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LOIS & RECITS DE

CHAVOUOT

LOIS & RECITS DE CHAVOUOT


Torah-Box.com est heureux de vous présenter le 2ème recueil de
la série « Lois & Récits » ayant comme objectif l’accès facile à la
connaissance et à la pratique des fêtes juives.

En effet, ce recueil contient tout ce dont vous avez besoin pour la


fête de Chavouot :
 
• le Récit : pour connaitre l’histoire du Don de la Torah
• Méguilat Ruth : le livre lu à Chavouot, agréablement commenté
• les Lois : pour appliquer les mitsvot liées à ce jour
• des Réflexions : l’étude de la Torah aujourd’hui

Ce livre est également disponible sur notre site Internet en version


«  ebook  », consultable et téléchargeable librement à l’adresse  :
www.torah-box.com/ebook

L’équipe Torah-Box

Couverture :
Lois & récits
DE CHAVOUOT



Diffusion de Judaïsme aux francophones dans le monde


Traduction
Raphaël AOUATE

Direction
Binyamin BENHAMOU

Publié et distribué par les


EDITIONS TORAH-BOX

France
Tél.: 01.80.91.62.91
Fax : 01.72.70.33.84
Israël
Tél.: 077.429.93.06
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Pour commander ce livre en hébreu, appelez au : (+972) 4.99.88.996


Imprimé en Israël

Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n’importe où,
ni le transporter d’un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.
Note de l’éditeur

Torah-Box.com est heureux de vous présenter le 2ème recueil de la


série « Lois & Récits » ayant comme objectif l’accès facile à la
connaissance et à la pratique des fêtes juives.

En effet, ce recueil contient tout ce dont vous avez besoin pour la


fête de Chavouot :

- le Récit : pour connaitre l’histoire du Don de la Torah


- Méguilat Ruth : le livre lu à Chavouot, agréablement commenté
- les Lois : pour appliquer les mitsvot liées à ce jour
- des Réflexions : l’étude de la Torah aujourd’hui

Ce livre est également disponible sur notre site Internet en


version « ebook », consultable et téléchargeable librement à l’adresse :
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Nous témoignons ici notre gratitude à M. Raphaël AOUATE pour la


fidélité de sa traduction ainsi que notre reconnaissance au rav David
CHALOM de Betar pour nous avoir permis de traduire et diffuser ce
recueil au public français.

‫להגדיל תורה ולהאדירה‬


L’équipe Torah-Box


Précisions aux lecteurs :

• Les lois (halakhot) contenues dans ce livre sont adaptées aux Séfarades comme aux
Achkénazes, mis à part celles dont nous avons expliquées les différences. Elles sont selon
le ‘Hazon ‘Ovadia (Hilkhot Yom Tov) du Gaon haRav ‘Ovadia YOSSEF.

• Les paroles de nos Maîtres citées dans la partie « récis » proviennent des Midrachim
(interprétations allégoriques) ainsi que des Commentateurs et sont tirés des en grande
partie de l’ouvrage Mé’am Loez.
INDEX

■ PREMIÈRE PARTIE :
RÉCITS

Le don de la Torah 9
Introduction à la Méguilat Ruth 33
La Méguilat Ruth 37
David HaMélèkh 81
Le Livre des Téhilim 97

■ DEUXIÈME PARTIE :
LOIS

Nuit de Chavouot 111


Prière du Matin 125
Déroulement de la journée de Chavouot 127
Quelques lois relatives au Yom Tov 135
Erouv Tavchiline 141

■ TROISIÈME PARTIE :
RÉFLEXIONS

L’étude de la Torah aujourd’hui 147


 Que ce livre contribue à la réussite du

Collel « Torah Box / Vayizra’ Itshak »
Centre d’étude de Torah pour francophones à Jerusalem
sous l’enseignement du rav Eliezer FALK

à la mémoire de Jacques-Itshak BENHAMOU

au Roch-Collel :
Rav Eliezer FALK

et à ses chers étudiants assidus


et dévoués pour la Torah :

Rabbi Nethanel OUALID


Rabbi David ATTIA
Rabbi Lionel SELLEM
Rabbi Itshak ZAFRAN
Rabbi Shimon KATZ
Rabbi Méïr AZOULAY
Rabbi Chmouel AMOYELLE
Rabbi Daniel COHEN
Rabbi Yossef BENSAID
Rabbi Mordekhaï ELKOUBI
Rabbi Michael ELYASHIV
Rabbi Raphaël MARCIANO
Rabbi Ephraïm MELLOUL
Rabbi Yehochoua GUEDJ
Rabbi Michael LACHKAR

Qu’ils puissent grandir ensemble


dans la Torah et la Crainte du Ciel.
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première partie

RÉCITS
a b


Récits

LE DON DE LA TORAH

C’est il y a plus de 3300 ans, un jour de Chabbath Kodech, au sixième


jour du mois de Sivan, plus exactement en l’an 2448 depuis la création
du monde. C’est au plus fort d’un tumulte et d’un ébranlement que le
Créateur du monde se manifeste sur le Mont Sinaï afin d’offrir la To-
rah à Son Peuple Israël. Cet événement est inscrit depuis lors dans la
conscience de la nation juive, non pas comme un simple fait historique
impressionnant, héritage d’un lointain passé, mais bien plus comme
l’événement majeur sur lequel repose toute notre vie, passée, présente
et future. C’est ainsi que le Créateur du monde déclare dans la Sainte
Torah (Devarim, 4: 9- 10) :

«Seulement, garde-toi et évite avec soin, pour ton salut, d’oublier les événe-
ments dont tes yeux ont été témoins, de les laisser échapper de ta pensée, à
aucun moment de ton existence. Fais les connaître à tes enfants et aux enfants
de tes enfants. N’oublie pas ce jour où tu te tenais en présence de l’Eternel ton
D.ieu, au Horev, lorsque l’Eternel me dit : «Convoque ce peuple de Ma part, Je
veux leur faire entendre Mes paroles afin qu’ils apprennent à Me révérer tant
qu’ils vivront sur la terre, et qu’ils l’enseignent à leurs enfants»

Un trésor précieusement conservé

Les Sages nous affirment que 974 générations avant la création du


monde, D.ieu siégeait : consultant, étudiant, examinant et concevant
la Torah toute entière. Et pour chacun des détails et des paroles de la
Torah, D.ieu s’employa à les analyser profondément, à 248 reprises - à
l’image des 248 membres de l’homme – avant de les faire jaillir de Sa
parole et de les inscrire définitivement dans la Torah.

D.ieu ne créa le monde que pour la Torah, afin que le peuple d’Israël
l’accepte, l’étudie et l’accomplisse. C’est ainsi que D.ieu mit en place
tous les détails de la création, de telle sorte qu’ils permettent la mise
en pratique de la Torah. Ainsi par exemple, sommes-nous enjoints à
pratiquer la circoncision sur un nouveau-né de 8 jours. C’est pour cette
raison que l’Eternel a créé en ce monde une règle naturelle, celle de la


Lois et Récits de Chavouot

coagulation du sang chez un bébé, qui n’est totale qu’au terme de huit
jours.

De même sommes-nous soumis à l’abstention de tout travail le septiè-


me jour, le Chabbath. En l’occurrence, D.ieu a créé des forces de l’âme
et du corps humain telles, que celui-ci est naturellement dépendant
d’un jour de repos hebdomadaire. Ainsi en va-t-il de toute la nature
créée par rapport à la Torah.

La Torah représente donc le «plan architectural» à l’origine du monde,


comme le rappelle le Zohar : «D.ieu a contemplé la Torah afin de créer
le monde», c’est-à-dire qu’il s’est inspiré de la Torah, comme d’un plan,
pour créer le monde. 

Pourtant, D.ieu n’a pas donné la Torah immédiatement après la créa-


tion du monde, mais a «patienté» pendant plus de 26 générations (Cel-
les de Adam le premier homme, Shet, Enosh, Keinan, Mahalalel, Ye-
red, Hanoh, Métoushélah, Lémeh, Noah, Shem, Arpahshad, Shélah,
Ever, Peleg, Réou, Séroug, Nahor, Térah, Avraham, Itshak, Yaacov,
Lévi, Kéhat, Amram et Moché notre maître) avant de trouver la gé-
nération la plus adéquate pour cela. Une génération sortie d’Egypte,
après y avoir connu de grandes remises en question en matière de foi,
contemplé des miracles, et soumise à de nombreuses épreuves. Celle
qui a vu aussi, face à face, la Providence du Créateur du monde, les
dix plaies, la sortie d’Egypte, l’ouverture de la Mer Rouge, etc. … C’est
donc cette génération qui a semblé la plus à même de recevoir la Torah
au regard de D.ieu.

Il semble qu’au bout du compte, D.ieu ait attendu l’espace de 1000


générations avant de donner Sa Torah, à Son peuple d’Israël, comme
il est écrit : « Rappelez-vous éternellement son alliance, le pacte qu’il a
promulgué pour mille générations» (Divré Hayamim 1, 16 :15). 

Période de convalescence

D.ieu a libéré les Bné Israël avec force miracles et prodiges, afin de réa-
liser la promesse faite à Moché Rabbénou : «Quand tu auras fait sortir
ce peuple de l’Égypte, vous adorerez le Seigneur sur cette montagne»
(Chemot, 3 :12). Mais nous remarquons l’emploi du futur : «vous ser-
virez», plutôt que le présent ou l’impératif. Pourquoi donc ? Ceci afin

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Récits

de nous signifier que le don de la Torah ne s’est pas déroulé immédia-


tement après la sortie d’Egypte, mais seulement après une période de
cinquante ans, marquant en quelque sorte une période de transition et
de préparation, nécessaire à la réception de la Torah au Mont Sinaï.

Le Midrach illustre ainsi cette idée, à l’aide de la parabole suivante.

Le fils d’un roi était malade. Il fut donc hospitalisé durant de longs
mois, du fait de la gravité de son état. Lorsque finalement, il retrouva
sa santé, et retourna au palais royal, les ministres du roi lui dirent :
«Cela fait déjà longtemps que ton cher fils est resté à l’hôpital, il est temps
désormais de l’envoyer faire des études supérieures. L’heure est venue pour
lui d’acquérir une instruction supérieure digne du fils d’un souverain. Le
roi répondit : Il est certain que je l’enverrai faire ses études mais ce n’est pas
le moment propice. Il est trop faible pour l’instant et n’est pas suffisamment
rétabli. Je vais d’abord le laisser se reposer encore trois mois dans mon palais.
Il pourra y consommer les meilleurs mets, les plus sains, afin qu’il recouvre sa
pleine force. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra partir étudier».

Ainsi en est-il du peuple juif. Nombreuses furent les difficultés et les


épreuves endurées en Egypte, tâches épuisantes, travaux sur la pier-
re et le goudron, extrêmement éprouvantes, pour l’âme comme pour
le corps. L’impureté de l’Egypte était si forte que les Bné Israël attin-
rent son quarante-neuvième degré (sur 50). Pourtant, dès leur sortie
d’Egypte, les anges s’adressèrent à D.ieu : «Maître du monde, l’heure
est venue de leur donner la Torah». D.ieu répondit : «Ils vont d’abord
se reposer de la grande fatigue subie lors de l’exil d’Egypte. Ils vont
d’abord consommer la manne, l’aliment spirituel venu d’en haut (sur
laquelle ils prononçaient d’ailleurs la bénédiction «Hamotsi Léhem Min
Hashamaïm»), boire l’eau du puits de Myriam et manger des cailles afin
de renforcer leurs corps. Ils se renforceront également sur le plan spi-
rituel afin de pouvoir contempler l’ouverture de la Mer rouge et la
guerre contre Amalek. Ce n’est qu’ensuite qu’ils seront aptes à rece-
voir la Torah». 

Le compte du Omer

C’est ainsi que durant cinquante jours, de la sortie d’Egypte au don de


la Torah, les Bné Israël se sont élevés pour s’extraire des quarante neuf
degrés d’impureté dans lesquels ils s’étaient enfoncés, pour entrer dans

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Lois et Récits de Chavouot

les quarante neuf degrés de pureté. Les Bné Israël se trouvent alors to-
talement prêts à recevoir la Torah. Ainsi, les Bné Israël, du fait même
de leur amour pour la Torah, comptaient chaque jour et disaient : «Un
jour s’est écoulé, deux jours se sont écoulés, trois jours, ainsi de suite»
Et nous nous rapprochons de ce jour tant attendu. C’est pour cette rai-
son que nous instituerons ce décompte pour les générations à venir.
Car chaque année, en ces jours, pointent les réminiscences d’une telle
élévation spirituelle, avec une préparation nécessaire à la réception de
la Torah.

Querelle de montagnes

Quel serait donc l’endroit «élu», celui qui bénéficierait d’un tel mérite :
être le théâtre du don de la Torah ? Le Midrach affirme : «Lorsque Ha-
chem est venu donner Sa Torah au Mont Sinaï, les montagnes se sont
précipitées, se querellant. Le Mont Tavor et le Mont Carmel accouru-
rent, le premier déclara : «C’est sur moi que sera donnée la Torah ! Le
second rétorquant : «Non, sur moi !» D.ieu leur répondit : «Pourquoi
donc les plus hautes montagnes auraient-elles ce droit ? Ce n’est pas
sur vous que Je donnerai Ma Torah mais sur le Mont Sinaï, car vous
êtes emplis d’orgueil et de jalousie alors qu’il est plus modeste et plus
petit que vous». Tout ceci pour nous enseigner l’humilité indissociable
de la Torah, plutôt que l’orgueil et la dispute.

L’autre raison à l’origine de ce choix divin provient du fait que les


Goyim rendaient un culte idolâtre sur les monts Tavor et Carmel. Il va
sans dire que la Chékhina ne pouvait se manifester dans de tels lieux.
Alors que le Mont Sinaï, du fait même de sa discrétion, n’intéressait
guère les idolâtres...

Ils partirent de Réfidim

A Roch ‘Hodech Sivan, second jour de la semaine, de l’année 2448


depuis la création du monde, les Bné Israël sortirent de Réfidim et en-
trèrent dans le désert du Sinaï. Lorsqu’ils étaient à Réfidim, Amalek
leur fit la guerre car les mains des Bné Israël s’étaient affaiblies («ra-
pou» de la même étymologie que «refidim»), sur le plan spirituel. De
la même façon se produisit une division en leurs cœurs (piroud, de la
même étymologie que Réfidim). Cependant, dès lors que les Bné Israël

12
Récits

«sortent» de Réfidim, ils quittent en s’éloignant de cet endroit, leur


affaiblissement spirituel. Ils méritent alors l’étape suivante : «Ils cam-
pèrent alors là-bas, devant la montagne», comme un seul homme, d’un
même cœur, prêts mais impatients et enthousiastes, à recevoir la Torah
avec amour. 

Moché et les anges

Au second jour du mois de Sivan, troisième jour de la semaine, Moché


gravit la montagne.

Les Sages nous disent : au moment où Moché s’élève vers le Ciel afin
d’y chercher la Torah, les anges du service divin disent devant le Saint
béni soit-Il : «Maître du monde, que fait donc cet être né d’une femme
parmi nous ?». D.ieu leur répondit : «Il est venu y chercher la Torah».
Les anges : «Comment ? C’est ce trésor précieusement préservé en ton
palais, 974 générations avant même la création du monde, que tu dé-
sires offrir à un vulgaire être de chair et de sang ? Laisse nous donc
la Torah, nous les anges. Nous qui ne fautons jamais !» D.ieu déclara
à Moché : «Réponds-leur !». Moché déclara : «Maître du monde, je
crains qu’ils ne me consument du seul souffle de leurs bouches !». «Sois
sans crainte Moché ! Tiens-toi bien à Mon Trône de Gloire et réponds
leur !». Moché s’enveloppa alors du reflet de la Chékhina, s’arma de
courage et dit aux anges : «La Torah que D.ieu souhaite nous donner,
qu’y est-il écrit ? «Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’a libéré d’Egypte ...».
Etes-vous donc sortis descendus en Egypte vous-mêmes pour y être
asservis par Pharaon ? Il y est également stipulé : «Respecte ton père
et ta mère». Avez-vous donc des parents vous-mêmes ?». De même
avec les commandements : «Ne tue pas», «Ne convoite pas», «Ne vole
pas» ... Existe-t-il donc de la jalousie parmi vous ? Possédez-vous donc
un Yétser Hara (mauvais penchant) qui vous incite au meurtre ou au
vol ? Les anges ne purent alors que souscrire aux paroles de Moché
et reconnaître leur véracité : Moché méritait bien de recevoir la To-
rah pour la donner aux hommes. Bien plus encore, chacun des anges
décida d’offrir en cadeau un secret de la Torah, une Ségoula (conseil
pratique ou encore un remède secret), comme il est dit (Téhilim, 68,19) :
«Tu es remonté dans les hauteurs, après avoir fait des prises. Tu as
reçu des dons parmi les hommes». A tel point que l’Ange de la mort
lui-même lui offrit un cadeau : le secret de la fabrication de la Kétoret

13
Lois et Récits de Chavouot

(encens), remède privilégié pour enrayer une épidémie sur le monde.


Il faut préciser qu’Aharon Ha Cohen (le Grand prêtre) lui-même en fit
usage suite à l’épidémie qui frappa le peuple, après la faute de Korah
(Parachat Korah, Bamidbar 17, 6 à 15). 

Préparation au don de la Torah

«Et Moché monta vers Hachem qui, l’appelant du haut de la montagne, lui
dit : «Adresse ce discours à la maison de Yaacov, cette déclaration aux Bné Is-
raël : «Vous avez vu ce que J’ai fait aux Egyptiens. Vous, Je vous ai porté sur
l’aile des aigles, Je vous ai rapproché de Moi. Désormais, si vous êtes attentifs
à Ma voix, si vous gardez Mon alliance, vous serez Mon trésor entre tous les
peuples. Car toute la terre est à Moi, mais vous, vous serez une dynastie de
Cohanim (prêtres) et une nation sainte. Tel est le langage que tu tiendras aux
Bné Israël» (Chemot 19, 3-6)

Les ‘Hakhamim (Sages) nous enseignent : «Adresse ce discours à la maison


de Yaacov», il s’agit des femmes, et «cette déclaration aux Bné Israël» ren-
voie aux hommes. D.ieu a ainsi demandé à Moché de parler d’abord
aux femmes. Pour quelle raison ? Le Créateur savait pertinemment
qu’une force considérable anime les femmes, notamment la faculté
d’influencer le cœur du peuple, d’un côté ou de l’autre. Hachem dit :
«Lorsque J’ai créé le monde, je ne me suis dévoilé et adressé qu’à Adam,
et non pas à ‘Hava. La femme, par sa force de persuasion, est parvenue
à convaincre Adam de ne pas écouter la voix de D.ieu et a, de la sorte,
endommagé le monde. Cette fois-ci, Je parlerai d’abord aux femmes,
afin qu’elles ne négligent pas la Torah, mais bien au contraire, qu’elles
renforcent leurs époux en ce domaine et éduquent leurs enfants dans
cette voie. 

La réponse du ‘Am Israël

C’est alors que tout le peuple répondit d’une seule voix : «Nous ferons
tout ce que D.ieu nous dira».

Au troisième jour du mois, un mercredi au matin, Moché monte à


nouveau la montagne, et «Il rapporta les paroles du peuple à D.ieu». 

D.ieu souhaite s’adresser à Moché devant tous.

14
Récits

D.ieu s’adresse à nouveau à Moché : «Et Hachem dit à Moché : Me voici


qui viens vers toi dans une nuée, afin que le peuple écoute Mes paroles à ton
égard, et en toi ils croiront également, pour toujours». Même si Israël croit
déjà que tu es mon envoyé, grâce aux miracles et prodiges que J’ai
réalisé pour eux, comme il est dit après l’ouverture de la Mer rouge :
«Et ils crurent en D.ieu et en Moché son serviteur». Mais cela n’était
pas encore suffisant car une telle foi est de nature à s’estomper voire
disparaître avec le temps. Car les Bné Israël auraient très bien pu ar-
guer : «Peut-être que Moché Rabbénou était un habile sorcier capable
de réaliser les plus grands artifices qui soient, mais qu’il n’était pas en-
voyé par D.ieu ! De crainte qu’ils n’abandonnent totalement la Torah
et les Mitsvot, délivrées par Moché sur ordre divin. C’est pour cette
raison que Je souhaite qu’ils voient de leurs propres yeux comment Je
m’adresse à toi. Pour qu’au fil des générations, ils sachent que si ap-
paraît brusquement un homme capable de réaliser des miracles, qu’il
tente de leur faire croire que D.ieu s’est révélé à lui, afin de modifier
la Torah, ils ne le croiront pas. Mais ils pourront lui répondre : «Tant
que nous ne verrons pas de nos yeux même D.ieu te parler, nous ne
pourrons pas croire que tu es envoyé de D.ieu. Contrairement à Moché
Rabbénou que nous avons vu parler avec Hachem.

Réponse des Bné Israël – Opposition totale

Le peuple d’Israël manifeste alors une opposition catégorique face à


une telle proposition et explique à Moché qu’il ne souhaite pas rece-
voir la Torah par un intermédiaire. Car l’on ne peut comparer celui qui
entend des paroles prononcées par l’envoyé du roi, à celui qui entend
le roi en personne. Tous s’exclament alors : «Notre volonté est de voir le
roi dans toute sa splendeur ! Nous voulons entendre les Asséret Hadibérot
(les Dix commandements) de la Bouche de D.ieu Lui- même et contempler le
reflet de Sa Chehina».

Le quatrième jour du mois de Sivan, cinquième jour de la semaine, au


matin, Moché gravit à nouveau la montagne puis rapporta les paroles
divines au peuple.

Les trois jours de séparation

D.ieu répond à Moché : «Si telle est la volonté du peuple, que Je leur
parle directement, ils devront au préalable se sanctifier davantage,

15
Lois et Récits de Chavouot

purifier leurs corps afin d’être aptes à atteindre un niveau supérieur.


Ainsi :

«Va vers le peuple et qu’ils se sanctifient aujourd’hui, et demain ils


laveront leurs vêtements. Ils seront ainsi prêts pour le troisième jour,
car en ce jour D.ieu descendra aux yeux de tous sur le Mont Sinaï. Et tu
éloigneras le peuple des alentours pour dire : «Gardez-vous de monter
sur cette montagne et d’y atteindre son sommet. Ceux qui s’y risque-
ront mourront».

Ce même jour, Moché descendit de la montagne pour rapporter au


peuple la parole divine. C’est ainsi que pendant trois jours : quatrième,
cinquième et sixième jour du mois de Sivan, communément appelés
les «jours de séparation», le peuple s’est sanctifié, les hommes se sé-
parant de leurs femmes, se purifiant rituellement (immersion dans un
Mikvé) et lavant leurs vêtements. Durant ces trois jours, les Bné Israël ne
s’occupèrent nullement de leurs activités habituelles, de «ce monde».
Ils restèrent assis à écouter les Sages des paroles invitant à la morale et
à la crainte de D.ieu, afin que toutes leurs pensées soient dirigées vers
des domaines spirituels, sans nulle pensée étrangère, meilleure prépa-
ration qui soit à la réception de la Torah, avec pureté et sainteté.

De la même manière, le Mont Sinaï lui-même se prépara pour son im-


portante mission : recevoir la Torah. Pour cela, il fut interdit au peuple
de s’approcher de la montagne ou de la toucher. Ainsi, pour éviter le
moindre risque de rapprochement trop intempestif, Moché Rabbénou
établit une limite tout autour de la montagne, d’une distance de 2000
amot (960 mètres). Mais un miracle prodigieux se produisit : cette fron-
tière elle-même se mit à parler et dit : «Gardez-vous de monter sur la
montagne ou de la toucher, de peur d’en mourir». Même si vous avez
souhaité contempler la Chékhina, comme un peuple peut voir son sou-
verain de chair et de sang. Pourtant, il existe une différence entre les
deux : lorsque le roi se présente devant son peuple, tous se pressent et
se ruent pour pouvoir apercevoir le roi de la meilleure façon, mais face
à Hachem, nul ne put approcher. 

Le livre de l’alliance

Au quatrième jour du mois de Sivan, Moché Rabbénou enseigna au


peuple les sept Lois des Bné Noah (enfants de Noé). Il leur avait déjà

16
Récits

enseigné au préalable la Mitsva de Chabbath, de la vache rousse, les


lois du respect des parents, au cours de l’une de leur étape dans le
désert, à Mara. C’est là que Moché écrivit le «Livre de l’alliance», qui
est une partie de la Torah, du début de la Création du monde jusqu’au
don de la Torah. 

Douze autels

Au cinquième jour du mois de Sivan, sixième jour de la semaine, Mo-


ché se leva de bonne heure au pied du Mont Sinaï, et édifia douze stè-
les, sur lesquelles les premiers nés offrirent des sacrifices à D.ieu. Un
ange descendit alors du ciel et partagea le sang des sacrifices en deux
parties égales. Moché prit l’une des deux parts et la déposa dans des
bassins spécialement destinés à cela, et aspergea l’autel avec l’autre
partie.

Lecture de la Torah

Ce même jour, Moché lut au peuple ce qu’il avait rédigé la veille même


dans le Séfer Habrit, les Bné Israël entendirent ainsi le récit des diffé-
rents événements survenus depuis la création du monde. Ils entendi-
rent notamment l’histoire des différentes générations qui fautèrent et
furent punies par D.ieu, telles que celle du déluge, de Babel, de Sodome
et Gomorrhe. Ils entendirent également le récit des Tsadikim (Justes)
successifs, ceux qui réalisèrent la volonté divine avec sincérité, méri-
tant ainsi d’établir un lien étroit, privilégié et éternel avec le Créateur
du monde, comme Avraham Avinou, Itshak, Yaacov, les Douze Tribus
notamment. Cette lecture eut pour effet de réveiller l’amour des Bné
Israël pour D.ieu. 

Avertissement d’emblée

C’est ainsi que Moché mit en garde le peuple d’emblée, en leur faisant
part de toutes les malédictions et sanctions mentionnées dans la Torah,
afin qu’ils ne disent pas : «Si nous avions su à quel point les sanctions
sont sévères, nous n’aurions jamais accepté de recevoir la Torah». Seu-
lement, les Bné Israël avaient entendu ces paroles et malgré tout, leur
réaction fut : «Tout ce que D.ieu nous demandera, nous le ferons». 

17
Lois et Récits de Chavouot

L’alliance est conclue

Lorsque Moché entendit, de la bouche des Bné Israël, leur consente-


ment à la réception de la Torah, et leur engagement à accomplir les
Mitsvot (commandements), avant même de savoir en quoi elles consis-
tent, Moché prit du sang conservé dans un bassin et le répandit sur
eux en disant : «Voici le sang de l’alliance que D.ieu a contracté avec
vous par toutes ces paroles». Désormais, une alliance est conclue entre
vous et Hachem, vous liant à lui de manière profonde. Et demain, avec
l’aide de D.ieu, vous recevrez la Torah avec l’ensemble des Mitsvot.
Cette même tâche de sang qui a été faite sur leurs vêtements était chère
à leurs yeux, comme un bijou précieux, par lequel ils sont entrés dans
l’alliance. 

Car Je suis Hachem qui te guérit

Quand les Bné Israël sortirent d’Egypte, ils étaient pour la plupart
atteints d’infirmités : l’un aveugle, un autre sourd, l’un boiteux ou
estropié, du fait de l’esclavage imposé. En fabriquant des briques, il
n’était pas rare qu’ils subissent des «accidents de travail», et souvent
une pierre tombait sur l’un des travailleurs, endommageant pieds ou
mains. Parfois, ils s’entaillaient en manipulant du bois et se blessaient
aux yeux. D.ieu dit : « Il n’est pas digne de l’honneur de la Torah qu’el-
le soit donnée à des infirmes. Aussitôt, des anges du service divin des-
cendirent guérir tous ceux qui en avaient besoin. C’est ainsi que tous
les aveugles recouvrèrent la vue, comme il est écrit : «Et tout le peuple
vit les voix». Tous les sourds se mirent à entendre, comme il est dit :
«Nous ferons et nous entendrons» et tous les boiteux parvinrent à mar-
cher normalement comme il est rappelé : «Ils se tinrent devant la mon-
tagne». Il n’y eut plus donc ni lépreux ni estropié, ni muet ni sourd, nul
simple d’esprit ou fou, mais tous furent sages et parfaits physiquement
comme l’exprime poétiquement le texte : «Tu étais toute belle (les Bné
Israël) ma bien-aimée, et sans nul défaut» (Chir haChirim, 4 :7).

Les nations du monde et la Torah

Avant même de donner la Torah au ‘Am Israël, celle-ci fut d’abord pré-
sentée aux princes célestes des nations du monde (il est connu que
chaque nation ici-bas possède son représentant céleste là-haut). D.ieu
leur demanda s’ils étaient disposés à l’accepter afin d’éviter d’enten-

18
Récits

dre d’éventuelles récriminations ou des plaintes de cet ordre : «Si tu


nous avais proposé la Torah, nous aussi aurions été prêts à la recevoir,
et pourquoi devrait-il exister une rétribution spéciale pour le peuple
d’Israël ?».

D.ieu se présenta d’abord au prince d’Edom, représentant d’Essav, et


lui demanda : «Ton peuple souhaite t-il recevoir la Torah ? «Qu’y est-
il dit ?», demanda t-il. «Tu ne tueras pas», répondit D.ieu. «Mais tout
l’héritage d’Edom est le meurtre», argua Edom, «Itshak l’a même béni
dans cette voie en lui promettant : «De ton épée tu vivras», «Nous ne
pourrons donc pas accepter la Torah !».

D.ieu se rendit donc auprès des princes de Moav et Amon et leur dit :
«Souhaitez-vous recevoir la Torah ?». «Qu’y est-il donc spécifié ?», de-
mandèrent-ils. «Tu rejetteras l’immoralité», répondit Hachem. «Mais
notre origine même repose sur un acte réprouvé par la morale, celui
de Lot et de ses filles. La Torah ne nous convient donc pas !». Hachem
se rendit ensuite chez le prince des arabes, représentant d’Ishmael, qui
demanda : «Qu’est-il écrit dedans ?». D.ieu de répondre : «Tu ne vole-
ras pas». Le prince répondit : «Cela ne peut nous concerner, nous qui
sommes décrits ainsi : «Sa main sera sur tous», et nous ne pouvons
nous empêcher de voler».

C’est ainsi que D.ieu proposa à tous les peuples la Torah. Aucune d’el-
le ne se déclara candidate !

Le prince russe déclare : «Comment pourrais-je respecter ce comman-


dement : «Je suis l’Eternel ton D.ieu … tu n’auras pas d’autre D.ieu
que moi. On nous inculque pourtant, depuis nos premières années que
Staline est notre père et la Russie notre mère». L’anglais : «Le respect
des parents, ce n’est vraiment pas notre tasse de thé (sic), le monde
appartient aux jeunes, nous pourrons tout au plus consacrer une jour-
née dans l’année à notre mère, «la journée de la mère». Nous pourrons
peut-être envoyer des fleurs ou des friandises à notre mère, mais un
respect quotidien, c’est hors de notre portée !»...

L’allemand expliqua : «Ne pas tuer ? N’oublie pas, Maître du monde,


que nous possédons une réelle expérience en matière de guerres !».

19
Lois et Récits de Chavouot

L’américain : «Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain et tout


ce qui lui appartient», c’est une demande un peu exagérée, et l’herbe
du prochain est toujours plus verte, et sa voiture bien plus puissante, et
notre objectif est de construire une villa qui fera pâlir notre voisin».

Le français : «C’est aussi difficile pour nous de nous défaire de l’immo-


ralité. Attends-tu vraiment de nous des habitudes vestimentaires pu-
diques ?! Que deviendraient toutes les chaînes de magasins de mode.
C’est contre notre philosophie : «Plus c’est dévêtu, plus c’est joli !», est
notre devise ! 

Nous ferons et nous comprendrons

Dès lors que tous les peuples refusèrent de recevoir la Torah, un grand
tumulte se produisit dans le monde. La terre en vint à craindre que le
‘Am Israël ne décline cette offre lui aussi, et qu’elle s’en trouve ainsi
détruite. Car en réalité, une condition essentielle avait été émise, dès
la création du monde : si le peuple juif consentait à accepter la Torah,
il en irait pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Mais dans le
cas contraire, le monde reviendrait à son état initial : le tohu-bohu, ou
néant absolu, ainsi qu’il est dit : «Si ce n’était Mon Alliance (la Torah),
Je n’aurais pas institué les lois des cieux et de la terre».

Et quelle fut donc, vraiment, la réaction des Bné Israël, lorsque Ha-
chem leur proposa la Torah ? Tous, de concert, répondirent spontané-
ment : «Nous accomplirons, puis nous comprendrons». Nous prenons
d’abord sur nous la décision d’exécuter tout ce que tu nous demande-
ras, ce n’est qu’ensuite que nous entendrons les paroles qui y figurent.
C’est alors que la terre retourna au calme.

Rabbi Eléazar Ben Arah dit : «Au moment où D.ieu se révéla pour don-
ner la Torah, il fut accompagné de 600 000 Anges qui couronnèrent
chacun des Bné Israël de deux couronnes renfermant le Chem Hamé-
forach (véritable Nom de D.ieu), l’une pour la promesse Naassé (nous
ferons), l’autre pour Nichma (nous comprendrons). Ils parvinrent à cet
instant même un niveau supérieur à celui des anges !  

20
Récits

Le grand jour se profile

Et voici que le grand jour arriva, ce 6 Sivan, jour de Chabbath Kodech


tant attendu, et raison d’être même de toute la création, celui que la
Torah attendait depuis 1000 générations.

«Et ce fut au troisième jour à l’aube, que des voix, des éclairs, une
épaisse nuée au-dessus de la montagne et le son puissant du Shofar ef-
frayèrent le peuple dans le camp. Moché sortit à la rencontre du peuple
qui se tenait au pied du Mont Sinaï qui n’était plus que fumée, Hachem
se tenant au-dessus dans un feu. Moché parlait et D.ieu lui répondait
avec puissance. Et D.ieu descendit sur le Mont Sinaï et appela Moché.
Celui-ci monta».

Ce même jour était nuageux, une pluie légère tomba, comme il est dit :
«Les cieux s’écoulèrent aussi, comme les nuages». Un nuage lourd pla-
nait au-dessus de la montagne, obscurité et brouillard, afin de favori-
ser la concentration des Bné Israël pendant que D.ieu parlerait (car il
est certain que le sens de l’ouie est plus en éveil lorsque celui de la vue
est altéré). Les grondements redoublèrent, les éclairs s’accentuèrent,
mais ils étaient d’une nature bien différente de celle que nous connais-
sons aujourd’hui. Les voix étaient d’une puissance rare, à tel point que
tous ceux qui l’entendaient étaient saisis d’un tremblement extraordi-
naire. Puis s’y mêlèrent les voix des anges qui chantaient pour D.ieu,
comme chaque matin. Les Bné Israël eurent le privilège d’assister à ce
spectacle.

«Et le son du Shofar était très puissant». Soudain, ce son fut entendu,
se répandant et allant crescendo, toujours plus fort. Il faut rappeler que
ce son n’était pas humain, allant en s’estompant peu à peu. Il s’agissait
d’une voix divine, exprimée par l’intermédiaire d’une corne du bélier
d’Avraham, sacrifié à la place de son fils d’Itshak. Cette sonnerie du
Shofar venait éveiller le cœur des Bné Israël au service divin, et dis-
siper leurs pensées étrangères ou attachées aux choses de ce monde.
Comme il est écrit : «On sonnerait du Shofar en ville et le peuple ne
serait pas terrifié ?»

21
Lois et Récits de Chavouot

Bonne nuit

Mais où étaient donc les Bné Israël à ce même moment ?

Cette même nuit de Chabbath, le peuple était empli de joie mais l’envie
de dormir se fit de plus en plus pesante. Comme les nuits sont courtes
à cette période, il ne restait plus que deux heures avant le lever du jour.
Et lorsque D.ieu se manifesta sur le Mont Sinaï, avec force tonnerre et
grondements, les Bné Israël étaient encore endormis. Moché se chargea
alors d’arpenter chaque camp afin de réveiller chaque Tribu : «L’heure
de l’entrée de la Kala sous la ‘Houpa est arrivée !». Et dans sa grande
humilité, Hachem est allé à leur rencontre, bien avant eux, comme il
est écrit : «Hachem, lors de Ta sortie, avant Ton peuple». Il y a pourtant
ici matière à sévérité envers le peuple, puisque celui-ci ne s’est pas ré-
veillé de bon matin, pour une telle occasion. C’est pour cela que nous
lisons désormais le Tikoun de Chavouot, nuit de «réparation», où nous
restons éveillés et étudions la Torah, comme nous le verrons dans la
partie traitant de la Halakha (loi).

Le peuple entendit les grondements et les voix des anges, et surtout, le


son du Shofar, qui les emplit de crainte et de tremblements. A tel point
qu’ils n’osèrent sortir de leurs tentes. Ils exprimaient pourtant auprès
de Moché, depuis deux jours déjà, leur désir : «Nous souhaitons voir
notre Roi». Mais au moment fatidique, ils regrettèrent une telle requête
et ne se montrèrent guère empressés de se diriger vers la montagne.
C’est avec force que Moché les sortit de leurs camps pour les diriger
vers le «théâtre des opérations», les encourageant, instillant en leurs
cœurs le courage et la volonté d’écouter la parole de D.ieu. 

Feu et nuage

D.ieu illumina le Mont Sinaï tout entier par un feu tout particulier : un


feu de Kédoucha, et la rosée qui tomba alors ne l’éteint pas.

Rabbi Shimon Ben Lakish : «Lors du Matan Torah, tout était de feu, la
Torah elle-même fut écrite en lettres de feu noir sur feu blanc. Moché
Rabbénou était tel une flamme incandescente que les Bné Israël crai-
gnaient d’approcher. Tous les anges étaient en feu et le Mont Sinaï
brillait lui aussi d’un grand feu. Et Hachem descendit vers le peuple
au cœur de ce grand feu, et Ses Paroles y furent entendues. Il s’agissait

22
Récits

d’un spectacle impressionnant. Mais pourquoi la Torah fut-elle don-


née au milieu du feu et de l’obscurité ? Afin de nous enseigner que
tous ceux qui étudient la Torah et la mettent en pratique seront préser-
vés du feu du Guéhinom (enfer) et de l’obscurité de la Galout (exil).

Une nuée recouvrait le Mont Sinaï tout entier mais le miracle fut que
cette fumée ne se distinguait, ni du feu ni de la montagne. Tous les
vents les plus doux du Gan Eden se firent sentir, à même d’apaiser les
âmes. Chlomo HaMélèkh (le Roi Salomon) dit à propos de cette nuée,
dans Chir haChirim (le Cantique des Cantiques) : «Embaumée de myr-
rhe et d’encens». 

Le monde tremble

La montagne trembla alors bien plus que lors d’un tremblement de


terre, en même temps que toutes les montagnes du monde, du haut
vers le bas. Les eaux des océans et des fleuves s’agitèrent tout autant,
le Jourdain inversant même son flux, tous les arbres et tous les rochers
grondèrent. Une Bat Kol (voix céleste) se fit soudain entendre : «Qu’as-
tu, oh mer, pour t’enfuir ? Jourdain, pour retourner en arrière ? Mon-
tagnes, pourquoi bondissez-vous comme des béliers, et vous, collines,
comme des agneaux ?» (Téhilim, 114: 3-6). Ils répondirent : «A l’aspect
du Seigneur, tremble, ô terre, à l’aspect du D.ieu de Yaacov !» (Téhilim
114: 3-8)

Nos ‘Hakhamim (Sages) enseignent à ce propos : «Au moment ou Da-


vid haMélèkh entreprit de procéder aux excavations préalables aux
fondations du Beth Hamikdach, il parvint à une profondeur de 50 Amot
(25 mètres) et trouva un bloc d’argile bloqué, qu’il tenta d’extraire et
de jeter. Ce bloc lui dit : «Tu ne peux rien contre moi, car je bouche
l’abîme». Le Roi David lui demanda : «Depuis combien de temps es-tu
ici ?». «Depuis le moment où D.ieu a fait entendre Sa voix sur le Mont
Sinaï, disant : «Je Suis l’Eternel Ton D.ieu». La terre en a tremblé, sur
le point de s’effondrer. Hachem m’a alors envoyé ici me chargeant de
boucher ce gouffre, lui évitant de croître et d’anéantir ainsi toute la ter-
re. Et lorsque les eaux m’aperçoivent, le Chem Haméforach (Nom divin
immémorial) inscrit sur moi, elles s’en détournent immédiatement». 

23
Lois et Récits de Chavouot

‘Houpa avec Kiddouchin

Le Mont Sinaï était éclairé grâce à une pierre précieuse, le «Bedolah»


(cristal ou quartz) que D.ieu déplaça pour la placer au-dessus des Bné
Israël. Ainsi, la montagne fut suspendue dans les airs pendant cet évé-
nement, à l’image d’une ‘Houpa (dais nuptial) dressée pour des ma-
riés : Hachem et Son peuple. Les témoins attendus pour cette cérémo-
nie furent les cieux et la terre, la Kétouba fut la Torah elle-même. Et
D.ieu prononça cette mise en garde : «Si vous acceptez Ma Torah, rien
de mieux, sinon, ce lieu sera votre sépulture car le monde n’a de raison
d’être que pour la Torah».

Cependant, les Bné Israël avaient promis : «Naassé Vé Nichma» (nous


accomplirons puis nous comprendrons), prêts à recevoir la Torah de leur
plein gré. Mais pour ce qui concerne la Torah orale, constituée de mul-
tiples détails, craignant de ne pouvoir respecter leur engagement, se
montrèrent alors réticents. C’est pour cela qu’Hachem retourna la
montagne au-dessus de leurs têtes, à l’image d’un toit. Mais au bout
du compte, ils acceptèrent également la Torah orale, de plein gré. Cette
résolution se déroula bien plus tard, au temps de Mordéchaï et Esther,
lorsqu’ils furent délivrés de la menace planifiée par le vil Haman.

Un léger murmure

Tous se tenaient au pied de la montagne, définitivement prêts, et ré-


solus à recevoir la Torah. Au moment où D.ieu souhaita se manifester
afin de donner la Torah aux Bné Israël, le monde tout entier se tut : nul
oiseau ne s’envola, nulle vache ne se mit à meugler et aucun autre ani-
mal n’émit le moindre son. Les anges eux-mêmes interrompirent leur
service et restèrent silencieux. Le monde dans son ensemble donnait
l’impression d’être vide de toute vie. Des cieux au-dessus du Mont
Sinaï, Hachem se révéla à Israël, comme il est dit : «Vous avez vu que
des cieux Je vous ai parlé». 

La voix de D.ieu

Du cœur même de ce feu au-dessus du Mont Sinaï, une voix très puis-
sante sortit et fit entendre les Dix Commandements, comme il est écrit :
«Des cieux, Il t’a fait entendre Sa voix afin de t’éprouver, et de la terre
il te montra son grand feu à partir duquel tu as entendu Ses paroles».

24
Récits

Il s’agissait d’une voix extraordinaire. Rabbi Yohanan dit : «Chaque


voix s’est subdivisée en sept voix, afin que chacun puisse l’entendre
selon sa capacité : qu’il s’agisse de Moché Rabbénou, des hommes, des
femmes, des jeunes, des enfants, des nourrissons ou des vieillards. Et
ces sept voix se divisèrent elles-mêmes en soixante-dix langues, afin
que chaque nation puisse l’entendre et la comprendre.

Cette voix entourait le monde tout entier. Israël se dirigea vers le côté
Sud, d’où sortait la voix, puis entendirent soudain cette même voix du
côté nord, mais dès qu’ils y parvinrent, celle-ci fila vers l’est, puis vers
l’ouest, puis des cieux ! Ils levèrent les yeux pour s’apercevoir que la
voix sortait maintenant de la terre ...Les Bné Israël comprirent alors :
«Il emplit toute la terre de Sa gloire», que son Nom soit exalté.

«Et tout le peuple vit les voix». Les Bné Israël n’ont pas seulement en-
tendu, mais également vu les voix. Car leur esprit devint si affiné, si
raffiné même, qu’ils touchèrent au niveau des anges, faisant preuve
d’aptitudes dépassant la nature humaine. «Voir les voix» évoque ainsi
une dimension spirituelle acquise par les Bné Israël, lors du don de la
Torah. Toute cette génération, petits et grands, parvint à un degré de
Névoua (prophétie) qui leur permit d’entendre la parole divine. C’est
en cela que leur requête fut entendue : «Notre volonté est de voir notre
Roi», comme il est écrit : «Face à face, Hachem parla aux Bné Israël» :
le peuple eut le privilège d’accéder à une perception comme aucun
prophète n’a pu en bénéficier ni n’en bénéficiera jusqu’à la Délivrance
messianique. 

Même les non juifs reconnurent

Lorsque la Voix retentit d’un bout à l’autre de la terre, ébranlant le


monde tout entier, un grand tremblement s’empara de tous les diri-
geants de toutes les royautés de la planète, chacun dans son palais. Ils
se réunirent et se dirigèrent vers Bilam qui était leur prophète. Ils lui
dirent : «Quelle est donc ce tumulte que nous avons entendu ? D.ieu
souhaite t-il envoyer un déluge et détruire le monde ?». Bilam répon-
dit : «Stupides que vous êtes ! D.ieu a déjà juré de ne plus envoyer de
déluge sur le monde ! Il s’agit en vérité d’un trésor préservé par D.ieu
dans les cieux, et il vient à présent l’offrir à Ses enfants». Aussitôt, tous
acceptèrent et s’écrièrent : «Hachem offrira Sa puissance à Son peuple,
Hachem bénira Son peuple dans la paix». 
25
Lois et Récits de Chavouot

Quelle honte …

Au même moment, Hachem offrit la possibilité à toutes les idoles du


monde de venir se prosterner devant la Chehina. Un miracle se pro-
duisit alors : chaque bouche s’emplit d’eau, que chaque idole recracha
sur les idolâtres, les ridiculisant, leur disant : «Vous avez abandonné
le Maître du monde, Créateur des cieux et de la terre, pour venir nous
servir, nous les statues, qui «ont une bouche, mais ne parlent pas» (Té-
hilim). 

Stupeur et tremblement

Les Bné Israël, qui avaient entendu la Voix directement, ne furent


pourtant pas en mesure de pouvoir supporter une telle intensité de
Kédoucha (sainteté). Trois catégories se distinguèrent alors :

Première catégorie : La majorité du peuple vit son âme quitter le corps


à chaque Parole prononcée par D.ieu, comme il est écrit : «Mon âme
m’a quitté par sa parole», s’élevant jusqu’au Trône divin. La Torah de-
manda à D.ieu : «Maître du monde, M’as-tu créé pour rien, 974 géné-
rations avant même la création du monde ?! Et existe-t-il donc un roi
qui, au moment même où il marie sa fille (la Torah), tue ses enfants ?!
Aussitôt, la Torah restitua à chacun des Bné Israël son âme, comme il
est écrit : «La Torah d’Hachem est intègre, restitue l’âme».

Seconde catégorie : Elle concerne ceux qui se trouvaient à un stade


plus élevé encore, capables de supporter une telle Kédoucha : leur âme
ne les quitta pas. Pourtant, dans le même temps, à chaque Parole di-
vine, ils s’en trouvaient ébranlés, du fait de sa puissance redoutable,
à tel point qu’ils ne purent rester à leurs places et furent projetés en
arrière, à plus de 12 mil (environ 12 kilomètres), comme il est dit : «Et
le peuple vit, tressaillit et se tint au loin». Hachem dit alors aux anges
du service de descendre et de leur venir en aide. Ce qu’ils firent immé-
diatement, comme on le ferait en tenant la main d’un nourrisson, pour
lui apprendre à marcher seul.

Troisième catégorie : Il s’agit des plus élevés parmi le peuple. Ils res-
tèrent à leur place mais furent très affaiblis en entendant la Parole di-
vine. Que fit alors Hachem ? A chaque parole prononcée, il embauma
le monde entier d’encens, afin de renforcer les âmes ébranlées par cette

26
Récits

expérience. Après chaque parole, un vent se levait et dispersait ce bau-


me ambiant jusqu’au Gan Eden, avant de revenir dans ce monde pour
chaque nouvelle Parole. 

Ordre de parole

Dès la première parole, Hachem prononça l’ensemble des Dix Paroles


en ... une seule Parole ! Chose impossible pour la bouche d’un homme,
et que l’oreille humaine ne peut entendre non plus. Puis, Hachem pro-
nonça à nouveau chaque Parole, séparément, afin de la rendre intelli-
gible à chacun de ceux qui les écoutaient. Dans le même temps, Moché
obtint une voix si puissante qu’elle put se faire entendre dans tout le
camp des Bné Israël. Des millions de personnes, dans un périmètre
de 12 mil (12 km) purent entendre leur maître, qui avait acquis une
grandeur sans précédent, d’une envergure telle que même les anges
Michael, Gabriel et Raphaël craignirent de regarder son visage. Car si
ses pieds touchaient le Mont Sinaï, il était tout entier tourné vers les
cieux. 

Mais que D.ieu ne nous parle pas, de peur que nous en mourrions

Après avoir entendu les deux premiers commandements : «Je suis


l’Eternel Ton D.ieu» et «Tu n’auras pas d’autres dieux que Moi», les
Bné Israël ne purent supporter plus longtemps l’intensité spirituelle de
la parole d’Hachem. «Ils dirent à Moché : « Parle toi avec nous, mais
que D.ieu ne nous parle pas, de peur que nous mourrions». 

La réponse de Moché

«Et Moché dit au peuple : «N’ayez crainte, car c’est pour vous mettre
à l’épreuve que D.ieu est apparu, afin que Sa crainte soit sur vous, et
que vous ne fautiez». C’est un grand privilège pour vous d’écouter la
Voix d’Hachem ! Sa Parole peut instiller en vous respect et crainte du
Ciel ! Et tous ceux qui possèdent ces deux qualités, même si parfois le
Yétser Hara (penchant au mal) les pousse vers la faute, ne chutent pas
immédiatement. Alors que pour celui qui n’éprouve aucune crainte
du Ciel, c’est la preuve que ses ancêtres n’ont pas accepté la Torah au
Mont Sinaï, et qu’il risque de tomber plus vite ... 

27
Lois et Récits de Chavouot

L’inscription sur les Tables

Hachem accéda finalement aux doléances du peuple. A partir de la


troisième Parole, c’est à Moché seul qu’Il parla. Puis ces paroles en-
tendues furent transmises par le Raya Méémna (Berger fidèle) aux Bné
Israël. Lorsque chaque Parole sortait, elle circulait et se répandait dans
tout le Mahané (camp) des Bné Israël. Une fois acceptée par l’ensemble
du peuple, chaque Parole se figeait et se gravait dans les Tables. Ceci
pour les Dix Paroles.

Lors du Matan Torah au Mont Sinaï, se tenaient toutes les âmes appe-
lées à venir dans ce monde, jusqu’à la fin des Temps, et chacune reçut
sa part propre dans la Torah.

Moché est vérité et sa Torah est vérité

D’après ce qui a été dit, le don de la Torah s’est déroulé à grand ren-
fort de tapage et de publicité. Tous les Bné Israël étaient présents, soit
plus de trois millions de personnes, hommes, femmes et enfants, et le
monde entier en prit conscience. Hakadoch Baroukh Hou n’a pas donné
la Torah à Moché seulement, pour qu’il la transmette ensuite aux Bné
Israël. Non, D.ieu s’est manifesté à tout le peuple. Pour quelle raison ?

Le Séfer Ha Hinouh affirme : «La vérité pure et incontestable générale-


ment admise par le genre humain est celle qu’approuve le plus grand
nombre. En l’occurrence, le fait que plus de trois millions de témoins
aient assisté au Matan Torah, apporte une légitimité et une force consi-
dérables à cet événement. C’est donc pour cette raison qu’Hachem,
lorsqu’Il a souhaité donner la Torah, a choisi de le faire devant tant de
«témoins» : 600 000 hommes, ainsi que leurs femmes et leurs enfants.
C’est en cela que la Torah peut être qualifiée, à juste titre, de «Torah
de vérité».

Tout le monde sait par exemple que le continent américain existe bel et
bien ! Même celui qui ne s’y est jamais rendu ni ne l’a vu, sait pourtant
avec certitude qu’il existe. Ainsi en est-il des événements historiques :
tout le monde croit que la Révolution française a eu lieu il y a plus de
deux siècles, sur la seule foi de témoignages ...

28
Récits

En ce domaine, nul doute que tout événement historique confirmé par


plus de 50 000 témoins par exemple, ne saurait nullement être remis
en cause, puisque chacun d’entre eux peut attester lui-même, pour ses
proches ou pour les autres, de ce qu’il a vu de ses propres yeux. C’est
toujours la «même histoire» pourrait-on dire : l’investiture du premier
Président des Etats-Unis, George Washington, le règne de l’Empereur
Jules César, etc ...

Il ne nous viendrait jamais à l’esprit de mettre en doute la bonne foi


des historiens, en les soupçonnant d’imagination débordante ! Si l’un
d’eux se risquait à remettre en question la Révolution française par
exemple, il va sans dire que le monde s’indignerait et s’élèverait contre
une telle aberration. Si on peut toujours faire illusion et faire croire
qu’un événement n’a jamais eu lieu, c’est seulement si un faible nom-
bre de témoins y étaient présents. Dans le cas contraire, la chose est
quasiment impossible. En revanche, nul ne peut nier l’existence et le
règne d’un Empereur comme Alexandre Le Grand ou des différents
Pharaons d’Egypte par exemple ... Nous pouvons conclure le plus clai-
rement : un événement auquel ont assisté des millions de témoins
est une preuve historique irréfutable !

La tradition historique qui est la notre, celle du peuple d’Israël, est fon-
dée sur un socle bien plus solide et fort encore : elle ne repose pas sur
le témoignage d’une seule personne, ni même de 50 000, mais de toute
une nation, soit trois millions de témoins !

La génération qui suivit ne put douter de la véracité des événements


puisque leurs parents avaient été témoins visuels directs et avaient ra-
conté les faits, afin qu’eux-mêmes transmettent à leurs enfants. C’est
ainsi que la tradition juive perpétua le souvenir et l’histoire de notre
peuple, de génération en génération. On ne peut même pas parler de
foi aveugle concernant le don de la Torah, mais bien d’une conviction
pleine et entière, extrêmement claire. Il n’existe même pas de contesta-
tion historique possible à cet événement. Bien au contraire, le don de la
Torah à Israël est un fait établi et accepté par toutes les religions occi-
dentales, englobant des milliards de croyants et représentant la majori-
té du monde culturel. Même le christianisme et l’islam n’ont pas remis
en question cette tradition. Bien plus encore, ces deux religions s’en
sont servies pour établir un modèle confirmant l’existence de D.ieu et

29
Lois et Récits de Chavouot

son immanence sur le monde. C’est en cela que le Tanah (Bible) consti-
tue un document de référence, reconnu partout dans le monde, parmi
tous les peuples, et qui fait figure de pierre angulaire de bien d’autres
religions. Il est ainsi appelé «le livre des livres» et il n’est jamais venu à
un auteur ou un historien de venir remettre en cause sa véracité.

Les autres religions en revanche se fondent souvent sur la base du té-


moignage visuel d’un seul homme ! L’islam par exemple s’appuie sur
une telle conception, avec le seul Mahomet qui, sans aucun témoin,
aurait rencontré l’ange Gabriel dans le désert, et se serait vu demander
de changer la religion en place et les règles antérieures du monde, dans
le but d’en édifier de nouvelles. Cette religion se répandit d’ailleurs
bien longtemps après l’époque de Mahomet, à partir du moment où
ses fidèles décidèrent de l’imposer par la force, tuant tous les réfrac-
taires à ces nouveaux dogmes. Et pourtant, nul homme ne vit Maho-
met rencontrer l’ange Gabriel ... On peut véritablement parler ici de foi
aveugle. Il s’agit finalement d’écouter le premier homme venu, peut-
être dément, menteur, affabulateur, imposteur, escroc, voire même fic-
tif ... Autant dire qu’une telle «croyance» se fonde seulement sur une
somme de suppositions. De fait, celui qui décide d’y croire doit décider
du même coup de croire que celui qui raconte n’est pas un imposteur,
un affabulateur, etc …

De même en est-il de la tradition chrétienne et ses millions d’adep-


tes, loin d’être très crédible et sans preuves tangibles. Tout au plus
prône t’elle le principe de croire aveuglément à un nombre restreint de
personnes ayant décidé de fonder cette religion. Au bout du compte,
personne n’a jamais vu son initiateur lui-même «recevoir sa mission
sacrée» du Ciel !

Le judaïsme en revanche diffère catégoriquement. Nul besoin de «foi


aveugle» pour accepter sa véracité. Le dévoilement divin vécu par le
‘Am Israël au Mont Sinaï représente un événement bien plus digne de
foi que bon nombre de faits historiques de l’histoire du monde (Cf sur
cette question, de plus amples développements et perspectives nou-
velles dans l’ouvrage «Messilot (routes) vers la Emouna»).

Ainsi affirme la Torah (Devarim, 4, 32-35) : «De fait, interroge donc les
premiers âges, qui ont précédé le tien, depuis le jour où D.ieu créa l’homme
sur la terre, et d’un bout du ciel jusqu’à l’autre, demande si rien d’aussi grand
30
Récits

est arrivé, où si on a entendu une pareille chose ! Quel peuple a entendu,


comme tu l’as entendue, la voix de D.ieu parlant du sein de la flamme, et a
pu vivre ? Et quelle divinité entreprit jamais d’aller se chercher un peuple
au milieu d’un autre peuple, à force d’épreuves, de signes et de miracles, en
combattant d’une main puissante et d’un bras étendu, en imposant la terreur,
toutes choses qu’Hachem, votre D.ieu, a faites pour vous, en Egypte, à vos
yeux. Toi, tu as été initié à cette connaissance : que D.ieu est le seul et
qu’il n’en est pas d’autre». C’est une Torah de vérité pour nous, béni
Celui qui nous a choisi ! 

31
Lois et Récits de Chavouot

32
Récits

INTRODUCTION
A MÉGUILAT RUTH

David et Goliath

Durant la période du règne du roi Chaoul, premier souverain du peu-


ple juif, les Pélishtim entreprirent de faire la guerre aux Bné Israël. Pour
cela, ils dépêchèrent un brigand du nom de Goliath, afin de déclarer
la guerre à Israël. Venu défier le camp d’Israël, il chercha un géant
capable de se mesurer à lui, et décréta que le vainqueur de cette lutte
donnerait du même coup la victoire à son camp. Pourtant, nul homme
parmi les Bné Israël ne se résolut à affronter Goliath le Pélishti. Mais
au bout de quarante jours, le jeune David en fut informé et appela à
la «vengeance de D.ieu» et s’en alla ... combattre Goliath ! C’est alors
qu’une force puissante envoyée par D.ieu emplit le jeune David. Sans
nulle arme sophistiquée, il parvint à éliminer Goliath et à lui trancher
la tête. C’est ainsi qu’il apporta une grande libération à son peuple,
comme il sera expliqué plus loin.

Lorsque le roi Chaoul vit cela, David portant la tête de Goliath, il com-
prit qu’il ne s’agissait pas d’un jeune homme comme les autres, mais
qu’il était voué à la grandeur. Il réunit ses ministres et leur demanda :
«Qui est donc ce jeune homme ?». Pourtant, Chaoul connaissait déjà
bien David, puisque celui-ci venait régulièrement lui jouer de la mu-
sique, à chaque fois que le cœur du roi était tourmenté et triste. Mais
à présent, le roi tenait à mieux connaître David, et savoir exactement
l’origine familiale de David. Il déclara : «Si David descend de la famille
de Pérets, fils de Yéhouda, fils de Yaacov, il est donc apte à la royauté.
Et s’il descend de Zérah, frère jumeau de Pérets, il est apte à devenir
juge». 

33
Lois et Récits de Chavouot

Moavi mais non Moavite

Surgit alors Doeg le Edomite, l’un des ministres du roi, et dit : «Avant
même de vérifier s’il peut aspirer à la royauté ou à une quelconque
grandeur, vérifie déjà s’il peut seulement prétendre faire partie de la
communauté d’Israël. Car David descend de Ruth la Moabite, et il est
écrit clairement dans la Torah : «Ni l’Amoni ni le Moavi ne pourront
intégrer la communauté d’Israël, jusqu’à la dixième génération ... car
ils ne vous ont pas pourvu de pain et d’eau, lorsque vous étiez sur la
route, après votre sortie d’Egypte».

Avner, ministre de la guerre, répondit : «J’ai entendu une Halakha de la


bouche du prophète Chmouel, reçue de Moché Rabbénou au Sinaï, et
transmise de génération en génération : «Ni l’Amoni ni le Moavi n’en-
treront dans la communauté d’Israël». Il est ainsi précisé : «l’Amoni
et le Moavi» et non «l’Amonite et la Moavite». Cela signifie justement
que pour les Amonim et Moavim hommes qui se sont convertis, il est
interdit de se marier avec une femme juive, alors qu’il est permis aux
femmes de Amon et Moav d’épouser un homme juif. 

Doeg n’acceptant pas les paroles d’Avner, tenta de les réfuter. Chaoul
dit à Avner : «Va donc demander à Chmouel et à son Beth Din (tribu-
nal), quelle est cette Halakha. Ils se rendirent chez Chmouel pour lui
poser cette question, le prophète leur répondit : «En effet, un Amoni
mais non une Amonite, un Moavi mais non une Moavite. Car la raison
pour laquelle la Torah a rejeté l’intégration à la communauté de D.ieu
d’un homme issu de ces peuples repose sur ce qui s’est produit lors
de la sortie d’Egypte. Dans le désert, les Bné Israël avaient besoin de
passer par leurs territoires, et ni les Moavim ni les Amonim ne leur
fournirent du pain et de l’eau. Cet épisode prouve que leur esprit est
mauvais et qu’ils ne sont pas enclins à faire le bien. C’est pour cela
qu’ils ne peuvent espérer entrer dans la communauté d’Israël.

Les femmes, en revanche, ne sont pas concernées par cette interdic-


tion puisque «tout l’honneur d’une fille de roi est intérieur», et elles
n’avaient pas l’habitude de sortir à l’extérieur pour fournir du pain ou
de l’eau». A ce même moment, l’un des généraux de l’armée, Amsha,
se leva, empoigna son épée et s’écria : «Celui qui ne respectera pas
cette Halakha périra par ce glaive !».

34
Récits

Le prophète savait que David était appelé à régner sur Israël et c’est


pour éviter que certains viennent plus tard remettre en question son as-
cendance pour le disqualifier, qu’il entreprit de rédiger Méguilat Ruth,
dans laquelle est spécifiée, dans le détail, sa généalogie. Tout comme
l’histoire de la conversion de Ruth la Moavite, et de son mariage avec
Boaz. 

Morale de l’esprit

Pourquoi alors, la rédaction de Méguilat Ruth prit-elle du temps au


prophète Chmouel ? Car si l’intention était seulement de rappeler clai-
rement l’ascendance du roi David, il n’était pas besoin d’un texte aussi
long et détaillé ? Rabbi Zeira affirme : «Il n’y a dans Méguilat Ruth, ni
règles de pureté ni règle d’impureté, ni interdit ni permis. Alors pour-
quoi a-t-elle été écrite ? Pour te faire savoir quelle récompense attend
ceux qui pratiquent la bienfaisance».

La Méguila nous enseigne également comment D.ieu veille sur ses


créatures et pourvoit à leurs besoins spécifiques. Comment il arriva
à Elimelekh, lorsqu’il sortit d’Eretz Israël afin de se dérober au devoir
de nourrir les pauvres, et qui, finalement, perdit ses enfants et tous
ses biens ... Ruth quant à elle, qui fit le choix d’une vie de pauvreté en
Israël, en abandonnant le faste de sa vie à Moav, obtint en récompense
le mérite d’être à l’origine de la royauté du Roi David. 

POURQUOI LIT-ON LA MÉGUILAT RUTH PENDANT LA FETE


DE CHAVOUOT ? 

Quelques points d’éclaircissement supplémentaires sur le sujet :

• David haMélèkh est né et a quitté ce monde pendant la fête de


Chavouot. C’est la raison pour laquelle nous lisons la Méguila,
qui rappelle la généalogie du roi David.

• L’histoire se déroule au début de la période des moissons de


l’orge, à l’époque de Chavouot. Les Sages ont ainsi tenu à met-
tre l’accent sur l’importance des Mitsvot liées à la moisson des
récoltes, telles que Leket (la glane), Chiheha (l’oubli volontaire de
ce qui est tombé pendant les récoltes) et Péa (un coin du champ
spécialement laissé pour les indigents). C’est donc à dessein

35
Lois et Récits de Chavouot

que les Sages ont institué de lire la Méguilat Ruth, dans laquel-
le nous percevons l’importance extrême de telles Mitsvot, ren-
voyant à la nécessité et l’urgence de la Tsédaka, sous toutes ses
formes.

• Nous comprenons la grandeur et la valeur du cadeau offert par


D.ieu à Son peuple : la Torah HaKédocha, à tel point que les non
juifs eux-mêmes reconnaissent sa sainteté, quittent les futilités
de ce monde et viennent se réjouir en D.ieu et se réfugier dans
la lumière de Sa Torah.

• La Méguilat Ruth vient également nous rappeler ceci : celui qui


n’aurait pas grandi, dès sa jeunesse, avec l’enseignement de la
Torah, et qui aurait passé une longue partie de sa vie dans les
plaisirs matériels, peut ouvrir une nouvelle page, et s’attacher
à la sainte Torah, à l’image de Ruth qui en fit de même à l’âge
de 40 ans.

• C’est également un enseignement pour les femmes. Même si


elles sont exemptes de l’étude de la Torah, grande pourtant est
leur élévation. Elles peuvent atteindre de très hauts niveaux
spirituels grâce à la Tsniout (pudeur), la crainte de D.ieu et leurs
qualités profondes. Ruth en représente le meilleur symbole : la
mère de la royauté.

36
Récits

LA MÉGUILAT RUTH

Chapitre 1

1. A l’époque où siégeaient les Juges, il y eut une famine dans le


pays. Un homme quitta alors Bethlehem en Yéhouda, pour aller
séjourner dans les plaines de Moav, lui, sa femme et ses deux
fils. 2. Le nom de cet homme était Elimelekh, celui de sa femme
Naomi, ses deux fils s’appelaient Mahlon et Kilion, Efratim de
Bethlehem en Yéhouda. Arrivés sur le territoire de Moav, ils
s’y fixèrent. 3. Elimelekh, l’époux de Naomi, y mourut, et elle
resta seule avec ses deux fils. 4. Ceux-ci épousèrent des femmes
Moabites, dont l’une s’appelait Orpa et l’autre Ruth, et ils de-
meurèrent ensemble une dizaine d’années. 5. Puis Mahlon et
Kilion moururent à leur tour tous deux, et la femme resta seule,
privée de ses deux enfants et de son mari. 6. Elle décida alors,
ainsi que ses brus, à quitter les plaines de Moav, car elle avait
appris dans les plaines de Moav, que D.ieu s’étant souvenu à
nouveau de son peuple, lui avait donné du pain. 7. Elle sortit
donc de l’endroit qu’elle avait habité, accompagnée de ses deux
brus. Mais une fois qu’elles se mirent en route pour revenir au
pays de Yéhouda. 8. Naomi dit à ses deux brus : «Rebroussez
chemin et rentrez chacune dans la maison de sa mère. Puisse le
Seigneur vous rendre l’affection que vous avez témoignée aux
défunts et à moi !». 9. «Qu’à toutes deux l’Eternel fasse retrou-
ver une vie paisible dans la demeure d’un nouvel époux !». Elle
les embrassa, mais elles élevèrent la voix en sanglotant. 10. Et
lui dirent : «Non, avec toi nous voulons nous rendre auprès de
ton peuple». 11. Naomi reprit : «Rebroussez chemin mes filles,
pourquoi viendriez-vous avec moi ? Ai-je encore des fils dans
mes entrailles, qui puissent devenir vos époux ? «. 12. Allez,
mes filles, retournez-vous en, car je suis trop âgée pour être à
un époux. Dussé-je même me dire qu’il est encore de l’espoir
pour moi, que je pourrais appartenir cette nuit à un homme

37
Lois et Récits de Chavouot

et avoir des enfants. 13. Voudriez-vous attendre qu’ils fussent


devenus grands, persévérer dans le veuvage et à cause d’eux et
refuser toute autre union ? Non mes filles, j’en serais profon-
dément peinée pour vous, car la main du Seigneur s’est appe-
santie sur moi». 14. De nouveau elles élevèrent la voix et san-
glotèrent longtemps, puis Orpa embrassa sa belle-mère, tandis
que Ruth s’attachait à ses pas. 15. Alors Naomi dit : «Vois, ta
belle-sœur est retournée à sa famille et à son dieu, retourne toi
aussi et suis ta belle-sœur». 16. Mais Ruth répliqua : «N’insiste
pas auprès de moi, pour que je te quitte et m’éloigne de toi, car
partout où tu iras, j’irai, où tu demeureras, je veux demeurer,
ton peuple sera mon peuple et ton D.ieu sera mon D.ieu. 17.
Là où tu mourras, je veux mourir aussi et y être enterrée. Que
l’Eternel m’en fasse autant et plus, si jamais je me sépare de toi
autrement que par la mort !». 18. Naomi, voyant qu’elle était
fermement décidée à l’accompagner, cessa d’insister auprès
d’elle. 19. Elles marchèrent donc ensemble jusqu’à leur arrivée
à Bethlehem. Quand elles entrèrent à Bethlehem, toute la ville
fut en émoi à cause d’elles, et les femmes s’écrièrent : «N’est-
ce pas Naomi ?». 20. Elle leur dit : «Ne m’appelez plus Naomi,
appelez-moi Mara, car l’Eternel m’a abreuvée d’amertume. 21.
Je suis partie d’ici comblée de biens, et le Seigneur me ramène
les mains vides. Pourquoi me nommeriez-vous Naomi, alors
que l’Eternel m’a humiliée et que le Tout-Puissant m’a infligé
des malheurs ?». 22. C’est ainsi que Naomi était revenue des
plaines de Moav, accompagnée de sa bru, Ruth la Moabite. Le
moment de leur arrivée à Bethlehem coïncidait avec le début de
la moisson des orges.
 
La période des Juges

Après la disparition de Yéhochoua Bin Noun, qui fut le dirigeant du


peuple à partir de son entrée en Israël, commença la période des Juges.
Ce sont les Juges qui dirigèrent le peuple, même s’ils ne détenaient
pas l’autorité royale. C’est pour cela que la situation qui prévalait en
ces temps était particulièrement instable et ébranlée, tant sur le plan
politique que spirituel.

38
Récits

Les gens méprisaient les Juges et n’acceptaient pas leurs décisions. Si un


Juge disait à quelqu’un : «Enlève la brindille d’entre tes dents», c’est-à-
dire «Corrige tel défaut que tu as», celui-ci lui rétorquait : «Commence
par enlever toi-même la poutre d’entre tes yeux». Ce qui signifiait :
«avant de songer à me demander de m’améliorer, commence par te
corriger toi-même. Car il y a en toi un défaut bien plus important. A
l’image de la poutre qui est plus grosse que la brindille …». Il s’agissait
ainsi d’une génération qui se permettait de juger ... ses propres Juges et
de rejeter leur autorité ! Par conséquent, les personnes les plus élevées
de cette génération se gardaient bien d’assurer la fonction de Juge, re-
fusant d’être soumis à un tel traitement. Mais cette situation entraîna
un autre problème : ceux qui devinrent les Juges de cette génération
étaient parfois loin d’être recommandables, ne jugeant plus le peuple
avec l’équité souhaitée. Lorsque des personnes s’en remettaient aux
Juges, ceux-ci étaient bien incapables de déboucher sur un compromis
entre deux parties, tant et si bien que les litiges et les différends ne fai-
saient qu’empirer.

Lorsque règne la paix dans le monde, la satiété existe, comme il est


écrit : «Hachem, ta frontière est la paix, laitage et blés te rassasieront».
Mais quand des dissensions et des polémiques surviennent, que nul
arrangement ou accord n’est trouvé, survient alors la famine, comme
l’ont affirmé les ‘Hakhamim : «Lorsque le péché d’injustice et le mépris
de l’équité règnent, l’épée et la faim s’abattent sur le monde. Les hom-
mes se nourrissent mais ne sont pas repus». Et comme la justice fut
méprisée par cette génération, chacun se considérant irréprochable, la
famine survint. 

Elimelekh et sa famille

Dans cette même génération vivait un homme important, du nom d’Eli-


melekh. Cet homme résidait depuis longtemps dans la ville de Bethle-
hem. Il était érudit en Torah, riche et respecté, de la lignée de Nahshon
Ben Aminadav, de la tribu de Yéhouda. Sa femme était Naomi, connue
pour être Tsadika (juste), gracieuse, et agréable de par ses actes. Naomi
se chargeait de récolter des fonds pour la Tsédaka pour les indigents,
auxquels elle adressait des paroles de réconfort et de soutien. Ses deux
fils, Mahlon et Kilion, se distinguaient également par leur niveau élevé
en Torah.

39
Lois et Récits de Chavouot

Pourquoi s’appelait-il Elimelekh ? Parce qu’il disait : «La royauté me


reviendra», car il provenait de la tribu de Yéhouda et de la famille
de Nahshon Ben Aminadav, prince de cette tribu «Mélèkh signifiant
«roi»). Fort de cette ascendance, il considérait donc comme inélucta-
bles ses prérogatives en matière de royauté. Pourtant, il n’obtint pas ce
mérite, car il ne se souciait nullement de la détresse de son peuple.

Elimelekh ne réalisait pas que l’essence de la royauté reposait sur le


principe de Tsédaka et de compassion à l’égard des siens. A l’image de
David HaMélèkh, dont il est dit : «Et il choisit David son serviteur, et
il le prit d’entre les enclos du bétail ... afin de faire paître le peuple de
Yaacov et l’héritage d’Israël». David mérita de devenir roi car il savait
se comporter comme il convient avec son troupeau, avec bonté et mi-
séricorde. Ainsi en fit-il avec le peuple d’Israël. 

Qui se ressemble s’assemble …

Lorsque survinrent les années de famine, Elimelekh dit : «Si en temps


normal, les polémiques et les conflits étaient fréquents, que cette géné-
ration jugeait ses juges, alors aujourd’hui, en temps de famine et de dé-
tresse, que va-t-il se passer ? Il est certain que la terre va s’emplir de co-
lère, de pilleurs et de brigands ... Qui va alors leur dire quoi faire, leur
expliquer les choses ?». Elimelekh se disait également en lui-même :
«les gens vont certainement venir me voir, me demander de l’aide,
mieux vaut donc que je quitte cette terre et m’enfuie de tout cela» …

Ainsi donc, Elimelekh et sa famille quittèrent discrètement la terre


d’Israël pour le pays de Moav. Les Sages disent à ce propos : «Ce n’est
pas un hasard si le passereau rejoint le corbeau, c’est-à-dire : ceux qui
se ressemblent s’assemblent, puisqu’ils sont de la même espèce. Cela
signifie que c’est à dessein qu’Elimelekh est parti à Moav, puisque ce
peuple est naturellement prédisposé à l’envie et la mesquinerie. C’est
également pour cette raison que la Torah leur a interdit la possibili-
té de rejoindre la communauté d’Israël, en souvenir du temps où les
Moabites refusèrent de prêter assistance aux Bné Israël, leur refusant
pain et eau, après Yétsiat Mitsraïm (la sortie d’Egypte). 

40
Récits

L’attribut de rigueur accuse

Elimelekh arrive donc avec sa famille à Moav et souhaite d’abord


s’installer dans la capitale, sans doute pour les opportunités commer-
ciales offertes. Il s’aperçut pourtant que les grandes villes surtout re-
gorgeaient d’immoralité, de licence des mœurs et d’une absence totale
de pudeur. Elimelekh décida donc de quitter la grande ville pour une
ville plus modeste. Même en pays étranger, Elimelekh et les siens ne
changèrent pas leurs noms, n’en eurent pas honte, et restèrent fiers de
leur identité juive.

Cependant, toute la piété d’Elimelekh ne lui permit pas d’empêcher


l’attribut de rigueur de venir l’accuser. Les Sages ont affirmé : «Pendant
un moment, Hachem jugeait le monde, le Tribunal d’en haut dressé
devant Lui, et défendait Elimelekh en le protégeant de la rigueur cé-
leste. Car Elimelekh était un Tsadik. Jusqu’au moment où l’attribut de
rigueur vint rappeler le cas d’Elimelekh. Immédiatement, le verdict
s’abattit : la mort d’Elimelekh et de ses fils fut décrétée. 

Pourquoi fut-il condamné ? Car il contribua à affaiblir l’espoir des Bné


Israël sans les soutenir dans une période si difficile. Il aurait du se sou-
cier des pauvres de sa ville, subvenir à leurs besoins et les encoura-
ger, au lieu de s’enfuir. Car cette fuite est la preuve d’un manque de
confiance en D.ieu, béni soit-Il, qui pourvoit aux besoins de chacun,
en tout lieu, mais qui met chaque homme à l’épreuve sur cette ques-
tion. C’est en cela que la sévérité divine s’abattit sur Elimelekh, accusé
d’avoir abandonné Eretz Israël, terre Kédocha (sainte) sur «laquelle sont
tournés les yeux de D.ieu», pour une terre étrangère, pleine d’abomi-
nations, d’idolâtrie et de permissivité sexuelle. Ainsi donc, peu de
temps après leur arrivée, Elimelekh mourut mais ses fils quant à eux,
Mahlon et Kilion, étaient toujours en vie car Hachem avait retenu sa
colère et attendu qu’ils fassent éventuellement Téchouva et retournent
en Israël. Mais la sanction fut immédiate pour Elimelekh, car il avait
été cause de trop de souffrances pour le peuple d’Israël. 

Orpa et Ruth

Après la mort d’Elimelekh, ses fils épousèrent des femmes Moabites


car tant qu’il était en vie, il s’opposait à de telles unions. Mais lorsqu’il
mourut, Naomi se retrouva seule et ne put empêcher de tels actes. Ceci

41
Lois et Récits de Chavouot

pour nous enseigner qu’une personne qui vit parmi les nations risque
de finir par s’assimiler à elles, y compris les plus grands Tsadikim, com-
me Mahlon et Kilion. Nul ne peut affirmer : «Nous sommes forts de
notre Emouna, nous allons nous protéger sans nous laisser influencer,
car «Ne crois pas en toi-même jusqu’au jour de ta mort» (Pirké Avot).

Comme Mahlon et Kilion étaient des personnages importants et


connus, ils choisirent des femmes de haut rang, filles de Eglon, roi
de Moav. Mahlon épousa Ruth (dont le nom d’origine était Galit), et
Kilion Orpa. Non juives certes, ces deux femmes se distinguaient par
leurs grandes qualités morales, et tout au long de leur période de Nis-
souïn (fiançailles) elles ne manquèrent pas de s’imprégner de la Tradi-
tion juive, sans être pour autant converties. 

La mort de Mahlon et Kilion

Mahlon et Kilion vécurent dix années en pays de Moav, pensant


d’abord s’y installer pour une très courte période. Mais comme bien
souvent pour ceux qui quittent Erets Israël, cette «courte étape» dura
beaucoup plus longtemps que prévu. Et tout au long de cette période,
Hakadoch Baroukh Hou attendait et espérait qu’ils fassent peut-être Té-
chouva et rentrent en Israël. Hachem leur envoya même des signes en
ce sens : d’abord, leurs chevaux moururent, puis leurs ânes et leurs
chameaux. Pourtant, ni Kilion ni Mahlon n’y virent le message divin,
et au terme de dix années ils moururent à leur tour.

La Guémara affirme (Baba Batra, 91b) que les noms véritables de Kilion
et Mahlon étaient Yoach et Saraf, comme il est rappelé dans le livre Di-
vré Hayamim (Les Chroniques). Pourquoi donc ces noms : Mahlon et Ki-
lion ? Car «Nimhou vé Kalou Min Haolam», ce qui signifie qu’ils furent
«anéantis et effacés de ce monde». Ils ne laissèrent d’ailleurs même pas
d’enfants après eux, de telle sorte que leur souvenir s’évanouit après
eux. Cependant, comme nous le verrons par la suite, Mahlon eut le mé-
rite de voir son nom accolé à son héritage, par l’intermédiaire de Ruth.
Car de Mahlon est également tiré le terme Méhila (pardon) : ses fautes
lui furent pardonnées et son souvenir subsista finalement.

42
Récits

Examen de conscience

Ainsi, Naomi, Ruth et Orpa se retrouvèrent veuves et affligées, sans


nulle assistance ni soutien financier. Le deuil de Naomi était particu-
lièrement lourd, marqué par la disparition de ses fils, sans qu’ils aient
laissé de descendance, raviva la perte de son époux Elimelekh : comme
s’il était mort une seconde fois ... Le fait de n’avoir laissé aucune des-
cendance après lui rendait son absence bien plus douloureuse encore.

Durant son deuil, Naomi procéda à un examen de conscience, regret-


tant surtout d’avoir quitté Erets Israël. Elle justifia ainsi, pour elle-
même, la Midat Hadine, mesure de rigueur divine, décidant de rentrer
en terre sainte aussitôt la semaine de deuil expirée.

Ainsi, Naomi s’empressa d’accomplir cette Mitsva. Elle se leva de bon-


ne heure, bien avant les autres, et se prépara à partir. Elle ne souhaitait
plus rester un instant de plus, de peur de voir ses voisines tenter de
la convaincre de rester, même un jour ou deux de plus. Finalement,
Naomi reçut des provisions pour la route et fut accompagnée, du fait
de son importance. Lorsque ses brus la virent se lever pour partir, elles
s’empressèrent de se lever aussi. Elles ne souhaitaient en aucun cas la
laisser désoeuvrée et abandonnée à son sort. Elles tenaient aussi forte-
ment à s’attacher à la Torah d’Hachem qu’elles avaient eu l’occasion
de découvrir : la valeur des Mitsvot, leur voie agréable et la véracité de
ses paroles. 

La famine s’achève

Naomi apprit que «D.ieu avait délivré son peuple et donné du pain» :


la famine en Israël s’était achevée. Mais comment l’apprit-elle ? Elle
aperçut des marchands venus d’Israël, déambulant dans les villes afin
d’y vendre bijoux, parfums et mercerie diverse. Naomi comprit que si
certaines personnes se permettaient de faire commerce de telles mar-
chandises, c’était probablement le signe que la famine était terminée.
Car tant que la famine était en vigueur, qui aurait pu songer à acquérir
parfums ou bijoux, sans avoir de quoi manger ? C’est ainsi que Naomi
comprit.

Et le Targoum Yonatan explique qu’elle l’apprit de la bouche d’un ange


de D.ieu, qui se manifesta à elle dans un champ et lui annonça que

43
Lois et Récits de Chavouot

D.ieu avait pris en pitié son peuple. Naomi dit «Par leur apaisement,
je trouverai mon apaisement, et dans leur communauté je serai bénie».
Elle était en son cœur confiante et persuadée que D.ieu lui viendrait en
aide pour qu’elle puisse rejoindre sa terre natale, y trouver paix et re-
pos. Et finalement, elle n’attendit pas qu’on lui prépare des provisions
pour son périple. 

En route

Naomi prend donc la route, accompagnée de ses deux belles-filles.


Autant dire que le départ fit forte impression sur la ville tout entière,
car c’est le Tsadik qui fait toute sa beauté et sa splendeur, lui qui enri-
chit ses habitants, sur tous les plans, et leur permettra de jouir un jour
du rayonnement de sa Chehina, dans le Olam Haba (monde futur). C’est
grâce à la présence du Tsadik également qu’un endroit peut croître
matériellement, que ses terres peuvent être fertiles. Ainsi en était-il de
Naomi : tant qu’elle résidait en ville, elle parvenait à influer positive-
ment sur ses habitants, en les éloignant de l’immoralité et de la luxure.
Mais une fois partie, ils revinrent à leurs comportements méprisables.

Naomi et ses belles-filles s’en allèrent donc, dénuées de tout, sans


même porter de chaussures. Elles marchèrent sans relâche, tellement
impatientes de rejoindre la terre d’Israël. Mais même s’il est naturelle-
ment gênant de retourner dans son pays natal après avoir tout perdu,
Naomi y voyait en cela une Kapara (une façon de racheter sa faute)
pour avoir quitté son pays, et acceptait ces épreuves avec amour. Les
trois femmes n’attendirent même pas que d’autres se joignent à elles,
elles s’en allèrent donc seules, fortes de leur intense désir de retrouver
Erets Yéhouda. 

A la croisée des chemins

C’est ainsi qu’elles partirent, et parvinrent à la croisée des chemins,


menant au pays de Yéhouda. Là, Naomi s’adressa à ses belles-filles :
«Rebroussez chemin et rentrez chacune dans la maison de sa mère.
Puisse le Seigneur vous rendre l’affection que vous avez témoignée
aux défunts et à moi !». Vous avez fait montre d’un très grand dévoue-
ment, d’une élévation exceptionnelle, et fait preuve de bonté envers
vos époux disparus, en vous chargeant de leurs linceuls et de leur in-
humation. De même à mon égard, vous avez été exemplaires, en re-

44
Récits

nonçant à leur confort matériel pour m’accompagner et partager ma


peine.

Bien souvent, une belle-fille respecte sa belle-mère par amour et res-


pect pour son mari, mais vous m’avez prouvé que vous vous souciez
de moi, même après la mort de vos époux.

Le bien que vous m’avez manifesté est du même ordre que celui qui
est réalisé à l’égard des disparus, celui que l’on appelle «‘Hessed Chel
Emet» (bien de vérité). Car tout comme les défunts ne peuvent rendre
le bien prodigué à leur égard, de même en est-il pour moi. Alors, moi
qui suis si désoeuvrée n’ai qu’une chose à vous offrir : ma bénédiction,
«Qu’Hachem fasse preuve de ‘Hessed à votre égard», qu’Il vous offre
une rétribution à la mesure de vos actes, car la bonté d’Hachem est
absolue, contrairement à celle des hommes de chair et de sang, bien
plus limitée. Seul Hachem peut donner à l’homme, d’une main large
et ouverte.

Maintenant mes filles, poursuivez votre chemin, mariez-vous à nou-


veau, et reconstruisez votre vie. Il serait dommage que vous gâchiez
votre avenir en me suivant.

Avec toi nous rejoindrons ton peuple

En entendant les paroles de Naomi, Ruth et Orpa ne purent retenir


leurs larmes. Orpa pleurait surtout à l’idée de se séparer de sa belle-
mère, du fait des liens étroits et chaleureux qu’elle entretenait avec
elle.

Quant à Ruth, elle pleurait son désir de s’attacher véritablement à Nao-


mi et à la Torah de D.ieu.

Elles lui répondirent : «Avec toi nous irons vers ton peuple». Elles lui
dirent : Ne crains pas de te retrouver désemparée car nous retournerons
avec toi vers ton peuple, nous ne te laisserons jamais seule. Nous vou-
lons, nous aussi, faire partie de ta communauté, que tu nous enseignes
les voies de la Yirat Chamaïm (crainte de D.ieu) et du judaïsme. Ce n’est
qu’avec toi que nous pourrons entrer en Israël et nous convertir. Nous
n’arriverons à rien sans toi».

45
Lois et Récits de Chavouot

Celui qui scrute les reins et les cœurs savait que Ruth s’était exprimée
avec toute sa sincérité, alors qu’Orpa avait parlé du bout de la langue
seulement. 

Mes entrailles porteraient-elles encore des enfants ?

Naomi s’adressa à ses belles-filles : «Pourquoi donc viendriez-vous


avec moi ? Ai-je donc d’autres fils que vous pourriez épouser ? Atten-
drez-vous que je mette au monde d’autres fils ? Ne voyez-vous pas
que j’ai vieilli et ne peux plus enfanter ? Quand bien même étais-je
encore jeune et pouvant espérer mettre au monde, peut-être n’aurais-
je eu que des filles ! Et même si j’avais eu encore des fils, serait-ce une
raison pour vous de rester délaissées aussi longtemps ? Et après une
si longue période, ces fils pourraient refuser d’épouser des femmes
Moabites, même si du point de vue de la loi, vous êtes permises. Mais
tout ceci ne serait peut-être pas suffisant pour eux, ils pourraient dire
que vous êtes stériles, ou que vous avez vécu avec Mahlon et Kilion
pendant dix ans sans enfanter, ne voulant plus de vous pour femmes à
votre âge, si proche de la vieillesse ...

Et peut-être direz-vous ne pas vouloir vous marier à nouveau, par res-


pect pour la mémoire de vos époux défunts et pour votre belle-mère.
Mais sachez que vous n’agiriez pas pour mon bien en faisant cela !
Si vous faisiez une telle chose, en plus de rendre votre vie amère et
triste, vous me causeriez une grande peine, en me montrant à quel
point vous souffrez vous-mêmes à cause de moi ! Et rien de positif ne
pourrait en découler ! Partez donc mes filles car vous avez bien trop
souffert déjà en ma compagnie, à gâcher vos vies pour moi. Je sais bien
que seules mes fautes ont entraîné la mort de mes fils, et que vous n’y
êtes pour rien.

Naomi les appelait «ses filles», plutôt que ses «belles-filles», ce qui si-
gnifie qu’elle les prenait en pitié comme une mère à l’égard de ses filles,
ne souhaitant pas les voir délaissées plus longtemps. Non comme une
belle-mère qui se soucie beaucoup moins de sa belle-fille lorsque celle-
ci se retrouve veuve et se remarie. 

46
Récits

La puissance des larmes

En entendant de telles paroles, venant d’un cœur chaleureux et empli


d’amour, prononcées par une femme aux qualités morales si élevées,
Ruth et Orpa retiennent leurs larmes et tentent de retrouver leur maî-
trise intérieure.

Les Sages disent : «Par le mérite de quatre larmes versées par Orpa,
elle donna le jour à quatre grands héros : Saf, Midian, Goliath et Ishbi. 

L’accord se défait

«Orpa embrassa sa belle-mère et Ruth resta attachée à elle». C’est à ce mo-


ment que les routes des belles-filles se séparent. Orpa embrasse sa
belle-mère et poursuit sa route, lui tournant le dos (Oref, nuque, est
d’ailleurs la racine du nom Orpa), alors que Ruth vit (Raata possède
la même racine que Ruth) véritablement les paroles de sa belle-mère
et décida de tout son coeur de la suivre et s’attacher à la Torah de
D.ieu. Elle choisit donc d’ajouter 606 (valeur numérique des lettres de
son nom Rech, Tav et Vav) Mitsvot aux 7 déjà en vigueur pour les Bné
Noah, pour atteindre les 613 Mitsvot de la Loi juive. C’est ce frisson,
Ratat (dérivé de Ruth) et cette crainte de D.ieu qui animèrent Ruth.

D’Orpa naquit Goliath le Racha (méchant), celui qui méprisa et défia les
projets divins (comme il sera expliqué ultérieurement), alors que de
Ruth naquit David Mélèkh Israël, qui triompha justement de Goliath
et le mit à mort, délivrant ainsi son peuple. Les Sages disent joliment
à ce propos : «Viendront les enfants du baiser (celui d’Orpa à sa belle-
mère) qui tomberont dans les mains des enfants de l’attachement (celui
de Ruth pour sa belle-mère)».

Naomi dit à Ruth : Bien que tu insistes vivement pour rester auprès de
moi, peut-être est-ce parce que tu as honte de moi. Mais désormais, tu
n’as aucune raison d’avoir honte. Voici que ta sœur est déjà rentrée,
fais-en donc de même. Ta sœur épousera sans doute un homme impor-
tant et commencera une nouvelle vie. Suis donc sa voie. 

Volonté de fer

Ruth répondit à Naomi : tes paroles me blessent comme des flèches.


Car j’ai toujours dit ce que j’avais sur le cœur, contrairement à ce que
47
Lois et Récits de Chavouot

tu pourrais craindre. En réalité, j’ai pris cette décision ferme et sincère :


ma volonté de me convertir et de rejoindre l’héritage de D.ieu, à n’im-
porte quel prix. Je te demande de bien vouloir accepter que je te suive,
afin que tu me guides sur les voies de la Torah et des Mitsvot. 

La gauche repousse …

Lorsque Naomi comprit que les paroles de Ruth étaient sincères, elle
commença à lui enseigner la Torah et les Mitsvot ainsi que les nom-
breux détails des Dinim (lois). Elle lui expliqua également les sévères
sanctions stipulées dans la Torah à l’égard de ceux qui violent sa loi.
Naomi souhaitait ainsi faire savoir à Ruth ces choses dès le départ, afin
qu’elle puisse au mieux peser le pour et le contre. Il faut préciser que
Naomi agit ainsi selon les recommandations de la Halakha qui nous
enjoint de tester la motivation d’une personne souhaitant se convertir
au judaïsme, en le repoussant à plusieurs reprises et en l’informant
un peu des sanctions encourues. Ces précautions visent à permettre
aux candidats à la conversion de pouvoir revenir sur leur décision s’ils
le souhaitent. Mais s’ils persistent dans leur engagement, il n’est plus
question de se montrer aussi sévère.

Naomi commença par les lois de Chabbath, l’un des principes de base
de toute la tradition juive, sur lequel se fonde la Emounat Hachem (foi
en D.ieu). Elle renvoie à la notion d’unité divine et de Sa faculté à créer
le monde à partir du néant. Ainsi, Ruth s’engagea à les respecter tous
les détails des lois concernant Chabbath.

Naomi dit : sache ma fille, que les Bnot Israël n’ont pas pour habitude
d’aller dans les théâtres ou dans les cirques, dans les cinémas ou les
clubs divers. Contrairement aux coutumes en vigueur dans la maison
de ton père. Ruth lui répondit : «Là où tu iras j’irai !».

Naomi ajouta : «Les Bné Israël n’ont pas pour habitude de dormir dans
une maison sans Mézouza». Ruth lui répondit : «Là où tu dormiras je
dormirai !».

Naomi dit : «Nous devons respecter 613 Mitsvot !». Ruth lui répondit :
«J’accepte d’un cœur entier tous les Commandements, ton peuple sera
mon peuple !».

48
Récits

Naomi ajouta : «Il nous est interdit de servir des idoles comme tu en as
eu l’habitude». Ruth répondit : «Ton D.ieu sera mon D.ieu !».

Finalement, Naomi déclara : «Sache qu’il existe dans la Torah, qua-


tre condamnations à mort par le Tribunal, toutes très sévères, pesant
sur ceux qui enfreignent la Torah, notamment le ‘Hiloul Chabbath
(profanation du Chabbath). Ruth répondit : «Comme tu mourras je
mourrai !».

Ruth exprima même son désir d’être enterrée en Erets Israël :»Là-bas,


je veux être enterrée». Car il est dit que tous ceux qui sont enterrés en
Israël sont considérés comme s’ils étaient enterrés au pied du Mizbéah
(l’Autel). 

La droite rapproche …

Naomi s’aperçut finalement que plus elle multipliait les paroles à


l’égard de Ruth, plus celle-ci montrait sa ferme résolution et son en-
gagement dans la Torah, sans trahir le moindre signe de regret. Elle se
dit : «Maintenant que Ruth prend sur elle cette conversion, d’un cœur
entier, elle a besoin de forces spirituelles bien plus profondes. Je dois
donc m’efforcer de l’aider à se renforcer et l’encourager en ce sens.
C’est ainsi que Naomi changea progressivement d’attitude à l’égard de
sa belle-fille, privilégiant désormais «la droite qui rapproche», après
«la gauche qui repousse» ... Lui indiquant notamment la récompense
promise aux Tsadikim dans le Monde futur.

A partir de ce moment, le texte de la Méguila place les deux femmes


sur un pied d’égalité, en précisant : «Elles partirent toutes les deux»,
montrant par là à quel point sont chers et appréciés les convertis au
regard de D.ieu.

Sur la route de Bethlehem

La jeune Ruth et la vieille Naomi poursuivent leur périple. Pourtant,


c’est Ruth qui s’efforce de suivre la cadence des pas de sa belle mère,
car son endurance commença à faiblir lorsqu’elle prit sur elle le joug
de la Torah et des Mitsvot. Elles étaient encore en chemin lorsque sur-
vint le premier Yom Tov (jour de fête) de Pessah. Pourtant, même en
ce jour, les deux femmes n’interrompirent pas leur marche, du fait du
danger, tant spirituel que matériel, lié à leur voyage. La menace était
49
Lois et Récits de Chavouot

matérielle car elles manquaient de pain et d’eau et devaient donc se


hâter de rejoindre Eretz Yéhouda afin de se nourrir. La menace était
également spirituelle, car demeurait le risque de voir surgir des délé-
gués de la royauté, dépêchés pour convaincre Ruth de retourner vers
sa terre natale. C’est ainsi que les deux femmes poursuivirent résolu-
ment et inlassablement leur route, protégées par D.ieu, sans que nul
indésirable ne vienne à leur rencontre. 

Toute une ville dans l’effervescence

Le 16 Nissan, au lendemain du premier jour de Yom Tov de Pessah,


Ruth et Naomi arrivèrent à Bethlehem. «Mitsva Goreret Mitsva», «une
Mitsva en entraîne une autre», et par le mérite de leur empressement
d’accomplir la Mitsva de résider en Eretz Israël, sans la retarder un seul
instant, elles obtinrent le privilège d’être associées à une autre Mitsva,
celle des moissons du Omer, qui tombait exactement en ce jour. Cette
action était accomplie avec beaucoup d’affairement, et toutes les villes
voisines se joignirent aux résidents de Bethlehem pour accomplir cette
Mitsva.

En ce même jour mourut la femme de Boaz, neveu d’Elimelekh, et l’un


des grands personnages de sa génération. Tous participèrent donc à
la Mitsva de ‘Hessed Chel Emet, celle de rendre hommage à l’épouse
disparue de Boaz.

Ainsi, toute la ville était en pleine effervescence lorsque Ruth et Naomi


arrivèrent. Mais comme Naomi était une femme à la renommée établie,
toutes les femmes de la ville se retrouvèrent pour l’accueillir comme il
se doit. 

N’est-ce pas Naomi ?

«Elles s’écrièrent : «N’est-ce pas Naomi ?». Les femmes, dont l’habi-


tude est de regarder leurs amies, observèrent Naomi avec étonnement,
n’en croyant pas leurs yeux. «Est-ce donc la Naomi que nous avons
connu par le passé ?». Elle avait auparavant l’habitude de porter des
chaussures dorées. Aujourd’hui, elle se retrouve pieds nus. Avant,
elle portait des vêtements brodés de soie, elle ne porte à présent que
haillons froissés. Par le passé, son visage était rouge grâce à son ali-
mentation et sa boisson, maintenant ses traits devenaient pâles à cause
de la faim.
50
Récits

Naomi leur répondit : «En règle générale, si un homme béni d’enfants


et de richesse perd ses biens, il peut se consoler avec ses enfants. Et s’il
perd ses enfants, mais reste en bonne santé, il garde au moins la force
d’endurer sa peine. Mais si sa santé vient à vaciller, il devient alors
comparable à un ustensile brisé. Ne m’appelez donc plus Naomi (lié au
terme Néïmout : agréable) mais Mara (amère).

Equité de la justice

Pourtant, les paroles de ces femmes semblaient exprimer un certain es-


prit de mécontentement et de plainte à l’égard de D.ieu, ‘Has Vé Chalom :
comment se pouvait-il qu’une femme de cette stature, une Tsadika si
pure, à la moralité et aux actes si exemplaires, souffre autant ? N’exis-
tait-il donc pas de justice divine, à D.ieu ne plaise ? Naomi leur dit :
«Je suis partie pleine et suis revenue vide, réponds-moi mon D.ieu.
Pourquoi m’appelles-tu Naomi, Hachem m’a répondu, et Chadaï m’a
fait souffrir».

A quoi peut-on comparer cette idée ? A un homme qui possède une


vache récalcitrante et rebelle, qui refuse de travailler dans les champs.
Son propriétaire se trouve alors contraint de la battre pour qu’elle
s’exécute, car sans ces coups, elle n’aurait pas travaillé. Après un cer-
tain temps, cet homme en a assez de sa vache rebelle et décide de la
vendre. Il la conduit au marché et annonce : cette vache est très assi-
due, elle laboure avec empressement et accomplit sa tache avec dé-
vouement. Les gens s’approchèrent, l’observant et la scrutant, et vi-
rent qu’elle était toute entière blessée et battue. Ils demandèrent à son
propriétaire : «Si elle est aussi travailleuse que tu l’affirmes, pourquoi
donc tous ces coups ?».

C’est ainsi que Naomi s’adressa aux femmes de sa ville : «Si vous me
voyez blessée et éprouvée, c’est le signe que mes actes ne sont pas par-
faits et agréés, comme vous pouvez le penser. Le fait même que D.ieu
m’ait éprouvé et rendue amère prouve que mon âme est entachée. C’est
pour cela que le nom Naomi ne me sied plus. Mieux vaut m’appeler
désormais Mara, puisque j’ai rendue amère la parole divine.

Naomi précise alors :»Hachem m’a répondu», ce qui exprime la me-


sure divine de miséricorde et de bonté, qui répond à Naomi. Toute Sa
préoccupation était tournée vers moi, pour mon bien et pour mon in-

51
Lois et Récits de Chavouot

térêt. Tous les bienfaits et les épreuves qui entourent une personne ne
sont que le fruit de son imagination. Un homme peut penser que D.ieu
lui fait du mal, ‘Has Vé Chalom, mais dans le futur, il nous apparaîtra
que de ce «mal», ont fleuri de grands bienfaits, toujours dans notre
intérêt. Comme le rappelle le verset : «Afin de te réprimander et de
t’éprouver, pour finalement te faire du bien».

Chapitre 2

1. Or, Naomi se connaissait un parent de son mari, un homme


considérable par sa richesse, de la famille d’Elimelekh, et qui
se nommait Boaz. 2. Ruth la Moabite dit un jour à Naomi : «Je
voudrais aller glaner dans les champs des épis, à la suite de
celui qui me ferait un bon accueil». Naomi lui répondit : «Va
ma fille». 3. Elle alla donc et vint glaner dans un champ derrière
les moissonneurs. Le hasard l’avait conduite dans une pièce de
terre appartenant à Boaz, de la famille d’Elimelekh. 4. Voilà
que Boaz arrivait justement de Bethlehem, il dit aux moisson-
neurs : «Que le Seigneur soit avec vous !». Et eux de répliquer :
«Le Seigneur te bénisse !». 5. Boaz demanda à son serviteur qui
dirigeait les moissonneurs : «A qui cette jeune fille ?». 6. Le ser-
viteur chargé de surveiller les moissonneurs répondit : «C’est
une jeune fille Moabite, celle qui est venue ici avec Naomi, des
plaines de Moav. 7. Elle nous a dit : «Je voudrais glaner et re-
cueillir des épis près des tas de gerbes, à la suite des moisson-
neurs. Ainsi, elle est venue, et elle se trouve ici depuis le ma-
tin jusqu’à présent, tant son séjour à la maison a été de courte
durée». 8. Boaz dit alors à Ruth : «Entends-tu, ma fille, ne va
pas glaner dans un autre champ, et ne t’éloigne pas d’ici. At-
tache toi de la sorte aux pas de mes jeunes servantes. 9. Aie
les yeux fixés sur le champ qu’elles moissonneront, et marche
à leur suite. J’ai bien recommandé aux jeunes gens de ne pas te
molester. Si tu as soif, va où sont les vases et bois de ce que les
jeunes gens auront puisé». 10. Ruth se jeta la face contre terre,
se prosterna et lui dit : «Comment ai-je pu trouver grâce à tes
yeux, pour que tu t’intéresses à moi, qui suis une étrangère ?».
11. Boaz lui répliqua en disant : «On m’a fidèlement rapporté

52
Récits

tout ce que tu as fait pour ta belle-mère après la mort de ton


mari. Que tu as quitté ton père, ta mère et ton pays natal pour
te rendre auprès d’un peuple que tu ne connaissais ni d’hier ni
d’avant-hier. 12. Que l’Eternel te donne le prix de ton œuvre de
dévouement ! Puisses-tu recevoir une récompense complète du
Seigneur, D.ieu d’Israël, sous les ailes duquel tu es venue t’abri-
ter». 13. Elle dit : «Puissé-je toujours trouver grâce à tes yeux,
Seigneur, car tu m’as consolée, et tes paroles sont allées au cœur
de ta servante, bien que je ne sois pas même autant qu’une de
tes servantes !». 14. A l’heure du repas, Boaz lui dit : «Approche
et mange de nos aliments, tu peux aussi tremper ton pain dans
le vinaigre». Elle s’assit à côté des moissonneurs, il lui offrit du
grain grillé, elle en mangea à satiété et en eut encore de reste.
15. Puis elle se releva pour glaner, et Boaz fit cette recomman-
dation à ses gens : «Laissez la glaner même entre les gerbes,
et ne l’humiliez pas. 16. Ayez même soin de laisser tomber, de
vos javelles, des épis que vous abandonnerez, pour qu’elle les
ramasse, gardez-vous de lui parler avec dureté». 17. Elle glana
de la sorte dans le champ jusqu’au soir, et, lorsqu’elle eut battu
ce qu’elle avait ramassé, il y avait environ un épha d’orge. 18.
Elle l’emporta, rentra en ville, et sa belle-mère vit ce qu’elle
avait ramassé. Ruth montra aussi et lui donna ce qu’elle avait
mis en réserve après avoir mangé à sa faim. 19. Sa belle-mère
lui demanda : «Où donc as-tu glané aujourd’hui ? Béni soit ce-
lui qui t’a témoigné de la bienveillance !». Ruth fit connaître
à sa belle-mère chez qui elle avait fait sa besogne. «L’homme,
dit-elle, chez qui j’ai travaillé aujourd’hui se nomme Boaz».
20. Alors Naomi dit à sa bru : «Béni soit-il par l’Eternel, puis-
qu’il n’a cessé d’être bon pour les vivants et pour les morts !».
Naomi lui dit encore : «Cet homme nous touche de près : il est
de nos parents». 21. Ruth la Moabite dit : «Il m’a même adressé
ces mots : «Attache-toi aux pas de mes gens, jusqu’à ce qu’ils
aient achevé toute ma moisson». 22. Et Naomi dit à Ruth, sa
bru : «Il vaut bien mieux ma fille, que tu ailles avec ses servan-
tes. Ainsi, tu ne seras pas exposée à être mal accueillie dans un
autre champ». 23. Ruth resta donc avec les servantes de Boaz
pour glaner jusqu’à l’achèvement de la moisson de l’orge et du
froment. Et elle continuait à habiter avec sa belle-mère.
 
53
Lois et Récits de Chavouot

Boaz, Juge d’Israël

L’un des grands Sages de la génération était un proche parent de la


famille d’Elimelekh, du nom de Boaz. Il dirigeait et jugeait Israël, tant
du point de vue spirituel que politique. Son nom originel était Ivtsan,
pouvant être décomposé en Av Tsone, soit père du troupeau saint, c’est-
à-dire du peuple d’Israël. Pourtant, il fut surnommé «Boaz», soit Bo Oz
(en lui du courage), du fait de sa grande élévation. Boaz sa caractérisait
par sa bravoure et sa force, se distinguant par sa profonde maîtrise de
lui-même, illustrant le verset des Pirké Avot : «Qui est fort (Guibor) ?
Celui qui maîtrise son penchant». C’est en ce sens que le texte le pré-
sente comme un Guibor Haïl. Cette même idée est sous-entendue dans
son nom Boaz, composé des mêmes lettres que Azav, abandonné, sou-
lignant le fait qu’il ait «abandonné son mauvais penchant», de même
que Izouzo, son courage, était particulièrement probant.

Les Sages disent : Elimelekh, Salmone (le père de Boaz), Tov (nom d’un
homme qui sera évoqué plus tard) et le père de Naomi étaient tous
frères, enfants de Nahshon Ben Aminadav, de la Tribu de Yéhouda.
Par conséquent, Boaz est le fils du frère d’Elimelekh, soit le cousin de
Naomi. 

Dons aux pauvres

Naomi la Tsadéket aurait très bien pu demander à Boaz un soutien fi-


nancier qu’il lui aurait accordé certainement avec générosité. Pourtant,
elle ne souhaitait obtenir le moindre avantage des hommes de chair et
de sang. Elle chercha donc d’autres moyens de subvenir à ses besoins.
Par quel moyen ?

La période à laquelle étaient arrivées Ruth et Naomi coïncidait avec le


début des moissons, durant lequel on fauche les récoltes des champs.
D.ieu, qui prend toutes ses créatures en pitié, a ordonné dans Sa Torah
trois Mitsvot dévolues aux moissonneurs, dites des Matanot La Anïim,
«dons aux pauvres» : Léket (glane), Chiheha (oubli) et Péa (coin) : 

Léket :

Si, au cours de la moisson, tombe un épi ou deux, le moissonneur ne


doit pas les ramasser mais doit les laisser dans le champ, pour les pau-

54
Récits

vres qui viendront les prendre pour eux-mêmes, comme il est dit : «Et
l’épi de ta moisson tu ne glaneras pas» (Vayikra, 19,9) 

Chiheha :

Si le moissonneur a oublié un Omer (faisceau d’épis), il ne doit pas le


ramasser mais doit le laisser pour les pauvres également, comme il est
stipulé : «Lorsque tu moissonneras ta récolte dans ton champ, et que tu
oublieras un Omer dans le champ, tu ne retourneras pas le ramasser. Il
sera pour l’étranger et la veuve, afin que l’Eternel ton D.ieu te bénisse
dans toute l’œuvre de tes mains (Devarim, 24,19). 

Péa :

Il incombe au moissonneur de prévoir un coin de son champ spécia-


lement réservé aux pauvres, afin qu’ils puissent venir en prendre la
récolte, ainsi qu’il est écrit : «Et lorsque vous moissonnerez les récoltes
de vos terres, tu n’engrangeras pas le coin de ton champ» (Vayikra,
19,9). 

Ruth et Naomi décidèrent alors de trouver leur subsistance par le biais


de ces Matanot La Evionim (dons aux pauvres), auxquels la Torah nous
enjoint, et destinés à venir en aide aux plus indigents.

Pureté des Midoth

Ruth, qui était une femme aux Midoth (qualités profondes) exception-
nelles, ne désirait pas être un fardeau pour sa belle-mère. Elle voulut
se rendre elle-même aux champs pour glaner les épis. Mais comme
elle respectait sa belle-mère, elle ne voulait rien entreprendre sans son
autorisation. Elle s’adressa ainsi à Naomi : «Il ne convient pas que tu
ailles dans les champs glaner, toi qui es une femme respectable et im-
portante. Il n’est pas de ton rang ni de ta dignité d’agir ainsi. Pour ma
part, je suis Moabite, et personne ne me connaît ici, je n’ai donc aucune
honte à aller glaner.

Afin d’apaiser sa belle-mère, Ruth ajouta : «Sache que les épis que je
glanerai ont plus de valeur que toutes les pierres précieuses que je pos-
sédais dans la maison de mon père, roi de Moav. Ceci pour t’exprimer
à quel point mon mérite est grand d’avoir rejoint l’héritage d’Hachem
et Sa Torah, Torah de vérité».
55
Lois et Récits de Chavouot

Ruth dit : «J’irai vers celui aux yeux de qui je trouverai grâce». Je
chercherai le propriétaire d’un champ chez qui je trouverai de la grâce
dans les yeux, c’est-à-dire faisant preuve d’un œil bienveillant envers
les indigents qui ramassent des épis. C’est ainsi qu’il possède de la
grâce liée à la Kédoucha des yeux, et qu’il ne regarde pas les femmes,
son esprit entièrement tourné vers la Torah.

Je veillerai aussi à cela : tout ce que je glanerai le sera en conformité avec


la Halakha. C’est en ce sens qu’elle glana «dans les épis» : «Bé Chibolim»,
c’est-à-dire «2 (valeur de la lettre Bet) épis», et pas davantage, selon ce
que tu m’as enseigné : à partir de trois épis, il ne s’agit plus de Léket.

Naomi répondit : «Va ma fille, tu m’es aussi chère qu’une fille aux
yeux de sa mère, et je ne veux pas amoindrir ta valeur. Mais comme le
besoin se fait pressant, tu peux y aller ma fille». 

Ruth dans le champ de Boaz

Ruth s’en alla chercher un champ de moissonneurs convenable. En


route, elle plaça des signes qui permettraient de retrouver son chemin,
afin d’éviter d’avoir à le demander aux passants, et d’en venir à multi-
plier ainsi les discussions. «Il veille aux pas de ses fidèles», est-il écrit.
C’est donc vers le champ de Boaz, juge d’Israël, qu’Hachem la condui-
sit, car tous y étaient des Tsadikim. C’est donc vers ce champ, et pas
un autre. Afin que personne n’en vienne à fauter, du fait de la grande
beauté, intérieure et extérieure, de Ruth.

En arrivant dans le champ, Ruth se comporta avec intelligence : elle se


dirigea d’abord au bout du champ, sans rien y glaner, afin de ne pas
se retrouver chargée du fardeau des épis. Ce n’est qu’au retour qu’elle
glana. Elle s’efforça d’aller «après les moissonneurs», plutôt qu’avant
eux, afin de ne pas les attirer. C’est pour cela qu’elle choisit, d’entre
les trois Matanot Aniim, celle du Léket, car elle craignait de prendre de
Chiheha, craignant de ne pas être certaine de savoir si le propriétaire
avait vraiment oublié le Omer, ou s’il l’avait mis de côté pour le pren-
dre ultérieurement. De même s’empêcha t-elle de toucher à Péa, de
peur que de nombreux nécessiteux s’y soient réunis, afin de ne pas se
mêler à eux par Tsniout (pudeur). Ruth décida donc de glaner seule-
ment les épis éparpillés ça et là.

56
Récits

Le nom de D.ieu constamment dans leurs bouches

Ruth se consacra ainsi aux récoltes des champs de Boaz pendant six
jours, sans que son propriétaire ne se soit encore présenté. Boaz était en
effet endeuillé, dans les Shiva (semaine) de la perte de son épouse.

«Et voici», par un effet de la Providence divine, que Boaz arrive dans
son champ, lui qui n’est pas accoutumé à cela. C’était au septième jour
des Shiva, jour où Boaz achevait sa semaine de deuil.

Il arriva dans son champ, après avoir résidé à Bethlehem, siège du San-
hédrin, du Tribunal de Chmouel Hanavi. Au Beth Midrach, les Sages et
Boaz décrétèrent la règle dite de «Lishol Béshem», celle de saluer par
le Nom de D.ieu, c’est-à-dire : lorsqu’un homme salue quelqu’un, il
devrait mentionner le nom de D.ieu afin d’habituer les gens à parler
de D.ieu. Tout ceci étant destiné à renforcer la Emouna dans la Hasga’ha
Pratit de D.ieu sur ses créatures, comme il est écrit (Jérémie, 32 :19) :
«Tes yeux veillent sur chacun des chemins de l’homme». Lorsque Boaz
vint dans son champ, il accomplit lui-même, le premier, ce décret en
s’adressant aux moissonneurs : «Hachem Imahem», «Que D.ieu soit avec
vous ! Ceux-ci lui répondirent : «Yévareheha Hachem !» : «Que D.ieu te
bénisse».

Boaz était particulièrement humble et pudique, même si sa récolte


était abondante et ses employés affairés à leur tâche, il n’en concevait
aucun orgueil, sachant que toute cette richesse n’était qu’un cadeau
divin dont il pouvait bénéficier. Ainsi, lui-même s’empressait-il de sa-
luer ses employés sans attendre qu’ils ne le précèdent, et même s’ils
travaillaient pour lui.

Par ces paroles : «Hachem Imahem», Boaz leur rappelait ainsi : «Ne per-
dez surtout pas de vue que toute l’abondance que vous voyez, tous ces
bienfaits ne valent rien en soi, si on oublie que c’est pour servir D.ieu
que nous récoltons les moissons, et pour mieux nous consacrer à la
Torah tout le reste de l’année».

Alors, au moment où vous moissonnez, souvenez-vous qu’Hachem


nous a ordonné les Mitsvot de Léket, Chiheha et Péa, et qu’il ne faut
surtout pas léser les indigents mais au contraire leur donner d’un œil
bienveillant et avec un visage agréable. C’est comme cela qu’Hachem

57
Lois et Récits de Chavouot

sera avec vous (Hachem Imahem), la Chékhina résidera parmi vous et


vous provoquerez un grand plaisir chez D.ieu. Les moissonneurs ré-
pliquèrent : «Que D.ieu te bénisse» (Yévareheha Hachem), nous sommes
prévenus et décidés à respecter ces lois, et c’est par ce mérite que D.ieu
te comblera de bénédictions, comme l’affirment les Sages : «Qu’est-ce
qu’une Beraha (bénédiction) ? Une femme convenable». Ils lui répondi-
rent donc le plus succinctement possible, afin d’obéir à l’injonction des
‘Hakhamim : «Celui qui est occupé à son travail chez un employeur ne
devra pas s’attarder à parler, même pour saluer»

Paroles de ‘Hokhma et de Tsniout

Lorsque Boaz aperçoit Ruth, il demande à l’un de ses jeunes employés :


«A qui est cette jeune femme ?». Nous sommes en droit de nous de-
mander pourquoi il s’intéresse à une femme étrangère. Est-ce donc
l’habitude de Boaz de poser ce genre de questions au sujet de jeunes
femmes ?

En réalité, Boaz perçut en Ruth ‘Hokhma (sagesse) et Tsniout (pudeur).

‘Hokhma : Car en ne glanant que deux épis, elle faisait la preuve de sa


connaissance de la Halakha.

Tsniout : Toutes les femmes se baissaient pour glaner les épis alors
que Ruth récoltait les plus élevés d’entre eux, en position debout, et les
plus bas en position assise, sans avoir à se baisser pour cela, tout cela
par pudeur. Ainsi, toutes les femmes se comportaient avec une cer-
taine légèreté vis-à-vis des moissonneurs et récoltaient également ce
qui appartenait au propriétaire, alors que Ruth ne glanait que la partie
Hefker (sans propriétaire) du champ.

En outre, le Zohar rappelle que Boaz reconnut en cela son humilité et


sa bienveillance, tout ce qu’elle récoltait était touché par la Brakha, et le
Roua’h HaKodech (don de prophétie) reposa sur elle. 

La grandeur de Ruth

Le jeune moissonneur comprit que Boaz souhaitait certainement pren-


dre Ruth pour épouse et lui répondit : «C’est une jeune femme Moa-
bite venue des plaines de Moav avec Naomi», soulignant par là même
la grandeur de Ruth.
58
Récits

En tout premier lieu, c’est une «jeune femme», âgée de quarante ans,
et apte à enfanter («jeune» surtout par rapport à Boaz qui avait 80 ans).
Et comme tous les fils de Boaz avaient quitté ce monde, il convenait
qu’il épouse une jeune femme qui puisse lui donner d’autres enfants,
afin qu’il perpétue son nom sur terre.

Cependant, cette jeune femme est Moabite et la Halakha avait déjà été
renouvelée, selon laquelle : «Un Amoni et non une Amonite, un Moavi
et non une Moavite», spécifiant justement l’interdiction faite aux hom-
mes Moavites seulement de rejoindre la communauté juive, alors que
les femmes obtinrent le droit de se convertir au judaïsme. Compte tenu
de cela, Ruth est «venue des plaines de Moav avec Naomi», sous-
entendant le fait qu’elle ait quitté son confort de Moav pour accom-
pagner l’indigente et délaissée Naomi. Ces termes soulignent le bon
cœur et les grandes Midoth qui émanent de sa personne. On peut vrai-
ment parler de conversion faite Léchem Chamaïm (par amour sincère de
D.ieu) et sans nul intérêt matériel.

Ruth, qui tenait vraiment à glaner «après les moissonneurs», se com-


portait avec Tsniout, et depuis plusieurs jours déjà, nul n’avait entrevu,
ne serait-ce qu’un de ses petits doigts.

Ne va pas glaner dans un autre champ !

Lorsque il entend ces paroles, Boaz se dirige vers Ruth et lui dit : «En-
tends-tu ma fille, ne va pas glaner dans un autre champ !». Viens seu-
lement dans ce champ, car je sais que mes jeunes employés sont Kché-
rim (dignes de confiance), et je les surveille constamment.

Par conséquent, j’ai donné l’ordre à mes employés de ne pas t’impor-


tuner. Si tu souhaites te désaltérer, utilise les vases qu’ils auront rempli
sans avoir à leur en demander l’autorisation, afin de ne pas avoir à
entrer dans des discussions avec eux.

Le Midrach ajoute qu’il s’agissait d’eaux particulières, que le fait de


puiser conduisait au Roua’h HaKodech, car elles étaient extrêmement
pures et utilisées pour Pessah. Ainsi, Boaz vit que Ruth possédait ce
Roua’h HaKodech, car de son seul regard, sa récolte s’en trouvait bénie.
Boaz signifia ainsi son désir de la voir évoluer et monter de niveau
spirituel en niveau spirituel.

59
Lois et Récits de Chavouot

Lorsque Ruth entendit ces paroles de ‘Hessed de la part de Boaz, elle lui
témoigna sa gratitude et demanda : «Comment ai-je pu trouver grâce
à tes yeux, pour que tu t’intéresses à moi, qui suis une étrangère ?».
Je viens du pays de Moav, et la Torah dit au sujet de Moav et Amon :
«Tu ne chercheras ni leur paix ni leur bien, tout au long de tes jours, à
jamais» (Devarim, 23 :7). S’il en est ainsi, comment ai-je pu mériter de
telles paroles de bénédiction et d’encouragement ?

Au même moment, Boaz oublia la Halakha autorisant les femmes Moa-


bites à rejoindre la communauté juive. Aussitôt, une Bat Kol (voix di-
vine) se fit entendre des cieux et dit : «Ni Amoni ni Moavi dans la
communauté de D.ieu : Amoni, mais non Amonite, Moavi mais non
Moavite !». 

Paroles de consolation et de réconfort

Boaz lui répondit : «On m’a fidèlement rapporté tout ce que tu as fait
pour ta belle-mère après la mort de ton mari. Que tu as quitté ton
père, ta mère et ton pays natal pour te rendre auprès d’un peuple
que tu ne connaissais ni d’hier ni d’avant-hier». J’ai ouï dire deux
belles choses à ton sujet. La première : on m’a rapporté le bien dont tu
as gratifié ta belle-mère, ce qui signifie que tu ne fais pas preuve de la
malveillance typique des Moabites. La seconde : on m’a rapporté que
tu t’es convertie en un temps où tu aurais pu rester vivre confortable-
ment dans ton pays. C’est la preuve que tu es une bonne âme, agréable
aux hommes et agréable au Ciel.

Il est rapporté dans le Targoum : on m’a rapporté, par l’intermédiaire


d’une Bat Kol : lorsqu’il a été décrété que Moav n’entrerait pas dans la
communauté d’Hachem, cela ne concernait que les hommes et non les
femmes. Il m’a été dit aussi, par Névoua (prophétie) que sortiraient de
ton sein des rois et des prophètes, grâce au mérite du bien que tu as fait
à ta belle-mère. Comme de l’avoir assisté et nourri après la mort de ton
mari, et d’avoir quitté père, mère et terre natale pour te convertir.

Sache que l’épreuve que tu as endurée est plus grande que celle d’Avra-
ham Avinou. Avraham a reçu l’ordre de D.ieu : «Va pour toi, quitte ton
pays, ta ville natale et la maison de ton père», alors que toi, tu es partie
de ta propre initiative et par ta seule volonté. Sans compter les tentati-

60
Récits

ves de Naomi pour t’en dissuader. Et malgré tout, tu t’es obstinée pour
partir avec elle.

Ton mérite est si grand, qu’aucun homme ne peut te récompenser pour


cela, ainsi : «D.ieu te rétribuera pour tes actions et ta récompense sera
entière, de la part d’Hachem, D.ieu d’Israël».

Tu as accompli le commandement de Gmilout ‘Hassadim (la bienfai-


sance), qui est l’une des Mitsvot dont «l’homme tire un profit dans ce
monde et dans le monde futur», c’est pourquoi «D.ieu te rétribuera
pour tes actions», dans ce monde-ci, sans pour autant te priver de ta
récompense dans le monde à venir. C’est ainsi que ta «rétribution sera
entière, de la part d’Hachem», tu pourras jouir du reflet de Sa Chehina,
comme l’ont affirmé les Sages : «Les Tsadikim se tiennent assis, leur
couronne sur la tête et jouissent du reflet de la Chehina».

Par les termes : «Ta récompense sera entière», Boaz faisait allusion au
mérite de voir ses jours se prolonger, afin de voir le roi Chlomo, l’un
de ses descendants (car Chlomo est de la même racine que Chléma, en-
tière). Il est dit au sujet de Chlomo (Mélahim1, 2 :19) : «Il fit un trône
pour la mère du roi afin qu’elle siège à sa droite». Les Sages précisent :
«Il fit un trône pour la mère de la royauté, qui est Ruth».

Ruth dit à Boaz : «Tes paroles me réconfortent et réchauffent mon


cœur. J’étais jusqu’à présent dans l’expectative, étais-je apte à entrer
dans la communauté de D.ieu. Je craignais même de ne pas être éga-
le à l’une de tes servantes canaanites qui, lorsqu’elles sortent libres,
peuvent à loisir se marier à un Juif. N’aurais-je, moi aussi, ce droit ?
C’est pourquoi tu m’as rassuré, car tu n’as pas seulement annoncé que
j’étais admise à entrer dans la communauté juive, mais tu as ajouté que
j’aurai une part au monde futur, au même titre que les Imaot : Sarah,
Rivka, Rahel et Léa. 

Les humbles mangeront et seront rassasiés

Lorsque l’heure du repas survint, Boaz l’invita à rassasier sa faim et lui


dit : «Approche et mange de nos aliments, tu peux aussi tremper ton
pain dans le vinaigre». Il lui conseilla de tremper son pain dans du
vinaigre, usage recommandé en période de grande chaleur.

61
Lois et Récits de Chavouot

Pourtant, du fait de sa Tsniout très marquée, Ruth n’osait s’approcher.


Elle s’assit finalement «à côté des moissonneurs». Lorsque Boaz s’en
aperçut, il tendit un morceau de pain grillé à Ruth, comme on le fait
pour ses hôtes les plus intimidés. «Elle en mangea à satiété» : Ruth
coupa un petit morceau de ce pain, entre ses doigts. Nos Sages disent :
«Soit la Beraha reposait sur les doigts de Boaz, soit dans les intestins
de cette Tsadéket car il est écrit : «Elle en mangea à satiété et en eut
encore de reste». 

Tsédaka avec dignité

Dès qu’elle eut fini de manger, Ruth se leva avec empressement pour
poursuivre sa tache : glaner les épis du champ. Lorsqu’elle s’éloigna,
Boaz s’adressa à ses jeunes employés : «Laissez la glaner même entre
les gerbes, et ne l’humiliez pas. Ayez même soin de laisser tomber,
de vos javelles, des épis que vous abandonnerez, pour qu’elle les
ramasse». Vous ferez mine d’oublier des épis afin qu’elle puisse les
ramasser. Boaz entendait de cette manière, avec sagesse, lui donner
en toute discrétion et avec respect pour Ruth, car celle-ci était pauvre
mais issue d’une famille aisée, accoutumée à une vie confortable. C’est
pour cela qu’elle éprouvait autant de gène à recevoir gratuitement du
pain. 

Un œil bienveillant est béni

Même si elle percevait la grande générosité de Boaz, Ruth la Tsadé-


ket peinait pourtant à profiter des bienfaits particuliers qui lui étaient
consentis. «Elle glana dans le champ, jusqu’au soir». En récoltant
comme les autres indigents, elle effectua un long travail qui se pro-
longea jusqu’au soir. «Elle battit ce qu’elle avait amassé» : au terme
de ce dur labeur, Ruth entreprit de battre les épis, afin de séparer les
graines de la paille et de la bale, et de rapporter ainsi à la maison une
récolte pure de tout déchet, que Naomi n’aurait pas à retravailler en-
suite. Il s’agissait également pour Ruth de s’éviter d’avoir à porter un
plus lourd fardeau, à plusieurs reprises.

«Il y eut environ un Epha d’orge» : la Beraha reposa sur l’oeuvre de ses
mains et en une journée de travail, elle parvint à récolter un Epha, soit
une quantité considérable, pouvant suffire pour dix jours.

62
Récits

Lorsque Ruth rentra à la maison avec sa récolte, Naomi fut abasourdie
de voir une telle quantité de blé. Peut-être Ruth n’avait-elle pas respecté
les lois des récoltes, pensa Naomi. C’est pourquoi, Ruth sortit aussitôt
la nourriture supplémentaire qui restait de son repas, afin de montrer
à Naomi que la Brakha d’Hachem avait touché jusqu’à sa nourriture,
expliquant ainsi le pourquoi d’une telle abondance des récoltes.

Pourtant, Ruth tint à apporter à Naomi la nourriture qu’elle avait


conservée car elle était certainement affamée et désireuse de manger
au plus vite. Aussi ne pouvait-elle attendre de lui préparer le blé qu’el-
le avait rapporté.

Naomi déclara alors à Ruth : «Béni soit celui qui t’a témoigné de la
bienveillance !». Tu es si zélée et assidue, et la Beraha repose sur tout
ce que tu entreprends. Celui qui te connaîtra et t’épousera sera gratifié
d’une Eshet Haïl (épouse vertueuse), qui ne mangera pas le pain de
la paresse ! (Léhem Atslout Lo Tokhal, tiré du chant de Chabbath Eshet
Haïl).

A cette question de Naomi : «d’où provenait donc cette récolte ?», Ruth


répondit : «L’homme chez qui j’ai travaillé aujourd’hui se nomme
Boaz». Par ces termes, nous apprenons qu’au-delà même de ce que le
propriétaire peut apporter à l’indigent, l’indigent peut permettre au
propriétaire d’acquérir le mérite de l’acte de Tsédaka. C’est ce que réa-
lisa Ruth à l’égard de Boaz et de son extrême générosité, qui le poussa
à offrir du pain à une indigente affamée, niveau le plus élevé qui soit
en matière de Tsédaka, comme il est dit «Partage ton pain avec celui
qui a faim».

Lorsque Naomi apprend que D.ieu a conduit Ruth vers le champ de


son futur mari, elle remercia Hachem et encouragea sa belle-fille à ne
fréquenter que les jeunes servantes de Boaz, dont la pudeur et la crain-
te du Ciel étaient avérées. Elle annonce même à Ruth que Boaz est un
de leurs proches parents, et qu’à ce titre, il est une Mitsva de procéder
au Iboum (lévirat) et de l’épouser, afin de perpétuer le nom de Mahlon,
son époux disparu sans laisser d’enfants.

Tout au long de cette période des moissons, Ruth continue à se rendre
au champ de Boaz pour y glaner «jusqu’à l’achèvement de la moisson
de l’orge et du froment», c’est-à-dire au bout de trois mois. Au terme

63
Lois et Récits de Chavouot

de cette période, Ruth était donc apte à se remarier, comme l’affirme la


Guémara (Masséhet Yébamot 35a) : «Une fois convertie, une femme doit
attendre trois mois avant de pouvoir se marier».

Chapitre 3

1. Cependant Naomi, sa belle-mère, lui dit : «Ma fille, je désire te


procurer un foyer qui fasse ton bonheur. 2. Or Boaz, avec les
servantes duquel tu t’es trouvée, n’est-il pas notre parent ? Eh
bien, cette nuit même il doit vanner les orges dans son aire. 3.
Tu auras soin de te laver, de te parfumer et de revêtir tes plus
beaux habits, puis tu descendras à l’aire, mais tu ne te feras
pas remarquer de cet homme, avant qu’il ait fini de manger et
de boire. 4. Puis, quand il se sera couché, tu observeras l’en-
droit où il se repose, tu iras découvrir le bas de sa couche et
t’y étendras. Lui-même, il t’indiquera alors ce que tu devras
faire». 5. Elle lui répondit : «Tout ce que tu me recommandes, je
l’exécuterai». 6. Elle descendit à l’aire et fit ce que sa belle-mère
lui avait recommandé. 7. Boaz mangea et but et fut d’humeur
joyeuse, puis il alla se coucher au pied du monceau de blé. Et
Ruth se glissa furtivement, découvrit le bas de sa couche et s’y
étendit. 8. Il arriva qu’au milieu de la nuit cet homme eut un
mouvement de frayeur et se réveilla en sursaut, et voilà qu’une
femme était couchée à ses pieds. 9. «Qui es-tu ?», s’écria t-il.
Elle répondit : «Je suis Ruth, ta servante, daigne étendre le pan
de ton manteau sur ta servante, car tu es un proche parent».
10. Il répliqua : «Que l’Eternel te bénisse, ma fille ! Ce trait de
générosité est encore plus méritoire de ta part que le précédent,
puisque tu n’as pas voulu courir après les jeune gens, riches ou
pauvres. 11. Maintenant, ma fille, sois sans crainte, tout ce que
tu me demanderas, je le ferai pour toi, car tous les habitants de
notre ville savent que tu es une vaillante femme. 12. Toutefois,
s’il est vrai que je suis ton parent, il existe un parent plus direct
que moi. 13. Passe donc la nuit ici, demain matin, s’il consent à
t’épouser, c’est bien, qu’il le fasse ! Mais s’il s’y refuse, c’est moi
qui t’épouserai, par le D.ieu vivant ! Reste couchée jusqu’au
matin». 14. Elle demeura étendue au bas de sa couche jusqu’au
lendemain matin, puis elle se releva avant l’heure où on peut
64
Récits

se reconnaître les uns les autres car, disait-il, «Il ne faut pas
qu’on sache que cette femme a pénétré dans l’aire». 15. Boaz
dit encore : «Déploie le châle qui te couvre et tiens-le bien».
Elle le lui tendit, et il y mit six mesures d’orge, l’en chargea et
rentra en ville. 16. Quant à Ruth, elle alla retrouver sa belle-
mère, qui lui demanda : «Est-ce toi ma fille ?». Ruth lui raconta
tout ce que l’homme avait fait pour elle. 17. «Voici, ajouta t-
elle, six mesures d’orge qu’il m’a données en me disant : «Tu ne
dois pas revenir les mains vides auprès de ta belle-mère». 18.
Naomi répondit : «Demeure tranquille, ma fille, jusqu’à ce que
tu saches quel sera le dénouement de l’affaire. Assurément, cet
homme ne se tiendra pour satisfait qu’il ne l’ait menée à bonne
fin aujourd’hui même».

Un foyer pour ton bonheur

Trois mois s’étaient écoulés depuis que Ruth s’était convertie. Elle était
prête désormais à se marier et fonder un foyer. Si Naomi avait pensé à
son seul intérêt, elle aurait certainement préféré voir sa belle-fille res-
ter chez elle à ses côtés, afin de s’occuper d’elle durant ses vieux jours.
Pourtant, Naomi se préoccupe avant tout du bien de Ruth et de son
avenir, car l’apaisement véritable d’une femme se produit dans son
foyer, avec son époux.

Naomi s’adresse alors à Ruth en ces termes : «Ma fille, je désire te pro-
curer un foyer qui fasse ton bonheur». Tu es comme ma fille, et je ne
souhaite que ton bonheur, alors écoute bien mes conseils : même s’il te
dit des paroles qui pourront te sembler surprenantes, que tu auras du
mal à comprendre, tout ne sera que pour ton bien. 

Mitsva de Iboum (Lévirat)

Il est dit dans la Torah :

«Si des frères demeurent ensemble et que l’un d’eux vienne à mourir sans
postérité, la veuve ne pourra se marier au dehors à un étranger, c’est son beau-
frère qui doit s’unir à elle. Il la prendra donc pour femme, exerçant le lévirat à
son égard. Et le premier fils qu’elle enfantera sera désigné par le nom du frère
mort, afin que ce nom ne périsse pas en Israël»(Devarim, 25 : 5-6).

65
Lois et Récits de Chavouot

La Torah explique ainsi que lorsqu’un homme meurt sans avoir laissé
de descendance, son âme ne peut trouver de repos absolu dans le Olam
Haba (monde futur). Par conséquent, c’est une Mitsva pour ses frères
vivants de s’efforcer d’assurer une postérité à leur frère défunt, afin
que son nom ne soit pas effacé d’Israël. C’est alors que l’âme du défunt
pourra véritablement trouver un apaisement éternel. Comme devait-
on procéder ? Par l’intermédiaire du Iboum qui voyait l’un des frères
du disparu épouser sa belle-sœur, de telle sorte que le fils né de cette
union serait appelé du nom du défunt. De cette façon, «le fils rend
le père méritant», c’est-à-dire : ce même fils donne du mérite au père
(disparu) dans le Olam Haba.

Selon la Torah, la loi du «Iboum» n’incombait qu’aux frères du défunt


disparu sans avoir laissé de descendance, et à aucun autre proche.

Naomi dit à Ruth : Il se trouve que Boaz est un de nos proches parents,
et grâce à lui, tu peux fonder à nouveau un foyer et perpétuer le nom
de ton défunt mari. En outre, Boaz représente l’homme le plus sucepti-
ble de te convenir, et tu connais déjà ses exceptionnelles Midoth, sa gé-
nérosité de cœur et sa piété. Lui aussi est conscient de ta valeur, écoute
donc tout ce que je te dirai :

La période des moissons est maintenant achevée. Est venu le temps de


vanner le grain de la récolte au vent. Boaz doit lui aussi aller vanner au
champ aujourd’hui, mais comme il s’agit d’une tache particulièrement
fatigante, il préfèrera l’effectuer aux heures du soir et la nuit, et non
en pleine chaleur du jour. Au terme de son labeur, il ne rentrera pas
chez lui mais dormira dans le champ, car c’est un déshonneur pour
un Talmid ‘Hakham de sortir seul la nuit. De plus, il s’agit d’éviter les
vols de récoltes, c’est pourquoi de nombreux propriétaires de champs
dorment sur place afin d’assurer leur surveillance.

Sache que justement en ce moment, après le vannage de la récolte, lors-


que le cœur de Boaz est heureux et satisfait, c’est un temps tout à fait
propice à une union. Ne retarde donc pas davantage cette échéance,
pas même un jour de plus. Va donc cette nuit encore dans le champ de
Boaz, présente-toi à lui, et confie lui ce que tu as sur le cœur, il saura
alors user de sa sagesse pour que cette situation évolue au mieux.

66
Récits

Il va sans dire que tu devras également faire preuve d’intelligence et


de sagesse. Il t’appartient de te préparer à cela sur le plan spirituel,
en écartant la moindre trace de souillure provoquée par la Avoda Zara
passée. Tu prendras donc sur toi le joug des Mitsvot et de la sainteté,
afin de pouvoir prétendre épouser un homme d’une si grande éléva-
tion spirituelle.

Lorsque tu arriveras, il est certain qu’il restera encore des moisson-


neurs affairés à leurs taches, efforce-toi donc de trouver un endroit dis-
cret, et attends que tombe la nuit et que se termine le travail. Une fois
que Boaz se sera restauré et ira se coucher, tu sortiras de l’endroit où
tu te caches et te présenteras à lui. Avec l’aide de D.ieu, ta délivrance
est proche. 

Le moins que l’on puisse dire est que l’attitude de Naomi a de quoi
nous surprendre : pourquoi décide t-elle de donner de tels conseils et
une telle marche à suivre à Ruth ? Boaz connaissait parfaitement la va-
leur de Ruth, et Naomi aurait très bien pu évoquer cette question avec
lui directement, ou même par un intermédiaire. Pourquoi ne pas avoir
organisé ces choses d’une manière plus claire et digne ? Que «cache»
donc le comportement de Naomi la Tsadéket ?

En réalité, Naomi avait vu par Roua’h HaKodech, que cette union entre
Ruth et Boaz allait engendrer la dynastie royale du ‘Am Israël : Da-
vid HaMélèkh, roi d’Israël et roi Machia’h. Ainsi donc, une force de
Kédoucha extraordinaire devait découler d’une telle rencontre. Mais à
chaque fois que la sainteté doit résider quelque part, le Satan souhaite
également s’en emparer pour se renforcer, et par cette force, détruire et
annihiler davantage encore la Kédoucha, ‘Has Vé Chalom.

Hachem souhaitait ainsi préserver cet enjeu crucial de l’emprise du Sa-


tan et pour ce faire, il plaça dans le cœur de Naomi cette intention de
guider Ruth et de la conduire à des actes qui sembleraient, d’un certain
point de vue peu convenables ni dignes. Le Satan s’en trouverait ainsi
privé de la possibilité de menacer le projet divin sous-jacent, permet-
tant de la sorte l’avènement de la royauté messianique de David.

Ainsi, Naomi avait «vu» également que cette même nuit serait un «Et
Ratson», soit un moment propice pour cela. Elle rassura donc Ruth en
lui promettant que nulle malédiction ne viendrait contrecarrer ce des-

67
Lois et Récits de Chavouot

sein, car du fait de la grande joie éprouvée par Boaz, le Roua’h HaKo-
dech reposait sur lui. C’était donc la nuit idéale pour donner naissance
à des Néchamot (âmes) liées à la Malkhout de David et au Machia’h. Il
était donc hors de question de retarder cet événement !

Ruth descend dans la grange

A l’écoute des paroles de Naomi, Ruth lui dit : «Tout ce que tu me


recommanderas, je le ferai», même si je suis loin de comprendre les
raisons profondes de tout cela. Et même si je n’aurais jamais été capa-
ble de faire une telle chose de mon propre fait, je le ferai tout de même,
puisque cela vient de toi.

De ce fait, «Elle descendit à la grange et fit tout ce que lui avait de-
mandé sa belle-mère», et pour chaque chose, elle disait : «Je m’en-
gage à accomplir les Mitsvot de ma belle-mère». «Elle descendit à la
«grange» (Goren) : toute son intention n’était pas mue par son propre
intérêt, mais la volonté d’établir une descendance de Tsadikim et de
‘Hassidim, habilités à siéger au Sanhédrin, dont la forme ressemble à
une demi Goren (ce terme hébreu désignant à la fois grange et hémicy-
cle). De même avec Chlomo HaMélèkh qui édifia le Beth Hamikdach sur
le Goren, l’aire de Arvona le Jébuséen. 

Le repas du Tsadik

Ruth se tient donc cachée et observe, effectivement, les choses se dérou-


ler comme l’avait annoncé Naomi. Effectivement, après avoir achevé
son travail de vannage de la récolte, il se reposa pour manger et boire.
Son repas s’inscrivait d’ailleurs après une longue période de disette,
pendant laquelle Boaz n’avait pas mangé à sa faim, se contentant de
très peu. Pourtant, Boaz était riche, et aurait très bien pu se permet-
tre des repas plus conséquents. Il souhaitait néanmoins s’associer à la
détresse de son peuple. Mais ce soir-là coïncidait avec le terme de la
famine et la récolte était désormais si abondante que chacun avait eu
la chance de récolter à volonté, pouvant se nourrir à satiété, Boaz com-
pris. «Et il fut d’humeur joyeuse», étudia la Torah, se restaura et bénit
son repas en remerciant D.ieu d’avoir écouté ses prières et gratifié le
monde de son abondance. 

68
Récits

Ruth se présente à Boaz

Après avoir mangé, bu et prononcé le Birkat Hamazone, alla se cou-


cher près du monceau de blé engrangé, à l’image des Tsadikim qui
ne recherchent nullement le moindre confort et plaisir personnel, ap-
pliquant le principe : «Tu te coucheras à même le sol». Lorsqu’il se fut
endormi, Ruth «se glissa furtivement», délicatement, en veillant à ne
pas le toucher et ne pas s’allonger à côté de lui, mais seulement à ses
pieds, à distance.

«Et ce fut au milieu de la nuit» : au moment de Hatsot (milieu de la


nuit), Boaz avait l’intention de se lever comme à son habitude, afin
d’étudier la Torah, à l’instar de ce que fera son illustre descendant, Da-
vid HaMélèkh, comme il est écrit dans Téhilim : «Au milieu de la nuit,
je me lève pour dire tes louanges». Pourtant, Boaz est particulièrement
surpris lorsqu’il aperçoit Ruth : «Et voilà qu’une femme était couchée
à ses pieds». Le voici donc confronté à une difficile épreuve, à tel point
qu’il en éprouva une terrible frayeur. Boaz se dit : «C’est maintenant
l’heure de Hatsot, à laquelle Hachem rejoint les Tsadikim au Gan Eden.
Comment pourrais-je donc fauter en un tel instant ?». C’est ainsi qu’il
parvint à se maîtriser et surmonter cette tentation.

Il s’adressa alors à Ruth : «Qui es-tu ?», es-tu permise ou interdite ?


Libre ou mariée ? Impure ou pure ?

Ruth lui répondit : «Je suis Ruth, permise pour toi, libre et pure, et je
suis venue vers toi à des fins de Nissouïn (mariage), «daigne étendre le
pan de ton manteau sur ta servante», étends sur moi ton Talith, com-
me on le fait lors d’une ‘Houpa (dais nuptial) pendant la cérémonie. Je
me réfugierai ainsi aux coins de ton Talith, à l’image des poussins, sous
les ailes de leur mère, «car tu es un proche parent», et qu’il est en ton
pouvoir de perpétuer le nom de mon défunt mari, Mahlon. 

Tu es une femme vertueuse !

Boaz entend les paroles de Ruth et réalise, par Roua’h HaKodech, que
cette femme est une véritable Tsadika et que David HaMélèkh doit naî-
tre d’elle. Il est donc conscient de la pureté de ses intentions. Ainsi,
Boaz s’adresse à Ruth en ces termes : «Que l’Eternel te bénisse, ma
fille ! Ce trait de générosité est encore plus méritoire de ta part que le

69
Lois et Récits de Chavouot

précédent, puisque tu n’as pas voulu courir après les jeune gens, ri-
ches ou pauvres». Tu souhaites faire preuve d’un grand ‘Hessed envers
ton défunt mari Mahlon, en perpétuant son nom. Et pour cela, tu es
même prête à épouser un homme âgé comme moi plutôt qu’un homme
plus jeune. Sache en tout cas que ce ‘Hessed ultime que tu exerces afin
de perpétuer le nom de Mahlon est bien plus grand encore que celui
dont tu as fait preuve pour son inhumation et les derniers devoirs.

«Maintenant, ma fille, sois sans crainte», ne crains pas de me voir re-


fuser de t’épouser, moi qui suis juge et toi étrangère, sans nul titre de
noblesse, «car tous les habitants de notre ville savent que tu es une
vaillante femme». Tu possèdes en réalité une noblesse personnelle qui
provient de tes Midoth exceptionnelles et de tes actes de bienfaisance.

Ruth est donc apte à épouser Boaz, elle dont il est dit : «Femme vaillan-
te», Echet Haïl, et lui qui est appelé dans le texte Ich Guibor Haïl (hé-
ros valeureux). Tous deux seront à l’origine de la naissance de David
HaMélèkh, surnommé lui aussi celui qui «connaît l’instrument et …
Guibor Haïl», lui aussi.

Cependant Boaz précise à Ruth qu’il existe un parent plus proche de la


famille de Mahlon, son nom est Tov, et il passe en priorité puisqu’il est
le frère d’Elimelekh, alors que je suis son neveu. Dors donc cette nuit
dans le champ, et au matin, je demanderai à Tov s’il consent à t’épou-
ser. Dans le cas contraire, c’est moi qui te prendrai pour femme.

Il faut préciser qu’à cette époque, l’interdit de Yi’houd (le fait, pour
un homme, de s’isoler avec une femme) ne concernait que les femmes
mariées. Ce n’est que plus tard que David HaMélèkh et son tribunal
décrétèrent l’interdit de Yi’houd avec une femme libre également. Ceci
explique pourquoi Ruth put rester dans le champ pour y dormir. Et
immédiatement, au matin, avant même le lever du jour complet, en
cet instant où il est difficile de reconnaître l’autre, Boaz pressa Ruth
de se lever et de rentrer chez elle, afin d’éviter d’être vu à cet endroit,
obéissant ainsi à cette recommandation de la Torah : «Et vous serez ir-
réprochables, aux yeux d’Israël comme de D.ieu», soit n’éveiller aucun
soupçon.

Les Sages affirment que tout au long de cette nuit, Boaz se tenait
prostré, en prière, demandant : «Ribono Chel Olam, Maître du monde,

70
Récits

même s’il est avéré devant Toi que je n’ai pas touché Ruth, fais donc
en sorte que notre rencontre ne soit connue de personne, afin de ne
provoquer aucun ‘Hiloul Hachem (profanation du nom de D.ieu), ‘Has
Vé Chalom !»

Boaz, ne souhaitant pas renvoyer Ruth chez elle les mains vides, lui
remit une part de sa récolte. Il pensait que si quelqu’un venait à la ren-
contrer avec son fardeau, il en déduirait qu’elle était venue lui deman-
der de la Tsédaka. Boaz lui offrit six mesures d’orge, correspondant à
la quantité nécessaire à un repas. Il signifiait ainsi à Ruth, de manière
allusive, qu’au terme de cette journée, elle aurait la chance de manger
le repas du soir dans la maison de son mari. D’autre part, le chiffre six
évoque les six degrés atteints par David, son descendant, qui savait
jouer de la harpe, était un héros valeureux, un guerrier, un sage, un
homme de belle apparence, constamment accompagné de D.ieu. Ces
six qualités sont d’ailleurs symbolisées par la Maguen David, étoile de
David, à six branches.

Ruth retourne dans la maison de Naomi

Ruth s’empresse alors de quitter le champ et arrive dans la maison de


Naomi avant même que le jour ne se soit levé. Elle raconte à sa belle-
mère tous les événements survenus. Naomi lui répond : «Demeure
tranquille, ma fille, jusqu’à ce que tu saches quel sera le dénouement
de l’affaire». Reste à la maison, car Boaz s’occupera certainement de
cette affaire, et si donc il vient te chercher, tiens toi prête pour cela.

71
Lois et Récits de Chavouot

Chapitre 4

1. Or Boaz était monté à la Porte et y avait pris place, et voilà


que vint à passer le parent dont Boaz avait parlé. Celui-ci dit :
«Veuille t’approcher et t’asseoir là, un tel et tel». Il s’approcha
et s’assit. 2. Puis Boaz prit dix hommes d’entre les Anciens de
la ville et dit : «Asseyez-vous là», et ils s’assirent. 3. S’adres-
sant au parent, il dit : «La pièce de terre qui appartenait à notre
parent Elimelekh, Naomi, revenue des plaines de Moav, veut la
vendre. 4. J’ai jugé bon de te rendre attentif à la chose et de te
dire : - Acquiers cette propriété en présence des personnes assi-
ses là et en présence des anciens de mon peuple. Si tu te décides
à la racheter, c’est bien, sinon veuille me faire connaître tes in-
tentions, car seul tu disposes du droit de rachat, moi ne venant
qu’après toi». Il répondit : «Je ferai le rachat». 5. Boaz continua
et dit : «Le jour où tu acquiers le champ de la main de Naomi,
tu acquiers aussi Ruth, la Moavite, la femme du défunt, pour
maintenir le nom du défunt à son patrimoine». 6. Le parent ré-
pliqua : «Je ne puis faire ce rachat à mon profit, sous peine de
ruiner mon propre patrimoine. Exerce toi-même mon droit de
rachat, car moi je ne puis le faire». 7. Or, autrefois en Israël,
quand il s’agissait de rachat ou d’échange, tel était le procédé
pour rendre définitif un contrat : l’un des contractants retirait
sa sandale et la donnait à l’autre. Voila quelle était la règle en
Israël. 8. Donc le parent dit à Boaz : «Fais l’acquisition à ton
profit», et il retira sa sandale. 9. Alors Boaz dit aux anciens et
à tout le peuple : «Vous êtes témoins aujourd’hui que j’acquiers
de la main de Naomi tout ce qui appartenait à Elimelekh, ainsi
qu’à Mahlon et Kilion. 10. Et Ruth aussi, la Moavite, femme de
Mahlon, je l’acquiers comme épouse pour maintenir le nom du
défunt à son patrimoine et empêcher que le nom du défunt ne
s’éteigne parmi ses frères et dans sa ville natale. Vous en êtes
témoins en ce jour !». 11. Tout le peuple qui se trouvait à la
Porte et les anciens répondirent : «Nous sommes témoins ! Que
l’Eternel rende l’épouse qui va entrer dans ta maison semblable
à Rachel et à Léa, qui ont édifié à elles deux la maison d’Israël !
Toi-même, puisses-tu prospérer à Efrata et illustrer ton nom à
Bethléem ! 12. Que ta maison soit comme la maison de Perets,
que Tamar enfanta à Yéhouda, grâce aux enfants que le Seigneur

72
Récits

te fera naître de cette femme !». 13. Boaz épousa donc Ruth, elle
devint sa compagne et il cohabita avec elle. L’Eternel accorda
à Ruth le bonheur de devenir mère : elle mit au monde un fils.
14. Alors les femmes dirent à Naomi : «Loué soit l’Eternel qui,
dès ce jour, ne te laisse plus manquer d’un défenseur ! Puisse
son nom être illustre en Israël ! 15. Puisse-t-il devenir le conso-
lateur de ton âme, l’appui de ta vieillesse, puisque aussi bien
c’est ta bru qui l’a mis au monde, elle qui t’aime tant et qui est
meilleure pour toi que sept fils !». 16. Naomi prit le nouveau-
né, le mit sur son giron et se chargea de lui donner ses soins. 17.
Et les voisines désignèrent l’enfant en disant en disant : «Un
fils est né à Naomi !». Et elles l’appelèrent Oved. Celui-ci de-
vint le père d’Ichaï, père de David. 18. Or, voici quels furent les
descendants de Perets : Perets engendra Hetsron, Hetsron en-
gendra Ram et Ram engendra Aminadav. Aminadav engendra
Nahshon et Nahshon engendra Salma. Salma engendra Boaz et
Boaz engendra Oved, Oved engendra Ichaï, et Ichaï engendra
David.
 
Celui qui souhaite se purifier reçoit toujours de l’aide

Le Tsadik dit ... et accomplit. Immédiatement, ce matin même, Boaz


entreprit de s’occuper de la situation de Ruth. Il se rendit donc à la
porte du Sanhédrin afin de statuer sur cette affaire. Cependant, Boaz
ne souhaitant pas être directement à l’initiative de ce débat, en appel-
le aux Sages qui siègent avec lui, afin de ne pas donner l’impression
d’avoir un intérêt personnel sur cette question. Il s’assit donc à la Porte
du Sanhédrin, jusqu’à l’arrivée de Tov, pour parler avec lui, et soumet-
tre le cas de Ruth aux débats du jour du tribunal.

Et voici que se produisit un fait étonnant : dès que Boaz se tint en cet
endroit, Tov vint à passer. Les Sages se demandent : Tov se tenait-il
donc derrière cette porte ? Comment pouvait-il donc se trouver à cet
endroit précis, à ce moment précis ? En réalité, Tov aurait bien pu se
trouver à l’autre bout du monde, D.ieu l’aurait néanmoins conduit vers
Boaz, afin de ne pas faire patienter ce Tsadik et lui causer du tort. Ainsi
qu’il est écrit : «La parole décrétée se réalisera», puisque Boaz avait dit
à Ruth : «Aujourd’hui même», D.ieu exauça donc la parole de Boaz en
provoquant la rencontre avec Tov, ce matin même.
73
Lois et Récits de Chavouot

Rabbi Berahia dit : «Boaz fit ce qu’il avait à faire, tout comme Naomi,
Hachem décréta donc : Moi aussi ferai ce que J’ai à faire».

Le texte ne précise pas le nom de Tov, mais emploie l’expression, Plo-


ni Almoni, Untel fils d’untel, évoquant l’idée de voile et d’absence, si-
gnifiant l’idée selon laquelle lui a échappé l’opportunité de fonder la
royauté d’Israël.

Avant de parler à Tov, Boaz réunit dix hommes d’entre les Anciens de
la ville, et leur demande de s’asseoir à ses côtés. Il s’agissait d’une pré-
paration à la réunion d’un Minyan prêt à assister à la cérémonie de son
mariage, puisque la présence de dix hommes est nécessaire à ce rituel.

Puis Boaz s’adresse à Tov et lui demande de racheter le champ d’Eli-


melekh. Que signifie donc cette notion de rachat d’un champ ? 

Rachat d’un champ

Il est écrit dans la Torah (Vayikra, 25,25) : «Si ton frère, se trouvant en
difficulté, a vendu une partie de sa propriété, son plus proche parent
pourra racheter ce qu’a vendu son frère».

Lors du partage de la terre d’Israël, Yéhochoua la divisa en douze parts


pour chacune des douze Tribus, par la voie (et la voix d’ailleurs) du
Goral (tirage au sort). Cette répartition, par tirage au sort, ne fut néan-
moins pas fortuite, mais le fruit de la volonté divine. Chaque Tribu
hérita donc d’une partie bien spécifique de la terre, selon la volonté
divine. Cette part devait rester immuable, de génération en génération.
C’est depuis cette période qu’il est donc interdit à un homme de ven-
dre son champ.

Cependant, si un homme se retrouve dans une situation financière dif-


ficile, au point de ne plus avoir de quoi se nourrir, il peut alors ven-
dre son champ. Pourtant, cette vente ne sera pas considérée comme
éternelle et retournera à son propriétaire originel, l’année du Yovel
(Jubilé).

Mais après avoir vendu son champ, si au fil du temps, et avant l’an-
née de Yovel, sa situation économique s’est améliorée, il est une Mitsva
pour lui de «racheter» son champ et de se le réapproprier (à condition
de payer à l’acheteur, au prorata des années pendant lesquelles l’ache-
74
Récits

teur a fait usage de ce champ). De la même façon, si ce même homme


pauvre a un parent riche, il peut lui aussi «racheter» ce champ, le li-
bérant ainsi de la main de l’acheteur, afin d’éviter qu’il ne tombe en la
possession d’un étranger. 

Maintenir le nom du défunt sur son patrimoine

Boaz s’adresse alors à Tov : «Naomi a été contrainte de vendre le champ


d’Elimelekh par manque de ressources, puisqu’elle a quitté Moav sans
même porter de chaussures à ses pieds. Il est une Mitsva pour nous,
proches parents, de racheter un champ car il ne convient pas qu’un
étranger hérite d’un patrimoine familial qui ne lui était pas destiné
au préalable. Même si tu es prioritaire face à moi par rapport à cette
Mitsva, puisque tu es plus proche parent d’Elimelekh (tu es son frère,
moi son neveu).

Tov approuve Boaz et lui répond : «Je suis prêt à racheter le champ
d’Elimelekh».

Boaz ajoute alors : «Sache que le jour où tu acquiers ce patrimoine, tu


dois de fait acquérir Ruth, femme de Mahlon, car celle-ci ne souhaite
vendre son champ à un autre homme que son futur époux. Ceci pour
la raison suivante : Ruth tient ainsi «à perpétuer le nom du défunt
sur son patrimoine» afin de permettre à un fils qui naîtrait par la suite
d’hériter du patrimoine du père disparu. Dans ce même esprit, tous
ceux qui viendront à passer par le champ de Ruth rappelleront qu’il
s’agit du champ de Mahlon. Son nom sera ainsi perpétué.

Boaz n’a, jusqu’à présent, pas évoqué Ruth, car il pensait : peut-être
Tov ne voudra t-il pas racheter le champ. Pourquoi devrais-je alors hu-
milier Ruth en public en demandant s’il est une «âme charitable» prête
à épouser cette femme ? Mais lorsque Tov consentit enfin à racheter le
champ, Boaz se trouva contraint de l’informer de la requête de Ruth.

Je ne peux faire ce rachat !

Dès que Tov prend connaissance de cette condition, il décide de se


rétracter. Au fond de lui, il craignait d’épouser une femme Moavite car
la loi permettant aux femmes Moabites (seulement) d’intégrer le Klal
Israël, n’était pas encore officiellement clarifiée. Tov redoutait ainsi le
qu’en-dira-t-on éventuel autour d’une telle union. C’est pour cela qu’il
75
Lois et Récits de Chavouot

répliqua : «Je ne puis faire ce rachat à mon profit, sous peine de rui-
ner mon propre patrimoine».

Même si certains commentateurs sont d’avis que Tov ne dévoila pas à


Boaz le fond de sa pensée, il déclara à Boaz qu’il ne pouvait épouser
Ruth, étant déjà marié, avec des enfants. «Je ne souhaite pas avoir deux
femmes sous le même toit, sachant qu’une femme ne respecte vrai-
ment son époux que tant qu’elle se sait être la seule aux yeux de son
époux. Mais lorsque survient tsarata, sa «détresse», en d’autres termes,
une seconde femme, son amour se transforme en haine. Ma vie ne se-
rait plus alors une vie, et je ruinerais mon patrimoine, ma famille. C’est
pour cette raison qu’il vaut mieux que tu procèdes toi-même au rachat,
car tu n’as ni femme ni enfants.

‘Halitsa

Boaz, entendant ces paroles, souhaite alors leur donner force de loi.
Il était de coutume à cette époque, pour un homme désirant vendre
un bien ou procéder à un quelconque échange, de se déchausser de
sa sandale et la tendre à l’acheteur. Il s’agissait d’un acte rituel sym-
bolique marquant l’acquisition. Ainsi n’était-il pas rare d’assister à un
tel rituel, à diverses occasions telles que la vente d’un champ, d’une
propriété ou d’une récolte par exemple. Il n’était donc pas question
de transmettre directement l’objet d’une vente de la main à la main,
mais plutôt par l’intermédiaire d’une sandale, attestant du caractère
pérenne de cette transaction.

Tov retire donc sa chaussure et la tend à Boaz. Cet acte confirme ainsi
sa décision de renoncer à son droit prioritaire d’acquisition du champ.
Boaz annonce alors aux anciens et à la foule réunie : «Vous êtes té-
moins aujourd’hui que j’acquiers de la main de Naomi tout ce qui
appartenait à Elimelekh, ainsi qu’à Mahlon et Kilion». Aussitôt, ils
firent venir Ruth et procédèrent à la cérémonie du mariage et aux bé-
nédictions des mariés. Et bien que Ruth fut d’origine Moavite, Boaz
souhaita procéder à cette union «en grandes pompes», en présence du
Sanhédrin et d’une assistance importante, afin d’entériner la Halakha :
«Un Amoni, et non une Amonite, un Moavi et non une Moavite, ne
pourront entrer dans le Klal Israël».

76
Récits

Joie brisée par la tristesse 

Après la cérémonie du mariage, les Anciens le bénissent ainsi : «Nous


sommes témoins ! Que l’Eternel rende l’épouse qui va entrer dans ta
maison semblable à Rahel et à Léa, qui ont édifié à elles deux la mai-
son d’Israël ! A l’image de Rahel et Léa, issues d’une maison de Avoda
Zara, mais qui ont quitté leur lieu natal et ont eu le mérité d’édifier la
maison d’Israël, de même mériteras-tu de fonder un foyer éternel en
Israël.

Boaz épousa Ruth et « L’Eternel accorda à Ruth le bonheur de devenir


mère». Il s’agissait là d’une aide divine spéciale car Ruth avait vécu dix
ans avec Mahlon sans tomber enceinte, et fut exaucée immédiatement
avec un homme âgé comme Boaz. Et D.ieu accorda «à Ruth», c’est-à-
dire davantage par son mérite à elle qu’à lui, car elle avait fourni bien
plus d’efforts pour parvenir à cet accomplissement.

Cette joie fut cependant de courte durée puisqu’elle s’acheva par la


peine et le deuil : cette même nuit - au cours de laquelle Boaz fit entrer
Ruth dans sa maison- fut la dernière de son existence. Le lendemain
matin, tous se réunissaient pour l’accompagner vers sa dernière de-
meure ... 

Erreur cruciale ?

Les commentateurs expliquent : avec la disparition de Boaz, une gran-


de crainte s’empara des Anciens et du peuple. Peut-être n’avaient-ils
pas respecté la vérité de la Torah, en permettant à Ruth la Moabite de
rejoindre le Klal Israël ? Peut-être la mort de Boaz résultait t-elle de
cette «erreur» ? Peut-être donc que le fils né de cette union serait inapte
à intégrer la communauté d’Israël ? Dès lors, les noms des anciens et
du peuple ne sont plus mentionnés, signifiant ainsi qu’ils n’intervien-
nent plus dans cette question qui concerne Ruth.

Seul en vérité, D.ieu connaissait la vérité. Pour Boaz, ces années


n’avaient pas été prévues dans le total des années de sa vie. Mais
Hachem prolongea la vie de Boaz, afin de lui permettre uniquement
d’épouser Ruth et d’engendrer la future royauté d’Israël. C’est donc
par le seul mérite de Ruth que Boaz bénéficia d’un supplément de vie
et une fois accomplie sa mission, il quitta ce monde.

77
Lois et Récits de Chavouot

Tandis que d’aucuns disaient : «Espérons qu’un enfant ne naîtra pas


de cette union», D.ieu Lui-même attendait justement le moment de
cette même naissance. 

Bénédiction des femmes

Lorsque Ruth mit au monde un garçon, ni les anciens ni le peuple ne


s’en réjouirent. Seules les femmes et les voisines exprimèrent leur joie,
du fait de leur grande compassion. Elles s’occupèrent du nouveau-né,
et vinrent adresser à Naomi des paroles consolatrices et apaisantes, ne
rappelant même pas le fait que Ruth était la mère du bébé mais plutôt
en le rattachant à sa belle-mère : «un fils est né à Naomi !». Et com-
me ces femmes bénirent l’enfant, Hachem plaça dans leurs bouches le
Roua’h HaKodech, faisant de leurs paroles des paroles de Torah, écrites
plus tard dans l’un des livres du Tanah, pour les générations à venir :

«Alors les femmes dirent à Naomi : «Loué soit l’Eternel qui, dès ce
jour, ne te laisse plus manquer d’un défenseur ! Puisse son nom être
illustre en Israël !». Même si ton mari est mort, tu ne manqueras pas
d’un protecteur, car ce fils sera semblable à son père.

«Que son nom soit illustre» : son nom sera constamment sur les lèvres
des gens, qui auront besoin de ses conseils et de son jugement.

«Puisse-t-il devenir le consolateur de ton âme», car le fils rend son


père et sa mère méritants après leur mort, en particulier si ceux-ci lui
ont prodigué une éducation juive et inculqué la crainte de D.ieu, «l’ap-
pui de ta vieillesse», ici même dans ce monde. 

Tous ceux qui les verront sauront qu’ils sont une descendance bénie
de D.ieu

Les femmes le nommèrent «Oved», et lorsqu’il grandit, tous consta-


tèrent effectivement qu’il servait D.ieu (Oved signifiant servir) de tout
son cœur et de toute son âme. Les gens de sa génération en vinrent
alors à penser que finalement, l’union de Boaz et Ruth avait peut-être
été plus «convenable» qu’ils ne l’avaient cru. Cette impression se vé-
rifia d’ailleurs quand ce même Oved engendra Ichaï, qui fit montre
d’une personnalité et de qualités exceptionnelles, ne fautant pas une
seule fois dans sa vie. Il mérita ainsi de faire partie des quatre person-

78
Récits

nages dénués de la moindre transgression durant leur vie entière, et


qui ne durent qu’à la faute originelle du serpent de mourir (car c’est
à partir de la faute d’Adam et ‘Hava, qui mangèrent de l’arbre de la
connaissance, sous l’incitation du serpent, que la mort fut décrétée sur
le monde). Ils reconnurent alors que l’esprit divin s’était manifesté par
le biais des anciens et de Boaz, qui avaient permis à Ruth d’entrer dans
la communauté d’Hachem. 

De Perets jusqu’à David

A la fin de la Méguila, nous est rappelée la lignée généalogique abou-


tissant au roi David, à partir de Perets, fils de Yéhouda, fils de Yaa-
cov Avinou. Le texte tient ainsi à énumérer l’ascendance complète
de David, en le reliant à Perets, dont la naissance, issue de l’union de
Yéhouda et Tamar, fut également peu commune, et réalisée dans des
conditions tout aussi «particulières». Ceci pour nous signifier le fait
que de nombreuses générations plus tôt déjà, Hachem avait entrepris
d’envoyer son Machia’h, sans permettre au Satan de s’y opposer.

«Tels furent les descendants de Perets», nos Sages nous font d’ailleurs
remarquer que le terme de «descendants», «Toldot», est toujours écrit
dans la Torah, avec la lettre Vav, mentionnée une seule fois (Tav, La-
med, Dalet, Vav, Tet ou Tav, Vav, Lamed, Dalet, Tav), excepté à deux oc-
casions : «Elé Toldot Hashamaïm Vé Haarets» («Telles sont les origines
du ciel et de la terre») et ici même : «Tels sont les descendants de Pe-
rets», où le mot Toldot figure avec deux Vav : Tav, Vav, Lamed, Dalet,
Vav, Tet.

Lorsque D.ieu créa le monde, l’ange de la mort n’existait pas, c’est pour
cela que le terme Toldot est «plein» (puisqu’il s’agit d’origines stables et
définitives à ... l’origine). Puis quand Perets vint au monde, da descen-
dance fut «pleine» puisque devant engendrer le Machia’h.

A partir de Perets se propagea la royauté de David (même racine des


mots Perets et parats, se répandre) afin que ne s’interrompe pas cette
lignée, comme il est dit dans les Téhilim (89: 20) : «Jadis tu parlas dans
une vision, à ton pieux serviteur, tu disais : «J’ai apporté mon soutien à
un héros, j’ai élevé un élu issu du peuple. J’ai trouvé David, mon servi-
teur. Avec mon huile sainte, je l’ai consacré, lui à qui ma main servira
de soutien et que mon bras armera de force. Aucun ennemi ne saura

79
Lois et Récits de Chavouot

le circonvenir, ni aucun malfaiteur l’humilier. J’écraserai devant lui


ses agresseurs, et ceux qui le haïssent, je les abattrai. Ma fidélité et ma
bonté seront avec lui, et par mon nom grandira sa puissance. J’établirai
sa domination sur la mer et son empire sur les fleuves. Il me dira : «Tu
es mon père, mon D.ieu et le rocher de mon salut !». En retour, je ferai
de lui mon premier-né, supérieur aux rois de la terre. Eternellement, je
lui conserverai mon amour et mon alliance avec lui demeurera solide.
Je ferai durer pour toujours sa postérité, et son trône aussi longtemps
que les cieux». 

80
Que ce livre contribue
à l’élévation d’âme de :

Moché ben Hannah IBGHY


(décédé le 18 Eloul 769)

Benjamin ben Rettel Rivka


SIMON
(décédé le 10 Tevet 6)

Kate Minie bat Augusta


ARONSON
(décédée le 21 Adar 686)

Michael & Elisa


CARASSO
(morts en déportation, convoi 44 pour Auschwitz
du 9 novembre 1942)

De la part de
Benjamin ARONSON
qui a généreusement contribué
à la parution de ce livre.
Que ce livre contribue
à l’élévation d’âme de

‘Haïm Claude ben Tamo


(décédé le 2 Chvat 79)

De la part de
Gilles COHEN
qui a généreusement contribué
à la parution de ce livre.


Que ce livre contribue à la réussite
du Rav Ouri BANON
et ses institutions « Kol Its’hak »
à Ramot 06 - Jérusalem
qui héberge si généreusement
le Collel « Torah Box »
et ses étudiants francophones.

Que ce livre contribue à l’élévation d’âme de :
Samuel Elbaz ben Zohara
Simon Ohayon ben Esther
Magdalena Aldor
Lola Maria Barber
Julie ‘Hava Taieb bat Dinah

De la part de
Joelle et Daniel PIESTRAK
qui ont généreusement contribué à la parution de ce livre.

Que ce livre contribue à la guérison complète de :


Denise bat Moni
Gerard ben Sultana
Ra’hel bat Messaouda

et à l’élévation d’âme de :
Moni bat Fortunée
Shimon ben Fortunée
Rosalie bat Fortunée
Esther bat ‘Haya-Léah

De la part de Léah LEMAIRE-CHEMLA


qui a généreusement contribué à la parution de ce livre.
Que ce livre contribue
à l’élévation d’âme de notre regretté père,
frère et grand-père :
Jacques Cohen
décédé le  Nissan 96
Isaac Ben Simon Cohen
décédé le 22 Chevat 769

De la part de Stéphane SEBAG


qui a généreusement contribué à la parution de ce livre.

Que ce livre contribue


Que ce livre contribue
à l’élévation d’âme de :
à l’élévation d’âme de :
Michaël Yossef
Aaron Armand ben Kamara ben Myriam Mariette
(décédé le 21 Eloul 76)
(décédé le 0 décembre 2007)

De la part de De la part de
Gilbert Chouraki Myriam & Danielle Ezagury
qui a généreusement contribué qui ont généreusement
à la parution de ce livre. contribué à la parution de ce livre.
Que ce livre contribue

Que ce livre contribue à la réussite matérielle


à l’élévation d’âme de et spirituelle de
Emilie Esther bat Lisette toute la famille ASSOUS
(décédée le  Chvat 7)
De la part de
De la part Raymond ASSOUS
d’Emilie Renassia qui a généreusement
contribué
qui a généreusement contribué
à la parution de ce livre.
à la parution de ce livre.

Que ce livre contribue


à la réussite matérielle Que ce livre contribue
et spirituelle de
Yéhouda & Batcheva à la réussite matérielle
Bensoussan
et spirituelle de
Arié Yeouchoua
Chmouel ben Hanna Annie
ben Batcheva
&
et à l’élévation de l’âme de Sarah Céline bat Elisabeth
Yéhouda & Myriam
Bensoussan HATUEL
Meir & Messodi Benarroch
et de leurs enfants
De la part de Elsa BENSOUSSAN
qui a généreusement contribuée « Dorché Hachem lo Ya’hsérou kol tov »
à la parution de ce livre.
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Mazal Tov

à mon frère Samuel


Que ce livre contribue
et sa femme Déborah.
au bonheur

des nouveaux mariés : Beaucoup de bonheur

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éclaire votre foyer.

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leur petit Beth-Hamikdach.
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qui a généreusement contribué
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Que ce livre contribue
Que ce livre contribue
à la réussite matérielle
à la réussite matérielle
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et spirituelle de de mes chers parents :
Bryan & Loucas ben Rivka
Gérard & Chantal
BENHAMOU
De la part de

Fabrice MEZHRAHID Qu’Hachem leur accorde une longue


qui a généreusement contribué vie et qu’ils aient le mérite de voir
à la parution de ce livre. leurs enfants et petits-enfants dans
le chemin de la Torah et des mitsvot.

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