-être συνιέναι, mais le sens revient au même : il n'y avait pas de local pour des
moines.
55. PG 195, 961 CD ; à corriger le mot πάνσθενον en πάνστενον.
56. Il emploie équivalemment les deux expressions τό καθ' ήμας της άρετης φρον-
τιστήριον et ή καθ' ήμας μονή : Vie, 9 : Papadopoulos-K., p. 730, 83~4. Jean Diacre
qualifie de même Ιερόν φροντιστήριον le monastère du Latomos à Thessalonique : PG 105,
945*.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 257

Préoccupé sans doute de concéder quelque chose à ses doctes devanciers grecs
dont il récuse l'hypothèse du caractère sicilien de la fondation joséphite, Tômada-
kès a donc commis la double erreur de traiter Jean Diacre comme une source
indépendante et, par une interprétation abusive de ce texte, d'y découvrir une
étape inédite de l'institution communautaire inaugurée par l'Hymnographe,
antérieure à l'œuvre dont parle Théophane. Or, celui-ci, seul témoin valable,
est clair : c'est bien un monastère que Joseph a fondé, dès le lendemain de la mort
de Jean, son compagnon d'ascétisme.
Ceci n'exclut pas l'hypothèse d'un atelier de copistes et d'un conservatoire de
musique sacrée incorporés plus tard à la fondation de Joseph. La formation
codicologique du jeune moine thessalonicien57, son activité ultérieure dans la
capitale rendent moins gratuite une telle conjecture, bien qu'il soit difficile de
déduire du texte que cite Tômadakès (p. 59) que les productions hymnographiques
de Joseph aient été copiées de son vivant dans l'atelier de son monastère58. Du reste,
si le diacre Jean et mieux encore Théophane avaient vraiment voulu faire connaître
l'orientation première de la collectivité dirigée par l'Hymnographe, on ne voit
pas pourquoi ils auraient été moins explicites que les biographes de Théodore
Stoudite à l'égard du Stoudios59, bien connus sans doute des sources joséphites.

Reliques de saint Barthélémy et son église

Une petite phrase anodine de Théophane suggère à Tômadakès de faire rentrer


par la Thessalie l'ex-prisonnier des Arabes. Voici ce qu'il écrit : « De Crète Joseph
passa (διεπεραιώθη εις ) en Grèce continentale et de là se dirigea vers Constanti
nople. C'est alors qu'il traversait (διερχόμενος) la Thessalie qu'il prit avec lui
les reliques du saint apôtre Barthélémy que lui avait données un moine, et en
l'honneur duquel (et de Grégoire le Décapolite) il construisit ensuite une église à
Constantinople» (p. 54).
Voyons maintenant comment Théophane présente cet épisode. Après avoir évo
qué le lustre agréablement passé au sèkos du Chrysostome et, près de là, la cons
truction d'un monastère et le transfert en ce nouveau domaine des restes de Gré
goire le Décapolite et de Jean, Théophane enchaîne : « Ensuite, l'admirable Joseph
qui, autrefois, lorsqu'il résidait dans le territoire de la Thessalie, avait reçu d'un
homme très saint et très distingué les très sacrées et divines reliques du grand
apôtre Barthélémy — reliques répandant un étrange parfum et tout éblouissantes

57. Encore, ce n'est pas Jean Diacre, mais Théophane qui insinue cette activité en
rappelant que Joseph, à Thessalonique, transcrivait la sainte Ecriture (Vie, 3 : Papado-
poulos-K., p. 44) ; ce qui a été transposé dans Syn. CP (Delehaye, 58138) : έργόχειρος
καλλιγραφία.
58. Vie, 9 : Papadopoulos-K., p. δ"-2«.
59. PG 99, 273e (Vie de Théodore, par Michel).
258 D. STIERNON

de miracles —, construisit avec sa propre communauté une église à celui-ci (Barthé


lémy) et aussi à l'illustre Grégoire60. »
Théophane fait ici un retour en arrière : l'adverbe πάλαι indique qu'un certain
temps s'est passé, assez long sans doute, depuis la réception de ces reliques. Est
imant cette séquence déplacée, Loparev pensait que déjà en Sicile Joseph avait pu
recevoir une petite partie des reliques de l'apôtre alors vénérées à Lipari61. Mais
Théophane dit bien que le don remonte à l'époque où Joseph séjournait en terri
toire thessalien. A ce propos, Tômadakès commet une double erreur d'interpré
tation : il parle d'une traversée au lieu d'un séjour prolongé et il prend la Thessalie
dont il est question pour le territoire classique compris entre le Pinde et le mont
Ossa. Cette délimitation n'est pas exprimée par lui en toutes lettres, mais elle
existe dans son esprit. Il se demande alors à quelle occasion Joseph a pu parcourir
la Grèce continentale et il ne trouve rien de mieux que de placer ce circuit au
retour de la captivité Cretoise, imaginant, je pense, que son héros a débarqué
quelque part dans le sud de l'Epire pour se diriger vers Constantinople par monts
et par vaux.
Le plus simple n'est-il pas de penser que Théophane n'avait ici rien d'autre
en vue que le territoire de Thessalonique ? Plus haut il avait bien parlé de cette
ville comme étant la capitale de la Thessalie62 et c'est dans ce sens que les synaxa-
ristes ont compris le passage en question63. Dès lors, il est plus normal de croire
que la réception des reliques de l'apôtre date des années où Joseph était moine à
Thessalonique. Le transfert de Barthélémy de Lipari à Bénévent (839) a pu avoir
des retombées en Macédoine. Joseph (ou Grégoire lui-même, qui les aurait trans
mises à son disciple) a pu recevoir ces reliques à titre d 'eulogies, lors de son départ
pour Constantinople. Elles étaient, bien sûr, assez discrètes pour ne pas causer
d'ennuis aux voyageurs à la merci des derniers remous iconoclastes.
Laissons à M. Tômadakès la liberté de prendre pour un moine le pieux notable
de qui Joseph reçut la précieuse relique et félicitons-le d'avoir bien compris que
l'église bâtie par l'Hymnographe ne se trouvait pas ailleurs qu'à Constantinople.
Sur ce point Théophane a toute la clarté requise. Suivant sa mauvaise habitude
Jean Diacre a quelques peu escamoté ce passage64, cependant retenu par certains

60. Vie, 9 : Papadopoulos-K., p. 88~13 ; nous relevons l'expression πάλαι τοις Θεττα-
λικοΐς ένδιατρίβων όρίοις, qui indique le séjour de Joseph à Thessalonique.
61. Loparev, p. 4.
62. Vie, 3 : Papadopoulos-K., p. 310 ; un grec devrait être averti de la fréquence de
l'expression.
63. Syn. CP : Delehaye, 58214 ; PG 105, 932^. Mais la suppression de πάλαι dans ces
résumés peut faire croire que Joseph reçut ces reliques à son passage à Thessalonique,
au retour de captivhé (842) ; ce bref séjour hypothétique ne peut être signifié par ένδιατρί
βων dans Théophane (voir note 60).
64. PG 105, 964^ : suppression de Grégoire comme co-titulaire de l'église ; Syn. CP
(Delehaye, 58224) : André au lieu de Barthélémy, dans le Synaxaire Sirmondianus.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 259

synaxaristes qui ont modifié légèrement la formule65. C'est pour avoir mal saisi
cette dernière que Ducange devait hésiter à situer l'église Saint-Barthélémy dans
la capitale byzantine66. Il est responsable de l'erreur commise par plusieurs byzan-
tinistes modernes, dont Mme Da Costa-Louillet67 et le P. Janin68, qui placent
cette église à Thessalonique ou en Thessalie.
La conclusion certaine du témoignage de Théophane, par lequel doivent s'in
terpréter les lieux parallèles69, est que Joseph, avec le concours de ses moines,
édifia l'église monastique dédiée conjointement à l'apôtre Barthélémy et à saint
Grégoire le Décapolite. De plus, il n'est pas interdit du supposer qu'un monastère
Grégoriou non identifié70 corresponde à cette fondation.

Joseph skévophylax et le double enkômion de s. Barthélémy

Des reliques de l'apôtre passons tout naturellement à l'auteur de deux éloges


de saint Barthélémy encore inédits en grec : BHG 232, 232 b. N'insistons pas sur
le lapsus de Tômadakès quand il renvoie à ce précieux instrument de travail
(p. 95). La tradition manuscrite attribue ces écrits à Joseph, moine, prêtre et
skévophylax de la Grande Eglise71. Notre auteur ne doute pas un seul instant
qu'il s'agit de l'Hymnographe. Pour chacun des panégyriques il propose même une
date : le premier aurait été composé pour la Saint-Barthélémy (11 juin) de l'année

65. Syn. CP (Delehaye, 582s2 = synaxaire D : ναόν έπ' ονόματι τούτου (Βαρθο
λομαίου ) συνάμα τφ κλεινφ Γρηγορίφ έδείματο. Pour saisir le vrai sens il faut recourir
au texte de la Vie (Papadopoulos-K., p. 821) : ναόν τε τούτφ (Βαρθολομαίφ ) σύν τφ
κλεινφ Γρηγορίφ τη ιδία ποίμνη συνεδείματο ; le Synaxaire, isolé, laisserait croire que
Joseph a bâti l'église avec Grégoire, non pour Barthélémy et Grégoire associés.
66. Constantinopolis Christiana rv, 5, n° 8, Venise 1729, p. 76. Comprenant que Joseph
avait construit cette église avec Grégoire, Ducange ne pouvait guère situer l'entreprise
à Constantinople.
67. Da Costa-Louillet, p. 821. Celle-ci prête à Théophane une donnée inexacte
(construction de l'église en Thessalie) et à Loparev l'idée saugrenue que Joseph aurait
bâti l'église au Péloponnèse, avant l'âge de 15 ans. Loparev affirme clairement (p. 3)
que Joseph construisit l'église Saint-Barthélémy en Thessalie, puis il se réfère à Amari
(Storia dei Musulmani di Sicilia I, Catane, 1933, p. 645) qui suppose un voyage-éclair de
Joseph en Thessalie, après le retour de captivité à Constantinople, pour la fondation
d'un monastère Saint-Barthélémy.
68. R. Janin, Eglises et Monastères*, Paris 1969, p. 57.
69. On ne sait pourquoi les auteurs ont négligé l'interprétation juste de Van de Vorst,
p. 152.
70. R. Janin, op. cit., p. 81.
71. Titulature attestée dans le Paris, gr. 1219 (f. 1), un manuscrit du xie siècle d'origine
stoudite. Joseph est moine et skévophylax dans le Vatican, gr. 984 (palimpseste, ixe-xe s.),
ou bien humble et minime (Vatican, gr. 1667 et 655 : Xe et xvne s.). J'ignore où ces textes
sont attribués à Joseph hiérodiacre et skévophylax, comme le dit, après Krumbacher-
Ehrhard, H. G. Beck, Kirche, p. 505.
260 D. STIERNON

851 ; le second, « après la fête de la translation » (de Lipari à Bénévent), vers


855-858. Notons que seul ce dernier mentionne le transfert.
Les rapports dévotionnels de Joseph FHymnographe avec le saint apôtre sont
trop évidents pour qu'on hésite à confirmer cette attribution. Cependant le pro
blème mérite d'être posé à nouveau depuis la découverte et l'édition de la version
géorgienne d'une Vie d'un ascète Jean, d'abord ermite, puis moine et higoumène
à Constantinople, composée par Joseph, le moine, gardien des vases72. Tômadakès
ne mentionne nulle part cette Vie que l'éditeur avait pourtant versé sans ambages
au compte de l'Hymnographe. On aurait aimé savoir ce qu'il pense d'une attr
ibution toute spontanée qui fait pourtant problème. En effet, K. Kekelidzé aurait
dû se demander s'il est vraiment possible que Joseph l'Hymnographe (qu'il fait
mourir en 883 comme tous ceux qui suivent encore le P. Papebroch) ait écrit la
vie d'un personnage qui paraît avoir vécu bien au-delà de cette date. Car, si je
comprends bien le résumé historique donné par réditeur en question, Jean,
d'abord berger et anachorète dans ses montages natales (thème des Bucellaires),
est venu à Constantinople sous l'empereur Basile Ier (867-886), où il se fit moine.
Le même basileus le nomma higoumène du monastère des Saints-Serge — et —
Bacchus, où Jean demeura de nombreuses années avant d'être transféré, toujours
comme higoumène, au monastère de Saint-Diomède où il mourut dans une
extrême vieillesse. En outre, le biographe Joseph dit avoir vécu avec ce Jean de
nombreuses années, apparemment à Constantinople, avant que Basile ne l'invest
ît de l'higouménat ; et, après cette nomination, chaque année Jean continua de
rendre visite à Joseph. On a donc l'impression que les carrières évoquées dans
cette Vie débordent largement les deux petites décades (867-886) au cours desquels
l'Hymnographe aurait pu connaître ce Jean et tisser son éloge.
A moins de récuser l'exactitude de l'intitulé géorgien et des suscriptions pourtant
très anciennes, on doit en conséquence supposer l'existence, à la fin du IXe ou
au début du Xe siècle, d'un Joseph, hiéromoine et skévophylax de Sainte-Sophie,
distinct de Joseph l'Hymnographe et auteur de deux panégyriques de saint Barthé
lémyet d'une Vie de saint Jean l'Ascète. L'invraisemblable risque parfois d'être
vrai.

Jean l'ascète
Le problème se complique d'une analogie de surcroît. Car le disciple de Grégoire
le Décapolite et de Joseph l'Hymnographe s'appelait Jean également et a laissé
une réputation d'ascète. A son sujet nous en savons trop peu pour satisfaire notre
curiosité mais assez pour constater que chronologiquement les deux vies ne se
recoupent pas. Jean reclus de Saint-Antipas est mort vers 850 (au plus tôt en 845,

72. K. Kekelidzé, Etudes sur Vancienne littérature géorgienne (en géorgien) vra,
Tiflis 1955, p. 244-250 ; nous suivons ici l'article plus accessible du même auteur dans
Bedi Kartlisa. Revue de Kartvélologie 19-20 (48-49), 1965, p. 61-68.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 261

selon les calculs de Van de Vorst), c'est-à-dire à une époque où l'autre Jean n'était
pas encore descendu de ses montagnes pour s'établir dans la capitale.
En outre, ne concordent pas les commémoraisons liturgiques des deux Jean.
La mémoire du disciple du Décapolite (et de notre Joseph) est inscrite au 19 ou
au 18 avril73. A la suite de Fr. Dvornik74, Tômadakès fait remarquer sans plus
que la seconde partie de la notice du synaxaire ne correspond pas aux enseignements
fournis par Théophane (p. 55, n. 4). Ces auteurs n'ont pas vu que cette notice
a été contaminée par celle de saint Jean le Paléolaurite75.
Quant au Jean qui mourut higoumène de Saint-Diomède, le titre de la Vie
donne la date du 26 mars76 tandis que, dans le récit lui-même, la mort du saint
est datée du 15 mars77. Au 26 mars, le P. Halkin a relevé dans un menée, la commé-
moraison d'un Jean, archevêque de Jérusalem qu'il identifie à bon droit avec
l'higoumène susdit78. Au 15 mars (éventuellement le 16 ou le 17) plusieurs syna-
xaires commémorent un saint Jean à Rouphinianes79, dont on n'a pas retrouvé de
notice. On a posé la question si ce personnage avait vécu avant ou après le VIe-
VIIe siècle (sac des Rouphinianes par les barbares)80. Discrètement Mlle E. Fol-
lieri81 rapproche ce Jean des Rouphinianes de Jean l'ascète commémoré au 15
mars précisément82. Reste à expliquer pourquoi l'higoumène de Saint-Diomède,
qui méritait bien d'être dénommé l'ascète, a été mis en relation avec un sanc
tuaire de la banlieue de Constantinople immortalisé par Rufus. Avec beaucoup
de circonspection je proposerais de chercher du côté de cette église dédiée aux
martyrs Serge et Bacchus dans ce quartier de la rive européenne du Bosphore83.
Le corps de Jean a peut-être été déposé aux Rouphinianes, à l'endroit où, plus
longuement qu'à Saint-Diomède, il aurait rempli la charge d'higoumène. Conjec-

73. Syn. CP : Delehaye, 6157~8 ; 611-6121»-44, 61357.


74. La vie de saint Grégoire le Décapolite, p. 27.
75. S. Vailhé, Saint Jean le Paléolaurite, ROC 9, 1904, p. 491-498 ; Bibliotheca
Sanctorum vi, 862 (notice de J.-M. Sauget).
76. Κ. Kekelidzé, op. cit., p. 269.
77. Idem, p. 260 ; G. Garitte, Le Calendrier palestino-géorgien du Sinaiticus 34, Brux
elles 1958, p. 235.
78. F. Halkin, Un énigmatique saint Jean de Jérusalem : AB 86, 1968, p. 38.
79. Syn. CP : Delehaye, 538-53920-24, 543-5444(J-47· ».
80. J. Pargoire. Les débuts du monachisme à Constantinople, Revue des questions
historiques 56, 1899, p. 68.
81. Henrica Follieri, Initia hymnorum Ecclesiae graecae, V, 2, p. 169 et 175.
82. M. Arranz, Le Typicon du monastère du Saint-Sauveur à Messine {OCA 185),
Rome 1969, p. 146 ; ce saint est commémoré aussi sous le nom de Jean hésychaste :
EPh 48, 1949, p. 352.
83. J. Mateos, Le Typicon de la Grande Eglise (OCA 165), Rome 1962, p. 29827~28 ;
cette commémoraison suggère l'existence d'une église (monastique ?) dédiée aux mart
yrs syriens, non attestée ailleurs.
262 D. STCERNON

ture émise à tout hasard. Comme aussi celle qui voudrait expliquer par la commé-
moraison d'un Jean l'ascète dans un hypothétique sanctuaire suburbain dédié aux
saints susdits, l'erreur commise par Jean Diacre, le deuxième biographe de Joseph,
quand il situe à Saints-Serge-et-Bacchus (au lieu de Saint-Antipas) la première et
courte résidence de Grégoire le Décapolite et de notre hymnographe84.
Quoi qu'il en soit, la mémoire de Jean l'ascète a laissé dans les livres liturgiques
byzantins d'autres traces que la simple inscription du nom, et précisément au
15 mars. Eustratiadès a relevé les stichères de l'hespèrinos85 contenus dans les
Paris, gr. 341 et 1575. D'après les deux stichères édités, on peut comprendre que
ce Jean l'ascète s'est crucifié au monde en vivant retiré dans les montagnes inac
cessibles où il s'est distingué comme berger. Il s'agit précisément du genre de vie
anachorétique et pastoral que, selon la Vie géorgienne écrite par Joseph skévo-
phylax, Jean aurait mené dans sa patrie avant de venir à Constantinople. Mais si
ce Jean est mort à une époque trop tardive pour avoir pu être chanté par Joseph
l'Hymnographe, il faudrait attribuer à cet autre Joseph le canon en l'honneur
de Jean l'ascète que M. Tômadakès met tout naturellement au compte de son
auteur (p. 149).
La littérature byzantine présente plusieurs cas d'homonymies posant de difficiles
problèmes d'attribution. Ici le dédoublement est porté à son comble, car il sup
pose l'existence, à une époque presque identique et à Constantinople, de deux
Joseph, dotés du même titre et des mêmes fonctions de skévophylax et d 'hymnog
raphe. L'unique moyen d'échapper à cette invraisemblance est de croire qu'en
parlant de longues années à propos de l'ascète et higoumène Jean, Joseph indique
en fait une période assez courte, tout aussi courte que les χρόνοι συχνοί passés
par Joseph et Jean (l'autre ascète) à Saint-Antipas, ce long temps que l'interpré
tation courante, depuis le P. Van de Vorst, n'a pas de peine à réduire à deux sim
ples années.
Ces énigmes historiques pourraient retenir plus longuement l'attention de E.
Tômadakès et éprouver sa sagacité.

Skévophylax : joseph et théognoste

Un autre point non éclairci par Tômadakès concerne la charge de skévophylax


remplie par Joseph. Celle-ci est attestée par Théophane dès le titre de la biogra
phie : Vie de Joseph V Hymnographe, d'abord moine et prêtre, promu ensuite par
Basile à la fonction de gardien des précieux vases sacrés de la grande Eglise de Dieu86.
Au paragraphe 12, l'hagiographe note que, sur l'insistance des empereurs, Joseph
accepta cette fonction qu'il exerça sous le patriarche Ignace et vraisemblablement

84. PG 105, 953^.


85. EPh4$, 1949, p. 367.
86. Vie (titre) : Papadopoulos-K., p. I3-5.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 263

sous Photius87. On pense généralement que Joseph, investi du skévophylacat dès


le second patriarcat d'Ignace (novembre 867) le conserva jusqu'à sa mort (avril
886). C'est pourquoi Tômadakès (p. 70) n'éprouve aucune peine à accepter l'iden
tification communément admise qui voit Joseph l'Hymnographe dans le Joseph
vasorum custode du Liber Pontificalis chargé d'escorter, le 25 septembre 869, de la
Porte Dorée au palais d'Irène, les légats envoyés par le pape Adrien II pour
présider le concile œcuménique antiphotien88.
Or, un problème se pose auquel notre auteur n'a pas prêté attention. A la même
époque, la charge de skévophylax était occupée par Théognoste, le fameux exarque
ignacien89.
Dans sa lettre à Adrien II, vraisemblablement de l'été 871 90, l'empereur Basile
le macédonien recommandait au pape le légat Théognoste : Deo amabilis hegu-
menus superlaudabilis Dei Matris Peges et vasorum custos Magnae Ecclesiae. De
même, l'épître concomitante du patriarche Ignace désigne le messager chargé
de plaider à Rome la cause byzantine : intimum filium nostrum reverendissimum
abbatem Fonds et scevophylaca Magnae Ecclesiae dominum Teognostum91.
Généralement on pense que Théognoste fut revêtu de la double dignité d'hi-
goumène du monastère de Pègè et de skévophylax de Sainte-Sophie aussitôt après
son retour de Rome (868), en récompense des services rendus là-bas depuis 862-
863 à la cause d'Ignace92. Si elle est exacte, l'information de la Vita Hadriani où
Théognoste figure, en septembre 869, avec la qualité d'higoumène patriarcal93 (et
non de skévophylax, fonction remplie alors, nous l'avons vu, par notre Joseph),
oblige à retarder au moins jusqu'à cette date l'accès de Théognoste au skévophy-

87. Ibidem : p. 1022~25. Si le pluriel est à prendre au sens strict pour les empereurs,
la nomination ne serait pas antérieure à janvier 869, date à laquelle Basile associa au
trône son fils Constantin.
88. La Vita Hadriani insérée dans le Liber Pontificalis (Duchesne, II, Paris 1892, p. 180)
donne la date erronée du dimanche 15 septembre, reçue par Tômadakès (p. 71). Pour la
rectification, voir l'édition citée de Duchesne, p. 188, notes 32 et 35 ; Hefele-Leclercq,
Histoire des Conciles, iv, Paris 1911, p. 481, n. 3.
89. Grumel, Regestes, n° 451 : Théognoste reçoit un mandat de surveillance sur les
monastères stravropégiaques de plusieurs provinces, pendant le premier patriarcat
d'Ignace (847-858).
90. Date fixée d'après celle de la réponse du pape, signée le 10 novembre : Jaffé,
Regesta, n° 2943.
91. Mansi 16, 203e, 204£ ; lettres conservées seulement dans la version latine d'Anas-
tase Bibliothécaire : Grumel, Regestes, n° 504.
92. M. Jugie, La vie et les œuvres du moine Théognoste (ixe siècle) : Bessarione 34,
1918, p. 167 ; Idem, dans DTC 15, 338.
93. Liber Pontificalis : Duchesne, II, p. 18011.
264 D.

lacat94. Par ailleurs, il faut supposer qu'entre septembre 869 et l'été 871, Joseph
l'Hymnographe ne remplit plus cette charge. La récupéra-t-il après la mission de
Théognoste à la cour pontificale ? C'est vraisemblable, surtout si l'on considère
que l'abbé de la Source a très bien pu rester à Rome. Tômadakès est invité à
jeter un œil perspicace sur cette curieuse interférence.

Œuvre
Probablement le jeune talent de notre auteur répugne à s'empêtrer dans de telles
minuties biographiques. Pour lui l'essentiel est d'avoir dressé, au grand bénéfice
de tous, un inventaire aussi complet que possible des compositions hymnographi-
ques de Joseph le sicilien. En contre-partie des vifs éloges qu'il mérite pour ce
patient travail je n'ajouterai que de brèves remarques, laissant à d'autres, plus
qualifiés, le soin de passer au crible ces 466 numéros.
Joseph Hymnographe et Joseph Stoudite. En gros, les critères permettant de
départager, au plan hymnographique, les deux Joseph étaient assez bien établis
par les travaux antérieurs. L'apport très positif d'E. Tômadakès consiste à les
confirmer et à préciser maints détails intéressants. Evidemment le dernier mot
n'a pas encore été prononcé en la matière. Malgré un louable effort méthodique, la
démonstration en treize points (p. 89-90) ne me semble pas avoir toute la netteté
désirable. L'auteur avoue lui-même évoluer au niveau des conjectures. Nulle part
du reste on ne le voit pousser à fond cette recherche axée essentiellement sur les
données techniques, stylistiques et métrico-mélurgiques qui auraient quelque
chance de produire des résultats plus satisfaisants95. Les indications trop sommaires
des pages 93-94 risquent de laisser sur leur faim bien des spécialistes96. Dans ces
conditions, rien d'étonnant que, pour un certain nombre de canons, la ques
tion d'attribution reste pendante. L'auteur aurait encore mieux rendu compte
de ces hésitations s'il avait soigné sa table onomastique où, au mot Joseph Stoud
ite, je ne vois pas marquées les pages 142, n. 4, p. 152, p. 173 (par exemple).
Il n'eût pas été inutile de noter brièvement la raison pour laquelle tel canon
appartient plutôt à Joseph l'Hymnographe qu'au Stoudite. Ainsi, pour le n. 219
(p. 152 où l'on corrigera n. 3 le renvoi à Van de Vorst p. 38) édité en latin sous le
nom de ce dernier, le climat d'iconoclasme triomphant qu'il trahit favorise l'Hym
nographe. Par contre, le canon (p. 200 et note 4) pour le dimanche de Fapokréô
sur la Parousie (Inc. Χαίρει χορός των σών αγίων) est inscrit au compte de

94. On voit mal Théognoste, en fonction dès l'automne 868, perdre la charge au
profit de Joseph après janvier 869 et la récupérer après septembre de la même année.
Il y a peut-être confusion entre skévophylax de la Grande Eglise et skévophylax d'un
autre grand établissement.
95. Voir les remarques de Enrica Follieri, dans Byz. 33, 1963, p. 73.
96. Le livre de E. Tômadakès n'apporte rien aux théologiens ni aux historiens de la
spiritualité.
LA VIE ET L'ŒUVRE DE S. JOSEPH L'HYMNOGRAPHE 265

celui-ci sur la seule autorité de I. Karabinov, Postanja Triodj, (St Pétersbourg


1910, p. 154), qui ne prouve rien. L'auteur n'ignore pas qu'Emereau et Eustra-
tiadès l'attribuent à Joseph Stoudite. En faveur de celui-ci témoigne le Vindobon.
theol. gr. 290, du XIe s. Il eût été de bonne guerre de le signaler. Le doute s'impose
lorsque le seul indice est le nom de Joseph dans l'acrostiche. Mais, sauf évidente
contre-indication, la tradition manuscrite a son poids, surtout quand il s'agit,
comme dans le cas, d'un canon qui n'avantage pas spécialement l'Hymnographe,
lequel reste le grand aède du sanctoral.
Toujours à propos de ce canon, ajoutons au bénéfice de Tômadakès que cet
auteur a eu le bonheur de le découvrir édité depuis bien longtemps (on le cite
toujours comme inédit et son incipit ne figure pas dans les Initia de Mlle Follieri),
dans l'édition (Rome, ou Grottaferrata ?) du Triodion de 1738 (p. 200, n. 4 de
Tômadakès).
Avant de quitter Joseph de Thessalonique, relevons une note suggestive de
l'auteur, qui risque de passer inaperçue. Pour expliquer les bévues du diacre Jean,
E. Tômadakès estime très probable que le biographe de Joseph l'Hymnographe
disposait d'une Vie de Joseph Stoudite, source de confusions entre les deux per
sonnages (p. 52, n. 2, p. 53). A cela je ferais remarquer qu'en général les Vies des
saints byzantins ont laissé des traces dans les synaxaires. Il y aurait lieu d'examiner
si c'est le cas pour la notice de Joseph de Thessalonique, pratiquement limitée à la
persécution de Théophile. Au premier abord je présume que cette Vie, si elle a
jamais existé, devait être, du point de vue historique, d'une belle indigence.
Enfin, l'auteur a noté la présence, dans le Vallicell. Ε 55, f. 49-51v, d'un canon
inédit en l'honneur de Joseph de Stoudios par un moine de ce monastère, dont il
publie le kathisme qui suit la 3e ode (p. 83, n. 1).

Varia. En ce qui concerne le canon n° 249 (p. 158) à saint Janvier, il fallait savoir
qu'une recension différente se trouve dans le Cryptoferrat. Δ-α-VIII (début du
XIIe siècle). Mgr Mallardo, grâce à l'aide de dom Minisci, a publié les trois tro-
paires divergents et montré l'intérêt de ces stichères pour la tradition des acta
du thaumaturge napolitain (D. Mallardo, S. Gennaro nell'innografia greca,
Ephemerides liturgicae 62, 1948, p. 354-362).
La récente édition par Mlle Denise Papachryssanthou de l'office ancien de Pierre
l'Athonite dans les Anal. boll. 88, 1970, p. 27-41 (n° 299 du catalogue de Tômad
akès) pose un problème que je ne vois pas soulevé par ce dernier : loin de se
contenter de composer des canons, Joseph l'Hymnographe n'est-il pas aussi
l'auteur d'acolouthies sous la forme toute simple qu'elles avaient au IXe siècle ?
M. Tômadakès a consulté les manuscrits romains. Quelques erreurs se sont
glissées dans son inventaire que me signale aimablement Mgr Paul Canart, scriptor
de la bibliothèque vaticane :
P. 128, n° 103 : canon, déclaré inédit, pour la fête de la Présentation de la Théo-
tokos et qui se trouve effectivement dans le Vatican, gr. 1508, f. 141M46. C'est le

19
266 D. βΉΕΙΙΝΟΝ

même que celui publié dans MR II, 223-234 sous le nom de Georges l'Hymno-
graphe ; à la place de la 9e ode figure celle du canon n. 99 (p. 127).
P. 203, n. 466*. Dans le Vatican, gr. 1853, f. 3Γ-36ν se trouve la 2e ode, contrai
rement à ce qu'affirme l'auteur.
P. 144, n. 2. Ajouter que la 2e ode, transmise par le Vatican, gr. 2008, f. 54 a été
éditée par Papadopoulos-Kérameus dans EA 21, 1901, p. 468.
En remerciant Mgr Canart je tiens à préciser que ce savant donnera des indi
cations plus complètes et plus pertinentes à ce sujet dans la description des manusc
ritsintéressés.
Le séjour à Rome de M. Eutychios Tômadakès n'a pas été inutile pour autant.
Nul ne s'étonnera que dans la riche moisson amassée par lui quelques épis
aient été oubliés parmi les éteules. Ces oublis ne sont même pas des péchés de
jeunesse, mais le simple tribut payé par un chacun à l'humaine nature, de quoi
permettre à la critique de glaner des broutilles.

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