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Première partie : L’Etat en Gestation


(avant 1100)

Section A : Pouvoir, gouvernement et société

Chapitre 1 : Royauté, féodalité, seigneurie

Trois approches complémentaires et conquérantes des institutions politiques de l’époque :


- Royauté
- Féodalité
- Seigneurie
Elles se développent toutes les trois en même temps.
Définition des grands systèmes de relations entre individus.

a) Royauté : Les royaumes germaniques

1° Triple héritage :

476 : chute de l’empire romain d’Occident : le dernier empereur d’Occident est déposé, cela
passe inaperçu car il avait peu de pouvoir (l’empire de Byzance est encore d’actualité) et
provoque aussi la chute du système impérial.
Plan juridique : 476, fin d’un état romain.

Sur ce territoire s’installent différents peuples barbares=germains.


Invasions germaniques :
Durant le courant du 5e siècle, le siècle des grands bouleversements : des royaumes
germaniques s’instaurent (les chefs de tribu deviennent roi). Dès lors, il y a une grosse perte
des acquis à cause de l’invasion des Germains, venus de l’Est du Rhin et du Nord du Danube.
Cependant tout n’est pas perdu au sein des royaumes germaniques = peuple barbares car il
existe un triple héritage :

un élément de permanence : la religion chrétienne et donc l’Eglise. Elle est le trait d’union
entre l’empire romain disparu et les royaumes barbares.
Triple héritage : romain, germain, chrétien. Ils sont l’héritage du droit et de la civilisation
européenne.
« Les peules barbares »: Germain => la coutume
Etat romain après 476: Romain => le latin
Eglise : essor du Christianisme => essor du christianisme

Les Francs = peuples germains amèneront surtout à nos pays, par la conquête de la Gaulle,
leurs normes et leurs coutumes ( multitudes de petits royaumes francs). Ils se familiariseront
avec le Latin qui changera petit à petit au fil du temps. Il faudra attendre plus de trois cent ans
pour arriver à un nouvel empire. La seule vraie continuation de l’empire romain dans le
monde germain est l’Eglise. En effet, développée sous Constantin, elle continuera sa mission
de christianiser, en christianisant les Germains. Les évêques seront donc les figures de proues
de ce bas moyen-âge et vont rendre possible le monde romain d’Occident.
2° Les Carolingiens (8e-10e siècle) :
Aux alentours du milieu du VIII siècle, la dynastie des carolingiens arrive au pouvoir.
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= le royaume des francs, le royaume germanique qu s’était établit en Gaule (actuel Pays-Bas,
Benelux, France et Allemagne).
Ce royaume s’est imposée à ses voisins, mi 8e siècle, il est sous le règne de la famille
Carolingienne (Charlemagne).

Que va-elle apporter ? Une nouvelle façon de concevoir et appliquer le pouvoir

Les rois carolingiens adopteront le sacre, cérémonie au cours de laquelle les rois étaient
reconnus comme les délégués de Dieu : « rex dei gracia » (roi par la gloire de Dieu) , ce qui
est une position exceptionnel. Ils recevaient de l’huile sainte appliquée sur leur front et le
consacrait : l’onction. Le sacre remonte à la bible (les rois du peuple hébreux). Cette tradition
n’a pourtant pas été suivie partout : les empereur romains n’ont pas tous été sacré. Les rois
francs avant les Carolingiens n’étaient pas sacré. Le premier roi sacré fut Pépin le Bref en 751
(le père de Charlemagne). Tout les rois suivant seront sacré jusqu’au 19e siècle.

Les Carolingiens avaient une conception ministérielle du pouvoir, il considérait le roi


comme un ministre et serviteur de Dieu, du peuple et de l’humanité toute entière.

On dira des rois Carolingiens qu’ils sont rex dei gratia et Charlemagne se dira sur base de
cette nouvelle conception imperator et princeps populi christiani : conception religieuse =
Imperator : empereur ; princeps : premier citoyen.
Au point de vue concret, ils mettent sur pied de vrai institutions : des cadres gouvernementaux
et administratifs.

Cadres gouvernementaux :
- le palais : service dans l’entourage du roi :.
- le plaid : assemblée des chefs, des grands du royaume, de tous les gens importants de
l’empire (de tous les riches, les nobles et de l’aristocratie) afin que l’empereur les
concertent au sujet de décisions politiques importantes à prendre. (élite politique et
social) => contact entre le roi et les principaux de ses sujets

Cadres administratif :

Ils mettent en place une administration perfectionnée qui couvre l’ensemble du royaume pour
cela ils mettent au point une division de l’empire en royaumes qui étaient donnés à des
comtes : le territoire est divisés en comtés qui ont à leur tête un fonctionnaire ami du roi, le
comte. Le comte est le représentant du roi qui s’est vu confié une partie de territoire à gérer.

Les missi dominici : représentant du roi. Ils étaient des gens désignés par le roi qui allaient en
mission pour examiner si les comtes s’occupaient bien de leurs taches : ils parcours le
royaume et vérifient que tout soit bien fait selon les désirs du roi => système de contrôle/
inspection pour une centralisation car ensuite ils leurs donnaient les instructions de
l’empereur.

Le système Carolingiens est un système étatique, c’est l’état en gestation : il y a une idéologie
des pouvoirs et des cadres.

Charlemagne ( + 814 ) va se faire sacré et couronné Empereur, revovatio imperii, par le


Pape à Rome le vingt-cinq décembre ( noël) de l’an 800. Le terme empereur n’existait plus
depuis 476. Charlemagne « imperator et princeps populi christiani », Charlemagne s’en
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réfère à la foi chrétienne, il veut se trouver à la tête du peuple romain et de dieu ( princeps = le
1 citoyen : volonté d être à la tête de l’universalité).

Cependant, Pour ne pas choquer ou créer un mécontentement auprès de l’empereur de


Byzance, il se dit « empereur d’occident » et non pas empereur de Rome ou romain même si
lui et ses prédécesseurs se considéraient plus comme les successeurs directes des empereurs
romains.

3° Un échec et des acquis :

On assiste donc ici à un perfectionnement de la gestion de l’état => idée de rénovation


L’œuvre Carolingienne n’est pas qu’un échec, il y a aussi des acquis

• Echec :
L’abstraction ne s’impose pas : cela reste le regnum. Le pouvoir Carolingiens n’arrive pas à
s’élever au dessus du terre à terre.

Les Carolingiens vont eux-même tombé dans le panneau du concret.


Texte de 817 : « L’ordinatio emperii »
Texte de Louis le Pieux (fils de Charlemagne), il déclare que la dignité impériale sera pour
son fils aîné et que les autres ne seront que roi et seront « soumis », subordonné à l’aîné =
empereur. Pour fonder cela, il prend exemple sur l’Eglise qui n’est qu’une, l’empire doit donc
n’être qu’un aussi. La dignité impériale n’est pas partageable : Il n’y a toujours qu’un
empereur.
822 : naît une querelle dynastique entre Louis le Pieu et ses trois fils.
843 : Louis le pieux abdique et ses trois fils vont conclure un accord selon les règles de
l’ordinatio imperii ( fils aîné = empereur, cadets= 2 rois) pour se partager l’empire: le Traité
de Verdun. Ils se partagent ; diviseront l’empire des carolingiens la succession de leur père, il
n’y aura qu’un empereur mais cela ne veut plus dire grand chose, il y aura trois royaumes
égaux et le pouvoir redevient très concret.
Echec : il y a scission, ce qui est simple est moins fort.
.

• Acquis :
Nous passons d un regnum a des regna. Pour les germains tout devait être concret, le mot état
n’existait pas comme tel. Le regnum (territoire) dirigé par le rex (roi), ça c’est du concret..
Le regnum était considéré comme propriété du roi ; Un concept apparaît de plus en plus : la
respublica (l’Etat), mais elle ne parvient pas à s’enraciner : c’est trop abstrait. Plus d’empire
Carolingiens mais res publica => acquis : la notion de res publica reste

L’usage honores qui étaient des charges publiques attribuées par le rois pour l’aider
subsisteront. Ces honores sont attachés à la fonction royale. La pratique des honores :
Ce sont des charges publiques (laïque et ecclésiastique) attribuées à des personnes : comtes,
évêques. Elles ont été conçue pour participer au ministère royal. Des parcelles de terres leurs
sont attribuées, il y a une prise de conscience de la notion d’état. Mais les titulaires de ces
honores vont de plus en plus les accaparer pour eux-mêmes t en faire leur biens propres et
devenir autonome ce qui va compromettre le pouvoir de l’empereur.
b) Féodalité

La féodalité est un système de relation ente individu.


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1° Les origines :
La féodalité n’est pas simplement un système politique, en effet, c’est aussi un système de
relation privé entre personnes.
La féodalité a des origines germaniques, dans les peuples germaniques, il y avait la pratique
du compagnonnage. Le chef de tribu a dans son entourage des fidèles, des compagnons. Il
s’engage avec eux dans des relations très étroites. Ils aident le chef dans la guerre, ils le
protègent et il lui sont dévoué et en échange il leur fait des cadeaux, partagent les bénéfices…
En effet, le chef germain ( roi ) qui partait à la guerre était assisté et obéit par des compagnons
qui étaient en retour récompensé et protégé => sécurité, protection, cadeaux… il s’agissait en
général de guerrier, ce qui nous indique donc que le compagnonnage, comme la féodalité
ensuite, était une affaire d’élite

Chez les Carolingiens ( francs) on retrouve les antrustions VI et VII s : ce sont les gardes du
roi qui le protégeait physiquement. Il ne sont pas seulement employé, ils sont unis par des
engagements qui vont se traduire par un serment de fidélité envers son roi et en échange le
roi prête serment à son antrustion : fidélité réciproque
Le double serment des Carolingiens : il y aura le serment des vrais proches, des fidèles, des
compagnons qui entourent le roi et le serment de tous les hommes libres du royaume.

Elles ont été systématisées : double serment :


- serment prêté par tous les hommes libres du royaume au roi.
- serment des fidèles du roi au roi, dans la continuité des compagnons, ce sont les
vassaux.
Charlemagne demandera lui un serment général à la suite de son deuxième sacrement en tant
qu’empereur. C’est réellement à l’époque des carolingiens que la pratique se précise. Deux
réalités juridiques s’affirmeront : vassalité et fief.

VASSALITÉ + FIEF = FÉODALITÉ


La féodalité n’est pas encore une politique, elle ne s’effectue que dans les plus hautes sphères
de la société.

2° La vassalité et le fief :

La vassalité est un des deux piliers ( élément moral + élément matériel ) de la féodalité, il
s’agit d’une relation personnel avec un serment. Le deuxième piliers de la féodalité est le
bénéfice ou le fief. Il s’agit d’un élément matériel, c’est un cadeau du roi au vassal pour prix
de sa fidélité.Ce binôme, la féodalité va constituer la nature d’un contrat dans lequel deux
personnes s’engagent l’une vers l’autre dans une notion d’autorité privée entre le roi et son
fidèle.

1. Vassalité: acte où deux individus s’engagent l’un envers l’autre

La vassalité est une version plus améliorée du compagnonnage sous les carolingiens.
S’effectuant à l’origine entre le roi et un proche, elle s’étendra hors du cercle des rois et ce
jusqu’aux simples gens libres. Les choses se préciseront encore plus au IX, X et XI ième
siècle. Le contrat vassalique synallagmatique : on organisait des cérémonies qui se
déroulaient en deux étapes c’est-à-dire qui comporte des droits et des obligations réciproques
entre les deux personnes.
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Quels sont ces droits et ces obligations ?

Le roi apporte protection au vassal qui assure des services à son roi. Le vassal est le moins
puissant des deux, le seigneur (dominus) est le plus puissant des deux.
On dit souvent suzerain à la place de seigneur, ce n’est pas faux mais sa signification est plus
restreinte.
Qu’est ce que ce contrat implique ?
La cérémonie de l’hommage et de la foi
1. L’hommage (marque d’attachement): le vassal dit vouloir être au service du seigneur
et le seigneur accepte : on entre alors dans une relation personnelle d’homme à homme
on devient le fidèle même parfois il y en avait qui s’embrassait.
2. La foi : le serment de fidélité.
La conclusion de ce contrat oral implique des obligations concrètes : l’aide et le conseil.
Aide : obligation matériel des deux, assister réciproquement en justice ( aide morale) ,ils
doivent venir en aide l’un à l’autre par les armes ou par l’argent. Conseil : obligation moral,
ils sont tous les deux obliger de conseiller l’autre. Ce serment ne va pas se limiter au roi et à
ses fidèles. Cette pratique va se diffuser, les grands royaumes vont aussi avoir leur vassaux.
Cela va surtout concerner les gens d’un certain niveaux : tout le monde ne peut pas assumer
les obligations du contrat.
Très rapidement, il va être possible de conclure plusieurs contrat vassaliques. Chaque
seigneur a plusieurs vassaux et chaque vassal peut avoir plusieurs seigneurs.
Au XIe siècle, on va déterminer une certaine restriction. On instaure le système de la ligesse :
ce qui signifiait qu’on pouvait être le vassal de plusieurs personnes mais il faudra déterminer
la préférence du vassal pour un de ses seigneur : le seigneur lige, c’est celui qui sera servi en
premier.

Suzerain = roi ( super- seigneur ) >< vassaux = seigneur

2.Le fief : la récompense = Beneficium et feodum = un don du seigneur à son vassal.

C’est ce que le seigneur donne au vassal lors de la cérémonie des investitures (après celle
des hommages et de la foi). L’investiture était la cérémonie durant laquelle le seigneur
remettait le fief à son vassal ( fidèle) => Nature du fief
Il pouvait s’agir d’un don matériel. Au départ c’est un morceau de terre alors on remettait
quelque chose de symbolique ( une branche ) mais cela va évolué et pourra être une somme
d’argent (rente) ou une charge. Cela peut aussi être n’importe quel autre objet.

Lors de la cérémonie le fief est toujours symbolisé. S’il s’agit d’un morceau de terre, le
seigneur donnera une motte de terre au vassal. Le vassal reçoit le fief pour en avoir l’usufruit
pour le temps de sa vie, il ne donne pas la propriété au vassal.

Très vite s’instaurera la patrimonialité du fief, c’est-à-dire que le fief va devenir héréditaire
dans la famille du vassal sauf dans le cas ou il y a un conflit avec le roi.
On va donc instaurer le droit de relief : taxe de succession.
Celui qui cédait le fief restait propriétaire mais si le fils du vassal veut hériter du fief le
principal des deux exigera un droit du fief = taxe.
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3° Les conséquences politiques (9e et 10e siècle) :

La féodalité devient de plus en plus une réalité politique => affaire privée devient publique ;
politique
Deux réalités vont se combinées :
- réalité publique : honores
- Les honores seront donc utilisé comme fiefs => la féodalité prendra donc sa dimension
politique.
- réalité privée
- Duchés et comtés
- Formation des principautés territoriales

Il y a une politisation des rapports féodaux, ils deviennent publiques.


Les principautés territoriales qui sont des fiefs, vont devenir de plus en plus autonome (duc et
comte). Ils vont exercer un pouvoir concurrent de celui du roi : potestas, pouvoir publique.
La féodalité va avoir tendance à se retourner contre le roi. Décadence de la royauté et de
l’Etat au profit des seigneurs puissants.

c) La seigneurie : un système qui concerne tout le monde

1° Origine :

Le mot seigneur est polyvalent, les seigneur de la seigneurie sont différents de ceux de la
féodalité. Dans la seigneurie, il s’agit d’un système de rapport qui lie les maîtres du sol
(seigneur) aux exploitants du sol (paysans).
Les origines de la seigneurie sont différentes de celles de la féodalités. Les origines sont
romaines : la grande propriété, les germains ne connaissaient pas la propriété, ils étaient
nomades, ils n’avaient pas de terre propres.
La villa romaine est à l’origine de la seigneurie. Au 7e et 8e siècle, les grands domaines
d’origines romaines composé de deux parties :
- La réserve : située au centre du domaine, il s’agit de la partie de terre réservée au
seigneur = ce que le seigneur se réservait = sa propre récolte
- Les tenures : terres données en location à un paysan, il s’agit de lopin de terre limités,
les paysans payent un loyer au seigneur : le cens

// le fief et la tenure comporte la même idée : céder une terre à quelqu’un qui n’est pas
proprio => Cependant une différence notable est que pour la seigneurie, les rapports son
fondamentalement économique et il n y a pas d’engagement féodal.
!! Il y a des similitudes entre la tenure et le fief
Féodalité : le fief est pour quelqu’un d’un bon niveau social, capable de tenir les armes.
Seigneurie : les tenures sont pour des paysans qui ont peu de moyens, le tenancier ne part pas
à la guerre
Il y a une différence de niveau.

Extension des droits sur le sol : droit du sol devient droit des hommes car les proprios
demandent des droits. Avant autorité privée  publique.
Ces grands propriétaires vont de plus en plus exercer une autorité supérieure à celle du
locataire. Le pouvoir d’autorité est de plus en plus étendu et va prendre un caractère publique.
C’est ainsi que dans le monde rural va se généraliser le système de seigneurie : lorsque le
propriétaire exerce un pouvoir d’autorité sur les paysans locataires.
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Le sol était travaillé par des paysans qui louaient les terres (tenures), et les droits sur les
paysans se transformeront pour devenir les droits sur les gens.

2° Les droits seigneuriaux : autorité privée puis publique.

Apparaît alors ces droit seigneuriaux qui peuvent ne plus rien avoir avec le sol.
Les droits se rapportant au sol :
- ils doivent payer un loyer pour exploiter leur tenure
- Les corvées : des travaux agricoles fait par les locataires pour le seigneur.
Les droits ne se rapportant pas au sol :
- La taxe personnel : partie de la succession du paysan mort, taxe si on se marie en
dehors de la seigneurie, taxe sur le transport de marchandises au marché.
« Les habitants des seigneuries payent des taxes pour travailler et respirer »
L’autorité privée devient alors publique.

La réalité économique deviendra donc politique, ce qui est semblable à la féodalité où la


relation privée devient une relation publique sur un seigneur alors que pour la seigneurie
c’était sur des paysans. La féodalité est un phénomène militaire, la seigneurie un phénomène
« paysannier ».

Seigneurie = pour tous / Féodalité = pour l’élite

3° L’impact politique et social :

La seigneurie va tendre a devenir une réalité politique. Dès après 843 (traité de Verdun), les
royaumes Carolingiens se sont fragmentés en duchés et comtés et certains de ceux là vont
encore se fragmenter en seigneurie qui vont devenir assez puissantes pour tenir tête aux
principautés.
Certaines vont s’affirmer seigneurie châtelaine. Vers 1000, un pas est franchi, on est en
présence d’une réalité politique : le seigneur est celui qui commande toute une région. Ils ont
un château (image du pouvoir), c’est une version publique de la seigneurie. Il se créé alors
une pyramide féodale :
ROYAUME

PRINCIPAUTES Liens vassaliques

SEIGNEURIE CHÂTELAINE

Après le traité de Verdun, fragmentation de l’empire en principautés et comtés qui se


morcellent en Seigneuries dites châtelaines vers l’an 1000. Le château sera le symbole du
pouvoir, c’est alors que la relation deviendra non plus seulement économique mais aussi
politique.

La féodalité et la seigneurie concurrence la royauté. La société médiévale n’est pas une


société de classe sociale économique mais une société selon le critère des relations qu’on
entretient. c’est une société d’ordre => il y a trois ordres
Entre le XIième et le XIIième siècle on voit apparaître la notion de trois ordres, trois fonctions,
trois catégories fonctionnels :
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• Ceux qui se battent : nobles ( féodalité)


• Ceux qui prient : église => clergé
• Ceux qui travaillent : paysans qui cultivent la terre ( seigneurie)

=> Ces trois catégories sont fonctionnelles et hiérarchisées


C’est là que féodalité et seigneurie se combinent.

Il a une complémentarité des trois fonctions.


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Chapitre 2 : Empire, France, Angleterre (10e -11esiècle)

a) L’empire des rois saxons et saliens (962 -1125)

Il s’agit de l’Allemagne + Italie + Rome + Bourgogne.


962 : date clé : création du saint empire romain (sacrum romanum imperium)
+ Couronnement de Othon I comme empereur par le pape XII à Rome, il recrée la succession
impériale avec la dynastie des saxons. Cet empire va perdurer pendant plus de 8 siècles.
Avant cela, l’Allemagne avait été un royaume gouverné par les carolingiens qui ont disparus
petit à petit fin IX siècle puis sont arrivés les saxons qui seront succédés par les saliens .

1125 : repère dynastique.


Première dynastie : les saxons, Othon 1e et ses descendants vont perdurer jusqu’en 1024 : à
cette date là on assiste a un changement de dynastie, la dynastie salienne (originaire du sud de
l’Allemagne) qui va perdurer jusqu’en 1125.

1° Le pouvoir impérial :
Attention : le roi n’est pas la même chose que l’empereur.
Nature du pouvoir impérial à partir de 962 avec Othon I : il s’agit d’abord de la continuité de
la tradition carolingienne : conception ministérielle du pouvoir traduite par le sacre.
Au départ, il avaient pensé l’abandonné mais ils ne pouvaient pas et jusqu'à la fin de l’empire
1806 tous les empereur se feront sacré.
Idéologie de pouvoir : paix intérieur et extérieur

Il s’agit de la conjonction de trois royaumes :


- la Germanie (Allemagne)
- L’Italie : grande signification car c’est là que se trouve Rome : héritiers des romains,
capitale de l’empire romain et de la chrétienté. Le titre impériale vient d’Italie : lorsqu’il y a eu le traité de
Verdun, le titre impériale avait été déplacé à Lothaire qui est aussi en ’Italie.
- La Bourgogne : très grande région : toute la partie Est de la France. C’était l’ancien
royaume des Burgondes soumis par les francs. Il est intéressant car il permet d’accéder
à la méditerranée : accès à des cultures méditerranéennes, germaniques et romanes.
Ces trois royaumes forment l’ensemble du royaume.

2° Les atouts et les faiblesses du roi :

L’empereur est le représentant de Dieu et est supérieur aux autres rois des autres pays.
Premier atout : la richesse foncière (vaste domaine = grand patrimoine) : il s’agit de l’ancien
domaine carolingien ainsi que du patrimoine très riche des saxons (nord de l’Allemagne).
Deuxième atout : Ils ont fait des conquêtes : expansion territoriale vers l’est de l’Europe
centrale : vers les peuples slaves (Tchéquie, Yougoslavie, Hongrie). Ce sont toutes des terres
qui apportent d’importants revenus.
Deux piliers de référence du pouvoir de l’empereur : la religion et la richesse.

Faiblesse :

Le pouvoir des souverains est acquis théoriquement par élection mais beaucoup de systèmes
germaniques avaient instaurer l’hérédité et les saxons vont contourner la règle de l’élection et
vont se succéder de père en fils. Il y a une différence entre le droit et la réalité.
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C’est ce qui permet à cette dynastie de perdurer jusqu’en 1024 (première grande élection =
réalité effective). Il s’agit de vrai élection mais le pouvoir reste néanmoins dans la même
famille. Consensus : on doit se succéder dans la même famille car cela assure une certaine
stabilité.

Au 12e siècle, les choses vont changer, la charge de l’empereur deviendra élective. Cela évite
les querelles et les divisions de royaumes. On est conscient que le royaume n’est pas la
propriété de l’état. Le problème, c’est qu ce principe d’élection de droit va se retourner
contre eux.

+ faiblesse due à la relation avec l’empire.

3° La politique de l’Eglise impériale (10e-11e siècle) :

Les rois saxons et les rois saliens vont être confrontés à la féodalité : il faut donc la contrôler.
Pour cela, on se tourne vers l’église et plus particulièrement les évêques qui sont des
personnes sur lesquelles l’empereur peut compter.
La féodalité est un système de relations laïques et les souverains vont introduire la féodalité
dans l’église.
Ces évêques et abbés vont recevoir des charges publique, présentent deux avantages :

- Le soutient va au roi et plus à quiconque, église soutient alors l’empire impérial.

- Ils n’ont pas de descendance vu qu’il ne se marrie pas, il n’y a donc aucun droit de
succession ; pas d’hérédité. Les rois vont leur donner des droits comparables aux
laïques : les honores qui sont attaché à la potestas. Ils vont être sous le même pied
d’égalité que les comtes : représentants du roi, on leur donne même aussi les
comitatus ( charge laïque par excellence de grand féodal). Les empereurs vont
nommer eux-mêmes les évêques : ils auront des obligations spirituelles et temporelles.

 des grands ecclésiastiques vont rentrer dans la féodalité.


 NB : avant ceux qui recevaient des charges publiques ( ducs, comtes,
…) sont des grands qui entretiennent un lien de vassalité avec
l’empereur.

Politique de l’église impériale : on va voir apparaître des princes-évêques/archevêques qui ont


une double fonction : fonction héréditaire : domaine,… et une fonction non-héréditaire :
évêques. Les empereurs ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent, il n’est pas question que celui-
ci devienne un empereur ecclésiastique.
Cela va bien fonctionner avec les saxons, mais ça commence déjà a aller mal avec les saliens.
Il y aura une résistance de l’église : les rois n’ont pas à se mêler de choisir les évêques et de
donner des ordres aux hommes d’églises. L’empereur se substitue au pape ce qui créée une
concurrence.

b) La France des rois capétiens (987-.)

1° Le pouvoir royal :

Il s’agit d’une formation longue et continue.


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987 : éviction des carolingiens et une grande famille ( les comtes de Paris / île de france)
monte sur le trône en prenant leur place >< Angleterre où la place était libre : ils disparaissent
définitivement de France. Apparition d’une nouvelle dynastie : les Capétiens. Elle a un
démarrage difficile : à la fin du 10e siècle, la France était devenue féodale.
Ils se sont élever à la royauté en recourant au sacre mais ils n’avaient pas en main tout les
éléments qu’avaient les saxons : ils ont du beaucoup travailler. Les rois vont se faire sacrer
mais ils ne deviendront jamais empereur.
Prestige : il s’agit d’une famille reconnue comme digne d’estime (efforts de guerre), on va
leur reconnaître des capacités thaumaturges (guérir par imposition des mains une maladie
respiratoire qui s’apparente à la tuberculose). On le croyait car certains en réchappaient et
avait été touché par le roi (coïncidence). « Pas empereur mais guérisseur »
=> ils auraient reçu de dieu des pouvoirs exceptionnels de soigner des maladies par
imposition des mains. NB : On y croyait encore au temps de Louis XIV ce qui a donné du
charisme à la famille, on ne trouvait pas ça chez les germains.

2° Les atouts et les faiblesses des rois :


Faiblesse : ils n’ont qu’un domaine très limité mais riche (au départ l’île de France), mais vont
petit à petit étendre leur pouvoir dans plusieurs directions grâce au sacre.
Atout : En compensation du peu de terre, ils ont la meilleur terre de France, il s’agit d’une
terre très riche. De plus, ils ont Appui de l’église assuré par le sacre.
À l’époque, ils ne sont pas les plus puissants de France car certain princes sont plus puissants
qu’eux => le roi de France est leur seigneur ce qui leur permet d’exiger de l’aide de leur part.
Exemple : En Normandie : ils sont plus puissants que les rois mais ils ne sont que duc. « Le
roi est sacré mais il est parfois moins riche »
En 987 Hugues Capet a été élu par les grands du royaume : élection de droit et va persister
pendant plusieurs générations. L’hérédité de fait s’instaure ( le fils succède au père).
Par la suite, cette hérédité de fait deviendra une hérédité de droit.
Rex Coronatus/Designatus
Le 20 décembre 987, Robert, fils de Hugues, est sacré, ce qui fait qu’il y a deux sacres pour
un seul royaume !!
Hugues est rex coronatus, c’est-à-dire qu’il est le roi couronné.
NB : Coronatus : référence à la couronne, marque d’autorité. Au début ce mot ne désignait
que l’objet puis il est devenu le symbole de la royauté
Robert est rex designatus, c’est-à-dire qu’il est le roi désigné mais il n’a pas la couronne.
Comme cela le principe d’élection est respecté et on dispose d’une assurance : Robert lui
succédera vu qu’il est déjà sacré => Désignation du successeur prématurément.
Cette pratique va se poursuivre pendant plusieurs générations, cela se base sur une association
de pouvoir. Elle n’a pas été strictement inventée par les capétiens, ce sont les carolingiens,
souverains allemands qui l’ont inventée mais chez eux l’autorité était impliquée >< Capétiens
l’élection était une pure formalité car le fils était déjà sacré.

Ce fut pratiqué jusqu’à la fin du 12e siècle ( hérédité de droit) : il s’agissait d’un système
d’autorité pur et simple. Ils ont eu de la chance pendant plus de trois siècles, ils ont pu se
succéder de père en fils sans accro. Il y a seulement eu quelque régence car le fils était mineur
>< Allemagne il n’y avait plus de saxons donc => saliens
.

3° Le poids des relations vassaliques :


Féodalité : Les princes et le seigneurs sont les vassaux des rois.
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La France a été très influencée par la féodalité. Les rois capétiens ont réussit à en faire un très
bon usage. Mais attention dans la féodalité, rien n’est figé ! Il peut y avoir des revers, on peut
être étouffé par elle. Elle peut servir à dominer mais peut se retourner contre l’utilisateur. Il
s’agit d’une arme à double tranchant : servir mais aussi desservir.
La féodalité offre des services mais parfois le fait que les princes peuvent être plus puissants
peut-être un inconvénient
Ex : prince de Normandie. Au départ, elle ne laissait pas beaucoup de liberté au roi.
Philippe Auguste (12-13e siècle) : il parvenu à s’emparer de la Normandie grâce à la féodalité.
Ils seront en mesure de mettre en place de vrais institutions. Ils réussiront >< aux germains.

c) L’Angleterre des rois normands (1066 : Bataille Hastings-1154)

1° Le pouvoir royal :

L’Angleterre n’a jamais fait partie de l’Empire Carolingien. Elle a été envahie par des tribus
anglo-saxonnes et est composées de plusieurs royaumes. On a connu jusque six royaumes
différents. Il n’y a pas toujours eu une unité territoriale. La période anglo-saxonne dure
jusqu’en 1066 => il s’agit de la période normande.
Guillaume II ( le conquérant ) à réclamé un pouvoir royal en Angleterre. Cette conquête s’est
concrétisée par une seule bataille, la bataille de Hastings.
La première chose qu’il réalisa après avoir gagner cette bataille, c’est l’unification, la
centralisation du pays que l’Angleterre ne connaissait pas. Il va prendre en main la direction
des opérations. Il va être sacré mais restera en même temps duc de Normandie : apport
français et normands ( prennent la place de quelque chose de très faible). Il va appliquer des
vielles « recettes » => institutions
Après 1154, on change de dynastie par les femmes => Plantagenêt : nouvelle dynastie mais
toujours d’origine française se sont des descendants des roi de Normandie.

2° L’héritage anglo-saxon :
Il y a en angleterre une grande tradition d’administration locale très installée : des gens sont
chargés d’administrer : cette administration est plus forte que la royauté.
Ils ont surtout mis l’accent sur le peuple, ce qui est proche de lui ; la royauté n’est pas fort
poussée. => les normands vont tirer profit des administrations locales. Les normands sont des
bons administrateurs mais aussi grâce à ce qu’ils ont trouvé en Angleterre.

3°Les atouts et les faiblesses ( non-apparentes) des rois :

Le fait qu’ils soient des rois conquérants les influencent. Ils ne doivent pas se plier a une série
de contraintes : ils ont des libertés : l’hérédité s’installe très vite, elle ne va pas souffrir de
contradiction. De plus une chose n’existait pas en Angleterre, la féodalité = atout à part
entière. Ils n’ont pas eu à composer avec elle mais ils l’ont introduite: la féodalité anglaise est
importée >< France et Allemagne. Elle est donc contrôlée et très hiérarchisée par le roi.

Ils = l’armée de Guillaume II lors de sa conquête seront ses vassaux et vont recevoir des
morceaux de terres un peu partout => Guillaume II et ses successeurs organise la féodalité à
leur guise : vont faire en sorte que cela ne soit pas fait en bloc territoriaux qui pourraient
résister au pouvoir royal.
13

Ils vont donc réussir à éviter que la féodalité les dépassent. Ils contrôlent la situation, cela
explique que la monarchie anglaise affirme une certaine stabilité qui ne va pas durer (13e
siècle, résistance féodale ; ils récoltent des réclamations).

Il songe à l’avenir mais ne peut


décider seul de son héritier.
Orléans : deuxième ville
importante après Paris pour
les Capétiens.
Les grands sont d’accord pour
que ce soit Robert, ensuite il
demande à l’archevêque.
Barbares : depuis le 8e siècle,
l’Espagne est envahie par les
Maures et demandent de
l’aide. Il s’agit d’un argument
très concret, circonstanciel et
recevable : il part pour
défendre la chrétienté.
Métropolitain : archevêque.
Il fait d’une pierre deux coup :
Robert est désigné.

C’est en usant de circonstances et en faisant valoir la défense du territoire et de la religion


qu’il a réussit à garantir sa succession.

Texte du 14e siècle. Il ne s’agit pas


de la même époque mais le sacre est
toujours rester le même. L’auteur
insiste fort sur le fait que c’est
spécial et qu’il y a l’intervention du
Saint Esprit.
Sainte Onction : légende du temps
de Clovis : un ange à apporter un
huile pour consacrer les rois.
Onction, sacre, couronnement
Père, Fils, Saint Esprit

Par définition, un roi est oint, mais le roi de France est lui oint par l’huile envoyée par Dieu.
Ils sont donc convaincus que le sacre est capital dans la conception du pouvoir.

13/10/09
14

Chapitre 3 : Les relations entre autorités laïques et ecclésiastiques

Trois phases :
- Phase de définition de base : Auctoritas et Potestas
- Phase de collaboration et de réactions
- Phase de la querelle des investitures ( 1075 –1122 )

A partir du IV siècle l’empereur Constantin en 313 a reconnu l’église :le christianisme


devient la religion officielle de l’empire.

a) Auctoritas et Potestas

1° La lettre du Pape Gélase (494) : écrite à l’empereur de Byzance = Orient

Lettre écrite par le Pape. Il


s’agit d’un texte très
important. Le pape a pris
soin de définir ce qui devait
appartenir à l’un et à l’autre.
C’est là qu’on introduit ces
deux concepts. Il y a d’une
part l’auctoritas sacrée et
l’auctoritas pontificum :
Pontife ; pape + évêque :
premier pouvoir. À coté, il y
a un autre grand pouvoir : la
potestas royal : vise
l’empereur. Il y a donc deux
grands pouvoir sur terre :
l’auctoritas (évêques) et la
potestas (empereur).
=> doctrine qui va marquer
le Moyen-Ages

Argumentation :
Lorsqu’il s’agit de questions de foi religieuse : on fait appel à l’auctoritas : c’est à eux que
revient de juger les laïques même l’empereur sur le plan de la foi. Il importe que l’empereur
comme n’importe quel homme, quel chrétien doit être subordonné aux ordres des évêques
pour les choses sacrés ; le culte, la morale, c'est-à-dire tous ce qui est de la sphère religieuse.
Dans les matières proprement politiques : c’est le pouvoir de l’empereur : Potestas tout le
monde doit s’y soumettre, même les évêques.
Deux sphères et chacun respecte la sphère de l’autre.

Rmq : En occident on obéit pas à l’empereur d’orient car il y a des royautés. Donc ça reste
une fiction.
15

2° L’augustinisme politique :

Saint Augustin († 430) : Il est un des formateurs de la doctrine chrétienne, il est très influent
grâce à ces écrits. Il connaît le déclin de Rome ainsi que l’implantation des germains. Il a écrit
un livre pour rassurer ces contemporains: « La Cité de Dieu » : réflexion sur l’histoire et le
temps : ouvrage de théologie morale et répond à la critique « le christianisme cause le déclin
de Rome » et écrit contre les adversaires (païens)du christianisme et pour les chrétiens qui
sont inquiets. Rome n’est qu’un cadre de vie et le christianisme peut vivre sans Rome.
Il dit qu’il existe deux cités dans le mondes :
- la cité terrestre : Cité profondément humaine, matérielle, passagère et mortelle. les
hommes sur la terre y recherche plaisir, argent, puissance
- la cité céleste/ de dieu : cité de l’au-delà : c’est la vie éternelle, la cité vers laquelle
doivent marcher tout les chrétiens. L’église montre aux hommes ce qui doit être leurs
buts qui se situent dans la cité de dieu.

Pourquoi a-t-il écrit ce livre ?


Pour rassurer les chrétiens sur les grands bouleversements du monde. Ayez confiance, la
chrétienté n’est pas liée au sort de Rome.
« Rome est quelque chose de mortelle, or la foi est immortelle ». La leçon qu’il veut donner :
votre épanouissement se fera dans l’au-delà. Il faut se détacher des conceptions matérielles,
l’essentiel est le religieux.
Proposition d’un double idéal de vie : tout les chrétiens font partie de la cité terrestre mais
doivent vivre dans la pensée de la cité céleste : ce qui compte c’est de préparer sur terre son
âme à la cité de Dieu.
Certain vont vite interpréter ses paroles : il y a ce qu’il a dit et ce qu’on veut lui faire dire.
La cité de Dieu c’est l’église, et la cité terrestre c’est l’état => deux dans le temporel
Ce n’est pas ce qu’il a voulu dire, certain ont dit que c’est ce qu’il pensait mais il ne l’a pas
exprimé : L’église est une préfiguration de la cité de Dieu. Il n’y a pas d’affirmation de
supériorité de Dieu. Il ne dit pas l’église c’est le bien et l’état c’est le mal !
On va nommer cette façon de voir les choses l’augustinisme politique, c’est l’interprétation
politique de la pensé de Saint-Augustin. Cela aura un très grand poids en développant un idéal
de vie: Ce qui va engendrer que l’église va surplomber l’état, le pouvoir spirituel laissant sous
entendre est plus fort. Chez c’est deux pouvoirs dont déjà en germe chez Saint-Augustin.

3° La (fausse) « donation de
Constantin » (8e et 9e siècle) =>
découverte comme fausse au XV
par un humaniste italien Lorenzo
Valla.

Ce document est un faux : il se


présente sous le nom de donation
de Constantin ( Constantin est
mort au IV s) mais il vient du 8e
– 9e siècle, il s’agit d’un texte
carolingiens.
Rappelons d’abord les
évènements : au 8e siècle,
16

Constantin aurai quitté Rome pour Constantinople, et aurai par un acte écrit, il aurai confié au
pape le gouvernement de Rome, de l’Italie et de l’occident. Tous le monde a cru pendant
plusieurs siècle que le Constantin avait légué une partie de son empire à l’église, mais cela est
faux.
L’église a des problèmes avec les lombards (au nord de l’Italie) car ils lui avaient pris des
territoires et pour les récupérer, le Pape avait besoin d’aide. Il ne veut pas faire appel à
Byzance : les chrétiens occidentaux commencent à être opposée aux orientaux. Il demande
donc de l’aide au roi des francs Charlemagne , il va prendre des terres et les céder au pape. Ils
deviendront les états pontificaux (jusqu’au 10e siècle).

Le Pape aime avoir des justifications, des fondements à son droit de propriété. On a donc crée
un acte attribué a Constantin. Étant donné que son empire est vaste et qu’il est en bon terme
avec le pape de l’époque (il est baptisé), il cède l’occident au Pape. Cela justifie l’autorité du
Pape. Pas seulement sur l’Italie, mais sur tout l’occident : donc tout les souverains d’occidents
doivent leur pouvoir au Pape : auctoritas > potestas
800 : le pape couronne Charlemagne à Rome. Cela va se retourner contre les rois francs, cela
donne au Pape des pouvoirs qui touchent à la potestas.
Dans un premier temps pas un droit de contrôle, mais juste de pouvoir détacher l’église de
l’empire des laïques.
Mais quand l’église va prendre de l’assurance, cette donation de Constantin sera source de
revendication pour l’église.

Ces trois éléments constituent un faisceau : l’église qui devrai se cantonner à l’auctoritas,
s’intéresse à la potestas.

b) Collaborations et réactions

1° Les Carolingiens :

La conception ministérielle du pouvoir se fonde sur la foi et est concrétisé par le sacre
(intervention de l’église). Pour Charlemagne et ses successeurs immédiats, la question de la
collaboration ne se pose pas. La religion, c’est l’état. C’est grâce au pape que Charlemagne a
pu être sacré empereur.
Les évêques sont sous la tutelle du roi (des charges leur sont confiées tout comme les
laïques). Le Pape joue le jeu.
À cette époque, le Pape n’est pas le chef suprême de l’église, il y beaucoup d’autonomie. La
Pape s’appuie volontiers sur les rois francs. En échange de cette tutelle, il y a beaucoup de
concessions : protection, cadeaux,… les laïques ont des cadeaux au même titre que les
ecclésiastiques.
Tout ce fait dans l’harmonie: si il y a des donations, il y a aussi des spoliations (prendre) : si
cela les arrange, il leur arrive de prendre un territoire,… Le territoire de l’auctoritas et de la
potestas ne sont pas bien déterminé.
À l’époque carolingienne, deux positions du pouvoir s’opposent :

- la théocratie : exercice d’une autorité divine à laquelle prétend le Pape qui porte sur
l’auctoritas et la potestas. Voie de gouvernement ou le Pape affirmerait sa supériorité :
l’auctoritas s’impose à la potestas. La concrétisation en doctrine de l’augustinisme.
L’église doit être l’autorité suprême. L’orientation de l’occident.
- Le césaropapisme : le chef temporel = laïque considère qu’il a aussi une autorité
spirituelle : c’est celui qui veut être César et Pape => revendication du pouvoir
17

religieux par le gouvernement laïque. Il met l’empereur en évidence, en chef de l’état


et de l’église. L’orientation de Byzance.
Pas encore tout à fait affirmer à cette époque, cela provoquera des difficultés.
Le déclin de l’autorité royale va encourager les gens d’église à se débarrasser de la tutelle.

2° Cluny 910 : abbaye qui se trouve en Bourgogne qui obtient du pape un privilège
exceptionnel.
Tant que nous avons des rois carolingiens a qui on ne conteste pas la souveraineté (rupture de
la centralisation du pouvoir). Début 10e siècle, il a des réactions par rapport au fait que les
chefs laïques prennent trop de place sur le spirituel : L’église reprend du pouvoir. On va de
plus en plus avoir des rois faibles donc, c’est pas un hasard si au 10e siècle l’église va
revendiquer une plus grande autonomie.
Premier acte : la fondation de Cluny (910).
Il existait déjà énormément de monastères. En 910, Cluny, un monastère bénédictin qui est
fondé dans le sud de la Bourgogne. Ils vont d’emblée poser un acte qui a beaucoup de
signification. Normalement, tout monastère doit dépendre de l’évêque de la région. Ils ne
veulent pas : les évêques sont trop dépendant du pouvoir laïque vu que c’est les empereurs qui
les élisent : la seul autorité qu’ils veulent reconnaître, c’est celle du Pape.
Il s’agit d’une réaction contre les évêques et contre le pouvoir laïque c’est-à-dire la féodalité :
il s’agit donc d’une opposition à l’emprise féodale.
Cluny obtient donc du pape l’exemption à la juridiction épiscopal pour elle et ses filles
(dépendante de Cluny).

o Dès le 10e - 11e siècle, Cluny a constitué un ordre : va être la mère de d’autres
abbayes en Occident. L’ abbé est exclusivement sous l’autorité du pape.
o Réforme clunisienne, car ils ont montré la voie à l’église sur le chemin d’une
plus grande autonomie : courant réformateur qui va se répercuter au plus haut
niveau de la chrétienté Occidentale.

3° Le concile de Latran (1059) :

On préfère appelé le concile de Latran , le décret pontifical de Nicolas II, il sera confirmé en
120 plus tard, 1079 qu’on appellera le Concile de Latran. Latran = la cathédrale du Pape. Le
Pape va prendre une décision historique : l’élection du Pape par les cardinaux (clergé d’un
certain grade) => modalité d’élection du pape. Le concile renforcera ce décret 120 plus tar , ce
sera exclusivement les cardinaux qui éliront le pape.
Les cardinaux sont à l’origine pas des hauts dignitaires, mais des clergés qui sont en service
dans les églises de Rome.
À l’origine, lorsque le pape avait peu d’importance, il était élu par le peuple de Rome
théoriquement mais dans la pratique les fonctions pontificales étaient en main des grandes
familles romaines : le titre était donc politiquement dominé.

Au 10e – 11e siècle, les empereurs saxons ont pu remettre de l’ordre, le titre est alors tombé
sous l’emprise des empereurs. Le concile a décider d’une procédure : le cortèges des
cardinaux (que quelques un). Ce principe a été arrêté et perdure jusqu’aujourd’hui encore. Cet
acte arrête les modalité de l’élection pontifical : Le pape est dorénavant choisi par un collège
d’électeurs composé d’ecclésiastique.

c) La Querelle des Investitures (1075 – 1122)


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Investiture : acte par lequel le seigneur met son vassal en possession du fief. Cette investiture
se faisait souvent par l’empereur ou quelqu’un qui le représentait
Rmq : 1122, n’est pas la fin de la querelle mais juste de cette étape.

Premier grand affrontement entre l’église et l’état.


Investiture : terme de droit féodal : acte par lequel le seigneur met le vassal en possession de
son fief. L’objet du débat : la désignation des évêques par des laïques (l’empereur).
La résistance à l’égard de la politique impériale se retrouve dans la querelle des investitures.
Le pape pense que c’est lui qui doit remettre le fief => éclatement de la querelle.

1° Grégoire 7 (Hildebrand) :

En 1073, élection d’un nouveau Pape : Hildebrand (moine bénédictin de Cluny : Grégoire 7).
Il met en place un réforme de l’église : la réforme grégorienne. Il s’agit d’un projet très
vaste : il envisage une mise à jour de tout : de l’église et de la société chrétienne. L’idée de
réforme était déjà présente au moment du conseil de Latran. Cette réforme vise à définir tout
un ordre du monde. Quelle doit être la place de l’homme dans ce monde ? Les clercs doivent
gérer l’ordre du monde et les laïques doivent s’y soumettre.

Cette réforme se passe en deux temps :


- l’église doit se libérer de l’emprise du pouvoir laïque
- l’église doit assurer sa primauté sur les laïques : expression de l’augustinisme
politique.

Ca vise les laïques mais aussi l’empereur. Grégoire 7 écrit une lettre à Henri 4, en disant qu’il
ne fait rien de nouveau, mais il retourne aux origines de l’église.

Les évènements :
1073 : Grégoire 7 monte sur le trône ( pape)
1075 : Opposition avec l’empereur Henri 4 (salien) qui élit ses évêques et veut régir l’église
dans son royaume.
Grégoire émet un décret pontifical interdit de recevoir une charge ecclésiastique d’un
laïque. Il le fait savoir à Henri 4 : c’est l’application des anciennes lois de l’église et celui-ci
répond qu’il ne fait par tradition.

Pensée grégorienne : il veut une réforme de structure/en profondeur de l’église et de la société


occidentale tout entière qui repose sur une doctrine la théocratie. Modernisé la société
chrétienne de son temps et dit qu’il appartient aux hommes d’église de définir les règles, cela
signifie une hiérarchie que l’église serait au-dessus des laïques. C’est l’église qui dicte aux
laïques ce qu’ils doivent faire. Pour lui l’ordre du monde terrestre doit refléter l’ordre du ciel,
c a d un ordre très structuré (les saints, les anges,…). L’église doit hiérarchisé l’état, car
l’église est la hiérarchie suprême.

2° Affirmation de la théocratie :

Grégoire 7 va aussi promulguer un édit doctrinal qui explique cette hiérarchie: dictatus
papae : les ordres du pape. Il va assez loin, c’est une affirmation très courte mais acerbe ou il
fait savoir qu’il a un pouvoir supérieur universel, c’est le pape. Ce qu’il dit doit être soutenu
par tout les chrétiens. Il est le seul à pouvoir prendre des décisions : il peut donc agir contre
les souverains laïques si ils ne se comportent pas bien => le pape a le droit de sanctionner
19

l’empereur. Ceux qu’ils appellent des injustes, les seigneurs de tout niveau qui ne se
conduiront pas bien, le pape peut dire aux vassaux de plus les écouter.
Le pape a la droit de déposer un souverain qui n’obéit pas à ces obligations

Ses justifications veulent reposer sur l’écriture : les paroles du Christ à Pilate : illustration de
ce que dit Grégoire 7 : ton pouvoir vient de Dieu. Le Pape détient tout pouvoir sur terre. Les
idées de Saint Augustin sont bien présentes : toutes décisions du Pape est avalisée par Dieu.
Grégoire 7 va dire qu’il a une obligation : il doit rendre compte devant Dieu des citoyens
chrétiens. Il doit vérifier que les seigneurs règnent bien sur les chrétiens.
Le Pape à le droit de libérer les sujets de leur roi.

Le pape remet en question que l’empereur ou un autre peut donner une investiture/un fief à un
ecclésiastique  Querelle des investitures

 Henry refuse de céder à ces convictions, en élisant des nouveaux ecclésiastiques et la


querelle éclate.

Affrontement violent entre le roi et l’empereur. Grégoire 7 ne nie pas qu’il y a deux pouvoirs
mais il en place un au-dessus de l’autre. Il fait de l’auctoritas une autorité moral placée au-
dessus de la potestas. Il admet la distinction entre le contrôle moral et les pouvoirs :
première étape de la théocratie. On commence à beaucoup utiliser la donation de Constantin
(jusqu’au 15e siècle, on croit que c’est vraiment un texte de Constantin )
Grégoire 7 va susciter la révolte des vassaux de Henri 4 contre l’empereur. Grégoire 7 va
même susciter l’élection d’un concurrent d’Henri 4
Henri 4 va aller s’humilier devant Grégoire 7 : excuses
Henri 4 va se venger : il élit un anti-Pape (ecclésiastiques opposés à Grégoire 7 ), Grégoire 7
doit alors quitter Rome et s’exiler.
Henri 4 sera excommunié, donc les grands féodaux ne devront plus lui obéir.
Il mourra à Liège, exilé chez un évêque qui lui est favorable. Henri 5 va poursuivre la querelle
des investitures.
La théocratie va s’affirmer, où la supériorité de la théorie spirituelle sur la théorie temporelle.

Est-ce que Grégoire 7 est vraiment ce tyran ?


Il faut se rendre compte que sa revendication est d’ordre moral. Grégoire 7 reste attaché à la
conception de gelas, il y a la potestas (laïques) et l’autoritas ( pape). Le pape doit donner des
directives notamment dans la matière spirituel. Mais il reconnait à la potestas, une
autonomie. D’autre pape iront plus loin que Grégoire 7. Le pape considère a avoir une
juridiction spirituelle mais il y a une sphère politique qui ne lui appartient pas. Mais grâce à sa
juridiction spirituelle, il peut déposer un empereur.

L’image des deux glaives : « La christ dit à Saint-Pierre, ce qui tu lieras dans la terre sera lié
au ciel, etc.. »
 Dieu donne 1 glaive directement au pape, et le pape donne l’autre glaive à l’empereur :
donc, l’empereur reçoit son pouvoir de dieu que par l’intermédiaire du pape. Le pouvoir
temporel a besoin pour briller du pouvoir ecclésiastique ; qui justifie la supériorité du Clergé
sur la potestas.

3° Le Concordat de Worms (Calixte 2 et Henri 5) :


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Cette querelle va perdurer jusqu’en 1122, elle s’achèvera par le Concordat de Worms : il
s’agit d’un traité entre autorité laïque et ecclésiastique.

Il s’agit
de deux textes :
a) l’empereur
b) le Pape

A) L’empereur
anneau + crosse : marques spirituelles
L’élection des évêques sera libre.
Regalia : chose temporelle (terre, droit, matériels,…)
On rend au Pape ce qui avait été prit.
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B) Le Pape
Teutons : Allemagne
Royaume : ensemble de l’empire
Simonie : commerce des choses sacrée : pots de vin
Métropolitain : archevêque
Regalia : comitatus,…
Sceptre : pouvoir temporel

Calixte 2 reconnaît en cas le litige lors des élections un droit d’arbitrage à l’empereur.
L’empereur n’est pas complètement exclu du jeu : il ne peut intervenir qu’en tant qu’arbitre
mais les pouvoirs temporels sont encore d’actualité : les évêques peuvent aussi être prince ou
duc.

Le Concordat remet donc les choses en place et rend à chacun ce qui lui appartient.
Comment doivent se passer les élections ?

En trois temps
- L’élection de l’évêque (par un groupe d’ecclésiastique qui constitue son
gouvernement, chapitre des chanoine : vivent dans la cité, assistant + électeur de
l’abbé) ou de l’abbé (par les moines). Cette élection doit être libre, c à d sans
contraintes extérieurs.
- Le titulaire de la charge ( abée ou évêque) reçoit l’investiture spirituelle c’est dire il
reçoit les marques de son pouvoir ; la crosse et l’anneau par le Pape ou son
représentant.
- Il reçoit ensuite l’investiture temporelle : sceptre pour l’empereur. C'est-à-dire il peut
recevoir, un fief une charge,…

Election puis investitures spirituelles et temporelles des évêques.

La querelle des investitures a provoqué plusieurs choses :


- la politique de l’église impériale a été fortement changée
- l’empereur n’a plus d’autorité de droit.

Le Concordat ne résous pas tout : XI : Il a affaibli le pouvoir impérial et renforcé la grande


féodalité allemande. Toutes les forces politiques de l’époque sont concernées. C’est le
pouvoir impérial qui à le plus souffert de cette querelle. De plus cette querelle a renforcé
l’autonomie des princes et relâchent les liens avec l’empereur. Ils pensent qu’ils ne doivent
plus à l’empereur les mêmes obéissances.

Le pouvoir du Pape va de plus en plus se baser sur le droit et chercher sa justification dans
des textes.

NB : Ce concordat va mettre fin à la querelle des investitures mais pas à la querelle : état ><
église. Le concordat est une victoire pour la théocratie car l’investiture temporelle est au
dessus de la temporelle :l’empereur ne peut plus choisir qui il veut comme évêque.
Cause : affaiblissement du pouvoir laïc.  « Victoire du la théocratie pontificale »
22

Section B : Justice
ATTENTION : Sous les peuples germaniques >< romains

Chapitre 1 : Les fondements : Notion de base

Les grands concepts de justices : dans les traditions germaniques, c’est encore incertain : nous
n’avons pas de texte. Nous ne disposons que de témoignage des romains. En fonction de ce
qui va suivre, on va savoir après ce que sont les idées d’origines des sociétés germaniques
primitives.

1° La « paix » et le ban :

Paix : la préoccupation fondamentale de la justice chez les germains. C’est différent de


l’absence de guerre, il s’agit au contraire d’une société guerrière. Car lorsqu’on connaît les
ressorts de la société germanique : combattants donc pas le paix comme on l’entend.

Pour eux, la paix c’est la reconnaissance des règles coutumières ( droit ) par l’ensemble des
êtres d’une tribu. Le droit coutumier n’est pas écrit mais est reconnu par tous dans la tribu, il
s’agit de conditions d’appartenances. Celui qui ne veut pas respecter ces lois n’est plus
protéger par la tribu et est « hors la loi » => il est à le merci de n’importe quel accident.

Ban ( lié à la paix ) : il s’agit du pouvoir de commandement de la tribu et qui impose de


respecter la paix. Si la paix n’est pas respectée, la mesure du ban c’est la mise hors la loi ( on
est banni, on se met au ban de la société) de celui qui ne l’a pas respectée, c’est-à-dire qu’il
est mis hors de la communauté.
À partir de ce moment là, il peut être tué, attaqué, volé,… sans que la tribu ne réagisse et
n’intervienne.
NB : c’est le détenteur du pouvoir royale qui pourra prononcer le ban contre celui qui s’est
mal géré.

2° La vengeance privée (faida) et la sippe (clan) : on se fait justice à soi même.

L’organisation chez les germains est tribal. Il y a plusieurs composantes dans une tribu :
L’unité : la sippe = clan => ensemble de personnes qui ont un ancêtre identifié + commun
(division de la tribu en plusieurs familles)
La tribu : ensemble des sippes
La traduction du mot sippe, ce qui s’en rapproche le plus c’est le clan. C’est l’intermédiaire
entre la famille et la tribu, c’est l’ensemble de familles qui descendent d’un même ancêtre
(réel ou mythique). C’est à ce niveau là que les choses fonctionnent : il y a très peu de lois
publiques, tout se règle entre personnes ou entre groupes de personnes.
Si un préjudice a été causé à un individu, alors toute la sippe doit le venger : la solidarité est
fondamentale.
23

Dans la sippe il y a cette notion de vengeance et l’ensemble de la sippe est tenu de venger, on
ne peut pas y déroger.

Faida ( guerre privée ) est un mot qui subsistera longtemps, si cela implique beaucoup de
personnes, on les appelle bataille ou guerre qui découle de la vengeance privée.
La vengeance, n’est pas un question de tolérance, c’est une obligation sacré sinon atteinte
aux dieux et aux hommes. Cela s’explique par le fait que la société germanique est composée
de clans. La foi des germains est primaire : ils croient que si une victime n’a pas été vengée,
elle ne trouvera jamais le repos. Elle a un caractère sacré pour des raisons sociale et
religieuse.
Cette conception a ses limites : une fois la vengeance accomplie, il faudrait en rester là, mais
ce n’est que la théorie. En réalité, la sippe qui a subit la vengeance, se vengera à son tour sur
la sippe vengée et ainsi de suite, c’est une cercle sans fin.

On va alors imaginer une possibilité de rachat de la vengeance : don d’une somme d’argent
en échange de la vengeance. Cette pratique est particulièrement utilisée lorsqu’il y a eu mort
d’homme. Cette pratique a un nom particulier : le Wergeld (wer : la défense, geld : argent), il
s’agit de l’argent utiliser pour la défense, il permet d’éviter la violence.
Cette conception de la vengeance est révélatrice d’une mentalité : il faut avant tout préserver
la coalition du groupe.
On ne payera pas la même chose dans tout les cas, il existe une tarification ( valeur de
chaque type de mœurs).
Il y a de grandes disparités entre les différents montants. On ne payera pas la même chose
pour les hommes tout à fait libre et ceux moins libre : on payera beaucoup plus cher pour les
hommes libres => le prix dépend de la victime. Ca va être adapté sur un niveau social pour
éviter les spirales de violence.
Ex : Le cas de la Gaule :
Le tarif du wergeld est facilement le double pour un franc que pour un gallo-romain.
Première explication : les francs vainqueurs, estiment qu’ils valent plus. Mais non ce serait
trop simple !
Il s’agit de la nature même du wergeld :
Dans la somme d’argent, il y a plusieurs choses : il y a différentes parts
- une partie destinée à la victime ou à sa famille (≈ dommages et intérêts)
- une partie destinée à l’autorité (≈ l’amande) : en attaquant quelqu’un, on a troublé
l’ordre publique => nécessité de la réparation
- le prix de la vengeance

Pour un franc, le wergeld doit comporter les 3 parties, alors que les gallo-romains eux ne
connaissent pas la vengeance privée. Leur wergeld ne comporte donc que l’amande et les
dommages et intérêts et pas le rachat de la vengeance.
Voilà ce qui explique les différences de montants.

3° La personnalité du droit : aujourd’hui pas absente mais pas primordiale


>< territorialité = même règles de droit pour tout un territoire

Ce n’est pas le même droit partout, le droit a un fondement ethnique. Chaque ethnie
revendique son propre droit. Les règles du droit sont appliquée en fonction de la personne ( de
la tribu à laquelle, elle appartenait) et pas du territoire où il se trouve. La personnalité du droit
>< la territorialité du droit (appliquée aujourd’hui).
24

Au début du Moyen-Age, la territorialité est l’exception. Les germains respectent le droit des
romains. Le problème était : lorsque litige (e) deux individus d’ethnies différentes.
Comment doit t’on régler le litige ? professio iruris
Si meurtre par exemple : droit de la victime.

Avant Charlemagne, il y a eu des essais de territorialité en Espagne par les Wisigoths :


premier efforts de territorialité pour que les règles soient identiques à tous dans un espace
définit.
NB : X – XI - XII : seigneurie : personnalité de droit à encore se place, il faudra du temps
pour que la territorialité l’emporte ce qui est indispensable a un état.
En zone franque, la personnalité est restée maître à bord longtemps.
25

Chapitre 2 : Les tribunaux

1° Le mallus :

Les tribus qui ont un certain nombre de sippe, sont répartie sur le territoire et ne disposait que
d’un seul organe de décision : une assemblée d’hommes libres de la tibu (qui viennent en
arme), le mallus => un tribunal par comté.

Le mallus va petit à petit se transformer :


26

Le royaume franc ( France) va être divisé en comté ou il y aura chaque fois un mallus qui a
une fonction de tribunal populaire. Le président de celui ci sera le comte.
Le mallus n’a pas de siège fixe, ce qui permet à la justice de voyager.
Composition du tribunal du comté: le mallus est présider par le comte (représentant du
roi). Il est assister par des assesseurs (gens de bonne réputation, non professionnel ce sont des
hommes libres) non permanent qui siègent avec lui et l’aide dans le jugement.

Ils ne sont pas des juges professionnels, ce ne sont même pas des gens importants, ils sont
seulement des hommes libres. Le comte du tribunal est là seulement pour présider les
opérations et que le calme soit présent. Ce sont les assesseurs qui vont trouver le jugement
(urteilfinders : urteil, jugement ; finders, qui trouve). Le jugement n’est pas a imaginer ( il ne
s’invente pas ), il ne fait appel à la coutume : c’est ça le rôle des assesseurs.
Progressivement, les assesseurs vont devenir permanent, il s’agit d’une question
d’expérience. Il vont prendre un surnom : les scabini (c’est de là que vient le mot échevin).
Pourquoi ? Car par la suite, la tradition du mallus va se perpétuer au sein duquel il y aura des
scabini. Aujourd’hui, les échevins sont les administrateurs de la commune.
Les comtes dirigent et le assesseurs cherchent.
Les choses commencent à se préciser.
Chez les Carolingiens, on retrouvera les mallus avec ses assesseurs (7). Ils n’avaient rien de
savant ou de professionnel, ils étaient cependant compétents pour tout.
Arrive alors un moment ou il a fallu un plus, c’est le moment ou on a assister à la mise en
place de royaumes, états (francs).
Le mallus se réunit de façon régulière, tous les quarante jours mais si nécessité : réunion
extraordinaire.
NB : On a une justice mais elle est guère efficace car la vengeance privée gère beaucoup des
choses. Les sentences doivent être exécutées mais le mallus a aucun moyen d’exécution « la
seule sentence prononcée ; il faut s’y conformer ».
>< Eglise a ses propres lois ; la justice est rendue par les tribunaux d’église.

2° Le tribunal du palais : pas de hiérarchie

Il s’agit d’une juridiction d’exception, en principe, le tribunal du palais est présider par le roi
ou l’empereur, mais est parfois présidé par le comte du palais. On retrouve ici aussi des
assesseurs ( responsable de la justice assisté par le comte) qui sont des dignitaires de la cours
(entourage du roi) => grands su royaume.
NB : L’appel n’existe pas chez les romains ; il n’y a pas de procédure de recours.
Ce tribunal ne s’occupe pas de n’importe qui ou de n’importe quoi !
QUI : il faut être un grand du royaume, c’est-à-dire quelqu’un qui bénéficie d’une protection
spéciale du roi (ses vassaux).
QUOI : il s’occupe des choses les plus graves : au départ seulement de ce qui concerne le roi
et son autorité.
Il s’occupe aussi de procédures particulières. Dans la justice laïque, il n’y a pas de procédure
d’appel, on ne conçoit pas cette notion.
C’est donc différent d’une cours d’appel. Il y a deux procédures de recours :
- Le déni de justice : procédure ou on se plaint d’un mallus qui aurait refuser la justice
(où le comte aurait refusé l’accès à la justice).
- Le faussement de jugement : j’ai été faussement jugé exprès : c’est de la
malhonnêteté. Cette procédure peut avoir des conséquences très grave : si elle se
trouve injustifiée, le mallus va se retourner contre l’intéresser qui risque gros, il faut
donc l’utiliser avec prudence => jugement mal honnête, on accuse le juge.
27

Ce tribunal va avoir de plus en plus de succès car c’est le roi qui s’exprime.
Sous les Carolingiens ( Charlemagne ), les cas vont se multiplier : le tribunal va prendre en
charge les homicides, les vols qualifier (à l’église,…), l’adultère, le viol, l’incendie,…
Les cas royaux sont dorénavant révolu au tribunal du palais.
C’est le développement d’une justice royal beaucoup mieux conçue qui s’est développé mais
qui finira par décliner car elle aura trop de choses à faire, ce qui rend les choses inefficaces.
Il faudra attendre pour une justice professionnelle le retour du droit romain.

3° La professio juris :
Il s’agit de l’application de la personnalité du droit.
Avant chaque procès, on pose une question au participants : quel est votre droit ? Quel règle
faut-il vous appliquer ? On va déterminer sur quel droit on tranche le litige => c’est
indispensable pour que les juges sachent à qui ils ont affaire. Grâce à la professio juris, ils
savent ou chercher.
Pour un même procès, il faut une combinaison de différentes règles, ce qui implique une
pluralité des solutions.
Parfois, on donne priorité au droit de la victime ou au droit du coupable. Mais il n’y a pas
toujours un coupable et une victime : lors de l’exécution d’un testament, il s’agit des règles du
testateurs : on ne peut pas dire c’est comme ça !

Chapitre 3 : La procédure

1° Caractère accusatoire :
Il s’agit des caractères généraux de la procédure, il y en a deux principales :
- la procédure orale
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- la procédure accusatoire : qui nécessite une plainte et repose essentiellement sur


l’accusation. Elle s’oppose à la procédure inquisitoire qui repose sur l’enquête => il
faut qu’il y ait délit en matière civile ou pénale et non seulement un litige.
Pour qu’un procès soit ouvert, il faut qu’il y ait une plainte qui peut porter sur n’importe quoi.
Une règle du droit coutumier germanique nous dit : pas de plaignant, pas de juge.
Même à Rome, on retrouvait déjà cette idée de plainte, Cicéron : « …nisi accusatus fuerit,
condemnari non potest » => citation latine de Ciceron. Ex : si personne ne dit rien après un
meurtre il n’y aura pas de procès.

En règle générale : le comte du mallus ne peut pas prendre l’initiative d’un procès. Il y a
cependant une exception : la violation du ban, c’est-à-dire un homme qui refuse de partir à la
guerre ou alors un délit à caractère religieux.

L’accusé doit alors répondre de la plainte.


Dans cette procédure, on veille à une relative égalité entre accusés et victimes. Si l’accusateur
est prit en défaut, il peut à son tour être sanctionner. Les droit de la défense ne sont pas
inexistant.

2° Modes de preuve :

La majorité des preuves de cette époques sont irrationnelles (elle ne sont pas absurdes mais ne
relève pas de la raison) => les plus courante, les plus anciennes >< rationnels - fréquentes.
Seul les témoignages et les enquêtes sont des preuves rationnels mais c’est très peu courant.
NB : écrit était quasi inexistant ce n’était pas dans les mœurs.
Ces preuves irrationnelles font appel à la foi, aux croyances. Les preuves doivent être
amenées par l’accusé, ce qui est étonnant, l’accusé doit prouver son innocence. Les preuves
irrationnelles les plus courantes sont les serments : le défendeur jure qu’il n’est pas coupable.
Parfois le défendeur et l’accusateur font serment mais ce n’est pas obligatoire. Aujourd’hui,
on ne prendrai pas cela au sérieux mais à l’époque c’est différent : c’est très sérieux. Tout
serment fait appel à la divinité, on ne prête pas serment n’importe comment.
Il existe une modalité de renforcement : l’utilisation de cojureurs : il s’agit d’hommes qui
viennent prêter serment avec l’accusé. Il ne s’agit pas de témoin, ils viennent dire qu’ils
savent qu’il n’est pas capable de faire l’acte dont on l’accuse, il s’agit en quelque sorte de
témoin de moralités. Il s’agit alors de serment purgatoire => serment qui a bcp de valeurs.

Deuxième moyen utilisé : les ordalies ( 8 au 13 s ), il s’agit d’épreuves physiques soit pour
l’accusé seul (ordalie unilatérale), soit pour l’accusé et l’accusateur (ordalie bilatérale)=>
pour voir si les personnes sont coupables ou pas. Cela correspond aux épreuves destinée à
établir si une personne dit vrai. Cette pratique perdurera jusqu’au 13e siècle et à commencer à
bien marcher au VIIIe siècle.
Le principe, c’est que Dieu intervient pour désigner celui qui dit vrai => Dieu ne condamnera
pas un innocent.
Ex : la personne est plongée dans un bain d’eau bouillante, doit marcher sur du fer en fusion
ou sur du verre pilé. On n’en sort jamais indemne, ce qui compte c’est la suite : la guérison.
Est ce que Dieu va lui permettre de guérir ?
Les ordalies les plus évoluées sont les ordalies bilatérales >< Ordalie unilatérale . Exemple :
les duels judiciaires, il s’agit de combat d’ou le vainqueur est désigné comme étant celui qui
dit vrai. Ex : ordalie de la croix : celui qui restait le plus longtemps les bras croisés.
Très rapidement, on leur permettra de louer des champions qui se battent à leur place.
29

Il existe des ordalies plus anodines : deux personnes doivent mettre leurs bras en l’air et le
premier qui baisse les bras à perdu.


Les ordalies ont beaucoup été critiquées par l’église car faire une ordalie, c’est tenter Dieu. Il
se sont battu jusqu’au 13e siècle pour l’interdire => les ordalies sont interdites par l’église
Charlemagne avait une grandes confiance dans les ordalies.
Une autre critique envers les ordalies : à quoi sert alors le juge ? le recours aux ordalies n’était
pas systématique, mais on les utilisait souvent.
Elles existaient déjà aux temps du peuple hébreux mais elles n’étaient pas violentes (Bible) :
un femme accusée d’adultère pas son mari mais qui n’avait pas été prise en flagrant délit. Elle
se défend et pour prouver ce qu’elle dit, elle doit avaler de l’eau consacrée et on observe les
effets : gonflement, comportement,…

1) Compte curial : comte


de la cour (laïque).
Ordalie : porté le fer : si il
est reconnu brûlé : alors il
est coupable.
2) il se réfugie dans une
église ce qui prouve leur
mauvaise foi.
3) les blessures sont
bandées et on y appose un
sceau pour qu’on y
chipote pas : ici le sceau et
brisé ce qui signifie qu’il a
triché et donc qu’il est
coupable.

Les preuves rationnels : elles sont l’exception et sont réservées aux personnes d’un certain
niveau ou lors des procès important. Il s’agit surtout de témoignages, chaque parties
présentent ses témoins qui jurent sur les faits, les témoins sont soit convoqués, soit
proposés. L’apparition d’enquêtes se fait sous Charlemagne sous l’influence du droit
ecclésiastique. Mais cela reste une faveur, c’est exceptionnel.
Les preuves écrites sont elles l’exception des exceptions.

3° Voies de recours et d’exécution :

Il n’existe pas de recours en appel (grosse différence avec Rome) => absence d’appel
Les voies d’exécutions : Les officiers royaux, leur rôle, ils doivent faire en sorte d’assurer
l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire que les décisions prises soient appliquées. Ce n’est
pas facile car au départ, il faut faire avec les moyens : le juge disait vous savez ce que j’ai dit,
alors appliqué le. Mais ce n’est pas facile à accomplir car il n’existait pas de police, on
manquait d’argent. Beaucoup de jugement sont resté lettre morte, la vengeance privée garde
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donc une bonne place, elle l’emporte sur la justice publique. C’est pour cela que les officiers
royaux ont été créé => but : restriction de la vengeance privée. Charlemagne a voulu limiter
la vengeance privée, il avait une conception élevée de son pouvoir et voulait faire régner la
paix. Il a voulu rendre le wergeld obligatoire et fait prendre des mesures contre ceux qui
voulait avoir recours à la vengeance privée.

Section C : Sources et pensée


Les sources de la coutume, ne sont pas les facteurs extérieurs au droit, ce sont des sources
formels du droit, c’est-à-dire ce qui procède à la mise en forme des lois.
Il existe essentiellement deux sources :
31

- la coutume
- la législation

Chapitre 1 : L’empire de la coutume

1° Notion :

La société du Moyen Age est fondamentalement coutumière; la coutume est dominante dans
la pratique du droit. La coutume ou consuetudo en latin forme l’ensemble des règle de droit
formée spontanément dans un groupe social par la répétition ( il faut plus qu’une fois le même
acte) d’actes accomplis publiquement et sans contradiction, c’est-à-dire qu’elle ne sont pas
imposée par une autorité et il est impossible de dire d’ou elle vient => pas de point de départ,
elle n’a besoin de personne pour se former, c’est l’expression du droit au sein d’un groupe
sociale.

Loi Coutume
Écrite orale
Date spontanée
une autorité Pas origine

Cela indique qu’une coutume ne se crée pas du jour au lendemain et ne disparaît donc pas non
plus comme ça. Cette formation se fait dans un groupe sociale au sens le plus large (clan,
tribu, village, ville, les habitants d’un territoire,…).La coutume n’est pas une réalité
individuelle, la coutume doit avoir une dimension collective, quelque soit cette collectivité.

Une coutume doit être répétée (une fois n’est pas coutume). Plus une coutume est appliquée,
plus elle est valable. Les coutumes les plus valables sont les plus anciennes et la coutume par
excellence est la coutume immémoriale.

Une coutume n’est pas quelque chose de secret, elle doit être accomplie et admise
publiquement.
Exemple : le meurtre est une habitude humaine, il faudrait donc en conclure qu’il s’agit d’une
coutume mais lorsqu’on admet le caractère publique de la coutume on se rend compte que ce
n’est pas le cas.
Une coutume ne doit pas être clandestine, contradictoire.
Pour qu’une coutume ai une certaine force d’obligation, elle doit s’inscrire dans la longue
durée, dans la répétition et doit avoir une notoriété.

Alors que la loi elle trouve sa force obligatoire dans son origine, elle est donnée par le
législateur, représentant du pouvoir législatif.

2° Leges barbarorum ou « lois nationales » :

NB : lex se traduira par loi qu’à partir du XII siècle quand les choses se clarifient. Lex ici
n’importe quelle source du droit.

Barbarorum : renvoie au barbare et donc aux royaumes germanique.


Leges : au pluriel de lex : au moyen age, lex est un synonyme de consuetudo = coutume.
Leges barbarorum : les coutumes germaniques.
32

Lois nationales : ce ne sont pas vraiment des lois, il s’agit de coutumes nationales, c’est-à-dire
les coutumes des peuples, des différents peuples => qui s’applique a des peuples à l’intérieur
des royaumes. L’origine est orale pendant des générations et même des siècles.

Caractères relatifs à la pratique de la coutume :

- La transmission oral : par définition, la coutume est orale et pas écrite. Cela pose une
difficulté : la transmission se fait par le bouche à oreille (ce qui est différent de la loi
qui elle doit être écrite). Comment se fait cette transmission ? Par le mallus =
rassemblement des homme libres de la cité : c’est le lieu par excellence de
communication de la coutume, c’est le président du mallus que la transmet (chez les
francs, c’est le comte). Le rôle du tribunal est de trouver la sentence dans la coutume.

NB : la coutume aucun rapport avec l’état droit public car il n’y avait pas d’état mais du
droit prive en particulier le droit civil => relation entre les individus. Ce qui prédomine
c’est le droit pénal car c’est une société guerrière.

Qu’est ce qu’on y trouve ?

Des règles de droit extrêmement diversifiées (il n’y a pas de classification). Ce droit
est essentiellement composé de droit civil, pénale et de procédure. Mais cela dépend
aussi des peuples et de régions. Chez les francs, le droit pénal (vengeance privée,
amandes) et la procédure (ordalies) prime su le droit civil (relatif aux biens).
Ex : la tarification du Wergeld qui est le rachat de la vengeance.

Pourquoi ? Chez les Goths et les Burgondes ( Italie et France), c’est différent, ils sont
plus près de Rome et ont donc conservé davantage de dispositions de droit civil (il ne
s’agit pas forcément de droit romain). Leur niveau culturel est plus élevé.
On va très vite se rendre compte que l’oralité totale pose des problèmes de mémoires.
Comme ils sont entrer en contact avec les romain, ils connaissent maintenant le latin.
 plus on se rapproche de l’influence romaine plus il est question de droit civil.

on va assister à trois rédactions successives de la coutume => il y aura trois essais


successifs de rédactions (e) le VI et le IX s => avantage de l’écrit : meilleur conservation
et des rédactions de coutumes vont avoir lieu.
NB : tout le droit ne sera pas rédigé
La loi Salique = lex Salica => coutume vient des peuples saliens qui sont des peuples
francs.

Première : le roi Clovis unifie la Gaule au VI siècle.


le pactus legis salice (début du 6e siècle)
Deuxième : vers le IX siècle, la coutume franque subit l’influence chrétienne, elle est
donc remaniée elle vont être humanisées et donc moins de dureté.
Troisième : fin 8e début 9e siècle, lex salica emendata : Charlemagne développe des
règles améliorées puisqu’on arrive à un certain stade de développement. On est sous un
régime de personnalité, ce qui explique que les coutumes on longtemps survécues. Dans
l’esprit de Charlemagne c’est la plus haut application de justice.

Chez les Wisigoths il y a une rédaction évolué car influence du droit romain.
33

Chez les Burgondes : Centre Est de la France, ils vont bénéficier de coutume caractérisé
des romains.

- Promulgation en quantité de législation (royale) :


=> les rois vont essayer de contrôler la coutume. La nature de la coutume ne peut changer
mais le mécanisme oui. Le roi ne peut attaquer la coutume mais peut en favoriser
certaines au dépend d’autre => la coutume n’est pas imperméable.
Charlemagne veut aller plus loin, il va essayer de rapprocher de plus en plus la coutume
de la loi : il va promulguer les coutumes => la coutume prend des allures de législation.
Charlemagne et son administration vont faire savoir que les coutumes existent : cette
promulgation donne aux coutumes une fonction quasiment législative. On y voit une
volonté de contrôler la coutume. C’est seulement au 16e siècle que le mot lex deviendra
loi et se détachera de la coutume.

La coutume, c’est quelque


chose qui est établit et
amender en commun.
Les juges sont les seuls
habilités à apprécier selon
la coutume : la coutume
ne se marchande pas.
La vénalité : donner de
l’argent à quelqu’un dans
des conditions pas très
clairs (pots de vin).
Les règles sont mises par
écrit pour savoir ce qu’il
faut appliqué : il faut s’y
référé et appliqué et nul ne
doit ignorer la loi

3° Coutumes territoriales :

Plus on avance (IX s), plus les coutumes vont devenir territoriales ; ethnique. La personnalité
du droit n’a plus de sens à cause du brassage de population qui a eu lieu. Les coutumes
s’applique dans les ressort du territoire (limite, frontière).Les règles qui s’applique aux
habitants d’un territoire déterminé : ressort territoriaux.
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Ces coutumes resteront orales, ce sont les tribunaux qui sont les conservateurs de la
coutume : ils les confirment par l’usage (12e – 13e siècle) => Ce qui donne la vitalité c’est
l’usage des tribunaux et leur application.

Chapitre 2 : Une législation timide

1° Notion :
Ce qui donne de la valeur à la coutume, c’est son ancienneté, pour la loi c’est son écriture, peu
importe son ancienneté.
Lex est constitutio scripta : la loi est une règle écrite qui émane d’un législateur.
NB : une loi sera toujours écrite ; une loi orale n’existe pas.

2° Territorialité :
Si la coutume est liée à la personnalité du droit, la loi elle est liée à la territorialité => la
législation va prendre son essor dans les royaumes qui sont établis. La loi est faite par un chef
et il n’est pas question qu’il fasse une règle pour seulement une partie de son territoire : la loi
est générale => territorialité du droit : on applique une loi car on habite le territoire.
Au même titre que la justice, la loi est une expression du ban royal (pouvoir de
commandement du roi ; rendre la justice et convoquer les hommes libres à la guerre). La loi
est donc applicable à l’ensemble de ses sujets. « Le roi peut faire des lois »
Territoire = royaume où la prérogative du ban royal s’étend.
NB : Plus on est éloigné des régions romanisées moins on aura de loi.

Empire de la coutume car au début il y avait une loi tout les 25 ans et vers les milieu du VIII
et fin IX il va y avoir plus de 200 textes législatifs.

3° Capitulaires francs : loi carolingienne => œuvre royale à part entière.


capitulaire = ensemble de chapitres qui abordent un sujet

250 ans plus tard, il existe seulement 10 textes qui qualifient la loi, cette législation est trop
occasionnelle. Sous les Carolingiens, il y a beaucoup plus de lois : on voit apparaître des
capitulaires (chapitre). Il s’agit d’ensemble de chapitres, c’est une véritable législation
puisque cela émane directement du roi.
Les capitulaires concernent des matières proprement législatives, les plus importants étant
ceux qui ont véritable valeur de loi. Ceux là sont constitué après que le roi ai rassemblé son
plaid. Ses dispositions s’appliquent à l’ensemble du royaumes. Lors du plaid on discute
des capitulaires et ça devient un spirale du royaume franc. Pour retrouver une activité
législative après les carolingiens il faudra attendre le XII : il y aura volonté d’un droit
territoriale pendant quelques générations.

Charlemagne fit un capitulaire en 802, il s’agissait d’un programme de gouvernement, et donc


ses objectifs : il s’agissait d’organiser la collaboration entre le civil et l’ecclésiastique.
Certains capitulaires sont plutôt des règlements administratifs : des questions de domaines,
de terres du royaume franc.
Certain capitulaires servent à amender des coutumes.
Les matières abordées : il y a de tout ( ce qui montre que les rois s’intéressaient à tout et à
l’ensemble du peuple), autant de civil que d’ecclésiastique (dispositions sur le mariage).
C’est tout ce qui est en rapport avec l’organisation du royaume carolingien. Ces capitulaires
n’étaient pas officiels ce qui montre que les utilise  utilise ; usage.
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Au 10e siècle, ils disparaissent avec la monarchie carolingienne, la coutume triomphera, une
législation réapparaîtra au 12e siècle.

Chapitre 3 : L’absence d’un droit élaboré

1° Désuétude et survivances du droit romain :

Le droit romain n’a pas disparu avec la chute de l’empire, il a perduré grâce à la personnalité
du droit. V – VI : la personnalité du droit a sauvé le droit romain pour les gallo-romains. Ce
qu’il en reste ne va pas se conserver réellement à l’état pur, il va être marquer par les
coutumes. Le droit romain dans l’empire germanique est différent du code de Justinien
(Corpus juris civilis de 530 en orient), il est même complètement méconnu jusqu’au 11e –
12e siècle en Italie. Ce que l’on connaît, c’est une œuvre antérieure : le code théodosien 438,
date de l’époque des deux empire, il a été promulguer par Théodose II (Byzance) et
Valentin III (Rome) => code où il y a les lois impériales IV et V. Il s’agit d’un ensemble
cohérent mais qui n’a pas l’ampleur de Justinien.

Cela va donner quelques recueils dont on a besoin pour la pratique judiciaire étant donné
la personnalité du droit => combine les règles romaines et les coutumes barbares.
Deux grands exemples :
- Le bréviaire d’Alaric, chez les Wisigoths et les Francs au début du 6e siècle, ce sont
les règles de droit romain influencées par les coutumes.
- Le lex romana burgundionum, chez les Burgondes au début du 6e siècle (Clovis
chez les franc).Il s’agit d’une mixture entre le droit romain et les coutumes
germaniques : différence très grande mais cela vient à point dans la pratique judiciaire.
L’influence du droit romain sur les capitulaires de Charlemagne n’est que très peu courante.
De même, les capitulaires influencent le doit canonique.

Beaucoup de droit vécu et peu de droit pensé donc pas un traité juridique élaboré.
Pas de reflex théorique sur le doit mais une démarche empirique ( fondé sur les faits) qui
rentre en ligne de compte. On veut des règles basés sur des faits et non des principes.

2° Premiers écrits politiques :

Il n’y a pas chez nous de véritable pensée juridique et donc pas de pensée politique. En
cherchant bien à l’époque franque, on trouve des écrits avec des conceptions politiques, mais
c’est limité. Cela se réduit à un empirisme radical depuis l’époque franque => on se base sur
des faits: les faits et rien que les faits, ils se justifient par eux-mêmes. Si il existe une théorie,
elle est forcément induite des faits. (un bel exemple : la donation de Constantin : on est parti
des faits et on est remonté à une théorie). Les premiers véritables théoriciens de la monarchie,
on ne les voit apparaître que passé l’an 1000. A qui cela est-il du ? au gens de l’église qui sont
instruit et qui cultive la mystification du pouvoir et on du respect envers la royauté. Ils se
posent souvent une question : l’église et l’état ? Ils vont mettre en évidence le sacre réservé
au roi : cela vaut au roi d’être obéit comme dieu « Sans le sacre il n’y a pas de roi ». Bonne
illustration : Yves de Chartres au 11e siècle : il considère que le sacre légitime le roi : le
sacre est l’expression d’un consentement de l’église et des grands (élections). Il ne fait que
traduire la pratique, il n’invente rien. La royauté doit être fondé sur une obéissance à l’église.
En principe, l’église est favorable à l’élection mais pour les rois de France l’hérédité est
possible.
36

3° Un premier grand traité politique :

On peut considéré que le premier auteur qui développe une pensée originale, c’est l’évêque
Jean de Salisbury vers le milieu du 12e siècle : le Polycraticus (1159). Genre littéraire :
genre des miroirs du prince : traités dans lesquels les auteurs essayent de donner l’image
de ce que doivent être des bons princes. Il regarde le miroir pour savoir ce qu’il doit être.
Polycraticus : définition de l’autorité qui peut prendre plusieurs formes. Il développe une
véritable théorie organique (il compare le royaume au corps humain : métaphore du corps
humain). La bonne santé du corps dépend du bien être de toutes ses composantes.
Identification des composantes :
- la tête : le roi
- les mains : les guerriers
- les pieds : les paysans, commerçants, artisans,…ceux qui travaillent
- le cœur : les ministres du roi, les conseillers
- l’âme : le clergé ; les gens d’église
- …
Il va donner des conseil : qu’est ce qu’un bon roi,…
Ce qui est de premier importance pur être un bon roi, c’est l’instruction (= éducation) : un
roi sans instruction (qui repose sur la foi, la lecture de la Bible) est un âne couronné. Cela va
donner au roi le sens des responsabilités. Les monarques doivent être des gens instruits. A
partir du moment où la tête coordonne le corps, le corps doit obéir.
Chacun a son tache et il envisage la sanction possible contre le roi si il ne se comporte pas
bien : il sera considéré comme un tyran (quelqu’un qui use mal de son pouvoir, injuste, abus
de pouvoir).
Il élabore l’idée du tyrannicide = tuer le tyran : légitimité de l’acte de mort du tyran : Dieu
fera justice. Il s’agit d’une vision théorique.
Le pouvoir c’est bien mais attention, le roi risque un sanction : le tyrannicide. Pour
comprendre de tels propos, il faut remettre Jean de Salisbury dans son contexte : cela se passe
au lendemain de la querelle des investitures et il est marqué par la réforme grégorienne. Son
œuvre est le témoignage du grégarisme => le pouvoir est lié à l’ordre spirituel.

Distinction entre le bon prince


et le mauvais. La loi, c’est la
loi divine.
La puissance du roi vient de
Dieu et il doit en user comme
Dieu lui-même.

HDI : 2e quadri
Section B : Justice

Chapitre I : Le cas de l’Angleterre : l’essor du common law


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1. Contexte : un droit national :

Avant l’arrivée des Normands en 1066, l’Angleterre était un ensemble de royaumes anglo-
saxons et possédait déjà un droit national : le common law. Dans la tradition, il existait déjà
une activité judiciaire mais elle ne dépendait pas du roi : pas roi justicier, justice royale
limitée. De nombreux tribunaux inférieurs, locaux, régissaient la justice dans les différents
shires/counties : chaque comté avait sa cour : county courts/manorial courts.
Sous les Plantagenêt, fin XIIe, XIIIe, qu’on observe l’apparition (c’est nouveau) de juges
professionnels au service du roi. Ces juges sont soit des laïcs (gens ayant une expérience
locale pour avoir travaillé dans les tribunaux locaux ou cour locale) soit des ecclésiastiques
(ayant une formation, des connaissances plus poussées dans le droit canon mais aussi en droit
romain à partir de la fin du XIIe, début XIIIe, où celui-ci fut commencé à être enseigné à
Oxford). D’un point de vue social, ces juges sont issus de la classe des chevaliers (petite
noblesse) parmi les familles qui servent traditionnellement la royauté : être juge = service
rendu au roi. Le juge est informel, il est l’homme à tout faire du roi.
En une cinquantaine d’année, il va y avoir une évolution rapide du nombre de juges
professionnels. Au milieu du XIIIe, c’est un vrai corps professionnel de véritables magistrats
spécialisés qui se consacrent à la justice. A cette époque, une telle perfection dans le monde
judiciaire est exceptionnelle.
Fin XIIe, début XIIIe, en Angleterre sont rédigés deux traités De legibus et consuetudinibus
regni Angliae par deux officiers royaux (si ces auteurs ont existé, il est possible qu’ils
s’appelaient différemment) : Glanvill (1187/89) et Bracton (1220/1230).
Contenu de ces traités :
1. L’affirmation des droits : ces traités reprennent les lois appliquées en Angleterre, ce ne
sont pas des exposés théoriques du droit, ils sont élaborés sur base de la pratique, le droit en
Angleterre étant celui que les juges pratiquaient. Droit et coutume : beaucoup de droit féodal
mais aussi du droit romain, inspiration du contenu, des règles romaines intégrées et de la
méthode de travail (structure) des Institutes de Justinien.
2. Les traités parlent aussi des droits du roi, ils définissent les cas royaux. Glanvill (connaît
œuvre de Justinien, grands juristes italiens, droit canonique) et Bracton étaient des savants
bien informés, ils savaient réfléchir, leur but est de montrer quels sont les cas du roi. Les
premiers mots du traité de Glanvill définissent la potestas.
Bracton (traité postérieur) écrit l’idée forte selon laquelle toute juridiction temporelle doit
appartenir au roi, ce qui est en contraste avec l’époque où le pouvoir du roi est limité. Mais le
roi n’est pas seul à juger (magistrats) les cas royaux (qu’il définit), le roi ne va pas tout faire.
Glanvill : le roi sort pas des cas. Bracton : tout ce qui se fait en justice est fait au nom du roi.
Ces deux traités précoces font la synthèse entre la tradition, le droit pratique anglais et le droit
savant, le droit romain. Ces traités ne donnent pas naissance à une tradition de traités car il
faudra attendre le XVIIIe pour voir d’autres traités rédigés. Ce n’est pas à cause d’un manque
de succès mais parce que le travail de Glanvill et Bracton était suffisant.

2. Composantes : un droit procédural : fondé sur le fonctionnement de la justice. Les deux


composantes sont le bref et les jurys.
Le bref de la chancellerie : le Chancelier, chef de l’administration puis de la justice, envoie
des brefs (en anglais : writs), documents indispensables dans le domaine de la justice si l’on
veut entreprendre une procédure devant une instance royale. L’accès à une cour royale est
donc conditionné par un contrôle, un accord de la Chancellerie (le Chancelier a une haute
main sur la justice). Le bref est un document où figure une formule rapportant à un cas de
litige : on précise seulement les noms, etc. Il y a donc des formules déjà toutes prêtes.
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Ex : on se plaint d’un voisin qui pique nos terres, ex : coups et blessures, etc.
Dans une procédure : comment les choses vont-elles se passer ? => En fonction du cas qui
dépend de la nature de la plainte.
En 1227, 56 types de bref sont utilisables, et ce nombre ne va faire que s’accroître.
¼ de siècle plus tard, 120 types de bref, et un siècles après, 900 types de bref, formules.
Cela montre un succès certain mais cela a également un effet pervers : difficile à gérer.
Le bref est envoyé par la Chancellerie au sheriff, celui-ci lit dans la formule que dans son
comté X se plaint de Y, il notifie alors la plainte à Y, le défendeur. Si Y accepte de s’arranger,
la procédure s’arrête, si Y refuse de donner suite à la plainte, il convoque les parties au
tribunal.
*Jury d’accusation instruit le tribunal sur l’affaire. Le sheriff réunit un jury d’hommes
libres (pas serfs) et les différents jurés viennent devant la cour, prêtent serment et répondent
ensuite aux questions qu’on leur pose à propos de choses concrètes, ex : deux paysans se
disputent pour une terre, on ne demande pas aux jurés qui est le propriétaire, on demande par
ex : Qui a labouré le champ ? Qui voyez-vous le plus souvent sur cette terre ? Avez-vous vu le
père de cet homme sur cette terre ?
Le jury répond par ce qu’il sait ou par ce qu’il a entendu dire. Le jury parle au nom de la
communauté.
Le juge ne recherche pas une règle de droit, pas une réflexion théorique, il juge le cas, il juge
sur le cas, cherche un fait pratique, concret, un case law.
*Apparaît ensuite vers 1215 (lorsque la preuve rationnelle l’emporte par rapport aux ordalies)
et à ne pas confondre avec le jury d’accusation : le jury de jugement (cf. notre Cour
d’Assises) : jurés participant au verdict.

Une véritable cour royale se développe, la cour du Common Law. Il existe une hiérarchie
parmi les cours royales :

1. Le banc du roi ou King’s Bench : vers 1178 ?, il est fixe, le plus important, au sommet de
la hiérarchie car il peut réviser, attention réviser ne veut pas dire cour d’appel, cela veut dire
refaire les procès. Il traite les affaires mettant l’intérêt du roi ou du royaume en cause :
affaires criminelles, cas graves => cas royaux.

2. La cour des plaids communs, la Commons Pleas, fixée en 1215 par la grande charte, est
une cour itinérante, elle suit le roi dans ses déplacements. Elle traite les petites affaires, les
conflits des sujets entre eux, qui ne concernent ni le roi ni le royaume.

3. La cour du roi à l’échiquier, Exchequer, tribunal administratif qui juge les fonctionnaires.

Il existe d’autres juges que ceux qui siègent au banc du roi, échiquier, etc. Ceux-ci tiennent
leur cour en se déplaçant à travers le royaume, ce sont les juges itinérants. Ils prennent la
température du royaume (cf. missi dominici chez les Carolingiens) et sont la « vitrine »
(réclame) de la juridiction royale. Ils vont acquérir une grande importance, ils tiennent des
cessions judiciaires comme à la cour du roi ou à la cour des plais communs, mais au XIIIe
siècle, les cours fixes l’emportent (fixation à demeure) et, quoiqu’ils survivent, ils diminuent
en nombre.
L’année 1278, le common law connaît son essor : 3 juges au banc du roi, 5 à la Commons
Pleas, 12 juges itinérants : petit groupe de 20 magistrats très compétents.
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En 1360, une nouvelle fonction voit le jour : les juges de paix, différents des autres juges et
se comptant par centaines : ce sont des fonctionnaires qui exercent des pouvoirs de police et
jugent des petites infractions, que l’on peut déterminer financièrement.
Les Cours sont débordées, on décide de donner un critère financier à chaque affaire et sous un
certain seuil, l’affaire est dite « petite affaire » et est confiée au juge de paix.
Les juges de paix travaillent gratuitement, volontairement car c’est un service rendu au roi
(service utile pour le roi car cela lui permet de surveiller les abus des sheriffs).
Ils travaillent principalement à la campagne. Ils sont originaires de la classe des Chevaliers,
ils ont des revenus fonciers et n’ont donc pas besoin d’argent du roi, par contre, ceux qui
travaillent pour les juges de paix sont payés. Au XIVe siècle, c’est leur apogée car ils sont les
agents directs du roi, soutenant l’autorité royale sur tout le territoire.
Compétences : common law compétent pour tout, cour des plaids pour le civil, banc du roi
pour le criminel, échiquier pour l’administratif, juges itinérants pour un peu de tout.
Le juge royal anglais ne se livre pas à une profonde interprétation juridique (>< droit
romain), il n’est pas savant mais c’est un bon meneur de jeu : il sait bien poser les questions
au jury, bien appliquer les règles et déterminer les sentences.

3. Développement et limites :
Développement : le droit anglais est un droit jurisprudentiel (case law), il y a une référence
aux précédents judiciaires : la pratique du précédent veut que l’on juge un cas semblable
comme on l’a jugé la première fois, elle n’est pas obligatoire, le juge n’a pas les mains liées, il
n’est pas contraint mais le plus souvent, il suivait cette pratique.
Par un corps de doctrine qui se développe, non de manière empirique mais sur une base
pratique, les traités de Bracton et Glanvill sont utiles mais l’on en a plus besoin, ce qui est
nécessaire, ce sont des recueils de jugements : les Plea Rolls (1194), des roulements de
parchemin contenant les sentences rendues par les tribunaux et cours.
On a le souci de savoir quelle procédure a été suivie, souci du concret, du pratique.
En 1250/1260 (fin XIIIe), une autre forme de document, mais différent des Plea Rolls,
apparaît : les Year Books, cahiers volontairement sélectifs : ce sont des notes prises par des
gens qui s’y connaissent sur les déroulements des procès (à la rigueur, on éprouve pas
d’intérêt pour la conclusion du procès, c’est la démarche qui intéresse).
Les juges du common law ne sont pas diplômés en droit à Oxford (les diplômés se destinent à
la diplomatie), ils sont formés sur le tas par d’autres juges.
Depuis le XIVe, est organisée une formation pratique : dans le Inns of Court ou auberge de la
cour, lieu où les futurs juges et avocats séjournent, mangent, dorment tout en recevant une
formation par d’autres praticiens du droit, plus âgés, plus expérimentés, qui leur transmettent
leur pratique, organisent des lectures et des débats.
 Collège de professionnels.

On leur apprend également la langue de la procédure, des brefs, etc. Il s’agit du français
importé par les conquérants normands, français du XI, XIIe siècle qui ne sera plus parlé après,
c’est le law french, le français juridique. Jusqu’au XVIIIe siècle, on conserve cette langue
artificielle (concepts, vocabulaire figés) comprise seulement par les juges anglais.

Limites :
1. la multiplication des brefs peut être illimitée,
2. le common law n’est pas compétent pour tout, il ne convient pas à chaque matière,
notamment dans les domaines du commerce (qui se développe) et pour les questions
économiques, en effet, ces domaines sont urgents, il faut déterminer rapidement une solution
pour que les marchandises ne périssent pas, or le common law est très lent.
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C’est pourquoi on va développer vers la fin du XIVe siècle une autre justice, aussi royale,
confiée à la Chancellerie, celle de l’Equity, qui suivra une tout autre procédure, inspirée du
droit romain. C’est une procédure orale, en anglais, qui n’utilise pas les brefs, est très
rapide et s’occupe des questions maritimes, des marchandises ou des conflits internationaux
(le common law étant imperméable aux non-Anglais).
Cette procédure se rapproche donc de la procédure romanocanonique, elle est plus classique.
Le tribunal de l’Equity a un juge unique le Chancelier, qui, depuis 1232, est le chef de la
justice.
Le common law n’y est pas appliqué, au contraire, on procède par enquêtes classiques.
L’Equity fonctionne selon les principes fondamentaux du droit (droit romain, droit
canonique), il ne se réfère ni aux cas ni aux cas précédents, c’est la réflexion juridique et non
le cas qui prédomine.
Le roi va favoriser l’Equity car il est plus centralisateur, et car il peut y exercer davantage son
pouvoir. Mais c’est le common law qui s’imposera, l’Equity survivant à ses côtés.
Au XVIIIe, on abandonne la law french, et en 1873, 1875, Equity et Common Law sont
fusionnés.

Chapitre II : Le continent : les juridictions

1. Rois et princes :
Nous étudierons le cas représentatif mais pas unique des rois de France et du Parlement de
Paris.
Le trait général de l’évolution dans les juridictions est le dessaisissement, et plus précisément
le dessaisissement des juridictions seigneuriales c’est-à-dire que la politique du roi et des
princes cherchent à dessaisir les juridictions antérieures de leurs compétences. En effet, il
existait une multitude d’autres cours de justice que celles des princes : les seigneurs rendaient
la justice, etc.
La procédure d’appel n’existait pas sauf dans certaines situations exceptionnelles comme le
déni de justice et le faussement de jugement.
Les Rois et princes vont dessaisir la justice inférieure non pas en la privant de compétences
mais en développant l’appel, en le rendant possible, lors des XIII, XIVe siècles.
Le roi étant source de toute justice, cette dernière est toujours exercée en son nom.
Les tribunaux royaux ne jugent pas seulement en 1ère instance les affaires qui concernent le
roi, en effet, ils jugent également à un degré d’appel.
Il existe différents tribunaux mais nous étudierons le cas du Parlement.
Note : le Parlement de Paris est une Cour de justice et diffère donc du Parlement anglais qui
est une assemblée représentative, on utilise le même nom car « parlementum » signifie un
endroit où l’on parle.
Le Parlement de Paris (le Parlement est unique en France jusqu’au XVe siècle, où l’on
précisera le Parlement de Paris) s’est développé lors de la première moitié du XIIIe siècle, il
est issu de la curia regis, à l’instar des institutions financières, etc. suite à une spécialisation
qui donne naissance à une institution pas tout à fait indépendante mais à part entière, siégeant
de façon permanente avec un siège fixe à Paris.
A l’origine, on y trouve seulement des clercs car ils ont une bonne connaissance du droit
romain et du droit canonique.
Mais dans la curia, il y a également des nobles, des vassaux, etc. ils sont donc également
présents au Parlement au départ, car ils vont ensuite céder leur place à des spécialistes : les
juristes, clercs ou laïcs, le Parlement devient alors une institution professionnelle.
Le Parlement est dirigé par le roi, mais en pratique, il est dirigé par son représentant.
Le nom officiel du Parlement est « curia in parlamento ».
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Le Parlement est le fruit d’une spécialisation, mais il connaît également une spécialisation
interne, qui débute au XIIIe et est acquise, stabilisée au XIVe : la division en différentes
chambres qui le compose.

Ces chambres sont au nombre de quatre :


- la grande chambre ou chambre des plaids : elle est la plus importante, le Parlement
y rend ses sentences particulières appelées des « arrêts », ce sont des sentences
contre lesquelles on ne peut plus faire appel (attention : on y juge aussi en première
instance). Avant de délivrer les arrêts, la Cour procède à des débats, plaidoiries et
délibérations. Elle a également une compétence plus spécifique appelée « lit de
justice » : séance solennelle où le roi est présent pour faire lit de justice.
- la chambre des requêtes : (d’abord unique, puis il y en eut plusieurs) toutes les
requêtes, demandes faites par les sujets y sont examinées. A partir du XVIe siècle, il
faut disposer d’une autorisation préalable pour faire observer sa requête. Ce triage se
rapproche du système anglais du bref.
- la chambre des enquêtes : (d’abord unique, puis il y en eut plusieurs) il s’agit d’une
chambre où l’on ne plaide pas, mais à partir du XVIe on y plaidera pour aider la
grande chambre. On y traite les procès par écrit, les procès plus techniques où l’on se
base sur des dossiers. On peut y recevoir des appels seulement si ceux-ci sont basés
sur l’écrit, si l’on veut plaider, il faut aller à la grande chambre.
- la chambre de la tournelle : pour le mot « tournelle », deux explications
hypothétiques sont retenues : 1) tournelle car les juges siégeaient dans une tour, 2)
tournelle car les juges étaient appelés à y siéger à tour de rôle. C’est une chambre qui
s’occupe des procès criminels. Une tournante était instaurée chez les juges afin que
ceux-ci ne s’endurcissent pas. Cette chambre s’occupe de toutes les affaires
criminelles à l’exception des cas de lèse-majesté qui sont jugés également par la
grande chambre.
Vers la fin du XIIIe, le Parlement est une institution bien structurée, organisée, avec tout un
personnel qualifié : juges, avocats, greffiers, etc. C’est un monde, un corps de juristes
organisé, quasiment « syndiqués ». Cet ensemble cohérent et stable permet de parler de
l’existence d’une profession juridique.
Le Parlement est très représentatif car on peut y trouver des nobles, ou non nobles, des clercs
ou laïcs, des Français du sud ou du nord, etc. c’est un corps à caractère national.
MAIS toute la justice ne se fait pas au Parlement ou dans les tribunaux royaux inférieurs sous
l’autorité du Parlement (prévôts, baillis, etc.) uniquement.

2. Villes :
Il existe en effet des tribunaux locaux, les villes exercent aussi leur justice, les villages aussi
mais moins car la justice y est plus élémentaire.
Les bourgeois tiennent au privilège d’être justiciables, jugés par des pairs, par d’autres
bourgeois (// féodaux, clercs).
Les échevins ont la juridiction la plus large car la justice échevinale a une compétence en
matière pénale, civile, etc. (même si cette distinction n’existait pas au Moyen Age).
Les tribunaux des échevins ont une juridiction contentieuse, c'est-à-dire qu’ils peuvent juger
les conflits, mais aussi une juridiction gracieuse, qui n’est pas vraiment une justice mais qui
correspond aux formalités qu’accomplissent actuellement nos notaires : enregistrer les
testaments et autres œuvres de lois qui ne sont pas des procès mais des actes juridiques.
Cette juridiction spécifique est réservée aux échevins qui utilisent également une méthode
spécifique : l’usage du chirographe, signifiant littéralement « écrit à la main ».
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Ex : X et Y vont devant l’échevin afin que X vende sa


maison à Y. Les échevins prennent un parchemin et
rédigent un acte de vente de la maison en le recopiant
deux ou trois fois. Entre chaque texte, ils écrivent des
lettres (A, B, C) ou « chirographum » et coupent ensuite
au milieu de ces lettres pour qu’en cas de conflit, les
parties apportent leur morceau de chirographe que l’on
rapprochera afin de voir si les morceaux coïncident.

Le chirographe intervient donc dans un procès en tant que preuve préconstituée en prévision
d’un litige, pour servir de preuve en cas de conflit, il est la spécificité de la juridiction
gracieuse.

3. Eglise
L’Eglise connaît une forte hiérarchie, elle connaissait déjà l’appel, c’est donc elle qui
inspirera les rois et princes à ce point de vue.
L’Eglise se divise en :
- Un tribunal suprême à Rome, à la curie,
- Des tribunaux ecclésiastiques structurés depuis la fin du XIIe siècle et appelés les
officialités : c’est un réseau organisé hiérarchiquement en fonction de la hiérarchie
des personnages de l’Eglise : archevêchés, évêchés, archidiaconés, etc.
Il existe également des officialités attachées aux abbayes.
L’Eglise a des compétences en justice au niveau de la religion et des gens d’Eglise, mais les
officialités ont également des compétences pour des matières non religieuses :
- le mariage puisque celui-ci considéré comme un sacrement avant d’être un contrat,
elles s’attribuent donc des compétences pour tout ce qui touche au mariage : régime
matrimonial (des biens), succession, légitimité des enfants, etc. ce qui couvre un large
domaine ;
- les testaments, actes résultant de la volonté du testateur mais parfois, ils comprenaient
des clauses pieuses (testateur fait des donations aux Eglises, messes, etc.), du coup, les
tribunaux ecclésiastiques se voulaient compétents pour tous les testaments comprenant
aussi bien des clauses matérielles que spirituelles.
Dans les compétences au point de vue des personnes, l’Eglise se montrait tout aussi
gloutonne : elle juge les clercs mais elle se veut aussi compétente pour les protégés de
l’Eglise, c'est-à-dire les orphelins (fragiles et faibles), les écoliers, étudiants, les croisés car ils
combattent pour la foi (mais pas pour les féodaux).
Beaucoup de gens se faisaient passer pour clercs (en adoptant la tonsure) car les tribunaux de
l’Eglise étaient réputés moins sévères dans leur application des peines puisque ceux-ci ne
pouvaient pas faire couler le sang ou infliger des peines corporelles faisant couler du sang.
L’Eglise avait donc pour sanction :
- l’enfermement, l’emprisonnement à vie,
- le bannissement (pèlerinage très lointain),
- la pénitence publique = demander pardon devant le parvis de l’Eglise (très lourd à
l’époque car la communauté est importante).
Ces tribunaux, même s’ils ne faisaient pas couler le sang, n’étaient pas laxistes car leurs
sanctions provoquaient une exclusion du milieu social au temps où la communauté primait.
Ils jugeaient également les affaires ayant trait aux lieux saints, aux objets de culte, aux
serments car ceux-ci faisaient appel à Dieu et aux atteintes à la religion comme la sorcellerie,
l’hérésie, etc.
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Au XIIIe siècle, à la même époque où la théocratie au plus haut niveau était critiquée, on
observe des réactions laïques, des contestations par rapport à cet envahissement de l’Eglise
dans l’espace temporel, et notamment dans la pratique judiciaire.
On va vouloir définir les choses.
Les tribunaux d’Eglise ont des compétences exclusives qui concernent les matières religieuses
et des compétences concurrentielles, comme le mariage par exemple car les tribunaux laïcs
pourraient aussi être concernés.
On procède à une restriction du privilège du for. Le for ecclésiastique est le fait d’être
justiciable que des tribunaux ecclésiastiques. On va tenter de réduire l’application du for, pas
son principe.
On voit donc qu’il y a une défense de l’ordre public et des intérêts royaux et princiers car
le gouvernement temporel réagit pour que l’ordre public conserve ses compétences.

Les Tribunaux d’Inquisition vont trouver une place particulière : ils ne sont pas l’ensemble
des tribunaux ecclésiastiques et ils sont différents des tribunaux des officialités (tribunaux
ordinaires). Ces tribunaux sont le produit du temps car au XIIIe siècle se développent les
hérésies (déviations doctrinales) auxquelles va réagir l’Eglise en développant ces juridictions
d’exception confiées à l’ordre des Dominicains car ceux-ci sont des théologiens très bien
formés : il faut une bonne formation pour entamer les poursuites contre les hérétiques,
mettre en évidence les erreurs qu’ils ont commises.
Les Tribunaux d’Inquisition sont redoutés car ils se basent sur une procédure secrète : rien
n’est fait au grand jour, on ne peut pas assister aux séances, etc.
Le secret est cultivé car on traite des sujets qui touchent à Dieu, à la foi, et il faut s’avancer
avec prudence dans le domaine de la foi, ne pas en parler tout haut.
Les témoins sont entendus en secret, on craint les faux témoignages, faits par pure jalousie.
La procédure a aussi une mauvaise réputation car le secret a une autre particularité : la
« question » ou torture qui est un mode de preuve exceptionnel (pas systématiquement
utilisée si on a des preuves suffisantes) revenue avec le droit romain et non utilisée dans les
officialités, mais pour les choses importantes.
La torture n’est utilisée non pas selon un sadisme naturel mais selon la conviction, la logique
implacable que dans certaines matières, il est nécessaire que la personne concernée doit
s’exprimer par elle-même, qu’elle soit écoutée.
On surnomme les Tribunaux d’Inquisition les tribunaux sanglants, or les juges ne pouvaient
pas avoir de sang sur les mains. En effet, on ne condamnait jamais à mort mais à
l’emprisonnement, au bannissement ou à la pénitence publique (voir précédemment).
Qu’en est-il du bûcher ? Le feu purifie, mais les tribunaux ecclésiastiques ne condamnaient
pas au bûcher même si leur procès y aboutissait. En effet, les tribunaux d’Inquisition
décidaient de condamner une personne pour hérésie, puis la transférait auprès d’un tribunal
laïc qui la menait au bûcher : on parle d’un transfert au bras séculaire, au bras laïc qui
n’hésitait pas lui à condamner à mort.
Les Tribunaux d’Inquisition avait donc un effet de barrage car seul un petit nombre de cas (5
à 10%) seront conclus par une exécution capitale.

Chapitre III : Le continent : la procédure


1. Survivance de la vengeance privée et réactions
*La vengeance privée reste bien vivace même si Charlemagne a lutté contre celle-ci pour des
raisons historiques.
En effet, au IXe siècle se développe la féodalité, qui favorise la vengeance privée : on assiste
à une extension de la « guerre privée » entre seigneurs, entre gens qui ont quelques troupes,
pour assurer les solidarités féodales, et dont l’usage est codifié.
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NB : guerre privée et guerre publique ne s’opposent pas, ce sont deux choses différentes.
La guerre privée est une pratique courante et normale. D’ailleurs, dans les assemblées
publiques, les conciles, etc., on en parle comme d’un usage faisant partie des mœurs, on la
codifie, on met des balises par rapport à certaines personnes, certains biens.
Par exemple : l’Eglise : il faut protéger ses biens de ces guerres.

*On décide d’accepter la vengeance mais on va se mettre d’accord sur un nombre de points,
on procède à des connivences c'est-à-dire une volonté de conserver l’ordre social, de ne pas
porter atteinte à ses structures.
Par exemple : on ne va pas mettre en doute la légitimité du seigneur en tant que seigneur du
lieu, on maintient une certaine stabilité, mais on va baliser, multiplier les mesures
restrictives : ON NE SUPPRIME PAS ON BALISE.

Qui va baliser ?
1) L’Eglise, car c’est son devoir, elle a un rôle de paix, elle prend donc des mesures précises,
concrètes pour endiguer la guerre privée. Par exemple :
- La Paix de Dieu : mesure générale protégeant les non-belligérants, les faibles :
veuves, orphelins, malades, gens d’Eglise, écoliers, etc. Le principe consiste à dire que
les soldats peuvent se battre mais doivent laisser les autres tranquilles.
- La Trêve de Dieu : règlements écrits : on ne peut pas se battre pendant certaines
périodes, pendant les temps d’abstinence : carême, avent, etc.
Pour appliquer ces règles, l’Eglise a prévu des peines canoniques comme
l’excommunication. Celle-ci est prononcée par les tribunaux de paix.
Les tribunaux de paix sont des tribunaux de circonstance où siègent laïcs et ecclésiastiques
(les princes et les évêques y délèguent un représentant) qui vont réprimer par des sanctions
canoniques les infractions commises lors des XIIe et XIIIe siècles.

2) Les Rois et Princes.


Lors de la période où les pouvoirs s’établissent et où les rois et princes cherchent donc à
freiner la guerre privée.
Par exemple, Saint-Louis (Louis IX) interdit les « batailles », c'est-à-dire les guerres privées,
dans tout le Royaume, et surtout dans le domaine royal, sous peine de répression (prison, …).

3) Les villes.
Les bourgeois ne se battent pas et les guerres privées leur sont néfastes car elles nuisent au
commerce, perturbent les approvisionnements en rendant les routes peu sûres, ils vont donc
également chercher à réprimer la guerre privée, qui, parfois, se déroulait à l’intérieur même de
la ville.
Ils instaurent une procédure au XIIe, XIIIe siècles et utilisent une méthode qui impose :
- la négociation : les belligérants doivent négocier d’abord, et seulement si les
négociations n’aboutissent pas, ils peuvent se battre, mais les bourgeois utilisaient des
moyens de pression,
- la captive d’otages garants de la négociation,
- les trêves : ex : « battez-vous mais pas plus de huit jours, puis on discutera », on
admet la guerre privée car elle fait partie de l’usage, des codes,
- dans un certain nombre de villes, on voit apparaître les apaiseurs (de « paix ») qui
sont des arbitres désignés par le pouvoir communal parce qu’on les juge neutres et
sages. Les apaiseurs constituent une espèce de cour (// tribunaux de paix pour et par
l’Eglise) : ils s’informent et prononcent une sorte de sentence arbitrale comme une
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institution officielle, il faut donc s’y soumettre. Si les belligérants ne s’y soumettent
pas, ils deviennent hors la loi.

*A côté de cela, on assiste aussi au développement de la répression publique, qui


représentera le grand changement du XIIIe siècle.
En effet, si la vengeance privée ne disparaît pas, elle est de plus en plus tempérée par la
répression publique qui se présente comme un substitut de la guerre privée : on ne se venge
plus soi-même, l’injustice est réprimée par l’autorité publique.
On peut donc parler d’un changement dans la dominante : la justice essentiellement privée
devient une justice essentiellement publique.
Au plus haut niveau, on observe une multiplication des cas royaux, c'est-à-dire les matières
réservées au Roi : seul lui peut juger ces points qui lui sont réservés : l’homicide commis de
sang froid et prémédité, le viol, l’incendie, le rapt, le brigandage (vol sur les chemins), etc.
La liste est souple car le roi n’avait pas intérêt à la fermer.
Malgré l’extension des cas royaux, les villes et l’Eglise conservent leur part.
Le grand changement réside dans la recherche des crimes demeurés impunis.
En effet, l’oubli de ces crimes incitait leurs auteurs à récidiver.
Henri II Plantagenêt va d’ailleurs, une fois sur le trône, commencer son règne par la recherche
des crimes impunis : c’est un souci nouveau que de considérer un crime comme un crime et
de le rechercher même après un certain laps de temps.
La procédure s’adapte.

2. Procédures accusatoire et inquisitoire


On observe un passage progressif de la procédure accusatoire à la procédure inquisitoire.
Ce passage va de pair avec l’affirmation de l’autorité publique qui consiste en une
limitation de la vengeance privée et de l’initiative privée : l’initiative judiciaire sera donc de
moins en moins du ressort du privé.

Procédure accusatoire
La procédure accusatoire est la procédure traditionnelle, du moins dans le monde
germanique.
Elle consiste en la nécessité de la prononciation d’une accusation par la victime ou par les
proches de la victime dans le cas d’un homicide : l’initiative est laissée à la victime ou à sa
famille.
C’est la plainte du demandeur devant le tribunal qui impliquera l’ajournement du défendeur.
Ce dernier est contraint à la réplique. Elle est obligatoire car se taire équivaut à un aveu.
« Je n’ai rien à dire. » = aveu, donc le défendeur doit s’exprimer.
Cette procédure domine jusqu’au XIIIe siècle, mais elle n’est pas exclusive.

Procédure inquisitoire
Inquisitio = enquête, procédure inquisitoire = procédure qui repose sur une enquête.
Elle n’est pas née au XIIIe, elle est devenue dominante au XIIIe : avant, elle était
exceptionnelle et appliquée dans certaines circonstances déterminées :
• Le flagrant délit : dans ce cas, il n’est pas nécessaire de porter plainte. Un témoin
peut appréhender le coupable sans qu’il n’y ait besoin d’une plainte de la victime ou
d’un proche de la victime en cas d’homicide et le juge doit statuer tout de suite.
• La contumace : il s’agit du délit de fuite : si le coupable s’enfuit, sa fuite est
considérée comme un aveu. Il est jugé « par contumace » parce qu’il est absent : il
sera dès lors mis hors la loi.
46

Deux sources donnèrent à la procédure inquisitoire tout son succès.


1. Tout d’abord son utilisation au sein de l’Eglise. Le concile de Latran IV en 1215 (la
basilique de St Jean de Latran était le siège de la papauté), convoqué par le pape Innocent III,
affirmera cette utilisation.
En effet, déjà au temps des Francs (VII, VIIIe siècles), les tribunaux d’Eglise connaissaient
cette pratique inquisitoire quand ils traitaient des questions d’Eglise.
Dans les synodes, qui sont des assemblées ecclésiastiques sur un territoire donné (un diocèse
par ex) et plus limitées qu’un concile, on rendait la justice de l’Eglise mais on procédait déjà à
une audition de témoins, or le témoignage est un élément de la procédure inquisitoire. On
interrogeait les témoins et en fonction de ce qu’ils disaient, l’évêque prononçait une décision
de justice.
Cette pratique fut ensuite intégrée dans la législation ecclésiastique, c'est-à-dire dans le droit
canonique.

2. Une autre source est le droit romain. A partir du XIIe, celui-ci commence à faire sentir son
influence en Italie et dans le Midi de la France. Il connaît également une procédure
inquisitoire.

L’addiction de l’apport canonique et de l’apport romaniste va influencer en faveur de la


procédure inquisitoire mais petit à petit.
A la fin du XIIIe, la procédure inquisitoire est dominante, quoique son application reste faible
dans certaines régions.
Dans les chartes de franchises du XIIe, on réclame le maintien de la procédure
accusatoire car celle-ci fait moins intervenir le tribunal où le juge n’est alors qu’un témoin
privilégié, exécutant. De plus, la procédure accusatoire étant plus souple, cela permettait de
garder des portes ouvertes et d’adopter par exemple une solution d’arbitrage.
Au contraire, dans la procédure inquisitoire, dès que le juge commence à agir, il n’est plus
possible de faire marche arrière.

Sur le plan institutionnel, la procédure inquisitoire va donner naissance au ministère public.


En effet, on va voir intervenir des personnes qui défendront l’intérêt public : elles
plaideront au tribunal en faveur de l’intérêt public (// avocat général actuellement). On a donc
dépassé le stade des intérêts des particuliers uniquement.
Une conséquence primordiale de cette évolution se marque dans les pouvoirs que possède le
juge. La figure du juge prend un nouveau tournant (cette conception se dégage en plein
cœur du Moyen Age, aux environs de 1200) : avant, il était un homme parmi les hommes, il
avait un rôle particulier mais pas capital car tout partait d’une plainte, et puis, le juge a
l’initiative, il met en marche l’appareil judiciaire et dispose d’une force d’exécution : il
exécute la sentence et a un pouvoir de contrainte à l’égard des parties afin de faire respecter
l’autorité de la force jugée.
Avant, les tribunaux avaient une faiblesse car même s’ils prononçaient une sentence, ils
n’avaient pas le pouvoir de contraindre les parties. A présent, on donne au juge les moyens de
faire appliquer sa décision.
Tout cela va de pair avec l’évolution des modes de preuve.

3. Modes de preuve
Au départ, les modes de preuve dominants, mais pas exclusifs, étaient irrationnels, comme
les ordalies par exemple, qui se basaient sur une justice divine. Le juge avait un rôle restreint
car c’était Dieu qui décidait au bout du compte.
47

Puis, il y a eu un changement dans la dominante et les modes de preuve dominants devinrent


rationnels.

NB : pour nous, l’opposition entre irrationnel et rationnel a du sens, mais elle n’en aurait pas
eu pour les gens du Moyen Age en raison de la mentalité de l’époque qui met en évidence
dans le domaine de la justice mais aussi dans tous les autres domaines l’intervention de Dieu :
seul Dieu détient la vérité.

Les modes de preuve rationnels sont des procédures donnant la priorité à des moyens
humains :
- le témoignage,
- l’enquête,
Ces deux moyens forment un ensemble car interroger un témoin consiste à faire une enquête
et pour faire une enquête, il faut interroger des témoins.
La différence réside alors en le fait que dans le témoignage, ce sont les parties (demandeur,
défendeur) qui proposent les témoins, tandis que dans l’enquête, le tribunal lui-même va
décider des témoins qu’il souhaite interroger (rappelons que cette technique était déjà connue
dans les synodes).
- l’emploi de la torture.
La torture est la preuve suprême à laquelle on a recours que quand les autres n’ont pas suffi.
Le défendeur administre alors pour lui-même, il parle pour lui-même, car dans la mentalité de
l’époque, on pense que l’accusé doit s’exprimer dans les cas graves.
Nous considérons la torture comme irrationnelle mais au Moyen Age, elle était considérée
comme rationnelle.

Cette évolution de la procédure est capitale mais aussi tout en nuances : elle n’est pas claire,
pas bien rangée et fortement liée à l’évolution des mentalités.

La vengeance privée (pratique extra judiciaire) et les preuves irrationnelles (faisant partie de
la justice) seront rejetées par les mêmes personnes :
• par l’Eglise : lors du Concile de Latran IV, on interdit les ordalies car il n’est pas bien
de tenter Dieu, on rejette aussi la guerre privée.
• par les Rois & Princes : ils s’y opposent également : au milieu du XIIIe, Saint Louis
interdit la guerre privée et le duel judiciaire, c'est-à-dire une ordalie bilatérale.
• par les Villes : les guerres privées nuisent au commerce donc les chartes interdisent le
duel judiciaire en ville, elles donnent aussi priorité aux modes de preuve rationnels.

Section C : Sources et pensée

Chapitre I : L’essor des idées politiques

Les idées politiques en Occident étaient assez limitées dans la première partie du Moyen Age,
mais elles vont se développer.

1. Droit naturel
Le droit naturel n’est pas un droit positif. Il est une branche du droit, de la philosophie et de
la théologie car il n’est de droit naturel que celui de la Bible. Il consiste en un ensemble de
principes universels.
Les principes du droit naturel, repris dans les Ecritures, président dans la nature humaine.
48

En effet, c’est la loi divine et éternelle qui est sensée s’exprimer au plus profond de nous : le
rôle de l’homme est de comprendre ce que veut Dieu et de transformer ce message en lois
positives.
La société doit se conformer à la volonté divine traduite à travers la nature en créant des
règles.
Les spécialistes du droit romain sont des philosophes, des théologiens et canonistes, et ils vont
essayer d’établir les grands principes qui doivent être respectés par tous et partout.
Le droit naturel est traversé par de grandes préoccupations.
Dans le droit naturel, on va essayer de définir la liberté de l’homme, la propriété, et des
choses plus concrètes qui en découlent comme le rejet de l’esclavage par exemple car tout
homme doit avoir droit à la liberté telle qu’elle est voulue par Dieu.

Le droit naturel accorde une priorité à l’Ecriture mais pas seulement, il est aussi influencé
par les philosophes de l’Antiquité grecque : Platon (427 à 347 ACN) et son disciple
Aristote (384 à 322 ACN).
Même si on en a peu parlé pendant un long moment, ils n’ont jamais vraiment été oubliés.
La renaissance de la pensée philosophique permettra de remettre ces auteurs en valeur.

Platon et Aristote ont tout deux une approche différente de l’ordre naturel : Platon par des
valeurs absolues (idéalisme), Aristote par une adaptation des choses (réalisme).

Platon est un idéaliste, pour lui, dans un Etat, ce qui est essentiel ce sont les lois : les lois
doivent avoir la primauté car elles garantissent le bon ordre et elles doivent être conformes
à deux valeurs supérieures : la volonté divine et la raison.
Ces valeurs supérieures doivent conditionner, mais ce n’est pas pour cela qu’elles
conditionnent, d’où l’ « idéalisme » : il faut s’en inspirer.

Aristote aborde les choses d’une autre manière, en prenant le chemin inverse : il ne part pas
d’un idéal mais de la réalité naturelle à laquelle les lois doivent mettre de l’ordre.
Le droit naturel est dicté par la nature : il est du devoir de l’homme, pour rendre la réalité
bonne, d’en définir les règles.
Pour ce faire, il faut saisir les règles qui régissent le monde, la nature, les observer (adoption)
pour créer les lois de l’homme ou règles positives (adaptation).
De cette vision plus réaliste (mais pas terre à terre), on dit qu’Aristote est le père de la science
politique.

NB : il n’est pas nécessaire de donner une couleur politique à Platon ou Aristote, mais il faut
bien comprendre leur pensée. En effet, l’un et l’autre ont prêché tour à tour la monarchie, la
démocratie et l’autocratie pour diverses choses. Mais leur objectif reste semblable : établir des
règles pour les hommes respectueuses de la nature et des principes universels.

Le droit naturel sera également influencé par le plus grand penseur du Moyen Age : Saint
Thomas d’Aquin (1224/5 – 1274), qui vécut au XIIIe siècle et qui s’est efforcé de concilier
l’Ecriture et la pensée philosophique et politique grecque.
Il a développé un concept important, celui du bien commun.
Le bien commun est l’ « épine dorsale de l’Etat ». La société humaine tout entière doit être
régie par des lois qui garantissent le bien commun.
49

Il apparaît alors que le régime qui semble le plus correct ne soit ni celui de la démocratie ni
celui de la tyrannie mais celui de la monarchie tempérée, dont le détenteur de l’autorité
respectera les droits fondamentaux de ses sujets tels qu’ils sont définis par la nature.
Le pouvoir monarchique implique une collaboration entre gouvernants et gouvernés en vue de
garantir le bien commun.
C’est au nom de la morale que Saint Thomas soutient cette position.

Un exemple concret : sa prise de position par rapport au wergeld


Saint Thomas n’est pas favorable à la pratique des compositions, c'est-à-dire aux pratiques qui
cherchent à éviter la vengeance par une composition autour d’une somme d’argent, par un
« rachat » du mal commis, afin de réparer la faute et de préserver l’ordre public.
Saint Thomas s’y oppose, a une désaffection pour les arrangements pécuniaires parce qu’il
estime que, même si l’ordre public a été apaisé, la morale elle ne l’a pas été : la justice n’y
trouve pas son compte car une faute demande toujours une réparation ET une expiation.
Cette expiation est nécessaire car toute la société a été troublée, elle est nécessaire pour le
bien commun.

L’importance du concept de nature dépend de la volonté divine qui a elle-même ses lois
internes. Au Moyen Age, la Nature n’est pas autonome car elle porte la « marque » du Dieu
créateur, car Dieu est toujours dissimulé derrière les choses de la Nature.
Quand la philosophie s’impose, le schéma suivant ressort : il y a Dieu et les hommes et entre
eux la Nature.
La Nature représente alors une connexion entre Dieu et les hommes.
Le droit naturel aura alors de plus en plus tendance à se laïciser : la nature se définira d’elle-
même.
Cette laïcisation a des conséquences politiques : on commence à concevoir d’une certaine
manière l’autorité et l’Etat.

2. Les « miroirs du prince » : conseils et propagande


Les « miroirs du prince » sont un genre politico-littéraire.
Platon & Aristote ont écrit des œuvres qui appartiennent au genre des miroirs du prince donc
ce n’est pas une invention de l’époque, la différence est que dès la seconde moitié du XIe
siècle, il y a une éclosion : les miroirs du prince se développent de façon importante.

Le premier ouvrage des « miroirs du prince » est celui de Jean de Salisbury.


Rappel 1er quadri : Jean de Salisbury, anglais du milieu du XIIe, auteur du premier traité de
réflexion politique, achevé en 1159 : le Polycraticus = celui qui gouverne la cité.
Il utilise une métaphore, celle du corps humain, pour décrire le corps politique. C’est une
théorie organique : corps politique, comme corps humain, est composé de différentes parties
et se porte bien si toutes les parties se portent bien. Il identifie chacune des parties du corps :
mains (guerriers), tête (roi), pieds (paysans, artisans, etc.), cœur (conseillers, ministres), âme
(ecclésiastiques). Il insiste sur l’importance d’avoir un monarque instruit, sur l’importance
de l’éducation. Son écrit est audacieux car il dit que le corps doit servir la tête : le bon roi
doit être obéi, mais s’il n’accomplit pas ses responsabilités, il doit être sanctionné  idée de
tyrannicide : on peut tuer le tyran, le souverain injuste.
Conclusion : Jean de Salisbury définit le pouvoir, l’Etat, le roi lié à un pouvoir spirituel, à
l’Eglise. C’est dans cette mesure que le roi sera un bon roi.

Aux XIIe et XIIIe siècles, une dizaine d’ouvrages de ce genre seront rédigés.
Les « miroirs du prince » se multiplient selon deux tendances complémentaires :
50

Les deux disent « voilà ce qu’est le prince idéal », la première soutenant l’hypothèse du
« voilà ce qu’il devrait être » et la seconde décrivant « voilà ce qu’il est » :

1. Les ouvrages qui cherchent à conseiller le prince, ils ont des préoccupations
morales, une approche éthique.
On les dit « idéalistes » car ils disent ce que le prince doit faire pour se rapprocher du
prince idéal. Les conseils qu’ils donnent sont d’ordre moral et assez banaux : un prince
idéal doit disposer de certaines vertus : être chrétien, juste, bon, faire preuve de sagesse,
etc. La paix et la justice font le bon prince.
Ils donnent également des considérations plus pratiques : le bon prince traite bien ses
sujets (pas trop d’impôts, pas de sanctions trop lourdes, ne pas imposer de guerres), être
fidèle en famille, donner une bonne éducation à ses enfants, écouter les bons conseillers.
Exemple : Gilles de Rome, au service du roi français Philippe le Bel, a écrit De regimine
principum ou « gouvernement des princes » aux environs de 1300, c’est un ouvrage de
pédagogie juridique et un bon modèle d’ouvrage des « miroirs du prince ».

2. Les ouvrages qui montrent ce que fait le prince actuel, c’est pourquoi ils ont une
approche réaliste, tout en disant que c’est là ce qu’il faut faire : ils font de la
propagande, de la réclame pour le prince.
Ce type de « miroirs du prince » fut créé après coup, en poursuivant des objectifs
politiques précis qui consistent en une propagande : le bon prince est un tel en tel endroit.
Le thème principal, le concept central est celui de la souveraineté. La souveraineté,
décrite comme un objectif principal pour le prince, est la voie par laquelle les
gouvernements affirment leur pouvoir, caractéristique de ceux qui sont au-dessus des
autres.
Mais ce n’est pas parce que ce sont des œuvres de propagande que tout est admis : des
limites sont fixées.
On cherche à distinguer le bon et le mauvais monarque.
Le mauvais monarque est un tyran (cf. tyrannicide chez Salisbury), c'est-à-dire qu’il fait
un mauvais usage de son pouvoir, il ne l’exerce pas en conformité aux exigences du
créateur et de la Nature.
Le bon monarque est celui qui se soucie du bien commun.
Exemple : Philippe de Leyde, au service du Comte de Hollande, a écrit De cura rei
publicae et sorte principantis à la seconde moitié du XIVe siècle, dans lequel il s’inspire
de la situation de son Comté pour écrire.
« Cura » = le soin, le souci.
« Res publica » = la chose publique.
« Principantis » = la manière de gouverner.
Le titre signifie donc le souci du bon gouvernement.

Les « miroirs du prince » seront très influents.

3. Les relations entre pouvoirs laïque et ecclésiastique :

Rappel : Saint Augustin inspire la théocratie, celle-ci a du plomb dans l’aile vers 1300.
Saint Thomas, figure de proue de l’Eglise, en fut un adversaire.
Au XIVe siècle, la théocratie est attaquée par des auteurs majeurs : ils contestent les
acquis du pouvoir pontifical et veulent la dissociation de l’Eglise et de l’Etat.

Parmi ces contestataires : Marsile de Padoue et Guillaume d’Ockham, qui vont rechercher
51

une voie moyenne entre les deux tendances que sont :

- la théocratie = l’Eglise domine l’Etat,


- le régalisme ou césaropapisme = le chef de l’Etat laïc veut remplir le rôle du chef de
l’Eglise.

Marsile de Padoue est un clerc qui rédige un traité « Defensor pacis » ou « Défenseur de la
Paix » en 1324. Pour lui, l’Etat et l’Eglise doivent garder chacun leur sphère.
Il distingue deux pouvoirs : le pouvoir de l’Eglise, le rôle du pape est spirituel et différent du
pouvoir de l’Etat.
L’Etat est le cadre dans lequel on fait les lois.
L’Eglise doit s’inscrire dans l’Etat, elle ne doit pas s’y soumettre, en être un instrument, mais
elle doit s’intégrer.
Tous les hommes, clercs ou laïcs, sont égaux devant le salut : il n’y a donc pas de
supériorité des clercs, ceux-ci n’ont pas le pouvoir d’écraser les laïcs.
Il appartient à l’Etat d’intégrer tout ce qui correspond au salut, l’Etat pourvoit à tous les
besoins de l’homme, et l’Eglise ne doit pas entraver ce pouvoir mais s’y intégrer.
Il y a un assujettissement de l’Eglise à l’Etat car on voit que c’est le contre-pied de la
théocratie qui s’impose mais il n’y a ni fusion ni absorption de l’Eglise par l’Etat.
Le grand changement est que l’on définit la res publica comme une réalité universelle à
laquelle tout doit s’intégrer même l’Eglise.

Guillaume d’Ockham (vers 1330/1350) est un moine anglais universitaire qui va poser les
fondements de la primauté du pape.
Il cherche à définir le pouvoir pontifical. Il dira que c’est de Dieu que viennent les pouvoirs,
et non du pape.
Dès lors, ce qui compte pour les Chrétiens, c’est la foi et non le pape.
Il nous montre que les règles qui doivent régir la société humaine viennent de Dieu ou de la
Nature. Pour lui, la Nature est un source à part entière de certaines valeurs humaines,
elle est elle-même pourvoyeuse de règles.
Le pape ne peut pas prétendre dicter toutes les règles qui viennent de Dieu.
L’autonomie de la nature par rapport à Dieu se traduit par une autorité.
Guillaume d’Ockham sera démis de ses charges d’universitaire pour avoir dit que le pape
exerçait un ministerium « au service de Dieu » et non un dominium, puisque ce dominium
appartient à Dieu et le pape ne peut pas se l’approprier.
Sur un plan très concret, Guillaume d’Ockham s’interroge sur la capacité du pape à
intervenir dans les affaires temporelles et conclut que celui-ci n’a pas à intervenir contre les
monarques et les laïcs, car ceux qui attribuent le pouvoir à l’Empereur sont les princes
électeurs, dès lors, eux seuls peuvent intervenir sur son pouvoir.
De même, les sujets peuvent envisager des sanctions contre leur roi, mais le pape ne peu pas
intervenir sauf en deux exceptions :
- l’hérésie : un roi ne peut pas soutenir des propos hérétiques,
- la faute morale très grave.

Chapitre II : Les sources formelles du droit

Introduction
52

Ce qui différencie la seconde partie du Moyen Age de la première c’est l’importance de la


coutume : celle-ci se maintient dans la seconde partie, mais elle est moins envahissante car la
législation connaît une croissance dès le XII e siècle. Quant à la jurisprudence, les tribunaux,
qui, en exerçant la justice, ne produisait pas une source en soi dans la première partie du MA,
verront dans la seconde partie du MA, les jugements qu’ils rendent devenir une source
formelle du droit en tant que telle.

1. La coutume

Un ouvrage normand du XIIIe siècle (summa de legibus normande = somme des coutumes
chez les Normands) donne la définition suivante de la coutume : « Consuetudines vero sunt
mores ab antiquitate habiti, a principibus approbi et a populo conservati »
= Les coutumes sont des usages ( mœurs ) qui ont été observés depuis des temps anciens,
approuvés par les princes et conservées (gardées) par le peuple.
=> La coutume doit donc recevoir l’approbation des princes ( redite mais il a tellement insisté
)

Trois caractères sont attribués à la coutume :

1er caractère = l’ancienneté.


2e caractère = son approbation des princes : la coutume ne vaut plus nécessairement toute
seule => critère neuf.
3e caractère = conservation par la population = exercice effectif.

Rappel cours 1er quadri à propos des modes de preuve

Les modes de preuve ont un caractère universel (Germains // Juifs). Deux types de preuves :

*Preuves irrationnelles (très courantes) :


-Le serment purgatoire : on prête serment de ne pas être coupable, la foi et la religion sont telles
que le serment a une très grande valeur. On peut venir avec des cojureurs (pas des témoins mais
témoins de moralité) qui jurent en toute bonne foi.
- Les ordalies = jugements de Dieu : quand on pensait qu’une personne se parjurait, on utilisait
l’ordalie, idée que Dieu ne laisse pas condamner un innocent jusqu’au XIIIe (l’Eglise s’y oppose
depuis toujours et le pape les interdit dans un concile en 1300), idée venant de la religion
germanique christianisée.
Ordalies unilatérales : 1) ordalie de l’eau bouillante (on observe la guérison de la main), 2)
ordalie du fer rouge, 3) ordalie de la croix (cmb de temps avant de laisser tomber les bras.
Dans le livre des Nombres de la Bible, on trouve une ordalie pour la femme adultère qui doit
absorber les eaux d’amertume et de malédiction, elle est coupable si elle devient stérile par la
suite.
Ordalies bilatérales : en jeu l’accusateur et l’accusé. 1) ordalie de la croix, 2) duel judiciaire : on
arme les opposants ou ils choisissent un champion.

*Preuves rationnelles (pas courantes) : 1) témoignages, témoins amenés par les partis, 2)
l’enquête, audition des témoins à l’initiative du tribunal, 3) preuve écrite, mais quasi inexistante
sauf s’il s’agit d’un acte écrit par le roi (mœurs : on se méfie de l’écrit). On trouve donc en
cherchant bien une procédure inquisitoire chez les Germains.

Nouveautés : modes de preuve et rédactions.


53

- Modes de preuve

On introduit des nuances entre les coutumes : elles ne sont plus toutes sur le même pied.
Une distinction se fait entre les coutumes dites notoires et les coutumes dites privées.

*Notoire = bien connue. La coutume est bien connue lorsque le juge, quel qu’il soit, la
connaît. Ex : on vient devant un juge, on fait valoir une règle coutumière, si le juge la connaît,
les parties n’ont pas à la prouver.

*Privée = lorsqu’elle ne dit pas forcément quelque chose à l’esprit du juge : elle a autant de
valeur que la coutume notoire, mais elle est plus facilement contestable. Dès lors, si le juge ne
la connaît pas, la partie qui allègue doit pouvoir la prouver, d’où l’importance du mode de
preuve.

Quels modes de preuve seront utilisés ? Ils sont au nombre de trois :

1. L’enquête par turbe : « enquête », donc on interroge des gens : mais ce ne sont pas
forcément des « témoins » car on n’établissent pas l’existence d’un fait mais d’une
règle coutumière.
On fait appel à la connaissance, à ce que les gens savent à propos de la règle coutumière
privée qui est avancée.

La coutume est d’origine germanique, mais la « turbe » renvoie à une pratique d’origine
romaine. Turbe vient en effet du latin turba qui signifie la foule ; un groupe de personnes.
Dans la Rome ancienne, lors d’un trouble apporté à l’ordre public, si au moins dix personnes
étaient impliquées dans la bagarre, une répression beaucoup plus sévère devait avoir lieu que
si l’on était en présence moins de dix personnes. Le cas de turba est donc une notion de droit
pénal puisque l’action judiciaire n’est menée que lorsque 10 personnes au moins qui étaient
impliquées dans la perturbation (per-turba-tion), parce que les Romains avaient en tête qu’une
« turba » n’existait qu’à partir de dix personnes : decem factium turba.

Dans le cas de l’enquête par turbe, il ne s’agit pas d’une bagarre, mais d’un rassemblement
d’au moins dix personnes (ou plus) devant se prononcer collectivement sur la règle
coutumière privée : la turbe doit donner une réponse unanime (collective) et sous serment.
= Différence avec le témoignage : le témoin est interrogé singuler (individuellement).

Derrière la pratique de l’enquête par turbe, on trouve la notion romaine de turba mais
également le fait que les gens interrogés représentent la vox populi : il faut donc bien les
choisir, en préférant ceux qui sont susceptibles de connaître la coutume.
En effet, lorsqu’une coutume est privée, il faut essayer d’en savoir plus : il est difficile pour
un juge de tout connaître.

2. Le record de coutume : les échevins doivent recorder (rappeler) c'est-à-dire faire une
proclamation devant la population dans les villes et villages pour rappeler les règles
coutumières en usage : on rafraîchit les esprits.
Ces records de coutume étaient à l’origine oraux, puis au XIVe siècle, on les met par écrit,
ils deviennent alors règlement local. Si une règle est dans le record, c’est une preuve.
54

3. Le recours à chef de sens : lorsque les autorités locales (échevins) sont embarrassés
pour rendre une sentence car ils ignorent si une coutume peut être alléguée, ils vont
s’adresser à une autre autorité locale qui a plus de sens, plus de sagesse (par exemple
une petite ville à une plus grande ville car dans la grande ville, on a davantage de
moyens).
On demande alors une consultation : on nous propose telle règle, qu’en est-il ? Est-ce que la
règle est bonne ? Le chef de sens, les échevins consultés répondent aux échevins consultant,
mais leur avis doit être suivi => L’avis est contraignant
Nous restons ici au niveau des juridictions locales : nous voyons donc l’impact que peuvent
avoir les échevins dans la bonne gestion du droit.

En pratique, il arrive parfois que même pour une coutume notoire, on demande d’apporter une
preuve : « on n’est jamais trop sûr » car les coutumes sont encore orales.

2. Rédactions

La majorité des coutumes était orale : c’est dans la nature de la coutume d’être orale.
Mais à partir du XIIe, XIIIe, on observe un effort de rédaction (cf. 1er quadri // les
rédactions des coutumes germaniques), mais ce n’est pas un travail systématique : les
coutumes sont rédigées de façon circonstancielles.
Par exemple, au XIe, XIIe, lors de la rédaction des chartes de franchises, on y inscrivait en
même temps des coutumes afin qu’elles soient fixées, plus certaines = travail pragmatique.

Fin XIIe, et surtout au XIIIe, XIVe, on voit se multiplier les « coutumiers » c'est-à-dire des
recueils de règles coutumières. On parle de « styles coutumiers » : les style sont des recueils
de procédures.
Attention : le style n’est pas un texte officiel : pour leur usage, les particuliers mettent par
écrit des règles coutumières.

Quelques exemples importants de styles coutumiers (depuis la fin du XIIe siècle) :

- vers 1280 : coutumes de Clermont-en-Beauvaisis par Philippe de Beaumanoir.


Ce dernier était prévôt et devait donc utiliser des règles coutumières : pour se faciliter la
tâche, il eut l’idée de rassembler par écrit les coutumes de son territoire => constitution de son
propre coutumier. Le travail de cet officier, de ce baillis royal fut si bien fait qu’il eut de
l’influence dans tout le Royaume, d’autant plus que, connaissant un peu de droit romain et de
droit canonique, il avait introduit des éléments de ces droits dans les coutumes : il utilisait
donc des systèmes de droit beaucoup plus savants, qui permettaient de travailler de façon plus
intellectuelle, plus technique. Beaumanoir envisage également les droits du Roi de France
dans son coutumier.

- vers 1390 : Jean Boutiller, auteur de la « Somme rural » (rural s’écrit sans « e » final) : ce
n’est pas parce que cela concerne la campagne mais parce que c’est rédigé en français qui
était la langue rurale, du peuple, les intellectuels utilisant le latin.
Jean Boutillier était également un bailli au service du Roi de France, en activité dans la région
de Tournai. Chez Boutiller, nous avons une influence du droit romain assez appuyée ainsi que
du droit savant dit canonique.
55

- vers 1270 : un auteur anonyme écrit un recueil ce à quoi on donner le nom


d’« Etablissements de saint Louis », contenant également des textes législatifs ( coutume) et
des références à des règles du droit romain et du droit canonique.

Dans ces recueils coutumiers, nous assistons à une rencontre entre différentes sources du
droit. Ils prendront encore plus d’importance lors de l’apparition de l’imprimerie : la
« Somme rural » connaîtra plus de 20 éditions et un succès croissant entre le XV et XVII s, ce
qui nous montre bien leur utilité !

Les coutumiers ne sont pas propres à la France, rappelons les exemples précoces en
Angleterre que sont les deux traités De legibus et consuetudinibus regni Angliae par Glanvill
et Bracton qui ont constitué la base de la common law.

Mais aussi, quoique plus tard, en Allemagne (évolution plus lente) :


- Les miroirs coutumiers (différents des miroirs du prince), dont le plus connu est celui de
Saxe (XIIIe siècle) : Sachsenspiegel, qui aura un très grand succès dans l’ensemble de
l’Empire germanique. L’impact du droit romain y est moins observable car l’Allemagne est
moins pénétrable au droit romain.

Deux remarques à propos de ces rédactions :


1. Elles demeurent officieuses, c’est-à-dire faites par des particuliers, sauf quand ce sont les
seigneurs qui le font dans des cas circonstanciels (chartes).
Il faudra attendre le XVe siècle, la fin du Moyen Age, pour voir des rédactions officielles
c’est-à-dire ordonnées par le pouvoir, l’autorité.

2. On trouve dans ces rédactions essentiellement du droit privé. Ce sont des considérations
sur le pouvoir du droit. Quant aux institutions publiques (droit public), elles sont décrites par
les lois.

2. Législation

Définition par le recueil normand du XIIIe siècle (summa de legibus normande) : « leges
autem sunt institutiones a principibus facte et a populo in provincia conservate »
= « les lois sont instituées et faites par les princes et conservées par le peuple dans la
région où vivent les gens ».

Etudions la législation sous différents angles : Rois & Princes / Villes.

1. Les Rois et les princes

L’activité législative des princes est inséparable de leur activité judiciaire, autrement dit,
l’activité législative dérive de l’activité judiciaire, elle lui est subordonnée.
Le roi ou le prince territorial a des liens étroits avec la justice (il exerce la justice) qui lui
permette d’édicter des lois : il fait les lois CAR il exerce la justice.
Notre système actuel de séparation des pouvoirs est donc inconcevable au Moyen Age.

La législation est tardive, il faut attendre les XII et XIIIe siècles pour qu’il y ait une reprise
de son activité, avec pour exception les capitulaires sous les Carolingiens (cf. 1er quadri).
=> il y a eu une reconnaissance du pouvoir législatif.
56

En Angleterre, l’activité législative est supérieure à la moyenne pour une raison historique :
Au XII s Henri II Plantagenêt, et ses successeurs immédiats, vont promulguer des « assises
royales », nom porté par les lois royales en Angleterre, et d’une certaine manière en Occident.
Des circonstances guident Henri II : il est arrivé au pouvoir en Angleterre au XIIe siècle suite
à une guerre de succession ; civile jetant le pays dans le trouble.
Les accises d’Henri II seront donc centrées sur deux thèmes :
- la défense du royaume (rétablir l’ordre) => la police
- la procédure (justice bien organisée pour réprimer les désordres) => la justice

Par la suite, cela peut sembler paradoxale, mais la législation ne restera pas une grande
source de droit en Angleterre. Aux XIIe, XIIIe siècles, la législation est intense, mais vers la
fin du XIIIe, sous Edouart Ier, la législation anglaise a atteint son maximum. Par après, elle
aura une moindre intensité, jusqu’à la fin du XIXe siècle. Cet affaissement s’explique par la
présence de la Common Law qui eut tendance à éclipser les autres sources de droit et donc à
limiter l’impact de la législation.

Deux autres caractéristiques de la législation anglaise :


- elle concerne tous les domaines, aussi bien le droit public que le droit privé (moindre
intensité mais grande diversité !) >< en France, sur le continent : centrée sur le droit
public.
- le système politique anglais a sa spécificité grâce à l’existence du Parlement : la
législation n’est pas seulement œuvre du Roi, elle doit passer par le Parlement. En
effet, ce dernier a acquis une compétence législative. En effet, les lois du Roi doivent
être votées par le Parlement pour devenir un « statut » et être d’application dans
l’ensemble du Royaume : il y a un partage de l’autorité législative entre le Roi et le
Parlement.

A la fin du XIIIe siècle, c’est la belle époque de la loi en Angleterre, exemples :


- 1284 : le Parlement vote le « statut du Pays de Galle », partie de l’île qu’occupe
l’Angleterre, on vote pour ce pays un statut particulier.
- 1290 : le troisième statut de Westminster fixe le droit foncier en Angleterre.
Le droit foncier est important.
- « Le statut des Marchands » : grande loi en matière de commerce.

Le plus marquant à retenir du cas de l’Angleterre est la participation du Parlement.

En France, la reprise est beaucoup plus timide.


Au XIIe siècle, les véritables lois des rois de France se comptent sur les doigts d’une main.
Le démarrage ou redémarrage d’une législation royale en France débuta avec Louis VII, au
milieu du XIIe siècle.

On prend en considération, aux alentours de 1250, deux textes de Louis VII :


- texte bannissant tous les Juifs de France,
- texte établissant la Paix de Dieu pour éviter la guerre privée pendant 10 ans.

Ces dispositions sont prises pour sauvegarder l’ordre public; la cohésion du royaume. En
effet, on estime que la présence des communautés juives (marchands participant à
l’économie) menace la cohésion du royaume. Cette mesure est prise pour sauvegarder la
cohésion du Royaume car les Juifs par leur religion ne s’établissent pas vraiment dans la
57

communauté chrétienne régnant en France (ne pas parler d’antisémitisme car ce serait un
anachronisme !).

La croissance de l’autorité royale française va de pair avec la croissance de la législation .


ATTENTION : si le Roi est législateur c’est d’abord parce qu’il est juge.

Nous n’évoquons pas l’Empereur germanique car il légifère peu. Ce sont les princes
territoriaux qui légifèreront.

Les lois sont faites, fabriquées par les rois ou les princes, mais elles n’introduisent pas
forcément quelque chose de nouveau : elles peuvent abroger, modifier les coutumes.
La législation est le seul moyen pour le Roi/Prince de redresser certaines coutumes ou
d’abroger les coutumes qu’il estime mauvaises, c'est-à-dire qu’il considère qu’elles ne
conviennent plus, ne répondent plus aux besoins pour lesquels elles étaient en usage.

Quand on parle de loi, on imagine qu’elle est valable pour tous les sujets, pour toute la
France. Ce n’est pas aussi évident car les Rois / Princes n’ont autorité que sur leurs
domaines, sur les territoires de leurs vassaux, leur autorité peut être limitée dans les faits.
Ce n’est pas facile d’édicter des textes pour tout un territoire, tout un pays.
Il y aura donc des textes qui vaudront comme loi, même s’ils ne sont pas par leur essence des
lois : ce sont les privilèges (« privé » : lois privées ne s’adressant qu’à un nombre restreint de
personnes, à un territoire délimité, une ville, etc.).

Ces privilèges vaudront comme lois : de fait, il faut s’en servir comme tel puisqu’on ne peut
pas légiférer en tout et pour tous. Leur rôle est donc assimilable à celui de la loi à part
entière. En Angleterre il y aura même des interférence.
Les lois (droit public) peuvent parfois concerner le droit privé, mais les coutumes ne
concerneront jamais le droit public.

2. Les villes

Les villes sont un monde relativement nouveau par rapport au monde traditionnel des
campagnes. Ce monde a besoin de règles propres pour gérer ses activités artisanales,
commerciales, etc. Il va donc y avoir des lois traitant de matières sociales, économiques, etc.
De nombreuses ordonnances émaneront des échevins, des autorités de la ville pour
réglementer le commerce et le travail à l’intérieur de la ville, l’organisation entre les
différents corps de métiers, etc.
 Tout cela sera réglé par une législation locale, qui pourra s’étendre en-dehors de la
ville et qui inspirera les Rois et les Princes.

Dans un secteur, la législation des villes sera particulièrement vivante : au niveau des
ordonnances somptuaires, c’est-à-dire les ordonnances sur le luxe => très développé au
moyen Age .
Cette législation urbaine est très contraignante car elle fixe aux personnes des limites pour
ne pas dépasser un certain point de richesse : interdiction de porter certains types de
vêtements de luxe, d’acheter certains produits de luxe, etc.
Le secteur de la consommation est réglé par des normes législatives en ville très strictes.
Dans certaine ville il y a même des dépenses auxquelles ont ne peut consentir.
De même, lorsqu’on organise des fêtes (mariage, etc.), des lois limitent le nombre de
personnes qu’on peut inviter, etc.
58

Ce système est très dirigiste mais favorable pour les gens : on préfère que les gens
nourrissent leurs enfants, etc. plutôt qu’ils ne fassent des dépenses inutiles.
Cela pallie le problème de surendettement : Vous ne pouvez pas acheter telle chose parce
que vous devez donner priorité à vos besoins élémentaires.
Il y a aussi une dimension sociale : on veut pouvoir distinguer les classes sociales,
reconnaître les personnes appartenant aux différentes classes sociales de la société.

Ainsi qu’une dimension religieuse : pour être en phase avec la religion chrétienne, il faut
d’abord dépenser son argent pour des besoins élémentaires et non pour des frivolités.

En Allemagne, on appelle cela des « ordonnances de police » (Polizeiordnungen), où


« police » signifie « bonne organisation dans la ville ».

La législation urbaine/communale atteint son apogée au XIIIe, XIVe.


Par après, elle deviendra de plus en plus dirigée par l’autorité royale qui la prendra « sous
tutelle » (sous contrôle), un peu comme tout le reste d’ailleurs !

Dans un premier temps, la législation urbaine est un modèle pour les Princes et les Rois, puis
elle en devient un relais à la fin du moyen age.

3. La jurisprudence

Il faut se rapporter au cas de l’Angleterre et de la Common law (voir cours précédemment).

Ailleurs qu’en Angleterre, la source de la jurisprudence reste timide.


Des Cours de Justice existent, rendent des sentences qui seront réutilisées, mais il y a du pour
et du contre.

Contre : la jurisprudence n’est pas une source indépendante : elle est considérée comme
subsidiaire à la coutume puisque le juge consacre la règle coutumière. Le juge n’est pas
invité à imaginer, à interpréter. La part de l’interprétation par le juge reste très, très limitée :
le juge doit seulement constater=> la coutume reste primordiale
La jurisprudence est donc une source par défaut, au second degré, puisque la coutume reste
primordiale. ( haaaaaaaaaaaaaaaaa)
De plus, le juge n’est pas invité à justifier son jugement, il ne doit pas motiver la décision
qu’il prend (aujourd’hui bien, cf. « attendu que »). Cela ne facilite pas la création d’une
jurisprudence. Eventuellement, il dit que c’est telle loi ou telle coutume qu’il a appliquée.
>< Fort différent du cas anglais.

Un trait majeur de l’évolution de la justice au Moyen Age est le dessaisissement et la création


de Cours supérieures ( EX : le parlement de paris) : elles ont de l’influence et créent petit à
petit une jurisprudence.

Les juges y sont de grands officiers au service des rois qui n’hésitent pas à se référer à des
sentences antérieures pour prononcer de nouveaux jugements (= utilisation de la règle du
précédent pour la procédure aux XIIe, XIVe siècles).
De plus, les grandes Cours prononcent des « arrêts » c'est-à-dire des sentences contre
lesquelles il n’y a plus de recours possible.
Prononcer un arrêt c’est faire œuvre de réglementation : ces arrêts deviennent donc
obligatoires.
59

Le Parlement de Paris va plus loin encore car tel arrêt rendu dans telle situation ;affaire sera
automatiquement applicable dans une situation similaire.
Aux XVe, XVIe siècles, l’arrêt du Parlement de Paris aura le même poids qu’une loi :
l’autonomie de la jurisprudence se développe face à la coutume.
60

Chapitre III : Les systèmes juridiques

Introduction
Nous ne les étudierons pas en profondeur, ce qu’il faut envisager, c’est leur place dans
l’histoire du droit et des sources du droit en particulier.

1. Droit canonique : depuis le XIIIe siècle

C’est un droit de type religieux, c’est celui de l’Eglise catholique.


C’est un des grands droits de type religieux qui existent de part le monde. D’autres grands
droits religieux : le droit musulman et le droit indou.
Ces droits ont en commun d’avoir pour source la divinité. Dieu est à la base du droit, il en est
le principal inspirateur. La source fondamentale du droit est donc la volonté divine, qui
conditionne tout le reste, toutes les règles qui seront formulées.
Aujourd’hui, le droit canonique n’est utilisé que pour les personnes et les affaires
ecclésiastiques mais au Moyen Age, il n’en était pas ainsi. Son utilisation était donc beaucoup
plus large mais elle a décliné aux cours des siècles.
Cf. développement des officialités = triomphe du droit canonique.

Quand est-il né ?
A partir du IIIe siècle, on peut dire que le droit canonique se construit : on commence à
formuler des règles.
Il connaît une croissance continue, en connaissant une apogée au XIIe, XIIIe siècle (époque
de la théocratie), puis, avec la fin des prétentions théocratiques, sa place va décliner, pas lui,
seulement sa place, c’est à dire qu’il sera moins envahissant mais existera toujours.
On assistera à un système de laïcisation au XVII s du droit qui refoulera le droit canonique
aux affaires et aux personnes ecclésiastiques dans nos sociétés.

Quoi de « palpable » ? : Ses composantes :

*Pour le droit canonique, c’est l’Ecriture (= Nouveau Testament) de la Bible.


Mais l’Ecriture ne suffit pas (elle s’arrête au texte de l’Apocalypse de St Jean).

*En effet, des théologiens ont écrit des ouvrages de doctrines, des philosophes qui se sont
interrogés sur la question de la religion.
Tous ces textes issus de la réflexion doctrinale constituent la Tradition, c'est-à-dire les écrits
postérieurs à l’Ecriture mais destinés à interpréter la foi chrétienne.
Ce sont par exemple les œuvres des Pères de l’Eglise : St Augustin, St Jérôme, St Thomas,
etc. mais les grands théologiens d’aujourd’hui aussi !
Ces textes prescrits qui se développent dès le début du christianisme et qui se multiplient à la
grande époque du droit canonique ( XII – XIII s ) sont les « canons » (ou décrets) et les
« décrétales ».

Canon ? Mot grec signifiant « règle », « prescription ». Les canons sont des textes produits
par les conciles Ex : le concile du Vatican II , c'est-à-dire par les assemblées des évêques,
des autorités de l’Eglise
 autorité collective
NB : les canons sont parfois appelés décrets.
Ils apparaissent dès le IVe siècle lorsque Constantin reconnaît la religion chrétienne.
61

Ces canons sont donc des décisions collectives.

Décrétales ? Ce sont des lois qui émanent du pape >< ordonnances qui sont des lois qui
émanent du roi.

*Au Moyen Age, il y a d’autres textes interviennent encore dans le droit canonique : les
constitutions des Empereurs chrétiens (dernières Empereurs à partir de Constantin).
Les Constitutions promulguées par les Empereurs méritaient bien d’entrer dans le droit
canonique (cf. code théodosien), mais cela posera des problèmes au Moyen Age car les
Empereurs germaniques, héritiers des Empereurs romains, vont considérer que leurs actes,
leurs constitutions doivent s’intégrer dans le droit canonique, mais la papauté essaiera
d’écarter ; écarter cela : élément de la querelle des investitures

Il y a à ce niveau une tradition de collaboration, de relations très imbriquées, entre Eglise et


État. Nous voyons donc qu’il existe des textes impériaux dans le droit canonique mais laïcs.
=> exemple de la collaboration entre église et état

Collections :
Très vite, le problème qui se posera pour le droit canonique sera d’en faire des collections et
mettre de l’ordre.
Collections :
Une contrainte s’impose très vite suite à la multiplication considérable des textes, il a donc
fallu procéder à la rédaction de collections qui sont des recueils de textes, de lois.
Très tôt se produit cette multiplication : dès le IVe siècle, nous sommes en présence d’une
grande diversité de textes et déjà au VIe siècle, on commence à constituer des collections.

L’une d’elles sera particulièrement influente : la Dionysiana Hadriana (VIe- VIIIe siècles).
Au VIe siècle, un moine, Denis le Petit (dionysiana), a rassemblé une grande foule de textes
de droit canonique (décrétales, canons) et en a constitué un ensemble.
Au VIIIe siècle, le pape Hadrien, lui-même producteur de droit canonique et contemporain
de Charlemagne, a complété le recueil de Denis.
D’après la tradition, Hadrien aurait procédé ainsi à la demande même de Charlemagne : celui-
ci manifestait en effet de l’intérêt pour le droit canonique.

De fait, les capitulaires de Charlemagne seront imprégnés de droit canonique (idéaux de


justice, de paix) entre autre au sujet du mariage, de la suppression de l’esclavage, etc.

Les collections se multiplient : jusqu’au XIIe siècle, on en compte une dizaine.


La plus marquante est celle du XIIe siècle, dont l’auteur est un moine de Bologne (Italie du
Nord) et cela n’est pas le fruit du hasard, il s’appelle Gratien, mais on était à peine certain
que celui-ci fut réellement un moine.
Son œuvre est appelée « le décret », mais le titre complet de son œuvre est intéressant : « la
Concordia discordantium canonum » (1130, 1150) : cela signifie qu’il a voulu mettre en
concorde, en harmonie, les multiples textes de droit canonique. En effet, entre ceux-ci il y
avait parfois des désaccords.
Son œuvre consiste donc à la fois à rassembler les textes et à les faire concorder.
Dans son décret, on trouve des textes datant du IVe siècle jusqu’au XIIe siècle.
Ce décret servira de base à tout ce qui se fera dans l’Eglise.
62

Ce décret de Gratien peut être comparé aux coutumiers en ce sens qu’il est un travail privé,
et que c’est l’Eglise, le secrétariat du pape, qui l’utilisera par après comme une référence, une
source de base.

Au XVIe, on introduira pour la première fois un recueil de droit canonique appelé « le


Corpus iuris canonici » que l’on peut comparer avec le Corpus iuris civile de Justinien.
Ce corpus iuris canonici s’inspire largement du décret de Gratien.
Puis, de nombreux recueils seront encore réalisés, soutenus par l’Eglise.

La découverte de l’impression donnera lieu à la première codification en 1582 (Corpus iuris


canonici) qui se poursuivra jusqu’au XXe siècle.

Sous Gratien, c’est l’époque du développement de la théocratie. Le XIIIe siècle marque donc
l’apogée de la production de la législation canonique.
Le droit canonique continue à se développer mais continue à se baser sur le Corpus du XVIe
qui se base lui-même sur celui de Gratien.

La dernière édition, dernière version du corps de droit canonique date de 1983 sous le
pontificat de Jean Paul II.

Influence en droit séculier


Le droit canonique ne sert aujourd’hui plus qu’aux affaires de l’Eglise, mais auparavant, il
avait une influence sur le gouvernement temporel :
- capitulaires de Charlemagne,
- l’extension des matières traitées aux officialités (mariage, testaments, etc.), extension
des juridictions ecclésiastiques.
 Le droit canonique avait donc une force de pénétration dans le droit laïc, où il sera
utilisé parfois même par empiètement.

Ce qui va également à partir du XIIe siècle valoriser grandement le droit canonique en


Occident c’est son association et non sa confusion avec le droit romain.
En effet, ces deux systèmes sont différents, ils n’ont pas la même origine, il ne faut donc pas
les confondre : entre eux, il y aura un « mariage » car il vont se compléter.
Le droit canonique apporte une tradition chrétienne mais aussi une éthique, une morale. Cet
apport moral du droit canonique se remarque dans chez Charlemagne : les grandes valeurs
sont véhiculées par le droit canonique (justice, paix, etc.).
Le droit romain, quant à lui, apportera une technique.

Technique & éthique se complètent parfaitement en une paire, un couple où chacun apporte
quelque chose.

Pour bien marquer qu’ils vont se rapprocher l’un de l’autre sans se confondre, un seul
vocable pourra servir à désigner l’ensemble qu’ils constituent : le « droit savant ».
Le droit savant n’est ni coutume, ni législation, mais l’ensemble de ces deux droits.

2. Droit romain

Le droit romain avait fortement décliné après la chute de l’Empire romain d’Occident, mais il
continue à influencer : leges barbarorum, etc. (cf. premier quadri).
63

Il arrive qu’on utilise l’expression « renaissance du droit romain », mais comprenons


bien « renaissance de l’étude du droit romain », car on ne peut pas dire que le droit romain
était mort, il était simplement assoupi en Occident (pas en Orient où le corpus de Justinien
était utilisé).

Quand et comment se fera cette renaissance ?


 Fin XIe, début XIIe, en Italie du Nord, à Bologne, ce qui fera de cette ville un centre
de la pensée juridique jusqu’à aujourd’hui, on a « découvert » des corpus qui
contenaient le droit romain dont le Corpus iuris civilis.

En Italie, se trouvaient des juristes qui ont fouillé dans les vieux manuscrits et en ont trouvé
qui étaient inexploités, notamment le Digeste, partie du Corpus iuris civilis moins connue que
le Codex ou les Institutes.
On commence alors à étudier le droit romain, non pas pour son plaisir, mais pour l’enseigner :
un enseignement se développe.
En effet, le Digeste n’est pas une œuvre facile, les romanistes se font donc professeur : ces
enseignements de droit ont lieu dans une école de juristes qui s’établit à Bologne.
On appellera par après cette manière de faire le mos italicus : « manière de faire italienne ».

Deux écoles différentes se développeront, ayant chacune des manières différentes d’aborder le
droit romain :

- l’école des glossateurs,


- l’école des post glossateurs ou commentateurs.

C’est aux XIIe, XIIIe siècles que se développe l’école des glossateurs en Italie du Nord.
Elle enseigne la glose. La « glose » est l’explication (de préférence courte) d’un mot difficile,
posant un problème de compréhension.
Ces glossateurs développent différents types de glose :
- la glose grammaticale : on explique le mot dans son contexte, dans la phrase latine,
- la glose critique : on a à disposition différents manuscrits connaissant des variantes, la
glose critique consiste à observer les variantes de signification données au mot,
- la glose analytique : on cherche à voir ce qui a derrière le mot pour développer un
concept.
Par ces gloses, on veut donner une explication littérale : dire ce que le texte nous apprend.
La démarche littérale est quelque chose de tout à fait nouveau, d’autant plus que pour les
glossateurs, le corpus de Justinien est sacré : il est pour les glossateurs, ce que la Bible est
pour les théologiens : on ne peut pas en changer un mot !
 Il y a une véritable sacralisation des différentes parties du corpus de Justinien.

« Quod non est in textu, non est in mundo » : ce qui n’est pas dans le texte n’existe pas : seul
compte le texte et on ne peut pas en sortir.
C’est une méthode savante mais intemporelle : le droit romain est intemporel, il est une
vérité intemporelle qui vaut, a valu, vaudra toujours et partout.
On ne dit pas que le droit romain fut rédigé dans tel ou tel siècle et qu’il faut tenir compte de
tel ou tel contexte, non, il est intemporel, un point c’est tout.

La notion de princeps : ce terme à Rome désigne l’Empereur (le premier des citoyens).
Mais au XIIe siècle, ce terme est capté par toute une série de personnes :
- non seulement l’Empereur,
64

- mais aussi des Rois, des princes.


 Pas pour rien que ça a donné le mot « prince », prince territorial.

Les glossateurs n’en tiennent absolument pas compte : pour eux, le seul qui puisse porter
cette qualification, c’est l’Empereur, l’héritier des anciens Empereurs romains.
Ils ignorent l’existence d’une réalité politique, d’une réalité institutionnelle qui est celle du
XIe siècle avec la multiplication des Royaumes et des Principautés.

Cette méthode est avant tout une méthode d’enseignement car les glossateurs ont une vision
avant tout théorique : ils sont les ancêtres des facultés de droit.
Au départ, les glossateurs ne sont pas juristes, ils sont philologues : il fallait une bonne étude
du latin pour se livrer à l’étude des textes, pour procéder à une analyse philologique.

Irneirus est le nom du fondateur de l’école des glossateurs.


Azon aura rédigé le premier une somme sur l’ensemble du droit romain.
Accurse, mort vers 1260, qui a rédigé la « Grande Glose », il est le plus important de tous les
glossateurs car il a réussi le tour de force de rassembler des milliers de gloses en en faisant un
travail d’ensemble.

L’école des glossateurs va perdurer et se développer partout en Italie, puis dans le Sud de la
France qui avait gardé certains liens avec la civilisation romaine.
Nous trouvons aussi des traces de l’activité des glossateurs jusqu’en Angleterre où la première
université, Oxford, enseignait le droit romain.
On assiste à la mobilité des étudiants mais aussi des maîtres : des maîtres italiens iront
enseigner leur méthode.

Mais la méthode des glossateurs ne satisfait pas tout le monde.

Entre le XIIIe et le XVe siècles va donc se développer une autre école : l’école des post-
glossateurs ou commentateurs. Ceux-ci viennent « après », l’étude a donc déjà été lancée.
Dans ce cas, nous n’avons pas affaire à des philologues, des théoriciens, mais à des gens de
terrains : juristes, avocats, etc. qui se disent : « le droit romain, d’accord, mais qu’est-ce
qu’on peut en faire ? ».
Ils vont donc développer la méthode du commentaire : ils dépassent la lettre, pour
rencontrer le contexte.
Le commentaire est une étude destinée à replacer un mot, une phrase, une formule dans
son contexte : qu’est-ce que ça veut dire pour nous ?
Il y a une actualisation, et non une intemporalité, du droit romain.
Pour les glossateurs, le droit romain est ancien, pour les post-glossateurs, il doit être adapté
aux besoins du moment.
Ces praticiens deviendront à leur tour des professeurs mais sur une base pratique et non
théorique.
Ils ne considèrent pas le droit romain comme une Bible, ils n’hésitent pas à le confronter à
d’autres sources de droit : règles coutumières, lois, etc.
Les glossateurs s’y refusaient : on ne porte pas atteinte à la pureté du droit romain !
Le travail classique du glossateur est une summa, tandis que le travail classique des
commentateurs est le tractatus (traité), qui ne cherche pas à accumuler les gloses, mais c’est
une sorte de monographie juridique où le droit romain est mis à contribution avec d’autres
sources possibles autour d’un sujet de droit précis.
Cela entre également dans le mos italicus.
65

En réalité, les premiers commentateurs ont été des Français et en particulier ces deux
personnages, les plus connus : Jacques de Révigny et Pierre de Belleperche, qui vécurent
dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ils étaient des officiers royaux, puis se sont mis à
enseigner, notamment à Orléans, première ville où l’on enseigna le droit romain car à Paris,
on n’enseignait surtout la théologie, or les théologiens étaient rétifs au droit romain, droit
« païen ».

L’école va ensuite rayonner en Italie et s’opposer aux glossateurs.


Bartole, mort vers 1357 et son élève, Balde, vont mettre au point une méthode permettant
d’utiliser des règles du droit privé en droit public et des règles de droit public en droit
privé. Or c’est un crime de l’esprit, une trahison, un sacrilège de procéder à une pareille
dénaturation du droit romain pour les glossateurs.
Bartole et ses disciples n’hésitent pas à utiliser des règles de droit romain pour résoudre des
problèmes actuels, en alternant les règles de droit public ou privé.

Il y avait à Rome, une règle qui s’appliquait à la cotutelle des mineurs (mineur ayant
plusieurs tuteurs). A ce sujet, le droit romain utilisait cette formule : « ce qui concerne tout le
monde doit être approuvé par chacun », cela signifie qu’une décision à propos des biens du
mineur doit être prise avec l’approbation de tous les tuteurs.
C’est donc une question de droit privé et les commentateurs vont utiliser cette formule sur
le plan politique, et donc en droit public !
Ils lui donneront comme signification : « ce qui concerne tout le monde dans la gestion d’une
ville, doit être approuvé par tous les citoyens ».
Ils font une transposition, au grand scandale des glossateurs, en portant du droit privé dans
une matière de participation politique des citoyens.

Essor des facultés


Hors de l’Italie, le rayonnement de l’influence des commentateurs sera beaucoup plus grand,
notamment à Orléans, Montpellier, Oxford, Cologne (Allemagne), Prague (capitale du
Royaume de Bohême), et en 1425, c’est la fondation de l’université de Louvain lorsque la
Belgique faisait partie des Pays Bas.

Le droit romain commence à prendre une influence réelle, à exercer un impact.


Le résultat concret de cela ? C’est le début de l’étude du droit, la naissance des juristes, qui
ne sont pas seulement des utilisateurs du droit, mais ceux qui l’étudient, et prennent le nom de
« légistes ».
Ces légistes nous les avons déjà rencontrés dans le personnel, dans l’entourage du Roi, et plus
tôt, Barberousse avait au XIIe siècle des juristes dans son entourage, car il avait rencontré
des glossateurs à Bologne qui le soutenait par les textes : le droit romain donne une
légitimité à sa catégorie d’Empereur.

L’entourage féodal devient un entourage juridique, ce qu’il faut mettre en rapport avec
l’essor des institutions (cf. premier quadri).

Au départ, les glossateurs sont assez fermés, mais, avec les commentateurs, cela va s’ouvrir :
ce n’est plus seulement le pouvoir impérial, mais aussi le pouvoir des princes qui trouvera sa
légitimité grâce au droit romain.
Le droit romain constitue alors un atout de premier rang.
66

Le cas de Paris ? Voir syll cadre p 23. Dvlp ou non ?

3. Le cas de l’Angleterre

Pour mémoire : l’Angleterre, qui connaît trois sources de droit et un impact restreint du
droit romain :
* Celle-ci est dominée par le « Common Law » (jurisprudence), qui n’est pas seul : il y a des
lois votées par le Parlement.
* Ce qui émane des lois du Parlement, surtout actives au XIIIe siècle, on l’appellera le
« Statute Law ».
* Le droit romain est aussi une source : il existe car il y a des matières dans lesquelles le
droit romain est nécessaire : cf. cours sur le Common Law et l’émergence de l’Equity qui fait
usage du droit romain en particulier pour ce qui est de la procédure.
C’est symptomatique : les Anglais appelleront cela le « Continental Law ».
Continental Law = minoritaire mais droit romain quand même.
67

IIIe partie : L’Etat accompli (XVIe – XVIIIe siècle)

Section A : Pouvoir, gouvernement et société

Chapitre I : La France et l’absolutisme de droit divin

Lorsqu’on évoque la Royauté française de cette époque, il faut tout de suite avoir à l’esprit
la notion d’absolutisme de droit divin. XVIII s : accomplissement de l’absolutisme qui restera
en place jusque 1789. Attention on ne doit pas entendre pas là un pouvoir sans limites. Au
contraire il y a des limites sérieuse.

a) L’avènement de l’absolutisme (fin XVe – milieu XVIIe)

1. Essor de la royauté après la guerre de Cent Ans ou « comment l’absolutisme s’est-il


installé en France ? ».

L’absolutisme s’est installé en France suite à la guerre de Cent Ans (1328 – 1453) qui
l’opposa à l’Angleterre, avec des périodes de trèves.
Cette guerre s’est principalement déroulée sur le territoire français, les Anglais ayant une
prétention à la couronne française pour leur Roi, mais les Français parviendront à les refouler
hors du territoire de leurs terres en 1453 (Boutons les Anglais hors de France ! disait Jeanne
d’Arc). La France ressort victorieuse, renforcée, de la guerre de Cent Ans.
Même si le territoire et la population sont appauvris, la guerre de Cent Ans aura contribué à
deux apports fondamentaux : une armée permanente et un impôt permanent. La guerre s’est
terminée en 1453 mais il n’y a pas de traité précis qui confirme cette datte.

a) impôt direct permanent :


En 1439, le Roi de France Charles VII reprend le dessus et l’on voit instauré un impôt direct
permanent : la taille (terme déjà utilisé pour l’impôt seigneurial : on distingue dès lors la taille
seigneuriale de la taille royale).
Certaines personnes privilégiées en sont exemptées : les nobles et les gens d’Eglise.
Mais cette permanence de l’impôt est une nouveauté à l’échelle du Royaume : le Roi ne doit
pas consulter les États généraux pour le percevoir. Le fait de percevoir directement et de
manière continue un impôt représente une force pour le Roi de France.

b) armée permanente :
De même l’armée, qui jusque là était principalement féodale (on consultait les vassaux pour
chaque guerre), devient permanente : le Roi a des troupes en permanence, ce qui est favorable
à sa main mise sur le pays.

Avec Charles VII, ou plutôt son successeur Louis XI (1461 – 1483), on assiste à la véritable
mise sur pied d’un projet étatique.
Il ne s’agit pas de la fondation de la monarchie française, qui existe depuis longtemps et
dispose depuis quelques siècles d’institutions, non, Louis XI va travailler à faire du Royaume
de France un État moderne : une nouvelle dimension apparaît. Louis XI est un Roi qui, à la
suite de la guerre de Cent Ans, va vouloir faire de la France « une puissance ».

Les conditions de ce projet étatique sont au nombre de deux, deux grands axes :
68

- Sur le plan intérieur : assurer l’ordre du roi, l’ordre public dans le Royaume (surtout
que celui-ci vient de connaître la guerre) : impôt et armée = instruments de cet ordre.
- Sur le plan extérieur : assurer une suprématie, faire en sorte que le Royaume de France
ne dépende de personne : ni de l’Empereur ni du pape.

2. Les instruments du pouvoir

La fin du XVe siècle marque un temps de développement des instruments du pouvoir.

Conseil et administration

A la base, nous avons toujours le Conseil Royal (successeur de la curia), qui est en principe
unique, composé des collaborateurs du Roi que le Roi choisit, il est l’élément maître de
l’organisation du Royaume.
A la fin du Moyen Age, en ce qui concerne administration, on assiste à un développement
exponentiel des offices, c’est-à-dire des charges publiques ( services ) : baillis, gouverneurs,
etc.

Rappel premier quadri :


L’administration de Paris met un certain temps pour se mettre en place dans les provinces :
plus les rois étendent leur autorité, plus se développera l’administration en provinces
(l’administration royale française arrive en Normandie quand celle-ci est conquise par ex.). A
partir du XII, XIII, et surtout au XIVe, le domaine royal est développé et prévôté, c’est-à-dire
que l’administration est faite par un prévôt, fonctionnaire nommé par le roi pour administrer
une localité (administration régionale et locale) d’origine modeste, révocable.
Comme leur nombre va rapidement s’accroître (XIIe : 10, XIVe : 170), on va créer un échelon
intermédiaire au milieu du XIIIe : le baillis. Celui-ci dirige un nombre de prévôts mais leur
nombre s’accroît au XIVe (75), on crée alors encore d’autres niveaux intermédiaires. Saint
Louis, Louis IX, va créer les enquêteurs, officiers royaux envoyés dans les provinces pour
voir comment les officiers (prévôts, baillis, etc.) géraient leurs affaires. Ensuite, sera crée la
fonction de gouverneur, un par province : c’est un grand noble car la charge est prestigieuse.

Les offices se multiplient mais vont également se professionnaliser. On assiste à des offices
de magistrature dans les Parlements, dans les Cours Royales, cours de justice etc.
Les offices requièrent de plus en plus de compétence : celle-ci devient capitale. Le Roi va
trouver ces compétences chez les légistes, formés dans les facultés de droit pour devenir de
véritables professionnels de l’administration.
A côté de la compétence, le Roi va rechercher la fidélité, le dévouement à la fonction royale ;
le dévouement pour l’état.
De plus, une nouveauté est que le titre d’office est commercialisable : on peut acheter un titre,
être propriétaire de sa charge.

A côté des officiers, on voit apparaître au XVIe siècle d’autres types de charges détenues par
les commissaires. Entre les offices et les commissions, la grande différence et que les
commissions ne sont pas achetées : le Roi nomme qui il veut et avec une grande souplesse.

Une autre nouveauté : les secrétaires d’état, que l’on peut comparer à nos ministres actuels.
Ils seront chacun chargé soit des affaires de la guerre, soit des affaires intérieures, soit des
affaires maritimes, etc. Des départements se créent et les secrétaires d’Etat sont les chefs de
ces départements. La spécialisation est donc très importante.
69

Ce qui revient à dire que parallèlement à la professionnalisation on va apparaître des


spécialisations exercées par des bourgeois.

En ce qui concerne les personnes qui exercent ces charges, nous voyons une évolution : une
place toujours croissante des bourgeois et une place réduite des nobles.
Il y a toujours de nombreux nobles en France, mais ceux-ci ont de moins en moins
d’influence politique : le Roi s’efforce de les parquer à la Cour.
Charles VIII va influencer les nobles à demeurer à la Cour pour qu’en dépensant leur argent
dans la fête et le luxe, ils ne soient trop occupés que pour ne pas chercher à se soucier de la
politique. En effet, le Roi préfère confier celle-ci à la bourgeoisie d’office, composante,
groupe dans la société qui va de plus en plus s’imposer.

Les assemblées d’Etat – phénomène de représentation

Les États généraux ont connu leurs plus beaux jours lors de la guerre de Cent Ans : ils étaient
forts lorsque le Roi ( la royauté ) était faible.
A côté de ceux-ci, on trouve les États provinciaux (par province, il y a une assemblée d’Etat).
Dès le XVIe siècle, on constate une régression du rôle joué par les assemblées d’Etat.
Les États provinciaux continuent leur activité durant les temps modernes (impôts provinciaux,
etc.) tandis que les États généraux connaissent un net déclin.
Entre 1484 et 1560, les États généraux ne seront plus réunis, réapparaissant lors d’une
nouvelle période de faiblesse : la guerre de religion où s’affrontent Catholiques et Protestants,
lors du troisième quart du XVIe siècle, vers 1560/1580. Mais cette efficience, ils la perdront à
nouveau dès le XVIIe siècle : le Roi limite ce qui est de nature à freiner son pouvoir.

La grande manière de faire des souverains absolutistes peut se résumer en cette phrase :
« gouverner avec des hommes plutôt qu’avec des institutions ».

Les institutions ont tendance à gêner le Roi, donc on va favoriser davantage les individus.
Il n’y a pas que la France qui va connaître l’absolutisme : l’Espagne, etc.
Ce sont principalement des princes ecclésiastiques.
Mais d’autres pays ne le connaissent pas : l’Angleterre, etc.

3. Absolutisme

Sens étymologique
Que signifie « absolutisme » ? Etymologiquement : « ab » = de, « solutus » = détaché.
Le Souverain est détaché de toutes les contraintes du droit positif : il n’est pas soumis à des
règles. Selon le droit romain, le Roi est « legibus solutus », le Roi n’est pas assujetti, pas tenu
aux lois, au droit positif qui consiste en les lois qu’il fait. Mais attention il y a quand même
des limites.
Le terme « absolutisme » est donc la meilleure expression de son pouvoir.
Une caractéristique de l’absolutisme est que le Roi fait les lois.

Sens dérivé
« Absolutisme », c’est un système où le Roi rassemble tous les pouvoirs, les concentre : il est
le maître des règles, fabrique les lois, il contrôle les coutumes, il a le monopole.
En effet, il monopolise tous les pouvoirs de caractère public : politique, judiciaire, législatif,
administratif, militaire, fiscal, etc.
70

Un autre volet qu’il nous faut souligner : puisque le Roi n’est soumis à rien ni à personne en
théorie, il peut donc soumettre tous et tout.
L’absolutisme fait que le monarque absolu doit veiller à ce que les forces du Royaume soient
bien intégrées à son projet de gouvernement : il doit éviter les forces centrifuges.
Pour que ne règne qu’un ordre unique, celui du Roi, et son refus de se soumettre à quiconque,
celui-ci doit se montrer autoritaire, maître.

Si les principes sont permanents, les modes d’exercice peuvent varier.


La France connaîtra deux formules : le mode Richelieu et le mode Louis XIV.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, on voit s’installer le gouvernement d’un principal
ministre : pas absolutisme d’un Roi.
Louis XIII est bien défini comme absolu mais le véritable détenteur du pouvoir est le principal
ministre : le cardinal de Richelieu.
Pendant la régence de Louis XIV, le cardinal Mazarin occupera ce poste.
Ces cardinaux vont donner corps à l’absolutisme sans que ce soit le Roi qui exerce le pouvoir.
Mais vers 1660, Louis XIV va mettre les choses au point : pas de principal ministre, « c’est
moi qui exerce le pouvoir ».
L’absolutisme atteint son apogée sous le règne de Louis XIV (1643 – 1715).

Au milieu du XVIIe siècle, on ne parle plus d’ « avènement » car l’absolutisme est pleinement
accompli et installé en France pour longtemps : jusqu’en 1789.

b) Les limites

Le mot absolutisme ne veut pas dire « sans limite » : le Roi peut faire ce qu’il veut, en théorie,
car en réalité, il y a de sérieuses limites qui s’imposent à lui.

1. Lois divines et naturelles ou limites idéologiques

Celle limite relève de la référence à la loi divine et à la loi naturelle. :


Le Roi est tenu de la volonté divine qui lui commande d’être juste et bon. En effet, le Roi,
ayant une autorité de droit divin, est le représentant de Dieu sur terre, il doit donc se soumettre
à la loi divine, c’est-à-dire agir selon le respect des grands principes de la foi chrétienne : être
juste, être bon, etc. GOSH  le roi doit agir selon des concepts de droit divin.
De même la loi naturelle impose au Roi de respecter un certain nombre de principes : le Roi
ne peut pas porter atteinte à la liberté de ses sujets, à la vie familiale (institution des plus
sacrées = la famille, noyau de l’humanité voulu par Dieu).

2. Lois fondamentales du royaume

Cette expression est utilisée à partir de 1575 (XVIe siècle) : ce sont les principes de base de la
monarchie française : ils existaient avant mais on va mieux les définir.
Ces lois mettent des barrières à l’exercice du pouvoir, quelles sont-elles ?

- Le sacre (la loi divine n’est pas loin) : lors de son sacre, le Roi prononce un serment
par lequel il s’engage à respecter les règles en vigueur, les coutumes du Royaume et
ses sujets (idée de conception ministérielle du pouvoir avec l’élément religieux sous
carolingiens).
71

- Les règles de succession : le Roi de France ne désigne pas librement son successeur
(rex coronatus, rex designatus : revoir premier quadri). Fin du Moyen Age, hérédité
de droit : mais le Roi ne choisit pas lequel de ses enfants sera le successeur : le fils
aîné, ou le fils aîné du fils aîné, si le fils aîné meurt sans descendance, on prend le
second fils. Mais ce ne sera jamais un fille. Des situations assez complexes peuvent
apparaître. Ces règles sont indépendantes de la volonté du roi et s’impose à lui.
A la fin du XVIe siècle, à la mort d’Henri III, Henri IV va lui succéder. On dit que c’est
son beau frère mais ce n’est pas la raison : en effet, il est le plus proche parent masculin
d’Henri III, mais à la 25e génération. Il a fallu remonter l’arbre généalogique jusqu’à Saint
Louis : on passe de la dynastie des Valois à la dynastie des Bourbons.
A la mort de Louis XIII, Louis XIV est trop jeune pour régner : le roi est majeur a treize
ans accompli (lorsqu’il entre dans sa quatorzième année) : la régence s’arrête à ce jour.

- La catholicité : avec le développement du protestantisme, nous avons en France


plusieurs religions, mais il convient que le Roi appartienne à la religion catholique.

- La théorie statutaire du pouvoir : ceci n’est pas nouveau, mais exprimé de façon plus
explicite : c’est la conception qui définit le statut du Royaume. Le Roi, c’est une
chose, le Royaume, c’est autre chose : le Roi n’est pas propriétaire du Royaume, il est
une personne physique appelée à mourir, tandis que le Royaume ou la Couronne est
une réalité intemporelle, le Roi n’est donc que le détenteur temporaire de la Couronne,
il n’est donc pas propriétaire du Royaume.

Et de là découlent les deux éléments capitaux de cette théorie :

1) l’indisponibilité de la Couronne : le Roi ne peut pas se décharger sur une autre


personne de son choix de la couronne parce que la couronne n’est pas son bien.
2) l’inaliénabilité du domaine royal : le Roi ne peut pas céder un territoire du Royaume à
qui que ce soit ni même une moindre parcelle. Si une modification doit avoir lieu du
territoire, il faut un consensus du Royaume, que cela soit discuté aux États généraux. Ce
sera de même pour les donations.

Les règles seront parfois non respectées mais elles permettent de freiner le Roi.
3. Limites structurelles, institutionnelles

Ces limites relèvent avant tout des Parlements, dont la pluralité apparaît dès le XVe siècle :
généraux et provinciaux. Ces Parlements constitueront un frein possible à l’activité
institutionnelle des Rois.
Les Parlements français, à côté de leur activité judiciaire (Cour de Justice), ont une
compétence non judiciaire, « parajudiciaire » : ils enregistrent les ordonnances.
Un texte de loi royal, pour être promulgué, doit être transcrit dans un registre : si la
transcription n’a pas lieu, la loi n’est pas applicable. Or cet enregistrement n’est pas
automatique car les Parlements peuvent refuser d’enregistrer une loi tout en se justifiant :
cette loi va à l’encontre des privilèges des Parlements, cette loi ne va pas dans le sens des
intérêts du Royaume, etc.
Le Roi peut-il réagir ? Oui, il peut envoyer une lettre de jussion (iussum = l’ordre) dans
laquelle le Roi parle de l’édit, mais le Parlement peut à nouveau refuser.
72

Le Roi peut se rendre au Parlement pour tenir un lit de justice : c’est une séance solennelle où
le roi vient en personne au Parlement pour la présider : il dirige les opérations et fait
enregistrer l’édit, celui-ci peut alors être promulgué.
Bref, le Roi a le dernier mot : en soi, oui, puisque nous sommes dans un système absolutiste.
Mais ce frein va lui faire perdre du temps, va faire réfléchir le Roi et ses ministres, surtout si
six ou sept Parlements se mettent à refuser la loi : le Roi va devoir se rendre à travers tout le
Royaume. C’est arrivé : Charles IX a dû faire le tour de France pour faire enregistrer son édit :
cela lui a pris des mois.

En-dehors des enregistrements, les Parlements peuvent constituer une limite au pouvoir royal
car les membres de ces Parlements sont fort respectés, écoutés.
Ces officiers tiennent à leurs privilèges : ils sont au service du Roi et du Royaume mais ils ne
sont pas des valets de l’absolutisme royal, ils font valoir en bloc leurs privilèges. D’ailleurs,
au XVIIIe siècle, les Parlements constitueront par excellence l’élément conservateur, stable,
figé dans les institutions royales françaises.
Après 1789, on a noirci cette image de la Royauté, on a dit les rois arbitraires, tyranniques, on
a construit une légende, alors que ce n’était pas tout à fait le cas.
Ainsi, Louis XVI était épris de réformes, mais les Parlements représentaient un frein à ces
réformes.

D’autres limites

Les dimensions du Royaume représentent une limite certaine : les communications ne sont
pas toujours faciles car les distances sont grandes. C’est pourquoi, dans certaines régions du
Royaume, ce sont encore des princes ou des seigneurs qui dictent leur volonté : le Roi français
absolutiste moderne ne fait donc pas absolument ce qu’il veut.

c) Institutions politiques, administratives et représentatives

1. Conseil royal

Conseil royal = le gouvernement

La première remarque qu’il faut faire est d’ordre grammatical : officiellement, il y a en


France, au XVIe, XVIIe siècle, comme au XIII, XIVe, UN conseil, le Conseil royal qui
représente l’unité structurelle du Roi.
En réalité, le Conseil, unique dans ses structures, est pluriel dans son fonctionnement (unité et
diversité) : il y a plusieurs conseils de gouvernements qui participent tous, mais pas de la
même manière et pas de même niveau, aux affaires gouvernementales.

Le gouvernement des souverains absolutistes est appelé par les historiens un « gouvernement
en conseil ».
Le Roi décide seul mais pas en solitaire.

Le Roi prononce le mot décisif, mais avant d’y arriver, il se fait conseiller, il travaille avec un
entourage. Toutes ses prérogatives, dont il a le monopole, il les exerce avec des personnes
qu’il estime compétentes.

Quels sont les conseils en question ?


73

Une distinction peut être faite entre les réunions auxquelles le Roi participe, dans lesquelles il
s’implique, joue un rôle et où des décisions sont prises (= Conseil de décisions, de
gouvernement) et celles où il ne s’implique pas (= Conseils pour la galerie).

Les Conseils efficients :

- Conseil qui au sein du Conseil porte un nom : le « Conseil d’en-haut », ou « Conseil


privé », qui touche de près à la personne du Roi, « Conseil secret » en petit comité,
« Conseil étroit » comportant très peu de membres, « Conseil des affaires » des grands
dossiers. Ce conseil comportera donc très peu de membres.
Qui avons-nous dans ce Conseil ? Cinq, six personnes maximum : les ministres d’état,
collaborateurs les plus proches du Roi qu’il choisit, et parfois qu’il change de réunions en
réunions : gouvernement par « des hommes » : le Roi fait venir qui bon lui semble selon
les matières qui sont à traiter, il adapte les convocations aux affaires traitées. Le roi fait
donc venir qui il veut.
Lors du Royaume de Louis XIV, peu de personnes y ont accès. Ce Conseil se tient
d’ailleurs dans les appartements du Roi.
De quoi s’occupe-t-il ? Des grandes affaires, importantes pour le Royaume.

- Le Conseil des dépêches tient son nom (roi) du fait que c’est lui qui expédie aux
fonctionnaires (gouverneurs notamment) des dépêches, les ordres du Roi, et reçoit des
hauts fonctionnaires du Royaume des rapports. Ce Conseil est donc une espèce de
ministère de l’intérieur (information, communication) = institution administrative.
Qui y trouve-t-on ? Les secrétaires d’Etat qui ont en charge les grands départements. Sous
Louis XIV, quatre secrétaires d’état importants, traditionnels :
• secrétaire d’Etat des affaires étrangères
• à la guerre
• à la marine,
• à la maison du Roi (affaires politiques internes).

- Le Conseil des finances s’occupe des finances des Royaume. Le contrôleur général
des finances y est l’homme clef en la matière, c’est l’homme de confiance pour tout ce
qui touche à l’argent dont la gestion. Il est assisté de quelques conseillers d’Etat
spécialisés en finances. Il ne s’occupe pas que des finances et du budget de l’état, mais
aussi de la politique économique (économie politique). En effet, Louis XIV n’a pas
fait que des guerres, il a aussi cherché à développer l’économie.

Parlons à présent du « Conseil » tel que nous le connaissons, et qui n’est en réalité plus là
que pour la forme.
- Le Conseil d’état privé, finances et direction : c’est l’ancienne curia, c’est là que
viennent les princes, les membres de la famille royale, les grands féodaux, les
ecclésiastiques : c’est l’expression d’une féodalité royale.
Le Roi n’y vient pas, il a un représentant.
On y discute du « surplus », mais aussi des affaires judiciaires. En effet, le Roi va développer
l’activité judiciaire de son Conseil pour que le Parlement ne se l’attribue pas en entier. C’est
pourquoi on appelle aussi ce conseil le « Conseil des parties » : des parties viennent débattre
par personne interposée.
Ce Conseil est loin d’être le conseil de la grande décision ! On donne aux grands personnages
l’illusion qu’ils participent au gouvernement du Royaume.
74

2. Fonction publique

Le nombre d’offices augmentent : plus on en crée, plus l’argent rentre dans les caisses.
La vénalité des offices a cependant ses limites.
Vénalité signifie propriété pour celui qui a acheté. C’est-à-dire que ceux qui ont acheté un
office sont propriétaires et donc inamovibles et le Roi est tenu de faire avec ces personnes.
De plus, la vénalité des offices a favorisé l’hérédité des offices, sans que le Roi ne puisse s’y
opposer : l’office est encore moins disponible pour le Roi.
On a décidé que celui qui reprenait l’office de son père devait payer un impôt.
Mais il y a un avantage à l’hérédité car le fils est préparé à succéder à son père dans la
charge : sur le plan de la compétence, c’est avantageux. Mais attention, il arrive que le père
soit très bon officier et que le fils se révèle incapable.

A partir du XVIe siècle se développent les commissions : le commissaire n’est nommé que
pour un temps, pour un certain délai. Une fois sa tâche accomplie, le commissaire doit se
démettre : révocabilité. Les commissaires sont donc des pions que le Roi et ses ministres
peuvent reprendre, rejeter, etc. De véritables concurrences vont donc s’installer.
Exemple : la fonction des intendants sous Louis XIV.
Les officiers parmi les plus prestigieux sont les gouverneurs de province et ils appartenaient
généralement encore à la haute noblesse (tradition féodale, de père en fils, indéboulonnables
pour le roi et gênant car réalisant leur propre justice).
Les intendants sont issus de la petite noblesse, de la haute bourgeoisie, qui vont s’élever grâce
à leur service : ils vont surveiller les gouverneurs, leur faire concurrence.
Des procès auront lieu entre eux, et on y favorisera les commissaires et intendants par rapport
aux gouverneurs, on parle de conflits de compétences.

Nous nous trouvons donc en présence de deux composantes qui permettent de créer un travail
en complémentarité : les commissaires qui sont utilisables avec souplesse et les intendants qui
manifestent un dévouement à la fonction royale pour conserver leur charge.

3. Etats généraux

Sous le règne de Louis XIII, les États généraux connaîtront leur dernière réunion en 1614
avant de se réunir à nouveau pour fomenter la révolution française de 1789, mais ils n’ont pas
disparu. Leur composition est une cause de leur non efficience : nobles, clergé, délégués des
villes et des provinces.
Ces délégués étaient devenus des officiers au service du Roi : dans ces conditions, les États
généraux ne pouvaient plus marquer leur rôle de frein.
Le déclin des assemblées représentatives, de la représentation, est une caractéristique, une
marque de l’absolutisme français.

Chapitre II : L’Angleterre et le parlementarisme

! Ne pas confondre le Parlement et le parlementarisme !

a) Des rapports de force : roi, conseil et parlement


75

Les temps modernes en Angleterre se situent au XVI, XVIIe et XVIIIe. L’Angleterre


connaîtra trois dynasties correspondant plus ou moins à ces siècles et qui utiliseront chacune
trois différentes façons de gérer leurs relations avec le Parlement, chacune correspondra à une
certaine manière de gérer le pouvoir.

1. Absolutisme d’intention : dynastie des Tudor (1485 – 1603)

Dynastie des Tudor : « absolutisme d’intention » et non de réalisation car on en est resté à
l’intention, mais le fait qu’on l’évoque va signifier que nous aurons à cette époque une
dominance royale.
Cette dynastie couvre le XVIe siècle, de 1485 à 1603, et descend de la dynastie des
Plantagenêt qui descend elle-même des rois normands : il y a donc une continuité.
La guerre civile des deux Roses avait opposé deux camps anglais. La noblesse anglaise a
beaucoup souffert de cette guerre car de nombreux seigneurs et vassaux y laissèrent leur vie.
Le vainqueur est un Tudor, Henri VII, mais il épousera une princesse de l’autre camp, de
l’autre branche, afin d’assurer la conciliation. Son premier objectif sera donc de rétablir
l’ordre public. En effet, la guerre des deux Roses a succédé à la guerre de Cent Ans et a donc
laissé l’Angleterre appauvrie matériellement et moralement : un pays vaincu connaissant des
troubles internes.
Henri VII va donc instaurer des formes autoritaires de gouvernement, on peut parler de
gouvernement personnel ou de monarchie autoritaire, étant donné les circonstances, les
besoins du moment.
Il va fonder sa propre Eglise, rompre avec Rome en 1530. Cette rupture amène Henri VIII à
fonder l’anglicanisme. La politique religieuse menée par Henri VIII, le second Tudor, va
renforcer l’autorité royale car les enjeux entre l’état et l’Eglise avaient souvent affaiblis : la
position du Roi d’Angleterre se renforce et il prend possession des biens de l’Eglise
catholique pour les rattacher à la couronne car les biens de la couronne d’Angleterre sont
sécularisés, cela renforcera donc les moyens d’Henri VIII.
Lors de cette période, le pouvoir royal est intense, et ce qui caractérise cette intensité est le
fait que les Tudor vont gouverner avant tout avec leur Conseil, dit « le troisième partenaire »
par Mr Cauchies.
Le Parlement est mis de côté par les Tudor, il est réuni de manière limitée car c’est
essentiellement avec le Conseil que le Roi gouverne. En moyenne, le Parlement est réuni une
fois tous les quatre ans, ce qui est très peu et ne correspond pas à la tradition anglaise des
XIVe et XVe siècles. Henri VIII va s’efforcer de gouverner en contournant le Parlement : il
fait des « proclamations » avec son Conseil, qui sont des lois n’ayant pas besoin de l’aval du
Parlement : ce sont des règles qui ont force de loi et qui ne passent pas par le Parlement.
L’autre compétence du Parlement est la compétence fiscale, dans ce département, Henri VIII
parvient à s’en passer également car il a constitué un bien important grâce aux biens de
l’Eglise qu’il a sécularisé : il a moins besoin d’impôts pour trouver des fonds.
En 1603, la fille d’Henri VIII meurt sans héritiers. C’est un cousin de la reine défunte, de la
famille des Stuart, qui monte sur le trône.

2. Equilibrage sous les Stuart

Dynastie des Stuart : « équilibrage », de 1603 à 1649 et de 1660 à 1714 :

L’union des deux couronnes : désormais c’est le même roi.


Les Stuart vont gouverner jusqu’en 1714, mais avec une interruption, très révélatrice.
76

Le premier Stuart est Jacques Ier, d’emblée, il s’efforcera de poursuivre la politique menée
par ses cousins Tudor, il va donc développer un pouvoir autoritaire.
Il lorgne beaucoup vers la France, car il est un contemporain de Louis XIV, du temps où
l’absolutisme de droit divin s’installe. C’est pourquoi il a l’ « intention », comme ses
prédécesseurs l’avaient eu, de faire valoir l’absolutisme, et il va même plus loin que les
Tudor : il énonce des prétentions au droit divin.
Jacques Ier va concevoir la monarchie comme l’image de la divinité et considérer que toutes
les institutions doivent dépendre de son autorité, seulement, les Stuart n’ont plus les mêmes
moyens que les Tudor : les biens pris à l’Eglise sont épuisés, il va falloir faire appel au
Parlement pour avoir de l’argent.
Sous le deuxième Stuart, les choses se gâtent, les rapports entre le Roi et le Parlement
deviennent de plus en plus houleux.
Entre 1603 et 1629, le Parlement avait été dissout cinq fois : le Roi le réunit et puis décrète
que c’est terminé, il ne doit plus se réunir = dissolution du Parlement.
A partir de 1629, cela devient plus grave : le Parlement pendant plus de dix ans ne sera pas
réuni, jusqu’en 1640 : sommet de la tension.
En 1640, c’est la révolution : le Parlement se réunit presque de façon révolutionnaire, et
exerce le droit d’empeachement : des ministres du Roi sont accusés et condamnés.

Rappel premier quadri :


En 1376, est créé le droit d’empeachment : le Parlement peut mettre en accusation un
ministre/officier du roi, être contre des collaborateurs du roi et les condamner parfois jusqu’à
la peine capitale, cela permet un contrôle sur le pouvoir sur le roi, pas directement sur lui,
mais via ses collaborateurs.

De plus, le Parlement revendique sa compétence fiscale, il n’acceptera plus un impôt


régulier, il faudra passer par lui, et il n’acceptera plus que le Roi puisse le dissoudre sans
l’accord des parlementaires.
C’est l’affrontement, en 1642, qui se traduira par une guerre civile entre les partisans du Roi
et les partisans du Parlement. Cette guerre va durer plusieurs années, couvrant les années 40,
et se terminera en 1649 par la capture du Roi, sa condamnation et son exécution.
Le Parlement va faire juger le roi Charles Ier pour haute trahison et celui-ci, suite à un
jugement du Parlement, sera décapité : c’est un stade aigu de conflit.
La monarchie anglaise sera même abolie pour un peu plus de dix ans, ainsi que la chambre
des Lords puisqu’elle était favorable à la monarchie.

Un régime tout à fait nouveau est instauré, la « république » du Commonwealth ou du


« bien commun » (1649 – 1660).
En réalité, il s’agit de la dictature d’un homme, d’un parlementaire : Olivier Cromwell, qui
s’est imposé comme chef de guerre, dirigeant l’armée du Parlement et farouchement opposé à
toute tentative d’absolutisme royal. Mais là-dessus se greffe une dimension religieuse car
Cromwell et ses partisans ne sont pas des anglicans mais des protestants très durs que l’on
appelle puritains.
Le puritanisme est un protestantisme très strict qui s’est implanté en Angleterre et en Ecosse.
Les puritains sont majoritaires dans l’armée et à la Chambre des Communes : ils imposent
leurs lois : ils sont opposés à la monarchie, à la hiérarchie royale et ecclésiastique.
Le gouvernement de la Chambre des Communes revendique le principe du peuple
souverain, elle affirme que le gouvernement doit être attribué au peuple et seule la chambre
des communes, qui est la voix du peuple, peut donc définir la souveraineté : celle-ci est
refusée au Roi.
77

Parler de République est vraie sur le papier, mais en réalité, il s’agit d’une dictature : Olivier
Cromwell est un dictateur qui ira jusqu’à effacer le Parlement qui lui avait permis
d’atteindre le pouvoir.
En 1653, Cromwell va faire rédiger une constitution pour l’Angleterre et c’est la seule que
l’Angleterre connaîtra dans son histoire. En effet, l’Angleterre n’est pas un pays comme ceux
des continents où, sous l’influence du droit romain, on rédige des Constitutions, c’est une
tradition constitutionnelle qu’il veut instaurer.

A la mort de Cromwell, on constate que ce personnage était pire que la monarchie, on assiste
donc à la restauration des Stuart en 1660 : le Roi Charles II, qui était exilé en France, va
revenir en Angleterre, on restitue la souveraineté à la monarchie.
Mais les ennuis des Stuart ne sont pas terminés car Jacques II va pratiquer une politique qui
continuera à déplaire aux Anglais car celle-ci est autoritaire : les Stuart n’ont pas tiré la
leçon ! Ex : ils vont instaurer des taxes sur le commerce de leur propre autorité, ils vont se
montrer ouvertement catholiques (Jacques II le montre bien), et point de vue de la loi, les
Stuart décrètent que tout ce qui n’est pas réglé par des lois leur appartient : c’est encore une
fois une manifestation d’un absolutisme d’intention.
Cela va déboucher en 1688/89, sur une seconde révolution qui sera très différente de la
première : elle ne dure que quelques mois et ne sera pas sanglante.
Le Roi ne sera pas exécuté, il n’y aura pas de bataille : Jacques II abdique et retourne en
France. On place alors sur le trône la fille de Jacques II, Marie II, qui a une position
politique plus docile que son père.
Lié à la révolution, un acte important a lieu en 1688 : la « déclaration des droits ».
Nous aurons deux reines Stuart : la reine Marie II, la reine Anne, et en 1614, celle-ci n’ayant
pas d’héritière, on passe à une autre dynastie, d’origine allemande : les Hanovre, proches
parents des Stuart. (Il restait des Stuart, mais on n’en voulait pas car ils étaient catholiques, on
préfère les Hanovre car ils sont protestants).

3. Succès du parlementarisme sous les Hanovre

Dynastie des Hanovre, de 1714 à aujourd’hui : succès du parlementarisme.


Georges Ier inaugure cette nouvelle dynastie.
Les gens du Parlement ayant orienté la révolution en donnant le pouvoir à Marie II et
maintenant aux Hanovre, nous comprenons que la dynastie de Hanovre marquera le succès du
parlementarisme.
En 1701, le Parlement avait d’ailleurs pris des dispositions, notamment grâce au « Act of
Settlement » (acte d’établissement).
Comme il savait qu’avec la reine Anne une dynastie allait s’éteindre, le Parlement en 1701
avait déjà prévu la succession future de la reine par les Hanovre : ce n’est pas seulement une
question de famille. L’act of settlement définit les prérogatives du roi ou de la reine, et
celles-ci sont limitées par l’action du Parlement.
Pour parler en termes actuels, ce que le Parlement fait à ce moment là, c’est déterminer en
quelque sorte que le Roi aura le pouvoir exécutif, alors que le Parlement détiendra le pouvoir
législatif (il l’a déjà mais on le confirme), le pouvoir d’initiative : on assiste à un début de
séparation des pouvoirs : on limite la « prérogative royale ».
Or ceci est différent du système français contemporains, l’absolutisme rassemblant les trois
pouvoirs entre les mains du monarque.
Dès ???jai pa la date, le Parlement veut donner au peuple anglais toutes les garanties à la
liberté, à leurs droits. La Grande Charte de 1215 définissait un certain nombre de libertés :
on les rappelle et les renforce.
78

Rappel premier quadri :


En 1215, Jean doit concéder à l’ensemble de peuple la magna carta libertatum : la grande
Charte des libertés. Pour mettre fin à cette opposition conjuguée, Jean capitule et reconnaît
ce qu’on exige de lui et promet :
1. de ne plus intervenir dans les affaires des l’Eglise,
2. que les obligations, services féodaux seront fixes, limités, raisonnables,
3. de ne pas augmenter les impôts et de permettre la liberté de circulation en et hors
d’Angleterre.
Le roi y donne des garanties globales : il reconnaît qu’il doit se soumettre à la loi du pays,
qu’au-dessus de sa personne royale, il y a le droit national, le droit commun du royaume
d’Angleterre : c’est exceptionnel que le rex reconnaisse au-dessus de lui la lex. Et dans le
dernier article, il formule son engagement le plus lourd : le droit de résistance. Jean reconnaît
que s’il déroge aux dispositions de la charte, le peuple ne doit plus lui obéir, peut lui prendre
ses biens et le contraindre de toutes les manières possibles, mais pas le toucher (lèse majesté =
délit le plus grave). C’est un frein, un coup de barre pour Jean et ses successeurs, mais le
texte est très moderne, quoiqu’il ne faille pas y voir un droit du peuple anglais (ce serait un
anachronisme) mais un texte accordant des libertés : texte nouveau en soi mais féodal car la
charte est soumise à l’inspection du conseil, de la curia, composée des vassaux. Ceux-ci
contrôlent le respect de la grande charte, qui est donc féodale. Le pouvoir des Plantagenêt ne
s’effondre pas mais le roi est sous le contrôle de tous.
Attention : une monarchie sous contrôle n’est pas une monarchie constitutionnelle puisque
la grande charte n’est pas une constitution mais des plaintes de circonstances.

Le Roi va régner (il est sur le trône, sa légitimité est reconnue) mais pas gouverner (il ne
gouverne qu’avec l’accord du Parlement).
En partant de l’absolutisme d’intention jusqu’au parlementarisme du XVIIIe, nous pouvons
voir que l’Angleterre s’est choisi une voie radicalement différente de celle de la France.

 dans notre recueil, tableau généalogique des dynasties à étudier.

b) Les limites

Les limites en Angleterre seront d’autant plus marquées qu’il n’y a pas d’absolutisme
accompli.

1. Parlement

Après avoir connu une sérieuse éclipse sous les Tudor, le Parlement va connaître l’obtention
d’un certain nombre de dispositions, en fonction de concessions anciennes et nouvelles.
En 1604, c’est le tout début des Stuart, et le Parlement obtient déjà deux concessions
importantes :
1) le pouvoir de vérifier et de valider ses élections : les membres du Parlement de la
Chambre des Communes (on a rétabli la Royauté en même temps que la Chambre des
Lord), une fois que les élections ont eu lieu, contrôlent s’il n’y a pas eu de fraude, si
tout s’est bien passé : ils contrôlent la validité des élections qui ont eu lieu.
2) la liberté de parole : contrairement à ce qui s’était fait précédemment, un
parlementaire ne peut être privé de parole, il a la liberté de s’exprimer dans les
discussions, dans les débats. Le Parlement obtient d’ailleurs le pouvoir de juger ses
membres.
79

C’est une augmentation des prérogatives du Parlement que l’on obtient au seuil d’une
nouvelle époque dynastique.

En 1628, peu de temps avant le conflit entre le Roi Charles Ier et le Parlement, un acte qu’on
appelle « une pétition de loi » est adopté : c’est une liste de griefs, de plaintes, de
revendications remise par le Parlement au roi Charles Ier.
*Le Parlement se plaignait notamment que le Roi se permettait des emprunts forcés : sous
prétexte d’emprunter de l’argent aux officiers royaux par exemple, le Roi ne remboursait pas.
C’était une façon pour le Roi de garder l’argent.
*Parfois, on emprisonnait des gens hors du royaume d’Angleterre : le Parlement s’en plaint
car il décide qu’il faut être constitué prisonnier sur le sol anglais.
*De plus, on avait instauré des Cours martiales, et ceci ne correspondait pas à la tradition
anglaise.
*Et autres revendications.
 Si Charles Ier ne souscrit pas à cette pétition, il ne recevra plus d’argent.

En 1688, 89, on assiste à l’octroi par la nouvelle reine Marie II et son mari hollandais
Guillaume III aux Anglais du Bill of Rights, qui est un projet définissant des droits.
La forme définitive de ce Bill of Rights sera acquise en jai pa la date …

Certains se réfèrent à des concessions obtenues déjà au …ici non plus jcrois que j’ai
déccroché à ce moment là  coool t’aurais qqch à compléter ^^
Les Anglais aiment définir les choses de façon pratique, ce seront donc toute une série de
libertés données aux Anglais qui nous feront comprendre qu’on a affaire davantage à des
citoyens qu’à des sujets par cette garantie de leurs droits.
Cette déclaration des droits peut être considérée comme la porte d’entrée dans le
parlementarisme.

4. Les Cours de Common Law

Celles-ci vont également jouer un rôle.


Il est visible que les Rois Tudor ont essayé de favoriser l’Equity car ils avaient davantage le
contrôle de cette justice, selon la méthode romano-canonique.

En quoi les Cours de Common Law sont-elles une limite ?


 Parce qu’elles ont pour elles la force de la tradition.

D’ailleurs en 1616, le Roi va définir officiellement la supériorité de l’Equity sur le Common


Law : lorsqu’il y a un conflit entre deux règles de ces deux droits celle de l’Equity prime.
Du côté des Cours de Common Law, on va réagir et s’affirmerera de plus en plus la
supériorité du Common Law non seulement sur l’Equity, mais aussi sur la Loi, et donc sur
le Parlement tout autant que sur le Roi.
On va rappeler que ce qu’il y a de plus puissant dans le Royaume, c’est la lex : le droit au
sens large : la lex est au-dessus du rex (cf. Grande Charte premier quadri). Et cette supériorité
de la lex vaut également pour le Parlement.
On aura donc des conflits entre les normes : entre le droit produit par les Cours de Common
Law et le droit voté par le Parlement : entre la jurisprudence et la législation.

Il convient de signaler un texte de 1679, du temps du Roi de Charles II : l’ « Habeas corpus


Act ». Les premiers mots du texte : « corpus habere » = tenir le corps, la personne physique.
80

Ce texte oblige un geôlier d’aller présenter ce prisonnier devant le juge afin qu’il sache de
quoi il est accusé : il faut éviter que quelqu’un aille en prison sans savoir pourquoi.
La notion d’ « Habeas corpus act » marque la notion physique => obligation dans laquelle se
trouve un juge de motiver un emprisonnement : c’est une des grandes acquisitions dans la
lutte contre l’autoritarisme royal.

3. Moyens d’action : fonction publique – armée

Pas assez de fonctionnaires, armée insuffisante => ce sont des limites fonctionnelles.
L’armée royale ayant perdu contre le Parlement lors de la guerre civile, cela montre que les
effectifs de l’armée ne sont pas suffisants.

c) Institutions politiques, administratives et représentatives

1. Conseil de gouvernement ou Conseil royal

Comme en France, en théorie, il n’y a qu’un conseil : le roi a son conseil, ce sont ses
collaborateurs, ses ministres.

Le conseil privé, au XVIe, XVIIe, sous les Tudor et les Stuart, est un conseil assez classique
(// curia) dont le rôle est consultatif : il s’occupe des affaires que le Roi lui confie, des
grandes affaires du Royaume.
Pendant un siècle et demie, sous les deux premières dynasties, on observe une certaine
nuance, une certaine pratique : au sein du Conseil que l’on appelle plus couramment le
conseil privé, une activité bien spécifique s’installe, celle de la « Chambre étoilée ».
Celle-ci est l’un des moyens les plus clairs, de l’absolutisme d’intention, de l’autoritarisme
royal : elle est un tribunal créée de toute pièce en 1487 par le Roi Henri VII.
NB : Il est très rare qu’une institution soit créée de toute pièce à une date déterminée !

Cette Chambre étoilée est un tribunal politique, destiné à juger les grands troubles avec le
souci du bon ordre dans le Royaume. Henri VII voulait en effet mettre les choses au point, et
pour ce faire, il devait disposer d’un tribunal pour sanctionner les grands troubles : c’est un
tribunal extraordinaire car il ne relève ni du Common Law ni de l’Equity. La Chambre
Etoilée n’est pas une institution à part entière, mais une part du Conseil, c’est une sorte de
partie du Conseil qui sert le Roi : c’est un instrument d’absolutisme d’intention.
Avec Henri VIII, les opposants religieux feront aussi le soin de ce tribunal.
La Chambre étoilée utilise une procédure secrète : les Anglais n’y sont pas habitués car au
Common Law, tout est public, ouvert. Cette Cour criminelle et politique peut recourir à
l’usage de la torture, ce qui ne fait absolument pas non plus partie de la tradition anglaise.
Cette Chambre étoilée terminera sa vie en 1641, au début de la première révolution : elle est
abolie sous la pression du Parlement car elle est considérée comme un instrument détesté
des prétentions à l’absolutisme du Roi.
Nous tirons de cet événement que le Conseil anglais est un Conseil qui prend un visage
particulier en fonction des circonstances.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, on voit apparaître au sein du Conseil, une sorte de
noyau qui s’occupera de la gestion quotidienne : le Conseil de cabinet, c’est un comité
restreint : les ministres qui ont en charge les affaires quotidiennes.
Avec les Hanovre, le véritable Conseil royal, ce n’est plus que le Conseil du Cabinet,
composé d’un nombre assez restreint de personnes qui gèrent avec le Roi et sous l’œil du
81

Parlement, les affaires quotidiennes. Il développera l’idée de responsabilité ministérielle :


les ministres sont responsables devant le Roi et devant les Chambres du Parlement.
De plus, les membres du Conseil du Cabinet devront être choisis par le Roi dans la
tendance politique majoritaire parlementaire. En effet, des tendances politiques se
dessinent au Parlement. Nous avons toujours un Conseil, mais il est soumis à des contraintes
très sévères du Parlement (conséquence du parlementarisme).

2. Juges de paix

Cette institution est apparue au XIVe siècle et les rois Tudor vont en faire un assez grand
usage. C’est au XVIe siècle qu’ils connaissent leur plus grand développement. Ce sont, non
des juristes (des lawyers) mais des notables, des gens de terrain, de l’élite, qui sont utilisés
par le Roi pour les petites infractions, pour les affaires de police, pour les petites affaires, afin
de décharger les tribunaux.
Ces juges de paix sont un attribut de l’autoritarisme royal car ils ne dépendent que du Roi.
De plus, les juges de paix agissent sans se faire payer, contrairement aux fonctionnaires, ils
rendent un service à la couronne, à l’état, à l’ordre public : pour eux, c’est un honneur !

3. Parlement

Distinguons les deux Chambres :

• Chambres des Pairs/Lords : les Pairs étaient les grands vassaux du Roi, cette Chambre,
au grand prestige, connut un mauvais moment lorsqu’elle fut supprimée sous Cromwell,
puis elle joua un rôle important sous les Stuart car elle exerce le droit d’empeachement : elle
sera à la base du déclenchement de la procédure contre les collaborateurs du Roi. Henri VIII
a voulu que cette Chambre soit placée sous contrôle. N’oublions pas qu’un certain nombre
d’évêques, etc. sont restés catholiques et ont été expulsés du Parlement, d’autres se sont
convertis à l’anglicanisme. On va multiplier le nombre de familles ayant accès à cette
Chambre : Henri VIII va procéder alors à une épuration et va noyauter la Chambre des
Lords.

• Chambre des Communes : chevaliers (petite noblesse) et les députés des villes. Cette
chambre est gouvernée par la gentry (la classe moyenne), ce sont des commerçants, etc. fort
favorables au protestantisme car celui-ci favorise le commerce. Ceux-ci sont de plus en plus
nombreux : son nombre d’effectifs est accru. Cette Chambre sera à la base des
révolutions, elle limitera les prérogatives royales et assurera les règles de succession, de
dévolution de la couronne.

Dans la Chambre des Communes, le speaker va voir son rôle augmenter, il est le porte parole
du Roi et des ministres. Sous les Tudor, le speaker est davantage le représentant du Roi, mais
par la suite, il redeviendra ce qu’il devait être dans la tradition, c’est-à-dire le représentant, le
porte parole de la Chambre des Communes. Sa fonction devient importante car il est le
gardien, le défenseur des libertés, des garanties que la royauté à donné au Parlement et donc
à la population de l’Angleterre.

Apparition au sein du Parlement au XVIIIe siècle de tendances, de factions politiques : il est


trop tôt pour parler de partis, même si certains parlent déjà de « bipartisme » dans le
Parlement.
Les deux grandes tendances qui se développent existent encore aujourd’hui :
82

- les Tories ou « conservateurs »,


- les Whigs ou « libéraux ».
La tradition politique anglaise garde aujourd’hui des marques du XVIIIe siècle.
Au niveau de la représentativité, les élections se faisaient au suffrage censitaire, c’est à dire
qu’il fallait, pour voter, disposer d’un certain nombre de revenus.
C’est la conception des élections qui a prévalu dans de nombreux pays durant une période
importante, en Belgique, jusqu’au XXe siècle.
Lorsqu’ils se présentent à leurs électeurs, les parlementaires sont connus pour être plutôt
« Torie » ou « Whig » : la différence n’est pas énorme.
Les Tories sont davantage favorables à équilibre entre royauté et Parlement : attachés à un
pouvoir exécutif royal assez affirmé.
Les Whigs sont favorables à la restriction du pouvoir du roi, à la supériorité du Parlement et
donc du législatif sur l’exécutif.

Au XVIIIe siècle, le Roi choisira ses ministres dans la tendance majoritaire : c’est
obligatoire : si la tendance est du côté des Tories, il aura des ministres de cette tendance.
Les Anglais préfèrent les Tories, car ils sont monarchistes dans l’âme !

Jai rien sur la corruption et les bourgs pourris (syll cadre p 28) ??

Chapitre III : L’Empire germanique et les absolutismes « éclairés »

Germanique ne signifie pas « Allemagne » (voir carte), cet Empire comprend aussi la
Pologne, l’Autriche, les États patrimoniaux des Hasbourg.
L’Empire procure à son souverain beaucoup de prestige, mais n’est pas destiné à nous donner
une formule de gouvernement comme la France ou l’Angleterre. On dit parfois que l’Empire
est un « non-État » au sens où nous entendons le mot « État », c’est-à-dire un État moderne
avec des institutions qui fonctionnent, parfois avec certains heurts.
Un véritable État ne se réalisera pas en tant que tel dans l’Empire, ce qui sera la cause de son
échec, et corollairement, à cause de l’emprise de la papauté sur le pouvoir temporel.
Les États de type supranational ne se relèvent donc pas efficients, au contraire des États
nationaux. Mais cela ne signifie pas que l’Empereur va baisser les bras.

a) Efforts de restauration et échec impériaux

1. Sacrum Romanum Imperium Nationis Germanicae (1512)

Le pouvoir est électif : les Empereurs sont élus, mais jusqu'à le fin de l’existence de l’empire
le trône a toujours été occupé par un membre de la famille de Hasbourg. On pourrait avoir
l’impression que le trône est héréditaire, mais l’élection est réelle, il arrivait qu’il y ait
plusieurs concurrents.
La famille de Hasbourg trouve certes une force dans son prestige, mais elle doit passer la
barre des élections, qui se révèle être une marque de faiblesse : les Hasbourg ont survécu car
ils ont accordé des concessions et n’ont pas abusé de leur pouvoir en tant qu’Empereur.
Les élections sont donc une marque de sujétion, de conformité à ce que veulent les princes.
L’Empereur doit donc compter avec les princes, assemblés en Diète.
Le Sud et l’Ouest restent catholiques tandis que le reste de l’Empire devient protestant : cette
guerre religieuse affaiblira l’Empereur.
83

A partir de 1512, lors d’un Reichstag (Diète) à Cologne, on utilise de manière résolue et
définitive, la formule sacrum romanum imperium nationis germanicae : le Saint Empire
Romain de la Nation Germanique : on accorde la prétention (celle d’un Empire romain
universel et chrétien) et la réalité (celle d’un Empire de plus en plus réduit à l’Allemagne).
Ce n’est pas une contradiction mais une adaptation entre théorie et réalité.
Souvent, on parlait « des » Allemagne : Allemagne, et non Allemagna, comme nous pouvons
le voir à la carte p85 des textes. On compte en effet quelques 250 entités de droit
publique dans l’Empire : principautés territoriales, etc. Certaines sont plus importantes que
d’autres (ex : Bavière).

L’abolition, la disparition du Saint Empire (ses origines remontent au Xe siècle) se fera en


1804, le Saint Empire meurt de sa belle mort.
François II, l’Empereur de l’époque, est demeuré Empereur, plus Empereur romain, mais
Empereur d’Autriche. François II et ses successeurs seront Empereur au titre de leurs
possessions patrimoniales. On ne parle plus du Saint Empire mais de l’Empire Autriche –
Hongrie. On a perdu la prétention d’une souveraineté universelle.
On cite aussi la date de 1806 car entre 1804 et 1806, il y a eu cohabitation entre les deux
titres : Empereur du Saint Empire et d’Autriche.
Le principal responsable de cette évolution est Napoléon, qui a vaincu l’Empereur et
provoqué la transformation de l’Allemagne en confédération d’états et la disparition
juridique du Saint Empire en 1806.

2. Maximilien Ier réformateur

Maximilien est un Hasbourg, le grand père de Charles Quint, qui voulut institutionnalisé les
structures de l’Empire.
Parmi les différentes institutions, on trouve l’assemblée représentative, la Diète, mais aussi un
Conseil, le Hofrat ou Conseil aulique de l’Empereur.
Maximilien va essayer de moderniser le fonctionnement de ce Hofrat dans un sens assez
caractéristique de l’époque : en le spécialisant. Il va s’efforcer de le spécialiser en donnant
davantage des tâches bien définies à ses collaborateurs.
Mais les résultats seront assez limités en raison de la grandeur de l’Empire, de la disparition
des pouvoirs et du fait que les pouvoirs politiques appartiennent davantage aux grands
princes.

Soulignons une création durable en 1495 par un acte d’une Chambre impériale de Justice, un
tribunal Suprême : Reichskammergericht (reich = impérial, kammer = chambre, gericht =
tribunal) (toujours rare qu’une institution soit créée par un acte déterminé à un moment
déterminé). Précédemment, il y avait déjà un tribunal impérial, mais ses activités étaient
limitées car les princes parvenaient à s’en passer.
A la fin du XVe siècle, Maximilien veut faire valoir que la justice dans l’Empire doit être
« une » et que c’est lui qui doit se trouver à la tête de cette justice.
Le Reichskammergericht devra être partagé entre les deux grandes composantes de la société
juridique : moitié nobles, moitié …jai pas ??? qui devront être élus par la Diète.
Il s’agira d’une juridiction d’appel et par son acte de fondation en 1495, ce que l’Empereur
cherche à obtenir c’est la fin des guerres privées, véritable problème dans l’Empire dû à la
présence d’innombrables princes qui se mettent en guerre sans demander l’accord de
l’Empereur. Maximilien veut régulariser les conflits dans l’Empire.
84

Ce tribunal n’est pas un échec mais il ne permettra cependant pas à Maximilien de reprendre
le pouvoir dans l’Empire.

Maximilien va également créer les « cercles » : il divise l’Empire en plusieurs cercles,


regroupant chacun un certain nombre de principautés.
Ex : le cercle de Bavière, de Westphalie (principautés bordant le Rhin), etc.
Un cercle n’est pas une principauté, n’est pas une entité juridique mais administrative, il ne
sert qu’à créer un échelon intermédiaire dans l’administration de l’Empire. Les cercles ont
fonctionné, sans doute pas de façon idéale, mais ils permirent une certaine rationalisation.

3. Ferdinand II et la guerre de Trente Ans

Ferdinand II déclenchera la guerre de Trente ans : 1618 – 1648.


Ferdinand II a une haute conception de sa tâche : il pense devoir renforcer le pouvoir
impérial, pouvoir unique en son genre. Il s’entoure de juristes, mais pas la majorité, car ceux-
ci ne sont pas favorables à ce renforcement de pouvoir. Ceux qui l’entourent l’assurent qu’il
peut faire ce qu’il veut tant qu’il respecte le droit divin.
Il y a donc une sorte d’absolutisme d’intention qui pointe son nez : Ferdinand II ne doit pas
respecter les lois, il peut abroger des lois faites par les princes d’Empire : toute décision lui
appartient. Cette intention d’absolutisme, et le fait qu’il veuille réimposer le catholicisme,
vont faire qu’il va se mettre à dos de nombreux princes allemands, essentiellement les
Protestants, mais aussi la France.

En 1648, lorsqu’on signe les traités de Westphalie mettant fin à la guerre de Trente Ans,
Ferdinand II doit signer quelque chose qui est très important pour l’Empire : la proclamation,
l’affirmation des libertés germaniques.
Cela signifie que dorénavant, l’Empereur ne peut porter atteinte aux privilèges des princes, il
doit les laisser être maîtres chez eux. L’Empereur reste suzerain, les princes lui doivent
toujours allégeance, mais non souverain, il a les mains liées en ce qui concerne le pouvoir sur
le terrain. Les princes peuvent en effet avoir leur propre diplomatie, conclure entre eux des
traités, des alliances, entre eux, mais aussi avec d’autres pays.

Du côté des vainqueurs, la France catholique et la Suède protestante seront désignées


comme garantes du respect de ces libertés germaniques par l’Empereur : en cas de violation
de ces libertés, ils peuvent intervenir contre l’Empereur. Celui-ci ne sera donc jamais un
souverain absolu, et le véritable pouvoir appartiendra aux entités qui le composent : on parle
de « Ständestaat », un « État de corps intermédiaires » : le pouvoir impérial est au-dessus
mais les véritables pouvoirs étatiques appartiennent aux intermédiaires.
Le caractère mosaïque de l’Empire est confirmé par le droit international. Mais on ne peut pas
dire que l’Empire meurt : il est limité dans ses possibilités.

Nous allons donc voir se développer les entités de l’Empire qui développeront sur le plan
pratique et idéologique des idées originales : l’Autriche et la Prusse. La Hongrie ne fait pas
formellement partie de l’Empire, de même le Royaume de Bohême dont le prince est un des
sept électeurs (les Hasbourg en sont roi et disposent donc d’au moins une voix !).

b) Les états patrimoniaux de la Maison de Hasbourg (l’ « Autriche »)

1. Territoire
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Ce territoire est disparate au point de vue langue, géographique, etc. Ce qui donne cohésion
à ces États, c’est un fleuve : le Danube. On parle d’ailleurs des « États danubiens » pour
désigner les état patrimoniaux des Hasbourg.
A partir de la seconde moitié du XVIIème siècle, on assiste à un recul sur le Danube : les
Hasbourg ne pouvant réaliser un État dans l’Empire, ils essaieront de réaliser un État dans
leur territoire, et en 1804, ils recevront la dignité impériale, le titre impérial d’Autriche-
Hongrie, tout en conservant leur Royaume de Bohême.

2. Institutions

Le corps d’institution s’y trouve beaucoup plus développé. C’est également Maximilien qui
aura développé ce corps d’institution, souhaitant soigner les possessions danubiennes qui ne
pouvaient pas échapper à la famille des Hasbourg, contrairement au trône impérial.
On y trouve un Hofrat, un Conseil aulique. On en compte donc deux : le Hofrat impérial et
celui des états patrimoniaux de la Maison de Hasbourg. Ce que voulait Maximilien, c’était
avoir une interpénétration entre l’Empire et ses propres possessions.
Le Hofrat est donc un Conseil à deux étages, à deux vitesses : Maximilien tenta d’en faire
une entité compétente pour l’Empire, étendant son champ d’action à tout l’Empire, même si
cela restait plus efficient au niveau des États patrimoniaux que dans l’Empire.

A côté de cela, on trouve une Hofkanzlei, une chancellerie aulique, un secrétariat royal,
princier. En Angleterre, en France, on trouvait déjà des chancelleries, Maximilien va donc en
créer une en les imitant.
On trouve également deux autres Chambres impériales : une Hofkammer, la Chambre
aulique, la Chambre des comptes, qui s’occupe de la gestion comptable, ainsi qu’une
Schatzkammer, une Chambre du Trésor.

Rappel premier quadrimestre à propos de Philippe IV


Une autre spécialisation voit le jour au début du XIVe, formée par Philippe IV, Le Bel : le
trésor et la chambre des comptes. Le trésor est l’institution chargée de garder l’argent du
royaume, la chambre des comptes est l’institution qui ne manie pas l’argent mais en fait la
comptabilité, basée sur l’écriture. Lorsque Philippe IV arrive au pouvoir, ne rentraient dans
les caisses du roi que les revenus de son domaine et les impôts ordinaires. Il décide alors de
faire admettre des impôts extraordinaires : quand il a besoin d’argent pour construire un
palais, faire une guerre, ou autre circonstance déterminée et n’arrivant qu’une fois, il
demande une aide financière au peuple. Le développement de ces impôts demande de plus en
plus de rigueur dans les comptes, c’est pourquoi il a crée le trésor et la chambre des comptes.

Maximilien, dans ses États patrimoniaux, développera donc aux environs de 1500 ce qui
existait déjà dans d’autres pays depuis deux ou trois siècles.
Nous avons ici un monarque et beaucoup de princes des temps modernes qui essaie de mettre
les pendules à l’heure, d’instaurer des institutions que possèdent déjà les autres.
Les Hasbourg sont un peu en retard, et veulent rattraper ce retard afin de disposer d’une
structure institutionnelle globale comme les autres États : administration, secrétariat, etc.

3. Joseph II (1780 – 1790)

Au XVIIIe siècle, c’est un moment crucial de l’Autriche, car le repli danubien est en cours et
les Empereurs souhaitent jouer la carte de l’Autriche avant tout.
86

Deux souverains :
La souveraine Marie Thérèse d’Autriche va poursuivre, renforcer une centralisation. En
1760, elle va créer un nouvel organe : le Conseil d’Etat, modèle de familiarisation, de
chapeau qui « coiffe » ce qui existe déjà dans les États danubiens.
Marie Thérèse ne supprime pas les institutions existantes mais crée, selon une idée très
française, une centralisation, un filtre : tout ce qui est important doit passer par le Conseil
d’Etat avant d’être exécuté, celui-ci est compétent pour l’ensemble des possessions de la
monarchie de Hasbourg.
La Hongrie échappera au Conseil d’état car Marie Thérèse a voulu lui laisser une certaine
autonomie.
Sur le plan local, Marie Thérèse va développer un corps professionnel, en créant des charges
attribuées à des officiers.
Des officiers professionnels : les lieutenants, que l’on peut comparer aux commissaires du Roi
de France. On voit bien qu’elle puise en France son inspiration pour moderniser et
institutionnaliser.

Nous en venons au fils et successeur de Marie Thérèse : Joseph II qui a aussi gouverner nos
régions et qui régna de 1780 à 1790. En réalité, il avait déjà été associé au pouvoir par sa
mère, puis il lui succéda en tant qu’Empereur et en tant que souverain des pays danubiens.
Il n’apportera pas grand chose au niveau des structures mais il va introduire une véritable
idéologie du pouvoir : l’absolutisme éclairé, « les absolutismes éclairés », que nous
reverrons dans le chapitre de la pensée politique.
L’absolutisme éclairé est un absolutisme, mais il n’est plus question d’un absolutisme de droit
divin, l’absolutisme éclairé se fonde sur les Lumières, sur la raison éclairée.
L’absolutisme de droit divin est un absolutisme religieux, tandis que l’absolutisme ou
« despotisme » (cela revient au même mais Cauchies préfère « absolutisme ») éclairé est un
absolutisme laïc.
Joseph II sera un « prince éclairé », c’est-à-dire qu’il va gouverner avec raison. Il ne
revendique pas un pouvoir suprême au nom de quoi que ce soit car il doit être le premier
serviteur de l’état et son premier objectif, dit-il, est de réaliser le plus grand bien pour le
plus grand nombre. Joseph II n’innove pas dans la pratique, il va entreprendre des réformes
dans la ligne de sa mère, mais il apportera en plus des références idéologiques qu’il trouve
chez les philosophes de l’époque. Joseph II ne conçoit pas le droit divin, il est un souverain
catholique et croyant, mais sa référence, contrairement à la France, l’Espagne, etc., pour
justifier le pouvoir, n’est pas divine mais humaine : au service de l’Etat pour le plus grand
bien. Ce qui est essentiel, c’est le bonheur : l’Etat doit réaliser le bonheur de ceux qui le
constituent. Le monarque, assorti de cette mission, ne renonce pas à la centralisation, à
l’unification, il faut un État uni, Joseph II va donc entreprendre des réformes de l’armée, et
de toute une série de choses.
Joseph II va mécontenter beaucoup de gens parce qu’il va vouloir aller trop vite et agir de
façon trop radicale : il a des tas d’idées avec ses conseillers mais il veut aller trop vite car il a
l’obsession de la raison. La raison devient chez lui un véritable « fourre-tout » : au nom de
celle-ci, il est prêt à tout réformer : il est trop « novateur », et bafoue la tradition. C’est ce
qui expliquera en 1790, en Belgique, une révolution contre un Empereur « pas assez »
conservateur. Ses successeurs devront calmer le jeu.

L’Assemblée représentative, en Autriche, Hongrie, Bohême, porte le nom de Diète. Sous


Marie Thérèse, les Diètes continuent à être réunies, mais avec ses objectifs et ses projets,
Marie Thérèse ne tenait pas compte de leur avis : elle ne respectait que la forme.
Joseph II, quant à lui, ne prenait même plus la peine de les réunir.
87

Son règne sera marqué par l’échec car il a voulu faire trop vite et trop fort dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle. Mais lors de cette époque, il est un des grands monarques ayant
appliqué l’absolutisme éclairé.

c) La Prusse des Hohenzollern

1. Territoire

Au XIXe siècle, cette famille sera la grande rivale de la famille des Hasbourg. Elle est partie
de pas grand chose : petits seigneurs du Sud de l’Allemagne, mais ils ont acheté un petit
territoire dans le Nord de l’Allemagne, et cet achat leur a apporté un titre, celui de prince de
l’Empire, et donc comptent parmi les princes électeurs.
Dans cette région, il n’y a pas de grande ville : Berlin est un gros bourg, pas beaucoup de
terres fertiles. Mais les Hohenzollern vont se faire une place dans l’Empire.
Ils passent au protestantisme pour s’emparer des biens de l’Eglise.
L’ordre des chevaliers teutoniques est aboli est sécularisé et leurs possessions dans les pays
Baltes, etc. passent sous l’autorité des Hohenzollern qui constituera un embryon de Prusse.
Pendant la guerre de Trente ans, les Hohenzollern sont du côté des vainqueurs et profitent
d’acquisition territoriale.
En 1700, ils obtiennent le titre royal, jusque là ils étaient ducs de Prusse. On ne parle plus de
l’électeur de Hambourg mais du Roi de Prusse.

Les historiens utilisent à propos de leur histoire l’expression « le miracle prussien ».


En effet, ils ont développés des terres pauvres en tirant profit des éléments religieux et des
opportunités. En adoptant le protestantisme, au XVIIe siècle, ils vont accueillir chez eux de
nombreux protestants ayant fui leurs pays car on avait décidé que la religion officielle dans
une principauté territoriale était celle du prince.
Ils vont accueillir des Protestants d’Allemagne, mais aussi de France, de Belgique, et par cette
politique de peuplement, la Prusse devient un pays bien organisé, avec un souverain qui
domine véritablement son peuple. Nous sommes en présence d’une formule autoritaire qui
convient bien à ce pays.
P29 syll cadre, j’ai rien à propos du margraviat, du duché héréditaire de Prusse et du
servage, et toi ? Me too j’ améliore ton anglais j’ai un peu baisé le niveau mais tu vas
voir on va vite revenir a des mots comme GOSH…

2. Institutions

Depuis le XVIIe siècle, nous avions un Conseil privé, Conseil d’Etat (terme courant, ne pas y
accorder d’importance). Il s’agit de l’organe de gouvernement.
En réalité, ce Conseil est très bien structuré, très clair : dans ce Conseil des ducs de Prusse,
nous avons très peu de membres (une dizaine), de conseillers, mais déjà des départements :
tout est bien classé, chaque conseiller a son département dans le cadre du conseil.
Ce qui caractérise la Prusse, c’est une fonction publique très développée. Contrairement au
cas des autres pays, les fonctionnaires en Prusse constituent quasiment une classe sociale dont
l’organisation repose sur une religion de l’état : ce que les fonctionnaires doivent vénérer,
avant Dieu, c’est l’état : corps et âme au service de l’Etat.
88

Cette mentalité est assez militaire, la Prusse est connue pour être un État militarisé, d’ailleurs
les fonctionnaires portent l’uniforme. La Prusse au XVIIIe est une véritable garnison : civils
et militaires sont concernés par cette organisation militaire.

Le Roi Frédéric Ier est d’ailleurs connu sous le nom de « Roi sergent ».
En 1722/23, Frédéric Ier va instaurer une institution qui nous fait songer à autre chose mais
qui est encore plus centralisée, noyautée que tout ce qu’on a déjà pu voir ailleurs, son nom est
d’ailleurs destiné à remplacer le Conseil privé : directoire général et suprême des finances,
de la guerre et des domaines (Generaldirektorium de 1723). Remarquons le « directoire »,
« général » (compétent pour tout) avec trois grands secteurs. Cet organe couvre absolument
tout, c’est le Roi qui préside : il n’y a plus que cinq ministres, cinq conseillers. Cela nous fait
penser au Conseil d’en Haut en France, mais en France, on trouve d’autres Conseils, tandis
qu’en Prusse, non.
L’armée au sens propre et figuré des fonctionnaires est présente pour exécuter les décisions
du directoire, Frédéric Ier base son pouvoir sur une centralisation et une militarisation.

3. Frédéric II (1740 – 1786)

Frédéric II, connu dans l’histoire sous le nom de Frédéric le Grand va poursuivre l’idée de
« religion d’état » de son père et développer un absolutisme éclairé. Même si les bases sont
identiques, cet absolutisme sera très différent de celui d’Autriche : les mentalités sont
différentes. Frédéric II a un règne assez long : 1740 – 1786, contemporain de Joseph II. Il
reprend la manière de gouverner de son père en intensifiant la centralisation : il ne veut pas
d’intermédiaire entre le peuple et l’Etat (et lui) : il voit très peu ses ministres, il lit leurs
rapports tous les jours et en fonction de sa volonté, il envoie ses hommes. S’il veut en savoir
davantage, il convoque ses ministres : tout doit être clair, bref.
La Prusse a l’avantage de ne devoir respecter aucune forme, c’est un pays jeune comme pour
l’Autriche, mais peuplé de beaucoup d’immigrants sur lesquels le Roi a un pouvoir sans
limite.
L’absolutisme est éclairé : Frédéric II est protestant, mais en réalité, il est plutôt agnostique :
sa foi est très hésitante et en tout cas, la religion n’est pas pour lui une référence au niveau du
pouvoir, il rejette totalement le droit divin, même s’il lui reconnaît un pouvoir de cohésion.
Il introduit une idée qu’il n’a pas inventée mais qu’il va s’efforcer de concrétiser : celle du
contrat social. Son autorité repose sur un contrat tacite par lequel le peuple délègue son
pouvoir au monarque : le pouvoir vient du peuple, il a une origine humaine mais celui-ci est
incapable de l’exécuter.
Le monarque seul sait ce qu’il doit faire, et le contrat qui le lie à ses sujets lui attribue dès lors
tout pouvoir : Frédéric II dit « je peux tout mais je ne veux que le bien de l’Etat », nous avons
donc affaire à un despote, exerçant un pouvoir bien plus fort que celui que les Rois des
France ont pu exercer.
Chez les philosophes de l’époque, on critiquera beaucoup les Rois de France tandis qu’on
glorifiera Frédéric II, mais cela s’explique suite aux références : celle à Dieu, celle à la raison
sous laquelle on fait passer n’importe quoi.

Frédéric II veut que la Prusse s’impose comme chef de file en Allemagne, et sa famille finira
par évincer les Hasbourg. Ce sont les Hohenzollern qui seront à nouveau à la tête de
l’Empire.

A propos de l’expérience de ces monarques, notons que ces jeunes pays n’ont pas
fondamentalement inventé quelque chose, ils ont eu le mérite de développer leur État et la
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société : en réalité, ils n’ont fait que rattraper un retard institutionnel, social et politique
et ils ont pour cela développé les atouts qu’ils avaient à leur disposition : pays jeunes,
systèmes jeunes, mais dont le véritable modèle (surtout français) est ancien.
Un historien français disait qu’au fond « l’absolutisme éclairé, c’est Louis XIV mais sans le
grand manteau, sans le faste ». Il suffit de regarder les portraits : Louis XIV se fait
représenter comme un Dieu, tandis que Joseph II, et autres monarques absolutistes sont
représentés sans attributs de pouvoir, comme de riches bourgeois.
Il y a une différence dans la forme qu’on se donne : c’est un calcul, Frédéric II aimait
paraître comme un bourgeois.

Section B : Justice

Chapitre I : Vers un « gouvernement des juges » ?

1. Du jugement à la norme : le juge interprète et « régulateur »

Pendant très longtemps, la jurisprudence n’a pas été une véritable source du droit, sinon dans
les grands tribunaux comme le Parlement de Paris. La jurisprudence (les juges) n’était là que
pour appliquer la coutume, c’était une source « de second degré » au Moyen Age où la
coutume primait. Or nous constatons ici une évolution qui fait passer l’activité du juge d’un
simple jugement à une véritable capacité de réguler.
Le juge devient un régulateur, il ne se substitue pas au législateur et la coutume existe encore,
mais le juge peut faire davantage, il peut réguler c’est-à-dire qu’il ne se contente pas d’être la
bouche de la coutume ou de la loi mais il formulera également de véritables normes. A la
fonction de juger s’associe la fonction de réglementer, et cette tendance s’impose dans les
États modernes.

Tout d’abord, en ce qui concerne la France, voyons les choses à rebours, partons de la
révolution française. En 1789, une réaction très forte se produit contre ce gouvernement des
juges, on veut se prémunir contre cette pratique (cela prouve qu’elle était instaurée suite à
l’usage). En 1791, le ministre de la justice adresse une circulaire à tous les juges de France en
disant qu’il ne peut être dans l’Etat qu’un seul parti, celui de la loi.
Vous êtes les juges des citoyens mais vous êtes les esclaves de la loi.
NB : A partir de maintenant on ne parle plus de sujets mais de citoyens.

Le mot « arbitre » a une portée active et « organe » une portée passive.


Cela n’est pas difficile à comprendre suite au développement politique et institutionnel
comme les cours de justice supérieures qu’on appelle les Parlements.
Les Parlements jugent en dernière instance, il n’y a donc plus d’appel suite à leur décision. Ce
qui revient à dire qu’ils sont souverains.

Les Parlements se sont attribué des compétences extrajudiciaires et c’est en fonction de


cela que l’on comprend que les juges se sont attribués du pouvoir. Ils se sont cru législateurs
grâce à l’enregistrement des édits qui leur donnaient une influence directe sur la promulgation
des lois. De plus, les Parlements avaient la capacité de prononcer des arrêts de règlements :
la plupart des arrêts n’étaient rendus que suite à un cas précis dans un litige déterminé mais
certains arrêts avaient un plus grand champ d’application (les arrêts de règlements) et
pouvant donc être appliqués dans d’autres cas que celui pour lequel ils avaient été déterminés,
ils avaient une valeur de règlement, ils équivalaient à une loi par leur valeur normative
générale. L’arrêt n’était pas une loi mais équivalait à une loi.
90

Le juge de l’Ancien Régime (XVII, XVIIIe siècle) connaît donc une croissance, bénéficie
d’un accroissement de ses pouvoirs qui l’amène à mêler les pouvoirs.
Il n’y avait en effet à l’époque pas de séparations des pouvoirs (cette notion se concrétisera
que plus tard, après la révolution française) : le juge pouvait en effet élaborer des lois et
concentrer donc sur sa personne un certain nombre de prérogatives :
 celle de juger
 celle de commander
 celle de prescrire.
Il n’y a pas un « abus de droit », l’évolution qui conduira à un gouvernement des juges est due
aux circonstances.
Un des Parlements français, celui de Bretagne, fournit un témoignage au XVIII sur ses
fonctions : il considère que la fonction d’un Parlement est de juger les procès mais aussi
d’apprécier l’équité et l’utilité des lois.

Equité : voir si les lois sont conformes aux principes fondamentaux de l’équité.
Utilité : voir si les lois sont bien faites, sont utiles.

Ce Parlement considère qu’il est du ressort des juges de trancher des procès mais aussi
d’apprécier les lois. Et c’est cela que l’on veut limiter en 1789: si les juges ne sont pas
contents des lois, ils peuvent faire pression sur le législateur pour qu’il la change mais ne
peuvent pas intervenir dans l’élaboration de celle-ci en raison de la séparation des pouvoirs.

Tournons-nous à présent vers l’Angleterre où la jurisprudence est une véritable source de


droit depuis le XIIe siècle, depuis l’établissement de la Common Law.
On assiste donc à un conflit entre Common Law et législation, cette dernière étant l’œuvre
du Roi et du Parlement.
Deux camps se forment :
 les partisans de la supériorité des décisions judiciaires par rapport aux lois
 les partisans de la supériorité des lois.

Au XIXe siècle, on énonce en Angleterre les principes de la souveraineté parlementaire


car on souhaite mettre un frein à cette tendance de gouvernement des juges. La souveraineté
parlementaire a des racines antérieures au XIXe siècle, elle dit que c’est le Parlement qui fait
et défait des lois et qu’il n’a pas à tenir compte d’antécédents éventuels imposés par la justice.
Le Parlement a en la matière une autorité suprême et absolue, ces termes étant énoncés non
en faveur du roi mais du Parlement.
Aucune règle n’émanant des juges ne peut entraver les décisions parlementaires.
Le statut, texte voté par le Parlement, ne peut être mis en question par aucune production
juridique.

Même si le contexte est différent, nous retrouvons la même exigence qu’en France : les
juges sont là pour appliquer les lois, ils ne peuvent pas se réfugier derrière le Common Law
pour refuser d’appliquer des lois. Le pouvoir judiciaire ne peut se substituer au pouvoir
exécutif.

En Angleterre, de grands théoriciens se sont prononcés sur le sujet. Parmi eux, un


contemporain des premiers Stuart : Sir Edward Coke (mort en 1634). A cette époque, il y a
encore de nombreuses rivalités entre le pouvoir royal et le Parlement. Coke a voulu souligner
que l’essentiel dans la tradition anglaise est le Common Law, Coke étant un lawyer, il ira très
91

loin : il dit qu’un statut contraire au Common Law et contraire à la raison, s’il va à
l’encontre de ces deux bases importantes, il serait automatiquement nul.
Comprenons le point de vue des lawyers : ils ne veulent ni d’un absolutisme royal ni d’un
absolutisme parlementaire. Ils souhaitent placer la royauté et le Parlement sur le même pied
et sous le droit : sous le Common Law. Il y a donc un contrôle et un rejet des lois par les
Cours de Common Law. Cette affirmation de la supériorité du Common Law n’a rien de
saugrenu car dans la Grande Charte de 1215, il était déjà dit que le rex était sous la lex.

En Amérique, plus tard, on soulignera aussi que ce qui est essentiel, ce sont les libertés
fondamentales, véhiculant l’équité et la raison. On y voit l’influence de la pensée de Coke
dans la manière de distinguer et de hiérarchiser les normes. En réalité, cela correspondait bien
au besoin des Américains de pouvoir critiquer le Parlement et s’émanciper de son pouvoir
« tyrannique » en se référant à la tradition judiciaire.

La position de Coke n’est pas une position unique. En effet, un autre grand juriste lui donnera
la réplique un siècle plus tard, au XVIIIe siècle, il s’agit de Sir William Blackstone (mort en
1780), contemporain des Hanovre et du parlementarisme accompli après la révolution de la
fin du XVIIe siècle. Son opinion représente l’opinion majoritaire : rien ne peut prévaloir
contre les statuts. Blackstone reconnaît que certains statuts peuvent ne pas répondre aux
principes d’équité et de raison, mais rien ne peut les primer. Le XVIIIe siècle est le triomphe
du Parlement et pour de nombreux Anglais, il y a lieu de faire une confiance aveugle au
Parlement. Leur conviction est de penser qu’il est impossible que des représentants de la
population fassent des mauvaises lois car ils sont citoyens eux-mêmes, ils ne peuvent donc
pas faire des lois néfastes à eux-mêmes ! Dans cette optique, on comprend que l’opinion
majoritaire était persuadée que le Parlement ne pouvait faire de lois « mauvaises ».

Le Common Law n’est pas rejeté mais il faut qu’une coopération se fasse entre Common Law
et statuts. Les lois ont une fonction complémentaire mais jouent un rôle complémentaire
important et les juges qui produisent le Common Law doivent être les gardiens des statuts, ils
ne peuvent pas écarter des statuts par leur simple volonté.

Voilà ce que l’on appelle le gouvernement des juges, même s’il n’y a jamais eu de
gouvernement des juges à part entière, on est allé très loin dans la pratique.

2. Le pouvoir d’arbitrer des juges

Et pas pouvoir « arbitraire » qui signifie pouvoir injuste, inéquitable. Dire d’un juge qu’il est
« arbitraire » est une critique violente, on prétend qu’il a favorisé l’une ou l’autre partie. Le
sens d’arbitraire est ici directement en rapport avec l’arbitrage, avec le pouvoir des juges
d’arbitrer.
Avant le XVIIIe siècle, le mot « arbitraire » n’est pas péjoratif mais répond à une pratique
héritée du Moyen Age : celle que le juge a le choix de choisir les peines qui seront
appliquées aux délits et crimes qu’il sera amené à juger.
En effet, avant le XVIIIe siècle, il n’y a pas de codification des délits et des peines. Certes, on
en trouve certaines dans les chartes mais cela reste circonstanciel.
Le juge peut non seulement choisir mais il doit choisir : c’est une nécessité dans laquelle il se
trouve de déterminer les peines applicables dans une telle situation. Cette marche de
manœuvre peut paraître redoutable (c’est pourquoi « arbitraire » deviendra péjoratif).
Le pouvoir d’arbitrer est tout à fait légitime car le juge est le représentant du roi, peu importe
à quel échelon il se trouve, et le roi n’est-il pas l’arbitre par excellence ?
92

Le juge dispose de références pour arbitrer : les grands principes comme le principe d’équité,
les références à la raison, les textes, les coutumes, les lois comportant des articles qui
définissent les délits et les peines.

Le choix des modes de preuve peut aussi dépendre du choix du juge autant que le choix des
peines.

Ce qui manque à l’époque, c’est une légalité des preuves et des peines : il n’y a pas de
légalité, c’est-à-dire pas de définition suffisante par la loi. Le juge a donc un champ
d’action, d’interprétation qui reste très ouvert.
Par exemple, c’est le juge qui doit définir la lèse-majesté car celle-ci n’est définie nulle part,
le juge a donc une marche de manœuvre. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de règles
formulées, mais ces règles sont formulées de façon circonstancielle dans la jurisprudence,
dans la doctrine (écrit par les juristes), dans les chartes, etc. Comme il n’y a rien de
systématique, le rôle du juge en la matière est important et déterminant.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, on assiste à un important tournant, pour venir en
aide aux juges et pas seulement pour réduire leur pouvoir. On va réduire le pouvoir
« discrétionnaire » des juges, c’est-à-dire que le juge fixe à discrétion, selon sa propre
volonté, un certains nombres de composantes : il inscrit les décisions dans un contexte définit.
Cela se renforcera au XIXe siècle.

Un ouvrage aura un grand impact, qui arriva au bon moment, répondant aux demandes de
l’époque : en 1764, Cesare Beccaria rédige un Traité appelé « Des délits et des peines ».
Beccaria introduit un principe énoncé en latin mais qui n’est pas un héritage du droit romain :
Nullum crimen, nulla poena sine lege
= aucun crime, aucune peine en fonction de la loi => tout doit être défini par la loi.
Autrement dit, un fait n’est punissable que s’il est défini par la loi comme étant une infraction
et si la loi ne définit pas un acte, le juge ne peut pas décider qu’il s’agit d’une infraction et
vice-versa.
La loi est digne de confiance : le juge n’est là que pour l’appliquer : priorité à la loi.
La loi doit préciser, le juge appliquer.
Il convient bien sûr que la loi soit bien faite et qu’elle tienne compte de la raison. Beccaria
explique que la raison, la rationalité, correspond à la proportionnalité : il faut que les
peines soient proportionnelles aux infractions. Dans l’esprit du XVIIIe siècle, on trouve
rationnel qu’il y ait une proportionnalité, pourtant, les juges n’appliquaient pas la même
proportionnalité, ils conservaient une certaine marge, ils n’étaient pas des automates. Il était
pourtant dans l’esprit de penser que plus les juges étaient des automates mieux cela vaudra.
On va donc voir définis dans les lois des tarifs. Au Moyen Age, ce genre de dispositions était
déjà prises mais pas de façon aussi précises.
Ex : pour tel crime, une amende. Oui mais quelle amende ? => Toujours partiel.

Aux temps modernes, on a constaté que les juges se montraient plus sévères que par le passé,
qu’ils appliquaient des peines beaucoup plus lourdes. Un certain durcissement de la justice
peut aussi expliquer cette réaction dans la pensée des gens.
Plus on a avancé dans les siècles, plus on a eu affaire à des pouvoirs qui s’affirmaient, que ce
soient en politique (roi, etc.) ou du point de vue judiciaire : les juges.

3. La motivation des jugements


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Nous assistons ici également à une certaine nouveauté. Au XVIIe, XVIIIe, la motivation des
jugements n’était pas d’usage et pouvait même être défendue.
Par ex, au Parlement de Paris, il était spécifié qu’il était interdit aux juges de ne pas motiver
leur jugement, de ne pas expliquer le pourquoi de la sentence.
Pour quelle raison ? Il ne faut pas révéler les secrets de la Cour.
Cette conception est très différente de celle d’aujourd’hui où tout doit être limpide.
En effet à l’époque, la justice émane de Dieu, or on ne sait pas tout de Dieu, il ne faut donc
pas tout savoir de la justice. Il ne faut pas seulement se référer à Dieu mais aussi au Prince :
on ne découvre pas le souverain, on en découvre pas le souverain. La souveraineté ne se
livre en effet pas.
Au temps modernes, le changement de dispositions est dû à des modifications géographiques.
En effet, dans les pays centralisés, la motivation passera difficilement la barre, sera
difficilement admise, parce que le système est de type absolutiste et l’absolutisme rejaillit sur
les juges.
Ainsi, c’est en 1788, en ce qui concerne la justice pénale, qu’une loi sera promulguée dans
laquelle on dira que lorsqu’il s’agit d’arrêts prononcés en matière criminelle, les jugements
devront être motivés, il faudra dire pourquoi telle peine sera appliquée pour tel délit.
Les pays, les régions où le pouvoir est davantage éclaté, accepteront plus facilement la
motivation du jugement, ex : Allemagne, Italie.

Chapitre II : Les voies de justice

Il sera ici question des tribunaux, mais au lieu d’appeler ce chapitre « les tribunaux », on
l’appelle les « voies de justice » car au-delà des tribunaux, la conception même de l’exercice
de la justice va évoluer et se diversifier, tout particulièrement avec le cas français.

1. Absolutisme français

A la fin du Moyen Age et au début des temps modernes, on assiste en France à la


multiplication des Cours Supérieures de Justice.
Pendant longtemps, il n’y avait que le Parlement de Paris, qu’on appelait le Parlement.
A partir du XVe siècle, d’autres Parlements apparaissent car le roi de France parvient à faire
passer sous son autorité effective de grands fiefs qui lui échappaient auparavant.
Des régions comme la Provence, le duché de Bretagne, le duché de Bourgogne seront
définitivement dans le domaine de la couronne et avec cette extension, le Parlement de Paris
est insuffisant et en 1443, on voit apparaître un second Parlement à Toulouse, c’est le
Parlement du Languedoc (partie méridionale, Sud Ouest de la France).
Très vite, au sein de ce Parlement de Toulouse apparaissent des Chambres distinctes comme
au Parlement de Paris (voir plus haut dans le cours : chambre des requêtes, de la tournelle,
etc.). Et de même dans les autres Parlements à naître : on a en Province ce qui existait au
Parlement de Paris.
Après celui de Toulouse, un Parlement naît à Grenoble, puis à Bordeaux (pour l’Aquitaine), et
fin XVe siècle, une série d’autres apparaissent en Bourgogne, en Normandie, en Bretagne, en
Provence, etc.
Lorsque l’évolution est accomplie au XVIIIe siècle, nous sommes en présence de treize
Parlements, ainsi que de Conseils souverains : « des parlements au petit pied », ils n’ont pas
les mêmes prérogatives que les Parlements mais sont un peu sur le même pied.
Chaque Parlement a son ressort territorial, mais le plus important est celui de Paris qui couvre
1/3 du territoire.
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A côté de ces Cours supérieures, nous avons une multitude de tribunaux, que l’on trouve dans
les baillages, subdivisions du territoire.
Au milieu du XVIe siècle, on assiste à la création, ou plutôt la promotion, l’établissement
des présidiaux, qui sont des tribunaux de baillage recevant des attributions particulières. Les
Parlements avaient beaucoup de travail et on donne à une soixantaine de présidiaux la
capacité de prononcer des sentences définitives, des arrêts pour un certain type d’affaires. Le
critère est financier : on donne à chaque procès une valeur en fonction des frais qui
résulteront du procès, etc. On dit « ce procès vaut tant », et les présidiaux trancheront en
dernier ressort pour les procès n’excédant pas 250 livres. Si le procès vaut plus, les présidiaux
ne peuvent pas trancher en dernier ressort, seul le Parlement pourra le faire. Cette promotion
des présidiaux vise à une hiérarchisation et un déchargement du travail du Parlement.
Mais les présidiaux ne remporteront pas un franc succès car ils sont pris entre le marteau et
l’enclume : les gens du Parlement voient en eux des concurrents et les autres tribunaux des
baillages sont jaloux de leurs privilèges : mécontentement, ressentiment et jalousie venant du
bas et du haut.

On trouve des tribunaux d’exception : les tribunaux commerciaux ou juridictions


consulaires / les tribunaux de l’ordre public : juridictions chargées de poursuivre et de
condamner les brigands, les vagabonds et tout ce qui porte atteinte à l’ordre public.

On va établir une distinction entre deux voies de justice, deux manières d’exercer la justice :
déléguée et retenue. Cette distinction est importante car elle est une manifestation de
l’absolutisme. On aurait pu en parler dans le chapitre de l’absolutisme !

 Travailler avec des hommes plutôt qu’avec des institutions, et cette distinction
entre ces deux voies de justice l’illustre.

La justice déléguée est une justice exclusive : toute justice dans le Royaume de France est
royale (pas comme en Angleterre où le rex est sous la lex) : on juge au nom du Roi, et donc
la justice est déléguée, les juges jugent par délégation du Roi. Les magistrats (juges dans les
Cours) ont donc le statut d’officiers au même titre que les autres personnes au service du Roi
et remplissant une fonction publique. Les juges sont les délégués du souverain.
La justice déléguée s’exerce dans les tribunaux de baillage. Les magistrats sont des officiers
nommés, des officiers royaux, il est donc difficile de les démettre car ils sont propriétaires
de leur charge. Les charges sont patrimoniales et elles peuvent donc être transmises aux
héritiers. Les magistrats constituent donc un corps, avec ses privilèges = c’est un groupe
social spécifique et bien déterminé (pas une « classe »).

Que ce soient les tribunaux ordinaires ou d’exception, ils s’intègrent tous dans la justice
déléguée.

La justice retenue est la part de la justice que le Roi ne va donc pas déléguer, confier à
d’autres, mais qu’il va retenir.
Même s’il est le grand patron de la justice, le Roi n’a pas toute part de manœuvre dans la
justice, il se réserve donc des à côtés, des possibilités d’intervention, de pouvoir confier une
part de la justice à des gens de son choix (notion de « gouverner avec des hommes » de
l’absolutisme). Et c’est cela la justice retenue : non une question de matière, il ne faut donc
pas comparer avec Charlemagne, sous lequel il existait déjà des cas réservés ou cas royaux,
qui existent toujours (lèse majesté, grand crimes, etc. qui seront jugés par les tribunaux
royaux), non, il s’agit ici d’une voie de justice.
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En 1560, lors d’une réunion des États généraux, on déclare très clairement que les Rois ont
été élus premièrement pour faire la justice : la justice est en effet la première fonction
royale. Le chancelier lui-même dira devant les États généraux alors qu’il est soumis au Roi :
« premièrement, la justice » !
Cela se justifie par le souci d’équité : c’est le Roi, car il est représentant de Dieu sur terre,
qu’il sait ce qui est bon ou mauvais.
Le roi peut juger lui-même, cela signifie non qu’il juge en personne, mais qu’il confiera le
jugement qu’il veut se réserver à des proches, en l’occurrence au Conseil d’état privé
finances et direction ou Conseil large : il fait juger par son entourage.

Quelles sont les voies d’intervention possibles ? Nous en retiendrons quatre :

1. La lettre de cachet : c’est une lettre cachetée, fermée, par opposition à une lettre
patente qui est une lettre ouverte, émanant du Roi et que tout le monde peut lire : la
lettre cachetée ne peut être lue que par le destinataire et c’est un délit très grave de
la lire si elle ne nous est pas adressée. Cette lettre est destinée à un officier en lui
disant d’appliquer une décision de justice sans procès.
Ex : saisissez-vous d’un tel et jetez-le en prison. C’est une décision personnelle, arbitraire
du Roi. C’est pourquoi la lettre de cachet a souvent contribué à donner mauvaise
réputation à la monarchie moderne.
Le plus souvent, ces lettres de cachet étaient motivées par des jugements. Ex : qqn se
conduisait mal, des gens de sa famille demandaient au Roi de le mettre en prison pour en
être débarrassé. Le Roi intervenait donc parfois à la demande de ses sujets.
Le Roi faisait bien entendu un usage modéré de ces lettres de cachet, celles-ci concernant
souvent l’ordre public.

2. L’évocation : « évoquer » « ex vocare » = appeler hors de. L’évocation est une


procédure par laquelle le Roi fait venir une affaire en cours de procès chez lui.
C’est un transfert avec dépossession d’un tribunal ou d’une Cour : le Roi désigne
des commissaires qui jugeront ce procès le cas échéant, il peut aussi fait venir le
procès devant son grand Conseil. C’est une application d’absolutisme où le Roi pour
l’une ou l’autre raison, dépossède par l’autorité un tribunal, ce n’est pas un appel car il
n’y a pas eu sentence !

3. Le committimus (commettre, désigner) est une intervention du Roi qui attribue un


procès déterminé à une Cour déterminée. C’est-à-dire que le Roi décide que telle
affaire sera jugée ici, dans telle juridiction, et non là-bas.

4. Les lettres de grâce, les lettres de justice : elles existent encore de nos jours, même
en République : le Roi ou président gracie une personne qui a été condamnée. Le Roi
va à l’encontre de la sentence et accorde sa grâce à la personne condamnée. C’est
cette voie de justice qui montre le mieux que le Roi est le Roi.

2. Parlementarisme anglais

On constate un grand conservatisme avec une coexistence du Common Law de de l’Equity


sans confusion, pragmatique d’une part, savante de l’autre, avec aussi l’usage du droit romain
et du droit canonique. Tout cela ne change pas.
À l’époque des Tudor, le rôle de l’Equity est réduit. L’Equity est alors placée en seconde
position. Aux temps modernes, après le XVIe siècle, son rôle se réduit encore davantage. La
96

procédure d’Equity était préférée des rois car elle leur donnait un pouvoir sur la justice, les
Tudor l’ont donc favorisée, mais malgré cela, l’influence du parlementarisme alla de pair avec
une promotion toujours plus accentuée du Common Law. Même si son rôle est limité, l’Equity
subsiste, mais c’est le Common Law qui devient la justice « légale ».

La chambre étoilée jugeait les actes nuisibles au Royaume, où siégeait le Conseil royal, mais
elle disparut au milieu du XVII avec la première révolution, il n’en est plus question si bien
que l’on peut affirmer que tout ce qui n’est pas Common Law est marginalisé, mais pas aboli.
La procédure du Common Law n’évolue pas, et surtout, elle ne connaît pas de codification à
l’instar des autres pays européens.
L’Angleterre n’a eu de Constitution que pendant un cour moment sous Cromwell, pour la
simple raison qu’une Constitution fige : pas de code point de vues des règles juridiques, donc
pas de code point de vue de la procédure judiciaire.
Les tendances « légales » du Common Law se renforcent, les lawyers dont la formation est
pratique, sur le tas, sont de plus en plus nombreux et forment une véritable caste. Et sur ce
point, nous pouvons faire une comparaison avec ce qui se passe sur le continent. En France,
les officiers forment des corps, de même, les lawyers forment une caste.
De plus, l’Angleterre connaît également la vénalité des offices.

Deux remarques concrètes que nous pouvons encore faire :

1. La conservation de la vieille langue du Moyen Age ou law french, qui est une langue
tout à fait fossilisée, ne correspondant même pas au français du XVIIe, mais qui
continue à marquer les traditions avec un vocabulaire remontant au XIIe siècle, à la
formation du Common Law. Comparons ce law french au latin prédominant sur le
continent, compris par des personnes privilégiées : cette compréhension d’une langue
par une catégorie de personnes est un point semblable sur le continent et en
Angleterre, où elle est la preuve du conservatisme, du traditionalisme anglais. En 1731
on introduira l’anglais dans les procédures du common law.

2. L’essentiel n’est pas de mettre par écrit le contenu des sentences mais de mettre par
écrit la procédure qui a été suivie dans des répertoires appelés Year Books. Or ceux-ci
à partir du XVIe siècle sont en déclin, remplacés par un nouveau type de recueils :
les abrègements. Ceux-ci sont des recueils dans lesquels les lawyers qui les rédigent
font figurer les données sur la procédure, beaucoup plus que sur le contenu des
sentences (comme pour les Year Books), la différence est que les Year Books étaient
tenus par année, tandis que les abrègements sont tenus de façon thématique, ce qui
est plus rationnel et plus utilisable. Les abrègements sont témoins d’une plus grande
rationalisation mais aussi d’une plus grande professionnalisation, non pas au niveau
de la formation (où l’on se transmet le savoir de générations en générations) mais au
niveau des moyens, qui font preuve d’une certaine adaptation au temps. Mais le
Common Law reste un droit marqué par une vie très dure.

3. Absolutisme éclairé

Nous sommes en présence de cadres assez neufs mis en place par les jeunes gouvernements.
A l’ère dite de la raison, ils souhaitent mettre en place des choses uniformes, bien structurées.
97

Il est certain que dans la justice, comme dans la politique, dans l’administration c’est le
modèle absolutiste qui sera choisi.

Sous Joseph II, on souhaite avoir des tribunaux organisés comme aujourd’hui : des tribunaux
de base, plus haut des tribunaux de district, encore plus haut des Cours d’Appel, etc. Le
principe est d’organiser la justice selon une pyramide pour que les choses soient bien claires
d’échelons à échelons.
Nous avons donc des systèmes judiciaires qui annoncent le XIXe et le XXe siècles avec des
organisations pyramidales depuis une base assez large avec une multiplication et une
uniformisation des tribunaux locaux, et plus on monte, plus cela se resserre, en trouvant au
sommet le Conseil souverain => pyramide bien structurée
Joseph II a essayé de développer ce principe également dans nos régions, ce qui n’a pas bien
marché au moment même mais l’idée est conservée.

En France, d’une certaine manière, il y a aussi une hiérarchie : les présidiaux, etc.

Chapitre III : La procédure et les codifications

1. Codes

La France est un pays qui apprécie la démarche de codification dans le cadre de l’absolutisme
de droit divin. On peut dire que Louis XIV dans son long règne qui dura plus de septante ans
fut un grand codificateur. En effet, ce mouvement de codification se trouve sous son règne, à
la seconde moitié du XVIIe siècle.
Nous parlons bien entendu de la codification et non de l’ordonnance (voir « ordonnances
code » dans législation au temps modernes plus loin dans le cours).
Retenons deux ordonnances françaises :
 l’une de 1667 pour la procédure civile
 et l’autre de 1670 pour la procédure criminelle, appelés « ordonnances pour la
réformation de la justice ».

NB : Laissons de côté l’Angleterre car nous savons que la démarche de codification ne


correspond pas à leur mentalité.

Mais une grande démarche de codification aura lieu dans les pays d’absolutisme éclairé.
En effet, c’est dans ces pays que l’on assistera au premier travail de codification générale.
Dans les pays dits « jeunes », nous assisterons à une codification systématique.

En 1749, sera réalisé en Prusse un premier grand code : le Codex juris fridericianus, qui est
un premier stade, et une trentaine d’années plus tard, en 1781, on trouve un code encore plus
élaboré, le Corpus juris fridericianum. Ce code Frédéric sous ses deux versions successives
contient 19.000 articles. Un grand principe s’en dégage, celui de la définition du travail du
juge. Le corpus Frédéric donne en effet au juge une assez large initiative. Qu’est-ce à dire ?
Le juge doit avoir la marche de manœuvre la plus grande possible. Au cours du procès, les
parties ont référence à des faits, à des témoins, à des textes, etc. la partie défenderesse apporte
tous les éléments qui lui paraissent utiles. Le corpus insiste pour que le juge aille au-delà des
preuves apportées par les parties, il doit pouvoir s’informer au-delà de ce que les parties lui
disent. Derrière cela, ce qui s’affirme, c’est l’indépendance du juge à l’égard des parties. En
effet, auparavant, on imagine que les juges étaient liés à ce que les parties lui disaient ou ne
98

lui disaient pas. A présent, il a le rôle de chercher lui-même la vérité, sans s’en tenir à ce
dont on l’informe.
Cela est dans la lignée de l’absolutisme. En effet, selon Frédéric II, le monarque devait
rechercher le bien de ses sujets, et de la même manière le juge doit protéger les sujets : le
juge représente le Roi et doit donc avoir l’attitude de s’informer et de garantir son
indépendance par rapport aux parties et à la population en général pour offrir la meilleure
protection aux sujets.

En Autriche, on assiste à deux étapes.


En 1768, Marie Thérèse va publier un code, Consitutio criminalis theresiana, et une bonne
dizaine d’années plus tard, en 1781, Joseph II promulgue un texte fort important dans la
même ligne, le Allgemeine Gerichtsordnung.
Dans ces deux ouvrages, il y a une valorisation de la procédure romano-canonique influencée
par l’esprit des Lumières : on utilise le traditionnel tout en répondant aux exigences
rationnelles du XIXe siècle.

2. Modes de preuve

Dans le domaine des modes de preuve, l’évolution est sensible essentiellement sur deux
points. Les modes de preuve traditionnels qui se sont développés et généralisés comme le
témoignage et l’enquête continuent à être utilisés.
Mais il faut noter le développement des modes de preuve basés sur les sources écrites. Au
XIXe siècle, elles prennent de plus en plus d’importance comme le prouve cette formule :
« Lettres passent témoins » : les preuves écrites sont utilisées à part entière et priment sur les
témoignages, ce qui était inconcevable au Moyen Age.
Mais cela ne se fait pas sans réticence, en effet, on observe que l’ordonnance de 1667
considère que l’écrit est quelque chose de « lourd », on reproche à l’écrit son « poids » : il ne
faut pas « encombrer » la procédure avec des masses de papier.
Le fait que l’importance de l’expression orale demeure, nous le voyons dans cette ordonnance
mais aussi par un autre aspect : le succès beaucoup plus grand aux temps modernes de la
question (torture). On pourrait croire qu’aux temps modernes l’utilisation de la torture aurait
diminuée, mais au contraire elle s’est accrue : le droit romain l’a réintroduite (grâce au
Common Law, l’Angleterre ne connaissait pas beaucoup la torture). La torture est utilisée en
tant que protection : il ne faut pas que les juges se fient à leur intime conviction, mais que la
personne incriminée pour ceci ou cela soit amenée à s’exprimer. Bien entendu, il est bien clair
que déjà quand la torture a été réintroduite (par rapport à Rome) au Moyen Age, elle ne
pouvait être utilisée que lorsque ils y avaient suffisamment d’indices accumulés laissant croire
à la culpabilité. La « question » a alors le rôle de fournir une preuve formelle.
Dans la Chambre de la Tournelle, la torture fut réintroduite.
La torture fut introduite au Parlement de Paris en 1320.
L’ordonnance sur la procédure criminelle de 1670 définit de façon tout à fait légale
l’utilisation de la torture à condition de disposer de preuves considérables, c’est la
réglementation de la question.
A partir du XVIIIe siècle, on commence à avoir des doutes quant à la rationalité de la torture,
ce sont les effets pervers de cette pratique qui vont être réprouvés. Mais du XVIIe au XVIIIe
siècles, l’opinion majoritaire y est favorable : il faut faire parler.
La tradition anglaise a eu de l’influence sur le continent à ce niveau, rappelons par exemple
l’habeas corpus act. Cet acte protège l’accusé.
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Un souverain comme Joseph II se prononcera très nettement sur le plan de la torture : il y était
opposé, quoique tous les souverains et magistrats n’étaient pas encore arrivés à cette idée, à
cause du désir de certitude.

3. Voies de recours

Pour mémoire, l’appel, qui a été réintroduit grâce au droit canonique et au droit romain.
L’appel aux temps modernes est en plein essor.
Dans les Parlements français, depuis la fin du XVIe siècle, pour des condamnations lourdes
(à la peine capitale par ex), il y aura un appel automatique. Quelqu’un qui est condamné à
une lourde de peine ne doit pas faire la démarche d’interjection, d’appel, elle se fait
automatiquement devant les Parlements. Pour un jugement fait dans un tribunal inférieur, quel
qu’il soit (présidial, de paix, etc.), le Parlement dira qu’il y a appel automatiquement et le
condamné aura encore une chance d’échapper à quelque chose de trop lourd.
L’ordonnance criminelle de 1670 généralise, légalise l’appel.
La législation judiciaire des temps modernes, tout en restant assez rude, sait aussi faire preuve
de modération en garantissant l’appel.
Les voies de recours vont se multiplier aux temps modernes : d’une part dans la voie de
recours de la requête civile et en voie de recours en Cassation. Ces voies de recours
extraordinaires ont été consacrées par les ordonnances de Louis XIV et ne concernent pas
n’importe quelle sentence, mais pour des sentences définitives (arrêts des Parlements, des
Conseils souveraines, des présidiaux).
La requête civile : on en trouve déjà des traces dès le XIVe, XVe siècles au Parlement de
Paris. Le mot « civil » ne se réfère pas au droit civil, il n’y a pas de lien intrinsèque avec le
droit civil, le droit pénal intervient aussi, etc. ici « civil » signifie « poli », « qui se conduit
bien », c’est-à-dire que la requête est faite dans des termes mesurés, en respectant les formes.
Dans le cours du procès plus aucun élément ne peut être introduit, mais l’une des parties va
demander par requête civile d’introduire une addition, une correction par rapport à
l’information fournie. D’une certaine manière, cette requête civile invoque la grâce du Roi
pour pouvoir ajouter ou corriger un élément.
Une requête civile ne peut pas introduire n’importe quoi et n’importe comment, la loi définit
ces cas. Exemple de cas :

- le demandeur a oublié de faire valoir un élément,


- une preuve a été mal interprétée, la preuve pouvant alors se retourner contre la partie
qui l’a fait valoir parce qu’elle s’y est mal prise pour l’exprimer.

La différence entre faussement de jugement et requête civile : on en remet pas du tout le juge
en cause, c’est la partie qui demande de prendre en compte une faiblesse de sa part.
Attention, la requête civile porte sur des erreurs de fait.
La Cassation quant à elle porte sur des erreurs de droit. La Cassation n’est pas introduite en
cours de route. On en trouve des traces à partir du XVe siècle, mais ce n’est qu’au XVIIe
siècle qu’elle est codifiée.
Un recours en cassation est introduit parce que la procédure a été violée, parce que les juges
n’ont pas appliqué ce qu’ils devaient (loi, coutume). La Cassation vise à casser le jugement,
au contraire de la requête civile.
Même si le mot est plus ancien, la Cassation apparaît avant l’utilisation du mot.
Ce n’est pas un Parlement qui décidera la cassation, ce qui joue le rôle de Cassation, c’est le
Conseil royal, ce qui rentre dans l’idée de justice retenue.
100

Pour ces raisons, il arrive que la Cassation soit décrite comme un moyen de justice retenu par
certains historiens : ce n’est pas le cas même si cette confusion est compréhensible.
La Cassation sert à rétablir les lois : un jugement a été prononcé mais pas dans les formes.
Or seul le Conseil, émanation du Roi, peut rétablir la justice, dire au juge qu’il a mal jugé.
Aux temps modernes, la Cassation se trouve définie, codifiée.

 Textes 71, 74, 80, 81, 88.

Section C : Sources, systèmes et pensée

Chapitre I : Les visions politiques de l’ « Etat moderne »

Nous nous concentrerons sur les auteurs des XVIe et XVIIIe siècles. Les temps modernes
représentent la période où les visions politiques de l’état vont se multiplier.
En effet, dans la première partie du Moyen Age, lorsque l’Etat était inexistant, la pensée
politique était pauvre. Dans la seconde partie du Moyen Age, on voit se développer les visions
de l’Etat à travers les miroirs du prince, etc.
Nous allons découvrir quelques visions politiques en précisant qu’il existe différentes
manières pour les auteurs d’aborder cette vision de « l’Etat » :
• une manière idéaliste,
• une manière réaliste.
Dans la première approche (idéaliste), les penseurs qui sont philosophes partent d’une idée,
d’une vision théorique (ce que doit être l’Etat, l’Etat idéal), et à partir de là, ils envisagent
que la vision qu’ils développent puisse être appliquée dans la réalité, dans la faits: théorie vers
la réalité.
Théorie => réalité

La seconde approche (réaliste) va dans l’autre sens, elle consiste à observer la réalité de l’Etat,
d’un pouvoir et d’en induire la théorie. Elle sera davantage le fait de juristes ou ce qu’on
appeler les « sociologues » de l’époque.
Réalité => théorie

Il faut définir s’il s’agit d’une approche théorique (idéaliste) ou pragmatique (réaliste) et
définir également la formation de l’auteur, son monde intellectuel, et observer l’influence de
sa formation sur son œuvre.
NB : il y a une grande différence entre les mondes intellectuels auxquels les auteurs.

a) Le XVIe siècle

- Machiavel : 1469 – 1527

Nicolas Machiavel est caractéristique de la Renaissance italienne (très nuancé), il est de


Florence, le phare de la Renaissance. Il est juriste, d’origine bourgeoise, il a fait une carrière
politique et diplomatique pas toujours réussie (moment d’échec, d’exil). Il s’est frotté à la
pratique, pas toujours heureuse, mais dont il a induit une théorie du pouvoir.
Il a deux approches successives du pouvoir.
« Le Prince » est son ouvrage le plus connu, paru en 1513, et dans celui-ci Machiavel essaie
de définir ce que doit être la figure du bon prince.
101

Sa conception est une conception qui a été d’emblée, à son époque, très disputée, discutée. Il a
eu ses opposants, mais ses adversaires n’ont pas hésité à dire que chez Machiavel, il n’y avait
pas de moral, que Machiavel n’était pas immoral mais a-moral. Ceci n’est pas tout à fait
exact : il est vrai que Machiavel est en net rupture avec la vision du pouvoir véhiculée par les
miroirs du Prince : le Prince de Machiavel est d’ailleurs un miroir du prince mais ce n’est plus
le prince à la manière médiévale.
A partir de la renaissance, on met l’accent sur l’individualisme par rapport au groupe et la foi
n’est plus aussi pénétrante, on parle de morale individuelle. On peut concevoir la politique
sans être strictement attentif à la foi chrétienne, il y a une laïcisation.
 La foi n’intervient plus sur ce que doit être le prince.
Pour Machiavel, l’idée centrale est que l’intérêt de l’Etat prime avant tout, prime sur les
intérêts particuliers. Pour sauvegarder l’intérêt de l’Etat, il faut un homme : le prince.
Ce prince doit être un homme qui fait preuve d’une grande force personnelle, d’une grande
force morale. Ce n’est plus la morale chrétienne mais une morale plus laïcisée.
La pierre de touche de la figure du prince est la virtù qui ne signifie pas la vertu, mais la
force, l’énergie intellectuelle, l’énergie dans l’action que peut développer le prince.
C’est une force morale mais d’une morale très personnelle, individuelle, et par celle-ci il
peut faire preuve de violence, de cynisme, dissimuler, foncer, utiliser la ruse, le calcul : tout
est bon pour servir l’intérêt de l’Etat. Le prince peut donc mettre en œuvre tous les moyens
qu’il veut pour servir les intérêts de l’état. Le prince doit utiliser ses passions pour faire
triompher l’intérêt de l’Etat dont il est le responsable.
Tout cela a donné une mauvaise réputation à Machiavel. Il a une morale qui n’est pas celle
enseignée traditionnellement par l’Eglise. Le prince ne doit pas utiliser l’amour mais la
crainte.
La formule simpliste qui résume Machiavel est « qui veut la fin, veut les moyens ».

Le « Discours sur la première décade de Tite-Live » (discours signifie ici « essai ») est un
ouvrage paru après le Prince, en 1519. Tite-Live vécut à la fin du Ier siècle ACN et début du
Ier siècle PCN, il est l’auteur d’un ouvrage qui raconte l’histoire de Rome.
Nous découvrons dans cet ouvrage que Machiavel estime que le bon régime c’est la
République romaine dont Tite-Live était le chantre, il procède à une exaltation de la
république romaine.
Or la République romaine ne se base pas sur le pouvoir d’un homme cynique mais est un
régime de participation, organisé de telle manière que les citoyens y aient leur part.
Pourvoir d’un homme >< la république romaine : peuple.
Ceci est paradoxal => Machiavel a-t-il retourné sa veste ?
Replaçons cela dans un contexte historique pour comprendre la contradiction entre le pouvoir
d’un homme par le prince et le pouvoir du peuple dans la République. Machiavel est un
homme de son temps !
L’Italie (morcelée) ne connaîtra pas l’unité politique avant le XIXe siècle (1870). Machiavel
regrette cela car son idéal est de rétablir une grande Italie qui rappelle la république
romaine. Cette restauration ne pourra se faire que par une phase transitoire qui est celle du
prince, d’un homme fort qui s’impose et qui assure une transition vers une Italie plus
grande, plus forte, basée sur le modèle romain.

Retenir : Machiavel prône une morale laïque et individuelle, mais il n’est pas immoral.
Machiavel est pionnier mais pas isolé dans son genre car il introduit une nouvelle façon de
penser le pouvoir.

- Humanisme chrétien
102

Ces penseurs de l’humanisme chrétien sont contemporains de Machiavel mais envisagent les
choses de manière très différente de ce dernier.

Erasme de Rotterdam : 1467 – 1536

Erasme est un Hollandais qu’on présente souvent comme anti-machiavélien. Il a publié un


autre miroir du prince « L’institution du prince chrétien » qu’il a écrit pour notre souverain
Charles Quint en 1516.
Dans cet ouvrage, Erasme est davantage moraliste que politologue : pour lui le pouvoir doit
être pensé en termes de morale, de religion >< Machiavel vise l’efficacité, il est politologue.
Erasme souhaite un pouvoir où le prince respecte ses sujets et n’abuse en aucune manière de
ses pouvoirs. Dès lors, la caractéristique principale du prince est la paix : le prince doit faire
œuvre de paix.
Erasme n’a pas de formation juridique, il est philosophe, il se préoccupe davantage des bases
évangéliques. On ne trouve pas de considérations sur ce que doivent être les formes de l’état.
Cela dit, Erasme aime l’autorité, il considère qu’on a besoin d’une autorité pour ne pas tomber
dans l’anarchie, seulement les princes doivent avoir avant tout le souci de garder la paix.
On a souvent considéré qu’Erasme était une sorte de penseur du pacifisme, mais attention,
vouloir la paix, ce n’est pas forcément développer une idéologie pacifique (nuance entre le
pacifique et le pacifiste !).
Ex : Erasme réprouve la croisade, il estime que ce n’est pas une bonne chose même si elles se
sont faites au nom de la foi, pour lui c’est une agression entre deux mondes.
D’un autre côté, il n’est pas opposé à toute guerre. Pour lui, une guerre peut être juste, fondée,
il faut se défendre. Mais il ne faut pas que la force ne soit un objectif en soi.

Un détail important : Erasme est un grand partisan des assemblées représentatives et est
originaire de nos régions où celles-ci sont fort nombreuses, car ce sont des manières de limiter
le pouvoir et éviter que celui-ci ne soit arbitraire : c’est son souci principal d’éviter le
pouvoir arbitraire.

Thomas More : 1478 – 1535

Un peu plus jeune qu’Erasme, il était chancelier d’Angleterre, chef de l’administration royale.
Il a mal fini : il a été déchu de ses fonctions, jugé de trahison et décapité pour s’être opposé à
l’autoritarisme et au schisme religieux d’Henri VIII. L’Eglise en a d’ailleurs fait un martyr : il
a été canonisé.
En quelque sorte, Thomas More a un peu les mêmes bases d’analyse qu’Erasme : le souci
d’éviter tout arbitraire. Il a des idéaux de justice et de paix.
Erasme a écrit un miroir du prince, tandis que Thomas More a utilisé la technique de l’utopie
pour exposer ses idées. Il a d’ailleurs fait paraître en 1516 un ouvrage appelé l’ « Utopie ».
Cette technique littéraire consiste à inventer un lieu qui n’existe nulle part. Cela permet de
décrire des situations qui existent mais sans préciser leur nom. En réalité, c’est l’Angleterre
que Thomas More étudie et critique à travers son utopie, il y a chez lui une théorie de la
société anglaise.
Thomas More est un juriste, il se préoccupe des formes (>< Erasme), met sur pied un système
politique idéal et sur base de celui-ci, il se livre à une critique assez sévère de la société
anglaise de son temps. Il vient à compléter l’analyse d’Erasme. On voit notamment que
Thomas More est en réaction contre le poids des individualismes. L’individualisme est une
103

caractéristique de la Renaissance. Il souligne que ce que doit faire l’Etat c’est de veiller au
bien de tous dans un régime communautaire.

Chez Machiavel, on dit : l’Etat c’est ça.


Chez Erasme, l’Etat est instrument privilégié qui doit assurer une bonne sociabilité en
reposant sur une morale chrétienne.
Chez More, l’Etat doit veiller au bien de tous.

- Jean Bodin : 1530 – 1596

Le plus représentatif des penseurs qui se sont penché sur l’état est Jean Bodin.
Jean Bodin est le juriste à part entière, il a une carrière juridique, il s’est essayé à la politique,
mais, comme Machiavel, ça n’a pas très bien marché : mais tant mieux pour nous, comme ça
ils ont le temps d’écrire pour nous ! Il a écrit des ouvrages très intéressants. C’est un homme
d’expérience qui a les idées très claires : c’est clair, net et ne manque pas d’impact.
Bodin est un pragmatique : il part de la réalité de son temps qui est la France, la royauté
française qui est déjà sur le chemin de l’absolutisme et comprise avec les guerres de religion.
La position de Bodin est claire c’est un catholique modéré : il regrette que catholiques et
protestants s’étripent, il est dans le juste milieu.
Son ouvrage « La République » (1576) est une exaltation de la monarchie : cela semble
paradoxal, mais cela ne l’est pas car il faut prendre le mot « république » dans son sens
initial : res publica, donc république signifie « état » et non une forme non monarchique.

On peut résumer Bodin en cinq mots :


• la famille,
• la monarchie,
• la transcendance royale,
• la souveraineté,
• la résistance.

Pour Bodin, la famille est à la fois la véritable image et en même temps le noyau de l’Etat. La
famille existait avant l’état : c’est une réalité antérieure à l’état sur laquelle il doit se
constituer. L’état est une grande famille. La famille est une création divine : Dieu a crée
l’homme et la femme. Sur le modèle de la famille, l’Etat doit se constituer : on peut dire que
Bodin a une approche patriarcale, paternaliste de l’Etat.

La monarchie : pour Bodin, il s’agit de la meilleure organisation possible, meilleure qu’un


régime féodale, qu’un régime de participation populaire, etc. Mais pas n’importe quelle
monarchie : il faut un monarque qui soit un père, un régulateur (« tête » pour le corps, cf.
Jean de Salisbury) et un législateur.
Le roi-père est là pour que les choses se passent bien, un autre écrivain français dira : « le roi
est à la république, ce que le médecin est à ses patients » (le roi est là pour soigner les maux //
médecin).

La transcendance royale : le roi doit se trouver au-dessus de ses sujets, comme le père au-
dessus de ses enfants.
Ce qui justifie le roi, c’est l’origine divine de son pouvoir : le roi reçoit son pouvoir de Dieu
(conception ministérielle du pouvoir) mais ce pouvoir ne descend pas directement de Dieu
vers le roi, ce pouvoir doit prendre place dans un ordre rationnel : raison, réalité humaine.
104

Bodin se situe donc dans la tradition des penseurs du droit naturel : la raison ne s’oppose pas à
la foi, elles sont conciliables car Dieu, objet de la foi, est l’auteur de la raison.
La conception divine du pouvoir chez Bodin implique que ce pouvoir soit exercé dans un
cadre rationnel, conforme à la volonté de Dieu. Cela signifie que la république a besoin de
Dieu en tant que créateur mais qu’indépendamment de Lui, elle a son essence. L’Etat dans
son essence est humain, rationnel : on assiste à une laïcisation.
Bodin considère que la religion est indispensable pour l’éducation et la vie collective mais
elle ne peut pas être un absolu : il faut une tolérance. Sur ce point, Bodin est en prise avec les
événements de son temps.
Dans les années 60-70, ce sont les années les plus sombres : des ruses, des complots, des
assassinats entre protestants et catholiques.
Au XVIe siècle, une nouvelle loi fondamentale du Royaume dit que le roi doit être catholique,
mais Bodin rajoute que ce n’est pas pour cela qu’il doit prendre parti : la transcendance
royale, c’est cela, c’est être au-dessus des considérations humaines.

La souveraineté : Bodin est l’un des inspirateurs de l’absolutisme. Le monarque doit être
absolu et perpétuel. Le souverain ne doit pas être soumis aux ordres d’autres hommes. Il lui
appartient des s’accommoder des réalités qui l’environnent mais il ne doit en aucune manière
se soumettre car dès qu’il se soumet, il n’est plus roi : il démissionne intellectuellement de ses
fonctions, du monopole des pouvoirs.

La marque première de la monarchie est de faire la loi. Au Moyen Age, la marque première
du pouvoir était d’exercer la justice. Bodin n’élimine pas la justice mais valorise la
législation, ce qui est un de ses grands apports (on voit qu’il est fortement marqué par les
légistes). Legibus solitus est : le roi est détaché de la contrainte des lois.
De ce pouvoir de faire la loi découlent la justice, la paix et la guerre, le droit de percevoir des
impôts, de battre monnaie, de nommer des fonctionnaires et toute autre marque de la
puissance publique. C’est cette capacité de faire la loi qui caractérise le pouvoir.
Le roi est donc régulateur et législateur.

La définition que Bodin donne de l’Etat est : « c’est un droit gouvernement de plusieurs
ménages avec puissance souveraine ».
« Ménage » : famille. « Puissance souveraine » : monarque.
L’absolutisme n’est pas un pouvoir sans limite. La souveraineté, la transcendance ne signifie
pas que le roi peut faire ce qu’il veut.

Il y a un droit de résistance au tyran, au monarque qui se moque des lois naturelles, de


l’ordre voulu par Dieu, qui s’en prend à la famille. De plus, il y a des choses à l’encontre
desquelles l’autorité souveraine ne peut pas aller : la liberté des sujets, la propriété des sujets.
Ex : Il ne faut donc pas écraser les sujets d’impôts (atteinte à leur propriété, liberté), il faut
gouverner les sujets avec justice (pour respecter leur liberté).
Cf. La grande charte d’Angleterre de 1215.
Bodin se prononce pour un droit de résistance, mais cela ne signifie pas que l’on peut se
révolter comme on veut contre le roi lorsqu’il se comporte comme un tyran : la révolte reste
interdite. Bodin est alors logique avec lui-même : il faut faire appel à d’autres princes, à
d’autres monarques qui sont égaux au tyran peuvent intervenir, ou il faut s’en remettre à Dieu
et considérer que Dieu punira le tyran qui a abusé du pouvoir qu’Il lui avait confié.
Il y a un droit de résistance qui ne permet pas de révolte.
De même, Erasme considérait que la pire des choses était l’anarchie et la révolte contre le roi
est un acte anarchique qui brise l’ordre rationnel que Dieu a voulu.
105

Bodin est un auteur significatif, important dans le développement de l’absolutisme sur le plan
de la pensée, mais cela va de pair avec la réalité sur le terrain.
106

b) Le XVIIe siècle

1. Ecole de droit naturel


- Hugo Grotius
- Samuel von Pufendorf
 On passe.

2. Deux visions de l’absolutisme

- Thomas Hobbes : 1588 – 1679

Un de ses ouvrages les plus connus s’appelle « Le Léviathan » publié en 1651. En 1649,
Charles Ier a été exécuté sous ordre du parlement : régicide. Ce n’est pas un hasard. Hobbes a
été très marqué par cet événement parce que pour lui, c’est un terrible constat d’échec de
l’institution monarchique. Le roi, représentant de l’état, investi de la mission de conduire
l’état, a échoué et a été exécuté de sang froid. Que faire ? De ce fait, Hobbes a développé une
conception de l’absolutisme qui est sans doute la plus forte que l’on puisse imaginer.
Le Léviathan est une créature extraordinaire que l’on rencontre dans la Bible, dans l’Ancien
Testament. Cet animal est un symbole de puissance, un être dont la puissance n’est
comparable à aucune autre. Hobbes souhaite garantir le pouvoir par une telle puissance : il fait
un homme artificiel (détenteur du pouvoir) chargé de protéger les hommes naturels (sujets). Il
choisit de lui conférer une telle puissance pour éviter qu’un régicide se reproduise.

Sa justification est d’ordre anthropologique, ni juridique ni philosophique. A la base de sa


pensée, il y a une véritable anthropologie, une vision de l’homme selon laquelle l’homme est
foncièrement mauvais : « l’homme est un loup pour l’homme ». Par nature, les hommes sont
destinés à s’entre tuer, il faut donc les brider. A l’état de nature l’homme est mauvais.
C’est un choix fondamental : la liberté ou la survie : sécurité plutôt que liberté. La liberté
fera disparaître la race humaine car l’homme est égoïste ou on réduit la liberté et on
sauvegarde la vie. Il y va de la conservation de l’espèce humaine. Le credo d’Hobbes est de
dire que : Plus l’Etat est fort et plus le Léviathan a de la poigne, plus le bonheur des individus
sera garanti étant donné que le bonheur n’est pas la liberté d’action mais la survie.
L’Etat est la somme des individus qui le compose, mais cet État Léviathan se trouve au-
dessus des individus qui le composent, il doit donc avoir une grande puissance et n’être
soumis à aucune considération de foi ou de lois naturelles.
Il appartient au souverain d’interpréter les lois naturelles et Dieu est écarté, rejeté. Hobbes
n’est pas athée mais on utilise à son sujet l’expression assez juste « d’athéisme politique ».
Hobbes est opposé à la notion même de droit divin. Quelque part, pour Hobbes, Dieu est le
résultat de l’inquiétude des hommes, mais la nature ne souhaite pas cela, elle veut un
fondement rationnel : la pensée de cet auteur est un rationalisme vertigineux.
L’homme n’a pas de raison puisqu’il se bat avec les autres, il faut lui imposer un fondement
rationnel en créant un État ultra-rationnel qui donne le vertige.
Il semble que cet État va écraser les hommes, mais en réalité l’autorité sans limites est là
pour leur survie et se justifie par une double fonction complémentaire :
• de représentation
• de délégation.

L’Etat Léviathan représente les autres hommes, puisqu’il en est la somme, et le pouvoir est le
résultat d’une délégation faite par la communauté des sujets à leur souverain.
107

Une fois que les pouvoirs lui sont donnés, on ne peut plus les lui reprendre.
Cette représentation et cette délégation se base sur un contrat perpétuel.

Pour revenir sur un terrain concret, on comprend que Hobbes n’avait pas beaucoup confiance
en la séparation des pouvoirs (risque d’affrontement et de destruction) et en les assemblées
parlementaires. Il prône donc en faveur d’une souveraineté indivisible, en faveur d’un
monopole de l’Etat.

- Jacques-Bénigne Bossuet : 1627 – 1704

Un grand théoricien de l’absolutisme de droit divin est l’évêque Bossuet, conseiller de Louis
XIV. Son ouvrage posthume est paru en 1709 « La politique tirée des propres paroles de
l’Ecriture Sainte ». Ce titre cherche à montrer que c’est dans l’écriture sainte que se trouvent
les fondements du pouvoir. C’est l’absolutisme de droit divin français, l’autorité d’essence
divine qu’il va commenter.
Bossuet a retenu de Hobbes la nécessité d’un bon gouvernement, solide, mais il y a une idée à
laquelle il ne peut concevoir : l’idée d’un contrat.
Le Christ dit d’ailleurs à son juge : tu n’aurais aucun pouvoir s’il t’était venu d’en haut.
La référence est la référence divine et la référence à la morale chrétienne.
C’est un absolutisme qui n’est pas vertigineux car il est limité par la dimension chrétienne qui
impose au roi d’éviter l’arbitraire. La monarchie est sacrée mais non arbitraire du fait de
l’obéissance à Dieu.
Le roi doit gouverner par une raison qui lui est donnée par Dieu : le pouvoir n’est pas dans le
peuple, il n’est donc pas question de contrat.
Le Roi va leur faire du bien, il doit gouverner selon la vertu.
Entre Bodin et Bossuet, il y a une filiation mais Bodin est un juriste tandis que Bossuet est un
théologien : il ne définit donc pas des notions très importantes comme la monarchie, pour lui,
ce qui importe c’est la notion d’autorité, qui fait de la monarchie une réalité sacrée. Cette
autorité est donnée par dieu.
Le premier devoir du monarque est d’obéir à Dieu, le monarque doit montrer l’exemple.
Bossuet souligne que si l’on regarde le nouveau testament, dans l’Acte des Apôtres, on voit
que les premiers chrétiens sont de bons citoyens, qui respectent l’autorité même si cette
autorité les persécute. Ils ne veulent pas s’opposer à l’autorité civile car celle-ci est conférée
par Dieu.
Nous avons ici un bel exemple d’un penseur, d’un théoricien, qui était un conseiller de
Louis XIV qui a exprimé clairement la théorie du règne. Son ouvrage était d’ailleurs un
ouvrage d’éducation destiné au fils de Louis XIV, il y a donc encore l’idée du miroir du
prince.

3. Le rejet de l’absolutisme

- John Locke : 1632 – 1704

Il est contemporain de Bossuet, mais prend le contre-pied de l’absolutisme et annonce la


pensée du XVIIIe siècle.
Il développe une vision politique différente mais il a aussi un ancrage historique intéressant.
Locke a vécu en exil au temps de la restauration des Stuart parce qu’il était opposé à
l’autoritarisme des Stuart. Il est revenu en Angleterre lors de la révolution, vers 1688, 1689.
En 1690, il publie une paire (deux) de Traités du gouvernement civil après son retour en
108

Angleterre, au moment où se mettaient en place la déclaration des droits et le parlementarisme


du XVIIIe siècle. Il pense que c’est la liberté qui doit être conservée.
Locke a une tout autre vision de l’homme que son contemporain : Hobbes, il est parfois
considéré comme l’un des pères du libéralisme politique.
Pour lui, ce que doit faire la politique, c’est rechercher le bonheur des hommes, et ce
bonheur passe par le respect fondamental de la liberté. Il implique une sécurité des citoyens,
qu’on n’obtiendra pas par la puissance mais par un jeu naturel des institutions. Il considère
que l’état de nature de l’homme n’est pas parfait mais pas non plus catastrophique : il y a une
possibilité pour l’homme d’améliorer sa situation. L’Etat de nature chez l’homme est assez
bon, mais ce qui va l’améliorer, c’est l’état de nature de la société qui bonifie l’homme, assure
un mieux.
Il ne s’agit pas de considérer que la société exprimée dans l’état doit écraser les individus
pour leur bien mais la société est là pour accomplir l’état de nature, le rendre meilleur et
assurer non une rupture mais une transition beaucoup plus souple de l’état individuel à l’état
social.
Locke va prôner le fonctionnement des institutions parlementaires selon un mode que nous
appelons la séparation des pouvoirs. (NB : très important de nos jours.)
Ce n’est pas lui qui a fondé cette notion. Les Français disent que c’est Montesquieu… en
réalité, ce n’est pas une chose qu’on invente, c’est dans l’esprit du temps que cela apparaît.
En tout cas, Locke nous l’illustre : le pouvoir législatif est le pouvoir essentiel conféré au
parlement, le pouvoir exécutif est confié au roi. Ces pouvoirs connaissent leurs limites : ils
sont limités par cet état de nature : la liberté, la propriété, etc.
Locke est un peu un anti-Hobbes car pour lui, la liberté est innée, elle existe, il a une vision
positive, et comme cette liberté existe, il convient de la respecter, tandis que chez Hobbes, la
liberté n’est pas une bonne chose si elle n’est pas bridée car elle entraîne l’humanité à sa
perte.
Du point de vue religieux, Locke n’est pas un penseur pieux mais il considère qu’en
accomplissant sa tâche de protéger les hommes, d’assurer leur liberté, l’état accomplit la loi
naturelle, qui est le fruit de l’œuvre divine. Par conséquent la religion tient sa place et n’est
pas à exclure, pas plus que d’autres religions ou le paganisme, l’absence de religion.
La religion joue dans le jeu normal de la raison naturelle : elle n’est pas exclue mais elle n’a
pas non plus le rôle primordial.

Chapitre II : Les sources formelles du droit

1. Coutume

Elle est relativement parlant en régression mais elle reste pesante, bien présente, surtout dans
certains secteurs. Elle reste la source par excellence en matière de droit privé, et y dominera
jusqu’à et y compris au XVIIIe siècle.
Nous allons nous attacherons ici aux caractères nouveaux de la coutume.
Elle va connaître un processus de rédaction officielle, c’est-à-dire sous l’emprise des autorités
royales ou principales.
Ces rédactions officielles vont déboucher sur d’autres phases qu’on ignorait auparavant :
l’homologation. Les coutumes vont, ou du moins certaines, être homologuées.
Au-delà de l’homologation, il y a encore un autre stade possible, mais qui ne sera pas
généralisé : l’unification des coutumes.
Le fait des les rédiger officiellement et de les homologuer favorise une unification.
A travers le cas de la France, nous allons découvrir cela.
Ailleurs, Charles Quint ne va pas différer de la France, excepté pour un motif.
109

La France est exemplaire du point de vue de la monarchie. En 1454, le roi de France, Charles
VII, va promulguer une ordonnance (un texte de loi) : l’ordonnance de Montils-lez-Tours
(lieu où le texte a été signé) qui est célèbre et capitale car c’est une ordonnance de
réformation.
L’ordonnance de réformation apparaît souvent comme un fourre-tout : elle est destinée à
réformer, améliorer un certain nombre de points dans le Royaume.
Un des articles de cette ordonnance prescrit la rédaction de toutes les coutumes du Royaume,
sous l’autorité du Roi.
Elle prescrit que les textes coutumiers soient rassemblés sous l’autorité des baillis, officiers
régionaux au service du roi : il s’agit donc bien d’une entreprise royale.

Les différentes étapes :

1ère étape : La rédaction

- on rassemble les coutumes en vigueur dans telle ou telle région, village, etc. et on les
met par écrit dans des avant-projets,

- on interroge les spécialistes locaux appelés les coutumiers (des praticiens, ceux qui
connaissent les coutumes parce qu’ils les appliquent), on interroge aussi aux autorités
locales de faire valoir leurs propositions,

- on interroge les assemblées représentatives, les assemblées d’état (des représentants de


tous les états s’y trouvent),

- on regarde si on s’entend sur le plan local pour l’avant-projet, s’il y a des propositions
concurrentes, non-cohérentes, etc. : les conseils, parlements vont trancher.
Ce mécanisme ne se fera pas complètement. Par conséquent, un autre roi, Louis XII, en 1498
va publier une autre ordonnance : l’ordonnance d’Amboise. Il y reprend l’ordonnance de
Montils-lez-Tours au sujet des coutumes, mais avec une modification : le roi va envoyer des
commissaires, des hommes délégués à cet effet, pour stimuler le travail local (on n’attend plus
que les textes viennent jusqu’en haut, on va les chercher). Les commissaires peuvent déjà
régler tout un certain nombre de choses sur place afin d’alléger le travail et de le rendre plus
efficient.

Le résultat sera assez positif. Si le démarrage a été assez lent fin XVe, au début du XVIe
siècle, sous Louis XII et sous François Ier, de très nombreuses coutumes françaises vont être
rédigées officiellement.
Tout cela permet de nettoyer le terrain, d’effacer les coutumes qui ne conviennent pas ou ne
conviennent plus. Cela va permettre surtout de réformer les coutumes : la réformation consiste
à leur mise à jour : avoir des coutumes meilleures et plus efficientes.
Ces ordonnances sur ce point seront utiles.
Une soixantaine de coutumes générales seront rédigées au XVIe siècle, ce sont des coutumes
qui s’appliquent à toute une province, toute une région. Coutume générale ne signifie pas
coutume nationale, il n’y a pas de coutume à l’échelle du pays.
A côté des coutumes générales, deux centaines de coutumes particulières, locales seront
rédigées. Ces chiffres nous montrent que l’entreprise s’est révélée efficiente.
110

Sur ce point, la France est en avance : c’est à mettre en rapport avec la fin de la guerre de
Cent Ans : le Roi contrôle son Royaume, dispose d’une armée et peut prélever un impôt
permanent.

Si la France est un état unitaire, un territoire centralisé, les Pays-Bas au contraire sont un
ensemble de petites principautés : les données sont différentes, néanmoins, Charles Quint
parviendra à une entreprise comparable.

En 1531, il commande via une ordonnance la rédaction des coutumes, qui se fera lentement.
Les travaux de rédaction officielle des coutumes seront caractéristiques du début du XVIIe
siècle (décalage par rapport à la France compréhensible). Chaque conseil de province y
travaillera, puis renverra le fruit de son travail au niveau du souverain, Charles Quint.

2ème étape : l’homologation

Une fois les textes coutumiers rédigés, ils doivent être homologués.
Homologuer = donner force de loi.
L’homologation des coutumes est l’acte par lequel la coutume acquiert valeur de loi. Ce n’est
pas une loi par sa nature, elle reste coutume sur ce point, ni par son contenu, ça reste des
matières de droit coutumier, mais c’est une loi par la forme, par la force juridique.
Certaines coutumes n’ont pas été homologuées parce qu’on estime pas que ce sont des choses
auxquelles il ne faut pas donner une valeur de loi, mais il y a tout de même une certaine
proportion.

On a des chiffres pour les Pays-Bas : dans nos régions, près de 700 coutumes seront rédigées
(rien que sur le territoire de la Belgique future) mais seulement 88 seront homologuées, parce
qu’on estimera que ce sont celles-là qui peuvent l’être, les autres étant trop particulières. Une
autre raison est le phénomène de résistance : conflit entre coutumes, ou on refuse que les
coutumes passent dans les mains du pouvoir central, mais les coutumes qui resteront
officieuses seront condamnées à disparaître, car une coutume homologuée est supérieure à
une coutume seulement rédigée, qui est elle-même supérieure à une coutume non rédigée et
non homologuée.

Cela se fera également dans l’Empire, mais en Angleterre, c’est tout différent car autre régime
de droit.

Une plus grande stabilité en découlera : on dispose de textes sûrs, officiels, sanctionnés par
l’autorité supérieure. Si on modifie quelque chose, cela se fera en connaissance de cause.
Le producteur de la loi est le souverain : une coutume homologuée est directement en lien
avec le souverain, il n’est dès lors plus question de lui porter atteinte.

On pourra aller vers une plus grande unité des coutumes grâce à l’homologation.
Que ce soit en France, ou ailleurs, certains peuples tenaient à leurs coutumes et n’ont pas
voulu les laisser être rédigées, mais un certain nombre de coutumes locales ont été digérées,
absorbées par des coutumes plus générales.
Au deuxième degré, un atout pour les coutumes d’avoir été rédigées : cela leur procure une
meilleure capacité de résistance, non pas par rapport à la loi qui concerne surtout le droit
public, mais face au droit romain.
Le droit romain s’insinue de plus en plus dans le droit privé, depuis le XIIe, XIIIe siècles : on
y recoure davantage, et le droit romain vient de plus en plus concurrencer la coutume, car il
111

construit, rationnel. Pour lui résister, la coutume doit s’adapter pour lui résister en devenant
également construite, rationnelle.
Mais ce n’est pas une bagarre perpétuelle entre droit romain et coutume : il y aura des
influences positives et volontairement acceptées, des échanges réciproques. Mais ce sont tout
de même des ordres juridiques différents et il arrive qu’il faille choisir : tout dépendra alors
d’un certain nombre de circonstances (localité, etc.).

2. Législation

Elle avait pris un essor formidable à la deuxième moitié du Moyen Age. La loi règle avant
tout le droit public. Nous pouvons observer une tendance à la hiérarchie des normes.
Pour Jean Bodin, l’activité législative est l’activité essentielle et le propre du souverain : c’est
le propre du roi de faire des lois qu’il impose à ses sujets.
Mais on ne peut effacer la tradition qui dit que d’autres autorités font des lois : des princes,
des villes (législations communales), etc.
Au XVIe siècle, on assiste à une hiérarchisation des lois : toute loi sera censée émanée du roi.
Tout texte émanant d’une autorité autre que le roi devra s’insérer dans la hiérarchie des
ordonnances du roi.
Le roi dispose d’institutions versées dans ce type d’activités, d’un entourage de juristes, mais
une limite lui est imposée par le Parlement grâce à l’enregistrement des lois par le Parlement,
qui n’est pas à négliger si l’on veut envisager les progrès de la pratique législative.

En ce qui concerne la France, nous sommes dans le champ de la monarchie absolue qui est en
train de se construire : nous connaissons la signification de l’absolutisme : tout ce qui relève
de la justice, de l’armée, de la police, et tout ce qui relève du domaine public relève de la
législation royale. Ce qui sera nouveau, c’est la manière dont les textes vont être conçus.
Les ordonnances de réformation, caractéristiques de la fin du MA, 14, 15e siècles. Ces
ordonnances de réformation ne disparaissent pas, elles restent nécessaires au début des temps
modernes car on y rencontre toutes les demandes formulées aux lois : plaintes émanant des
assemblées d’états : telle ou telle chose ne fonctionne pas, intervenez !
Mais cela est un travail à la petite semelle : c’est voir les problèmes les un après les autres.
On voit apparaître alors les ordonnances-codes qui sont des textes beaucoup plus construits.
Un code est un exposé systématiques et complet d’une branche du droit. Ces ordonnances
prétendent balayer tout un secteur de la législation. Elles vont fleurir en France sous Louis
XIV.
On compte parmi celles-ci l’ordonnance de 1667 « l’ordonnance civile pour la réformation de
la justice » (le mot réformation est encore présent même si ce n’est plus une ordonnance de
réformation). Et trois ans plus tard, en 1670 : « le pendant de l’ordonnance de 1667 pour la
procédure pénale ».
L’ordonnance sur le commerce des marchands, en 1673, sorte de code de commerce.
A la base de ces ordonnances, nous trouvons des collaborateurs politiques du roi, mais
également des techniciens : des juristes.
Des textes plus anciens sont repris, mais des données nouvelles vont intervenir, surtout en
commerce, et l’influence du droit romain, notamment en procédure civile, n’est pas à
négliger.

En Angleterre, le pouvoir législatif est partagé : le roi fait les lois et les lois doivent être
votées par le Parlement pour devenir des statuts.
112

Au XVIe siècle, à l’époque des Tudor, l’époque d’une sorte d’absolutisme d’intention. Le roi
Henri VIII va essayer d’introduire une nouvelle forme d’activité législative. Il sera le roi le
plus actif point de vue législation depuis le XIIIe siècle. La législation en Angleterre n’est pas
inexistante mais pas intense, mais sous Henri VIII, elle devient intense car il veut intervenir
dans tous les domaines du droit, il va même légiférer dans le domaine du droit privé (normal
car ils n’ont pas de coutumes). Il y a moins en Angleterre qu’ailleurs une séparation entre une
législation/droit public – coutume/droit privé. Henri VIII intervient dans une législation
sociale, il intervient au niveau du testament, etc. mais ce qu’il va surtout essayer, c’est de se
passer du Parlement.
Henri VIII va s’efforcer de développer des proclamations : ce sont des textes que le roi
promulgue avec son conseil sans passer par le Parlement. Ce dernier n’appréciera pas du tout
cette manière de faire, et prendra par la suite le dessus du roi.
Nous aurons finalement en Angleterre un équilibre entre les différents pouvoirs.
En Angleterre, il y a un droit d’interprétation des lois par les tribunaux (sir Edwart … cf plus
haut) : grand débat sur la question de savoir qui doit faire la loi : les cours de Common Law
ont leurs partisans. En France, nous n’avons pas cela : les parlements doivent enregistrer les
textes mais n’ont pas à agir sur les textes.

Charles Quint gouverne un territoire assez séparé, et il va s’efforcer de développer une


législation générale, des textes qui s’appliqueront à l’ensemble des Pays-Bas, ce qui sera
difficile car les Pays-Bas sont un ensemble de provinces et n’existent pas en tant qu’unité
juridique.
Aux siècles, il va développer une législation de portée générale, en plein essor au XVIe siècle,
en matière d’ordre public, en matière fiscale, etc. Il n’empêche que les législations
particulières resteront très vivaces. Nous aurons des législations particulières provinciales,
même si on essayera plus tard de les assujettir aux législations générales.
Il faudra attendre le début du XVIIe, avec l’édit perpétuel des Pays-Bas, pour disposer d’un
texte, d’une loi-cadre.
C’est un texte qui aborde une série de secteurs et destiné à fournir une base de codification
pour le droit de l’ensemble des Pays-Bas.

3. Jurisprudence

Pour l’Angleterre, nous avons des grandes cours de justice qui ont beaucoup de prestige, qui
ont à leur disposition un certain nombre de moyens pour intervenir dans la pratique judiciaire
et qui rendent des arrêts, des sentences définitives. Ces arrêts n’ont pas valeur d’une loi, mais
le parlement en France fait des arrêts de règlements, dont l’application dépasse le cas dans
lequel ils ont été énoncés. De même, la sentence énoncée par le Parlement s’applique au-delà
du cas : valeur de loi sans vraiment être une loi. Les arrêts des cours supérieures renforcent le
poids des jurisprudences, même si nous n’avons pas la règle du précédent judiciaire.

En Angleterre, la règle du précédent est un usage, mais pas obligatoire.


Le Common Law s’enrichit encore de nouvelle technique. Nous avions depuis très tôt des
documents établis, qui consistaient en recueils de sentences dans lesquels on insistait
davantage sur la procédure que sur le contenu des décisions, en particulier dans les Year
Books, recueils établis chronologiquement.
Au XVIe siècle, les recueils établis chronologiquement. Au XVIe siècle, les Year Books
tendent à disparaître, devenir désuets, et se voient remplacés par des Abridgments, (on devine
le terme « abrégé »), ce sont des recueils établis non pas les cours mais par des praticiens, des
113

avocats qui recueillent les décisions des Cours et qui en font des relevés mis à la disposition
des autres avocats, juges.
C’est une technicisation des avocats, des professionnels, en ayant à l’esprit qu’on est formé à
la base et non dans des universités : par des professionnels pour des professionnels.
Nous sommes au temps où le droit se professionnalise.

Chapitre III : Vers une « science du droit »

Expression entre guillemets car c’est une formule, une image, mais cela signifie que nous
allons vers un droit qui acquiert des caractères de type scientifique par le raisonnement, la
rigueur des méthodes, etc. Le droit n’est plus seulement une pratique, quelque chose que l’on
vit, il devient quelque chose que l’on pense, que l’on conçoit.

1. Doctrine romaniste

Envisageons les choses sur deux plans : celui de la méthode et celui de la réception (la mise
en pratique du droit romain dans les différentes pays d’Occident).
Nous savons qu’au Moyen-Age, il y avait eu deux écoles : l’école des glossateurs (surtout en
Italie, à Bologne) et l’école des commentateurs (praticiens français mais aussi en Italie avec
Bartole). Ces deux écoles se regroupent sous le mos italicus.
Le mos italicus, l’usage, la manière de faire italienne : on y oppose une nouvelle manière de
faire : le mos gallicus, qui vient de la France.
C’est une nouvelle école, que l’on appelle l’école humaniste. Une autre dénomination, plus
précise, plus typique : l’école historique.
Le droit romain est encombré par les gloses, les commentaires, par tout ce qu’on raconté les
juristes des XIIIe, XIVe et XVe siècles et le véritable droit romain semble étouffé.
Pour ces nouveaux romanistes, il s’agit de rétablir, de restituer les textes corrects, initiaux,
originaux et d’éliminer tout le reste : les gloses et commentaires ne sont pas l’essentiel.
L’essentiel est de revenir au texte, au corpus iuris de Justinien, sacré pour les juristes de cette
école, comme la remise en valeur de la Bible.
C’est un texte sacré qu’il faut étudier et non passer par des intermédiaires. Ces gens-là ont une
perspective historique. Ils constatent que le corpus est le résultat de plusieurs siècles
d’adaptation : il n’est pas tombé du ciel, il ne s’est pas fait d’un seul coup. Les romanistes du
Moyen Age n’y étaient pas sensibles. A travers le corpus, on va essayer de retrouver d’autres
sources, d’établir l’historicité du droit romain.
Par exemple, pour le Digeste, celui-ci contient de nombreux textes de juristes romains, mais
ces textes sont-ils vraiment ce que ces juristes ont exprimés : n’y a-t-il pas eu des
modifications ?
Il y a un travail d’historien, mais aussi de philologue.
Ils veulent retrouver un droit romain à l’état pur, complètement nettoyé de tout ce qui
l’entoure. Le principe des juristes de cette école est de dire que la pratique doit se soumettre à
la règle romaine et ce n’est pas la règle romaine qui doit se soumettre à la pratique. Bartole
nous a montré que le grand souci des commentateurs étaient de faire en sorte que le droit
romain s’applique aux situations vécues : il ne faut pas adapter le droit romain aux situations
de notre temps.
Les glossateurs sont tout à fait attachés au texte, mais ils ne se préoccupent pas de savoir
quelle est l’origine du texte.
Le mérite de l’école historique est d’avoir montré que le corpus était le résultat d’un long
travail d’adaptation au cours des siècles. Mais on peut lui reprocher un refus d’adaptation :
ces juristes ont idéalisé le droit romain. De fait, celui-ci est utile, estimable, mais il doit être
114

amené à s’adapter à un certain nombre de situation. Ils font du droit romain une sorte
d’abstraction un texte sacré auquel on ne peut pas toucher.

André Alciat est d’origine italienne (son nom a été francisé), mais il vit en France. Le plus
important des représentants de cette école qui aura été un élève d’André Alciat (mort en 1550)
sera Jacques Cujas (mort en 1590). Nous avons véritablement une école qui va s’enraciner en
France et produire une nouvelle manière d’étudier le droit romain.

Sur le terrain de la pratique


Il nous faut parler du phénomène de réception du droit romain : la manière dont il a été reçu.
Il nous faut introduire des distinctions.

En Allemagne (on dit Allemagne car on se penche davantage sur un caractère géographique),
le droit romain va être reçu le premier et le plus nettement. En 1495, la Diète de Worms va
décréter que le droit romain est désormais le droit général dans l’Empire. On donne au droit
romain le caractère droit commun, le gemeines Recht surpassant les droits locaux. On
comprend la volonté de la Diète de Worms de trouver un commun dénominateur dans
l’Empire.
Mais le droit romain ne s’appliquera pas du jour au lendemain dans l’Empire, il y a des
coutumes, etc. mais lorsqu’il n’y a pas de solutions convenables trouvées, il faut utiliser le
droit romain. Le droit romain est proclamé droit de l’Empire, cela cache une idée : l’idée de
l’héritage de l’Empire romain dans le Saint Empire de la nation germanique.
Le droit romain ne s’implante pas vraiment bien en Allemagne mais il y a une réception
officielle.

En France, le droit romain sera reçu également, mais moins : il sera reçu au titre de raison
écrite. Cela signifie que le droit romain recevra une autorité supplétoire ou supplétive. En
Allemagne, il est officiellement reconnu comme étant un droit commun, pas en France car le
droit officiel est celui du Roi : le droit romain n’intervient qu’en cas de silence des
ordonnances et des coutumes. Il n’y a pas de réception officielle.
On utilise la raison écrite car le droit romain est rationnel, et écrit.
Jean Bodin est net à ce sujet, il n’hésite pas à dire que ce serait un crime de lèse-majesté de
faire valoir le droit romain contre la loi du roi. Ce serait porter atteinte au roi d’avoir recours
au droit romain avant d’avoir recours aux ordonnances.
Guy Coquille, spécialiste des coutumes, explique que ce qui vaut d’abord c’est « nos bonnes
coutumes françaises » et le droit romain n’intervient que lorsqu’on en a besoin.

L’Angleterre a connu les commentateurs davantage que les glossateurs, le droit romain est
enseigné dans les facultés de droit des deux universités.
A côté des lawyers se développent les civilians, qui sont des spécialistes du droit romain. Ils
auront leur place en Angleterre : ils interviendront de manière active dans certaines matières :
l’Equity. Dans la cour de la chancellerie, on trouve les civilians formés au droit romain,
partisans d’une royauté forte.
En Angleterre, au XVIe, XVIIe siècle, il y a un civilians pour dix lawyers. Avec la victoire du
Parlement sur la Royauté, les civilians seront plutôt en déclin.

En tout cas, en Allemagne, réception officielle, en France/Pays-Bas, réception supplétoire, en


Angleterre, pas de réception, pas de caracètre supplétif : si le Common Law ne donne pas de
solution, la conscience doit intervenir : il n’est dit nulle part : « on recourt au droit romain si
115

on en a besoin » : on le sait, mais ce n’est écrit nulle part : c’est une réception qui n’en est pas
une. Il y réception car le droit romain est utilisé, mais la réception n’est pas officielle.
 La situation diffère en fonction des pays !

La manière dont on vient d’exposer les choses pourrait nous faire penser qu’on va chercher
les règles de droit romain pour les imposer, paf !, dans le droit existant. Ce n’est pas le cas : le
droit évolue lentement, avec beaucoup de prudence. Lorsqu’on parle de réception, il faut
comprendre que la réception du droit romain se traduit davantage dans les argumentations. Le
droit romain ne permet pas de chercher des solutions toutes faites, mais on s’inspire de la
manière dont le droit romain est pensé, la manière dont les œuvres exposent les choses, pour
argumenter dans les procès.
Au point de vue de la technique, lorsqu’on examine des textes, particulièrement des textes de
procès, dans lesquels le droit romain est invoqué, on l’impression que finalement, on parle
d’autre chose : le droit romain est invoqué sans qu’il n’y ait de règles appliquées.
On pourrait avoir l’impression d’un manque total de logique, non : on se réfère à des données
de droit romain non pour trouver des solutions sur le fond que la coutume va peut-être
procurer, mais pour trouver des réflexes, afin de pouvoir faire des allégations.
Alléguer le droit romain signifie se référer au droit romain pour induire un raisonnement
juridique. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on étudie le droit romain : pour avoir une
méthode, entrer dans un certain type de raisonnement.

2. Doctrine coutumière

Parler d’école est un peu excessif mais parler de doctrine ne l’est pas.
C’est une manière de faire : on introduit dans l’étude des coutumes, qui est très pratique, une
démarche théorique, savante. (La formule de « droit savant » désignait le droit romain et le
droit canonique et le droit naturel.) La notion de « savant » n’a rien à voir avec la coutume
mais va tout de même pénétrer son étude.

Nous allons nous pencher sur des exemples français pour comprendre cela.
Antoine Loisel est un avocat français (ils sont tous des juristes, des hommes de terrain) qui
publie un livre appelé « Les Institutes coutumières ». Quelques siècles auparavant, joindre la
référence savante romaine à la notion de coutume aurait semblé hérétique !
Ce livre consistera en un recueil d’adages : les adages sont des petites phrases qui permettent
de comprendre des réalités plus profondes.
Il va énoncer les règles coutumières sous forme d’adage, sous forme de petites formules, afin
qu’elles se retiennent mieux. Ainsi, Loisel parle de la féodalité, qui s’est imposée au XIe, XIIe
siècles surtout, au point qu’elle était tellement envahissante que peu de gens y échappaient.
Loisel résume cette réalité dans un adage : Nulle terre sans seigneur : celui qui occupe la terre
n’est pas le propriétaire, il a un seigneur au-dessus de lui. Les Rois ne meurent point en
France : la théorie statutaire du pouvoir : les Rois passent mais la Royauté demeure. Cela ne
signifie pas que les rois ne meurent pas physiquement, mais cela signifie que la royauté
perdure.

Guy Coquille, au début du XVIIe siècle, publie un ouvrage qui s’appelle « L’institution au
droit des Français » : le droit des Français est le droit coutumier : l’ouvrage parle de droit
coutumier mais est conçu comme les ouvrages de droit savant, de droit romain. On applique
une réalité savante inspirée de l’influence romaniste aux coutumes. Coquille dira que le vrai
droit des Français est le droit coutumier.
116

Jean Domat est un auteur que l’on peut rapprocher de l’école historique de droit romain, vers
la fin du XVIIe siècle, écrit un ouvrage qui s’appelle « Les loix civiles dans leur ordre
naturel » : on fait appel à une autre composante du droit savant : la référence au droit naturel,
qui est une composante du droit savant. « Les loix civiles » c’est une base coutumière. Domat
joue sur un double sens du mot « naturel » : il montre comment les coutumes françaises sont
en contact, sont influencées par le droit naturel, mais en même temps, il expose ces coutumes
selon un plan de droit romain. Coutume, droit naturel et droit romain sont ici appelés à former
un ensemble.

Conclusion générale

Nous avons étudié le phénomène de l’état.

- L’état, des Carolingiens au XVIIIe siècle : une continuité ?

Expérience assez nouvelle, originale, qui a laissé par la suite des traces et a introduit des
nouvelles idées.
Avec la révolution française du XVIIIe siècle, les données du point de vue politique sont tout
à fait chamboulées : moment de s’arrêter.
Y a-t-il une continuité ?
Si l’on s’en tient aux faits, il y a de grandes différences à travers ces neuf siècles mais il y a
des éléments qui sont continus. Et notamment l’éveil d’une certaine conception de l’état.
L’état nécessite une certaine abstraction. Auparavant, l’idée de l’état était dépendante
d’individus, de chaire et d’os, et non pas état comme idée, cela est le résultat d’une lente
maturation qui s’est faite grâce à l’action des hommes (ministres, penseurs, etc.). La question
de l’évolution de l’état est une histoire de conjonction entre des hommes et leurs actions, et
d’idées qui ont mûri et qu’on a parfois été cherchées ailleurs : valorisation droit romain, …
Aux temps modernes, une laïcisation intense, beaucoup plus marquée par la raison humaine,
qui devient le grand fondement théorique de l’état.

- Le pouvoir, la justice et le droit : fluctuations de concert ?

Ce sont les trois grands axes de l’état.


Chaque section du cours était centrée sur un de ces grands axes mais on ne peut pas les
séparer. Ces éléments ont évolué en symbiose.
Le pouvoir devient de plus en plus abstrait et se veut de plus en plus fort, et s’affirme comme
tel. Comparé à la période féodale où le pouvoir des monarques était réduit par les structures
même de la féodalité : il reposait sur des relations personnelles intenses, mais par la force des
choses, il était réduit par des valeurs (cf. roi de France au départ). Puis, on a abouti à
l’absolutisme : un pouvoir défait de toute contrainte humaine (pas divine).
La justice va suivre le mouvement du pouvoir. Si l’on met les matières concernant la justice
en parallèle avec les matières concernant le pouvoir : il y a une tendance à la centralisation, à
la hiérarchisation (hiérarchisation des tribunaux répondant à celle des pouvoirs ; et
hiérarchisation de la législation).
Le MA baignait dans la coutumes avec une législation timide (cas particulier : Angleterre :
jurisprudence). Les coutumes et le Common Law viennent de la base.
Puis, on a assisté à l’éveil de la source de droit qu’est la loi, qui convient à un pouvoir qui
veut se renforcer.
117

Un effet majeur de l’histoire du droit : renaissance à partir des XII, XIIIe siècles de
l’utilisation du droit romain, et ajoutons le rôle du droit canonique, dont le rôle s’affaiblira par
la suite.

- Les caractères de l’ « État moderne » : national – souverain – centralisé –


fonctionnarisé.

C’est-à-dire l’état des temps modernes tel qu’il se réalise aux XVII, XVIIIe siècles et tel que
nous le connaissons encore aujourd’hui.
Différents types d’états ont été réalisé : pas le même partout. A travers les expériences
anglaise, germaniques, et françaises, nous avons pu observer ce qui a marché ou non, et nous
en dégageons un état moderne type.
- Celui-ci est avant tout un état national : les états qui ont le mieux réussi sont ceux qui se
sont fondés sur la nation (cf. France, Prusse, Angleterre). Par contre, les grandes constructions
supranationales ont échoué : l’Empire, la papauté, etc. la papauté échoue à vouloir constituer
une monarchie supérieure.
- L’état doit être souverain. Le véritable monarque doit être souverain : hormis Dieu, il ne
peut plus reconnaître quelqu’un de supérieur à lui. Il n’est plus seulement suzerain. Tout le
monde est le sujet de ce monarque souverain. La souveraineté est la pleine réalisation de la
monarchie, elle peut ne pas être totale, être limitée : cf. Angleterre, cf. Empereur germanique :
ils prêchent un peu dans le désert mais on les reconnaît car ils occupent une position unique,
exceptionnelle, ce qui leur vaut un prestige inégalable.
- L’état est centralisé. A la situation de la personne correspond la situation de l’appareil de
l’état : celui-ci est centralisé. Les institutions ont commencé à surgir après le Moyen Age.
Les plus grandes institutions étudiées sont apparues progressivement (pas créées en un coup),
par l’usage, en tendant vers la centralisation. Il y a une centralisation anglaise comme il y a
une centralisation française. Cette centralisation est une condition de réussite.
- L’état est fonctionnarisé. Pour faire fonctionner l’appareil de l’état, il faut des hommes
compétents, des hommes capables. Le roi et ses ministres ne suffisent pas. Un état comme la
Prusse par ex va se fonder sur la fonctionnarisation, sur la force des fonctionnaires. Cela
signifie la compétence : les progrès du droit, de l’enseignement du droit ont joué un rôle
primordial dans la formation d’une nouvelle classe politique : les légistes, qui allaient fournir
les cadres de l’état moderne.

Aux confins de deux visions : pouvoir « descendant » et pouvoir « ascendant ».

Il y a deux formes de pouvoir qui s’imposent qui ont convergé, se sont combinées pour
former l’état moderne.
L’héritage du MA est un héritage romain et chrétien : apport païen, apport spirituel, ainsi que
l’héritage germanique, qui est sensiblement différent.
Deux pouvoirs :
- le pouvoir « descendant » : de haut en bas = héritage romano-chrétien (le pouvoir de
l’Empereur romain : il est là, il y a ce souvenir de l’imperium romain, qui va perdurer.
Charlemagne a parfaitement intégré cette conception ministérielle du pouvoir. S’il y a
un héritage romain, il y a aussi la coloration chrétienne : la conception ministérielle
définit le pouvoir comme un roi qui est le délégué de Dieu. La conception chrétienne
ne divinise pas mais fait du souverain mais fait du souverain un délégué de Dieu.),
- le pouvoir « ascendant », de bas en haut = apport germanique. Le chef est fait par les
hommes, il est un homme parmi les hommes et élevé par ceux-ci au pouvoir. Si la
justification du pouvoir est divine, elle fait aussi sa place à la base, au rôle que peuvent
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jouer les hommes dans la légitimation du roi. Cette règle apparaîtra encore plus tard,
avec Hobbes, Locke : idée du contrat entre le souverain et les hommes. Cette idée du
contrat est une traduction dans la pensée juridique de la notion même de pouvoir
« ascendant » : parce que le peuple le veut, le roi est détenteur du pouvoir. Il y a aussi
une justification descendante : ce pouvoir vient d’en-haut.

Questions – réponses

- Le sherif n’est pas un juge, il est un intermédiaire (a en main le bref et doit le porter)
et il convoque également le jury qui informera la justice : il désigne le jury, transmet
les brefs.
- La chambre des Pairs, des Lord : Pairs = égaux. Chambre haute qui rassemble les
grands nobles, les grands ecclésiastiques.
- Le Parlement est la section judiciaire de la curia, et la curia regis est l’entourage du
roi dont sont sortis des institutions plus spécialisées.
- Entre 1804 et 1806 : en 1804, au moment où Napoléon remporte les succès que l’on
sait, l’Empereur germanique est dans le camp des vaincus, et sous la pression de
Napoléon, le Saint Empire romain de la Nation germanique, va subir une mutation
depuis 962. L’empereur germanique va se muer en Empereur d’Autriche.
- Louis VII a remis la loi sur pied. Des capétiens au milieu du XIIe, il faut attendre pour
le retour de la législation !
- Si le défendeur qui reçoit le bref n’a pas envie de s’engager dans la procédure, on aura
pas besoin du juge : on dit au sheriff : je lui ai volé ça, ok je lui rends. Mais si le
défendeur veut défendre son droit, on devra réunir un jury de jugement
(d’accusation ?).
- Le droit canonique est UN droit religieux, au même titre que le droit musulman, etc.
ces droits se fondent dans la référence à un droit religieux.

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