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FINANCE INTERNATIONALE
Edouard Tétreau
déshabille le mythe
Il aurait pu rester un analyste anonyme du Crédit Lyonnais. Mais sa note du 16 mars 2000
conseillant de vendre les valeurs internet quelques jours avant l’explosion de la bulle l’a
propulsé sur le devant de la scène. Chouchou des médias parisiens pour ses prises de position
à contre-courant, Edouard Tétreau a été le premier à évoquer le débarquement de Jean-Marie
Messier de la présidence de Vivendi Universal. Des faits d’arme qu’il raconte, avec bien
d’autres expériences édifiantes, dans un ouvrage décapant qui nous entraîne «au cœur de la
folie financière». Interview.
pressions commerciales. Et à la
Propos recueillis par fois, pour vendre du papier ou
Olivier VACHERAND des commissions de courtage,
on est tenté d’aller vers le plus
spectaculaire. Les eaux tièdes et
Banque&Finance: Vous venez de les trains qui arrivent à l’heure
publier Analyste, au cœur de la n’intéressent personne.
folie financière, à qui s’adresse
votre livre? B&F: Peut-on dès lors faire
EDOUARD TÉTREAU: J’ai voulu confiance aux analystes?
m’adresser à un public le plus E.D.: Ce n’est pas parce que cer-
large possible. Mon ambition est tains investisseurs institutionnels
d’expliquer avec une certaine sont zappeurs, suiveurs, «cour-
légèreté et des mots simples ce termistes» et demandent aux ana-
théâtre de la finance qui est sou- lystes d’écrire n’importe quoi
vent drôle, parfois tragique. J’ai et aux entreprises de faire n’im-
voulu montrer comment fonc- porte quoi, qu’il faut condamner
tionnent ces grands profession-
«J’ai compris mon métier le jour de les analystes. «Prenez vos profits
nels qui font souvent penser aux mon premier morning meeting. avant le e-krach.» Voilà ce que j’ai
médecins de Molière se présen- écrit le 16 mars 2000 (NDRL:
tant avec des diplômes, cultivant Peu importait que le produit, quelques jours avant l’éclate-
leurs jargons et adoptant des ment de la bulle internet). A la
codes vestimentaires pour se
l’opinion, soit bonne ou mauvaise, société de bourse du Crédit
rendre inaccessibles. Et c’est à il fallait qu’elle se vende» Lyonnais de l’époque, dirigé par
ce genre de personnages qu’on Jean Peyrelevade, j’avais une
est presque obligé de confier, vraie liberté d’investigation et de
non pas notre santé, mais notre plume qui m’a permis de faire
argent. En fin de compte, on naliste, avez-vous raté votre c’était un vrai compliment. Nos écouter une différence.
s’aperçoit qu’ils sont des êtres vocation? deux professions sont assez
humains assez normaux: il leur E.D.: C’est le reproche que l’on proches dans leurs objectifs et B&F: Comment reconnaît-on un
arrive donc de faire des erreurs, me faisait souvent lorsque j’écri- dans leurs méthodes. L’un avec bon analyste financier?
de n’être pas toujours coura- vais mes notes sur Vivendi sa plume, l’autre avec sa calcu- E.D.: Ce n’est pas facile car ce ne
geux, ni raisonnables. Universal, TF1 ou Lagardère. On lette, il s’agit de repérer les dys- sont pas toujours ceux qui crient
croyait m’insulter en me disant fonctionnements. Pour exercer le plus fort qui sont les meilleurs.
B&F: Vous faites référence à plu- que mes notes étaient des ces métiers, il est nécessaire de En outre, si on est trop pondéré
sieurs reprises au métier de jour- articles de journaliste. Pour moi, garder une liberté vis-à-vis des dans ce métier, on n’existe pas.