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MONDIALISATION
Selon ce que j'appelle " l'histoire officielle du capitalisme ", et qui nourrit le débat sur le développement et la mondialisation, le
monde s'est développé au cours des derniers siècles de la façon suivante.
• A partir du XVIIIe siècle, on assiste à la réussite industrielle du " laisser-faire ". La Grande-Bretagne prouve la supériorité de
l'économie de marché et du libre-échange en devançant la France, dirigiste, son principal concurrent à l'époque, et en
s'instituant comme le pouvoir économique mondial suprême. Une fois qu'elle eut abandonné la déplorable protection de son
agriculture (la loi sur les blés) et les autres reliquats de mesures protectionnistes mercantilistes en 1846, elle fut en mesure de
jouer le rôle d'architecte et de puissance tutélaire d'un nouvel ordre économique mondial " libéral ". Cet ordre mondial, mis
au point vers 1870, était fondé sur une politique industrielle interne de " laisser-faire ", de faibles barrières pour les flux de
marchandises, de capitaux et de main-d'oeuvre, et sur la stabilité macroéconomique, à la fois nationale et internationale,
garantie par l'étalon-or et par le principe de l'équilibre budgétaire. Il s'ensuivit une période de prospérité sans précédent.
• Malheureusement, si l'on en croit cette histoire, les choses se sont gâtées avec la Première Guerre mondiale. En réaction à
l'instabilité qu'elle a provoquée dans le système politique et économique mondial, les pays ont recommencé à ériger des bar
rières douanières. En 1930, les Etats-Unis abandonnent eux aussi le libre-échange et augmentent leurs droits de douane avec
la loi scélérate Smoot-Hawley (2), que le célèbre économiste libéral Jagdish Bhagwati désigna comme " l'acte le plus éclatant
et le plus dramatique de la sottise antilibérale " (Bhagwati, 1985, p. 22, note 10). Le système mondial de libre-échang+ prit
fin en 1932, quand les Britanniques, jusque-là champions du libéralisme, succombèrent à la tentation et réintroduisirent des
droits de douane. La contraction et l'instabilité de l'économie mondiale qui en résultèrent, puis la Seconde Guerre mondiale,
détruisirent les derniers vestiges du premier ordre mondial libéral.
• Après la Seconde Guerre mondiale, quelques progrès significatifs furent faits en matière de libéralisation+ des échanges par
le biais des premières discussions du Gatt (l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Toutefois, les approches
dirigistes du management de l'économie dominèrent malheureusement la scène politique jusque dans les années 70 dans le
monde développé et jusqu'au début des années 80 dans les pays en développement+ (ainsi que dans les pays communistes
jusqu'à leur effondrement en 1989). Selon Sachs et Warner (1995), de nombreux facteurs contribuèrent à la poursuite du
protectionnisme+ et de l'interventionnisme dans les pays en développement (p. 11-21). Il y avait les " mauvaises " théories,
comme celle des " industries naissantes ", celle de la " grande poussée " (the Big Push) et le structuralisme latino-américain,
sans parler de diverses théories marxiennes. Il y avait aussi les dividendes politiques du protectionnisme, tels que le besoin
de construire une nation et celui d'" acheter " certains groupes d'intérêt. Enfin, il y avait les héritages du contrôle du temps de
guerre, qui persistaient en temps de paix.
• Par bonheur, dit-on, les politiques interventionnistes ont été largement abandonnées dans le monde depuis les années 80 avec
l'essor du néolibéralisme, qui a mis l'accent sur les vertus du gouvernement modeste, des politiques de " laisser-faire " et de
l'ouverture internationale. A la fin des années 70, notamment dans les pays en développement, la croissance économique a
commencé à chanceler dans tous les pays, en dehors de l'Asie de l'Est et du Sud-Est, où l'on pratiquait déjà les " bonnes "
politiques économiques (économie de marché et libre-échange). Cet échec de la croissance, qui s'est fréquemment manifesté
par des crises économiques au début des années 80, montrait les limites de l'interventionnisme et du dirigisme+ à l'ancienne.
En conséquence, de nombreux pays en développement ont choisi de réorienter leur politique dans un sens néolibéral.
• Lorsqu'ils se combinent avec la mise en place de nouvelles institutions de gouvernance+ comme l'OMC, ces changements de
politique au niveau national forment un nouveau système économique mondial, comparable par sa prospérité - potentielle, du
moins - au premier " âge d'or " du libéralisme (1870-1914). Renato Ruggiero, le premier directeur général de l'OMC,
soutient que, grâce à ce nouvel ordre mondial, nous pouvons désormais " éradiquer la pauvreté dans le monde dès les débuts
du siècle prochain (le XXIe) - une utopie il y a seulement quelques décennies, mais une réelle possibilité aujourd'hui " (1998,
p. 131).
A ) LE MERCANTILISME
Conséquences : Ils en sont donc conduits à conclure que le stock de richesses dans le monde est
constant, c’est-à-dire qu’il a été déterminé une fois pour toutes par Dieu et qu’il ne pourra évoluer.
répercussions théoriques : Dès lors, cela va influencer la vision que les mercantilistes ont du
commerce international. Ils en sont amenés à conclure que l’échange international est un jeu à
somme nulle, que ce que gagnent les uns est forcément perdu par les autres. Les pays se livrent donc
une guerre économique.
Conclusion : On se rend donc bien compte que l’objectif du mercantilisme n’a pas une finalité
économique mais politique, ce qui démontre qu’à cette époque l’économie n’occupe pas la place qu’elle
occupera à partir de Smith.
INTRODUCTION
La théorie classique de l’échange introduite par Smith rompt avec la théorie mercantiliste.
Constat : En effet, elle se situe dans un autre cadre économique : c’est une période de boulversements
économiques (cf la révolution industrielles)
Répercussions : Smith envisage pour la première fois la possibilité d’une croissance économique
durable et auto entretenue.
Conclusion : On voit bien ici que s’impose la logique libérale chère à Smith : chacun des deux
partenaires n’échange que s’il y trouve son intérêt. C’est l’extension au niveau international de la vision
contractualiste et individualiste que Smith a développé au niveau individuel, puis national.
Mesures de plitiques économiques pronées : Il faut alors tout faire pour que les échanges puissent
être réalisés le plus facilement possible, en particulier Smith est favorable à la suppression des barrières
douanières et des protections que les mercantilistes avaient accumulées ( suppression des privilèges des
différentes compagnies des Indes )
l’exemple de référence : Smith part de l’exemple d’un chef de famille : « la maxime de tout chef de
famille prudent est de ne jamais essayer de faire chez soi ce qu’il lui coûtera moins cher à acheter qu’à
faire (... ) Il n’y en a pas un qui ne voit qu’il y va de son intérêt d’employer son industrie toute entière dans
le genre de travail dans lequel il a quelque avantage sur ses voisins et d’acheter toutes les autres choses
dont il peut avoir besoin avec une partie du produit de cette industrie » .
postulat de base en résultant : Smith s’inscrit donc dans le cadre d’un homo oeconomicus
égoiste et rationnel qui ne recherche que son intérêt matériel
Mais la théorie de Smith, pour moderne qu’elle soit, n’est pas sans inconvénient. En effet :
- elle est très limitée puisqu’elle ne concerne que les productions pour lequel les pays disposent
d’un avantage absolu d’origine naturelle. Dès lors, le pays ne disposant d’aucun avantage ne peut
échanger, ce qui limite le développement du commerce.
- Smith lui-même se contredit quand il écrit : « l’avantage qu’a un artisan sur son voisin qui exerce
un autre métier n’est qu’un avantage acquis et cependant tous les deux trouvent plus de bénéfice
à acheter l’un de l’autre que de faire eux-mêmes ce qui ne concerne pas leur aptitude
particulière. » Dans l’exemple de l’Ecosse, l’avantage absolu est d’origine naturelle ; dans celui de
l’artisan, il est acquis ; la différence est essentielle. En effet, le pays ne dispose alors d’un
avantage absolu que parce qu’il s’est spécialisé ; un autre pays pourrait très bien faire la même
chose en protégeant son industrie.
CONCLUSION : la théorie de Smith est très moderne car elle est la première à rompre avec la conception
mercantiliste de l’échange à somme nulle, mais elle reste très frustre et peu approfondie.
Cette théorie est basée sur 6 hypothèses qui doivent toutes être vérifiées simultanément pour que
l’analyse de Ricardo demeure valable
• Hypothèse n° 1 :Principe de la libre circulation à l’intérieur de chaque pays : il n’existe
aucune entrave au libre déplacement des marchandises et des facteurs de production ( capital et
travail )
• Hypothèse n°2 : à l’échelle internationale, les marchandises se déplacent librement. Par
contre, les facteurs de production sont immobiles.(3 p 494)
Remarque : Comme l’écrit R.Sandretto, « ces 2 hypothèses reprises également par les théoriciens néo-
classiques sont très importantes ; elles fondent la spécificité du commerce international, ce sont elles qui
expliquent en quoi les échanges internationaux diffèrent des échanges intérieurs. » En particulier, dès lors
que les facteurs de production sont mobiles de pays à pays, toutes l’analyse de Ricardo( mais aussi celle
d’HOS ) est remise en cause.
• Hypothèse n°3 : dans chaque pays, les marchés de biens et de facteurs sont soumis à la
concurrence pure et parfaite.
• Hypothèse n°4 : Ricardo retient la loi de la valeur travail, ce qui signifie que bien que les
entreprises utilisent du travail et du capital simultanément, les marchandises s’échangent en
proportion des quantités de travail nécessaires à leur fabrication ( le capital étant du travail accumulé
).
• Hypothèse n°5 : quel que soit le bien considéré, sa production est supposée exiger la mise
en oeuvre de facteurs ( travail, capital, ressources naturelles ) dans des proportions fixes.
Pour produire un bien, une seule technique est disponible à un moment donné et dans un pays donné
( il n'y a pas de possibilité de substitution entre facteurs : exemple on ne peut remplacer du travail
par du capital).
• Hypothèse n°6 : la production s’effectue à coût ou à rendements d’échelle constants,
c’est-à-dire que le pays ne dispose d’aucun avantage à produire à grande série plutôt qu’en petite.
b- l’exemple de la GB et du Portugal :
Ricardo prend l’exemple du Portugal et de la Grande-Bretagne qui ne produisent que 2 biens : du vin et du
drap.
Rappel de la logique smithienne : Si l’on prend la logique smithienne :
• le Portugal dispose par rapport à la Grande-Bretagne d’un avantage absolu dans les 2 productions
puisqu’il lui faut moins d’heures de travail pour produire du vin ( 80 contre 120) et du drap ( 90 contre
100 ). Smith en conclurait que les 2 pays n’échangeraient pas puisque le Portugal dispose d’un
avantage absolu dans les 2 cas.
L’apport de Ricardo : Ricardo va, au contraire s’efforcer de démontrer que les deux pays vont échanger
et qu’ils vont tous les 2 y trouver un avantage :
• Si chaque pays désire produire une unité de chaque bien , les coûts de production mondiaux en
situation autarcique sont de :120 + 100 +80 +90 = 390 heures de travail . Si le Portugal consacrait
sur son territoire toute la production mondiale , les coûts de production deviendraient : ( 2x 80 ) + ( 2
x 90 ) = 340 heures. On observe donc une nette amélioration , mais cette solution est impossible
pour 2 raisons :
- le Portugal n’aurait aucun intérêt à échanger avec l’Angleterre qui ne lui apporterait rien ,
puisqu’elle n’a aucun avantage absolu
- les facteurs de production étant immobiles , le Portugal ne peut importer la main d’œuvre
anglaise
- Ricardo va alors démontrer toute l’intérêt d’une spécialisation
• En effet, en Grande-Bretagne le rapport d’échange interne qD / qV = 120 / 100 = 1,2, ce qui signifie
que pour obtenir une unité de vin, le marchand de drap anglais doit offrir 1,2 unités de drap
( puisqu’il faut plus de temps pour produire du vin que du drap et que derrière les biens ce sont les
quantités de travail que l’on échange ).
• au Portugal, le rapport d’échange interne qD/ qV = 80/90= 0,89. Dès lors, le marchand de drap
portugais pour obtenir une unité de vin est obligé de donner 0,89 unités de drap.
Conséquences : les coûts comparatifs entre les deux pays sont donc différents , si l’on compare pour
chaque production , les coûts des 2 pays , on constate que :
• l’Angleterre est moins désavantagée dans la production de draps : 90 / 100 = 90 %
• que dans la production de vin : 80 / 120 = 66 %
• l’Angleterre possède donc un avantage comparatif dans le drap, le Portugal dans le vin et c’est de
cette différence des avantages comparatifs que va résulter l’échange entre les deux pays.
• En effet, le marchand de drap anglais a intérêt à exporter sa production vers le Portugal puisque au
lieu d’obtenir une unité de vin contre 1,2 unités de drap, il obtient 1 unité de vin contre 0,89 unités de
drap. Les Anglais vont donc se spécialiser dans la production de drap et abandonner la production de
vin.
• Au contraire, les marchands de vin portugais se rendent compte que, si, au Portugal, il faut donner 1
unité de vin pour obtenir 0,89 unités de drap, s’ils exportent leur production de vin vers la Grande-
Bretagne, ils obtiendront 1,2 unités de drap contre 1 unité de vin. Ils améliorent donc leur bien-être.
Les Portugais vont donc se spécialiser dans la production de vin et abandonner la production de drap.
• Chaque pays a donc intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle son coût comparatif est
le plus faible : les deux pays seront gagnants à l’échange tant que le rapport d’échange international
qDi /qVi sera compris entre les 2 rapports d’échange internes :
0,89 < qDi /qVi < 1,2.
• Si le rapport d’échange est de 0,89, les marchands portugais n’y gagnent rien mais ne sont pas
perdants. Par contre, les marchands anglais améliorent leur bien-être. La situation est inversée si le
rapport d’échange est de 1,2.
• Par rapport à la situation d’autarcie étudiée au début , on constate que si l’Angleterre et le Portugal se
spécialisent en fonction de leurs avantages comparatifs respectifs , les coûts de production mondiaux
deviennent : (80 x 2 ) + ( 100 x 2 ) = 360 heures , soit un gain de 30 heures par rapport à la situation
autarcique .
Limites de l’analyse de Ricardo : En réalité, dans la plupart des cas, le rapport d’échange international
sera compris entre les 2 bornes. Mais Ricardo est incapable de le déterminer avec précision.
c - l’apport de J.S.MILL :
détermination du rapport d’échange international : Il sera déterminé comme l’a démontré John-
Stuart Mill par la loi de l’offre et de la demande :
• si la Grande-Bretagne est plus demandeuse de vin que le Portugal de drap , le Portugal pourra
imposer ses conditions et donc fixer un rapport d’échange international qui se rapprochera de 1,2 .
Conséquences : Selon J.S.Mill ,les pays pauvres sont les grands gagnants de l’échange international . En
effet , ils se caractérisent :
- par des capacités de production généralement plus réduites que celles des pays riches , en raison
de la faiblesse de leurs capacités d’investissement
- par une demande plus faible en raison de la faiblesse du revenu des ménages .
- Ainsi , les marchés dans lesquels sont spécialisés les pays pauvres se caractérisent par une sous-
production déterminant une hausse des prix
- alors que ceux des pays riches connaissent une surproduction ( résultant de la forte capacité de
production du pays riche et de la faible capacité d’absorption du pays pauvre) engendrant une
baisse des prix .
Mais, la théorie de Ricardo n’est pas aussi neutre scientifiquement que l’on pourrait le penser . En effet ,
Ricardo n’est pas seulement un économiste , c’est aussi un bourgeois qui défend les intérêts
de la bourgeoisie industrielle contre ceux de l’aristocratie terrienne :
• A l’époque où Ricardo explicite sa thèse , l’Angleterre vit sous la protection des corn laws qui ont pour
objectif de défendre l’agriculture anglaise dominée par les aristocrates de la concurrence que leur
imposent les pays européens . Ceci a pour résultat d’augmenter le prix des céréales anglaises , ce qui
oblige les industriels anglais à accroître les salaires .
• Si au contraire les corn laws sont supprimés , les prix des céréales vont chuter grâce aux importations
, ce qui diminuera le bien-être des producteurs agricoles , en particulier de l’aristocratie et au
contraire améliorera celui des industriels qui auront pu baisser les salaires sans détériorer le pouvoir
d’achat de leurs ouvriers .
Les véritables objectifs de la démonstration ricardienne :On voit donc que l’analyse de Ricardo a
pour objectif de :
• justifier la suppression des corn laws qui interviendra après 1830 mais qu’elle n’est pas neutre
politiquement et socialement : elle traduit la montée en puissance de la bourgeoisie industrielle au
détriment de l’aristocratie agricole .
• De plus , l’analyse de Ricardo a pour objectif de justifier l’ouverture des frontières des partenaires de l
’Angleterre qui dispose à cette époque d’une avance technologique , donc de faire de la Grande-
Bretagne l’atelier du monde , alors que les autres pays seraient quant à eux cantonnés à la
production de biens agricoles , ce qui correspond à une spécialisation nettement moins porteuse .
Les répercussions négatives de l’analyse ricardienne : « l’idée selon laquelle le commerce est en
tous temps et en tous lieux un facteur d’épanouissement est naïve théoriquement et fausse
historiquement «(13 p 291) . En effet l’Angleterre a volontairement spécialisé sa colonie indienne dans la
production de coton utile à l’industrie anglaise . Ceci a généré deux effets très négatifs d’après D.Cohen :
- « l’Inde qui était exportateur net de produits textiles au début du 18 ème siècle voit sa base
industrielle totalement détruite. (…)Conformément à la théorie Ricardienne, l’Inde se
désindustrialise en contrepartie de l’industrialisation anglaise »
- « l’Inde qui était le grenier de l’Asie au début du 19ème siècle, se spécialise dans la culture de
produits qui ne garantissent plus son alimentation, et doit par conséquent importer son
alimentation de base. Il ne faut pas attendre longtemps pour que les famines viennent
sanctionner cette spécialisation ».
C ) LA THEORIE NEO-CLASSIQUE : LA THEORIE DES DOTATIONS FACTORIELLES
D’HECKSHER-OHLIN -SAMUELSON (HOS ) (1 p256)
1° ) LES HYPOTHESES FONDAMENTALES .
les conséquences : Sur la base de ces 2 hypothèses , HOS vont démontrer que « chaque pays doit se
spécialiser dans la production et l’exportation de biens qui utilisent intensément le facteur de production
le plus abondant » :En effet :
• conformément à la loi de l’offre et de la demande , si un pays dispose abondamment de facteur
travail et manque de capital , le coût du travail sera réduit alors que le coût du capital sera élevé ,
• le pays a donc intérêt à se spécialiser dans les productions nécessitant un usage intensif de travail
qualifié de saving capital ( c’est-à-dire économisant du capital ) .
• l’échange international de marchandises se révèle donc être un échange de facteur
abondant contre des facteurs rares
les limites de la théorie : La théorie d’HOS est une théorie statique , c’est-à-dire que :
• « la dotation en facteurs d’un pays va donc décider à tout jamais de sa place dans la Division
Internationale du Travail » .
• Ainsi , chaque pays doit s’adapter passivement aux dotations factorielles dont il est muni .
• Les pays ayant des dotations factorielles identiques n’ont aucun intérêt à échanger . Comme chez
Ricardo , c’est de la différence que naît l’échange puisque les disparités des coûts de production
s’expliquent par les différences de dotations en facteurs de production .
le principe :Néanmoins HOS vont chercher à montrer comme l’écrit Sandretto que : « En dépit de
l’immobilité internationale des facteurs de production , leur rémunération tendrait néanmoins
à s’égaliser dans tous les pays sous l’influence du commerce international des marchandises »
explication du modèle :
- à l’origine le pays s’est spécialisé dans la production qui utilisait intensément le facteur le plus
abondant donc le moins cher ; mais , suite à cette spécialisation , l’utilisation du facteur abondant
va s’intensifier , ce qui à terme va augmenter son coût : le facteur devenant plus rare .
- Au contraire le facteur rare voit son utilisation diminuer puisque le pays importe les biens
nécessitant son utilisation , le facteur rare devient alors plus abondant et donc moins coûteux .
Répercussions positives : Le développement des échanges internationaux réduit donc les différences
de rareté relative ; il rend moins abondant le facteur pléthorique , atténue la rareté relative du facteur rare
, de ce fait le libre-échange tend à réduire les disparités , de pays à pays , des rémunérations des facteurs
. Sandretto peut en conclure : « ce théorème d’HOS implique que , sous l’effet du commerce international ,
les taux de profit deviennent égaux partout et que le pouvoir d’achat des travailleurs s’égalise dans tous
les pays , aux Etats-Unis comme au Bangladesh ou en Ethiopie » , ce qui conduirait progressivement à un
phénomène de convergence des économies .
Stolper avec Samuelson a complété la théorie d’HOS par le théorème suivant : si un pays instaure un
tarif douanier sur l’importation des biens incorporant un facteur rare , cela conduit à
augmenter le revenu relatif de ce facteur rare au détriment des facteurs abondants
Exemple de compréhension : en Angleterre au XVIII° siècle , la terre est un facteur rare , les
propriétaires terriens sont alors protectionnistes , car le libre-échange abaisserait la rente foncière dont ils
bénéficient ( la terre étant rare , sa rémunération est élevée ) . La protection du marché du blé va
augmenter le revenu des propriétaires terriens au détriment des consommateurs et des industriels qui
paient les produits agricoles à un prix plus élevé que s’ils étaient importés
Conséquences : le protectionnisme conduit à privilégier des intérêts particuliers de ceux qui bénéficient
de la protection au détriment de l’intérêt général .
CONCLUSION :
Dès lors , la théorie d’HOS qui justifie la DIT traditionnelle ( les PVD du Sud sont spécialisés dans la
production de biens utilisant beaucoup de main-d’œuvre ou des ressources naturelles abondantes alors
que les pays du Nord se spécialisent dans les productions qui utilisent intensément le capital ) va montrer
que contrairement aux affirmations des théoriciens de la dépendance ( cf. chapitre Tiers-Monde ) tous les
pays et surtout les pays les plus pauvres sont gagnants à l’échange international .
Pour ceux qui veulent aller plus loin :
1. "LES FONDEMENTS THEORIQUES DES ECHANGES ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX
"
Plan de cours d'Alexandre Minda 2ieme année d'IEP
2. sur le site web campus : deux présentations de Jean-Charles JACQUEMIN :
01-Gains_de_l--'echange.ppt
02-Theoremes.ppt
Constat : or dans l’étude qu’il a mené en 1947 , Léontieff constate que les EU exportent des produits qui
en moyenne incorporent beaucoup moins de capital et plus de travail que n’en requièrent leurs
importations .
Paradoxe : ce paradoxe de Léontieff semble donc contredire la loi d’HOS puisque l’économie américaine ,
notablement mieux pourvu en capital qu’en travail devrait en principe exporter des biens intensifs en
capital .
Explications : Léontieff va alors s’efforcer de donner une interprétation qui a pour objectif de
sauvegarder la théorie d’HOS . Ainsi les EU seraient en réalité relativement riches en travail parce qu’à
équipement égal le travailleur américain du fait d’une meilleure organisation du travail , d’une meilleure
qualification , ... serait trois fois plus productif que le travailleur étranger . Les EU compteraient donc en 57
, non pas 65 millions de travailleurs mais 195 millions ( 65x3 ) de travailleurs équivalents étrangers .
Critiques de l’analyse : L’analyse de Léontieff est plus que surprenante . En effet , il est étonnant
d’appeler paradoxe un exemple qui montre que la théorie est fausse .
• Les théories de Ricardo et d’HOS conduisent à considérer que plus les pays ont des dotations
factorielles différentes , plus leurs spécialisations seront complémentaires et donc plus les échanges
croisés seront élevés . Le commerce attendu est donc un commerce de type Nord-Sud .
• Or , à partir des années 60 , les économistes ont constaté que de forts courants d’échange croisés de
produits similaires entre pays présentant des caractéristiques proches du point de vue des dotations
factorielles se développaient . L’exemple le plus représentatif est celui du marché commun : « il est
devenu rapidement évident que la première phase d’intégration européenne , le marché commun se
faisait sur le mode de l’intrabranche plutôt que sur celui de l’interbranche . L’intégration
économique n’avait pas pour corollaire la spécialisation .L’enjeu théorique de ce problème empirique
est important puisque les théories traditionnelles de la spécialisation visent à expliquer l’interbranche
. » Il semble donc qu’une part croissante des échanges ne puisse être expliquée par les théories
s’appuyant sur les dotations factorielles .
2° ) LES EXPLICATIONS
a1 - un constat :
Linder part d’un constat : le commerce se développe entre des pays qui n’ont pas de différences
significatives dans leurs dotations factorielles .
l’opposition de deux logiques :Ceci ne conduit pourtant pas Linder à rejeter la notion d’avantage
comparatif mais plutôt à fonder les avantages comparatifs sur de nouvelles bases .
- Ricardo et HOS ont développé une logique de l’offre
- contrairement à Linder qui , étant un économiste keynésien , va partir de la demande .
Conséquences : Ainsi pour expliquer le développement de l’échange présentant des caractéristiques
similaires du point de vue des dotations factorielles , il va démontrer que l’avantage comparatif trouve son
origine dans l’importance de la demande interne du produit exporté .
- En effet , un bien est susceptible d’être exporté que s’il est d ’abord l’objet d’une forte demande
interne . Le grand marché intérieur ( USA , Japon , EEE ) produit l’avantage comparatif parce que
l’incitation à l’innovation y est plus forte , parce que les débouchés y sont assurés ( cf. modèle de
l’accélérateur ) .
- De plus , grâce au développement de la production résultant de la taille du marché , le pays
bénéficiera d’économies d’échelle qui lui permettront de diminuer ses coûts de production et donc
ses prix .
La stratégie à appliquer selon Linder : elle est alors la suivante :
• lancer le produit nouveau sur un marché intérieur, dynamique , innovateur à revenu élevé .
• puis , dans un deuxième temps , quand le pays détient un avantage comparatif résultant de
l’expérience qu’il a acquise , de son image de marque , de ses prix plus bas , ...il peut alors se lancer
dans la conquête des marchés étrangers .
a 3 -une remise en cause de la DIT traditionnelle : la mise en évidence des échanges Nord-Nord :
On arrive alors au second grand apport de Linder : vers qui le pays va-t-il pouvoir exporter ?
Les motifs de l’exportation : Comme l’indique M.Byé « il ne l’exportera cependant que dans un pays
susceptible de le consommer .
Les répercussions : Or la qualité et la nature des produits consommés dépendent du niveau de vie et
donc très largement du niveau des salaires . Le produit ( qui correspond au niveau de vie interne du
pays exportateur ) ne pourra donc être exporté que dans des pays à niveau de salaire
comparable , donc à facteurs de production comparables .
Conclusion : elle est alors aux antipodes de celle expliquant l’échange international dans les théories de
dotations factorielles :
- « l’identité des dotations en facteurs facilite donc le commerce qu’entrave au contraire leurs
différences » .
- -le développement des échanges Nord-Nord comparativement à l’atonie relative des échanges
Nord-Sud conduit à penser que la théorie de Linder est plus à même d’expliquer le commerce
international contemporain que celles de Ricardo et d’HOS .
Constat: ainsi si les échanges intrabranches se développent entre pays présentant des dotations
factorielles proches ( cf. Linder) il n’en reste pas moins que les produits ne sont pas rigoureusement
identiques . Il présente un potentiel de différentiation résultant de leur image de marque , de leurs
qualités spécifiques .
Posner part du principe ( déjà développé par Ricardo ) qu’une firme qui introduit un nouveau produit peut
profiter d’un monopole provisoire à l’exportation jusqu’à ce que les brevets tombent et que des firmes
imitatrices lancent un produit comparable à un prix plus faible .Selon Posner , c’est donc l’avance
technologique caractérisant un pays qui conduit à déterminer les avantages comparatifs du pays .
Le déterminant du commerce international , selon Posner , réside alors dans l’écart
technologique entre les pays :
• les pays en avance exportent des produits intensifs en nouvelles technologies
• les pays en retard sont spécialisés et exportent essentiellement voire uniquement des
produits banalisés
L’analyse de Posner est intéressante car elle permet de dynamiser le modèle de Ricardo dans la mesure
où les différences d’avantages comparatifs peuvent être expliqués par des écarts technologiques entre les
partenaires participant à l’échange . Dès lors les avantages comparatifs ne tombent plus du ciel ; en
contrepartie , les hypothèses de concurrence ne peuvent plus être appliquées .
Conclusion : Krugman en conclut que des innovations générant de nouvelles industries doivent émerger
en permanence au Nord afin de maintenir le niveau de revenu de la zone , les hauts salaires du Nord
reflétant la rente de monopole pour les nouvelles technologies . Le monopole technique du Nord étant
continuellement errodé par les transferts technologiques vers le Sud ne peut être maintenu que par des
innovations constantes sur de nouveaux produits ou procédés .Les capacités d’innovation et donc les
efforts de recherche-développement jouent alors un rôle essentiel .
2° ) LA THEORIE DE VERNON
A partir de l’examen des firmes américaines des années 50-60 , R.Vernon montre qu’ « une production
traverse généralement une série de phases : démarrage , croissance exponentielle , ralentissement et
déclin , qui correspondent à l’introduction du produit sur le marché , à sa diffusion , à la maturation et à la
sénescence » . Vernon développe son analyse en 2 temps
Dans un premier temps , il se situe dans le cadre d’un pays ( les USA ) et regarde comment évolue le
produit au cours des différentes phases de sa vie :
NAISSANCE DU PRODUIT EN PRODUIT A MATURITE DECLIN DU PRODUIT
PRODUIT CROISSANCE
Caractéristiques de -innovations élevées -le produit est mis au -banalisation de la -l’obsolescence du
production -techniques de point , la technologie technologie produit se confirme
production instables se stabilise , sauf - proportion de -l’intensité en travail
-production intensive quelques innovations travailleurs non non qualifié augmente
en travailleurs mineures visant à le qualifiés s’accroît -pas
qualifiés pour élaborer différencier -taille des unités de d’investissements
le produit -intensité en capital production augmente
- production à petite devient forte pour afin de bénéficier
échelle , d’où coût répondre à d’économies d’échelle
unitaire de production l’augmentation de la pour réduire les prix
important , prix de demande
vente élevé -production
standardisée à grande
échelle d’où réduction
des coûts de
production et baisse
des prix
Caractéristiques de la - seule une élite -à mesure que le prix -les leaders d’opinion -du fait de l’apparition
consommation disposant de revenus diminue , il touche se détournent du de nouveaux produits
élevés consomment le une partie croissante produit qui touche qui commence à se
produit de la population qui désormais généraliser , les
-l’élasticité-prix de la cherche à imiter les essentiellement les quantités
demande est faible leaders d’opinion qui populations à bas consommées
car pas de produits ont lancé le produit revenu diminuent
substituables - les consommateurs - la consommation
deviennent plus arrive à saturation
exigeants sur la -le produit se banalise
qualité , les , la demande est de
performances du plus en plus élastique
produit par rapport au prix
-l’élasticité-prix
augmente par
l’apparition de
substituts
Structure du marché -monopole temporaire -structure - l’oligopole se - la structure de la
pour la firme oligopolistique se met stabilise branche se déstabilise
innovatrice en place car de - le produit se -sortie des grandes
-nombre de firmes nombreuses firmes banalise , la entreprises ,
restreintes sont attirées par des concurrence se porte apparition des petites
-taille des entreprises perspectives de profit de plus en plus sur les entreprises
dans la branche élevé et imitent prix -le marché se trouve
élevée l’innovateur -la taille des en surcapacité , suite
- la concurrence entreprises s’accroît à la baisse de la
s’effectue par la donc afin de demande , le prix et la
différenciation des rechercher les qualité des produits
produits , ce qui économies d’échelle diminuent
n’empêche pas une - des efforts sont
standardisation et une tentés pour prolonger
baisse des prix le cycle de vie
( innovations
mineures , publicité )
b - l’analyse des échanges internationaux :
A ces différentes phases de cycle de vie du produit vont correspondre des flux d’échange internationaux entre le pays
innovateur et ses partenaires . Vernon est alors amené à distinguer 3 catégories de pays :
- le pays leader: les EU ( années 50 ) se situe au sommet de la hiérarchie technologique ; les principales
innovations émanent de lui
- les pays suiveurs précoces : les pays européens ( années 50 -60 )
- les pays imitateurs tardifs : les PVD
Vernon va alors distinguer 3 phases :
Remarque : Dans un dernier temps , les pays imitateurs rapides vont eux aussi éprouver des difficultés à écouler leur
production , car le produit étant devenu banal , les consommateurs se tournent vers de nouveaux biens , plus
innovants .Les pays vont alors délocaliser leur production vers des PVD qui bénéficient de coûts de main-d’œuvre plus
réduits et qui vont donc pouvoir rentabiliser la production , tout en baissant le prix de vente .
Conséquences : Dès lors , le pays innovateur et le pays imitateur précoce vont tous deux connaître un déficit de leur
balance commerciale sur ce bien ,les PVD connaissant un excédent . Les entreprises qui produisent le bien dans les
PVD peuvent être des filiales des grandes entreprises qui ont délocalisé leur production afin de réduire leurs coûts
et/ou de se rapprocher des marchés de consommation .
Conclusion : La théorie de Vernon permet donc d’expliquer certaines formes du processus de multinationalisation .
présentation du modèle : Cette théorie apparaît dans une certaine mesure comme une théorie du cycle
de vie du produit adaptée aux PVD . K Akamatsu l’a forgé en s’appuyant sur le modèle suivi par le Japon. Il
distingue 4 temps :
• dans un premier temps , le PVD n’exporte que des matières premières ;
- les importations en provenance des PDEM peuvent seules satisfaire sa demande intérieure de
produits manufacturés.
- durant cette phase , le pays développe ses échanges avec des pays qui ont des structures
économiques complémentaires de la sienne ( cf. HOS ) .
- On se situe donc dans le cadre de la DIT traditionnelle .
• durant une quatrième phase , le pays va exporter une partie de sa production de biens d’équipement
vers les PVD qui , pour répondre à leur demande intérieure ou pour produire à moindre coût et
réexporter des biens de consommation , ont besoin de machines .
Remarque : Cette théorie a connu un vif succès , car elle permet de mieux comprendre le développement
de la zone asiatique :
- dans un premier temps , le Japon a produit puis exporté des biens de consommation bas de
gamme ( le textile ) puis il s’est spécialisé sur des productions apportant une plus forte valeur
ajoutée ( électronique grand public ) qu’il a exportées non seulement vers sa zone mais vers les
PDEM .
- le Japon , au fur et à mesure de sons développement , a alors développé une industrie de biens
d’équipement pour répondre à ses besoins domestiques . Il a par la suite exporté une partie de sa
production vers des pays moins développés ( les 4 dragons du Sud-est ) vers lesquels il
délocalisait la production de biens de consommation pour lesquels il n’était plus compétitif , suite
à l’augmentation de ses coûts de main-d’œuvre .
- le schéma est en train de se reproduire avec les tigres vers lesquels le Japon , mais aussi les
dragons délocalisent des productions nécessitant une main-d’œuvre faiblement rémunérée
Conclusion : Lafay peut alors en conclure : « on a l’impression que les avantages comparatifs tombent du
ciel ; chaque nation doit se soumettre passivement aux exigences de la DIT et aucune stratégie active de
spécialisation n’est concevable .
Critiques : Une telle approche néglige les deux dynamiques essentielles de l’échange :
- celle des entreprises à l’échelle multinationale,
- comme celle des nations dans l’espace économique mondial .
Explications :
• la dynamique des entreprises résulte de l’innovation : nouveaux produits , nouvelles méthodes de
production qui permet à chacune d’entre elles de créer des avantages comparatifs micro-
économiques en surclassant ses concurrents ( ... ) . Les avantages comparatifs sont perpétuellement
créés et renouvelés . La possibilité d’extension multinationale permet de choisir la localisation de ces
activités , sous la contrainte des coûts nationaux de production » ( cf. Vernon ) .
• il en est de même pour les nations : chaque nation peut faire évoluer sa dotation relative en facteurs
de productions en fonction des innovations qu’elle réalise pour s’adapter ou devancer l’évolution de
la demande mondiale . Les nations vont , en fonction de cette capacité d’adaptation , développer ou
non leurs exportations et donc connaître des rythmes de croissance plus ou moins forts .
Conséquences : Dès lors , comme l’indiquent D.Taddei et B.Coriat , les tenants de la théorie de la
compétitivité salariale qui considéraient que les pays devaient se spécialiser en fonction de leurs coûts de
main-d’œuvre résultant des dotations factorielles se sont trompés : « il n’y a pas de corrélation
significative entre les coûts salariaux et les parts de marché » . Ceci résulte en particulier du fait que les
consommateurs ne s’intéressent pas seulement au prix mais aussi à la qualité du produit , que le coût du
produit n’est pas seulement déterminé par le coût salarial , mais connaît d’amples variations en fonction
du coût du capital et des consommations intermédiaires .
a - la compétitivité-prix :
Pendant très longtemps on a considéré que la seule source de compétitivité pour une entreprise
ou un pays était la compétitivité-prix qui vise à produire à moindre coût afin de réduire les prix
pour dépasser la concurrence et s’attirer les faveurs des consommateurs .
L e s limi te s : Mais cette forme de compétitivité ne semble pas aujourd’hui être la forme
dominante par laquelle luttent les entreprises les plus innovantes .
Il nous faut alors définir la compétitivité hors-prix ou structurelle qui est la capacité à imposer
ses produits sur le marché indépendamment de leur prix .L’entreprise grâce à l’innovation , à
l’amélioration de la qualité de ses produits , à son adaptation à la demande , à la qualité de ses
services , ... peut gagner des parts de marché tout en maintenant des prix plus élevés que ceux
de ses concurrents .Les entreprises bénéficient ainsi d’une meilleure rentabilité qui peut être à
l’origine d’un cercle vertueux .
c - Conclusion :
Définition : dans cette perspective , les pôles de compétitivité jouent un rôle de structuration de
l’appareil productif . En effet , ce sont « des ensembles d’entreprises qui ont acquis des positions
dominantes dans la concurrence internationale et qui exercent des effets d’entraînement pour
une grande variété d’activités productives » ( Aglietta ) .
Répercussions : elles peuvent s’exercer aussi bien vers l’aval que vers l’amont que latéralement
entre les firmes :
• vers l’aval : les clients peuvent bénéficier :
- des gains de productivité acquis par les pôles grâce aux rendements d’échelle et surtout
à l’apprentissage des facteurs qui influencent l’évolution de la demande .
- Ils bénéficient aussi de produits intermédiaires plus innovants , de meilleure qualité qui
leur permettront de mieux satisfaire leurs clients .
• vers l’amont : en direction des fournisseurs et des sous-traitants car les pôles offrent :
- des débouchés réguliers et généralement croissants ( d’où économies d’échelle )
- et des incitations à innover .
• latéralement : entre les firmes composant le pôle par la diversification des produits ,
l’incitation à l’innovation , ils permettent de dynamiser la concurrence oligopolistique et donc
la compétitivité du pôle .
C o n clu s io n : Le pôle permet ainsi de constituer des filières de production qui améliorent la
cohésion du tissu productif ( en développant les synergies ) et permettent ainsi de réduire la
contrainte extérieure que subissent les pays .
exemple :L’exemple typique est celui de la relance keynésienne menée en 1981 par la France qui , à propension à importer constante
( m = M / PIB ) s’est traduite mécaniquement par une poussée des importations alors que dans le même temps nos partenaires
appliquaient des politiques de rigueur qui diminuaient leur propension à importer et donc nos exportations .
4° ) LES EXEMPLES
a ) L’exemple français
Constat : La France , malgré une amélioration notable depuis le milieu des années 80 , se caractérise par un certain nombre de
faiblesses du point de vue de sa compétitivité :
• la France est peu spécialisée , c’est-à-dire qu’elle est présente sur beaucoup de marchés ( le slogan au début des années 80 était :
il n’y a pas d’ industries condamnées , il ya seulement des technologies dépassées ) , sans bénéficier d’aucune avantage
comparatif réel
• la France est mal spécialisée : n’ayant pas su opérer suffisamment tôt des choix sur des créneaux porteurs , la France ne dispose
d’aucune position forte sur les marchés connaissant une demande mondiale dynamique ( cf. l’exemple de l’informatique l’échec
de Bull lancé dans les années 60 par la politique gaullienne de champions nationaux)
• la France ne dispose pas véritablement de pôles de compétitivité structurés lui assurant une compétitivité hors-prix , les
entreprises françaises étant concentrées sur des produits relativement banalisés sont très sensibles à la variation de leurs coûts
de production et donc à leur compétitivité-prix
Conclusion : Le résultat de tout ceci est que l’économie française est très sensible à la contrainte extérieure. L’analyse que fait
F.Milewski de l’amélioration du solde de la balance commerciale est à cet égard moins optimiste que ne le laisseraient penser les
chiffres :
• Certes après 12 ans de déficit commercial( sauf 1986 ) la France a connu depuis 1992 un excédent croissant jusqu’au début des
années 2000,
• mais celui-ci résultait au moins autant de l’atonie (faiblesse) de la croissance que l’on a pu observer durant les années 90 que de
l’amélioration de la spécialisation .
• En effet , depuis 1982 , la France applique une politique de désinflation compétitive qui a permis de diminuer les coûts
salariaux et donc d’améliorer la compétitivité-prix .
• Aujourd’hui , cette politique trouve ses limites , tous les pays européens l’appliquant simultanément elle n’a plus rien de
compétitive , ce qui explique la dégradation de la balance commerciale depuis les années 2000 : l’économie française ayant mal
résisté à la valorisation de l’euro, ses produits étant moins compétitifs du point de vue des prix. La forte dégradation de l’année
2005 est d’autant plus inquiétante qu’elle se situe dans un contexte de forte croissance du commerce mondial, les parts de
marché détenues par l’économie française ont donc régressé.
• Par contre , elle freine la croissance économique potentielle , donc l’augmentation de la demande , donc la progression des
importations ( à propension à importer constante ) .
• Une lecture attentive de l’amélioration de la balance commerciale conduit donc à penser que celui-ci résulte au moins en partie
d’un décalage conjoncturel favorable à la France ( qui croît moins vite que ses partenaires, surtout que les USA ou le royaume
uni ) plutôt que d’une amélioration sensible de sa compétitivité hors-prix ( même si celle réelle ne doit pas être sous-estimée ) .
Les conséquences : Dès lors « en 95 et 96 , on ne peut s’empêcher de mettre en parallèle le ralentissement économique et
l’amplification de l’excédent ( ...) . Certes , se créent des capacités de financement extérieur qui pourront être autant de réserves pour
le développement futur . Mais en attendant , l’économie française s’est installée en deçà de son potentiel d’activité . Le chômage
élevé en découle . » ( F.Milewski ) . Cette conclusion reste malheureusement valable pour le debut des années 2000.
b ) L’Allemagne
Constat : Contrairement en France , l’Allemagne est un pays spécialisé depuis fort longtemps qui dispose donc de pôles de
compétitivité très performants ( en particulier dans la machine-outil ) qui lui ont permis de structurer des filières cohérentes
( principalement la chimie et la mécanique ) .
Les limites de la spécialisation allemande : La situation de l’Allemagne paraît donc très enviable aux français , il n’en reste pas
moins qu’aujourd’hui un certain nombre d’observateurs se demande dans quelle mesure l’Allemagne n’est pas un géant aux pieds
d’argile . En effet :
• sa spécialisation manque de dynamisme ; elle n’a pas su s’adapter à l’évolution de la demande mondiale ; les points forts de
l’Allemagne ont été constitués durant la seconde révolution industrielle basée sur la mécanique et la chimie . Il est donc normal
que l’Allemagne excelle dans ses productions qui portent plus souvent sur des petites séries de produits spécialisés en faisant
appel à une main-d’œuvre ouvrière très qualifiée .
• Mais l’Allemagne n’a pas su prendre le train de la troisième Révolution industrielle basée sur les technologies électroniques .
Dès lors , sa spécialisation se révèle de plus en plus inadaptée à l’évolution du commerce mondial et les hauts salaires qu’elle
verse à sa population ne sont plus compensés par la compétitivité hors-prix qui se dégrade .
c ) Les Etats-Unis
d ) Le Japon
Présentation de La stratégie japonaise : elle est particulièrement intéressante : elle peut être assimilée à une stratégie de remontée
des filières :
• dans un premier temps , les entreprises japonaises ont concentré leurs efforts sur des produits de consommation grand public
pour lesquels elles pouvaient bénéficier d’économies d’échelle . Elles ont donc développé en particulier la photo , la hi-fi des
produits moyens de gamme , bourrés d’électronique qui ont mis à mal les produits hauts de gamme mécaniques allemands .
• les entreprises japonaises ont pu alors constitué des pôles de compétitivité cohérents , caractérisés par une forte concurrence ,
une capacité d’innovation élevée qui leur ont permis de passer des produits moyens de gamme à des produits hauts de gamme et
d’occuper une position dominante sur le marché .
• ces pôles de compétitivité ont ainsi servi de base pour investir les autres postes de la filière et , en particulier , forts de
l’expérience acquis dans l’électronique de consommation , les entreprises japonaises ont développé des biens d’équipement
basés non plus sur la mécanique ( Allemagne ) mais sur l’électronique .
Conclusion :Elles ont opéré ainsi une stratégie de remontée de filière qui est conforme à la logique du modèle de K..Akamatsu .
Néanmoins aujourd’hui la stratégie japonaise semble mise à mal sur les créneaux les plus porteurs par le retour de l’économie
américaine
Pour ceux qui veulent aller plus loin : "LES TRANSFORMATIONS DES ECHANGES ET DES INVESTISSEMENTS
INTERNATIONAUX"
Plan de cours d'Alexandre Minda 2ieme année d'IEP
L’apport des nouvelles théories au libre-échange :Les nouvelles théories de la croissance semblent
rendre le libre-échange plus nécessaire que jamais :
- la théorie de la croissance endogène montre que , plus l’accumulation du progrès technique et
des connaissances est élevée , plus forte sera la croissance potentielle , le resserrement des liens
économiques entre les pays accroît la propagation des techniques , réduit le risque de duplication
d’activités de R-D et génère donc une croissance économique plus forte .
- afin de réduire leurs coûts de production , les entreprises cherchent à bénéficier de rendements
d’échelle qui nécessitent une augmentation des débouchés qui n’est réalisable que par le
développement du libre-échange et l’instauration du marché mondial .
- le libre-échange réduit les distorsions de prix en homogénéisant les prix des entreprises
fabriquant les mêmes produits . Dès lors , les entreprises vont être incitées à investir sur les
marchés les plus porteurs , ce qui conduira à une amélioration de l’efficience économique et donc
à terme de la croissance économique .
Conclusion : une politique protectionniste n’est donc pas neutre économiquement , elle engendre une
redistribution des revenus des consommateurs qui perdent du pouvoir d’achat suite à la hausse des prix
vers les producteurs qui maintiennent artificiellement des prix élevés . Elle représente donc un jeu à
somme nulle . Le jeu est même à somme négative , si comme le montre l’exemple de l’industrie textile
canadienne , les barrières douanières incitent les producteurs à se spécialiser vers les produits les moins
porteurs , laissant ainsi à leurs concurrents étrangers les spécialisations les plus dynamiques
Les répercussions négatives sur les PVD : la politique protectionniste est donc néfaste pour le pays
qui l’applique , mais elle risque en outre de freiner le développement des PVD . En effet , les PVD n’ayant
pas de marché intérieur suffisamment solvable pour assurer un décollage économique ( cf. cercle vicieux
de Nurske et échec de la stratégie de l’industrialisation par substitution d’importations ) sont obligés
d’appliquer une stratégie de promotion des exportations leur permettant , en particulier , de rembourser
les dettes qui ont été nécessaires pour financer les investissements assurant le take off . Les PDEM ne
peuvent avoir un double langage : souhaiter le décollage des PVD et en même temps par des mesures
protectionnistes leur interdire d’y accéder .
Résultat : l ‘objectif a été atteint puisque les tarifs douaniers moyens des produits industriels dans les PDEM sont passés de 40 % à 5
% en 90 .
Nouveau débat : mais , suite à l’entrée en crise , la tentation protectionniste est réapparue dès les années 70 par l’imposition de
barrières non tarifaires . Les pays signataires de l’accord du GATT devaient alors décider :
• s’ils voulaient comme dans les années 30 engager une guerre protectionniste qui bloquerait la croissance économique
• ou au contraire s’ils désiraient , par une libéralisation accrue des échanges internationaux ( portant non plus seulement sur des
barrières tarifaires mais aussi sur des barrières non tarifaires , portant non plus seulement sur l’industrie mais aussi sur les
services et l’agriculture ) dynamiser le commerce mondial et assurer ainsi une sortie de crise
Solution : c’est dans cette perspective qu’ont été menées les discussions de l’Uruguay Round qui ont débouché sur la création de
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995 .
Introduction :
Selon Ha-Joon Chang le protectionnisme est un facteur de développement ;
« A peu près tous les pays aujourd'hui développés (PAD) avaient des politiques interventionnistes actives en matière de commerce,
d'industrie et de technologie. Pendant les périodes de " rattrapage ", leur but était de développer leurs industries naissantes ; lorsqu'ils
ont atteint leur objectif, ils ont eu recours à des pratiques leur permettant de distancer leurs possibles concurrents. Ils ont pris des
mesures pour maîtriser les transferts de technologies vers ces derniers (par exemple en mettant en place un contrôle de l'émigration
des travailleurs qualifiés ou de l'exportation+ des machines) et, par des traités inégaux et par la colonisation, ont contraint les pays
moins développés à ouvrir leurs marchés. Toutefois, les économies en phase de rattrapage autres que les colonies (officielles ou de
fait) n'ont pas accepté passivement ces mesures restrictives. Pour surmonter les obstacles qu'elles créaient, elles ont mis en oeuvre
toutes sortes de moyens légaux et illégaux, tels que l'espionnage industriel, le débauchage illégal de main-d'oeuvre et le passage d'équi
pements en contrebande.
L'étude des expériences historiques d'un ensemble de PAD (la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Allemagne, la France, la Suède, la
Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, le Japon, la Corée et Taiwan) détruit beaucoup de mythes qui biaisent aujourd'hui le débat, les plus
nombreux portant sur les politiques économiques de la Grande-Bretagne et le capitalisme+ de libre-échange+ des Etats-Unis - les
deux patries supposées du libéralisme+.
1. La Grande-Bretagne
• Contrairement au mythe populaire qui veut qu'elle se soit développée sur la base du libéralisme et du libre-échange, la
Grande-Bretagne a utilisé agressivement - jusqu'à en être un pionnier dans certains domaines - des politiques volontaristes
destinées à développer ses industries naissantes. De telles pratiques, même si leur portée est limitée, remontent au XIVe
siècle (Edouard III) et au XVe siècle (Henry VII) pour ce qui concerne l'industrie lainière, l'industrie de pointe à l'époque.
L'Angleterre exportait alors de la laine brute vers les Pays-Bas. Henry VII tenta de changer cette situation en taxant les
exportations et en débauchant des ouvriers qualifiés hollandais. Entre la réforme de la politique commerciale, décidée en
1721 par le Premier ministre Robert Walpole, et l'abrogation de la loi sur les blés, en 1846, la Grande-Bretagne a mis en
oeuvre des politiques agressives en matière d'industrie, de commerce et de technologie. Pendant cette période, elle pratiqua
activement la protection des industries naissantes, les subventions à l'exportation+, les réductions de droits pour l'importation
de matières entrant dans la fabrication des produits qu'elle exportait, le contrôle de la qualité des exportations par l'Etat -
toutes pratiques qui sont typiquement associées au Japon et autres pays est-asiatiques. Comme le montre le tableau supra, la
Grande-Bretagne a eu des tarifs douaniers très élevés sur les produits manufacturés jusque dans les années 1820, soit quelque
deux générations après le démarrage de sa révolution industrielle et alors qu'elle possédait une avance technologique
significative sur les nations concurrentes.
• C'est donc avec l'abrogation de la loi sur les blés, en 1846, que les Britanniques se sont convertis nettement - même si ce
n'était pas complètement - au libre-échange. On considère habituellement cette décision comme la victoire définitive de la
doctrine économique libérale classique sur l'aberration mercantiliste (par exemple Bhagwati, 1985), mais nombre
d'historiens la voient comme un acte d'" impérialisme libre-échangiste " destiné à " mettre un terme à l'industrialisation+ sur
le continent en accroissant les débouchés pour les produits agricoles et les matières premières " (Kindleberger, 1978, p. 196).
C'est d'ailleurs ainsi que le présentaient les meneurs de la campagne pour l'abrogation de la loi sur les blés, tels que le
politicien Richard Cobden et John Bowring, de la Chambre de commerce+.
• En bref, contrairement à la croyance populaire, l'exemple britannique de passage à un régime de libre-échange s'est construit
" derrière des barrières douanières élevées et durables ", comme l'écrit l'éminent historien de l'économie Paul Bairoch
(Bairoch, 1993, p. 46). C'est pourquoi Friedrich List, l'économiste allemand du XIXe siècle considéré (à tort, comme nous
allons le voir) comme le père de la théorie moderne des " industries naissantes ", a déclaré que les Britanniques prêchant
pour le libre-échange se comportaient comme celui qui, arrivé en haut du mur, " tire l'échelle " qui lui a servi à grimper. Cela
vaut la peine de le citer plus longuement : " C'est un ingénieux procédé, fort commun, lorsque quelqu'un a atteint le sommet
de sa grandeur, qu'il tire l'échelle qui lui a permis de grimper, afin de priver les autres des moyens de le rattraper. C'est le
secret de la doctrine cosmopolite d'Adam Smith, des tendances cosmopolites de son grand contemporain William Pitt, et de
tous ceux qui leur ont succédé au gouvernement britannique. Toute nation qui, sous la protection des droits de douane+ et des
restrictions à la navigation, a porté sa puissance industrielle et maritime à un tel niveau de développement qu'aucun autre
pays ne peut lui faire concurrence, n'a rien de plus sage à faire que de retirer ces échelles vers sa grandeur, de prêcher aux
autres nations les avantages du libre-échange+ et de déclarer sur le ton du repentir qu'elle s'était jusqu'ici égarée, et qu'elle
vient de découvrir la vérité " (List, 1885, p. 295-296).
2. Les Etats-Unis
Si la Grande-Bretagne fut le premier pays à lancer avec succès sur une grande échelle la stratégie de la promotion des industries
naissantes, ses utilisateurs les plus actifs furent les Etats-Unis - que Paul Bairoch a désignés comme " le berceau et le bastion du
protectionnisme+ moderne " (Bairoch, 1993, p. 30).
• En effet, les premiers arguments systématiques en faveur des industries naissantes ont été développés par des penseurs améri
cains, comme Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des Etats-Unis, et Daniel Raymond. C'est dans les années
1820, pendant son exil aux Etats-Unis, que Friedrich List, le père intellectuel supposé de la théorie de la protection des
industries naissantes, a commencé à apprendre sur la question. Beaucoup d'intellectuels et de politiciens américains avaient
bien compris, pendant la période de " rattrapage " de leur pays, que la théorie du libre-échange défendue par les Britanniques
ne leur convenait pas. List fait l'éloge des Américains pour ne pas avoir écouté des économistes influents comme Adam
Smith ou Jean-Baptiste Say, qui soutenaient que la protection des industries naissantes serait un désastre pour les Etats-Unis,
pays riche en ressources. Les Américains ont obéi au " bon sens " et à " l'instinct de ce qui était nécessaire pour la nation "
(List, 1885, p. 99-100), et continué à protéger leurs industries, en commençant par mettre en vigueur un nouveau tarif
douanier+ en 1816 (3).
• Entre 1816 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont eu l'un des taux moyens de droits de douane sur les
importations de produits manufacturés les plus élevés du monde. Comme le pays a bénéficié, au moins jusque dans les
années 1870, d'une protection " naturelle " exceptionnelle, du fait des coûts de transport élevés, on peut dire que les
industries américaines ont été les plus protégées du monde jusqu'en 1945. Après la guerre de Sécession, le protectionnisme
devint très important. Contrairement à ce que l'on croit, ce conflit n'a pas eu comme seul motif la question de l'esclavage : les
tarifs douaniers furent une cause au moins aussi importante (4). C'est seulement après la Seconde Guerre mondiale, quand
leur suprématie industrielle ne fut plus contestée, que les Etats-Unis libéralisèrent leur commerce (même si ce ne fut pas
aussi radicalement que les Britanniques l'avaient fait au milieu du XIXe siècle) et commencèrent à se faire les champions du
libre-échange+ - apportant une fois de plus la preuve que List avait raison avec sa métaphore de l'" échelle tirée ". La citation
ci-après d'Ulysses Grant, héros de la guerre de Sécession et président des Etats-Unis de 1869 à 1877, montre bien que les
Américains ne se faisaient aucune illusion sur le fait qu'ils avaient, comme les Britanniques, " tiré l'échelle " (5) : " Pendant
des siècles l'Angleterre a tablé sur la protection, qu'elle a porté à son plus haut niveau. Elle en a obtenu des résultats qui la
satisfont. C'est sans aucun doute à ce système qu'elle doit sa puissance actuelle. Après deux siècles, elle a trouvé bon
d'adopter le libre-échange+ parce qu'elle pensait que le protectionnisme+ ne pouvait plus rien lui apporter. Eh bien,
messieurs, ma connaissance de notre pays me permet de croire que dans deux cents ans, quand l'Amérique aura tiré de la
protection tout ce qu'elle peut lui apporter, elle aussi se convertira au libre-échange " (Ulysses S. Grant, cité dans A. G.
Frank, 1967, p. 164).
3. Exercices de distancement
Comme je l'ai signalé plus haut, une fois arrivés au sommet, les PAD ont utilisé toutes sortes de tactiques pour distancer les pays qui
suivaient. Les politiques mises en oeuvre furent, bien entendu, différentes selon le statut politique de ces derniers - colonies, pays
semi-indépendants liés par des traités inégaux ou nations concurrentes indépendantes.
• Des " traités inégaux " furent utilisés pour priver des pays théoriquement indépendants de leur autonomie douanière, en
maintenant leurs tarifs à des niveaux très bas (habituellement de 3 à 5 %). Entraient dans cette catégorie tous les pays
d'Amérique latine, à commencer par le Brésil en 1810, ainsi que la Chine, le Siam, la Perse, l'Empire ottoman et le Japon.
• Contre les pays concurrents, la politique consistait à limiter les transferts de technologies, en interdisant l'émigration de la
main-d'oeuvre qualifiée ou l'exportation+ de machines performantes. Les concurrents contre-attaquaient en pratiquant
l'espionnage industriel et le recrutement " illégal " de travailleurs qualifiés, et en ne respectant pas les brevets et autres droits
de propriété intellectuelle. La plupart de ces pays n'accordaient qu'une protection très insuffisante aux droits de propriété
intellectuelle des étrangers (par exemple en autorisant la prise de brevets sur une " invention importée "). La Suisse n'a pas
eu de système de brevets jusqu'en 1907, et les Pays-Bas, même s'ils ont passé une loi sur les brevets en 1817, l'ont abrogée en
1869 et ne l'ont pas réintroduite avant 1912. Et jusqu'à la fin du XIXe siècle, au moment où l'Allemagne était sur le point de
dépasser la Grande-Bretagne sur le plan techno logique, cette dernière était très préoccupée par les nombreuses contrefaçons
de ses marques par les Allemands
Contexte : La création de l’OMC s’est faite dans un contexte politique très favorable au libéralisme . En effet , l’effondrement du bloc
soviétique traduit pour les libéraux la supériorité du capitalisme , du marché de CPP sur tout autre système . La généralisation de
l’économie de marché et la libéralisation des échanges semblent alors être les seules solutions qui s’offrent au pays qui veut connaître
une croissance et un développement économique .
Limites : comme l’indique l’analyse historique de P.Bairoch , il n’y a pas de lien de cause à effet obligatoire entre la libéralisation des
échanges , le développement du commerce international et la croissance économique . En effet : « l’expansion du commerce extérieur
européen a été généralement plus rapide durant les périodes protectionnistes que durant la période libérale , globalement les 30
années de période libérale ( 1860-1890 ) ont été nettement plus négatives que les 30 années précédant cette période et que les 25
années la suivant . »
Conclusion : A.Grjebine peut en conclure : « en fait , le libre-échange a été favorable surtout sinon exclusivement à la première
puissance économique de l’époque , c’est-à-dire le Royaume-Uni » . On peut alors se demander dans quelle mesure la libéralisation
des échanges internationaux qui est en train de s’opérer aujourd’hui n’a pas été réalisée par le pays leader ( les EU ) au nom de
l’intérêt général et en particulier celui des plus faibles mais en recherchant l’intérêt particulier des américains qui ont vu un moyen de
maintenir leur domination .
A ) LE PROTECTIONNISME EDUCATEUR
Constat :Les pays qui occupent aujourd’hui un leadership dans le commerce mondial ( Allemagne , EU ,
Japon ) et qui sont donc les plus favorables au développement des échanges internationaux étaient au
XIX° siècle les défenseurs d’un protectionnisme éducateur qui devait les mettre à l’abri de la concurrence
exercée par le RU .
2° ) MAIS PROVISOIRE .
Le principe : Mais ces barrières douanières ne seront que provisoires ; au fur et à mesure , les industries
naissantes vont gagner en maturité , vont devenir plus compétitives , les barrières protectionnistes
pourront alors progressivement être réduites .
List qui est avec Hamilton le promoteur du protectionnisme éducateur considère , en effet , qu’il faut
instaurer des barrières tant que les industries ne sont pas compétitives , mais que les producteurs doivent
dès l’origine savoir que ces barrières ne sont que provisoires , sinon ils ne seront pas incités , sous
l’aiguillon de la concurrence ,à accroître leur compétitivité .
Exemples d’application de la stratégie : Beaucoup d’exemples de développement basés en apparence sur la logique libérale sont en
réalité conformes à la logique du protectionnisme éducateur :
- les pays , comme le Japon ou la Corée du Sud qui ont su tout en appliquant une promotion par les exportations protéger
leur marché intérieur par des barrières douanières ont pu constituer une base économique cohérente qui a été une des
conditions ayant assuré leur développement économique .
- L’exemple de la GB aux XVIII- XIX° siècles est aussi probant :
• durant une première phase , les industriels anglais ont réclamé et obtenu l’introduction de barrières douanières pour protéger
l’industrie textile naissante de la concurrence indienne ( qui produisait des produits de meilleure qualité à moindre coût ) .A
l’abri des barrières , les anglais ont mécanisé leur production et ,
• une fois que celle-ci est devenu compétitive , ils sont devenus libre-échangistes , ont imposé à l’Inde un tarif douanier très faible
et ont alors inondé le marché indien de leurs cotonnades ruinant par là-même l’ébauche de développement économique qu’était
en train de connaître l’Inde .
Les limites : Certains auteurs libéraux comme Samuelson ne contestent pas cette thèse , que là où
existe un avantage comparatif potentiel , des mesures protectionnistes ou plus sûrement une aide à
l’industrie naissante sont nécessaires , il constate néanmoins que dans la plupart des PVD la stratégie d’ISI
a échoué car les mesures protectionnistes ont perduré .
Conclusion :Ainsi, dès lors que l’on ne se situe plus sur un marché de CPP c’est à dire que :
- les entreprises du pays leader appliquent une stratégie commerciale visant à rendre leurs
concurrents économiquement dépendants et incapables de générer un progrès technique leur
permettant de rattraper le retard accumulé ,
- une intervention de l’Etat peut s’avérer nécessaire afin de contribuer à la constitution des
avantages comparatifs sur les marchés les plus dynamiques .
- En appliquant une stratégie s’appuyant sur les principes du protectionnisme éducateur ( cf.
exemple d’Airbus : doc 22 p 247 ) un pays peut permettre à ses entreprises de conquérir une
place sur un marché oligopolistique caractérisé par de fortes barrières à l’entrée , ce qui à terme
diminuera la dépendance et permettra la réduction des barrières douanières
Limites :Il n’en reste pas moins que l’exemple de Boeing et d’Airbus montrent que la politique menée par
les 2 gouvernements peut être assimilée à un jeu à somme négative , puisque les pertes subies par les
américains n’ont pas été compensées par une amélioration du bien-être des européens .
CONCLUSION
Contrairement à ce que l’on pourrait penser , une étude historique montre que leprotectionnisme se développe durant des périodes
présentant des caractéristiques bien précises . B.assudrie-Duchêne écrit ainsi : « les poussées protectionnistes doivent être mises en
relation , historiquement avec des périodes dans lesquelles les transformations technologiques sont capables de créer des
retournements d’avantages comparatifs ou de spécialisation . »
Dangers encourus - le danger est que la protection devienne - la protection des industries naissantes
permanente , sous la pression des secteurs doit être planifiée et dégressive dans le
traditionnels qui cherchent à se protéger de temps . LAFAY écrit : « rien ne serait plus
la concurrence des PVD , ceci retarderait dangereux qu’une protection appliquée
un nécessaire redéploiement du tissu hâtivement sous l’influence de groupes de
productif vers les branches les plus pression et donc le maintien illimité
dynamiques contribuerait ensuite à pérenniser des
structures inadaptées
Type de mesures à appliquer - une protection planifiée qui vise à - une protection planifiée et dégressive
assurer une restructuration en bon ordre du dans le temps qui permette au producteur
tissu productif , en particulier un de rattraper leur retard et d’opérer une
redéploiement des emplois ( mais aussi des transition en douceur vers le libre-échange
investissements) vers les secteurs porteurs qui est l’objectif de moyen terme
- une protection dégressive dans le - des objectifs réalistes qui tiennent
temps : les producteurs nationaux doivent compte des capacités réelles du pays afin de
comprendre , dès l’application de mesures déterminer les activités pour lesquelles le
défensives qu’elles visent à accélérer les seuil de compétitivité peut être atteint des
restructurations et non à les retarder délais raisonnables
- une limitation du nombre de
productions protégées qui permettent
réellement d’opérer des choix stratégiques
de spécialisation
Conclusion : Comme le conclue LAFAY , le protectionnisme peut être la meilleure ou la pire des choses , la pire s’il consacre
d’avantages d’efforts à la production défensive d’industries du passé qu’à la protection offensive des industries de l’avenir ; la
meilleure s’il vise par une analyse de l’évolution des marchés une spécialisation qui dynamise les avantages comparatifs .
INTRODUCTION
Postulat de base des néo-classiques : Comme l’écrit C.A.Michalet : « si l’on se réfère aux cadres d’analyse construits sur la base de
la théorie ricardienne des avantages comparatifs et/ou du modèle néo-classique (HOS) , l’économie internationale est réduite aux flux
de biens et de services échangés entre les Etats nations . Parmi les hypothèses de la théorie de la spécialisation internationale , outre
celles de CPP , on trouve l’immobilité des facteurs de production .
Limites : Dans la mesure où la croissance multinationale des firmes s’accompagne généralement de flux d’investissements directs et
d’autres mouvements internationaux de capitaux , il n’était plus possible de rester dans le cadre de la théorie pure de l’échange
international » . Dès lors les théories traditionnelles se retrouvent incapables de décrire la nouvelle réalité ; elles doivent être adaptées
Le terme le plus fréquemment retenu pour décrire une entreprise qui a implanté des filiales de
production et de distribution dans différents pays est le terme firme multinationale (FMN) .
Pourtant , celui-ci est discutable . En effet :
- il conduit à penser que les firmes pourraient avoir plusieurs nationalités .
- Or , on constate que quasiment toutes les firmes conservent une nationalité de référence
: celle de leur nation d’origine .
- Nous retiendrons donc le terme FTN car , selon R.Sandretto : « le préfixe trans est
incontestablement mieux adapté à la situation actuelle de ses firmes . Son double sens
( celui de traverser et celui de dépasser ) signifie que les FTN sont le prolongement
extraterritorial de leur nation d’origine , qu’elles débordent ( dépassent ) tout en
traversant les espaces des pays d’implantation . La firme n’est donc pas au-dessus des
nations ; elle en est au contraire un principe actif . Inversement , la nation ne se confond
pas avec la délimitation des frontières territoriales , en particulier la nation américaine
pourrait s’étendre , via ses FTN bien au-delà des limites des Etats associés aux 50 étoiles
de la bannière » .
• En revanche , un investissement étranger qui est inférieur à 10% du montant des droits de
votes sera considéré comme un investissement de portefeuille , car il ne permet pas
d’exercer une influence sur la gestion de la société . Les investissements de portefeuille sont
généralement spéculatifs , c’est-à-dire qu’ils visent à obtenir une plus-value dans le court
terme , par l’achat et la cession de placements financiers et/ou monétaires .
b ) L’HISTORIQUE DE LA TRANSNATIONALISATION .
Constat : Contrairement à ce que l’on pourrait penser , ce n’est pas un phénomène récent . W.Andreff prend comme exemple celui
des USA ; il constate que le stock d’IDE rapporté au PNB américain était de 5,1% en 1897 , atteint 10,8% en 1935 , tombe à 4% en
45 , remonte à 8,5% en 74 . La transnationalisation est donc un phénomène séculaire . Néanmoins ce phénomène a connu des
évolutions très importantes :
Périodisation : on peut-alors distinguer les phases suivantes :
- le stock des IDE passe de 14 milliards de $ en 1914 à 105 milliards en 1967 ,
- atteint 525 en 1980 ,
- 1705milliards en 1990
- pour culminer à 3541 milliards en 2000 .
Conclusion : entre 1990et aujourd’hui le poids des IDE dans le PIB mondial a été multiplié par 4
Typologie des pays éméttant les IDE : la hiérarchie des pays à l’origine de l’IDE a elle aussi évolué :
• en 1914 , 45% du stock total d’IDE était détenu par le RU , 18 par les EU , 12 par la France , 10 par l’Allemagne .
• en 1960 , le premier rang est détenu par les EU : 52 % , le RU tombe à 17% , la France à 6,5 , la RFA à 1 , le Japon à 0,8 .
• En 82 , les EU toujours leaders ne détiennent plus que 46% du stock d’IDE , suivis de la RFA à 8 % , du Japon et du RU à 6 ,
de la France à 5 .
• En 1997 les EU ne détiennent plus que 25,6% du stock d’IDE, le royaume uni 11,7%, le Japon 8 %, les autres pays développés
45 %, les NPI 10 % .Les pays en voie de développement bien qu’en progression notable , représentent toujours une proportion
négligeable de l’IDE .
Typologie des pays recevant les IDE : la hiérarchie des pays recevant l’IDE a été profondément transformée :
• en 1914 , 63% du stock d’IDE était destiné aux PVD ( 37% aux pays développés ) .
• En 60 , 32% aux PVD ; 68% aux PDEM .
• En 1990, 20% aux PVD , 80% aux PDEM .
• En 1997 30% pour les PVD et 70 % aux PDEM.
Typologie en fonction des secteurs : ceci résulte d’une évolution des secteurs dans lesquels est réalisé l’IDE . Comme l’écrit J.Adda :
• « jusqu’à la seconde guerre mondiale , la majeure partie des IDE était concentrée dans les secteurs agricoles et miniers , l’IDE
était moins animé par une logique de concurrence à l’échelle mondiale que par une logique de concurrence entre les nations
pour l’accès aux ressources du sol et du sous-sol .La prépondérance des flux d’investissement n’était que le reflet à la course à
la constitution d’empires coloniaux ou de zones d’influence où les nations les plus puissantes pourraient trouver les ressources
nécessaires à leur industrie . »
• Au contraire aujourd’hui la majeure partie de l’IDE se dirige vers le secteur industriel et , phénomène nouveau et en forte
expansion vers les services .
les raisons de la transnationalisation : La transnationalisation peut s’expliquer par 3 grands types de raisons :
• les FMN primaires qui sont essentiellement implantées dans les PVD et qui sont concentrées dans les secteurs de l’extraction
minière du pétrole ou des produits agricoles s’implantent à l’étranger afin de pouvoir exploiter les ressources naturelles du sol .
• les FMN à stratégie commerciale qui visent à s’implanter sur des marchés porteurs ou de grande taille ( Inde ou pays riches )
en contournant les barrières protectionnistes mises en place par de nombreux pays (en voie de développement ( cf. le Brésil
dans les années 60 ) ou développés ) en établissant des filiales relais qui montent une gamme de produits calqués sur ceux de la
maison mère . Ce type d’IDE devrait diminuer avec la réduction des barrières protectionnistes accélérées par la création de
l’OMC . En réalité , il semble que les entreprises préfèrent s’implanter à l’étranger afin de mieux apprécier les choix des
consommateurs . Une entreprise n’a pas intérêt à céder la licence malgré les redevances que celle-ci lui rapporte qui sont moins
aléatoires qu’un investissement productif sur place , car comme l’écrit J.Adda : « les exemples abondent d’entreprises , souvent
japonaises , ayant acquis des technologies étrangères par achat de licences dans les années 50 et 60 qui ont pu , 20 ans ou 30
ans plus tard racheter leur ancien cessionnaire . Il apparaît ainsi que les entreprises ayant des avantages spécifiques ont le plus
souvent à intérêt à les préserver et donc à assurer elles-mêmes leur exploitation internationale . A la limite , une entreprise a
intérêt à internaliser tout actif lui offrant un avantage compétitif majeur , autrement dit à bloquer sa diffusion sur le marché .
l’internationalisation apparaît ainsi liée à l’internalisation comme réponse aux imperfections du marché , dans un contexte de
concurrence oligopolistique . »
• la transnationalisation répond enfin à une stratégie productive : dans ce cas , la conquête du marché local d’implantation n’est
plus la raison essentielle de l’implantation de la filiale . En effet , la production de la filiale atelier qui est spécialisée dans la
fabrication d’une partie du produit sera exportée vers le pays qui prendra en charge le montage final . On assiste alors à une
véritable Division Internationale des processus productifs. La firme transnationale va implanter ses filiales dans les pays en
fonction de la capacité de chaque pays à effectuer au moindre coût la pièce ou le sous-ensemble qui lui a été confié . Ceci
conduit à une véritable internalisation de la production , les relations entre les filiales et la maison-mère donnant lieu à un
véritable commerce intra-firme .pour un bon exemple d’analyse de DIPP(division international des processus productifs , le cas
des Pontiac le mans : http://perso.orange.fr/revision-bac-es/terminale_es/chap13/dipp.htm
Conclusion : selon R.Reich,ce phénomène porte en lui les germes de la disparition de la nationalité des firmes , puisque la firme
devient une structure mondiale en forme de réseaux dans laquelle la propriété du capital importe moins que la capacité à mobiliser
et à combiner les compétences de toute nationalité en vue de réaliser les objectifs recherchés par la firme . Dès lors la firme se sert du
pays dont elle est issue en fonction de ses besoins , mais son intérêt n’est pas complémentaire à celui du pays . Par exemple , par le
biais des délocalisations , elle peut accroître sa compétitivité tout en augmentant le chômage dans son pays d’origine .
Relativisation : Il n’en reste pas moins que les firmes transnationales , en particulier américaines , sont largement soutenues par les
autorités des pays dont elles sont issues , ce qui relativise l’analyse de Reich .
Elles sont apparues à la fin des années 50 , en rejetant les hypothèses sur lesquelles étaient bâties les
analyses traditionnelles de Ricardo et d’HOS , en particulier celles de :
• concurrence pure et parfaite à laquelle elles substituent celle de concurrence imparfaite de type
oligopolistique
• d’immobolité internationale des facteurs de production , à laquelle elles substituent le
développement des IDE
La première question est de savoir pourquoi une firme qui s’implante à l’étranger et qui subit donc des
coûts de délocalisation de sa production a intérêt à opérer une stratégie de transnationalisation .Selon
Hymer , c’est parce que les transnationales ont des avantages spécifiques transférables
internationalement :
• image de marque qui peut grâce à la publicité être facilement développée dans les pays étrangers
• avantage technologique dont dispose la firme
• politique gouvernementale des pays d’accueil qui cherche à attirer sur leur territoire des firmes
pouvant exercer un effet d’entraînement
La théorie du cycle de vie de Vernon démontre que l’entreprise innovatrice qui dispose au départ d’un
monopole technologique voit progressivement les barrières à l’entrée ( brevets , etc ) qui la protégeait
tomber au fur et à mesure que le produit arrive à maturité . Elle va donc délocaliser sa production afin de :
• réduire ses coûts
• et/ou adapter ses produits à la demande locale
La firme leader , en s’implantant à l’étranger , cherche à modifier à son avantage la structure du marché
.Les firmes suiveuses de l’oligopole se sentant agresser se délocalisent alors pour tenter de rétablir leur
part de marché antérieure . Knickerbocker a ainsi remarqué que les firmes américaines avaient tendance à
implanter presque en même temps leur filiale à l’étranger . Il observe un phénomène de grappes .
En contrepartie , la firme agressée sur son territoire par l’implantation d’une transnationale , va répondre
en investissant sur le territoire de l’autre afin d’affaiblir la position du leader chez lui dans son prinipal
centre de profit . Ce phénomène peut être interprété comme un échange de menaces ( exemple : quand
Firestone s’est implanté en France , Michelin a racheté Uniroyal aux Etats Unis afin de mettre en difficultés
Firestone sur son propre territoire et donc d’inciter la firme américaine à réduire ses ambitions en France )
Plus la firme se développe , plus elle cherche à se diversifier ( notamment géographiquement ) pour
réduire les risques d’augmenter ses profits .Mais alors , plus son organisation interne change et devient
complexe .Dès lors , la firme peut avoir intérêt à développer un marché interne et à opérer une division
internationale des processus productifs qui lui permet de réduire les risques et les coûts générés par les
marchés :
• défauts dans la qualité du produit
• coût du produit
• assurer son approvisionnement extérieur ( Michelin possède des plantations d’hevea en Malaisie pour
se fournir en caoutchouc)
• assurer la continuité internationale de son processus de fabrication tout en défendant sa technologie
R.Coase peut alors en conclure que quand les coûts de transaction sur les marchés sont plus élevés que
ceux de l’organisation de la firme , celle-ci va s’internaliser et créer son propre marché .
Dunning développe une analyse qui s’appuye sur les 3 grands types d’avantage à la transnationalisation :
• l’avantage spécifique de la firme ( O comme Ownorship advantages )
• l’avantage à la localisation à l’étranger ( L )
• l’avantage à l’internalisation ( I )
qui peuvent être caractérisés par le tableau suivant :
p 88 mucchielli
Dunning peut alors en conclure que l’IDE sera choisi comme mode de pénétration d’un marché étranger
quand la firme réunit simultanément les 3 types d’avantages : O , L et I , comme le démontre le tableau
suivant :
Muccheili p 89
CONCLUSION :
• CONCLUSION :
On assisterait ainsi , selon de nombreux auteurs libéraux , à une mondialisation de l’économie qui signifierait ( selon F.Fukuyama cf
chapitre introductif ) la fin de l’histoire et de la géographie , l’économie de marché traduisant l’état naturel de la société universelle ,
pour le bien-être de tous(7 p 312) . Néanmoins cette vision parait trop idyllique et mérite d’être relativisée .
C ) UNE RELATIVISATION DE LA MONDIALISATION
Il est nécessaire de remettre en cause certaines idées préconçues sur les FTN .
une remise en cause du concept de firme mutlinationale : Excepté les FTN issues des petites économies ouvertes, pour lesquelles
une division du travail à l’échelle internationale s’impose ( Nestlé Suisse, Electrolux Suède emploient respectivement 96 et 82 % de
leurs salariés hors de leur pays d’origine.On ne constate pas réellement d’entreprises véritablement globales :
• les grandes FTN, en particulier américaines, pourtant engagées de longue date dans un processus d’internationalisation, n’ont
que très partiellement multinationalisé leur production.
• l’incorporation de dirigeants étrangers dans la haute hiérarchie des entreprises multinationales reste tout à fait exceptionnelle
• la transnationalisation des marchés financiers ne semblent pas avoir entraîné une diversification géographique des sources de
financement des FTN. Elles continuent à financer leurs investissements sur les marchés financiers locaux
• bien que la demande se globalise, que quelques produits emblématiques se diffusent dans le monde entier ( coca-cola,
Windows,... ), cela ne signifie pas, qu’à terme les modes de vie s’homogénéisent. La majeure partie de la consommation reste
conditionnée par des déterminants spécifiques à chaque société. De ce fait, les FTN, en dépit de leurs efforts, ne peuvent
transformer en profondeur des comportements inscrits dans l’histoire. Elles doivent donc, plutôt que des biens destinés au
marché mondial, répondre à des demandes différenciées selon les pays.
• l’idée de techno globalisme est encore plus profondément démentie. Comme l’écrit R.Boyer : « Non seulement les pays
protègent différemment les droits de la propriété intellectuelle, mais encore les grandes firmes continuent à considérer que
l’innovation constitue la source de leur compétitivité, et qu’à cet égard, elle ne doit pas être disséminée sur des espaces
géographiques qui seraient hors de son contrôle direct ou indirect, via l’Etat de leur nation d’origine. »
Conclusion : Ainsi, on peut en conclure avec R.Boyer que « la firme globale relève plus du projet, voire du mythe que de la pratique
des grandes FTN. La trajectoire de celle-ci reste marquée par l’histoire longue de leur constitution et de leur évolution sur un espace
national particulier. »
Le postulat libéral : Comme l’indique CA Michalet : « dans l’optique de la conception ultra-libérale (... ), l’implantation des FMN
doit jouer un rôle d’entraînement automatique sur les structures productives locales. L’investissement étranger joue le même rôle que
la création de pôles de croissance. »
Les limites : Mais, en réalité, les effets d’entraînement sur les économies en voie de développement sont relativement réduits, pour 3
raisons essentiellement selon Michalet :
• les entreprises des PVD ne sont généralement pas capables de livrer des produits dont les qualités correspondent aux attentes
des FMN.
• elles ne sont pas compétitives, car elles utilisent généralement des technologies dépassées et parce qu’elles sont mal gérées.
• elles n’arrivent pas à produire dans les délais qui sont impartis par la firme.
Conséquences : Dès lors :la multinationale préfère internaliser sa production en assurant une décomposition internationale des
processus productifs. Comme le conclue Michalet : « l’intérêt des FMN et la préoccupation industrialisante des pays membres ne
coïncident donc pas » On comprend alors
• pourquoi, en particulier dans les années 60 et 70, les PVD ont été très méfiants à l’égard des FMN et : « ont opéré une
discrimination entre les investissements nationaux et les investissements étrangers.
• Néanmoins, à partir des années 1980, les PVD ont été obligés de changer d’attitude par rapport aux FMN. :
- Comme l’indique B Coriat Et D Taddei : « avec la globalisation l’objectif principal des Etats n’est plus de contrôler les
activités des firmes étrangères ; il est de les attirer. »
- En effet, avec l’abandon de la stratégie d’ISI remplacée par la SPE ( voire supra), les PVD ont essayé d’attirer les FMN
qui, selon eux, sont à l’origine du succès des NPI ( cette opinion est à relativiser, puisque dans un pays comme la Corée du
Sud, l’Etat s’est efforcé de freiner l’implantation des FMN afin de maintenir son indépendance ).
- La concurrence que se livre aujourd’hui les pays pour attirer les multinationales ne signifie pas que ceux-ci se
développeront ; par contre, ils considèrent que sans apport du capital étranger, ils ne se développeront pas ; c’est donc une
condition nécessaire mais non suffisante.
Conclusion : Comme nous l’avons vu précédemment, la stratégie des FMN n’est pas sans inconvénient pour les pays riches ; les
délocalisations qui sont opérés par les FMN conduisent à des résultats ambigus :
• Selon certains, elles ne feraient que reprendre, en l’adaptant au nouveau contexte, la logique ricardienne, chaque pays se
spécialisant dans la production pour laquelle il a un avantage comparatif ; les FMN, en s’implantant dans les PVD, détruisent
certes des emplois peu qualifiés dans les PDEM, mais vont contribuer à leur développement et donc à fournir des débouchés aux
industries de haute technologie des PDEM.
• Pour d’autres au contraire dont Reich, les délocalisations ne font que traduire l’intérêt égoïste des firmes qui ne recoupe pas
l’intérêt des nations dont elles sont issues. De même les 3 D n’ont pas eu les effets vertueux qu’ils devaient engendrer.
Constat : Comme le constate R.Boyer : « en dépit de la multiplicité des facteurs de déstabilisation, les espaces nationaux sont loin de
s’être fondus dans un nouvel ensemble complètement mondialisé. En effet, paradoxalement, la mise en concurrence des différents
capitalises semble avoir stimulé leur différenciation. » Ainsi, on pourrait opposer :
• à une logique anglo-saxonne préférant le court terme,
• un modèle rhénan et japonais misant sur la stimulation de l’innovation productive et la compétitivité de long terme.
Remarque : Il ne faut pas en outre surévaluer l'influence des marchés financiers internationaux sur les politiques économiques.
Certes :
• le keynésianisme à l’échelle nationale semble mis à mal, cédant la place à une nouvelle orthodoxie ( une pensée unique ? )
privilégiant stabilité monétaire et compétitivité extérieure.
• Néanmoins, le style des politiques économiques demeure imprégné de fortes spécificités nationales.:
- la nature et l’ampleur des interventions publiques,
- le degré de coopération capital - travail permis par les relations industrielles,
- la qualité de la spécialisation industrielle,
- la politique de formation,
- la mise en place d’infrastructures
- Ces éléments définissent autant de contraintes ou d’opportunités pour la politique économique et façonnent par la même
des stratégies nationales fortement contrastées.
D.Plihon écrit :
• « il n’est ni possible ni souhaitable de modifier tous les aspects de la globalisation financière. La mondialisation des échanges
mondiaux et financiers est une tendance lourde aux effets globalement positifs.
• Mais, contrairement à ce qu’affirme le credo libéral, le SFI est intrinsèquement instable. Il ne peut s’autoréguler, d’où la
nécessité d’une régulation publique supranationale qui redonnerait une certaine efficacité aux politiques de stabilisation. Selon
l’image de J. Tobin , il faut « mettre des grains de sables dans les rouages » trop bien huilés du SFI. En clair, introduire des
limites à la libre circulation des capitaux.
L e s lim it e s : Mais l’intérêt de ce type d’accord est limité , comme l’a montré l’échec de l’AELE
( Association Européenne de Libre Echange) car la coopération et l’intégration des différents pays
sont minimales. On ne peut alors parler véritablement de régionalisation des échanges .
2- L’UNION DOUANIERE
I n té r ê t : elle correspond à une régionalisation plus poussée que la zone de libre échange . En
effet les partenaires adoptent une politique commerciale marquée par l’instauration d’un tarif
extérieur commun .
3 - Le marché commun
I n té r ê t : il ne se contente pas d’établir un tarif extérieur commun , il élimine toutes les entraves
aux mouvements de facteurs de production(libre circulation du travail et du capital) à l’intérieur
de l’union assurant ainsi la libre circulation du capital et du travail .
L e s lim it e s : Quand la libre circulation des facteurs est mise en œuvre la concurrence entre les
pays est renforcé ce qui nécessite une coordination des politiques économiques afin d’éviter une
stratégie du type passager clandestin (ex : nécessité d’harmoniser les politiques fiscales)
4 – L’UNION ECONOMIQUE
I nt érêt : elle pousse plus loin la recherche de l’intégration puisqu’elle vise à harmoniser les
politiques économiques des pays membres.
Elle constitue la phase ultime de l’intégration puisqu’elle crée une monnaie commune gérée par
une banque centrale commune (ex la BCE) ; les Etats abandonnent ainsi un des principaux
éléments de leur souveraineté : le droit de battre monnaie .
• la régionalisation est une solution non optimale puisqu’elle contribue à un détournement de trafic
• la régionalisation est une étape qui contribue au développement du libre-échange
Postulat libéral : Dans la conception libérale de l’échange international , les accords régionaux ( libre-
échange , union douanière ou marché commun ) sont considérés comme sous-optimal . En effet :
- ils sont considérés comme représentant une entrave à la libre circulation des biens et des
capitaux
- ils représentent donc un détournement des échanges qui nuit donc non seulement aux
partenaires mais au reste du monde
Présentation de la théorie de J Viner :. C’est ce qu’a essayé de démontrer J.Viner qui distingue 2 cas
selon que l’effet de création de commerce relatif à l’intensification des échanges à l’intérieur de la zone
est plus fort ( moins ) que l’effet de diversion liée au fait que la zone diminuera ses importations en
provenance des pays tiers :
• les échanges entre les membres du bloc s’ajoutent aux échanges que les membres du bloc
entretenaient avec le reste du monde . Dans ce cas , l’accord a contribué à accroître l’efficacité
économique et le bien-être des différents pays .
• mais le cas le plus fréquent selon Viner est celui dans lequel les échanges régionaux ne constituent
pas une création mais un détournement au détriment des pays extérieurs à la zone régionale . C’est
l’exemple constitué par la PAC qui conduit les pays membres à échanger des biens à un tarif plus
élevé que celui existant sur le marché mondial , ce qui conduit à la perpétuation de productions non
rentables , qui devraient être éliminées , ce qui nuit à l’efficacité économique .
•
2 - DES ACCORDS REGIONAUX FAVORABLES AU LIBRE-ECHANGE
CONCLUSION
Pour aller plus loin : les accords commerciaux régionaux 10-ACR.ppt sur le site de web campus
Constat : On observe :
• certes entre 1948 et 1998 un développement très important de la part des échanges intrarégionaux en Europe de l’Ouest qui
passent de 41,8 % à 70,1 % du commerce extérieur européen .
• Il n’en reste pas moins , selon F.Teulon que : « les études empiriques qui portent sur la CEE tendent à démontrer que les
créations de trafic ont été largement supérieures aux détournements , et ceci , dès que l’union douanière entre les 6 pays
fondateurs a commencé à produire ses effets » .
Conclusion : Ceci permet de relativiser la conception pessimiste développée par Viner au milieu des années 50 .
Conclusion :Ainsi , les écarts de niveau de vie entre les pays du Sud ( Grèce , Espagne , Portugal ) et les pays les plus riches
( Allemagne , France , Benelux ) ont tendance à se réduire .
les explications : L’intégration européenne a contribué fortement à accroître la compétitivité européenne par le jeu de 2 mécanismes
complémentaires :
• les économies d’échelle et les effets d’apprentissage :
- les économies d’échelles : sachant que , une multiplication par 2 du volume de la production assure une réduction de 30 %
des coûts unitaires de production dans les secteurs pour lesquels les coûts fixes d’entrée sont élevés ( micro-informatique ) ,
on comprend tout l’intérêt de l’union européenne qui en assurant la libre circulation des marchandises et des capitaux a
contribué à élever la taille du marché et donc à rentabiliser , par les économies d’échelle ( cf cours de première sur le
marché ) des productions qui , sans cela , n’auraient pu être mises en œuvre ( ex : l’aéronautique avec AIRBUS ).
- Les effets d’expérience et d’apprentissage , c’est-à-dire la réduction des coûts unitaires de production quand la production
augmente , sont d’autant plus élevés que la taille du marché augmente . Le secteur des télécommunications , dans lequel
l’Europe occupe une place de premier plan , fournit , selon D.Schlachter : « un excellent paradigme d’amélioration
continuelle des performances des hommes et de perfectionnement de modes d’organisation » .
• une intensification de la concurrence : certaines entreprises , particulièrement en France où avait été développé le concept de
champion national , lors de l’époque gaulliste , occupaient une position dominante , voire de monopole qui ne constituait pas
une incitation à l’innovation , à l’amélioration de la qualité des produits et à une baisse des prix ( cf Schumpeter ) . Au
contraire , depuis l’ouverture des marchés , on constate une intensification de la concurrence qui oblige les entreprises , pour
rester compétitive , soit à diminuer leur prix de vente et à mieux satisfaire leurs clients , soit à disparaître
Constat :On observe , certes , une intensification de la concurrence qui s’est effectuée fréquemment par l’intermédiaire de la
différenciation des produits
Explications : Ceci nous conduit à distinguer 2 formes d’échanges intra-branches s’étant développés en Europe :
• un échange de variétés , c’est-à-dire un échange de produits similaires à des prix voisins , reposant sur des différences
marginales entre les biens ( image de marque , design , … ) ( cf la demande de différence de B.Lassudrie-Duchêne ) . Ce type
de commerce s’est surtout développé entre les pays européens ayant un fort niveau de développement ( ex : Allemagne ,
France ) .
• un échange de qualité : on observe , au contraire , entre les pays européens ayant des niveaux de développement différents , à un
échange reposant sur des produits certes comparables , mais de qualité et donc de prix différents , en fonction de la qualité
inégale des facteurs de production .
Conclusion : Cette division du travail opérée au sein de la communauté présente , selon de nombreux auteurs , de nombreux
avantages , puisqu’elle accroît la diversité des produits offerts aux consommateurs , mais elle n’est pas sans dangers puisqu’elle peut
contribuer à spécialiser les pays en retard dans des productions à faible qualité .
Constat :L’effort d’investissement réclamé dans les premières phases du processus est plus prononcé
que dans les suivantes . Il existe un seuil minimal d’investissement en déca duquel les espoirs de
démarrage sont illusoires .Selon C. Albagli , le taux d’investissement nécessaire pour connaître un rythme
de croissance annuel de 2 % est au minimum de 21 %.
Problèmes : Mais on retrouve alors la théorie de Nurske ( les cercles vicieux ) qui pose le problème du
financement de ces investissements . Comment le pays peut-il par ses propres capacités générer une
épargne suffisante pour assurer le décollage ?
D’autant plus que l’on sait , que :
• dans les sociétés agraires , l’épargne est faible et dépensée ostentatoirement ,
• que le travail n’occupe pas une place centrale ( la valeur relative du travail , dans le système de
valeurs , n’incite guère à dégager une épargne motivée par l’investissement productif ).
Solutions : 2 courants s’opposent alors pour trouver les fonds finançant les taux d’investissement :
• selon certains auteurs , une révolution agricole devrait permettre d’assurer un financement interne .
Ils reprennent l’exemple anglais , selon lequel celle-ci est un préalable au décollage économique .
• d’autres auteurs rétorquent que le pays étant pauvre , il ne peut assurer un taux d’épargne
suffisamment élevé et donc , il doit , au préalable , compter sur l’apport de capitaux extérieurs .
Les PVD se caractérisent par le poids très important de la population travaillant dans l’agriculture . Il est donc bien évident qu’un
processus de croissance et de développement ne peut être engagé s’il laisse de côté la majeure partie de la population . P.Bairoch écrit
ainsi : « il est impossible de concevoir un développement économique rapide sans une industrialisation accélérée , mais celle-ci n’est
possible que grâce à la progression rapide de la demande intérieure dans laquelle la demande rurale joue un rôle
prépondérant . »
cette conception peut être actualisée en tenant compte des éléments suivants :
• l’accroissement de la production agricole permet de développer les exportations qui accroissent les entrées de devises
nécessaires pour importer les technologies en provenance des PDEM . On comprend mieux pourquoi les pays qui , suivant le
modèle soviétique , ont sacrifié l’agriculture au bénéfice de l’industrie , en appliquant un schéma de croissance déséquilibrée
( l’augmentation des taux d’investissement dans le secteur des biens d’équipement est financée par la confiscation des recettes issues
de l’agriculture ) n’ont pas pu engager un véritable processus de croissance .
• l’augmentation très rapide de la population ( cf chap croissance démographique et développement ) rend d’autant plus
impérieuse la modernisation de l’agriculture , permettant de dégager des surplus ( cf révolution verte ) .
Problèmes : Néanmoins , considérant le niveau élevé des investissements nécessaires pour engager le décollage économique , de
nombreux auteurs considèrent que les capacités internes du pays à dégager un surplus et une épargne ne sont pas suffisantes .
Solutions : Il faut alors faire appel aux capitaux extérieurs , qui peuvent prendre 2 formes :
• une aide , réalisée sous formes de dons ou de prêts réalisés à faible taux d’intérêt .
• un endettement extérieur .
a – DEFINITION DE L’AIDE
Constat : Paradoxalement , « l’aide au développement apportée par les pays industrialisés à ceux qui ne le sont pas , est une idée
relativement neuve . :
• Jusqu’à la seconde guerre mondiale , la doctrine des puissances coloniales est que les colonies doivent se suffire à elles-mêmes
sans subsides de la métropole . »
• Par contre , après 1945 , un accord se fait sur une idée simple : les économies sous-développées ne disposant que de faibles
revenus , la production augmentant avec la capacité de production il fallait investir et l’aide des PDEM s’avère alors
absolument nécessaire comme l’écrit H.B.Chènery: « l’assistance de l’étranger favorise le développement » .
L’aide publique au développement a, pour la première fois, dépassé la barre des 100 milliards de dollars en 2005 (81,7 milliards
d'euros), pour s'établir à 106,5 milliards de dollars, selon les chiffres publiés, mardi 4 avril, par l'Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE).
Ce record est en partie dû à l'allégement de la dette de l'Irak et du Nigeria (19 milliards de dollars) et à l'aide versée aux victimes du
tsunami en Asie du Sud-Est (2,2 milliards de dollars).
Parmi les pays riches, les Etats-Unis se sont montrés les plus généreux, avec 27,5 milliards de dollars distribués, une hausse de 35,6
% en termes réels. "Abstraction faite de l'allégement de la dette de l'Irak, cette augmentation s'explique principalement par l'aide à
la reconstruction consentie à l'Irak (3,5 milliards de dollars), l'aide à la reconstruction et aux programmes de lutte contre les drogues
accordée à l'Afghanistan (1,5 milliard de dollars) et l'aide à l'Afrique subsaharienne", détaille l'OCDE.
Le Japon est ainsi le deuxième donateur (13,1 milliards de dollars). Il devance le Royaume-Uni (10,8 milliards de dollars) et la
France (10,1 milliards). Viennent ensuite l'Allemagne (9,9 milliards), les Pays-Bas (5,1 milliards) et l'Italie (5,05 milliards).
Ce classement de la générosité des pays riches est différent si l'on prend en compte un autre critère, celui du pourcentage que
représentent les dons par rapport au produit intérieur brut (PIB).
Les pays scandinaves sont des modèles en la matière. La Norvège est la plus prodigue, avec un ratio aide/PIB de 0,93 %, devant la
Suède (0,92 %), le Luxembourg (0,87 %), les Pays-Bas (0,82 %) et le Danemark (0,81 %). La France est au neuvième rang (0,47 %),
derrière le Royaume-Uni (0,48 %), mais devant la Suisse (0,44 %) et l'Allemagne (0,35 %).
"L'aide publique au développement globale des quinze pays européens a augmenté de 27,9 % en termes réels, s'établissant à 55,7
milliards de dollars, équivalant à 0,44 % du PIB cumulé", note l'OCDE, qui rappelle que ces pays se sont engagés, en 2002, à
respecter un objectif minimal de 0,33 %.
"L'Espagne, la Grèce, l'Italie et le Portugal doivent augmenter leur aide s'ils veulent atteindre cet objectif", observe l'Organisation.
L'Italie a un ratio de 0,29 %, ce qui la place devant le Japon (0,28 %) et les Etats-Unis. Avec 0,22 % en 2005, ces derniers n'ont
jamais été aussi généreux depuis 1986.
Source : P Delhommais, , p^lus de 100 milliards de dollars pour les pays pauvres in Le Monde, 05-04-06.
b – LES EFFETS DE L’AIDE
Un espoir : Dans les années 60 , des organisations comme le FED ou la Banque Mondiale pensaient que l’aide allait quasi
automatiquement assurer un décollage économique .
Une déception : Mais , comme l’indique J.J.Giri : « manifestement l’aide n’a engendré en Afrique , ni décollage , ni développement
autoentretenu. Dans certains cas , elle n’a même jamais engendré aucun développement du tout , et certains pays d’Afrique se
retrouvent plus pauvres , dans les années 80 que dans les années 60 » .
Conséquences : Ceci a conduit certains auteurs à affirmer que l’aide ne sert à rien et peut même engendrer des effets pervers ( doc 6
p 89 ) :
• Pour S.Brunel , l’aide ne sert pas à accroître la capacité productive du pays ; elle est utilisée
- soit pour construire des ouvrages de prestige sans but économique ( le Transgabonais ) , soit à acheter des usines clés en
main trop élaborées qui ne peuvent s’adapter aux conditions du pays .
- la maintenance est alors très difficile à assurer , car la main-d’œuvre est insuffisamment qualifiée ,la capacité de
production est très largement supérieure aux capacités d’absorption du marché .
- Ainsi la production qui subit la concurrence des produits des pays riches est de mauvaise qualité , à un prix plus élevé
( déseconomies d’échelles , en raison du faible taux d’utilisation des capacités de production ) .
- Les usines sont donc à terme condamnées : l’aide ne s’est donc pas traduite par une création de richesses supplémentaires .
• l’aide n’a pas transformé en profondeur les mentalités , elle a seulement servi à greffer artificiellement une façade moderne sur
une société demeurée traditionnelle ; elle a donc , par là , contribuer au dualisme , opposant la majeure partie de la population
perpétuant ses méthodes ancestrales à une minorité qui survit grâce à une injection continue de fonds en provenance des PDEM
• les auteurs libéraux sont les plus critiques : ils considèrent , reprenant les thèses de Ricardo et de Malthus ( cf chap croissance
démographique et développement ) que l’aide maintient les assistés dans la pauvreté en désincitant au travail et à l’épargne
( les dons de produits agricoles concurrencent la production nationale et ruinent les petits producteurs ). Comme l’écrit Bauer :
« à la vérité , aider les responsables politiques sur la base de la pauvreté de la population a plus de chances d’encourager les
politiques d’appauvrissement que d’y faire obstacle » (d’autant plus que les sociétés n’étant pas démocratiques , l’aide est
détournée par des dirigeants corrompus).
• les auteurs marxistes , quant à eux , pensent que l’aide n’est qu’un moyen de maintenir la domination impérialiste dans le tiers-
monde. L’étude des donateurs montre que ceux-ci orientent et concentrent leur aide sur les pays qu’ils veulent influencer ( la
France aide surtout ses anciennes colonies).
Relativisation : Pourtant , comme l’écrit J.Brasseul: « ces critiques en forme de brillants paradoxes peuvent bien contenir une part
de vérité , mais elles oublient que l’aide a quand même des effets positifs , et surtout qu’en son absence , de nombreux pays ne
pourraient simplement plus fonctionner » .
Conclusion : Ce n’est donc pas le principe de l’aide qui ne doit pas être remis en cause , mais les arrière-pensées qui en sont à
l’origine de la part des PDEM et la façon dont elle est utilisée par les PVD :
• Si l’aide sert à financer des projets clairement définis et dont la rentabilité ou l’utilité est clairement démontrée ( construction
d’infrastructures , éducation de la population ) elle s’avérera favorable .
• D’autant plus que son versement peut être soumis à conditions : le PDEM peut ainsi inciter le PVD à assurer un passage à un
régime démocratique ou à appliquer des réformes économiques
Conclusion : La vision libérale montre donc bien que l’endettement est source de développement économique , et donc , que
contrairement à l’adage populaire , l’endettement n’est pas mauvais en soi pourvu qu’il contribue à créer des richesses : le taux de
croissance de l’économie ( qui détermine sa capacité de remboursement ) doit être supérieure au taux d’intérêt réel ( qui détermine le
prélèvement opéré sur l’économie ) .
Relativisation : Mais cette vision très optimiste montrera ses limites , quand elle sera confrontée à la réalité . Elle conduira , au début
des années 80 , de nombreux PVD à se déclarer en cessation de paiements .
Principe de base : Comme nous l’avons vu plus haut , l’endettement est viable tant que les richesses créées sont supérieures aux
montants à rembourser (c’est-à-dire si le taux de croissance économique est supérieur au taux d’intérêt réel ) .
Conclusion : Cet effet de ciseaux ( de nature conjoncturelle ) a révélé les choix souvent irrationnels des investissements opérés par
les PVD dans une période d’euphorie et acceptés par les banques prêteuses ( qui sont donc en partie responsables ). Ces erreurs qui
étaient sans conséquence dans les années 70 eurent , dans les années 80 , des conséquences dramatiques .
b ) LES CAUSES STRUCTURELLES .
Constat : Contrairement aux prévisions des théoriciens qui attendaient de l’augmentation des taux d’investissement et d’endettement
une hausse quasi automatique de la croissance , on a pu constater qu’entre 1973 et 1982 l’élévation des taux d’endettement ne s’est
pas traduite par une hausse comparable ni des taux d’investissement , ni des taux de croissance.
Conclusion : Donc , la dette n’a pas servi à créer des richesses supplémentaires (contrairement aux prévisions) . Tant que les taux
d’intérêt réels étaient faibles , les problèmes étaient masqués . Avec la hausse des taux , les difficultés , les erreurs et les
détournements de fonds apparaissent .
Constat : Comme l’indique H.Bourguinat, les PVD dans un contexte d’unification de la finance mondiale ont
• dans , un premier temps , cru : « constituer un groupe d’emprunteurs susceptibles de trouver sur ce marché financier
international tous les crédits consortiaux dont ils pouvaient avoir besoin . »
• Mais , à partir du mois d’Aout 82 , « ils ont dû très vite subir la loi du groupe des pays créanciers et accepter de passer sous les
fourches caudines des programmes de rééchelonnement » . En effet , même si les responsabilités de la crise auraient dû être
également partagées entre :
- les PVD qui ont gaspillé les crédits ,
- les banques qui ont accordé des prêts sans respecter les règles prudentielles ( ratio de solvabilité ) ,
- les PDEM qui ont fermé leurs frontières aux produits des PVD et les ont donc empêché de rembourser leurs dettes ;
- Les organisations internationales (FMI,Banque Mondiale) qui ont mal conseillé les PVD.
Explications : On peut constater que l’ajustement a été supporté quasiment uniquement par les pays emprunteurs ( doc 8 p 290 ) . En
effet :le F.M.I. ( Fonds Monétaire International ) a considéré que la responsabilité de la crise s’expliquait par l’échec des stratégies de
développement ( particulièrement les stratégies autocentrées )
Répercussions : « les prêts conditionnels du FMI vont alors généralement de pair avec une action de stabilisation destinée à corriger
les déséquilibres macro-économiques » .
• Les pays doivent donc appliquer des politiques visant à assainir l’économie , ils doivent dévaluer leur monnaie , appliquer des
politiques de rigueur désinflationnistes ( en diminuant la masse monétaire en circulation ) , diminuer les déficits budgétaires
par la baisse des dépenses publiques , les privatisations et l’augmentation de la fiscalité , diminuer les salaires afin d’améliorer
la compétitivité des entreprises . « Le FMI subordonne le versement de ses crédits à l’application , avec succès , de ces
mesures » .
• Ces programmes d’ajustement ont des visées conjoncturelles , mais surtout structurelles : ils « peuvent apparaître comme une
première étape essentielle du remodelage d’une économie , vers un état d’ouverture » .
Conclusion : On ne peut contester la nécessité de ces plans d’ajustement , il n’en demeure pas moins qu’ils traduisent une nette
orientation idéologique : le Tiers-mondisme marxisant des années 70 s’est vu remplacer par un ultra-libéralisme conquérant dans les
années 80 - 90 . Or :
• on a pu qualifier les années 80 d’années perdues pour le développement : « les programmes préconisés par le Fonds se sont vus
ainsi accuser d’être néfastes à la croissance et au développement , de toujours recourir à une cure d’austérité , d’accroître la
pauvreté » . On a assisté à une véritable mise sous tutelle des pays à monnaie faible qui « n’ont guère le choix , sans le sceau
d’approbation de la Banque Mondiale et du FMI , ils ne trouveront ailleurs aucun financement , ni public , ni privé » .
• On en est ainsi arrivé , au début des années 90 , à la situation paradoxale suivante : on observe un transfert net des ressources
des PVD vers les pays riches : les PVD financent les pays riches , en particulier les EU : « alors que tout semble indiquer que le
capital devrait aller des pays industrialisés à Balance courante excédentaire vers les pays à haut taux de rendement de
l’investissement , mais à ressources d’épargne domestique faibles , c’est le schéma inverse qui paraît devoir prévaloir » .
Les explications : Ceci s’explique par un certain nombre de raisons d’ordre à la fois conjoncturelle et structurelle :
• les raisons conjoncturelles sont dominées par les retombées de la crise de l’endettement :
- suite aux difficultés des années 80 , les banques privées sont devenues très réticentes à développer le financement des PVD
. Elles ont même cherché à se débarrasser , en les bradant plus ou moins , des créances dont elles disposaient sur des pays
qu’elles considéraient maintenant comme non solvables .
- Dans le même temps , les PVD qui appliquaient les politiques d’ajustement du FMI s’efforçaient de privatiser leurs
entreprises publiques , en échangeant les actions de celles-ci contre des titres de la dette .
- Les FTN qui avaient racheté des créances pouvaient donc , à faible coût , prendre le contrôle d’entreprises dans les PVD .
- L’investissement direct des FTN est donc considéré désormais par les PVD comme une alternative à l’endettement , ils
entrent donc en concurrence afin de les attirer ( « surenchère aux incitations fiscales, aux aides et à la prise en charge des
coûts externes ») .
• les raisons structurelles : « le mouvement de libéralisation a été intensifié par le grand retournement dans les stratégies de
développement , qui s’ébauche dès le début des années 80 , et qui tourne le dos au modèle de substitution aux importations
appliquées durant les 20 dernières années . La nouvelle orientation prône la croissance tirée par les exportations » :
- A la croyance en un développement autocentré basé sur des théories marxistes ou structuralistess’est substitué la foi en des
théories libérales , qui risquent comme les précédentes d’engendrer de nouvelles désillusions .
- En effet , « dans l’optique des conceptions ultra-libérales , l’implantation des FTN doit jouer un rôle d’entraînement
automatique sur les structures productives locales . L’investissement étranger joue le même rôle que la création de pôles de
croissance ( ... ) .
- Mais en ce qui concerne les économies en voie de développement , les arguments des FTN sont nombreux qui visent à
montrer les limites , sinon l’impossibilité de l’intégration locale . Ceux qui sont les plus souvent avancés constituent une
trilogie qualité , coût , délai ( ... ) .L’intérêt des FTN et la préoccupation industrialisante des pays ne coïncident donc pas . »
- On constate , en effet , que , « les choix des multinationales revêtent une très grande constance , caractérisés par une
attitude extrêmement sélective , vis à vis de l’investissement au Sud ( doc 16 p 295 ) . Vers 1980 , 40 % du total des
investissements directs étaient dirigés vers 10 pays du Sud » . La polarisation des investissements directs des FTN sur les
pays les plus rentables économiquement ( en particulier les NPI ) est donc très forte ( 10 et 11 p 313).
Conclusion : On ne peut , dès lors , considérer que l’implantation des FTN puisse constituer une véritable alternative à l’aide ou au
crédit , en direction des pays les moins développés . Ceux-ci sont en effet complètement délaissés ( sauf s’ils disposent de ressources
en matières premières : et intéressent ainsi les FTN dites primaires ) , dès lors , qu’ils apparaissent comme présentant un risque
politique ( continent africain ) ou insuffisamment compétitifs au niveau économique ( « derrière cette concentration sur un nombre
limité de pays du Sud , il existe une rationalité économique » ) .
CONCLUSION :
Conclusion : Plus personne ne pense aujourd’hui qu’une hausse du taux d’investissement puisse constituer une condition nécessaire
et suffisante à la croissance économique . :
• Il faut , en effet , comme l’écrit G.Grellet admettre que : « au-delà de l’accumulation des facteurs de production , le problème
de la croissance est celui de l’allocation des ressources et du choix des stratégies de développement » .
• Sinon , comme le constate J.N.Bhagwati , à la place du fameux décollage prévu par Rostow qui inspira de nombreux plans de
développement au cours des années 50-60 , on risque d’assister à une étape supplémentaire : « portant le nom d’atterrissage
brutal » .
Remarque :On notera que ces postulats contredisent point par point l’ancienne orthodoxie , le marché
mondial devient source de croissance , et l’Etat source de mauvaise allocation des ressources . »
1° ) UN CONSTAT
Comme l’indique G.GRELET , le passage du paradigme de l’introversion ( stratégie d’ISI ) à celui d’extraversion ( stratégie de SPE )
s’explique par l’analyse des résultats comparés des 2 modèles :
• « les grands pays introvertis comme l’Inde ou la Chine ne connurent ( dans les années 70 ) que des résultats médiocres .
• A l’opposé , quelques pays très extravertis comme Taiwan , Hong Kong ou Singapour réussirent des percées fulgurantes dans un
contexte international par ailleurs difficile » .
• Une étude de la Banque mondiale comparant les résultats de 41 pays orientés vers l’intérieur et vers l’extérieur constate que les
résultats en terme de taux de croissance , de taux d’épargne , d’inflation et de création d’emplois sont d’autant plus satisfaisants
que
le taux d’ouverture ( X+M / 2 PIB ) x 100 est élevé .
2° ) LES EXPLICATIONS .
La stratégie de SPE prend le contre-pied systématique de celle d’ISI . Gillis écrit ainsi : « une prescription
utile pour les politiques de SPE est de faire tout ce qui est évité par le régime de substitution
d’importations . » Les gouvernements vont ainsi appliquer :
• des politiques de dévaluation compétitive qui vont , à la fois leur permettre d’améliorer la
compétitivité-prix de leurs produits , donc leurs exportations , mais aussi , selon Balassa , permettre
une substitution d’importations (plus forte paradoxalement que dans la stratégie d’ISI ). Car , les
produits nationaux sont moins chers que les produits importés ( grâce à la dévaluation et aux
économies d’échelle permises par le développement des exportations ).
• une réduction des tarifs douaniers qui incite les entrepreneurs nationaux à se spécialiser en fonction
de leurs avantages comparatifs , c’est-à-dire principalement dans le cas des NPI d’Asie dans les
industries utilisant intensément la main-d’oeuvre nombreuse et qualifiée dont ils disposent à faible
coût . L’allocation des ressources est donc beaucoup plus optimale qu’elle ne l’est dans la stratégie
d’ISI
• ce dernier point est d’autant plus renforcé que les gouvernements s’efforcent de mettre en place des
prix ( des biens , des services et des facteurs de production ) qui reflètent les raretés relatives . On a
,en effet , constaté , selon J.Brasseul , que s’il ne s’agit pas d’une condition suffisante au
développement , remettre de l’ordre dans les prix constitue un point de départ indispensable , une
condition nécessaire .
Remarque : Cette stratégie :
• semble donc reposer sur une logique libérale , puisqu’elle repose apparemment sur la théorie des
avantages comparatifs de Ricardo , qui énonce que chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la
production du bien pour lequel il dispose d’un avantage par rapport à ses concurrents .
• Or , les NPI d’Asie :
- ne disposaient pas de ressources naturelles leur permettant de développer une spécialisation
dans l’exportation de matières premières . Comme ils disposent , de plus , d’une population
relativement restreinte ( en particulier Hong Kong et Singapour qui sont des pays villes ) , la
production pour le marché intérieur et les stratégies d’ISI qui furent appliquées à la fin des
années 50 montrèrent rapidement leurs limites .
- La seule solution qui s’imposait à eux ( la notion de volontarisme est donc à relativiser ) est
d’utiliser leur seule richesse , c’est-à-dire leur main d’oeuvre pour produire des biens nécessitant
une utilisation intensive du travail à destination des PDEM ( le textile , l’électronique , ... ) .
- Ces pays suivaient , avec 20 ans de retard , la stratégie développée par le Japon . Comme celui-ci
, la réussite du modèle ( basé contrairement au modèle allemand du XIX° siècle et soviétique du
XX° sur les industries de consommation , comme l’Angleterre au XVIII° ) a engendré une
augmentation du coût du travail , au fur et à mesure du développement ( les NPIA appartiennent
aujourd’hui à l’OCDE et sont donc des pays développés ) , donc a nécessité une adaptation .
Conformément au modèle japonais , les NPIA ont donc délocalisé les productions nécessitant
beaucoup de main d’oeuvre vers les tigres d’Asie ( Thaïlande , Indonésie , ... ) et ont opéré une
stratégie de remontée de filières qui permet à la fois de s’implanter sur des marchés à plus forte
valeur ajoutée et d’opérer une industrialisation plus complète de leur tissu productif ( la
spécialisation passant des biens de consommation courants aux biens de consommation élaborés
et aux biens d’équipement ).
Constat : Le paradigme du « trop d’Etat » a remplacé celui du « pas assez d’Etat » , selon G.GRELLET .En effet , même si , excepté
les auteurs ultralibéraux , personne ne conteste la nécessité d’une intervention de l’Etat , celle-ci doit être mesurée à l’aune de son
efficacité : l’expérience montre que , dans de nombreux PVD , l’intervention de l’Etat a généré des effets contre-productifs .
CONCLUSION DU II :
Constat : Néanmoins , si on étudie plus précisément les stratégies des NPI qui sont considérés par la
Banque mondiale ou par le FMI comme des modèles de référence libéraux , on se rend compte qu’elles
sont moins libérales qu’elles ne paraissent au premier abord :
Explications : ainsi quand on compare la protection tarifaire entre 2 groupes de pays : ceux ayant
adopté l’ISI et ceux ayant adopté la SPE , on remarque
• certes que la protection moyenne est supérieure dans l’ISI .
• Mais les écarts de protection sont plus grands dans la SPE : en effet , cette stratégie distingue les
secteurs qui n’ont pas besoin de protection car le pays dispose d’un avantage comparatif ou ceux
pour lesquels la protection serait coûteuse : le pays ayant besoin de ces biens mais ne sachant pas
les produire ( ex : biens d’équipement dans une première phase ) ; des secteurs que le pays cherche
à développer sans être compétitif pour le moment , pour lesquels un protectionnisme éducateur
semble nécessaire .
• On peut dès lors en conclure qu’il semble y avoir une stratégie plus rationnelle de protectionnisme
que celle opérée par les pays adoptant l’ISI
Conséquences : ce protectionnisme sélectif montre donc que
• contrairement aux apparences et aux dires des théoriciens libéraux , l’Etat n’est pas absent ,il
applique une politique qui , selon M.Fouquin , tend à concentrer les efforts sur les secteurs
compétitifs et à abandonner les secteurs , dans lesquels le pays n’a pas d’avantages ;
• car , contrairement aux affirmations de Ricardo , une adaptation passive aux avantages naturels ne
suffit pas : « l’expérience de tous les pays en développement , y compris de ceux qui ont le mieux
réussi , est en faveur d’un certain volontarisme : dans les phases de démarrage du processus de
développement , l’Etat doit choisir les secteurs prioritaires qui doivent être créés ou développés ( ... )
.
• Les échecs qui ont été enregistrés proviennent soit de choix erronés , soit de l’incapacité des Etats à
mobiliser des moyens nécessaires et à mener des politiques économiques convenables » . On
retrouve ici la responsabilité des Etats mous dans l’échec du développement ; on sait qu’au contraire
, en Corée , un Etat fort et interventionniste a contribué notablement au développement du pays , en
assistant ou en se substituant aux entrepreneurs quand cela était nécessaire .
Remarque : On peut d’ailleurs s’interroger à la fois sur la généralisation du modèle de croissance tirée
par les exportations mais aussi sur sa validité :
• la stratégie de SPE s’ est révélée efficace quand un nombre réduit de pays comportant une
population restreinte ( les 4 Dragons d’Asie du Sud-Est ) l’ont appliquée ; mais si cette stratégie
devient un modèle copié par tous les PVD , et en particulier par des pays très peuplés comme la
Chine ou l’Asie , on peut se demander si elle ne se révélera pas intenable :
- en effet si un grand nombre de pays se spécialise dans des produits banalisés en fin du cycle de
vie ,dont la demande progresse faiblement , une augmentation de la production risque de se
traduire par une baisse des prix et une détérioration des termes de l’échange ( comme pour les
produits primaires ), donc une diminution des recettes d’exportation qui ne permettrait pas de
financer le développement .
- la concurrence exercée sur ces pays sur les industries des PDEM utilisant beaucoup de main
d’oeuvre peu qualifiée serait destructrice et appellerait , de la part des autorités , des mesures de
protection ruinant la stratégie de SPE .
• comme l’indique M .Fouquin: « l’idée de la croissance tirée par l’exportation qui pourrait faire croire
qu’un pays qui exporte plus a une croissance plus forte est , en général , fausse . Car , parvenu à un
rythme très élevé , les économies butent sur des goulets d’étranglement qui les contraignent à
importer de plus en plus . La croissance des importations finit à être plus forte que celle des
exportations . La croissance tirée par les exportations ne peut être qu’exceptionnelle et de courte
durée » . Comme le constate d’ailleurs G.Grellet : « la corrélation positive entre la part des
exportations dans le produit national et la croissance , si elle existe , n’est pas sans ambiguïté , dans
la mesure où elle ne fait que refléter le fait que les pays les plus pauvres n’ont rien à exporter . »
CONCLUSION GENERALE :
50 ans d’économie du développement ont conduit les économistes et les organisations internationales à modérer l’optimisme dont ils
faisaient preuve à leurs débuts . Ils considèrent désormais :
- qu’il n’existe plus un modèle de développement ( celui suivi par l’Angleterre pour les libéraux ou celui de l’URSS pour les
marxistes ) préconisant le recours privilégié à une variable ( le taux d’investissement ) qui permettrait d’assurer à lui tout
seul le décollage économique et la croissance dans tous les PVD .
- Les analyses considèrent aujourd’hui , à la suite de la diversité des chemins suivis par les PVD qui ont conduit à une
remise en cause de la notion de Tiers-Monde , que chaque pays , en fonction de ses ressources ( aussi bien économiques que
culturelles ou sociales ) , en prenant en compte les contraintes qui pèsent sur lui ( les effets de la colonisation , la
mondialisation , l’absence d’Etat structuré , des sociétés inégalement cohérentes ) doit mettre en oeuvre une stratégie qui
lui soit spécifique . La croissance et le développement qu’ont connues les NPI d’Asie semblent justifier cette analyse .
- Néanmoins , après 20 ans d’économie du développement dominée par les idées tiers-mondistes ayant conduit à des échecs
retentissants , un nouveau dogmatisme basé sur le renouveau des idées libérales , la mondialisation et le succès des NPIA
semble aujourd’hui à l’oeuvre . Celui-ci risque comme le précédent de conduire à des résultats catastrophiques , d’autant
plus qu’il justifie l’abandon des politiques d’aide et d’intervention de l’Etat qui risquent de mettre en concurrence des pays
ayant des potentialités radicalement différentes .
Ainsi , si l’on peut se féliciter de la réussite des NPIA , il n’en reste pas moins que c’est l’arbre qui cache la forêt : la majorité des
pays du Tiers-Monde ayant connu un développement du sous développement.
SMI ET SFI
a- Le système monétaire international
a1 - Pourquoi un SMI ?
Définition : M.BERNARD écrit : « Un SMI est un ensemble de règles et d’institutions qui régissent comment , en quoi
et à quel prix les monnaies s’échangent entre elles . » Ainsi 3 questions se posent :
• la première est celle de la convertibilité : pour que l’échange international ait lieu , il est nécessaire que le
vendeur bénéficie d’une garantie , c’est-à-dire que la monnaie dans laquelle il sera payé , représente un pouvoir
d’achat ( la variation de ce pouvoir d’achat et donc le risque encouru par le vendeur sera fonction du régime de
change en vigueur : fixe ou flottant ).
• La deuxième celle des liquidités : c’est-à-dire les moyens de paiement internationalement acceptés qui vont
constituer les réserves de change des Banques Centrales ( dans le système du Gold Standard , l’or est la liquidité
en dernière instance , mais la livre est acceptée ; dans le système du Gold Exchange Standard issu de Bretton
Woods , le dollar devient la principale réserve de change , car il est considéré équivalent à l’or : as so good as
gold )
• La troisième celle de la formation des taux de change : qui joue un rôle essentiel dans la compétitivité des
produits ; le taux de change est le point de contact entre l’économie nationale et le reste du monde . Le mode de
fixation de ce taux de change va donc exercer une grande influence .
Rappel d’histoire : Le monde a connu depuis le XIX° siècle trois régimes de change : cf cours d’histoire géo
M.BERNARD écrit : « que les manifestations de la puissance et de la domination économique s’opposent souvent » . Il
distingue , pour le démontrer 3 critères :
• d’un point de vue commercial : un pays puissant qui dispose d’avantages compétitifs importants se caractérise
par des excédents commerciaux élevés et croissants ( ex : Japon , RFA ). Au contraire , un pays dominant connaît
généralement un déficit de sa Balance Commerciale , car sa puissance industrielle est contestée . Mais sa
puissance hégémonique lui permet de se dispenser de rétablir l’équilibre de sa Balance Commerciale .( ex : GB
fin XIX° , USA depuis 71 )
• d’un point de vue financier : la puissance financière consiste à être le bailleur de fonds du monde , ( USA dans
les années 50 ) , ce qui permet aux pays de vivre de ses rentes et d’exercer ainsi une domination commerciale .
Le déficit de sa Balance Commerciale est compensé par le revenu des capitaux que ses résidents ont placés dans
le reste du monde ( ex : GB à partir des années 1880 ) . La domination financière s’exerce , au contraire , quand
l’excédent de la Balance des capitaux ne permet plus de compenser le déficit de la Balance Commerciale , et
donc que la Balance des Paiements devient déficitaire ( ex : USA dans les années 80 ) . Le pays pompe donc
l’épargne du monde .
• d’un point de vue monétaire : la puissance consiste pour le pays qui émet la monnaie du monde , la devise-clé à
gérer son émission pour le bien de tous et non au service d’objectifs purement nationaux ( ex : les USA durant
les années 50 dans le cadre des accords de Bretton Woods qui émettait des dollars pour financer le
reconstruction des pays européens , tout en garantissant la couverture or du dollar , ce qui maintenait la
confiance ). Au contraire , la domination monétaire s’exerce quand le pays émetteur de la devise clé se sert de la
monnaie mondiale pour poursuivre des objectifs internes , sans se préoccuper des répercussions que sa gestion
monétaire a sur le reste du monde , le pays dominant n’en supporte pas d’ailleurs les conséquences , car sa
monnaie étant la devise de référence , il peut attire l’épargne mondiale à des coûts plus bas que ses partenaires
ou financer son déficit sans pleurs ( sans plan d’adaptation de rigueur )en émettant de la monnaie ( ex : les USA
à partir des années 60 et surtout après 71 )
Conclusion : Ainsi , on peut en conclure que le SMI met en relation des partenaires qui ne sont pas situés sur un pied
d’égalité et donc que les différences de puissance vont venir troubler son fonctionnement , ce que démontre
l’historique du SMI depuis 1945 (cf. cours d’histoire).
Selon les défenseurs en particulier les théoriciens monétaristes le flottement devait permettre d’assurer un meilleur
fonctionnement du SMI :
• dans le cadre du SMI issu de Bretton Woods , la formation des cours de change est déterminée
administrativement par les autorités monétaires ; elles ne reflètent pas toujours le taux de change d’équilibre du
marché qui résulte de la confrontation entre l’offre et la demande de devises . Au contraire , les changes flexibles
qui résulteraient de l’application de la loi de l’offre et de la demande de devises devrait permettre de déterminer
les cours vrais du marché : ceux qui reflétant la santé économique du pays ( on devrait donc se rapprocher des
taux de PPA ) .
• dans le système de changes fixes mais ajustables , qui est celui issu de Bretton Woods , quand le décalage entre
le cours vrai de la monnaie et le cours administré est trop important les autorités finissent par décider un
réajustement monétaire ( dévaluation ou réévaluation ) . Mais durant la période intermédiaire , durant laquelle il
ne se passe rien , les spéculateurs qui anticipent le réajustement vont se déchaîner , ce qui va entraînait des
coûts pour la Banque Centrale , qui doit défendre sa monnaie . Au contraire , dans un système de change flexible
, la situation devrait se stabiliser et assurer un équilibre durable du marché monétaire . En effet , la tendance
normale pour réaliser un gain étant de vendre lorsque les cours sont élevés ( demande < offre entraîne une
baisse du cours de la devise ) , d’acheter lorsque les cours sont bas ( offre < demande , d’où une augmentation
du cours de la devise ); le taux de change devrait automatiquement revenir à son point d’équilibre : celui de PPA
.
• dès lors les banques centrales n’ont plus à détenir des réserves de change coûteuses et souvent insuffisantes
pour soutenir le cours de leur monnaie .
• le taux de change devient alors l’instrument principal de l’ajustement de chaque économie . En effet , quand le
pays connaît un déficit extérieur ( excédent ), on observe une demande excédentaire ( déficitaire ) de monnaie
étrangère qui entraîne une dépréciation ( appréciation ) de la monnaie nationale et améliore ( handicape ) sa
compétitivité-prix . Dès lors , les exportations augmentent alors que les importations sont handicapées , et la
Balance Commerciale excédentaire ( déficitaire ) .
• les changes flottants permettent donc d’assurer l’autonomie des politiques monétaires , qui n’ont plus désormais
à intervenir pour soutenir les taux de change , dans le cadre de marges préfixées . Le pays peut alors assigner sa
politique monétaire aux objectifs internes , puisqu’il n’a plus à assurer la stabilisation du taux de change .
D é f in it io n : on doit distinguer :
Qu'on nous comprenne bien : évoquer la rétorsion commerciale peut être nécessaire pour contrer des comportements déloyaux ou
pour amener tel ou tel partenaire à prendre sa juste part à la solution de problèmes globaux. Mais la fonction d'un scrutin présidentiel
est de fixer le cadre des politiques à venir. L'invocation répétée de solutions protectionnistes conforte l'opinion dans la croyance que la
réponse aux tensions suscitées par la mondialisation est dans la construction d'une ligne Maginot économique et installe l'idée que le
prochain président (ou présidente) aura pour mandat de l'édifier.
Ces propos répondent à une attente. Selon un sondage récent, les Français sont, parmi tous les Européens, les plus angoissés par la
mondialisation : 72 % y voient d'abord une menace pour l'emploi et les entreprises du pays. Pourtant, les partis de gouvernement
s'interdisaient jusqu'ici d'envisager en réponse un recours à l'attirail protectionniste, laissant ce thème à l'extrême droite et à
l'extrême gauche. Ils se gardaient de promouvoir des solutions dont la mise en oeuvre opposerait le pays à ses partenaires européens
ou le mettrait en contradiction avec ses engagements internationaux.
Ce n'est pas toujours par conviction que les dirigeants politiques français se retenaient de céder à la tentation. Notre classe politique
n'a jamais été adepte du libre-échange. Toutefois, l'engagement européen et les règles multilatérales faisaient office de surmoi. A
gauche, mais aussi à droite, la victoire du non au référendum a fait sauter le tabou européen et avivé la recherche de réponses
nationales. Quant aux digues multilatérales, elles viennent de céder avec la mise en sommeil des négociations à l'OMC et l'évolution
américaine. Les pointages indiquent que les nouveaux membres du Congrès sont plus isolationnistes que leurs prédécesseurs, qui
s'étaient déjà illustrés en bloquant des investissements étrangers et en montrant une grande réticence à ratifier des accords
commerciaux régionaux.
Tout est donc en place pour que le mouvement s'amplifie d'ici à l'élection présidentielle et le risque est réel que celle-ci soit l'occasion,
en France, d'un virage isolationniste. Une telle évolution serait très grave, pour plusieurs raisons.
Nous n'arrêterons pas, d'abord, la mutation mondiale qui s'est engagée. Celle-ci n'est pas affaire de règles commerciales mais
d'aspirations. La Chine, l'Inde et d'autres pays émergents veulent accéder à la prospérité économique et ont choisi pour cela de
s'inscrire dans la division internationale du travail. On peut critiquer leurs comportements sociaux ou environnementaux et leur
demander d'y mettre fin, vigoureusement si besoin. Mais ne croyons pas une seconde que l'élimination des pratiques contestables
changerait fondamentalement les termes de la concurrence mondiale. La montée de la Chine ne s'explique pas par la répression des
syndicats ou l'indifférence à l'égard des dégâts environnementaux. Propager cette idée entretient l'aveuglement.
Deuxièmement, les lignes Maginot ont toujours le même effet : créer l'illusion de la sécurité et retarder les vraies réponses.
Historiquement, le seul protectionnisme qui ait donné des résultats a été offensif, et tous les pays qui ont voulu s'abstraire des
changements du monde l'ont payé au prix fort. Suggérer que la réponse aux délocalisations est dans la protection, c'est faire croire
que la France pourra prospérer en conservant ses industries traditionnelles. Il suffit de regarder de l'autre côté du Rhin pour
comprendre combien c'est illusoire : depuis cinq ans, l'industrie allemande s'est profondément réorganisée sur la base d'une
délocalisation massive, bien plus rapide et prononcée qu'ici. Résultat : l'emploi industriel n'a pas souffert davantage, mais l'Allemagne
est redevenue le premier exportateur mondial.
Rappelons en outre que taxer à l'importation des produits qui ne sont plus fabriqués dans le pays a comme seul effet d'en faire
monter les prix ; et qu'interdire les délocalisations aux entreprises françaises leur ferait simplement perdre leur compétitivité par
rapport aux autres entreprises européennes qui y ont recours.
Troisièmement, le problème actuel de l'économie française n'est pas qu'elle importerait trop ou délocaliserait trop. Il ne réside pas
davantage dans le coût du travail ou dans le fardeau de l'euro. D'autres pays proches font mieux dans les mêmes conditions. Notre
problème tient à la dégradation de nos performances à l'exportation, faute d'une offre compétitive suffisante en qualité et en quantité
et d'efforts trop timides envers les nouvelles zones de croissance du monde. Pendant dix ans environ, ce problème a été masqué, par
la faiblesse de l'euro puis par les difficultés de l'Allemagne. Il apparaît en pleine lumière aujourd'hui. C'est ce problème qu'il faut
traiter, et rien dans l'attirail protectionniste n'y offre le début d'une réponse.
Quatrièmement, ce qui est un drame à l'échelle d'un territoire ne l'est pas à l'échelle du pays. Il faut aider les victimes de la
mondialisation, les indemniser, les requalifier, les réinsérer dans l'emploi, mais protéger des emplois condamnés aggrave le problème
au lieu de le résoudre. La disparition sur notre territoire des industries traditionnelles ou des hautes technologies d'hier focalise
l'attention, mais la France et l'Europe sont en fait mieux placées dans l'échange international que les Etats-Unis : elles exportent des
produits intensifs en capital que les pays émergents ne produisent pas en grandes quantités, et sont relativement faibles dans les
biens de consommation technologiques où ces pays concurrencent les Etats-Unis. Elles exportent donc des biens très demandés qui
bénéficient de la croissance mondiale et ont à gagner au processus de spécialisation internationale.
Il y a évidemment matière à débat sur la réponse à apporter aux mutations. Faut-il investir davantage de fonds publics dans la
recherche et l'enseignement, et comment obtenir ces fonds ? Pour stimuler l'innovation, faut-il plus ou moins de concurrence ? De
quels acteurs financiers avons-nous besoin pour faire naître des Google européens ? Faut-il déréglementer le marché du travail ? Peut-
on adapter en France le modèle danois de flexsécurité ? Faut-il accepter, et même favoriser, une concentration des activités sur le
territoire ? Comment remédier à l'absence de croissance des PME, autre particularité française ?
Pour des candidats soucieux de l'avenir, voilà de bons terrains d'affrontement entre visions et solutions. Mais de grâce, qu'ils nous
épargnent la dangereuse diversion protectionniste.
Patrick Artus, Elie Cohen, Jean Pisani-Ferry sont économistes et membres du Conseil d'analyse économique.
Article paru dans l'édition du 06.12.06.
Democracies get rid of tariffs, but they may encourage subtler forms of
protectionism
LISTEN to the campaign rhetoric of America's victorious senators and congressmen (not recommended), and you might easily
conclude that bashing trade wins votes. Politically, the calculation looks easy. The benefits from freer trade are diffuse and the winners
do not always know in advance who they are. On the other hand, sheltered industries know precisely how much they stand to lose if
left bare and unaccommodated.
But look further afield and the affinity between open politics and open markets seems clear. As use of the ballot box has spread,
especially to poorer parts of the world, tariffs have fallen. In 1981, for example, the world had only about 40 democracies; and the
average tariff in developing countries was almost 30%. By 2003 the roll call of democracies had more than doubled and tariffs had
fallen by more than half.
Why? For one thing, voters are also consumers who do not like paying extra for imported goods. Democratic governments can
withstand some consumer disgruntlement, especially if it is too thinly spread to swing many votes. But autocracies need pay it no
heed whatsoever.
Voters are also workers. The poor countries, where many of the new democracies have flowered, are typically endowed with abundant
labour but scarce capital. If they cut themselves off from trade, manpower will be cheap relative to capital. The plutocrats who profit
from this economic isolation are the natural allies of autocratic government. Democracy, by contrast, enfranchises a wider circle of
people who stand to gain from selling their labour at something closer to world prices.
For both of these reasons, freer trade often follows freer elections. One recent estimate found that a transition from airtight autocracy
to full-throated democracy (in a hypothetical developing country of average size, income, and so on) yields a fall in tariffs of seven
percentage points, from about 22% to 15% or so. Indeed, Daniel Kono, of the University of California at Davis, claims this finding is
“among the most robust in the field of international political economy.”
But it may be less robust than it looks, he argues*. Democrats may shy away from simple tariffs, but they still bash trade by other
means. These include “safeguards” which pop up and down as imports surge and recede, and a bewildering array of sanitary and
“phytosanitary” standards aimed ostensibly at keeping out pests and disease. Russia, for example, imposed onerous inspections on
American poultry exporters, because it said their chicken legs, imported in great quantities after the arrival of democracy, might
contain salmonella. The European Union banned Mauritania's award-winning camel cheese because the camels were milked by a
pastoralist's hand, not by a gleaming machine.
By Mr Kono's reckoning, the transition from despotism to democracy results in lower tariffs but higher barriers of other sorts. Indeed,
the share of imports touched by quotas, antidumping duties and the like would rise by seven points, he finds. Moreover, the product
coverage of quality, health and safety controls would increase from less than 9% to more than a fifth.
Tariffs may irk price-conscious consumers but at least they raise revenue for the public coffers. Why then do governments resort to
other kinds of barriers, such as quotas and “voluntary export restraints”, which impose costs on consumers without raising any duty?
Their appeal lies in their obscurity, Mr Kono argues. Politicians indulge in “optimal obfuscation”. They resort to trade barriers that
are difficult for voters to discern and tricky for political opponents to attack.
The burden of a tariff is easy to explain to the electorate: my opponent wants you to pay more for your milk and cars. Antidumping
duties are a more slippery target: dumping does not sound like something a responsible politician should favour. And campaigning
against health and safety standards can easily backfire: who wants to be in favour of drowning sea turtles in fishing nets so that
people can eat cheaper shrimp?
You may ask if such standards deserve to be attacked. If voters want to conserve sea turtles, ban shoddy imports and stamp out
salmonella, democratic politicians surely have a duty to respond. Perhaps these trade barriers simply reflect genuine consumer
concern. Perhaps. Mr Kono looks at several proxies for consumer sensitivities, including the stringency of a country's environmental
regulations, the purity of its water and the number of quality-marks its companies receive from the International Organisation for
Standardisation. Countries that fiercely enforce safety, greenery and quality at the border are not, he concludes, especially anxious to
enforce these things at home.
In other cases, however, governments have promised to fight dumping in order to win support for radical trade reform. Several of
Latin America's young democracies, for example, were keen to slash tariffs and peg their exchange rates to fight inflation. They
promised to defend companies against super-cheap imports as a way to sugar this free-trade pill. Mexico, for example, launched 83
antidumping investigations in 1993, more than any other country. But this was partly to shore up support for the North American
Free-Trade Agreement.
Trade is probably still freer under democracies than under the alternatives. It is just that this hunch, as Mr Kono shows, is more
difficult to prove than previous scholars had thought. Which is more damaging to trade: a tariff on Mexico's tuna or a demand that its
fishermen show greater courtesy to dolphins? The answer is obscure, optimally so
Pour tenter d'expliquer l'originalité du commerce entre les nations, de nombreuses théories spécifiques ont été élaborées depuis deux
siècles Les approches traditionnelles, dominées au XIXe siècle par l'analyse ricardienne et, au XXe siècle, par la théorie HOS
(Heckscher-Ohlin-Samuelson), ont été contestées dans les années 60 par les analyses centrées sur l'importance de la Recherche-
Développement et de l'innovation dans les flux commerciaux, puis, dès la fin des années 70, par les adeptes de la " nouvelle théorie "
du commerce international. Michel Rainelli présente ici de façon synthétique les fondements et limites de ces diverses théories, en
expliquant pourquoi celles-ci, aussi différentes soient-elles, parviennent à cohabiter.
L'explication des échanges commerciaux entre les nations relève, depuis David Ricardo, d'un champ d'analyse distinct des échanges
qui s'effectuent au sein d'un pays. Ainsi, au lieu de raisonner comme le fait la microéconomie sur un marché et d'expliquer comment
se forment les offres et les demandes, on explique, dans les théories traditionnelles, pourquoi les nations se spécialisent dans la
production d'une gamme de biens qu'elles produisent pour le marché domestique et qu'elles exportent, en échange d'une autre gamme
de biens, qu'elles importent. Si cette démarche a été retenue, c'est que la théorie économique est contrainte, pour des raisons de fond,
de singulariser les nations qui entrent dans les échanges internationaux. Les théories traditionnelles offrent, sur cette base, des
explications du commerce international, qui sont remises en cause tout d'abord en intégrant de nouveaux éléments explicatifs, comme
la R&D (Recherche et Développement) puis, en raison des caractéristiques des flux commerciaux contemporains, par les
développements de la " nouvelle " théorie du commerce international.
La théorie traditionnelle : les nations diffèrent entre elles par les coûts de production
Ricardo propose une explication du commerce international reposant sur un nouveau concept, les avantages comparatifs, qui est
exposé grâce à un exemple numérique. Ricardo considère deux nations, l'Angleterre et le Portugal, qui produisent deux marchandises,
le drap et le vin. Les conditions de production, décrites par les coûts unitaires de production mesurés en unités de travail(3), sont
différentes dans les deux pays, de façon telle que les coûts unitaires de production sont plus faibles, pour les deux biens, au
Portugal(4). Supposons que les heures de travail nécessaires pour produire du drap et du vin, au Portugal, soient, respectivement, 2 et
1 et, en Angleterre, 3 et 9. Une analyse fondée sur les coûts absolus, comme celle d'Adam Smith, conduirait à considérer que seul le
Portugal peut exporter. Or Ricardo montre que ce sont les coûts relatifs qui doivent être considérés. Si les deux pays entrent dans
l'échange international, ils peuvent se spécialiser, c'est-à-dire réorienter leurs productions en sacrifiant des unités du bien produit
relativement plus cher qu'à l'étranger. Ainsi, pour chaque unité de drap abandonné, le Portugal peut produire deux unités de vin ; dans
le même moment, l'Angleterre s'abstenant de produire une unité de vin peut disposer de trois unités de drap supplémentaires. Lorsque
les deux nations s'ouvrent aux échanges internationaux, elles peuvent donc se spécialiser et les consommateurs pourront alors
disposer de quantités supplémentaires des deux marchandises. Pour que ce résultat soit obtenu, il est nécessaire que le prix relatif
auquel s'effectue le commerce international soit compris entre les rapports d'échange qui prévalent en économie fermée. En autarcie,
au Portugal, deux unités de drap s'échangent contre une unité de vin, soit un prix relatif du drap par rapport au vin de deux ; en
Angleterre, une unité de drap s'échange contre trois unités de vin, soit un prix relatif du drap par rapport au vin de un tiers. Si
l'échange international s'effectue avec un prix relatif du drap par rapport au vin de un, par exemple, l'échange est profitable pour les
deux pays(5).
La théorie de Ricardo offre donc une analyse du commerce international originale, qui montre la supériorité de l'échange
international sur l'autarcie et qui explique la spécialisation internationale par le principe des avantages comparatifs. Elle souffre
cependant de deux faiblesses : d'une part, les différences dans les techniques de production sont données et non expliquées, le prix
relatif des échanges internationaux est borné (il se situe entre les prix relatifs d'autarcie), mais il n'est pas précisément déterminé, de
l'autre.
Les deux pays se spécialisent dans le bien dont la production utilise intensivement le facteur de production dans lequel ils sont
relativement bien dotés, l'Angleterre dans le drap, le Portugal dans le vin : une nation a un avantage comparatif pour le bien qui
utilise intensivement le facteur de production dont il est relativement bien doté. Le prix relatif auquel s'effectue l'échange
international est déterminé dans ce modèle, puisque les dotations factorielles, par l'intermédiaire des fonctions de production,
déterminent les fonctions d'offre qui rencontrent, sur le marché international les fonctions de demande. Comme dans le modèle
ricardien, c'est la différence entre les prix relatifs d'autarcie et le prix relatif sur le marché mondial qui est à l'origine des gains des
nations lorsqu'elles s'ouvrent au commerce international.
Les analyses de Ricardo et d'HOS constituent la théorie traditionnelle du commerce international. Elles reposent, du moins dans leurs
versions de base, sur des hypothèses communes fortes : les marchés des facteurs de production comme ceux des produits sont en
concurrence parfaite ; la production se fait avec des rendements d'échelle constants. Ces deux théories, et surtout celle d'HOS ont fait
l'objet de tentatives de vérification empiriques, en général décevantes, qui ont conduit, dans les années 60, à explorer de nouvelles
voies d'explication, à commencer par le rôle que peuvent jouer les dépenses de R&D dans la création des flux commerciaux.
Dans les années 60, le progrès technique devient un thème de recherche important pour l'étude du commerce international : jusque-là,
les modèles développés sont essentiellement statiques, même si des tentatives d'introduction de le croissance dans le modèle HOS ont
été proposées. C'est en 1961 que Michael Posner développe une analyse radicalement nouvelle, centrée sur le changement
technique(6). L'idée initiale consiste simplement à étendre à la sphère internationale les conséquences des activités de R&D des
firmes : une firme innovatrice bénéficie, pendant une période plus ou moins longue, d'un monopole dans la production du bien
nouveau. Si ce bien est consommé à la fois par des résidents du pays d'origine et par des consommateurs localisés à l'étranger, un flux
d'exportations est créé qui ne disparaîtra que lorsque les firmes étrangères auront réussi à mettre au point un produit concurrent. Le
déterminant de ce commerce est " l'écart technologique ".
D'une part, l'écart considérable entre les prédictions de la théorie traditionnelle et les constatations empiriques doit conduire à
remettre en cause les idées antérieures. Elhanam Helpman et Paul Krugman, en 1985, considèrent ainsi que trois caractéristiques
importantes du commerce international contemporain ne sont pas expliquées par la théorie traditionnelle :
• les échanges internationaux se développent le plus rapidement entre les pays les plus développés, qui présentent des dotations
factorielles très voisines, contrairement aux attentes de la théorie HOS ;
• le commerce intrabranche constitue une part significative et en croissance des échanges internationaux qui ne peut être
expliquée ni par la théorie ricardienne ni par la théorie HOS ;
• au sein de la théorie traditionnelle, les firmes multinationales ne peuvent exister, or elles sont à l'origine d'une part importante
des échanges entre nations(9). La nécessité de proposer une explication de ces trois phénomènes, au sein d'une théorie du
commerce international construite sur des bases différentes de l'ancienne est donc de plus en plus ressentie.
D'autre part, les développements de l'économie industrielle et de la microéconomie de la concurrence imparfaite ont conduit à
considérer les marchés oligopolistiques comme le cas général. Comme l'indique Krugman, il était paradoxal de traiter le commerce
international avec une théorie reposant sur des hypothèses de concurrence, alors que les secteurs industriels qui sont à l'origine de
l'essentiel de ce commerce sont analysés comme des oligopoles dans des études d'économie industrielle (10). La nouvelle théorie
propose une analyse qui s'est développée dans deux directions : les échanges internationaux et la politique commerciale.
L'explication des échanges internationaux par les économies d'échelle et la différenciation du produit
L'hypothèse de rendements d'échelle constants implique que la spécialisation internationale n'est déterminée que par des différences
internationales des techniques de production (théorie ricardienne) ou dans les dotations relatives de facteurs de production (la théorie
HOS). La nouvelle théorie reprend des idées exposées dans les années 20 et 30, en montrant comment des avantages découlant de la
production à grande échelle peuvent expliquer certains échanges internationaux.
Lorsqu'existent des économies d'échelle internes à la firme (le coût unitaire de production diminue lorsque la taille de la firme
augmente), la concurrence disparaît. Si ces économies sont continues, le marché est en situation de monopole. Helpman et Krugman
traitent cette forme de marché dans le contexte particulier du monopole contestable (la firme installée peut voir sa position contestée
par un entrant potentiel et la firme installée fixe le prix à un niveau égal au coût moyen)(11). Supposons que deux pays, A et B soient
identiques en tous points, sauf pour le taux de salaire, plus élevé en A qu'en B ; le coût moyen de production du monopole contestable
qui produit le bien x est donc plus élevé en A. L'ouverture au commerce international des deux pays conduit à la disparition de la
firme localisée en A. Celle du pays B est la seule à approvisionner les deux pays et, en raison des économies d'échelle interne, le prix
d'équilibre avec échanges internationaux s'établit à un niveau inférieur aux deux prix d'autarcie. Si tous les marchés sont des
monopoles contestables, la spécialisation internationale est totale : chaque bien n'est produit que par une seule firme.
Les économies d'échelle externes à la firme mais internes au secteur sont compatibles avec la persistance de la concurrence : le coût
unitaire de production dépend alors de la taille du secteur. L'existence de telles économies a pour effet de favoriser, toutes choses
égales par ailleurs, les nations qui produisent des volumes importants. Ainsi, une nation entrée la première dans la production d'un
bien ne pourra pas être concurrencée par une autre, avantagée par un taux de salaire plus faible, mais qui ne peut accéder à un niveau
de production suffisant pour bénéficier des économies d'échelle.
Trois conséquences importantes découlent de cette situation :
• la taille du marché intérieur d'une nation peut, en présence d'économies d'échelle externes, être un facteur explicatif du
commerce international ;
• les spécialisations internationales résultant des économies d'échelle externes sont stables, même si les avantages comparatifs se
modifient ;
• des " accidents historiques " conduisant à la production d'un bien dans un pays donné peuvent expliquer les flux commerciaux
internationaux. Les tentatives de vérification de la portée explicative de cette analyse sont difficiles ; des travaux récents
suggèrent que les rendements croissants pourraient jouer un rôle significatif pour seulement un tiers des industries(12)
La nouvelle théorie couple les économies d'échelle avec la différenciation du produit : les modèles de différenciation proposés
supposent l'existence de coûts fixes, ce qui implique une relation décroissante entre le coût unitaire et les quantités. L'intérêt essentiel
de la différenciation est sa capacité à expliquer la coexistence d'importations et d'exportations dans une même branche. Ainsi, par
exemple, les consommateurs ont un goût pour la variété qui est satisfait par les productions étrangères. Cependant, la mise en oeuvre
de la différenciation conduit à distinguer la différenciation verticale, qui porte sur des produits de même qualité, de la différenciation
horizontale, pour laquelle les produits sont de qualité différente. Le critère de distinction usuel est le rapport des valeurs unitaires des
exportations et des importations : si celles-ci diffèrent de moins de 15 %, la différenciation est horizontale, au delà elle est verticale.
C'est ainsi que les travaux contemporains tendent à distinguer trois types de flux commerciaux : le commerce traditionnel, ou encore
univoque, le commerce croisé de produits similaires et le commerce croisé de produits différenciés verticalement (13). Cependant,
alors même que les modèles proposés paraissent correspondre aux modalités contemporaines de la concurrence, leur pouvoir
explicatif demeure décevant(14).
C'est un article de James Brander et Barbara Spencer qui marque la naissance de la nouvelle théorie du protectionnisme(15). Les
auteurs envisagent le cas particulier d'une firme domestique qui entre en concurrence de Cournot avec une firme étrangère sur un
marché tiers où il n'existe pas de producteur autochtone. Les firmes ont des dépenses de R&D qui conduisent à une diminution de
leurs coûts de production ; ces dépenses peuvent être subventionnées par les pouvoirs publics du pays domestique. Cette politique
industrielle permet d'abaisser le coût de production de la firme en dessous de celui de sa rivale et donc de modifier l'équilibre atteint
sur le marché tiers. Le niveau optimal de subvention est celui qui permet de passer d'un équilibre de Cournot (sans intervention
publique) à un équilibre de Stackelberg où la firme domestique est leader, ce qui accroît son profit. Cette situation est décrite comme
l'" extraction d'une partie des rentes d'oligopole de la firme étrangère "(16).
Dans le prolongement de ces résultats, de nombreux travaux vont s'intéresser à la description de cas où l'intervention des pouvoirs
publics, au moyen d'une politique commerciale ou d'une politique industrielle peut conduire à améliorer la situation d'une firme
nationale, ou à lui permettre d'entrer sur un marché dans lequel, sans intervention publique, elle ne pourrait obtenir un profit positif.
De telles formalisations sont apparues comme pertinentes pour décrire, par exemple, le cas de l'industrie aéronautique avec la rivalité
entre Airbus et Boeing. Cependant, les premiers enthousiasmes à l'égard de cette approche vont rapidement être tempérés ; d'une part,
les résultats obtenus ne sont pas robustes : la modification des hypothèses de comportement des firmes remet en cause les modalités de
l'intervention publique. D'autre part, les tentatives pour chiffrer les gains résultant d'une politique activiste ont conduit à relativiser
son intérêt. Krugman, dans un article célèbre paru en 1993, considère, tous comptes faits, que le libre-échange demeure la politique
optimale(17).
Ainsi, les apports de la nouvelle théorie, s'ils sont indéniables sur le plan conceptuel, parce qu'ils permettent de raisonner sur des cas
généraux et non plus limites, n'ont pas encore fait l'objet de vérifications empiriques probantes. De ce point de vue, la faiblesse de la
nouvelle théorie renvoie à celle de la théorie traditionnelle.
Source :Les cahiers français, n° 299 , Auteur : Michel Rainelli (LATAPSES-IDEFI CNRS et Université de Nice Sophia-Antipolis) .
Les " sept mots " du commerce mondial contemporain
Sommaire
Dynamisme
Interdépendances
Polarisation
Asymétries
Constat n°1 : Asymétrie Nord-Sud dans le commerce des matières premières
Constat n°2 : Asymétries Nord-Sud dans le commerce des produits manufacturés
Constat n°3 : Asymétrie des types de spécialisation
Vulnérabilité
Mutations
L'avènement des nouveaux pays industrialisés d'Asie sur la scène internationale
Le difficile cheminement de la transition
Tertiarisation
Conclusion : structures et pouvoirs
Pour en savoir plus par Lahsen Abdelmalki, René Sandretto.
Quelles sont les principales évolutions des structures du commerce mondial au cours du dernier quart de siècle ? Lahsen Abdelmalki
et René Sandretto distinguent ici sept caractéristiques majeures (essor des échanges, interdépendances croissantes, hiérarchisation et
polarisation renforcées, asymétries, notamment Nord-Sud, vulnérabilité des pays du Sud, avènement de nouveaux pays industrialisés,
tertiarisation) qui, si elles reflètent à la fois certaines permanences et de profonds bouleversements, permettent de tirer quelques
enseignements, en particulier sur les racines de l'infléchissement des rapports de pouvoir à l'avantage des pays industrialisés.
Les données statistiques relatives aux échanges internationaux mettent en évidence quelques caractéristiques majeures du réseau du
commerce mondial qui témoignent à la fois de certaines permanences et des profonds bouleversements qui ont affecté les courants
commerciaux et les spécialisations de différents pays (ou groupes de pays) au cours du dernier quart de siècle.
En allant à l'essentiel, sept traits principaux nous semblent pouvoir être distingués.
Dynamisme
L'essor irrésistible du commerce international est assurément l'un des traits dominants de l'économie mondiale dans la seconde moitié
du XXe siècle. Sur toute la période, la croissance des échanges est restée largement supérieure à celle de la production. Le commerce
extérieur a ainsi joué le rôle de locomotive de la croissance économique mondiale.
Au cours des trente glorieuses, la valeur des exportations de biens a été multipliée par 21,5. En volume, les échanges ont été
multipliés par 5 environ. Les difficultés économiques du dernier quart de siècle ont infléchi le rythme de progression du commerce
mondial, sans remettre en cause cette dynamique (fig. 1).
À la faible croissance du commerce au début des années 80 (régression en volume en 1982) liée à la stagnation de l'activité
économique à l'échelle mondiale a fait place une reprise des exportations que la quasi-stagnation économique entre 1991 et 1993 n'a
pas interrompue. L'écart entre les rythmes de croissance du commerce et de la production s'est ainsi considérablement accentué par
rapport à ce qu'il était au cours des quatre décennies précédentes. Cette tendance persistante suggère que la globalisation de
l'économie et le renforcement des interdépendances qui l'accompagne se sont poursuivis à un rythme soutenu.
De manière permanente au cours des dernières décennies, ce sont les exportations de produits manufacturés qui ont connu le plus
grand dynamisme.
Interdépendances
De la tendance qui précède, résulte une conséquence arithmétique directe : tous les pays, pratiquement sans exception, sont de plus en
plus extravertis et se trouvent plus ou moins fermement arrimés au mouvement de globalisation. La facette commerciale de la
globalisation consiste en une intensification des interdépendances, que l'on peut schématiquement mesurer par deux ratios :
• le " coefficient de dépendance ", rapport entre les importations et le PIB qui exprime la dépendance du pays relativement aux
approvisionnements externes ;
• le " coefficient d'ouverture sur l'extérieur ", rapport entre les exportations et le PIB qui mesure la dépendance du pays
relativement aux débouchés extérieurs (fig. 3).
La croissance des échanges et le renforcement des interdépendances internationales n'ignorent pas tout à fait les contextes nationaux,
comme on peut le constater pour le Japon et l'Allemagne. Ces deux pays, traditionnellement considérés comme les champions du
commerce extérieur, accusent avec un décalage d'un an un retournement de leurs performances commerciales. Les exportations
japonaises ont reculé de 8,0 % en 1998 alors que celles de l'Allemagne progressaient de 6,0 %. En 1999, les exportations japonaises
rebondissent de +8 % alors que celles de l'Allemagne s'affaissent à 0 %. La désynchronisation des conjonctures nationales explique
ces amples variations : la forte reprise de l'activité économique dans la zone asiatique a tiré les exportations du Japon en 1999, malgré
l'atonie persistante de l'économie japonaise, tandis que l'appréciation du taux de change effectif réel du dollar vis-à-vis du yen entre
1996 et 1998 a facilité les exportations japonaises vers le marché en forte expansion des États-Unis. La stagnation des exportations
allemandes en 1999 s'explique à la fois par un effet volume : le ralentissement de l'activité économique en Europe occidentale en 1999
(qui a freiné la progression des débouchés intracommunautaires) et par un effet prix : l'affaiblissement de l'euro a conduit à une baisse
des prix à l'exportation en dollars non compensée immédiatement par une expansion suffisante des ventes dans la zone dollar.
Polarisation
Le caractère hiérarchisé et fortement polarisé des échanges représente l'une des permanences (ce qui ne signifie pas invariance) du
commerce mondial. Il est même remarquable d'observer que la part des pays en voie de développement (PVD) dans le commerce
mondial est rigoureusement la même aujourd'hui qu'il y a un demi-siècle. Ce fait est important car il conduit à s'interroger de nouveau
sur la relation existant entre ouverture internationale et performances commerciales. Si les PVD ont fourni des efforts considérables
pour s'ouvrir, la plupart d'entre eux étant d'ailleurs membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il ne semble pas qu'ils
aient tous été payés en retour à la hauteur des sacrifices qu'ils ont consentis. Les pays développés à économie de marché (PDEM), en
revanche, confortent leur part dans les échanges mondiaux, en partie en grignotant sur celle des pays en transition (fig. 4).
Il serait cependant simplificateur de réduire la hiérarchie internationale à une opposition entre le " Nord " et le " Sud ". Les évolutions
des dernières années se traduisent aussi par une redistribution des cartes au sein même de ces deux grandes zones. Sur le long terme
(1955-1999), au sein de la zone " Nord ", le fait le plus marquant est le recul du Royaume-Uni au bénéfice de l'Allemagne et du Japon
devenus respectivement deuxième et troisième dans le classement par pays. Si l'on raisonne en considérant l'Union européenne
comme une même entité commerciale (ce qu'elle est effectivement), celle-ci surclasse les États-Unis, le Japon et le Canada formant le
peloton des suiveurs immédiats
Parmi les PVD, expression du coup de moins en moins pertinente pour qualifier les pays considérés, les pays dynamiques d'Asie
(PDA) de la première heure (appelés aussi " Nouveaux pays industriels " ou " Dragons ") occupent les six rangs suivants en
compagnie du Mexique, sous la conduite de la Chine (cinquième mondial).
Les dernières décennies montrent donc de profondes modifications de la hiérarchie des puissances commerciales. Plusieurs
phénomènes devraient logiquement prolonger et accentuer ces changements au cours des toutes prochaines années. D'une part, en
renouant avec une croissance forte et, semble-t-il, durable depuis la fin de 1998, et en se préparant à intégrer plusieurs pays d'Europe
centrale et orientale (PECO), l'Union européenne est appelée à renforcer dans l'avenir sa position dans le commerce mondial. D'autre
part, portées par une ouverture croissante du pays ainsi que par une vague accélérée d'investissements directs étrangers, la poursuite
de la croissance des exportations de la Chine devrait rapidement faire accéder ce pays au quatrième rang mondial au détriment du
Canada.
Cette polarisation des échanges ne se limite pas aux échanges de marchandises. Les flux commerciaux semblent s'inscrire dans un
mouvement d'ensemble qui met en jeu solidairement les investissements internationaux et la formation d'avantages comparatifs de
zone. Concrètement, les trois composantes de la " triade ", c'est-à-dire l'Union européenne, les États-Unis et l'Asie en croissance
rapide (Japon et NPI) concentrent les trois-quarts du commerce international et simultanément les deux tiers des investissements
directs à l'étranger (IDE) (fig. 6).
Les analyses modernes de la compétitivité aident à mieux comprendre ce phénomène de polarisation concordante des flux. Elles
montrent notamment pourquoi les économies développées et en développement sont prises dans des dynamiques économiques
différenciées et " irréversibles " qui creusent les écarts en matière de performances commerciales du fait de la disparité des
propensions à innover (voir l'encadré p. 18).
La polarisation des échanges se traduit également par le fait que, dans leur ensemble, les pays développés commercent principalement
entre eux, alors que les pays du Sud commercent surtout avec le Nord et relativement peu entre eux. Autrement dit, le Nord est
important pour le Sud, alors que le Sud l'est moins pour le Nord. Ce constat doit cependant être nuancé. Bien qu'il décrive toujours la
réalité des flux, il se vérifie moins nettement aujourd'hui que ce n'était le cas vingt ans auparavant. D'une année sur l'autre, les
échanges Sud-Sud se densifient ainsi que les échanges du Nord avec les pays émergents. C'est le cas tout particulièrement du Japon
qui commerce largement avec les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est. Cet espace particulier est le lieu de déploiement de la Division
asiatique du travail (DAT) qui offre l'opportunité aux firmes japonaises de réaliser sur site une part croissante des produits qu'elles
réexportent ensuite sous le label " Made in Japan " vers le reste du monde.
De manière générale, quelle que soit la composante de la Triade, une part significative des échanges est réalisée avec des économies
émergentes. Plus ouverte globalement que les deux autres pôles, l'Union européenne l'est également plus sur les pays émergents. Par
exemple, son degré d'ouverture vis-à-vis de ces pays, mesuré par les exportations en proportion du PIB, est presque deux fois plus
élevé que celui des États-Unis. Il existe, cependant, des différences considérables dans la répartition géographique de ces échanges. Si
les États-Unis sont surtout tournés vers l'Amérique latine et l'Asie, l'Union européenne l'est davantage vers les économies européennes
en transition (et accessoirement vers l'Afrique). La conséquence la plus importante est que chacun des " trois blocs " n'est pas exposé
aux mêmes chocs externes liés aux échanges commerciaux (tableau 7 ci-après).
Asymétries
Les différences de participation au commerce mondial des pays ou groupes de pays s'expliquent en partie par les différences de
spécialisation. À cet égard trois constats peuvent être établis.
Vulnérabilité
Deux PVD sur trois dépendent de deux à trois produits dans une proportion comprise entre la moitié et les deux tiers de leurs recettes
d'exportations. Cette règle empirique résume bien l'un des traits dominant de la spécialisation du Sud : son hyperspécialisation. Il en
résulte une grande vulnérabilité des pays concernés aux aléas climatiques ou aux turbulences qui affectent périodiquement les
marchés mondiaux des produits de base. La volatilité des prix des matières premières soumet en permanence les économies à forte
spécialisation primaire à des chocs exogènes particulièrement perturbateurs pour leur stabilité monétaire et plus encore pour leurs
recettes d'exportation, leurs moyens de financement et leur capacité d'importation, rendant illusoire toute tentative de programmation
à moyen ou long terme.
Mutations
Si le commerce mondial est marqué par des traits de continuité, voire par des récurrences comme le retour de la " contrainte pétrolière
" dans les rapports Nord-Sud, on trouve aussi des éléments de rupture. Parmi, ces derniers, il y a incontestablement l'émergence des "
nouveaux pays industriels " (ou " nouveaux pays exportateurs ") et la transition vers l'économie de marché des anciens pays à
économie planifiée centralisée à la suite de l'effondrement de l'ancien bloc communiste.
Ce choc initial n'a pas été immédiatement compensé par un redéploiement du commerce de ces pays vers " l'Ouest " où la conquête de
marchés implique d'importants ajustements de la qualité des produits, des progrès considérables de la compétitivité industrielle et
dans la modernisation des infrastructures productives. Mais, en définitive, au fil des ans, cette réorientation géographique du
commerce extérieur des PECO a pu être accomplie sur une période assez courte. En 1998, les exportations des pays d'Europe centrale
et orientale à destination de l'Europe occidentale représentent entre la moitié et les trois-quarts de la totalité de leurs exportations,
contre 1 à 6 % à destination de la Fédération de Russie (tab. 12).
La structure du commerce extérieur des PECO se rapproche donc de plus en plus de celle des PDEM, comme l'indique aussi
l'évolution de la composition par produits. Alors que les exportations de la Russie restent principalement concentrées sur les produits
primaires, celles des PECO sont constituées à plus de 80 % de produits manufacturés (pourcentage similaire à celui des PDEM).
Cependant, les PECO sont inégalement avancés sur le sentier de la transition. Selon qu'ils ont ou non récupéré le niveau du PIB réel
d'avant 1989, ou qu'ils ont, du moins, renoué avec la croissance après la sévère récession des premières années de la transition, selon
la qualité des progrès qu'ils ont réalisés dans l'ajustement macroéconomique (maîtrise de l'inflation, du déficit extérieur et de
l'endettement), les trajectoires de la transition des PECO montrent des profils fortement différenciés : " courbe en J " régulière
(exemple : Hongrie, Pologne), irrégulière (République tchèque, Slovaquie), voire chaotique (Bulgarie, Roumanie) Pour ces dernières
d'importantes réformes tant économiques que sociales et politiques restent à accomplir et qui sont d'autant plus délicates àconduire
que ces économies sont aujourd'hui plus largement ouvertes que par le passé sur le monde et sur ses tempêtes.
Tertiarisation
Dans tous les pays du monde, l'importance du secteur des services n'est plus à démontrer. Presque partout, le tertiaire représente un
segment non négligeable de l'activité et une fraction significative et croissante de l'emploi. Ainsi, près des deux tiers de la population
active des pays industrialisés travaillent dans les services. De même, les échanges internationaux de services représentent le secteur le
plus dynamique du commerce mondial (en particulier les flux transfrontaliers de données et le développement des
télécommunications). Depuis plusieurs décennies, le commerce des services progresse plus vite que celui des marchandises.
Aujourd'hui, les seuls services commerciaux sont équivalents à la somme du commerce mondial des produits de l'industrie automobile
et de l'électronique réunis. Les données relatives aux échanges de services par régions montrent que l'Europe occidentale est
largement leader sur ce marché, avec plus de 63 % des exportations mondiales de services, suivie par l'Amérique du Nord avec 25 %.
Le classement par pays révèle en revanche la position prééminente des États-Unis (18,8 %), suivi par le Royaume-Uni qui a ravi la
deuxième place à la France en 1997. Si on la considère comme une seule et même entité commerciale, l'Union européenne devance
largement les États-Unis. En outre, la Chine et les quatre dragons entrent dans le groupe des dix principaux exportateurs (et
importateurs) de services. La hiérarchie des puissances commerciales est donc assez similaire pour les marchandises et pour les
services.
Au-delà des données statistiques, l'essor du commerce international des services joue un rôle capital dans le processus de
mondialisation des marchés et de la production, en tant que nouveau champ de bataille des firmes transnationales (FTN) et dans
l'évolution de la compétitivité des diverses industries nationales. De ce fait, la dynamique des services constitue sans doute l'un des
facteurs majeurs du remodelage des spécialisations des différentes économies nationales. Enfin, à travers le développement des flux
d'informations, les échanges de services participent également au processus d'uniformisation des modes de vie.
L'avènement du multilatéralisme
Les fondements du GATT
Le fonctionnement du GATT
Du GATT à l'OMC
La naissance de l'OMC
Les premiers pas de l'OMC
par Emmanuel Combe.
Comment le commerce mondial s'est-il organisé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Né en 1947 du refus du Congrès
américain de ratifier la Charte de La Havane prévoyant la création d'une véritable organisation internationale du commerce, le GATT
a néanmoins posé les grands principes qui structurent le commerce mondial depuis plus d'un demi-siècle. Emmanuel Combe en
rappelle les fondements, avant d'analyser le fonctionnement et l'évolution du GATT à travers les différents cycles de négociation qui,
par l'Accord de Marrakech (avril 1994) clôturant l' Uruguay Round, ont abouti à la naissance, le 1er janvier 1995, de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC). Une nouvelle organisation internationale au champ de compétences considérablement élargi, dont les
structures et les premiers pas sont ici décrits.
L'avènement du multilatéralisme
Les fondements du GATT
La naissance du GATT
En 1945, les États-Unis sont à la poursuite d'un objectif politique majeur : ériger un nouvel ordre mondial sur une base négociée, au
moyen d'organisations internationales. Cette volonté américaine donne naissance dès 1945 à des institutions telles que l'ONU, le FMI
ou la BIRD. En matière de commerce international, les Américains, soutenus par des économistes de renom (au rang desquels figure
Keynes), veulent éviter à tout prix la répétition de la solution protectionniste qui a prévalu dans les années 30, en instaurant une
structure qui permette de négocier multilatéralement l'élimination progressive des obstacles aux échanges.
A cet effet, deux négociations sont entamées dès 1946, l'une au sein de l'ONU portant sur la création d'une organisation internationale
du commerce, l'autre à Genève sur la réduction des barrières douanières. Les débats au sein des Nations unies se concluent en mars
1948 par la Charte de La Havane, qui reste cependant lettre morte, le Congrès américain refusant de la ratifier : il y voyait en effet
une trop grande perte de souveraineté dans la formulation de la politique commerciale américaine. Sur le plan institutionnel, aucune
organisation internationale du commerce ne voit le jour. De leur côté, les négociations de Genève débouchent en octobre 1947 sur un
accord général de réduction des tarifs douaniers, qui s'institutionnalise sous le nom de GATT (Général Agreement on Tariffs and
Trade) : le GATT ne constitue donc pas une organisation internationale au sens juridique du terme. Lors de la signature de l'accord à
Genève, le GATT comprenait vingt-trois " parties contractantes " : en décembre 1993, à l'issue des négociations sur l'Uruguay Round,
on dénombre pas moins de cent-vingt membres permanents, auxquels il faut ajouter les pays disposant du statut d'observateur et les
pays admis à titre provisoire.
L'accord du GATT est géré par une structure de fait, dont le siège se situe à Genève.
La session des parties contractantes constitue l'organe suprême du GATT ; elle se déroule une à deux fois par an et entérine les
décisions sur la base du principe : un État = une voix.
Le Conseil du GATT fonctionne entre deux sessions ; il réunit chaque mois les représentants des parties contractantes et prépare les
grands dossiers qui seront adoptés lors des sessions.
A la tête de l'administration du GATT se trouve un secrétariat, comprenant un directeur général, un directeur général adjoint, deux
sous-directeurs généraux et les directeurs de division.
Le fonctionnement du GATT
Le système de règlement des différends a été particulièrement mis à contribution depuis les années 70, comme le soulignent les
rapports successifs du GATT. En particulier, les dépôts de plainte initiés ou visant les États-Unis se sont multipliés, mettant aux prises
les membres de la Triade (États-Unis, Japon, CEE). Nous allons montrer que le quota constitue un instrument plus dommageable que
le droit de douane. Le système de règlement des différends n'échappe pas à la critique :
• il est soumis à la règle du consensus : les parties au différend, et tout particulièrement la partie incriminée, peuvent utiliser leur
droit de veto lors du vote du rapport. Dans la pratique néanmoins, il apparaît que la plupart des rapports sont adoptés ;
• le GATT ne prévoit aucun délai spécifique dans le déroulement de la procédure ;
• les parties contractantes proposent de simples recommandations, qui n'ont pas de véritable valeur coercitive. Il est vrai
néanmoins que dans la plupart des cas les pays en conflit suivent les recommandations des experts. [...]
Les cycles de négociations multilatérales : du GATT à l'OMC par Pierre Jacquet, Patrick Messerlin, Laurence Tubiana.
Du GATT à l'OMC
La naissance de l'OMC
La procédure de règlement des différends a été renforcée, en particulier pour remédier à la lenteur des procédures du GATT et aux
difficultés de mise en application des recommandations. En effet, certains pays comme les États-Unis ont justifié leur approche
unilatérale, avec l'adoption du Trade Act en 1988, en arguant que la procédure de résolution des différends du GATT était trop lente et
trop sujette au pouvoir de veto d'un membre.
La nouvelle procédure modifie l'étape du panel : l'ORD désigne un panel de trois experts, qui doivent fournir un rapport dans un délai
de six mois. Le conseil général de l'OMC adopte automatiquement le rapport sauf s'il est rejeté à l'unanimité ; ce principe
d'automaticité conditionnelle permet une prise de décision plus rapide. Une des parties peut faire appel devant l'organe d'appel de
l'ORD ; dans ce cas, l'ORD suit la décision de l'organe d'appel, sauf s'il la rejette à l'unanimité. L'ORD est alors chargée de la mise en
application de la décision (du panel ou de l'organe d'appel) ; si l'une des parties refuse de s'y plier, l'ORD peut autoriser les pays lésés
à prendre automatiquement des mesures compensatoires.
Cette procédure de règlement des différends parviendra-t-elle vraiment à s'imposer aux signataires ? La question demeure pour l'heure
ouverte : comme le souligne B. Guillochon, " reste à savoir si tous les membres, en particulier les grandes puissances commerciales
vont accepter de se plier à cette discipline. Il est possible, en effet, de se soustraire aux règles de l'OMC en préférant négocier un
accord hors de son cadre, en pratiquant le bilatéralisme. Dans ce cas, les pays finissent par s'entendre, certes, mais en excluant les
autres partenaires, ce qui n'est pas conforme à l'esprit de l'OMC "(2)
Toujours est-il que les pays membres recourant plus fréquemment qu'auparavant à la procédure de règlement des différends, ce qui
semble témoigner d'une certaine crédibilité de l'institution : entre janvier 1995 et juin 1997, une soixantaine d'affaires ont été
soumises à l'ORD.
Si pour certains, il est encore nécessaire de discuter la réalité du processus de mondialisation, pour d'autres, ce processus est un fait.
Le temps est donc venu de construire un corpus afin de penser l'ensemble. Autrement dit, la mondialisation est un fait social total, au
sens où elle modifie l'économie, la démocratie, la tradition, le risque et la famille. De ces analyses découlent des visions à la fois
pessimistes et optimistes sur l'avenir de nos sociétés. Compte rendu de trois ouvrages d'Ulrich Beck, Anthony Giddens et Saskia
Sassen.
Trois sociologues importants par leurs travaux(1) (et pas simplement par leur aura médiatique) nous disent qu'il est urgent désormais
de réfléchir aux dimensions non économiques de la mondialisation, car c'est bel et bien une "deuxième modernité" qui est en train de
se mettre en place.
On voit que, pour les auteurs de ces trois ouvrages, la mondialisation économique est acquise : ce sont ses dimensions sociales,
politiques et culturelles qu'il convient d'étudier. Ils apportent les premières réponses à quatre types de questions :
• 1°/ qu'est-ce que la société mondiale quand les individus se définissent par leur multi-appartenance et que les États-nations
assurent de moins en moins leur fonction d'intégration, de protection et de maîtrise d'un devenir collectif ?
• 2°/ comment penser l'opposition entre global et local, universel et contextuel, qui définit la "deuxième modernité" ?
• 3°/ qu'est-ce que la société du risque d'origine humaine, et quelles conséquences faut-il en tirer pour l'organisation de la
protection sociale, des échanges, voire des pouvoirs ?
• 4°/ quelle peut être l'utopie d'un monde fini, unifié par les échanges, les migrations et les risques ? Comment gouverner
démocratiquement ce monde ouvert, comment éviter les régressions protectionnistes et xénophobes ?
Les analyses et les réponses fournies par les auteurs sont souvent discutables dans le détail, mais, prises ensemble, elles constituent un
corpus fort utile pour ceux qui veulent commencer à penser "global"
Source :: Élie Cohen, directeur de recherche au CNRS, dernier ouvrage paru en 2001 L'Ordre économique mondial, Fayard. "La
mondialisation : un fait social total." Sociétal, n° 32, 2e trimestre
Régionalisme et multilatéralisme
Sommaire
Au cours des années 90, la concomitance du renforcement du multilatéralisme, avec la création de l'OMC, et de la multiplication des
accords préférentiels régionaux, comme le Marché unique européen, l'Alena ou le Mercosur, a de nouveau posé le problème de
l'antinomie possible entre régionalisme et multilatéralisme. Si, comme le rappelle ici Jean-Marc Siroën, la théorie économique penche
plutôt en faveur de la thèse de la substitualité, les accords régionaux devant à terme miner le libre-échange, l'étude de la réalité en
souligne au contraire la complémentarité. La régionalisation des échanges, loin de s'opposer au multilatéralisme, répond à certaines
carences de celui-ci, contribuant en pratique à la structuration et à la stabilité des relations commerciales.
Un pays peut libéraliser ses échanges de plusieurs façons. Il peut ainsi s'ouvrir seul sans exiger de réciprocité de la part de ses
partenaires. Même si cette politique de libéralisation unilatérale est justifiée en théorie, elle n'est pas la plus courante. Plus
fréquemment, les pays n'acceptent de s'ouvrir que si les autres en font autant. La libéralisation réciproque des échanges peut alors
suivre deux voies. La première est le multilatéralisme qui empêche de discriminer les avantages commerciaux. Tous les pays se
verront alors imposer le même tarif douanier et, plus généralement, les mêmes restrictions. La seconde est celle des accords
préférentiels qui avantagent explicitement un ou plusieurs partenaires. Les années 90 sont marquées à la fois par le renforcement du
multilatéralisme et par la multiplication des accords préférentiels régionaux. A la création de l'Organisation mondiale du commerce
(1995) correspond le Marché unique en Europe, l'Alena en Amérique du Nord, le Mercosur en Amérique latine. La coexistence de ces
deux logiques d'ouverture réciproque n'est pas évidente. Un certain nombre d'économistes comme, par exemple, Jagdish Bhagwati,
estiment que le régionalisme mine le multilatéralisme (1). Si la théorie économique étaye cette position, sa confrontation à la réalité
ne confirme pas les craintes exprimées.
Dans les années 90, le " boom " apparent de la régionalisation est trompeur. L'éclatement de l'Union soviétique, de la
Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie a conduit chacun des nouveaux pays à maintenir des relations préférentielles avec les pays "
proches ". Certains accords préparent l'intégration dans l'Union européenne. D'ailleurs, ces accords, souvent bilatéraux, ont peu de
chance de modifier l'équilibre des relations commerciales multilatérales (huit impliquent la Lettonie, six les... îles Féroé, 45 000
habitants). Plus de 90 % des accords notifiés à l'OMC n'impliquent ainsi que des pays de la " grande " Europe (Europe + Bassin
méditerranéen + ex-Républiques soviétiques).
Un nombre limité de zones régionales représente pourtant une part importante du commerce international. Les quatre principales
zones de préférence - l'Union européenne, l'Alena, le Mercosur et l'ASEAN - représentent 60 % du commerce mondial et le
commerce extérieur à l'intérieur de chacune de ces zones, plus du tiers du commerce mondial (graphique 2) et les échanges à
l'intérieur des zones tendent à s'accroître (graphique 3), le tassement européen dans les années 90 faisant figure d'exception. Il est
néanmoins difficile de départager ce qui peut être imputé à l'accord régional.
Après la Seconde Guerre mondiale, le multilatéralisme moderne s'est fondé sur le rejet des accords régionaux et bilatéraux qui avaient
rendu (presque) soutenable le repli protectionniste honni des années 30. C'est donc avec réticences que les États-Unis ont fini par
accepter ce que revendiquaient les Anglais et les Français, à savoir le maintien d'un système de préférence colonial et, peut-être, la
possibilité d'unifier l'Europe autour d'un marché libre.
La théorie économique conforte ces réticences même si elle considère fréquemment que les conséquences des accords préférentiels,
qu'ils soient positifs ou négatifs, sont de toute façon très limitées. Les motivations véritables ne relèveraient pas de l'économique, mais
du politique comme, par exemple, fonder l'unité de l'Europe ou ancrer la stabilité politique du Mexique à l'Alena.
La théorie libérale du commerce international, qui trouve son origine chez Smith et Ricardo, préconise l'ouverture unilatérale des
économies. Les gains de l'échange viennent de la baisse du prix des importations, apprécié relativement au prix de la production
nationale. Un pays améliore sa situation en s'ouvrant unilatéralement à tous sans discrimination. Néanmoins, les traités bilatéraux
réciproques, nombreux au XIXe siècle, sont considérés comme un progrès vers cet idéal de libéralisation totale des échanges : un peu
d'ouverture à l'égard de certains pays vaut mieux que pas d'ouverture du tout.
En 1950, l'économiste américain Jacob Viner va remettre en cause cette conception des accords préférentiels, vus comme une avancée
dans le processus de libéralisation(2). Certes, les accords préférentiels créent de l'échange entre les pays signataires. Ils bénéficient
ainsi de gains qui se concrétisent par la baisse du prix des biens importables. Mais ils conduisent aussi à substituer des importations
des nouveaux pays membres aux importations, parfois plus compétitives, des pays tiers. Avec l'intégration de la Hongrie à l'Union
européenne, la Tunisie ne risque-t-elle pas de vendre moins de chemises à la France qui verra donc augmenter le prix d'importation
(hors tarifs) de ses chemises ? Cette " destruction " de commerce (" diversion ", " détournement ") pèse négativement sur les gains de
l'échange des pays de la zone. Les gains de " création " l'emportent-ils sur ces pertes ? La théorie ne tranche pas et les études
empiriques sont contrastées.
Malgré la baisse des coûts de transport et le rapprochement des cultures, la proximité géographique continue pourtant à jouer un rôle
important dans les échanges commerciaux. La libéralisation commerciale, qu'elle soit préférentielle ou multilatérale, favorise
l'échange intrarégional. La contribution des accords préférentiels, si elle existe, serait alors marginale. Les échanges intra-européens
n'auraient sans doute pas été très différents sans le traité de Rome (sauf, peut-être, pour l'agriculture). Ce ne sont pas les accords
préférentiels qui ont stimulé les échanges intra-APEC(3) mais la libéralisation commerciale multilatérale des pays d'Asie et
d'Amérique latine. Les effets de destruction ont donc toutes les chances d'être limités lorsque les accords préférentiels sont construits
sur une base régionale. Les gains de création aussi, d'ailleurs d'où la faiblesse des conséquences attendues, notamment pour les pays
les plus grands et les plus ouverts de la zone (les effets de l'Alena sont infiniment plus faibles aux États-Unis qu'au Mexique).
A priori, ces effets des accords préférentiels sur les pays membres ne regardent qu'eux-mêmes. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de
privilégier d'autres objectifs que l'économie et d'avoir d'autres motivations que les poussières de PNB attendues ? Parce que la fonction
du multilatéralisme, tel qu'il est incarné par l'OMC, est de promouvoir le bien-être de l'ensemble de ses membres et non celui de telle
ou telle région. Le multilatéralisme doit veiller à la stabilité des relations commerciales internationales et intervenir si ces effets de
détournement ont des effets néfastes sur les pays tiers.
Les accords préférentiels ont, en effet, toutes les chances de réduire les exportations des pays tiers. De plus, si la région est
suffisamment grande, la contraction de la demande et de l'offre qu'elle adresse à la zone de préférence se retranche de la demande et
de l'offre adressée au marché mondial ce qui risque de provoquer la baisse du prix des exportations des pays tiers et la hausse du prix
de leurs importations. La zone améliore ses termes de l'échange au détriment des pays tiers.
Cet effet " grand pays " est aggravé par la politique commerciale d'une zone qui, comme l'Union européenne, disposerait des attributs
d'une Union douanière (politique commerciale commune et unique). En effet, toute limitation des importations ou des exportations
accentue l'amélioration attendue des gains de l'échange de la zone. La théorie de la politique commerciale montre qu'il existe un
niveau de protection optimale dont le caractère restrictif est, jusqu'à un certain point, d'autant plus élevé que la zone est grande.
Krugman montre que le bien-être mondial est minimisé lorsque le monde se recompose en deux ou trois blocs qui mèneraient une
politique commerciale " optimale "(4). Bref, le comportement rationnel, c'est-à-dire égoïste, des zones serait alors d'évoluer en blocs
protectionnistes ce qui, effectivement, comme le prévoit Bhagwati, minerait le libre-échange.
Dans les faits, pourtant, ces prévisions pessimistes ne se sont pas réalisées. Les motifs de la protection restent plus traditionnels et ne
sont pas déterminés par la formation des zones régionales. L'article XXIV du GATT interdit d'ailleurs aux zones d'augmenter la
protection à l'égard des pays tiers. Au contraire, l'harmonisation des tarifs conduit plutôt à une baisse des tarifs moyens. Les pays où le
commerce préférentiel est le plus développé sont aussi, en général, les plus ouverts au commerce mondial. L'articulation entre le
régionalisme et le multilatéralisme se réalise mieux que ne le redoutaient les économistes.
Il est vrai, pourtant, que dans les années 50 et jusqu'aux années 70, les accords d'intégration régionale, en Afrique ou en Amérique
latine, étaient présentés comme une alternative au multilatéralisme. Ils devaient permettre de préserver une stratégie de
développement fondée sur la substitution d'une production nationale ou régionale aux importations.
Aujourd'hui, les accords de préférence ne sont plus considérés comme une alternative. L'abaissement unilatéral des tarifs et l'adhésion
à l'OMC (et, auparavant, au GATT) ont le plus souvent formalisé le ralliement d'un certain nombre de pays à l'ouverture
commerciale. C'est souvent ce mouvement initial d'adhésion au multilatéralisme qui a rendu possible, comme au Mexique, l'existence
ou l'élargissement des accords régionaux.
Un certain nombre de forums régionaux, comme l'APEC, ont pour fonction explicite de favoriser la mise en oeuvre des règles
multilatérales. Certains accords régionaux préférentiels, comme l'Alena, reproduisent les structures, voire les règles multilatérales
(minilatéralisme). Allant parfois plus loin que le multilatéralisme, ils constituent de véritables laboratoires d'expérimentation des
règles qui, demain, pourraient être intégrées à l'OMC.
La constitution de zones régionales préserve la compétence du multilatéralisme dans le traitement des relations interzones. La
constitution d'un nombre limité de zones intégrées devrait faciliter la coopération. En décembre 1999, l'échec de la Conférence de
Seattle, qui devait lancer un nouveau cycle de négociations multilatérales, est en partie imputable à la dispersion, et donc à
l'isolement, de certains des cent trente cinq pays membres de l'OMC. Néanmoins, si, dans l'Union européenne, les négociations
commerciales multilatérales relèvent de la compétence communautaire, elle fait encore figure d'exception. Ailleurs, chaque pays
participe individuellement aux négociations quelle que soit sa participation à un ou des accords. Dans ce cas, ce n'est pas l'excès
d'intégration régionale qui gêne le multilatéralisme mais son insuffisance.
La clause de la nation la plus favorisée est un accélérateur puissant de l'ouverture puisqu'elle étend les concessions commerciales
accordées en faveur de certains pays à l'ensemble des pays membres. Mais elle est aussi un inhibiteur d'ouverture puisqu'elle exige
d'accorder à tous et sans réciprocité des avantages que l'on voudrait ne voir accorder qu'à certains. Par exemple, le Costa Rica peut
souhaiter réduire ses tarifs avec les États-Unis et, en contrepartie, bénéficier de l'ouverture du marché américain. Si cette préférence
n'était accordée qu'au seul Costa Rica, les impacts sur l'économie américaine seraient négligeables. Le reste du monde ne verrait sans
doute pas de différence avec la situation antérieure. Pourtant, si les dérogations n'existaient pas, les États-Unis devraient généraliser
cette mesure à l'ensemble des pays de l'OMC ce qui reviendrait à une libéralisation unilatérale des États-Unis. Une mesure bénigne se
transformerait alors en mesure d'envergure, ce qui aurait d'ailleurs toutes les chances d'empêcher sa mise en oeuvre. Même si les
États-Unis accédaient à la demande du Costa Rica, ce comportement magnanime ne rendrait pas mécaniquement le monde plus
ouvert. En effet, la libéralisation unilatérale priverait les États-Unis de " munitions " pour négocier l'ouverture du reste du monde. En
renonçant prématurément à certaines de ses protections, les États-Unis auraient finalement permis aux autres pays de conserver les
leurs. Ils auraient encouragé le comportement de " passager clandestin " des autres pays(5).
Certes, le jeu des négociateurs est toujours d'obtenir plus tout en concédant moins. Mais il arrive un moment où les points d'accords
entre un nombre critique de pays sont tels que se pose inévitablement le dilemme suivant : faut-il arrêter là la négociation et encaisser
les avantages d'un tel accord même si certains pays n'ont pas joué le jeu de la réciprocité ? Ne risque-t-on pas de cautionner un
comportement de passager clandestin qui pourrait se propager ? L'Uruguay Round a certes durci le multilatéralisme en limitant la
possibilité d'accords plurilatéraux (accords n'engageant que les signataires), mais il a aussi retiré une souplesse qui ouvre un
boulevard aux accords préférentiels et donc discriminatoires...
Au contraire, en excluant des pays qui n'avancent pas au même rythme et dans la même direction, les accords préférentiels "
internalisent " certaines des " externalités " de la libéralisation des échanges - l'ouverture des marchés. Ils créent, par là même une
incitation en faveur du libre-échange.
Conclusion
La régionalisation des échanges, entendue comme la mise en place d'accords préférentiels, ne s'oppose plus au multilatéralisme.
Astreinte à certaines limites, elle contribue à une structuration des échanges mondiaux, à l'équilibre des relations commerciales et,
plus largement, à la maîtrise de la mondialisation. Au-delà, elle contribue à fixer des pays instables et à les faire converger vers
certaines valeurs communes, qu'elles soient connotées par une spécificité régionale (culture européenne) ou qu'elles se revendiquent
comme universelles (démocratie, droits de l'homme). Le doute introduit par Viner, et entretenu depuis, sur la légitimité des accords
préférentiels peut être levé. Au même titre qu'un multilatéralisme fort et pragmatique, ils contribuent à la stabilité des relations
commerciales d'un monde ouvert aux échanges.
Source :Les cahiers français, n° 299 Auteur : Jean-Marc Siroën (Professeur à l'Université Paris-Dauphine) .
Les principales étapes de la mondialisation financière
Sommaire
Si, historiquement, la mondialisation financière n'est pas un phénomène nouveau, sa profondeur et sa diffusion font d'elle une des
évolutions majeures des deux dernières décennies. Trois étapes marquent cette mondialisation : l'effondrement du système monétaire
international de Bretton Woods, les innovations financières et le mouvement de déréglementation. Ces deux dernières entretiennent
une dynamique et des relations complexes. Quelle est la part de volontarisme des autorités gouvernementales en la matière ?
(...) Un processus comme celui de la mondialisation financière ne peut être vraiment daté. Il se nourrit de la conjonction d'un certain
nombre de facteurs : l'accroissement de l'interdépendance par le commerce et l'investissement, l'évolution du système monétaire
international dans les années soixante-dix, le progrès technique, la concurrence et la déréglementation, la montée de la dette publique,
la réalisation du marché unique européen, l'ouverture financière dans les pays en développement et les négociations multilatérales sur
l'échange des services financiers.
Parallèlement, le progrès des technologies de l'information et de la communication facilite de plus en plus les transferts et les
montages financiers internationaux. La finance est en effet largement liée à la collecte et au traitement de l'information(3). Les
avancées informatiques sous-tendent également d'importants progrès des mathématiques financières qui facilitent la tarification des
nouveaux instruments. L'innovation financière connaît dans les années quatre-vingt un développement fulgurant, élargissant
considérablement le menu d'instruments financiers à la disposition des acteurs, investisseurs, spéculateurs ou trésoriers d'entreprise.
Les produits dérivés, déjà utilisés sur les marchés des matières premières, se répandent : futures, swaps, options ou combinaisons de
ces différents éléments, sur les marchés des changes et les marchés des taux. Il s'agit de contrats construits à partir de ("dérivés" de)
variables sous-jacentes (titres, taux d'intérêt ou de change, indices boursiers) et qui permettent de couvrir certains éléments du risque
et de transformer quelques-unes des caractéristiques financières de ces variables sous-jacentes. Ils s'échangent soit sur les marchés
organisés, soit de gré à gré. Ainsi, certains produits dérivés permettent l'échange d'actifs financiers à taux fixes en actifs à taux
variables, ou de titres libellés dans une certaine devise ou dans une autre. D'autres, les options, donnent le droit d'acheter (option call)
ou de vendre (option put) un actif financier à un prix fixé et avant une date déterminée(4).
L'innovation financière permet de décomposer le risque en plusieurs composants et d'échanger ces composants sur les marchés. Elle
contribue à mettre ainsi en correspondance, pour les différents agents, le risque désiré et le risque effectivement pris. Elle facilite donc
l'activité économique et l'allocation des ressources. Elle conduit cependant à une complexification croissante des transactions
financières et des canaux de prise de risque, posant aux autorités de réglementation et de supervision, qu'elles soient publiques ou
privées au sein des grands groupes, des problèmes considérables de suivi et d'analyse des risques, mais aussi de définition des
modalités de réglementation, de contrôle et d'intervention.
Dès lors, les excès sont difficiles à déceler et peuvent entraîner des ruines spectaculaires : les plus marquantes furent celles de
Metallgesellschaft, perdant 1,3 milliard de dollars sur des futures pétroliers en décembre 1993 ; d'Orange County aux États-Unis, avec
une perte de 1,7 milliard de dollars en décembre 1994 due à une spéculation malheureuse à la baisse des taux d'intérêt sur des
produits dérivés sur taux d'intérêt et sur des titres de dette publique ; de la banque Barings qui, suite aux agissements incontrôlés de
Nicholas Leeson (28 ans), a perdu près d'un milliard et demi de dollars sur l'indice Nikkei en février 1995 ; ou encore de Sumitomo
Corporation qui, en mars 1995, a perdu 1,8 milliard de dollars sur des futures sur le marché du cuivre après avoir caché les pertes
pendant de nombreuses années(5). Et, bien sûr, la faillite du fonds spéculatif LTCM (Long Term Capital Management) en octobre
1998, qui montre combien les montages les plus sophistiqués ne protègent pas même des prix Nobel contre un risque de liquidité
résiduel que rien, finalement, ne permet d'évacuer.
Le mouvement de déréglementation
Innovation, concurrence et déréglementation vont de pair. Le terme "déréglementation" n'est en fait pas approprié pour décrire
l'évolution observée. En effet, il s'agit davantage d'une adaptation de la réglementation existante, qui conduit à éliminer certaines
réglementations, que la concurrence et l'innovation rendent coûteuses ou désuètes, et à les remplacer par d'autres réglementations plus
efficaces. Ce terme véhicule donc l'image trompeuse d'un marché livré à lui-même sans contrôle ni supervision. Cette image provient
également du fait que l'évolution de la réglementation correspond cependant bien à une libéralisation des marchés. Elle laisse
davantage de liberté aux différents intervenants, autorise un vaste menu de transactions et repose sur la notion d'un contrôle moins
intrusif. La dialectique réglementation/innovation, suivant laquelle l'innovation répond à la réglementation existante, la rend désuète
et conduit à la "déréglementation", apparaît comme une constante dans l'évolution historique des marchés financiers(6). Elle rend
difficile tout exercice qui consisterait à juger si les mouvements observés sont dus aux décisions des gouvernements ou à la dynamique
des marchés. Les décisions sont importantes, mais elles traduisent souvent des réactions aux évolutions, plutôt que des démarches
volontaristes pour façonner ces évolutions.
Il n'en reste pas moins que d'importantes décisions de déréglementation ont été prises dans les vingt dernières années(7). C'est aux
États-Unis que le mouvement commence au début des années quatre-vingt, avec un ensemble de mesures destinées à encourager la
concurrence sur les marchés financiers, la poursuite de l'élimination des plafonds de taux d'intérêt engagée dès la seconde moitié des
années soixante-dix et, pour renforcer l'attrait du marché américain, l'élimination en 1984 de la retenue à la source de 30 % sur les
intérêts d'obligations souscrites aux États-Unis par des étrangers. La place de Londres embraye en préparant dès 1983 le "Big Bang"
d'octobre 1986, qui met fin aux commissions fixes sur les transactions financières et à la distinction entre les courtiers (brokers) et les
contrepartistes (market makers), qui ouvre la Bourse à des participations extérieures et qui met en place un système informatisé de
transactions en continu. Cette réforme bouleverse les conditions de concurrence sur les places financières et pousse les autres places à
s'engager également dans un mouvement de déréglementation.
Ce mouvement a été amplifié par l'Union européenne avec la création du marché unique, qui portait notamment sur la libre
circulation des capitaux et le libre-échange des services financiers. La libéralisation de la finance européenne a progressé rapidement
tout au long des années quatre-vingt. Les derniers verrous ont sauté avec la directive européenne sur la mobilité des capitaux, adoptée
en 1987. En France, le début des années quatre-vingt a été marqué par l'instauration de contrôles des capitaux visant à permettre au
pays de mener des politiques économiques différentes de celles de ses voisins tout en maintenant le franc au sein du Système
monétaire européen (SME). Dès 1983, cependant, la politique économique a opéré un virage à 180 degrés, et le gouvernement a
délibérément poursuivi la modernisation de la place de Paris et la déréglementation(8). Il s'agissait alors notamment d'attirer les
financements étrangers et de diminuer le coût du service de la dette publique.
Nombre de pays en développement ont également considérablement libéralisé leurs marchés financiers, notamment dans le but
d'attirer les investissements étrangers. La littérature économique s'est également penchée, au début des années quatre-vingt-dix, sur le
rôle du développement de la finance dans le processus de croissance, poursuivant ainsi les travaux antérieurs sur les défauts des
systèmes financiers "réprimés" dans lesquels les transactions sont pénalisées et les signaux de prix distordus(9). Enfin, les
négociations du cycle de l'Uruguay sur les services financiers, longues et délicates, ont aussi contribué à porter l'attention sur le
fonctionnement des marchés financiers, sur la différence entre libre mobilité des capitaux et non-discrimination sur les marchés, sur
l'avantage de la libre concurrence entre institutions financières nationales et étrangères, dans les pays industrialisés aussi bien que
dans ceux en développement(10). (...)
Source : Problèmes économiques, n° 2669 Pierre Jacquet, directeur adjoint de l'IFRI (Institut français des relations internationales),
rédacteur en chef de Politique étrangère.
Les théories traditionnelles du commerce international consacrent le rôle des seules nations au détriment des stratégies des véritables
acteurs des échanges que sont les grandes firmes, les échanges intragroupes des sociétés multinationales représentant par exemple
près d'un tiers du commerce mondial. Après avoir brossé un tableau de la réorganisation des modes de production et de
l'internationalisation de l'activité des entreprises, Christian Aubin traite la question de l'investissement direct à l'étranger, analysant
les facteurs qui le déterminent et ses conséquences sur le commerce des produits, relation considérée in fine comme plutôt positive.
Dans le prolongement des théories modernes du commerce international, qui mettent l'accent sur les déterminants technologiques et
les imperfections de concurrence, l'analyse est amenée à prendre en compte les stratégies des firmes. Ce faisant on assiste à un
rapprochement entre les analyses relevant de l'économie internationale et de l'économie industrielle(1). L'intérêt de cette évolution
théorique apparaît au regard de l'internationalisation de l'activité des entreprises. Face à une mondialisation qu'elles contribuent elles-
mêmes à promouvoir, les firmes sont poussées à réviser l'échelle de leurs opérations et leurs modes d'organisation.
On estime aujourd'hui que les échanges intragroupes des sociétés multinationales représentent environ 33 % du commerce mondial et
leurs exportations vers des entreprises non affiliées, 33 %. La part significative des échanges intragroupes s'explique par la
constitution de réseaux de filiales résultant d'une implantation des différents éléments du processus de production dans les pays
différents. Cette réorganisation des modes de production passe par un développement des investissements directs à l'étranger. Les
liens réciproques entre dette activité d'investissement et le commerce international deviennent un sujet de préoccupation de premier
plan(2) et l'importance des enjeux rend souvent difficiles les négociations multilatérales sur l'investissement direct à l'étranger
(négociations de l'AMI, Accord multilatéral sur l'investissement, dans le cadre de l'OCDE) (voir encadré ci-contre).
La théorie du cycle international de vie du produit a illustré la possibilité d'un déplacement de l'avantage relatif, et donc des courants
d'échange, en fonction des caractéristiques des différentes étapes de la vie du produit. Si le processus de production lui-même peut
faire l'objet d'une segmentation en étapes, alors la même logique doit conduire à envisager la délocalisation de ces étapes en fonction
de la distribution internationale des avantages relatifs. Chaque opération élémentaire est effectuée là où elle est la moins coûteuse, en
raison d'une meilleure adaptation des conditions locales (dotations factorielles, compétences...).
La logique sous-jacente à la spécialisation et à l'échange dans le cadre d'une division internationale du processus productif est
semblable à celle qui fonde le commerce des produits dans l'analyse traditionnelle du commerce international. C'est essentiellement
une logique d'exploitation des différences. Toutefois, une spécificité apparaît en raison du caractère intermédiaire des biens échangés.
La réalisation d'une étape de production dans un pays donné peut impliquer des importations en provenance des pays assurant des
étapes en amont du processus et des exportations vers des pays spécialisés en aval de ce même processus. L'échange peut ainsi être de
type intrabranche. De plus, exportations et importations sont liées : la nature des exportations ne dépend pas seulement de
caractéristiques nationales, mais aussi de la nature des importations. Les avantages relatifs que la spécialisation internationale
cherche à exploiter s'expriment en termes de capacité à s'insérer efficacement dans le processus global de production. Parce qu'elles
sont interdépendantes, les différentes opérations doivent s'inscrire dans un cadre qui coordonne les activités des unités de production
délocalisées. L'analyse est ainsi conduite à prendre en considération l'organisation des firmes à l'échelle internationale.
Logiques de réorganisation
De multiples facteurs peuvent être associés au deuxième élément du paradigme OLI. Une présence physique sur les marchés étrangers
est parfois nécessaire pour y être compétitif. C'est notamment souvent le cas dans les industries de services. L'implantation à
l'étranger peut aussi s'inscrire dans le cadre d'une division internationale du processus productif. L'investissement direct à l'étranger
répond alors à une logique de réorganisation verticale. Celle-ci peut aussi être horizontale lorsque des opérations de production
similaires sont effectuées dans des pays différents. La délocalisation peut alors répondre à une volonté de s'affranchir d'entraves au
commerce (frais de transport des produits, protectionnisme commercial du pays d'accueil) ou permettre une meilleure adaptation au
marché (proximité des consommateurs, ajustement aux nonnes locales, meilleure connaissance des concurrents locaux).
L'internalisation de l'exploitation des actifs permet d'éviter les coûts associés aux transactions entre sociétés indépendantes, coûts liés
à la passation des contrats et à la garantie de la qualité. Elle assure un meilleur contrôle sur l'utilisation des technologies, notamment
si l'environnement juridique dans le pays d'accueil n'offre pas des garanties jugées suffisantes en matière de protection de la propriété
intellectuelle en cas d'octroi de licences pour l'exploitation d'une technologie mise au point par l'entreprise. Par ailleurs, il peut y avoir
une sous-évaluation par le marché d'une telle technologie si, pour l'exploiter pleinement, on doit faire appel à des technologies
complémentaires, à des connaissances et à des compétences qu'il n'est pas facile de trouver en dehors de l'entreprise.
L'investissement direct à l'étranger affecte de façons multiples les économies du pays d'origine et du pays d'accueil. On s'accorde
généralement à reconnaître dans l'investissement étranger un important vecteur de transfert international de technologie. Par les
transferts directs aux filiales, mais aussi par les retombées sur leur environnement (formation de la main-d'oeuvre locale, assistance
technique aux fournisseurs et clients locaux...), l'investissement étranger peut contribuer à une élévation de la productivité dans le
pays d'accueil. Même si cette voie d'amélioration de l'efficacité productive varie selon les secteurs et les pays, elle semble
suffisamment prometteuse pour pousser de nombreux pays à rechercher activement, par des incitations directes (financières ou
fiscales) ou indirectes, des investissements en provenance de l'étranger.
Nous pourrions encore nous attarder sur la question des effets en termes d'emploi, notamment dans le pays d'origine, de
l'investissement direct à l'étranger. L'analyse sur ce point rejoint celle présentée à propos de la concurrence des NPI et il demeure
difficile de fournir une évaluation précise et non controversée des gains ou des pertes d'emplois engendrés par le développement des
investissements à l'étranger. En privilégiant le point de vue de l'économie internationale, nous laisserons ces questions de côté pour
leur préférer une réflexion sur les conséquences de l'investissement direct à l'étranger sur le commerce des produits.
En cinquante ans de négociations commerciales internationales, les tarifs douaniers ont connu une baisse importante. Ceux dans
l'industrie ont ainsi diminué de plus de 40 %. Quels gains l'économie tire-t-elle, dans son ensemble, de cette libéralisation ? Quel rôle
la politique de concurrence, complémentaire de la politique commerciale, joue-t-elle ? L'exemple de l'Union européenne.
L'approche traditionnelle du commerce international, fondée sur le principe des avantages comparatifs, montre qu'il est dans l'intérêt
de chaque pays de démanteler ses propres barrières aux échanges. C'est de la meilleure efficacité de l'allocation des ressources dans
l'économie ouverte que proviennent les gains de l'échange. La conquête de nouveaux marchés, que met en avant l'approche
mercantiliste du commerce international, n'a d'importance que dans la mesure où elle participe à l'approfondissement de la
spécialisation. Les négociations internationales obéissent cependant au principe de réciprocité : chacun veille à obtenir des
concessions équitables de ses partenaires en échange de ses propres offres d'ouverture.
La relation entre libéralisation du commerce international et la croissance économique fait l'objet de recherches théoriques et
empiriques et conduisent à de nombreuses interrogations. L'ouverture au commerce international agit-elle directement ou
indirectement sur la croissance ? Agit-elle positivement ou négativement ? Quels sont les autres facteurs qui interviennent dans la
relation ? Comment évalue-t-on le degré d'ouverture de la politique commerciale lorsqu'on procède à une étude empirique ? Une revue
de la littérature théorique et empirique.
(...) Des observations de plus en plus nombreuses donnent à penser que le principal avantage de la libéralisation du commerce ne se
manifeste pas immédiatement mais sur une longue période, en stimulant l'investissement et la croissance. Une variation même
modeste du taux de croissance peut entraîner des gains beaucoup plus importants que les gains statiques que nous avons analysés
jusqu'à présent. Pour apprécier l'importance des politiques qui sont favorables à la croissance économique, il peut être utile
d'examiner combien de temps il faut pour doubler le revenu national avec divers taux de croissance. Par exemple, avec une croissance
annuelle de 1 %, il faut près de soixante-dix ans. Si des réformes économiques peuvent faire passer le taux de croissance de 1 à 2 %,
les revenus doublent en trente-cinq ans seulement(1). Et 2 % est encore un taux de croissance très modeste, du moins pour des pays
en développement ayant un grand potentiel de rattrapage. D'ailleurs, avant la récente crise financière, les "tigres" d'Asie orientale
avaient enregistré des taux de croissance de 6 à 7 % pendant plusieurs décennies à la suite de la déréglementation de leur économie et
de leur intégration dans l'économie mondiale. Avec de tels taux de croissance, le revenu double environ tous les dix ans. Le succès des
pays en développement dynamiques dépendant de nombreux facteurs, notamment d'importants investissements dans le capital
physique et humain(2), il ne fait guère de doute que l'ouverture sur l'extérieur a joué un rôle essentiel. En fait, la plupart des études
empiriques constatent l'existence d'une rétroaction positive entre l'ouverture du régime commercial et la croissance économique. La
Banque mondiale (1987) a classé quarante et un pays en développement en quatre catégories selon leur degré d'ouverture
commerciale : 1) pays très tournés vers l'intérieur, 2) pays modérément tournés vers l'intérieur, 3) pays modérément tournés vers
l'extérieur et 4) pays très tournés vers l'extérieur. On a ensuite comparé le degré d'ouverture avec le taux de croissance par habitant
moyen sur trois périodes, 1963-1973, 1974-1985 et 1986-1992. (La dernière période a été ajoutée par le FMI, 1993). On constate que
les pays tournés vers l'extérieur croissent en moyenne plus rapidement que les pays tournés vers l'intérieur.
Toutefois, le gain de croissance est moins élevé. En effet, l'étude ne tient pas compte d'autres facteurs et l'indicateur d'ouverture peut
saisir l'influence conjointe du régime commercial et d'autres variables omises qui sont corrélées avec le régime commercial. Par
exemple, il y a probablement une corrélation entre un bon régime de commerce extérieur et la qualité globale de la politique
économique, qui a aussi une influence sur la croissance. D'ailleurs, les études qui tiennent compte d'autres variables constatent que le
régime de commerce extérieur a une influence moins prononcée, mais quand même importante. Nous passerons en revue les données
empiriques plus loin mais il peut être utile de commencer par la théorie de base : quel est le moteur de la croissance économique et
quel est le rôle du commerce extérieur ?
Dans ces modèles, la libéralisation du commerce extérieur peut influencer indirectement la croissance économique. Toute politique
qui augmente l'efficience de l'économie, y compris de la libéralisation du commerce, entraînera une croissance plus rapide
temporairement, le revenu additionnel se traduisant par une augmentation de l'épargne et de l'investissement(7). Ce processus
correspond à une version dynamique du célèbre multiplicateur keynésien, c'est-à-dire le mécanisme par lequel une injection d'argent
public peut accroître le PIB d'un montant supérieur à l'injection initiale en stimulant l'économie, particulièrement en période de
chômage généralisé. Toutefois, l'effet de multiplication des investissements n'est pas suffisant pour expliquer les différences de
croissance entre économies ouvertes et économies fermées. Les versions multisectorielles du modèle font apparaître un autre lien entre
la croissance et le commerce extérieur(8). Dans ce cadre, l'ouverture au commerce extérieur et la restructuration de l'économie qu'elle
accompagne peuvent stimuler la croissance pendant plusieurs décennies, comme cela a été le cas en Asie de l'Est. Les limites de la
croissance sont déterminées par la disponibilité de l'épargne intérieure et de l'investissement étranger pour financer les secteurs en
expansion et par la saturation du marché mondial. Cependant, une fois l'économie restructurée, les taux de croissance retomberont
inévitablement à un niveau plus normal. Il n'en reste pas moins que le pays ne sera peut-être plus pauvre ou du moins plus aussi
pauvre qu'avant les réformes commerciales(9).
Il convient de souligner que rien dans cette catégorie de modèles ne laisse penser que la libéralisation du commerce extérieur
stimulera la croissance de façon permanente. L'impulsion donnée à la croissance finira par s'épuiser une fois l'économie restructurée
et intégrée dans l'économie mondiale. Néanmoins, les analyses empiriques montrent que les économies ouvertes croissent plus
rapidement que les économies fermées pendant de longues périodes, peut-être plus longues que ne peut l'expliquer la dynamique du
modèle de croissance traditionnel. Cela peut être dû au fait que la concurrence internationale force les entreprises à être plus
novatrices et ouvertes à des idées et technologies étrangères, alors que la protection peut encourager la complaisance et la stagnation
technologique. Les modèles de croissance traditionnels, qui traitent le changement technologique comme un processus exogène ou
indépendant qui ne réagit pas aux forces du marché et aux politiques publiques, ne comportent pas de lien de ce genre. Il y a là
évidemment une abstraction, comme le montre la littérature visant à expliquer la croissance qui attribue une large part de celle-ci au
progrès technique, en particulier dans les pays développés où l'accumulation de capital traditionnel n'est plus le moteur de la
croissance(10). Ainsi, les modèles de la croissance plus anciens peuvent expliquer certaines observations empiriques, comme la
convergence des revenus entre pays similaires, mais ils n'expliquent guère des différences persistantes de taux de croissance ou la
façon dont ces diffèrences sont liées à la politique commerciale. Nous allons maintenant passer en revue des modèles plus récents qui
apportent un nouvel éclairage à cette question.
Corrélation entre commerce et croissance sur la base de comparaisons entre différents pays Source et pays couverts
Indice d'ouverture au commerce Résultats
Michaely (1977),pays Taux de croissance de la part des exportations. Corrélation positive (rang) entre les exportations et
en développement. la croissance. Á La corrélation est plus marquée dans
un sous-échantillon de pays à revenus moyens.
Feder (1983),pays Croissance des exportations pondérées par la part Liens positifs entre la croissance du PIB et la
semi-industriels. des exportations. croissance des exportations.
Syrquin et Chenery Part des exportations dans le PIB après Le taux de croissance est plus élevé pour les pays
(1989),pays divers. ajustement pour tenir compte de la taille du pays ouverts sur l'extérieur dans tous les sous-groupes :
et de la spécialisation des exportations. petits exportateurs de produits primaires, grands
exportateurs de produits primaires, petits exportateurs
de produits manufacturés, grands exportateurs de
produits manufacturés. Á Le gain de croissance dû à
l'ouverture vers l'extérieur est compris entre 0,2 et 1,4
point de pourcentage.
Balassa (1985),pays en Indice d'ouverture sur le commerce extérieur Les pays tournés ves l'extérieur croissent plus
développement. défini sur la base de la différence entre les rapidement.
exportations effectives et prédites.
Edwards (1992),pays Indice d'ouverture de Leamer (1988) fondé sur Les pays plus ouverts (moins interventionnistes) ont
en développement. l'écart entre le commerce prédit et le commerce tendance à croître plus rapidement. Á Ce résultat est
effectif. confirmé par huit autres indicateurs de politique
commerciale sur neuf.
Banque mondiale Les pays sont classés en quatre groupes : Les pays tournés vers l'extérieur ont tendance à
(1987),pays en fortement tournés vers l'intérieur, modérément croître plus rapidement.
développement. tournés vers l'intérieur, modérément tournés vers
l'extérieur, fortement tournés vers l'extérieur.
Sachs et Warner Indice ouvert/fermé sur la base de cinq critères Les pays ouverts croissent plus rapidement que les
(1995),pays divers. (voir texte). pays fermés, avec un écart de 2 à 2,5 points de
pourcentage. Á Dans les pays ouverts, le ration
d'investissement est plus élevé, la situation
macroéconomique est plus équilibrée et le secteur
privé joue un plus grand rôle en tant que moteur de la
croissance.
Proudman, Redding et Indice ouvert/fermé sur la base de plusieurs Les pays ouverts convergent vers un niveau de
Bianchi(1997), pays mesures de l'orientation de la politique de revenus plus élevé. Á Ces différences subsistent
divers. commerce extérieur. même lorsqu'on tient compte des différences dans le
niveau relatif de l'investissement.
Barro (1991), pays Indice de distorsion des prix des biens La distorsion des prix des biens d'équipement réduit
divers. d'équipement (écart à parité de pouvoir d'achat par la croissance. Á Les coefficients calculés indiquent
rapport à la moyenne de l'échantillon pour les que lorsque l'écart à parité de pouvoir d'achat par
biens d'équipement). rapport à la moyenne de l'échantillon augmente d'un
écart type, le taux de croissance diminue de 0,4 point
de pourcentage.
Dollar (1992),pays en Distorsion du taux de change. Le taux de croissance par habitant moyen dans le
développement. quartile des pays (principalement asiatiques) dans
lesquels la distorsion était la plus faible était de 2,9 %
; dans le deuxième quartile, le taux de croissance était
de 0,9 %, dans le troisième il était de - 0,2 % et dans
le quatrième de - 1,3 %. Á Si la distorsion du taux de
change réel était ramenée au niveau observé en Asie,
le taux de croissance augmenterait de 0,7 point de
pourcentage en Amérique latine et de 1,8 point de
pourcentage en Afrique.
Easterly (1993), pays Indice mesurant la distorsion entre les prix Plus la distorsion est grande, plus la croissance
divers. relatifs du marché mondial et les prix relatifs diminue. Lorsque la distorsion augmente d'un écart
intérieurs. type, le taux de croissance diminue de 1,2 point de
pourcentage.
Lee (1993), pays Indice mesurant à quel degré le commerce est Le taux de croissance augmente lorsque la
divers. faussé par rapport au niveau qu'il atteindrait en distorsion diminue. Á Les distorsions du commerce
régime de libre-échange du fait des distorsions extérieur réduisent davantage la croissance dans les
introduites par le taux de change réel et les droits petits pays pauvres en ressources que dans les grands
de douane pays riches en ressources.
Source et pays couverts Indice d'ouverture au commerce Résultats
Harrison (1995), pays Sept indices : libéralisation du commerce Tous les indices statistiquement signifiants font
en développement. extérieur (1960-1984), (1978-1988), prime du apparaître une corrélation entre un régime de
marché noir, part du commerce, distorsion du taux commerce extérieur libéral et la croissance du PIB.
de change réel, évolution vers les prix Le lien de causalité entre le libéralisme commercial et
internationaux, distorsions au détriment de la croissance existe dans les deux sens. Avec un
l'agriculture. décalage dans le temps, le niveau de la croissance
explique de façon significative le degré d'ouverture de
l'économie et réciproquement.
Edwards (1997), pays Neuf indices : indice d'ouverture de Sachs- Il y a une corrélation positive entre les indices
divers. Warner (1995), indice d'ouverture vers l'extérieur d'ouverture et la croissance de la productivité totale
de la Banque mondiale (1987), indice d'ouverture des facteurs, et une corrélation négative avc l'image
de Leamer (1988), prime du marché noir, droit symétrique des indices de distorsion du commerce.
d'importation moyen sur les produits Le commerce n'est pas la variable la plus importante
manufacturés, champ d'applica tion des obstacles pour expliquer les différences de croissance entre pays
non tarifaires, indice des distorsions du commerce ; le PIB initial et le capital humain jouent un rôle plus
de la Heritage Foundation, ratio du produit des important. Á Les données font apparaître une
impôts sur le commerce, indice de Wolf (1993) de convergence conditionnelle.
la distorsion des importations
Matin (1992), Afrique Quatre indices : part du commerce extérieur, Tous les indices qui sont statistiquement significatifs
subsaharienne. prime du marché noir, indice de libéralisation du font apparaître une relation positive entre un régime
commerce extérieur, distorsion du taux de change de commerce extérieur libéral (faible distorsion) et la
réel. croissance. Á Le lien entre le degré d'ouverture et la
croissance est aussi fort pour les pays d'Afrique
subsaharienne que dans l'échantillon témoin d'autres
pays africains.
Levine et Renelt Analyse de sensibilité pour des indices multiples Nette corrélation positive entre la croissance et la
(1992), pays divers. avec régression interpays. part de l'investissement dans le PIB. Á Nette
corrélation positive entre la part de l'investissement
dans le PIB et la part du commerce dans le PIB. Á
Lien à deux maillons reliant le commerce à la
croissance par le biais de l'investissement.
Gallup et Sachs (1998), Indice de Sachs-Warner (1995). Il y a une corrélation positive entre l'indice
pays divers. d'ouverture et la croissance, après ajustement pour
tenir compte des autres facteurs. Á En outre, les
facteurs géographiques qui rendent le commerce plus
coûteux réduisent la croissance. La croissance des
pays sans littoral est inférieure de 0,9 point de
pourcentage à celle des pays côtiers.
Coe et Helpman s.o. La productivité intérieure est influencée
(1995),OCDE. positivement par la somme, pondérée par les
importations, du stock de R & D des partenaires
commerciaux.
Keller (1997), OCDE. s.o. Le commerce extérieur facilite la transmission
intersectorielle et intrasectorielle de la productivité.
Balasubramanyam, Indicateur d'ouverture de la Banque mondiale. La réduction des obstacles au commerce renforce
Salisu et Sapsfort l'efficience de l'IED et, indirectement, la croissance.
(1996), pays en
développement.
Il y a aussi quelques études qui cherchent à déterminer exactement pourquoi les économies ouvertes croissent plus vite que les
économies fermées. L'une des conclusions, conforme aux modèles traditionnels de la croissance, est que la libéralisation du commerce
extérieur stimule l'investissement et donc indirectement la croissance économique(26). En outre, il semble qu'un régime de commerce
extérieur ouvert améliore la qualité des investissements. Une étude portant sur trente-quatre pays en développement a montré que les
investissements étrangers directs avaient un impact positif sur la croissance pour les pays tournés vers l'extérieur et n'en avaient pas
pour les pays tournés vers l'intérieur(27). En outre, on a de plus en plus d'indices montrant que le commerce induit des transferts de
technologie, ingrédient important dans les modèles de croissance endogène. Une étude a montré que la productivité des facteurs
intérieurs était positivement influencée par la somme des dépenses de R & D des partenaires commerciaux pondérée par les
importations(28). Une autre étude a montré que les dépenses étrangères de R & D dans une branche de production améliorent la
productivité nationale dans la même branche, mais aussi dans d'autres branches de production connexes en amont ou en aval(29).
Cette constatation confirme l'idée que le commerce facilite la diffusion de la technologie dans le monde et renforce la conclusion selon
laquelle il a des effets positifs sur la croissance des pays qui s'intègrent dans l'économie mondiale.
En résumé, un large éventail d'études très différentes les unes des autres arrivent toutes à la même conclusion fondamentale, à savoir
qu'un régime de commerce extérieur ouvert stimule la croissance. En outre, la littérature empirique infirme le point de vue pessimiste
selon lequel la libéralisation du commerce compromet les perspectives de croissance des pays en développement. Au contraire, les
pays en développement ouverts ont des résultats nettement meilleurs que les pays en développement fermés. Enfin, il ne faut pas
oublier qu'un régime de commerce extérieur ouvert n'est pas une panacée ; pour que les forces productives de l'économie puissent se
déployer sans entrave, il faut que les autres éléments de la politique économique s'y prêtent. (...)
Jamais la planète n'a produit autant de richesses. Jamais les échanges entre les hommes n'ont été aussi nombreux. Pourtant les
inégalités, au lieu de reculer, continuent de s'accroître, entre les pays et à l'intérieur des États. Les riches sont plus riches et les
pauvres plus pauvres. Interdépendantes, les économies sont davantage sensibles aux chocs extérieurs. La place pour le développement
humain est restreinte.
Dans les pays industrialisés également, la pauvreté humaine et l'exclusion sont dissimulées dans les statistiques témoignant des
réussites, ce qui indique d'énormes disparités au sein des pays. Selon l'indicateur de la pauvreté humaine (IPH-2), dans les pays les
plus riches du monde, une personne sur huit est touchée par l'un des aspects de la pauvreté humaine : le chômage de longue durée,
une espérance de vie inférieure à soixante ans, un revenu inférieur au seuil de pauvreté national ou le manque de connaissances
nécessaires pour s'en sortir. L'IPH d'un pays décomposé en régions révèle aussi d'immenses disparités. Ainsi, en Inde, le niveau de
pauvreté humaine dans l'État du Bihar (54 %) est deux fois supérieur à celui constaté dans le Kerala.
En outre, les disparités entre hommes et femmes restent marquées. Dans les pays en développement, il y a toujours 60 % plus de
femmes analphabètes que d'hommes. Le taux d'inscription des filles dans l'enseignement primaire reste inférieur de 6 % à celui des
garçons. C'est dans le domaine politique et économique que les disparités sont les plus criantes. Les femmes sont en effet quasiment
exclues de la vie politique. Elles occupent plus de 30 % des sièges parlementaires dans cinq pays seulement, et moins de 5 % de ces
sièges dans trente-et-un pays. L'indicateur de la participation des femmes et l'indicateur sexospécifique du développement humain
révèlent l'existence d'inégalités dans tous les pays. (...)
Des études récentes montrent que les inégalités se sont également accentuées dans la plupart des pays de l'OCDE dans les années
quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix. Sur dix-neuf pays, un seul affiche une légère amélioration. Les détériorations les
plus importantes ont été enregistrées par la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis. Dans les années quatre-vingt, le nombre de
familles vivant en dessous du seuil de pauvreté a augmenté de 60 % au Royaume-Uni et de près de 40 % aux Pays-Bas. En Australie,
au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la moitié, au moins, des familles monoparentales ont un niveau de vie inférieur au
seuil de pauvreté.
Tableau 2.
Inégalité de revenu
Pays Inégalité du Revenumarchand Revenudisponible
Royaume-Uni 1981-1991 ++ +++
États-Unis 1980-1993 ++ ++
Suède 1980-1993 ++ ++
Australie 1980-1981 à 1989-1990 + +
Danemark 1981-1990 + +
Nouvelle-Zélande 1981-1989 + +
Japon 1981-1990 + +
Pays-Bas 1981-1989 + +
Norvège 1982-1989 + +
Belgique 1985-1992 + +
Canada 1980-1992 + o
Israël 1979-1992 + o
Finlande 1981-1992 ++ o
France 1979-1989 o o
Portugal 1980-1990 o o
Espagne 1980-1990 o
Irlande 1980-1987 + o
Allemagne 1983-1990 (1) + o
Italie 1977-1991 - -
Symboles Variation du coefficient de Gini
+++ Augmentation extrêmement forte 30 % ou davantage
++ Forte augmentation de 16 à 29 %
+ Faible augmentation de 5 à 10 %
o Etat stationnaire de -4 à +4 %
- Faible diminution -5 % ou davantage
(1)Ces chiffres concernent la République fédérale d'Allemagne avant la réunification.
Source : Gottschalk et Smeeding, 1997.
Ces tristes performances offrent un contraste frappant avec l'extraordinaire concentration des richesses autour des très riches. En
quatre ans à peine, de 1994 à 1998, la valeur nette cumulée des biens des deux cents personnes les plus riches de la planète est passée
de 440 milliards à plus de 1 000 milliards de dollars. En 1998, les patrimoines des trois personnes les plus riches du monde
dépassaient ensemble le PNB global des quarante-huit pays les moins avancés.
Criminalité internationale
La mondialisation ouvre de nombreuses possibilités aux malfaiteurs. La criminalité s'internationalise à grands pas et devient
impossible à endiguer en dépit de la coopération des pays pour la combattre. Il y a aujourd'hui 200 millions de consommateurs de
drogues, ce qui fait peser des menaces sur les communautés, dans le monde entier. Au cours des dix dernières années, la production
d'opium a plus que triplé et celle de coca a plus que doublé. Entre 1990 et 1997, le nombre des délits liés aux stupéfiants est passé de
4 à 28 pour 100 000 habitants en Bélarus, et de 1,4 à près de 8 pour 100 000 habitants en Estonie. En 1995, le trafic de stupéfiants
était estimé à 400 milliards de dollars, soit l'équivalent de 8 % des échanges mondiaux, plus que la part du fer et de l'acier ou des
automobiles et grosso modo celle du textile (7,5 %) ou du pétrole et du gaz (8,6 %).
Le trafic d'armes est aussi en plein développement. Il déstabilise les sociétés et les pays, et alimente des conflits en Afrique et en
Europe de l'Est. Ce sont les armes légères qui ont les effets les plus immédiats sur la vie humaine. Employées dans tous les conflits
dans le monde, elles sont à l'origine de 90 % des morts et des blessés dus à la guerre depuis 1945. Au Salvador, le taux d'homicides a
augmenté de 36 % après la fin de la guerre civile. En Afrique du Sud, des mitraillettes arrivées en masse d'Angola et du Mozambique
sont utilisées dans un nombre croissant de crimes. En Albanie, il y a eu cinq fois plus de meurtres en 1997 qu'en 1996, augmentation
attribuée à la détention illégale d'armes par les civils.
Une autre activité florissante est la traite des femmes et des petites filles à des fins d'exploitation sexuelle, ce qui est à la fois une
forme d'esclavage et une violation inacceptable des droits humains. Rien qu'en Europe de l'Ouest, chaque année, environ 500 000
femmes et filles originaires de pays en transition ou en développement sont prises au piège de ce véritable trafic d'esclaves. Elles y
perdent non seulement leur liberté, mais aussi leur dignité et, bien souvent, leur santé. Et lorsqu'elles réussissent à retourner chez
elles, elles sont le plus souvent rejetées par leur famille et leur communauté.
Au coeur de tous ces drames se trouvent le pouvoir et l'influence croissants des gangs, dont l'activité est estimée à 1 500 milliards de
dollars par an, ce qui en fait une véritable puissance économique, rivalisant avec celle des multinationales. Grâce à la très grande
somme de pouvoir et de moyens financiers qu'elle concentre, la criminalité peut infiltrer les milieux d'affaires, la politique et le
gouvernement. Que ce soient les triades chinoises, les cartels colombiens de Medellin et de Cali, la mafia italienne, les yakusa
japonais, les cartels de Juarez, de Tijuana et du Golfe au Mexique, Cosa Nostra aux États-Unis et les différentes mafias qui sévissent
au Nigeria, en Russie et en Afrique du Sud, tous opèrent au-delà des frontières nationales et développent des alliances stratégiques
formant un réseau mondial, en exploitant à leur plus grand profit les avantages de la mondialisation. (...)
Source : Problèmes économiques,
On observe, depuis le début des années quatre-vingt, une croissance des inégalités économiques dans les pays industrialisés. Les
causes de ces évolutions sont controversées. Pour certains, la responsabilité incombe à une concurrence accrue des pays à bas salaires.
Pour d'autres, c'est le progrès technique "biaisé" au sens où ce dernier supprime massivement des postes de travail non qualifiés et
augmente la demande des postes qualifiés. Peut-on pour autant échapper à ces évolutions ? Cela revient à poser le problème de
l'efficacité des politiques économiques dans un monde de plus en plus globalisé. Problème d'autant plus épineux que le risque est
grand en raison de la globalisation que des groupes particuliers fassent économiquement sécession du reste des habitants d'un
territoire.
Compétition des pays à bas salaires et inégalités dans les pays riches
Sur les mécanismes élémentaires, tous les économistes sont d'accord : une compétition accrue de pays à bas salaires entraîne, dans un
premier temps du moins, une croissance des inégalités dans les pays riches qui y sont soumis. C'est sur l'ampleur du phénomène que
leurs conclusions divergent. Rappelons d'abord ces mécanismes, avant de faire le point sur les études empiriques qui ont tenté d'en
mesurer les effets réels.
Les mécanismes
Prenons d'abord le cas simple d'une marchandise à fort contenu en main-d'oeuvre, par exemple, les chaussures de sport, qui était
auparavant produite dans les pays industrialisés et qui l'est désormais uniquement dans des pays à bas salaires, lesquels exportent leur
production dans les premiers. Les pays à bas salaires disposent alors d'un pouvoir d'achat supplémentaire, égal à leurs exportations de
chaussures, dont ils se servent pour importer des marchandises produites dans les pays industrialisés et qu'ils ne produisent pas, par
exemple des avions. Supposons, pour simplifier, que le commerce entre les deux types de pays soit équilibré : les pays riches ne
produisent plus, mais importent x millions de dollars de chaussures ; et ils produisent et exportent x millions de dollars d'avions
supplémentaires. Or la théorie, confirmée par les faits, montre qu'il y avait plus d'emplois dans la production de chaussures remplacée
par les importations que dans la production supplémentaire d'avions, parce que les premiers étaient en moyenne moins qualifiés et
moins payés que les seconds. C'est d'ailleurs là que réside l'avantage pour les pays riches, pris dans leur ensemble, de ce genre
d'échange : en travaillant moins (grâce à la production d'avions plutôt que de chaussures), ils consomment toujours autant de
chaussures. On calcule(2) ainsi que 1 million de francs d'échanges supplémentaires entre la France et la Chine créait, en 1991, 3 140
emplois, mais en détruisait 4 320, soit un solde négatif de 1 180 emplois détruits, dans le cadre, répétons-le, d'échanges équilibrés.
On voit que cela produit mécaniquement une inégalité croissante, car, toutes choses égales par ailleurs, les employés "excédentaires"
soit deviennent chômeurs, soit retrouvent un emploi, mais en ayant "pesé" sur le marché du travail et donc fait baisser les salaires
correspondant à leurs qualifications, en général faibles. Encore, dans ce raisonnement simplifié, avons-nous supposé que des
employés licenciés dans la chaussure avaient été réembauchés dans un autre secteur, à concurrence du nombre d'emplois créés dans
l'aviation, ce qui peut fort bien ne pas être instantané.
Mais il est un autre effet de la compétition des pays à bas salaires, plus complexe à analyser et surtout à mesurer, qui passe par les
mouvements de prix et les évolutions induites de productivité. Supposons, en effet, que les entreprises de chaussures des pays riches,
soumises à un début de pénétration d'importations à bas prix en provenance des pays à bas salaires, fassent tout pour résister. Elles ne
peuvent résister qu'en abaissant leurs coûts, ce qui peut se produire de deux manières : soit en obtenant de leurs salariés qu'ils
accceptent de moindres salaires pour "sauver l'emploi" ; soit en mécanisant à outrance la production, donc en licenciant
massivement ; soit une combinaison des deux. Si l'opération de résistance réussit, les importations des pays à bas salaires peuvent
rester très limitées, et même avoir été "repoussées", mais les baisses de prix que leur menace a imposées - tout en bénéficiant aux
consommateurs - ont produit des inégalités.
Remarquons bien, car c'est toute la complexité du problème, que la réaction qui consiste à mécaniser pour abaisser les coûts, donc à
améliorer la productivité du travail, est tout simplement la mise en oeuvre d'un progrès technique. Elle a donc exactement les mêmes
effets qu'un progrès technique qui ne serait pas stimulé par la compétition des pays à bas salaires, mais simplement issu de la
diffusion d'une innovation productive dans les pays riches. Lorsque l'on constate, dans un secteur donné, un mouvement d'accélération
de la productivité du travail, avec ses conséquences sur l'emploi ou les salaires des qualifications utilisées dans ce secteur, il est
difficile, dans la pratique, d'évaluer si cela provient d'une compétitivité accrue des pays à bas salaires ou d'un progrès technique
"endogène" qui se serait produit de toute façon.
Soit cette activité créatrice de nouveaux biens et services protégés n'est pas assez vigoureuse, alors, le seul moyen pour que la
demande adressée aux protégés augmente, est que les prix de ce qu'ils produisent déjà baissent par rapport aux prix de ce qui est
produit par les compétitifs. Conséquence, les écarts de revenus primaires moyens entre compétitifs et protégés doivent s'accroître.
Bref, dans ce second cas, il ne reste que le choix entre deux formes d'accroissement des inégalités : un chômage structurel croissant ou
un accroissement des inégalités de revenus primaires. On assiste donc, de toute façon, à une polarisation de la société en deux
groupes : des compétitifs aux revenus croissants et des protégés devenant tendanciellement les "clients", au sens romain du terme, des
premiers. À l'horizon de ce type d'évolution : le laminage des classes moyennes.
On a compris que l'alternative chômage/inégalités n'est donc, en théorie, pas fatale. On y échappe, en effet, dans deux cas de figure :
création permanente de nouveaux emplois compétitifs en nombre suffisant ou vigoureuse croissance endogène "qualitative", fondée
sur l'innovation et la créativité du secteur protégé(11).
La priorité absolue des politiques économiques devrait, dans ces conditions, être de faire en sorte qu'un territoire se trouve dans l'un
des deux cas de figure favorables ou une combinaison des deux. Comment ? Que faire si cet objectif est hors d'atteinte ?
La présente partie examine les politiques économiques dans les pays riches susceptibles soit d'annuler les puissantes dynamiques
inégalitaires de la globalisation, soit d'en atténuer les effets par des redistributions internes. Elle s'interroge ensuite sur les raisons de
l'impuissance apparente des gouvernements à mettre en oeuvre certaines de ces politiques, en particulier celles qui permettraient de
supprimer le chômage de masse en Europe(12).
Je crains, au contraire, qu'au sein d'un territoire puissent parfaitement se côtoyer pendant fort longtemps : d'une part, des groupes
d'ultra-compétitifs, vivant et travaillant dans des ghettos protégés, ayant leurs propres écoles, hôpitaux, espaces de loisirs, etc., et
parfaitement connectés entre eux et avec les compétitifs des autres territoires par les infrastructures de communication adaptées à
leurs besoins ; d'autre part, une masse de gens paupérisés tenus en respect par de puissants appareils répressifs. Pour s'en convaincre,
il n'est qu'à se tourner vers le passé, où ce modèle est très largement dominant, par exemple : Venise et quelques autres villes dans
l'Europe du XVe siècle ; ou à observer aujourd'hui le Brésil, ou ce qui est en train de se produire dans certaines provinces chinoises,
ou encore tout simplement les États-Unis.
En raison de la globalisation, la possibilité, pour des groupes particuliers, de faire économiquement sécession du reste des habitants
d'un territoire est sans doute plus grande qu'elle n'a jamais été, du moins dans les pays les plus riches. Car, dans les pays émergents,
même s'ils peuvent en théorie s'en passer, les compétitifs n'ont pas intérêt à négliger les possibilités que leur offrent des politiques plus
social-démocrates en tant que moteur d'un rattrapage plus rapide, y compris pour eux-mêmes.
Dans les pays les plus riches, ce qui disparaît, ce sont les fondements économiques du sentiment national. Le roi est nu : si sentiment
national (et donc nation) il doit y avoir, il doit être fondé sur autre chose que sur l'intérêt économique mutuel bien compris des
habitants d'un territoire. Bref, aujourd'hui, dans les pays riches qui sont au sommet de l'économie mondiale, il est vain de tenter de
justifier économiquement une politique économique de réduction volontariste des inégalités. Reste que cela peut résulter d'un choix
politique. Un véritable choix, puisqu'on n'y gagnerait pas "sur tous les tableaux".
Source : Pierre-Noël Giraud, professeur de l'École des Mines de Paris et à l'université Paris-Dauphine."Les causes des inégalités
croissantes dans les pays riches" et "Les politiques économiques dans la globalisation". Études
Conflits et rapports de forces dans la mondialisation économique
Sommaire
La mondialisation économique favorise-t-elle, conformément à une certaine pensée dix-huitiémiste, l'avènement d'un monde pacifié et
ordonné, ou bien est-elle porteuse, dans sa dynamique, d'âpres affrontements et d'enjeux de domination susceptibles de conduire à la
guerre ?
Christian Chavagneux discute les deux thèses adverses avant d'élargir son propos à une autre vision des conflits économiques
internationaux qui, à côté des intérêts opposant les États, accorde une large place aux acteurs privés. Les conflits entre firmes ont une
importance déterminante et ceux mettant face-à-face les entreprises avec les États peuvent entraîner une remise en cause des
fondements de la démocratie.
Dans le monde sans aspérité de la théorie économique, les conflits et les rapports de forces n'existent pas. Certes, des affrontements
sont possibles entre les différents acteurs économiques mais le marché est censé les résoudre rapidement. Dans ce monde rêvé, les
conflits économiques ne sont que des conflits d'intérêts individuels auxquels le marché peut toujours apporter des solutions
économiques, par exemple en compensant les perdants. Les rapports de pouvoir et de sujétion sont complètement absents des analyses
économiques dominantes.
Pourtant, un simple regard sur l'actualité économique suggère immédiatement la faiblesse d'une telle approche. Les conflits
commerciaux entre les grands pays industrialisés font souvent la une des journaux : les guerres entre les États-Unis et l'Europe dans le
domaine agricole ou dans celui des biens culturels (films, disques, etc., l'Europe défendant son droit à l'exception culturelle) sont
courantes, de même qu'entre les États-Unis et le Japon ou bien l'Europe et le Japon. Le principe en est toujours le même : l'une des
grandes zones accuse l'autre de protectionnisme et cherche à forcer l'ouverture des marchés qu'elle souhaite investir. Les conflits
monétaires et financiers sont également présents : l'euro est souvent présenté comme l'arme monétaire qui pourra enfin remettre en
cause la suprématie du dollar et la domination américaine sur l'économie mondiale.
La cause est donc entendue : la mondialisation de l'économie, en intégrant de nouveaux pays dans le jeu international ne peut être que
source de batailles supplémentaires dans un environnement déjà conflictuel par nature. Pas si simple. En fait, il existe trois grandes
façons de considérer la nature des conflits dans l'économie mondiale. La première souligne que ces affrontements sont passagers et
que la mondialisation conduira à terme à un monde harmonieux et pacifié. La deuxième, la plus traditionnelle, met en avant les
affrontements économiques entre les États pour en tirer des conséquences pessimistes : de la guerre économique à la guerre tout court,
le pont est facile à franchir. La dernière insiste sur la complexité des rapports de forces internationaux et sur la multitude des acteurs,
au-delà des États, qui peuvent influencer l'économie mondiale. Il en résulte une analyse beaucoup plus riche de la nature des conflits
économiques et de leurs enjeux.
L'extrême modestie des gains de l'Uruguay Round pour les pays en développement (PED) ne laisse pas de renforcer les tensions entre
ceux-ci et les pays industrialisés. Tant le caractère très incomplet de la libéralisation des secteurs textile et agricole que l'asymétrie
persistante de la libéralisation du commerce des biens et services ou bien encore le retrait de facto des PED dans la définition des
règles du jeu du commerce mondial pénalisent les pays du Sud et nourrissent de profonds ressentiments à l'égard de l'OMC.
Comme le souligne ici Françoise Nicolas, de nouvelles lignes de fracture se développent entre le Nord et le Sud quant aux priorités à
établir. Si les PED demeurent résolument hostiles à l'insertion d'une clause sociale ou de préoccupations environnementales dans les
attributions de l'OMC, ils se montrent favorables à un prochain cycle de négociations centré sur le développement. Priorité que ne
partagent pas les pays industrialisés qui, tout en prônant les vertus du libre-échange, pratiquent une ouverture sélective de leurs
propres marchés.
Bien que les pays en développement ne puissent être tenus pour responsables de l'échec de la réunion de Seattle en décembre 1999,
ils ont manifesté à cette occasion une certaine hostilité à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) car ils estiment en particulier
que leurs intérêts n'y sont pas bien défendus. Leur opposition ne concerne donc pas tant la mondialisation en tant que telle, que la
manière dont elle est gérée, essentiellement, à leurs yeux, au profit des pays industrialisés.
Les points de friction Nord-Sud demeurent nombreux. Lés PED sont tout d'abord déçus de la modestie des bénéfices qu'ils ont retirés
jusque-là du cycle de l'Uruguay, par ailleurs ils s'opposent aux pays industrialisés à propos de l'ordre du jour d'un prochain cycle et sur
l'ampleur du mandat à confier à l'OMC. Alors qu'ils cherchent à en finir avec la marginalisation que leur avait imposée le traitement
différencié, les PED se heurtent aussi à l'ambiguïté du discours des pays industrialisés, qui prônent l'ouverture tout en pratiquant une
libéralisation sélective, ce qui ne fait qu'accroître les frustrations.
Les gains du cycle de l'Uruguay sont demeurés pour l'instant extrêmement modestes pour les PED. Les estimations qui en avaient été
faites étaient sans doute exagérément optimistes ; et l'inégalité dans la répartition des gains probables avait été insuffisamment
soulignée(1), toujours est-il que la modestie des résultats concrets alimente l'insatisfaction des PED. Bien que les causes du
phénomène ne soient pas évidentes, force est de constater par exemple que, depuis la signature de l'Accord de Marrakech, la part des
exportations des États-Unis et de l'Union européenne dans les exportations mondiales s'est considérablement accrue (passant de 50 à
55 %).
L'inclusion des secteurs textile et agricole, jusque-là exclus, dans le champ de compétence de l'OMC, et donc dans la logique de
libéralisation, était censée permettre aux PED de mieux exploiter leurs avantages comparatifs fondés sur une main-d'oeuvre bon
marché. La réalité est toutefois bien différente. De nombreuses barrières douanières continuent d'entraver les exportations agricoles
des PED, et le démantèlement de l'accord multifibres (AMF)(2) tarde à se concrétiser. Dans ces conditions, les engagements pris par
les PED en matière de réduction des barrières aux échanges et en matière de réforme de leurs procédures et réglementations
commerciales paraissent d'autant plus coûteux. L'asymétrie perçue dans les bénéfices est une source majeure d'insatisfaction pour les
PED.
De la même manière, les obstacles aux importations de produits agricoles en provenance des PED demeurent élevés dans les pays
industrialisés et les distorsions des marchés sont loin d'avoir été toutes éliminées. Tout d'abord, la tarification(4) des contingents et
autres mesures non tarifaires dans le secteur de l'agriculture s'est traduite par la mise en place d'un certain nombre de droits élevés
(voir tableau 1). En 1997 les droits de douane de l'Union européenne étaient en moyenne de 15 % sur les importations de produits
agricoles non transformés, de 25 % pour les produits agricoles transformés alors qu'ils n'étaient que de 4 % en moyenne sur les autres
biens (hors textiles). Ces chiffres sous-estiment vraisemblablement le niveau réel de protection dans la mesure où les droits sont
souvent nuls ou très peu élevés sur les produits agricoles qui ne sont pas produits par les pays de l'UE comme le café ou le thé, et au
contraire plus élevés pour les produits entrant en concurrence avec les productions communautaires généralement à plus forte valeur
ajoutée. D'autre part même si le cycle de l'Uruguay a débouché sur des engagements de réduction des subventions aux exportations
agricoles de la part des pays industrialisés il n'en a pas interdit le principe. Les règles commerciales multilatérales concernant
l'agriculture continuent d'autoriser de larges transferts financiers en faveur des producteurs agricoles dans certains pays industrialisés.
Or ce soutien de la production et des exportations agricoles peuvent avoir des effets de distorsion importants, en particulier pour les
PED. Les raisons d'insatisfaction des PED sont d'autant plus importantes que les obligations qui leur sont imposées apparaissent plus
sévères puisque les subventions y sont interdites.
Déçus par les résultats du cycle de l'Uruguay, les PED apparaissent aujourd'hui désireux à la fois de participer de manière plus active
à la détermination de l'ordre du jour des futures négociations commerciales mais aussi de promouvoir la libéralisation commerciale. A
l'inverse, certaines tentations protectionnistes se font jour du côté des pays industrialisés que reflètent des incohérences de leur
discours.
A l'inverse, la position des pays industrialisés reflète la persistance de tentations protectionnistes et un certain
désintérêt.
Tout d'abord, leur discours est empreint d'une certaine hypocrisie, puisqu'il prône les vertus du libre-échange et encourage l'ouverture
des marchés des PED, tout en pratiquant parallèlement une ouverture sélective de leurs propres marchés. Cette incohérence ne fait
qu'aggraver les ressentiments. Les pays industrialisés ont pourtant intérêt à la poursuite de la libéralisation des échanges au niveau
mondial, qui seule permettra, non seulement de leur ouvrir les marchés des PED, mais aussi, et surtout, d'accroître la prospérité
globale. Dans le discours, ces deux objectifs apparaissent mêlés mais en général c'est le premier qui est privilégié par rapport au
second.
Par ailleurs, la montée en puissance de certains groupes de pression défendant les intérêts de groupes défavorisés, qui apparaissent
victimes de la mondialisation, place les responsables des pays industrialisés en position délicate pour répondre favorablement aux
demandes des PED.
Enfin, l'intérêt des pays industrialisés, et en particulier des États-Unis, pour de nouvelles négociations commerciales multilatérales
semble être en net recul, ce qui contraste avec l'intérêt manifesté en direction de certaines régions (notamment la Chine) ou de
certains secteurs d'activités jugés prioritaires (Mattoo et al., 2000). Une explication possible à cet apparent désintérêt, et à
l'affaiblissement de l'engagement des pays industrialisés en faveur de la libéralisation par le biais de négociations multilatérales, tient
au fait que la dynamique de libéralisation unilatérale de la part des PED est entretenue par d'autres biais, et en particulier sous l'effet
des programmes du FMI et de la Banque mondiale par exemple, ou encore dans le cadre d'accords régionaux impliquant des pays
industrialisés et des PED.
Les défis d'un " cycle du développement "
Le leitmotiv, du côté des PED, est de faire du prochain cycle de négociations commerciales multilatérales un véritable cycle du
développement, qui tiendrait mieux compte des intérêts spécifiques des PED et mettrait le développement au centre des
préoccupations de l'OMC. Au delà de la rhétorique, largement acceptée par les pays industrialisés, le défi consiste à prendre des
mesures concrètes pour que la participation des PED au commerce international contribue à résoudre leurs problèmes de
développement, or ce ne sera pas chose aisée car la poursuite de cet objectif peut se heurter, aux intérêts de certains groupes,
particulièrement vulnérables, au sein des pays industrialisés.
Le marchandage est délicat, avec d'un côté les pays industrialisés, pour lesquels l'objectif de libéralisation n'est apparemment plus
vraiment prioritaire, et de l'autre les PED qui réclament la libéralisation dans des secteurs jugés sensibles par leurs partenaires
industrialisés. Seule une approche globale devrait permettre de résoudre ce problème, c'est pourquoi la voie des négociations
multilatérales est sans conteste préférable à des solutions bilatérales.
Source :Les cahiers français, n° 299 Françoise Nicolas (maître de recherche à l'IFRI et maître de conférences associé, Université de
Marne-la-Vallée) .