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LA GUERRE SANS FIN

Bruno Tertrais

Mots clés

- Stratégie américaine
- Moyen-Orient
- 11 septembre 2001
- Axe du mal
- Terrorisme
- Prolifération des armes de destruction massive
- Contrôle du pétrole
- Tyrannies/Démocraties
- 4ème guerre mondiale
- Politiques de défense

BRUNO TERTRAIS, docteur en science politique, est maître de recherche à la


fondation pour la recherche stratégique (FRS) et chercheur associé au Centre
d’études et de recherches internationales (CERI). Il est notamment l’auteur de l’Asie
nucléaire (Institut français de relations internationales, 2001, avec Isabelle
Cordonnier) et de Nuclear Policies in Europe (International Institute for Strategic
Studies, 1999).

THÈSE DE L’OUVRAGE
Depuis la chute de l’ex-URSS, les Etats-Unis n’ont plus de concurrent sérieux,
d’où la popularité de la thèse du déchaînement de la puissance impériale. Les
critiques adressées aux Etats-Unis sont souvent excessives, mais la stratégie
américaine fait apparaître une dimension idéologique et religieuse qui la rend
inquiétante.
La guerre risque de durer encore longtemps car ni la victoire ni le compromis
ne sont possibles : caractère ouvert du combat (la défense de la civilisation
contre ses ennemis) et adversaire mal défini.

La méthode
B. Tertrais a travaillé à partir de nombreuses sources d’informations. Il a étudié le néo
conservatisme messianique, l’école de pensée la plus influente dans le monde
politique américain, et le fondamentalisme sudiste, autre force politique puissante,
dépositaire de l’héritage mythologique américain.
Il s’est également appuyé sur des déclarations faites pas G. Bush ou son
administration ; des auteurs tels que Francis Fukuyama, Samuel Huntington, Léo
Strauss.
Il a comparé les actions et politiques des différents présidents américains qui se sont
succédés. Enfin, il a étudié et comparé les fondamentalismes chrétien et musulman.

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Le résultat
La stratégie américaine ne peut se réduire à l’image grossière qu’on lui prête :
accaparer les ressources pétrolières.
En effet, 50% de leurs importations proviennent des Etats-Unis, contre 10 à 15% des
pays du Golfe. S’ils avaient voulu faire de l’Irak un partenaire pour contrebalancer
l’influence saoudienne, la levée des sanctions aurait été un moyen beaucoup plus
facile.

Les Etats-Unis étaient préoccupés par l’Irak et la prolifération des armes de


destruction massive dès janvier 2001. De même, l’élite républicaine au pouvoir était
obsédée par l’idée de se dégager des contraintes, librement consenties, à l’exercice
de la puissance américaine au bénéfice de la communauté internationale.
L’objectif des Etats-Unis est donc de défaire les réseaux terroristes internationaux et
combattre les Etats qui les hébergent sciemment, en procédant si nécessaire à un
changement de régime, ainsi que les Etats trop faibles, vulnérables à l’extrémisme.
Cette entrée en guerre a pour but de se faire respecter par le monde musulman et
répandre la démocratie. Elle n’a pas un caractère préemptif mais préventif car la
menace n’était pas matérialisée, grave, ni immédiate.
Elle s’accompagne d’un rapprochement avec Moscou, ayant identifié le
fondamentalisme islamiste comme adversaire commun.

L’opération en Irak a masqué d’autres actions militaires :


- soutien technique en Indonésie
- opérations lourdes en Afghanistan
- assistance directe aux Philippines/Somalie/Géorgie
- raids ponctuels au Yémen

Si la contagion démocratique espérée par les américains fait défaut, la politique


américaine a enclenché des évolutions positives :
- répression du terrorisme au Pakistan et en Arabie Saoudite
- nomination d’un 1er ministre palestinien

Toutefois, les Etats-Unis ont des pratiques condamnables :


- le Pentagone se comporte comme une puissance impériale au Moyen-Orient
- les Etats-Unis nouent des alliances tactiques avec des régimes autoritaires
- une grande partie de la classe dirigeante américaine méprise l’ONU

Les conséquences sont plus importantes que les motivations de leur stratégie :
- radicalisation du monde arabe/musulman
- recrudescence du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction
massive
- Elle s’adresse à un ennemi qui ne pourra jamais être totalement vaincu et
avec lequel aucun compromis n’est possible ―> guerre sans fin

La stratégie américaine a conduit à favoriser, au lieu de les réduire, les menaces


auxquelles elle s’adresse : le terrorisme et la prolifération.
Les néo conservateurs se réjouissent du renouveau des valeurs traditionnelles
(patriotisme, courage,…). La droite conservatrice et religieuse veut tirer partie de
l’état de guerre pour prendre sa revanche sur la gauche libérale dans le domaine
social et culturel.

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I) LA NOUVELLE ALLIANCE

En janvier 2001, installation de la nouvelle administration américaine, qui est


en rupture avec les précédentes : conception westphalienne du monde dans laquelle
la compétition des Etats souverains est le principal moteur du système international.
Les évènements de septembre 2001 ont permis la prise de pouvoir intellectuelle de
deux forces politiques puissantes : le néo conservatisme messianique et le
fondamentalisme sudiste

a) Le néo conservatisme messianique

Il est bien représenté chez les républicains et est héritier du mouvement né de


l’évolution personnelle de démocrates d’inspiration libérale, c’est-à-dire des
intellectuels juifs mal à l’aise avec la culture contestataire, hédoniste et égalitariste
des années 60.
Quête de l’invulnérabilité face aux risques de l’attaque surprise et de la remise en
cause de la vulnérabilité mutuelle ainsi que de la maîtrise de la course aux
armements par des traités internationaux.
Cette vision contestataire s’opposait au réalisme incarné par Henry Kissinger, qui
visait à placer sur un pied d’égalité démocraties et dictatures.
C’est après le 11 septembre que le néo conservatisme s’est affirmé comme force
politique dominante dans le système décisionnel américain.
Ils invoquent Churchill et Reagan comme modèles ou encore, Léo Strauss qui
prônait les vertus morales traditionnelles contre le relativisme et l’égalitarisme. Il
estime que la défense de l’occident contre ses ennemis doit être une obligation
morale. Face aux tyrannies, les démocraties ne peuvent être ni faibles ni faire de
compromis.
D’après les spécialistes, ses écrits ont été instrumentalisés car il mettait seulement
l’accent sur la préservation de l’intérêt national et de la cohésion sociale.

b) Le fondamentalisme sudiste

Il est également bien représenté chez les républicains et se fonde sur les
thèmes de la persécution des chrétiens, de la régulation sociale par la force dans un
environnement hostile et dangereux, et de la protection du monde extérieur.
La culture du sud valorise donc la supériorité d’une prétendue race blanche anglo-
saxonne et la régénération par la violence.
Dimension religieuse : importance considérable de l’inspiration évangéliste dans les
élites conservatrices. Le courant évangéliste recèle une tendance radicale,
politiquement active et financièrement puissante, animé par des figures proches des
hommes politiques, dont G. Bush.
La droite religieuse conservatrice est présente aux échelons les plus élevés du
pouvoir politique. Mais cette présence n’est pas nouvelle : Jimmy Carter et Reagan
s’inspirait déjà de cette mouvance ―> On ne peut pas interpréter la stratégie
américaine uniquement sur ces convictions religieuses, mais elles ont tout de même
donné une tonalité spirituelle au combat.

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c) Le catalyseur du 11 septembre

Il a fait converger 3 courants : le réalisme pessimisme, le néo conservatisme


messianique et le fondamentalisme sudiste.
Cette convergence reste ambiguë : les évangélistes restent culturellement
antisémites alors qu’ils sont politiquement et théologiquement sionistes.
Convergence autour de thèmes essentiels :
- refus du relativisme culturel au bénéfice de l’intangibilité des valeurs
occidentales
- respect de la religion et de la place dans la société américaine
- méfiance à l’égard des lumières
- missions à accomplir et pas de réticences à l’usage de la force
- protection et défense d’Israël
Au Pentagone, on retrouve toutes ces tendances intellectuelles dominantes de la
droite américaine.

d) L’identification du mal

Le 11 septembre a permis un réarmement moral et militaire dont les Etats-


Unis rêvaient ―> On revient au temps de la guerre froide : la lutte contre le
terrorisme est assimilée à une 4ème Guerre Mondiale.
Les Etats-Unis sont partis en guerre en se basant sur le syllogisme suivant : les
Etats-Unis ont été attaqué, donc la liberté et la civilisation ont été attaqué, donc
l’ennemi ne peut être que le mal lui-même ―> à partir de là développement de la
notion d’axe du mal.
Cette entrée en guerre est synonyme de soutien à Israël dans l’opinion. Or, Israël n’a
jamais été un allié au sens militaire. Aujourd’hui ces deux Etats sont réputés faire
face aux mêmes menaces et y répondent de la même manière ―> convergence
stratégique : deux religions, judaïsme et christianisme, partagent le même ennemi.
G. Bush s’est dit convaincu du sens religieux de sa mission : certains y voient la
bataille d’Armageddon.
Le 11 septembre a permis de canaliser une force politique, économique et militaire,
qui n’avait plus de raison d’être depuis la chute de l’URSS.

II) LA 4ème GUERRE MONDIALE

a) Terrorisme, technologies et tyrannies

L’objectif des Etats-Unis est de défaire les réseaux terroristes internationaux


mais aussi lutter contre les Etats détenant des armes de destruction massive : peur
d’une attaque nucléaire/biologique/chimique.

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Thèse d’une 4ème Guerre Mondiale :
- En 1917, Wilson voulait défendre la civilisation et rendre le monde plus sûr
pour l’épanouissement de la démocratie.
- En 2001, G. Bush déclarait « Le progrès de la liberté humaine dépend
maintenant de nous ».
- En 2003, il promet une « révolution démocratique mondiale » : il veut faire
chuter les régimes autoritaires et poursuivre ainsi le projet de Reagan.

Les Etats-Unis semblent vouloir refaire le monde à leur image.


Cette idée de remodelage leur est chère, et pas seulement aux républicains. Mais,
Wilson tentait de forger un nouvel ordre international fondé sur le droit et la sécurité
collective, et non pas par la force. Clinton lui, comptait sur le commerce et les
sanctions (pour les Etats voyous).
Les Etats voyous sont compris dans une liste entretenue par les Etats-Unis depuis
des décennies et contenant les pays identifiés comme soutenant le terrorisme ou
développant des armes de destruction massive. Il y a 5 pays principaux : Irak, Iran,
Libye, Syrie, Corée du nord.

b) Retour à la force, purification des alliances

La guerre contre le terrorisme est de nature militaire, politique, économique,


financière et idéologique. Sauf qu’elle comporte en plus la levée des inhibitions quant
à l’emploi de la force armée.
Les Etats-Unis ont augmenté leur budget de la défense.
La 1ère cible était la lutte contre le terrorisme. La guerre en Irak procède d’une 2ème
phase : lutte contre les régimes autoritaires censés détenir des armes de destruction
massive.
Ils se sont progressivement détachés des organisations internationales telles que
l’ONU ou l’OTAN car ils les ont jugées impuissantes. Mais aussi parce que leur voix
pèse autant que celle des autres à l’OTAN, que la Syrie est membre du Conseil de
sécurité de l’ONU, ou encore du fait que l’Irak, l’Iran et la Corée du nord, sont
membres de la conférence du désarmement. Ils sont donc présents au même titre
que les démocraties ―> la majorité de la classe politique américaine trouve cela
inacceptable.

Après le 11 septembre, opération de purification des alliances : ceux qui ne sont pas
avec les Etats-Unis sont avec les terroristes.
Des rapprochements bilatéraux se sont alors développés avec l’Inde, la Russie,
Israël ; pays craignant le terrorisme pour leur existence.
Le noyau dur s’est reconstruit : liens culturels forts avec le Royaume-Uni et
l’Australie.

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c) Prévention ou préemption ?

La stratégie américaine repose sur la préemption et non la prévention : il faut


que la menace soit déjà matérialisée, grave et immédiate. C’est une logique censée
relever de la légitime défense, sans abandonner pour autant la politique de
dissuasion.
Or, la guerre en Irak était préventive car toutes les conditions n’étaient pas réunies.
Elle s’est accompagnée du déploiement de défenses contre une attaque balistique
pour dissuader et décourager tout pays voulant se mesurer dans une compétition
militaire.

d) L’esprit d’Eisenhower

Véritable inspiration pour G. Bush puisque la stratégie américaine apparaît au fond


comme un flash-back vers les premières années de la guerre froide :
- restructuration des alliances
- passage du confinement au refoulement
- passage de la dissuasion à la préemption
- engagement des Etats-Unis au Moyen-Orient
- croyances dans les promesses de l’énergie atomique
- réaffirmation du caractère religieux des Etats-Unis

III) LE THEATRE DES OPERATIONS

a) Le Moyen-Orient, nœud du problème

Les Etats-Unis veulent éradiquer une menace potentielle contre eux-mêmes et


Israël et ôter toute légitimité au combat annoncé par Ben Laden, dont les objectifs
affichés sont la fin de l’occupation des lieux saints et la défense de la cause
palestinienne.
D’après les néo conservateurs, la démocratie irakienne serait supposée être un
exemple pour le reste du monde arabe. Saddam Hussein était l’incarnation parfaite,
pour la population et les élites américaines, de la figure du mal.
C’est au Grand Moyen-Orient que se joue la partie géopolitique principale car c’est là
que se trouve la conjonction de régimes autoritaires, de réseaux terroristes et
d’armes de destruction massive, et c’est également là que convergent les
préoccupations de l’ensemble des acteurs américains : Al Qaida, Hezbollah, Baas
Irakien/Syrien, Islamiste sunnite, Hamas, Djihad islamique.
La place de l’Arabie Saoudite fait débat aux Etats-Unis car elle a financé les
mouvements islamistes pour avoir la paix sur son territoire.
Francis Fukuyama pense qu’elle est largement responsable de la montée de
« l’islamo fascisme ».

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Les néo conservateurs envisagent la force pour briser la puissance saoudienne.
Pour l’heure, ils veulent empêcher que les revenus du pétrole financent les réseaux
terroristes. Les autres Etats arabes, la Syrie, le Liban, la Libye et le Maghreb, sont
également surveillés.
L’occupation de l’Irak a été mal préparée, la contagion démocratique espérée ne
s’est pas réalisée et des questions demeurent :
- Faut-il abandonner l’Arabie Saoudite au risque de provoquer sa
radicalisation ?
- Faut-il sanctionner la Libye ou la Syrie pour leurs programmes d’armement ou
les féliciter de leur coopération dans la lutte contre le terrorisme ?
- Doit-on s’efforcer de hâter la contre révolution iranienne ?
La politique américaine à l’égard de Téhéran fait débat. En effet, l’Iran est
soupçonnée de développer l’arme nucléaire et de financer/soutenir le terrorisme. Les
néo conservateurs préconisent une nouvelle révolution pour refaire d’une Iran
débarrassée du clergé un allié privilégié et un modèle pour le monde arabo-
musulman.

Un rapprochement de l’islam chi’ite avec la droite évangéliste est tout à fait plausible
car tous deux valorisent la rédemption par la souffrance et une stricte discipline
communautaire pour se protéger contre le mal extérieur.

b) Lignes de front et zones périphériques

Afrique, Amérique Latine et Asie du Sud-est, offrent de nombreux exemples


d’Etats « échoués » ou « effondrés », qui peuvent devenir des foyers/refuges pour le
terrorisme :
- Afrique : Nigeria, Somalie, Soudan, Yémen, Tchad…Les évangélistes tentent
d’y freiner la montée de l’Islam
- Asie du Sud-est : Indonésie (région richement dotée en ressources naturelles)
- Amérique Latine : Argentine, Brésil, Paraguay
L’Eurasie constitue l’une des principale ligne de front : l’ensemble de la masse
eurasiatique est du côté des Etats-Unis.
Les russes sont devenus un véritable allié : lutte contre l’islamisme et ampleur des
réserves en hydrocarbure. Les Etats-Unis sont désormais présents pour longtemps
en Asie centrale et ont étendu leur présence militaire.
Après le 11 septembre, les Etats-Unis ont renoué des liens avec le Pakistan.
La Chine est crainte par les conservateurs américains car elle veut être reconnue
comme une grande puissance. En revanche, elle n’a pas d’idéologie politique à
vocation universaliste. Donc c’est la peur d’une Chine nationaliste, moderne,
développée, qui présente un potentiel économique de plus en plus militaire. Loin de
se démocratiser, elle chercherait à remplacer Moscou à la tête d’une nouvelle
internationale communiste et subversive ―> ça rappelle la guerre froide.
Le 11 septembre a interrompu le débat, pour l’heure la Chine est un partenaire dans
la guerre contre le terrorisme. Et demain ?

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IV) L’ENGRENAGE

L’Irak de Saddam Hussein ne présentait pas un danger grave et immédiat


mais, la coopération technique et militaire entre régimes autoritaires est une réalité.
L’unité de l’Irak a été préservée et les Etats-Unis font preuve d’un réel effort de
compréhension.

a) La dynamique d’escalade

Les Etats-Unis ne sont plus maîtres du scénario car ont libéré de puissantes
forces politiques, idéologiques et religieuses. Ils ont une telle place sur l’échiquier
géopolitique qu’ils ne peuvent plus reculer sous peine de créer des vides de pouvoir,
qui seraient immédiatement comblés par d’autres.
Résurgence du nationalisme dans les grands Etats : Russie, Chine, Inde.
Le concept d’action militaire préventive fait des émules : la lutte contre le terrorisme
est devenue un prétexte pour les gouvernements désireux de donner un tour de vis à
leur population.
Les populations arabes imputent aux Etats-Unis et à Israël tous les maux de la terre :
une bonne partie pense que le 11 septembre est une coup monté
―> 80% d’opinions négatives au Maroc/Jordanie/Palestine/Emirats Arabes Unis
/Indonésie/Pakistan
Cette guerre a accentué la polarisation entre « NOUS » les arabes et « EUX » les
occidentaux.

b) Le choc des fondamentalismes

En réalité c’est un affrontement avec l’Islam. Francis Fukuyama a d’ailleurs


écrit que l’Islam serait la seule des grandes cultures du monde ayant un problème
fondamental avec la modernité : elle rejette la laïcité.
Les extrémistes religieux prônent la destruction des villes sacrées de l’Islam en cas
de nouvelles attaques contre les Etats-Unis. Cette croisade contre l’Islam comporte
du prosélytisme religieux sur le terrain et une mobilisation politique aux Etats-Unis,
avec des discours très virulents de la part des idéologues.
Parallèlement, encouragés par la montée du sentiment anti-islamique en Occident,
des dirigeants musulmans approuvent tacitement leurs pairs, notamment par des
discours antisémites.
Huntington avait prophétisé cet affrontement des civilisations : Islam et Christianisme
étaient voués à s’affronter, de part leurs différences et leurs points communs.
―> On peut parler de choc des fondamentalismes car il y a des similitudes entre le
fondamentalisme chrétien et le fondamentalisme musulman :
- rejet de la théorie de l’évolution
- peur de l’invasion
- revanche de la tradition sur la modernité
Donc, cette rivalité mimétique a un rôle dans l’escalade qui se produit aujourd’hui : la
dialectique des peurs réciproques de l’Autre ne pourra qu’encourager son ascension
aux extrêmes.

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c) La recrudescence des menaces

La politique américaine crée un sentiment d’insécurité chez les dirigeants des


régimes s’opposant à elle et les encourage à accélérer leurs programmes afin de
protéger leurs régimes. Ce déploiement conduit ensuite à favoriser la méthode
préemptive.

d) Un conflit sans issue possible

Il est impossible d’éradiquer complètement une structure mouvante, évolutive


et insaisissable : Al Qaida fonctionne comme une holding. Au mieux, elle pourra être
contenue.
Dès 1996, Ben Laden exigeait le retrait des forces américaines d’Arabie Saoudite.
Mais ceci, ainsi que la création d’un Etat Palestinien, ne suffirait à apaiser Al Qaida.
Les dirigeants d’Al Qaida sont animés par la soif de revanche, la pulsion de la mort
et le désir de puissance. Il s’agit d’un nihilisme limité ou imparfait : pas de destruction
totale mais destruction de la civilisation moderne, en particulier de l’Occident Anglo-
saxon. Ca rappelle le nihilisme allemand du 20ème siècle tel qu’analysé par Léo
Strauss.
Al Qaida prétend établir un équilibre de la terreur. Or, les occidentaux se bornent au
droit et à la culture (pas de bombardement délibéré des populations civiles ni
d’emploi d’armes de destruction massive), alors qu’Al Qaida s’autorise une lecture
contestée du Coran.

e) Une guerre de 30 ans ?

La difficulté d’identifier l’ennemi des Etats-Unis, Islamisme radical/politique ou


Islam tout court, contribue à faire penser que le conflit est sans issue.
G. Bush a déclaré que la guerre durerait « aussi longtemps que l’on terrorisera des
gouvernements établis » (16 octobre 2001).
Lord Weidenfeld, personnalité du monde littéraire britannique, a évoqué la
perspective d’une guerre de 30 ans.
Comme on peut faire remonter le début de la guerre froide à 1917, on fera peut-être
remonter un jour la guerre contre le terrorisme au conflit israélo-palestinien de 1967
(radicalisation du monde islamique, montée des thèses évangélistes et rupture des
intellectuels juifs américains avec le parti démocrate).

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CONCLUSION

La suite des évènements sera déterminée par l’avenir de deux des pays les
plus instables de la planète, secoués par l’onde de choc du post-11 septembre :
- L’Arabie Saoudite est gouvernée par l’un des régimes les plus archaïques de
la planète mais renferme dans son sous-sol les plus grandes réserves
pétrolières et contrôle les principaux lieux Saints de l’Islam.
- Le Pakistan est un pays militarisé qui ne contrôle que partiellement son
territoire et possède l’arme nucléaire.

Plusieurs scénarios sont envisageables :


- Mise sous tension durable des relations entre pays anglo-saxons et sociétés
islamiques. Ni l’un ni l’autre ne sont capables de fédérer « leur camp » sous
une même bannière.
- Les attentats en Russie/Chine/Inde pourraient donner naissance à un
« concert de grandes Nations » ou à une « alliance des fondamentalisme »
protestant/juif/hindou contre l’ennemi islamiste.
- Les Etats-Unis ne peuvent plus supporter financièrement la poursuite sur le
long terme de l’effort de guerre (en 2004 : 500 milliards de dollars soit 4% du
PNB).
- Défaite des Etats-Unis : un attentat majeur contre les forces américaines
pourrait conduire l’opinion publique à exiger le retour des troupes. Ben Laden
prendrait alors le contrôle des lieux Saints à la faveur d’un effondrement du
régime saoudien, forgerait une alliance nucléaire avec un Pakistan placé sous
l’emprise islamiste et pourrait alors exiger le départ des juifs d’Israel.

Ces scénarios sont tout de même moins probables qu’un affrontement bipolaire avec
la Chine, qui prendrait alors la place de la guerre contre le terrorisme. L’alliance
Chine Etats-Unis contre le terrorisme a masqué leurs tensions : Taiwan en est l’enjeu
le plus important.
Les adversaires américains de la Chine pourraient voir en cet affrontement le stade
ultime d’une guerre contre le terrorisme qui se serait muée en guerre contre les
dictatures et peut-être une nécessité pour déclarer la victoire totale de la démocratie
occidentale contre le communisme. Ce serait la vraie « fin de l’Histoire ».

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