Professional Documents
Culture Documents
Président de l’ARF
Congrès de l’Association des Régions de France
10 décembre 2009
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les Présidents de Région
Messieurs les Présidents de CESR
Mesdames, Messieurs, les élus régionaux et membres des CESR
Mesdames, Messieurs
Les Régions sont devenues les référents uniques pour la politique de l’emploi et
coordonnent ainsi les pôles emplois, les politiques d’insertion, de formation,
d’apprentissage, d’enseignement supérieur, ainsi que les aides aux entreprises. Elles
ont mis en place une politique ciblée sur la jeunesse de l’éducation à l’insertion
pleine et entière dans la société du XXIème siècle. La culture de l’innovation
commence à imprégner les jeunes générations grâce aux passerelles organisées par
les Régions entre le lycée, l’université et l’entreprise. Les schémas de
développement économique durable sont devenus prescriptifs et la Région
contractualise avec les départements, les métropoles et les agglomérations pour la
mise en œuvre des objectifs sur les territoires concernés, en faisant le lien entre
politique économique, politique sociale et aménagement urbain.
Les TER sont au cœur d’une armature dense de transports collectifs, connectées
aux transports des agglomérations et irriguant tous les territoires, désenclavant les
zones rurales et limitant l’étalement urbain des métropoles.
1
Les Régions sont aussi les animatrices des plans Climat sur leur territoire, assurant
la cohérence des initiatives des acteurs publics et associatifs dans le cadre fixé par la
Loi. Elles sont aussi les premiers investisseurs et les premiers soutiens des
technologies et énergies à faibles émissions carbone.
Bref les Régions sont ces collectivités qui impulsent, qui agissent, qui anticipent, qui
préparent l’avenir. Echelon charnière entre les territoires et l’Etat et l’Europe, elles
ont renouvelé la gouvernance pour optimiser les complémentarités, rendre
cohérentes les politiques de développement économique et d’emploi. Leurs élus sont
responsabilisés devant leurs électeurs pour les politiques qu’ils conduisent en
matière de transports et d’emploi.
Mais cette évolution logique, attendue, espérée, risque bien de ne devenir qu’un vœu
pieux au regard des propositions aujourd’hui sur la table. Vous nous apportez la
démonstration, Monsieur le Ministre, que toute réforme n’est pas forcément un
progrès et pour reprendre les mots de Jean-Noël Jeannenay ce matin, qu’en
histoire, il n’y a pas d’effet cliquet.
A l’instar de la logique imprimée par la toute jeune République française pour affaiblir
les provinces, l’Etat jacobin cherche aujourd’hui à multiplier ses interlocuteurs pour
affaiblir les régions. Bruno Rémond citait le député Bouche ce matin : « l’Etat préfère
parler à une multitude de roquets qu’à une meute de chiens-loups ». Vu sous cet
angle de la défiance on le comprend, mais il est aussi permis d’espérer que la
France arrive à travailler dans le partenariat, dans la subsidiarité, sans qu’un
fonctionnaire ait besoin de rappeler à un élu issu du suffrage universel le sens de
l’intérêt général.
Alors que se discutent simultanément deux projets de loi portant réforme à la fois sur
la fiscalité locale et sur les collectivités territoriales, ce 5ème congrès des Régions de
France est l’expression d’une incompréhension manifeste à l’égard du processus de
recentralisation en cours et d’un besoin de concertation des premiers concernés, les
élus locaux.
Aucun des objectifs affichés ne peut être rempli par ces projets de loi : la clarification
du qui fait quoi est repoussée à plus tard ; la démocratie locale se trouve affaiblie par
le mode de représentation et d’élection des élus régionaux ; les économies restent à
démontrer ; et le millefeuille reste d’actualité : mais c’est celui de l’Etat qui continue à
doublonner les compétences des collectivités…
Bref on procède à l’envers. Est-ce à dire que l’attribution des compétences dépendra
des budgets disponibles pour les exercer ? des élus disponibles pour les conduire ?
Faute de débat, deux contre-sens font figure de feuille de route pour la réforme.
- Premier contresens : considérer que la vie des institutions et des politiques
publiques distingue d’un côté l’Etat et de l’autre les collectivités locales. Au contraire,
comme le souligne la Cour des Comptes, la vraie révolution est bien dans la
réorganisation globale des relations entre l’Etat et les collectivités pour la
conduite de l’action publique sur le terrain.
- Deuxième contresens : le Rapport Balladur lui-même identifie deux logiques
d’action avec d’une part les compétences sociales, de proximité, centrées sur la
commune, l’intercommunalité et le département, et les compétences stratégiques,
« d’investissements pour l’avenir », exercée par la Région, l’Etat et l’Europe. Et les
budgets le prouvent : la Région et le Départements sont les deux acteurs qui ont le
moins de financements croisés, qu’il s’agisse d’investissements, de fonctionnement,
de subventions par rapport aux multiples possibilités qu’offrent les relations entre
communes, intercommunalités, départements, régions et Etat.
- Instituer le cumulard institutionnel alors que l’air du temps est plutôt à la remise
en cause de cette pratique et aux réflexions qui devraient conduire à en finir avec le
cumul et pour le moins paradoxal. Avec le conseiller territorial, c’est le conflit
d’intérêts permanent comme au temps de l’EPR dans les années 1970, avec des
élus qui auront à la fois la casquette régionale, départementale mais aussi
municipale…
On ne dit pas assez que l’histoire de la décentralisation est certes l’histoire de
l’émancipation des collectivités vis-à-vis de l’Etat tutélaire mais qu’elle est
également celle des régions vis à vis des départements. Il aura fallu 20 ans pour
que le cumul des fonctions régionales et départementales passe de 27% à 4%. Tout
comme les financements, les croisements de fonction sont très faibles aujourd’hui.
4
Cette évolution a permis l’émergence d’une vision d’un projet régional, qui n’est pas
réductible à la somme des projets cantonaux.
Le conseiller territorial met ainsi à terre 20 ans d’efforts pour affirmer le fait régional.
Il revient en arrière comme jamais en enfermant les régions dans une gouvernance
de juxtaposition d’intérêts comme en souffrent, d’ailleurs, les agglomérations.
Il serait pour le moins étrange que le Législateur cherche à remédier aux problèmes
de gouvernance des intercommunalités tout en en créant de nouveaux pour les
Départements et les Régions. Comme je l’ai dit à maintes reprises, et sans jugement
de valeur pour les élus des conseils généraux : avec cette réforme, c’est le rond
point qui sera préféré à l’innovation, et la salle polyvalente à la recherche !
C’est la fin de la réactivité et des politiques de long terme d’une administration qui
perdrait le lien avec les élus et le terrain.
Car on reproche déjà aux élus de ne pas être suffisamment sur le terrain en prise
avec le quotidien, avec la réalité de nos concitoyens. Pourtant, en créant le conseiller
territorial, on le confine encore plus dans son assemblée départementale ou
régionale. On tue l’intérêt même de la démocratie locale, à savoir sa proximité et sa
réactivité aux attentes des territoires et de ses habitants.
En fin de compte, on nous présente un projet de loi pétri de bonnes intentions mais
qui ne se donne aucun moyen de les mettre en œuvre. D’ailleurs, la réforme de la
fiscalité locale liée à la suppression de la taxe professionnelle confirme une tendance
lourde à la recentralisation.
- Sur la réforme de la TP
Faire passer dans la précipitation, la suppression de la TP avant même le débat sur
la réforme institutionnelle n’est pas le moindre des paradoxes. Le résultat n’est pas à
la hauteur du fait régional et déséquilibre complètement le panier fiscal de la Région.
En effet, les Régions se retrouvent dans le projet de loi à dépendre à 90% de
dotations et transferts de l’Etat. L’autonomie fiscale des Régions est réduite à
seulement 10% et porte sur les permis de conduire, les cartes grises et la TIPP. Plus
grave encore, la Région ne percevrait plus d’impôt direct sur les ménages si la
part régionale de la taxe foncière sur les propriétés bâties venait à disparaître. La
contribution économique ne serait plus territorialisée : Est-ce bien pertinent au regard
des objectifs de développement économique ?
Si je résume, les Régions ne disposent plus que du levier des taxes « voiture »
pour financer les TER et les TGV. Elles perçoivent par ailleurs l’IFER payées
par tous les opérateurs de transport ferroviaires… dont elles font partie. Donc,
plus elles feront préférer le train, plus elles perdront de ressources. C’est
ubuesque !
La région est reconnue comme échelon d’avenir par les Français mais ses actions
sont contraintes, ses moyens coupés et son projet politique enterré en même temps
que l’élection de ses conseillers. Pourtant assumer la décentralisation permettrait de
rendre efficace l’intervention publique à tous les niveaux.
Renforcer les Régions plutôt que les affaiblir
Le plaidoyer en faveur des régions n’est pas le seul fait des élus régionaux ou de
militants régionalistes. Pour la Cour des comptes, la décentralisation était la
promesse d’une gestion collective plus proche, plus adaptée, moins coûteuse, et
mieux maîtrisée par des autorités responsabilisées par la prise en compte directe de
l’intérêt public local.
Si les sages de la rue Cambon reconnaissent l’impact de la décentralisation sur la
qualité des services publics, ils dénoncent les doublons de personnels encouragés
par un Etat qui a tardé à faire sa mue. Celui-ci s’est maintenu dans des dispositifs
décentralisés : la formation des travailleurs sociaux reste encore une compétence
partagée, on assiste même à un retour de l’Etat dans la politique d’apprentissage
pourtant transférée aux Régions depuis 1983…. Alors que faire, une fois la cause
entendue ?
Voici déjà plusieurs congrès de l’ARF où l’aspiration décentralisatrice est mise en
avant comme nouvelle marche à gravir. Le dernier de cette mandature ne fera pas
exception.
Nous réaffirmons que la France ne peut rester au milieu du gué. Le projet de
réforme, dont l’examen débute la semaine prochaine au Sénat, voudrait nous
replonger trente ans en arrière. Comment croire que c’est le sens de l’histoire ?
6
Nous attendions une autre réforme. Une réforme qui clarifie les compétences au
lieu dire tout et son contraire. Nous revendiquons un pouvoir réglementaire sur les
compétences régionales de plein exercice. Nous persistons à réclamer la gestion
régionale des fonds européens parce que nous définissons les politiques et
mettons les contreparties financières. Tout cela signifie changer de
gouvernance, donner au chef de file régional le pouvoir d’appliquer les schémas
directeurs, d’imposer la coordination au long continuum de la formation, de
l’orientation et de l’emploi, de conduire une stratégie et d’en être responsable. Cela
signifie surtout donner une visibilité, des moyens et des ressources à nos
institutions pour qu’elles restent en capacité d’impulser, de créer une
dynamique pour l’avenir avec les acteurs de leurs territoires.
Nous voyons la Région comme la collectivité des investissements pour l’avenir avec
l’Etat, celle qui est la courroie entre les grandes orientations nationales ou
européennes et la mise en œuvre sur le terrain avec toutes les parties prenantes.
C’est cette liberté et ce leadership qu’il faut préserver, c’est cette action du
temps long qu’il faut encourager.
La décentralisation est au cœur de toutes les réussites en Europe. Et il n’est pas de
métropole rayonnante qui ne s’adosse à une Région puissante : Barcelone à la
Catalogne, Munich à la Bavière, Milan à la Lombardie. Nous voulons pouvoir
défendre nos chances, nous en avons la possibilité.
Nous pensons que l’Etat ne pourra se renforcer que s’il sait déléguer aux Régions la
mise en œuvre du développement durable au quotidien : par l’emploi, la formation,
l’innovation, l’éducation, la jeunesse, les transports. Nous avons rempli notre part du
contrat et démontré tout le potentiel de projets régionaux visionnaires et dynamiques.
Il faut que l’Etat parvienne à dépasser cette défiance stérile vis-à-vis des
collectivités afin que la France soit enfin forte de ses régions comme le
souhaitait notre regretté collègue et ami Adrien Zeller.
Je vous remercie