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SCIENTIA 1*HYS.

MATHÉMATIQUE
Juin 1909. nn 9.

LA CÉLÉRITÉ

DES

ÉBRANLEMENTS DE L’ÉTHER.
L’ÉNERGIE RADIANTE,

PAR

L. kDÉCOMBE,
t
d octeu r es sciences .

D E U X IÈ M E É D IT IO N
entièrement refondue.

Scientia, n° 9.
TABLE DES MATIÈRES

Page*.
P r éface de la deuxieme éd itio n ........................................

I ntroduction (Extraits).................................................. O
Chapitre I. — L’énergie.................................................. 1
Chapitre II. — L’éther..................................................... 2I

Chapitre III. — L’énergie radiante.............................. 4°


Chapitre IV. — La vitesse de la lumière..................... 52
Chapitre V. — La vitesse de l’électricité..................... 68
Chapitre VI. — Le nombre v de Maxwell................. 77
Chapitre VII. — Vitesse de l’onde électromagnétique 83
Chapitre VIII. — Dispersion dans le vide................... 92
Chapitre IX. — L’éther de Maxwell............................. 100
LA CÉLÉRITÉ
DES

ÉBRANLEMENTS DE L’ÉTHER.
L’ÉNERGIE RADIANTE.

PRÉFACE
POUR LA DEUXIÈME ÉDITION.

Cette nouvelle édition renferme quelques compléments


sur lesquels nous désirons attirer l’attention du lecteur.
L’étude de la Célérité des ébranlements de Véther se
rattache directement à celle de la radiation de l’énergie dont
elle constitue, à vrai dire, un chapitre particulier; aussi,
nous avons cru pouvoir consacrer quelques pages de cet
opuscule à VEnergie radiante, et, préliminairement, déve­
lopper, en les coordonnant, les considérations générales sur
l ’Energie déjà contenues dans la première Edition.
D ’un autre côté, nous avons dû exposer les derniers et
importants Travaux effectués sur la question de la célérité
proprement dite, particulièrement ceux de Perrotin pour
la lumière et de Mac Lean pour l’onde électromagnétique.
La question de la Dispersion dans le vide telle qu’elle a
été posée par Tikhoff et sur laquelle nous avons été, croyons-
nous, des premiers à insister, a reçu tout récemment une
impulsion nouvelle des Travaux de Nordmann et de Tikhoff.
Nous n'avons pu nous soustraire à l’obligation d’en exposer
les résultats.
Si nous ajoutons que le Chapitre du nombre v de Maxwell
a été complété par l’introduction des formules fondamentales
relatives aux unités et que l’exposé des expériences classiques
3 3 1 3 8 8
de Fizeau et de Foucault a reçu le développement qu’il com-
pcHait“ par'ic description e l le dessin du dispositif expéri­
mental, nous aurons à peu près tout dit de ce que nous avons
essayé de faire pour perfectionner ce Travail.
L. D.
INTRODUCTION.
( e x t r a it s .)

La recherche des causes premières a eu le don de pas­


sionner les penseurs de tous les temps.
L ’activité déployée par l’esprit humain pour découvrir la
cause cachée et la nature intime des phénomènes est prodi­
gieuse; aussi, la satisfaction qu’il éprouve n’est pas médiocre
en constatant que ses efforts n’ont pas été vains et qu’à force
de temps et de patience, il est enfin parvenu à débrouiller
tout ce que les apparences avaient de complexe ou d'obscur.
Ce résultat est dû en grande partie aux merveilleux progrès
réalisés, surtout depuis un siècle, par la méthode expérimen­
tale.
Pendant longtemps on s’était contenté de la simple obser­
vation des faits et l’on suppléait, ou, du moins, on croyait
suppléer à son insuffisance à l’aide de certaines formules
plus ou moins ingénieuses; mais, en réalité, sous prétexte
d'expliquer la difficulté on se contentait de la déplacer. A
quoi sert, par exemple, de dire que l’électricité est un fluide,
si je ne sais rien de ce fluide ? La difficulté a changé de nom,
voilà tout.
Aujourd’hui que la méthode expérimentale est entre toutes
les mains et qu’il n'est plus possible de se payer de mots,
l ’activité spéculative de la pensée se retrouve sous une autre
forme. On ne parle plus de fluides, mais on fait des hypo­
thèses.
Pressé par le besoin étrange de tout expliquer, sans cesse
inquiet et tourmenté, l’esprit humain n’attend pas que l’expé­
rience — toujours longue et difficile à réaliser — lui ait donné
la clef du mystère. Il va plus vite; il explore le chemin à
parcourir, il y pose des jalons et il court avec ardeur au but.
Quelquefois il se trompe; mais qu’importe ! Son activité est
infatigable. Il revient en arrière et se lance courageusement
dans une autre direction.
Lentement, mais sûrement, l’expérience poursuit son
œuvre. C’est elle qui dirige les spéculations de la pensée,
rectifie ses erreurs et ouvre à son activité des horizons nou­
veaux. Plus elle avance, plus le champ à explorer est vaste,
mais en même temps qu’il s’élargit son unité apparaît plus
admirable.
Les bienfaits de la méthode expérimentale ne sont pas
seulement spéculatifs.
Chemin faisant, elle découvre des applications nouvelles
qui excitent notre admiration. C’est ainsi que nous devons
Vantisepsie aux recherches entreprises à propos de la question
toute philosophique de la génération spontanée et que les pro-
cédés radiographiques sont une conséquence de travaux de
laboratoires purement théoriques.
Le sujet traité dans cet opuscule peut nous fournir une dé­
monstration frappante de cette double marche de la Science.

Nous nous proposons, dans cet Ouvrage, après avoir rappelé


les diverses considérations à la suite desquelles on est arrivé
à la conception de l’éther, d’étudier plus particulièrement la
propagation des ébranlements qui lui sont communiqués par
les vibrations matérielles, et de résumer aussi simplement
que possible les nombreux travaux, dont quelques-uns sont
fort récents, auxquels cette question a donné lieu.
Disons tout de suite que nous n’avons considéré que la
propagation des ébranlements dont est susceptible l’éther
librey le cas de l’éther engagé dans un milieu pondérable
ayant donné lieu à une quantité de travaux si considérable que
leur exposé, même succinct, suffirait à lui seul pour remplir
un Ouvrage double de celui-ci. Un tel volume d’ailleurs mé­
riterait beaucoup plus exactement le titre de Dispersion ;
il y faudrait faire figurer, en particulier, les nombreuses
recherches tant théoriques qu’expérimentales relatives à la
Dispersion anomale.

-»•
CHAPITRE I.
l ' énergie .

Divisibilité. — On admet généralement aujourd’hui que


la matière est discontinue, c’est-à-dire formée de particules
très petites, dont le mode variable d’association donne lieu
à l’infinie variété des substances que nous connaissons. Cette
hypothèse a pour point de départ le fait expérimental de la
Divisibilité de la matière.
L’expérience journalière d’abord, les expériences plus déli­
cates de laboratoire ensuite ont donné en fait à la notion de
Divisibilité une importance et une ampleur qu’on pouvait
bien, dans une certaine mesure, soupçonner, mais qui ne
présentent en elles-mêmes aucun caractère d’évidence.
Ces expériences ont particulièrement fait connaître la
structure générale qu’il faut attribuer à un assemblage donné
de particules pour constituer un édifice stable possédant les
propriétés générales de la matière. En d’autres termes, la
construction fictive d’une substance, à partir de ses ultimes
éléments, est soumise à des règles déterminées dont on doit
retrouver la trace lorsque, à l’inverse, on subdivise (fictive­
ment aussi) cette substance pour la résoudre en ses parti­
cules élémentaires. Cette subdivision fictive est actuellement
considérée comme donnant lieu à trois stades bien déter­
minés, qui sont les suivants.

Édifice moléculaire. — Une première série de subdivi­


sions résout la substance en fragments très petits qui seraient
d’ailleurs invisibles même avec le secours des plus puissants
microscopes. Chacun de ces fragments constitue isolément
un petit édifice très stable appelé molécule qui possède tous
les caractères spécifiques de la substance primitive. La nature
de cette substance se retrouve donc en quelque sorte inal­
térée dans la molécule : d’où il suit qu’il y a lieu de con­
sidérer autant d’espèces de molécules différentes que de
substances distinctes. La stabilité de l’édifice moléculaire
permet d’ailleurs de supposer qu’une molécule quelconque
pourrai^ exister à l’état libre, c’est-à-dire indépendamment
de toutes celles auxquelles elle est généralement associée.
On prend quelquefois cette propriété pour définition de la mo­
lécule. On dit alors : La molécule est la plus petite quan­
tité de chaque substance qui puisse exister à l'état libre.

Édifice atomique. — Une molécule quelconque doit à son


tour être considérée comme subdivisible en éléments plus
petits qu’on appelle atomes. La définition précise de l’atome
est un peu plus incertaine que celle de la molécule. Comme
nous le verrons tout à l’heure, en effet, les atomes doivent
être eux-mêmes assimilés à de petits édifices constitués par
l’assemblage de particules beaucoup plus petites encore. Mais
tandis que la stabilité de l’édifice moléculaire lui permettait
de subsister isolément, celle de l’édifice atomique est généra­
lement insuffisante pour lui assurer cette propriété.
Lorsqu’en effet, on met en présence, dans certaines con­
ditions, plusieurs molécules d’espèces différentes, elles se
scindent généralement d’une manière plus ou moins com­
plète mais toujours provisoire en leurs atomes respectifs.
Ces derniers, ainsi libérés pour un instant très court, ne
restent pas libres ; sans retard ils donnent lieu à de nouveaux
groupements stables (à de nouvelles molécules) qui peuvent
être considérés comme résultant de l’échange réciproque
d’atomes entre les molécules primitives. Mais dans ces
échanges, qui constituent le domaine propre de la Chimie,
l’édifice atomique ne se trouve jamais détruit ou même sim­
plement fragmenté. Cette circonstance qui, pendant long­
temps, l’avait fait considérer comme insécable, met en évi­
dence dans l’atome une stabilité d’une nature particulière
qui pourrait lui servir de définition précise si l’on savait en
quoi elle consiste intrinsèquement. Tout ce que l’on peut
dire, répétons-le, c’est que, dans un nombre immense de
phénomènes, qui sont ceux de la Chimie, la stabilité de
l’édifice atomique, trop faible pour lui permettre de subsister
isolément, est cependant suffisante pour lui assurer une sorte
de permanence qui le fait retrouver intact dans les diverses
substances, malgré la multiplicité et la complication de ses
migrations intramoleculares. On prendra cette propriété
pour définition de l’atome et l’on dira que c'est la plus petite
quantité de substance qui puisse intervenir dans les actions
chimiques.
Nous avons admis l’existence d’un nombre immense d’es-
pèces de molécules (autant d’espèces différentes que de
substances distinctes); il n’en est pas ainsi pour l’atome;
nous sommes obligés d’admettre que l’infinie variété molé­
culaire résulte de l’assemblage d’ un nombre très restreint
d’atomes différents, toujours les mêmes. C’est donc la va­
riété d’assemblage des atomes et non la diversité de leur
nature qui donne lieu à l’extrême multiplicité des substances
connues. Dans l’état actuel de la Science, on compte environ
80 espèces d’atomes différents.

Corpuscules. — L’atome ne représente pas l’iiltime parti­


cule de matière. Les recherches modernes ont confirmé le
fait que, dans certaines circonstances, les atomes peuvent
eux-mêmes se résoudre en une multitude de particules infi­
nitésimales qu’on appelle corpuscules. Or, ces corpuscules
possèdent tous la même masse, de quelque substance qulls
proviennent et de quelque manière qu’on les ait produits;
cette masse est environ la partie de celle d’un atome
d’hydrogène ( 1).
Ces corpuscules apparaissent dans l’état actuel de la
Science, comme la véritable particule insécable de matière
soupçonnée par les Anciens. C’est, en tous cas, la plus petite
qu’on ait jusqu’ici rencontrée. Les expériences qui confir­
ment son existence donnent, on le voit, un fondement concret
à l’hypothèse jusqu’ici gratuite, de l’unité de la matière.

Classification des phénomènes physiques. — Les phéno­


mènes variés qui font l’objet des Sciences physiques peuvent
se rattacher, actuellement, à deux groupes fondamentaux.
Ceux du premier groupe ont pour support, pour sub­
s t r a t u m la matière elle-même, sous l’une quelconque des
formes que nous sommes habitués à lui reconnaître. Tels sont
les phénomènes de compressibilité, d’élasticité, d’acoustique,
de capillarité, etc.
Si Ton assimile les molécules à de petits solides invariables,
et si l’on imagine que ces molécules soient soumises dans
chaque substance à des forces intérieures ou extérieures con­
venables, on arrive à expliquer ou à prévoir la plupart des
phénomènes du premier groupe (2). Ils sont, en effet, régis

( 1) Les nombreuses déterminations de cette quantité sont approxi­


mativement comprises entre la 5-^ et la partie de l’atome d'hydro­
gène.
( 2) C’est ainsi que la considération des forces de cohésion permet
d'établir la théorie des phénomènes capillaires.
par les lois ordinaires de la Mécanique et satisfont, en parti­
culier, au principe du Travail qui s’énonce ainsi :

« La variation d'énergie d'un système matériel quel­


conque est égale à la somme des travaux de toutes les
forces extérieures appliquées au système pendant le même
temps. »

Nous rappellerons qu’on obtient l’énergie d’un système


matériel en ajoutant à sa demi-force vive son
énergie potentielle, cette dernière étant définie comme une
fonction dont la variation changée de signe représente le
travail des forces intérieures : sa nature est donc celle d’un
travail.
Ce premier groupe constitue le Chapitre bien connu de la
Physique moléculaire.
Mais tous les phénomènes ne se plient pas à cette classifi­
cation; il en existe un nombre immense qu’il est impossible
de ranger à côté des précédents. Il en est ainsi pour les réac­
tions de la chimie, pour la chaleur, la lumière, l’électricité,
le magnétisme. Les phénomènes de cette catégorie ne trou­
vent pas leur explication complète dans la seule considération
de la matière ordinaire. De plus, ils ne satisfont pas, du moins
à première vue, au principe du Travail.

Anciens fluides. — Pour expliquer cette deuxième caté­


gorie de phénomènes on avait imaginé, au début de la Science,
des agents spéciaux qui, sous le nom de fluides, ont tenu lieu
pendant longtemps d’explications rationnelles.
Il y avait le fluide calorifique, qu’on appelait calorique et
par lequel on expliquait les phénomènes de la chaleur; il y
avait aussi le fluide lumineux, le fluide électrique, le fluide
magnétique. En Chimie, le phlogistique jouait un rôle essen­
tiel dans le mécanisme des combustions.
A mesure que la Science s’est développée on a été con­
duit à abandonner l’un après l’autre tous ces fluides plus ou
moins mystérieux. Le lien qui rattache ces phénomènes,
pourtant si dissemblables en apparence, s’est peu à peu révélé
et, sous le nom d'Energie, a pris une forme consistante et
durable.
Ce serait une erreur de croire qu’il est besoin de connais­
sances très étendues et de démonstrations compliquées pour
établir la valeur de cette conclusion. Elle se dégage avec
une remarquable netteté d’un certain nombre de faits dont
quelques-uns sont connus depuis fort longtemps.

Transformations réciproques, — Tout d’abord, les phé­


nomènes dont il s’agit ne sont pas indépendants les uns des
autres. Bien au contraire, leur dépendance est très étroite
et se manifeste aisément.
En premier lieu, on le sait, toutes les actions chimiques
sont accompagnées d’un phénomène calorifique; suivant qu’il
y a dégagement ou absorption de chaleur, la réaction est dite
exothermique ou endothermique; en même temps il y a
toujours production d’électricité, quelquefois même de lu­
mière. Réciproquement la chaleur, la lumière et l’électricité
peuvent déterminer des actions chimiques. Ce sont là des
faits bien connus sur lesquels il est inutile d’insister.
Nous connaissons d’autre part le moyen de transformer
rélectricité en chaleur et en lumière : les fourneaux et les fers
à repasser électriques, les lampes à arc ou à incandescence
en témoignent surabondamment. A l’inverse, dans les phé­
nomènes thermo-électriques et actino-électriques, la chaleur
et la lumière donnent lieu à un dégagement d’électricité; il
existe des piles qu’il suffit de chauffer pour leur faire pro­
duire du courant et la lumière ultra-violette électrise, faible­
ment il est vrai, mais d’une manière certaine, les corps mé­
talliques qu’elle rencontre.
Les transformations réciproques de la chaleur et de la
lumière sont également bien connues.
A partir d’une certaine température tout corps chauffé
devient incandescent ou s’enflamme. Bien avant même cette
température, le diamant, le spath fluor et nombre d’autres
substances deviennent luminescentes. La transformation
inverse de la lumière en chaleur accompagne d’une manière
constante les phénomènes d’absorption lumineuse. Quant
au magnétisme, ses relations bien connues avec l’électricité
peuvent dispenser de le considérer séparément. C ’est pourquoi
nous ferons abstraction des phénomènes magnétiques dans
l’exposé qui va suivre.

Équivalence des agents physiques. — Si nous examinons


ces transformations au point de vue quantitatif, en les évaluant
au moyen de grandeurs convenables, nous ne tarderons pas à
reconnaître qu’elles satisfont à d’importantes relations de pro­
portionnalité. Par exemple :
i° La quantité de chaleur dégagée dans une réaction chi-
inique est proportionnelle à la quantité de substance formée
ou détruite. Plus simplement, si l’on convient de donner au
mot travail le sens, très clair d’ailleurs, qui résulte de l’énoncé
lui-même, mais qui, pour L’instant du moins, n’a aucun rap­
port avec le Travail tel qu’on le définit en Mécanique :

Dans toute réaction chimique, le travail calorifique est


proportionnel au travail chimique.

2° D’une manière semblable la quantité de chaleur dégagée


dans un circuit parcouru par un courant électrique (sous
une différence de potentiel donnée) est proportionnelle à la
quantité d’électricité qui a traversé le circuit.
Autrement dit, dans un tel circuit : le travail calorifique
est proportionnel au travail électrique (*).
3 ° Le poids de substance décomposé par le courant élec­
trique est proportionnel à la quantité d’électricité qui a
traversé cette substance, c’est-à-dire que dans l’électrolyse
le travail chimique est proportionnel au travail élec­
trique.
Il y a donc, dans les divers cas que nous venons d’examiner,
une équivalence remarquable entre le travail chimique, le
travail calorifique et le travail électrique. Cette équiva­
lence subsiste d’ailleurs dans les cas plus compliqués où
plusieurs de ces travaux interviennent à la fois, pourvu
cependant qu’il n’y ait en même temps ni apparition de force
vive ni production de travail mécanique proprement dit.
Ce premier résultat met bien en évidence dans les phéno­
mènes dont nous nous occupons, l’existence d’un lien étroit
et témoigne par conséquent du caractère artificiel des fluides
distincts par lesquels on les expliquait autrefois. Notre ré­
sultat toutefois est incomplet puisque, dans aucun des énoncés
précédents, ne figure une quantité de lumière. Cela tient
en partie aux difficultés que présente la mesure d’une telle
quantité. Les méthodes photométriques sont loin de présenter
une précision comparable à celle de la balance qui permet
d'évaluer le travail chimique avec une précision vraiment
extraordinaire ou même simplement à celle des mesures

(*) Cette proposition est également vérifiée dans le cas plus général
où la dilïérence de potentiel n’est pas constante, à la condition de
donner à l’expression : travail électrique, une signification plus
étendue correspondant au produit de la quantité d’électricité ayant
traversé le circuit par la différence de potentiel aux extrémités de ce
circuit.
calorimétriques ou électriques. Cela tient aussi à ce que les
conditions de transformation de la lumière ne présentent pas
toujours un caractère suffisant de simplicité ou de netteté.
Mais si, pour des raisons d’ordre accidentel, l’élément quanti­
tatif nous fait ici défaut, l’élément qualitatif, tel qu’il résulte
des faits précédemment exposés, n’en subsiste pas moins.
Il est donc légitime d’admettre qu’il existe une équivalence
réelle entre les diverses actions dont nous faisons en ce mo­
ment l’étude. Les considérations suivantes vont nous éclairer
sur la signification qu’il convient de lui attribuer.

Énergie physique. — Et d’abord comment s’exprime cette


équivalence dans le cas général où le phénomène étudié
comporte l’intervention d’un nombre quelconque de travaux
d’espèces différentes?
Si nous supposons ces travaux respectivement évalués en
unités d’abord arbitraires, nous nous trouvons en présence
de grandeurs entre lesquelles la notion d’équivalence intro­
duit une certaine relation qu’il convient de traduire sous
une forme aussi simple que possible. Sans entrer à ce sujet
dans plus de détails que n’en comporte le cadre restreint de
cet exposé, nous nous contenterons de faire observer (et on
le reconnaîtra aisément dans chaque cas) que les travaux
dont il s’agit interviennent toujours soit entre deux corps
(ou deux systèmes de corps) Sj et S2 en relation réciproque,
soit entre deux régions St et S* d’un même corps et, qu’en
outre, certains d’entre eux peuvent être considérés comme
affectant St (et les autres comme affectant S2) à la manière
d’un gain, positif ou négatif.
Si l’on convient de comprendre dans S2 tous les corps, sys­
tèmes ou régions en relation avec S, et dans Sj tous les corps,
systèmes ou régions en relation avec S2, si l’on suppose de
plus qu’il n’y ait ni production de travail mécanique, ni appa­
rition de force vive, la relation de dépendance entre les tra­
vaux se traduit dans tous les cas (et moyennant un choix
convenable d’unités) par la relation
= — T2,
T! désignant la somme algébrique des travaux qni affectent
Sj et T 2 la somme algébrique de ceux qui affectent S2.
Cette relation signifie que, quelle que soit la complexité de
la transformation, le gain (T ,) de Sj est égal à la perte
( — T 2) subie par S2.
Nous pouvons exprimer ce fait en disant que l'énergie du
système St s’est accrue d’une quantité précisément égale à
celle dont s’est amoindrie Xénergie du système S2.
Ceci revient à définir l’énergie E d’un système comme une
grandeur dont l’accroissement soit égal au gain (du système)
représenté par la somme algébrique des travaux effectués sur
ce système.
Si donc on désigne par AE, et AE2les accroissements simul­
tanés d’énergie des deux systèmes pendant la transformation
considérée, on aura, par définition même de l’énergie,
AEj = T t ; AE2= T2.
Il faut remarquer que l’énergie ainsi définie se présente
comme entièrement distincte de l’énergie mécanique, avec
laquelle nous devons la considérer, du moins actuellement,
comme n’ayant rien de commun, que le nom. Aussi, pour
éviter toute confusion, et la distinguer de l’énergie mécanique
proprement dite, nous rappellerons énergie physique.
Nous sommes donc conduits à l’énoncé suivant :

Dans toute transformation ou n intervient aucun phéno­


mène purement mécanique, la variation totale de l ’énergie
physique est égale à la somme des travaux physiques et
chimiques accomplis sur le système pendant le même temps.

L’analogie de cet énoncé avec le principe du travail est


frappante.
Que faudrait-il pour que cette analogie, jusqu’ici purement
nominale, pût être considérée comme réelle? Il faudrait évi­
demment que les phénomènes physiques et chimiques fussent
capables de dériver des phénomènes mécaniques et récipro­
quement. Il faudrait aussi que dans toute transformation où
ces deux catégories de phénomènes interviennent à la fois, la
variation totale de l’énergie, sans distinction d'espèce, fût
toujours égale à la totalité des travaux physiques, chimiques
ou mécaniques effectués pendant le même temps.
Or, c’est précisément ce qui a lieu, comme on va le voir.

Nature mécanique des actions chimiques. — En énonçant


la loi fondamentale de la conservation des poids (nous dirions
aujourd’hui de la conservation des masses), loi qui matéria­
lisait en quelque sorte le domaine de la Chimie, Lavoisier
donnait le coup de grâce au phlogistique. La conception des
atomes a précisé le caractère des actions chimiques.
Si l’on fait abstraction, en effet, des phénomènes physiques
qui les accompagnent toujours, ces actions se réduisent en
somme à des échanges réciproques d’atomes.
Or, ces échanges peuvent évidemment être considérés
comme provoqués par des forces, c’est-à-dire par des actions
mécaniques qui s’exerceraient entre les atomes considérés.
Le rôle déterminant de la pression, du choc, du frotte­
ment, etc., dans certaines actions chimiques, la puissance
des explosifs, ne possèdent-ils pas un caractère mécanique?
Sans doute le détail des actions mécaniques nécessaires
pour opérer la dislocation ou la reconstitution des molécules
nous échappera pendant longtemps encore. Mais la connais­
sance de ce détail est superflue. Nous montrerons en effet un
peu plus loin (voir p. 17) que la variation d’énergie chi­
mique peut toujours être considérée connue équivalant à un
certain Travail mécanique. Cette circonstance qui constitue
une justification quantitative indirecte de l’assimilation ici
proposée, nous permettra de limiter notre examen aux rela­
tions pouvant exister entre l’énergie physique proprement dite
et l’énergie mécanique, étant d’ailleurs entendu que celle-ci
peut se présenter sous la forme particulière de l’énergie chi­
mique.

Origine mécanique de l’énergie physique. — On sait de


toute antiquité qu’en frottant l’un contre l’autre deux mor­
ceaux de bois convenables on finit par obtenir une flamme
douée de chaleur et de lumière.
D’autre part, on sait depuis très longtemps aussi (*) que
le frottement de l’ambre donne à cette substance la curieuse
propriété d’attirer les corps légers. On a reconnu par la suite
qu’un grand nombre d’autres substances sont capables de
reproduire le même phénomène et qu’on peut le réaliser,
moyennant certaines précautions, avec une substance quel­
conque.
Ainsi le frottement peut engendrer de la chaleur, de la
lumière et de l’électricité.
Il en est de même de la compression. Qu’elle s’exerce sur
les solides, les liquides ou les gaz, elle est toujours accom­
pagnée d’un dégagement de chaleur et d’électricité. Les pièces
de monnaies frappées au balancier sont brûlantes et la cha­
leur dégagée par la brusque compression de l’air est suffi­
sante pour enflammer un morceau d’amadou (briquet à air).

( !) Thalès de Milet, 600 ans avant Jésus-Christ, signalait déjit les


curieuses propriétés de l’ambre frotté.
Æpinus a montré qu’il suffît de presser légèrement deux
corps l’un contre l’autre pour qu’ils se chargent d’électricités
contraires. Haüy a obtenu des phénomènes électriques en
pressant une lame de spath d’Islande entre ses doigts; la
plupart des cristaux naturels jouissent de la même propriété.
D’une manière générale, toutes les actions mécaniques :
frottement, choc, pression, clivage, flexion, déformation,
vibration, etc., sont accompagnées de chaleur et d’élec­
tricité. Toutes les fois que la quantité de chaleur dégagée
est suffisante, il y a, en outre, production de lumière, sous
forme d’incandescence. C’est ainsi qu’on peut arriver à
rougir une barre de fer en la martelant avec énergie. Du
reste, un grand nombre de substances peuvent devenir lumi­
neuses à la température ordinaire par des efforts méca­
niques : le sucre luit dans l’obscurité quand on le concasse,
le clivage rend le mica lumineux, etc.
Nous trouvons ainsi, dans les actions à proprement parler
mécaniques, une première source de chaleur, de lumière et
d’électricité. Nous en trouvons une deuxième dans les actions
chimiques qui toutes, répétons-le, sont accompagnées d’un
dégagement de chaleur et d’électricité, quelquefois de lu­
mière. Si nous nous rappelons que les actions chimiques
peuvent être regardées comme résultant d’actions méca­
niques s’exerçant entre les atomes, nous aurons établi sous
sa forme la plus générale l’origine mécanique des agents
physiques.
Ceux-ci peuvent, à l’inverse, engendrer du travail méca­
nique. L’industrie emploie des moteurs thermiques et élec­
triques de toutes puissances et, dans la photographie, par
exemple, la lumière réalise le travail préliminaire nécessaire
à certaines actions chimiques. On a pu d’ailleurs mettre
directement en évidence la pression que la lumière exerce
sur les corps frappés par elle. Cette pression est extrêmement
faible, il est vrai, mais les remarquables expériences de
Lebedew ont néanmoins manifesté avec certitude son exis­
tence.

Équivalence mécanique de la chaleur. — Parmi toutes


ces transformations il en est. une, celle du travail mécanique
en chaleur, qui a donné lieu à de très nombreuses détermi­
nations numériques.
Nous faisons ici allusion aux expériences de Joule, de Hirn
et de leurs successeurs. Toutes ces expériences ont établi le
fait capital suivant. m
Toutes les fois que V énergie mécanique proprement dite
se transforme en chaleur il y a équivalence entre Vénergie
dépensée et la quantité de chaleur dégagée, à la condition,
bien entendu, que tout le phénomène se réduise à une dépense
d’énergie mécanique d’une part et à une production de cha­
leur d’autre part. Autrement dit, dans ces conditions, il faut
toujours effectuer un travail de 425k6m pour obtenir une
quantité de chaleur égale à une grande calorie (c’est-à-dire
capable d’élever de i° la température de i ke d’eau). Récipro­
quement, pour réaliser calorifiquement un travail de 425
ksm,
il faut dépenser une grande calorie.
C ’est là le principe de l’équivalence mécanique de la cha­
leur ou principe de Mayer ( 1).
L ’équivalence mutuelle des diverses formes de l’énergie
physique étant admise d’autre part, leur équivalence méca­
nique se trouve ainsi établie d’un seul coup et en même
temps le principe du Travail sous sa forme la plus générale :
« La variation totale d ’énergie physique ou mécanique
» d ’ un système matériel quelconque est égale à la somme
» de tous les travaux physiques ou mécaniques accomplis
» sur le système pendant le même temps ( 2). »
En particulier, si ces travaux sont nuis, c’est-à-dire si le
système est complètement isolé, son énergie totale demeure
constante.
Cette dernière proposition constitue sous sa forme géné­
rale le principe de la conservation de l’énergie.

Nature mécanique de l'énergie physique. — La notion


d’énergie nous a donc permis de réduire à l’unité de nombreux
et très dissemblables phénomènes. Mais cela ne doit pas nous
suffire. Nous devons nous demander si l’unité ainsi réalisée
est artificielle ou, au contraire, dans la nature même des
choses. En d’autres termes, cette notion d’énergie sous laquelle(*)

(*) La variation d’énergie chimique étant proportionnelle à la quan­


tité de chaleur dégagée dans la réaction, se trouve par là même équi­
valente à un Travail mécanique; cette équivalence numérique constitue
la justification quantitative précédemment annoncée (p. i5).
( 2 ) Nous voyons ainsi que les phénomènes du second groupe ( voir
p. 9 ) satisfont eux aussi au principe du Travail moyennant une géné­
ralisation convenable des notions de Travail et d’Energie. Les considé­
rations contenues dans les paragraphes suivants tendent à montrer que
ces notions généralisées se confondent, en réalité, avec les notions
mécaniques ordinaires correspondantes.
Scientia,
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viennent si remarquablement se grouper les phénomènes les
plus disparates n’est-elle qu’une simple étiquette, un moyen
commode de classification, ou bien, au contraire, correspond-
elle à une réalité profonde qu’il faudrait alors essayer de
dégager?
L’énergie mécanique peut donner lieu aux diverses formes
connues d’énergie physique : celles-ci peuvent se transformer
les unes dans les autres et, à l’inverse, régénérer l’énergie
mécanique qui leur a donné naissance. Ne faut-il voir dans
ces faits que ces faits eux-mêmes, sans rien de plus? Ce serait
renoncer à expliquer le fait le plus général, le plus considé­
rable, le plus remarquable de tous, celui des transformations
réciproques des diverses formes de l’énergie et de leur équi­
valence numérique. Ces transformations, cette équivalence,
n’ont en soi rien de nécessaire et nous ne les aurions sans
doute jamais soupçonnées si l’expérience ne nous les avait
révélées.
De ces diverses formes d’énergie, ainsi capables de dériver
les unes des autres, celle qui nous est le mieux connue est
sans contredit l’énergie mécanique. Nous avons vu qu’elle se
compose, en général, de deux parties : la demi-force vive et
l’énergie potentielle.
L’interprétation la plus simple des transformations et de
l’équivalence mécanique de l’énergie physique consistera à
imaginer que cette énergie se compose, elle aussi, et cela
quelles que puissent être les apparences extérieures, d’une
partie force vive, et d’une partie énergie potentielle qui
ne différeraient en rien ni l’une ni l’autre de la force vive
et de l’énergie potentielle mécaniques. A première vue, une
telle induction peut paraître d’une hardiesse excessive. Il
n’en est rien cependant. Pour la justifier, il suffit que les
particules de chaque substance puissent être considérées
comme possédant des vitesses (individuellement indiscer­
nables comme les particules elles-mêmes) mais néanmoins
suffisantes pour donner lieu à une force vive totale appré­
ciable, et qu’on puisse, en outre, imaginer entre ces parti­
cules des forces intérieures capables de donner lieu à l’énergie
potentielle telle qu’on la définit en Mécanique.
Nous avons déjà été conduits, à propos des phénomènes
du premier groupe (p. 9) à la considération de forces cachées
s’exerçant entre les molécules de la substance. Rien ne s’op­
5
pose non plus (p. i ) à admettre l’existence de telles forces
entre atomes, et il n’y a pas plus de difficulté à considérer
les corpuscules comme soumis eux-mêmes à des forces sous
l’action desquelles ils pourraient se déplacer dans l’atome.
La difficulté de notre hypothèse ne réside donc pas dans
l ’énergie potentielle, mais bien plutôt dans la force vive.
Comment concevoir, en effet, des mouvements internes assez
rapides pour donner lieu à une force vive finie dont l’ordre
de grandeur soit comparable aux travaux effectués dans les
diverses transformations physiques?
Même si l’on admet la possibilité de ces mouvements, leur
hypothèse ne semble-t-elle pas vraiment trop gratuite?
La réponse à cette question est contenue dans les lignes
suivantes.

Théorie cinétique des gaz. — En 1738, Daniel Bernoulli


faisait l’hypothèse, très hardie pour l’époque, que les diverses
molécules d’un gaz se meuvent en ligne droite et dans tous
les sens avec des vitesses considérables. La force élastique
du gaz résulterait du choc de ses molécules contre les parois
du récipient. En se plaçant à ce point de vue et admettant,
en outre, que la force vive qui résulte des vitesses précé­
dentes soit proportionnelle à la température du gaz, il n’est
pas difficile de retrouver l’équation des gaz parfaits ( 1). Si l’on
tient compte de diverses circonstances négligées en première
approximation, en particulier des chocs qui peuvent inter­
venir entre les molécules et modifier la direction de leur
mouvement, on obtient des formules plus complètes repré­
sentant la compressibilité et la dilatation des gaz réels. C ’est
ainsi que Yan der Waals a pu établir la formule célèbre qui
porte son nom et qui représente très bien dans leur ensemble
les résultats expérimentaux relatifs, non seulement à la com­
pressibilité et à la dilatation, mais aussi au point critique. Or,
l ’expérience a montré que la formule de Van der Waals est
applicable à l’état fluide tout entier (gazeux et liquide).
D ’où il suit que l’hypothèse de la translation des molécules
peut être raisonnablement étendue aux liquides, avec cette
différence que le plus grand rapprochement des molécules y
détermine des collisions plus fréquentes.
Ainsi, l’hypothèse d’une force vive interne dans les fluides
cadre très bien avec l’ensemble de leurs propriétés et, dans
cette hypothèse, la température est représentée, à un coeffi­
cient de proportionnalité près, par la force vive de translation
des molécules.
Mais la notion de température n’est pas applicable aux

( 1) Voir D écomre , Compressibilité des gaz réels. Collection Scientia.


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seuls fluides. Nous savons définir expérimentalement la tem­
pérature d’un solide tout aussi bien que celle d’un fluide, et
cette circonstance nous amène à penser qu’il doit exister
également dans les solides une force vive cachée, probable­
ment proportionnelle aussi à la température, avec cette diffé­
rence toutefois que, dans les solides, le mouvement des molé­
cules ne se conçoit bien que sous forme de déplacements
alternatifs de part et d’autre d’une position moyenne très
stable, c’est-à-dire de vibrations.
Une fois admise, pour tous les corps, la possibilité d’une
force vive moléculaire de translation ou de vibration, rien
n’empêche d’aller plus loin et de concevoir que, dans chaque
molécule, les atomes ou même les corpuscules dont sont
formés les atomes, soient animés aussi de déplacements très
rapides qu’on devra, pour sauvegarder la stabilité de la
molécule, supposer avoir lieu de part et d’autre d’une posi­
tion moyenne relativement stable.
Ainsi, translation ou vibration de la molécule (*), vibra­
tions internes des particules qui la composent, tels sont les
éléments qui nous paraissent pouvoir représenter (concu-
ramment avec l’énergie potentielle résultant de forces cachées
qui se peuvent concevoir et admettre sans difficulté) la force
vive dont nous avons besoin pour donner de l’énergie phy­
sique une interprétation mécanique.
La fécondité de la théorie cinétique nous confirme la
valeur de cette interprétation en ce qui concerne, du moins,
la translation des molécules.
La théorie des ondulations (voir p. 24
) non moins fé­
conde dans son domaine propre, nous permet d’étendre cette
conclusion aux mouvements vibratoires des molécules ou
de leurs parties constituantes : ces mouvements sont, en
effet, nécessaires pour expliquer la formation des ondes sur
lesquelles toute cette théorie est fondée.
La nature mécanique de l’Energie physique paraît donc
s’imposer comme l’interprétation la plus simple d’un nombre
immense de faits se rattachant aux domaines les plus variés
de la Physique.

( ’) Ou même, dans certains cas, rotation de la molécule.


CHAPITRE II.
l’éther .

Propagation. — La chaleur, la lumière, l’électricité se


propagent. C’est un fait d’expérience.
Un premier mode de propagation bien connu est celui
qu’on appelle conductibilité. L’extrémité d’une tige métal­
lique étant fortement chauffée, la chaleur se propage peu à
peu jusqu’à l’autre extrémité. Si la température de l’extré­
mité chauffée est très élevée, l’incandescence se déclare et
gagne de proche en proche. L’électricité se propage aussi,
quoique avec une bien plus grande vitesse, par conductibi­
lité, et l’on sait que les substances qui conduisent le mieux
la chaleur sont aussi, en général, celles qui conduisent le
mieux l’électricité.
Mais la chaleur et la lumière se propagent également dans
le vide et dans le vide le plus parfait que nous connais­
sions, celui des espaces célestes. Le Soleil et les étoiles' nous
envoient, en effet, des radiations calorifiques en même temps
que des radiations lumineuses.
Cette propagation dans le vide a reçu le nom de rayonne­
ment.
Assurément il n’est pas possible d’affirmer que les espaces
célestes soient absolument vides, au sens intégral du mot, et
nous allons précisément conclure à l’inverse, mais il ne faut
pas oublier que le milieu interplanétaire, s’il existe, est
tellement subtil qu’on n’a pas encore pu constater son
influence perturbatrice sur le mouvement des planètes ani­
mées cependant de vitesses considérables.

Actions à distance. — Supposons qu’un corps électrisé A,


chargé d’une masse positive m par exemple, agisse par
influence sur un corps B primitivement à l’état neutre. Ce
dernier s’électrise, mais le corps inducteur A conserve sa
charge primitive m \ le phénomène n’est donc pas assimilable
à un transport d’électricité de A sur B. Une remarque sem-
blable s’impose pour les phénomènes d’induction en Électro­
dynamique.
On sait d’ailleurs que l’action attractive ou répulsive de
l’électricité, son action d’influence ou d’induction s’exercent
à travers le vide. Il en est de même des actions attractives
ou répulsives du magnétisme et des actions d’influence ou
d’induction magnétique. Dans un cas comme dans l’autre, il
n’y a pas transport d’électricité ou de magnétisme mais sim­
plement action à distance. Ce que nous venons de dire des
actions électriques et magnétiques pourrait se répéter de
l’action newtonienne qui doit être considérée comme s’exer­
çant d’un astre à l’autre à travers le vide des espaces inter­
planétaires.

Nécessité de l’éther. — Si la chaleur et la lumière sont


des fluides, c’est-à-dire des substances d’une nature particu­
lière, il n’y a pas de difficulté à concevoir leur propagation
dans le vide ; si elles sont des formes particulières de l’énergie
mécanique, c’est-à-dire de la force vive ou de l’énergie poten­
tielle, nous ne concevons en aucune manière la possibilité du
rayonnement dans le vide absolu. Peut-iJ y avoir, en effet,
transport d’énergie mécanique d’une région à l’autre, s’il
n’existe pas entre elles certaines liaisons déterminées? Ces
liaisons elles-mêmes n’exigent-elles pas pour s’établir la pré­
sence d’un milieu convenable?
Il y a plus. La propagation par rayonnement, quoique très
rapide, n’est pas instantanée, comme on le verra plus loin.
Après avoir quitté le Soleil par exemple, la chaleur et la
lumière doivent être localisées quelque part dans l’espace
qui nous sépare de cet astre. Mais comment localiser en une
région entièrement vide de la force vive ou de l’énergie poten­
tielle?
Pour pouvoir considérer la chaleur et la lumière comme des
formes de l’énergie mécanique, il faut donc admettre que les
espaces planétaires et, plus généralement toutes les régions
considérées habituellement comme vides, sont remplies par
un milieu particulier, extrêmement subtil, bien entendu,
mais cependant capable de transmettre de la force vive ou
de l’énergie potentielle.
La considération de ce milieu s’impose d’ailleurs également
pour expliquer les actions à distances (électriques, magné­
tiques ou newtoniennes). Comment admettre qu’un corps
puisse agir directement, sans intermédiaire, sur un autre
corps éloigné de lui? Notre esprit se refuse à concevoir un
tel mode d’action. Au contraire, les actions qu'un corps
exerce par contact sur les corps voisins nous apparaissent
comme naturelles; en tous cas, elles sont faciles à imaginer
et à comprendre. Si nous concevons le vide des espaces
célestes comme rempli d’une substance capable de trans­
mettre par contact, de proche en proche, les actions qui
s’exercent sur lui en un point déterminé, nous aurons ramené
les actions apparentes à distance aux actions réelles de con­
tact et introduit dans là Science un nouvel élément de clarté.
Ce milieu particulier que l’on imagine répandu partout
dans l’espace vide a reçu le nom à'éther.

Propagation par transparence. — La chaleur et la lumière


se propagent enfin par transparence. C’est ainsi que certaines
substances comme le verre, laissent passer les rayons lumi­
neux; d’autres, comme le sel gemme, sont traversées par la
chaleur sans absorption sensible.
Ce mode de propagation est absolument distinct de la con­
ductibilité. Dans celle-ci, la substance conductrice est un élé­
ment actif de la propagation; dans la transparence, au con­
traire, le rôle de la substance est passif : elle se laisse traverser
(plus ou moins complètement suivant les cas) par les radia­
tions qu’elle reçoit : voilà tout.
Nous sommes donc conduits à admettre que l’éther rem­
plit aussi les espaces inlramoléculaires des diverses sub­
stances et qu’il y représente le véhicule de la propagation
par transparence.

Synthèse des forces physiques. — Il faut le reconnaître,


nous sommes loin encore d’être fixés sur la nature de l’éther,
et il en sera sans doute encore longtemps ainsi. Mais quoi
qu’il en soit exactement de cette nature la conception de
ce milieu n’en réalise pas moins l’unité des anciens agents
physiques. Les déplacements et mouvements de l’éther joints
à ceux de la matière ordinaire paraissent suffire à l’explica­
tion générale des phénomènes. C’est dans ce sens qu’il faut
concevoir ce qu’on a appelé avec raison la synthèse des forces
physiques, synthèse véritablement digne d’admiration, qui
ramène l’explication générale des phénomènes physiques et
chimiques, si nombreux, si extraordinairement variés, et
pendant longtemps si confus, aux divers mouvements de la
matière et de l’éther.
Historiquement parlant, l'introduction de l’éther dans la
science manque d’unité.
On n’est pas arrivé du premier coup, en effet, à la concep­
tion d’un milieu unique servant de support commun aux phé­
nomènes lumineux, calorifiques, électriques, et l’histoire de
l’éther se trouve divisée en trois parties qui correspondent
à son introduction successive en lumière, en chaleur et en
électricité.

LUMIÈRE.

C’est d’abord pour servir d’explication aux phénomènes


lumineux que l’éther a été introduit dans la Science. Cette
introduction, du moins sous la forme nette et précise qu’elle
a conservée depuis, remonte au xvne siècle.

Théorie de rémission. — Les anciens considéraient géné­


ralement Ja lumière comme une matière particulière lancée
par les corps lumineux (*); telle a été l’origine de la théorie
de Vémission dont Newton fut le plus illustre et le plus
ardent défenseur.

Théorie des ondulations. — Malebranche, le premier (2),


assimila les phénomènes lumineux à ceux du son, posant
ainsi la base du système des ondulations qui devait définiti­
vement triompher de son rival (3).

Principe de Huygens. — C’est à Huygens toutefois que


revient l’honneur d’avoir formulé nettement, pour la première

(*) Empédocle, dont le système nous a été transmis-par Aristote,


considérait la matière des corps lumineux comme soumise à un écou­
lement continu.
Démocrite, Epicure, Lucrèce admettaient une émission de corpus­
cules de nature particulière.
(2) I1 semble qu’Aristote soit bien près de la théorie des ondulations
quand il dit : « Que Ton suppose que ce soit la lumière ou l’air qui
soit interposé entre l’œil et l’objet visible, en tous cas, c'est p a r le
mouvement de ce milieu que l'on voit. » ( Traité de l'Ame, Liv. II,
Cliap. II.)
( 3) « Preuve de la supposition que j’ay faite : que la lumière subtile
ou éthérée est nécessairement composée de petits tourbillons : et qu’ils
sont les causes naturelles de tous changements qui arrivent à la matière ;
ce que je confirme par l’explication des effets les plus généraux de la
Physique, tels que sont la dureté des corps, leur fluidité, leur pesan­
teur, leur légèreté, la lumière, réfraction et réflexion de ses rayons. »
( Recherche de la Vérité.')
fois, les hypothèses fondamentales du système; il considère
la lumière comme résultant des vibrations très rapides des
molécules matérielles, vibrations qui se propagent dans un
milieu extrêmement subtil et viennent finalement exciter les
fibres rétiniennes en produisant la sensation de lumière.
Posant ensuite le principe remarquable qui porte son nom,
il explique la réflexion, la réfraction simple et découvre les
lois de la double réfraction dans les cristaux uniaxes.

Principe de Young. — Plus tard Young donne l’explica­


tion des franges découvertes par Grimaldi et des anneaux
colorés de Newton, au moyen du principe des interférences
qu’il déduit immédiatement des propriétés du mouvement
vibratoire.

Travaux de Fresnel. — Enfin Fresnel en s’appuyant sur les


deux principes précédents donne l’explication complète des
franges de diffraction découvertes aussi par Grimaldi. Il
trouve ensuite la polarisation de la lumière, affirme la trans­
versalité des vibrations de l’éther et, dans une série de tra­
vaux qui ont immortalisé son nom, il établit une théorie
générale de la double réfraction uniaxale et biaxale, celle de
la polarisation chromatique, circulaire, elliptique et enfin
celle de la polarisation rotatoire.
Malgré la souplesse admirable avec laquelle la nouvelle
théorie se prêtait à l’explication des faits anciens et nouveaux
et bien que, dans plusieurs cas, elle eût devancé l’expérience
— faisant prévoir des phénomènes jusqu’alors inconnus, —
elle n’était pas encore universellement admise, même après
les travaux de Fresnel.

Expérience de Foucault. — C’est à Foucault que revient


l’honneur d’avoir définitivement tranché la question.
La théorie de l’émission et celle des ondulations condui­
sent, en effet, à des conclusions contradictoires relativement
à la vitesse de propagation de la lumière dans les différents
milieux. La première exige que la vitesse de la lumière
soit plus grande dans l’eau que dans l’air. La théorie des
ondulations conclut à l’inverse. Pour décider entre les deux
théories il suffisait d’une expérience comparative. C’est ce
qu’a fait Foucault dans un travail sur lequel nous reviendrons
plus loin et d’où il résulte nettement que la lumière se pro­
page moins vite dans l’eau que dans l’air.
La théorie de l’émission était donc irrémédiablement con­
damnée.

CHALEUR.

Théorie de rémission. Calorique. — La chaleur était aussi


regardée par les anciens comme une substance particulière
lancée par les corps chauds.
Ce n’était là, au fond, autre chose que l’hypothèse plus
moderne du calorique, hypothèse qui constitue pour la
chaleur une théorie de l’émission analogue à celle qui avait
été proposée pour la lumière.
Mais cette conception n’a pu tenir longtemps en face des
faits multiples qui sont venus mettre en évidence entre ces
deux agents les plus étroites analogies.
On connaît depuis longtemps la propriété qu’ont les miroirs
et les verres ardents de concentrer la chaleur du soleil en
même temps que sa lumière. On pouvait déjà conclure de là
que la chaleur se réfléchit et se réfracte suivant les mêmes
lois que la lumière.

Rayons de différentes espèces. — Delaroche, puis Mel-


loni, ont montré, en outre, qu’il y avait lieu de considérer
pour la chaleur des rayons de différentes espèces (comme
pour la lumière des rayons de différentes couleurs). En effet,
la proportion de chaleur transmise par une même substance j
transparente pour la chaleur, varie avec la nature de la j
source employée. C’est donc que l’émission calorifique n’est
pas la même dans chaque cas. Cette conclusion est confirmée
par l’existence d’une dispersion calorifique analogue à la
dispersion lumineuse.

Dispersion. — Si l’on dirige un faisceau de lumière blanche


sur un prisme en verre, les rayons de ce faisceau sont non
seulement déviés (conséquence de la réfraction) mais aussi
décomposés par le prisme en une infinité de rayons diver­
sement colorés; chacun d’eux est inégalement dévié par le
prisme, de telle sorte qu’à la sortie du prisme le faisceau
s’étale sous forme d’éventail. C’est l’expérience bien connue
du spectre solaire. Dans le faisceau ainsi étalé Newton a
relevé sept couleurs principales qui sont, en commençant
par les moins déviées :

Rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet;


m ais, en réalité, toutes les colorations et nuances intermé­
diaires s’y trouvent également : le spectre est continu et pré­
sente une suite ininterrompue ( l ) de couleurs qui se fondent
les unes dans les autres depuis le rouge jusqu'au violet.
Ce phénomène a reçu le nom de dispersion. On peut
l’exprimer en disant que les divers rayons colorés sont iné­
galement réfrangibles.
Or, les rayons calorifiques, comme les rayons lumineux, se
dispersent en traversant un prisme en verre. On le constate
en dirigeant sur un prisme un faisceau de rayons solaires.
On obtient ainsi un spectre calorifique qui s’étend à la
fois dans la région lumineuse RV du spectre solaire, et dans
la région infra-rouge (voir fig , 1).
Bien entendu un tel spectre n'est pas visible, mais son
-existence est décelée par le thermomètre.

Fig. 1.
__________R ___________ v _ ________
Infra-rouge Spectre visible Ultra-violet

La répartition des intensités calorifiques tout le long du


spectre dépend essentiellement de la substance qui compose
le prisme. (Ceci montre que les différentes substances n’ab­
sorbent pas dans la même proportion les diverses radiations
calorifiques). Avec le sel gemme qui est la substance la plus
transparente pour la chaleur, ou, comme on dit encore, la
plus diathermane, la distribution des intensités calorifiques
est représentée par la courbe ci-jointe.

Fig. 2.

On peut conclure de ces expériences que les rayons de cha­


leur de différentes espèces ne sont pas également réfrangibles,
puisque la réfraction a pour effet de les étaler en spectre.
Cette propriété a été, du reste, vérifiée directement parMel-
loni. L’analogie avec la dispersion lumineuse est évidente.

( l ) Sur la continuité du spectre des solides et des liquides incandes­


cents, voir D écombe, Comptes rendus de l ’Académie des Sciences,
t. CXXXIII, 1901, p. 288.
Unité du spectre. — Restait à savoir s’il existait vraiment
deux spectres distincts, l’un lumineux, l’autre calorifique, mais
partiellement superposés dans la région commune RV (fig- 2)
ou si, au contraire, il n’y avait lieu de considérer qu’un seul
spectre s’étendant de A à V, jouissant dans la région vi­
sible RV de propriétés à la fois lumineuses et calorifiques
et dans la région infra-rouge AR de propriétés calorifiques
seulement. Dans ce dernier cas la distinction entre la chaleur
et la lumière serait toute subjective et due seulement à la
manière différente dont les diverses radiations affectent nos
organes.
Or, c’est ce qui a lieu, ainsi que l’ont montré Masson et
Jamin :

En un point donné du spectre visible, il riy a pas à la


fois un rayon lumineux et un rayon calorifique distincts,
mais une radiation unique capable d'exciter à la fo is les
organes du toucher ( impression de chaleur) et ceux de
la vision.

Les radiations contenues dans l’infra-rouge jouissent seu­


lement de la première de ces propriétés.

Radiations chimiques. — Outre les radiations calorifiques


et lumineuses il y a encore dans le spectre des radiations
particulières qui n’agissent ni sur la rétine, ni sur le toucher,
mais qui possèdent des propriétés chimiques très actives.
Ces radiations se manifestent particulièrement dans la ré­
gion appelée ultra-violette (f i g . 1). Mais elles s’étendent
également dans le spectre visible et jusque dans l’infra-rouge.
Il résulte des expériences de M. Becquerel que, dans la
région visible du spectre, les rayons chimiques ne sont pas
distincts des rayons lumineux, et par conséquent des rayons
calorifiques. Dans cette région la même radiation capable
d ’agir sur nos organes de la vue ou du toucher est aussi
capable d ’impressionner une plaque sensible. Les radiations
contenues dans l’ultra-violet jouissent seulement de la der­
nière propriété.

Analogies optiques. — On a pu répéter avec les radia­


tions calorifiques tous les phénomènes de l’optique physique.
Fizeau et Foucault les ont fait interférer par le dispositif
des miroirs de Fresnel et ont obtenu des franges alternative­
ment froides et chaudes.
Knaubloch a pu réaliser la diffraction de la chaleur et
répéter, avec les rayons calorifiques, l’expérience analogue
à celle des anneaux de Newton.
Ce même physicien a mis en évidence la double réfrac­
tion de la chaleur.
La polarisation calorifique a été découverte par Bérard,
la polarisalion rotatoire du quartz pour la chaleur par Biot
et Melloni; celle de plusieurs liquides par La Provostaye et
Desains.
Enfin, il n’est pas jusqu’à la polarisation rotatoire magné-
tique qui n’ait été reproduite en chaleur par Wartmann.

Conclusion. — L’identité de la chaleur et de la lumière


est donc démontrée. Non seulement ces deux ordres de phé­
nomènes présentent les plus grandes analogies, mais ils doi­
vent être considérés comme identiques (*); les expériences
relatives à l’unité du spectre ne laissent subsister aucun doute
à ce sujet. Le véhicule de la chaleur se confond donc néces­
sairement avec celui de la lumière et le rôle de l’éther se
trouve considérablement augmenté.

ÉLECTRICITÉ.

Polarisation rotatoire magnétique. — C’est en i 845 que


Faraday découvrit le fait capital de la rotation du plan de
polarisation de la lumière sous l’action d’un champ magné­
tique puissant. Jusque-là aucun lien ne semblait exister entre
les phénomènes lumineux et les phénomènes électriques.
On savait bien que les décharges électriques avaient lieu,
le plus souvent, sous forme d’une étincelle lumineuse, mais
de là à entrevoir des relations intimes entre les deux ordres
de phénomènes, il y avait un abîme.
La mesure du nombre v de Maxwell ne tarda pas à les
rattacher d’une manière encore plus étroite.

(*) Certains corps cependant peuvent émettre des radiations lumi­


neuses sans émettre en même temps de radiations calorifiques sensibles.
Ce sont là les phénomènes de luminescence encore peu étudiés. On
remarquera toutefois que nos conclusions relatives à l'éther ne semblent
pas devoir être modifiées par l'existence de ces radiations dont le méca­
nisme de propagation (qui n’est sans doute pas essentiellement diffé­
rent de celui des radiations spectrales) est vraisemblablement expli­
cable par la considération du même véhicule.
Nombre v de Maxwell. — Les unités électriques et ma­
gnétiques sont susceptibles d’être évaluées dans plusieurs
systèmes distincts dont deux seulement sont dignes d’intérêt
et ont prévalu dans la pratique.
On peut, en effet, choisir à volonté l’unité de quantité
d’électricité, par exemple; mais alors l’unité de magnétisme
n’est pas arbitraire et se trouve entièrement définie par les
relations de l’Electromagnétisme.
Si l’on adopte cette manière de procéder, on constitue un
système particulier d’unités que l’on appelle le système
électrostatique.
On peut, au contraire, choisir arbitrairement l’unité de
magnétisme et considérer l’unité de quantité d’électricité
comme dérivant de la première.
On réalise ainsi le système électromagnétique.
Supposons qu’on évalue successivement une même quantité
d’électricité dans le système électrostatique et dans le système
électromagnétique. Soient q et q' les valeurs numériques
de cette quantité dans les deux systèmes considérés. Maxwell
désigne le quotient par la lettre v.
La valeur de ce rapport a été déterminée expérimentale­
ment par Weber et Kohlrausch, Maxwell, Sir W . Thomson.
Chose inattendue et merveilleuse, cette valeur numérique
a été trouvée égale à celle qui représente la vitesse de la
lumière dans le vide !
Cette détermination a été refaite depuis par diverses mé­
thodes et toujours elle a conduit à des nombres voisins de
3oooookm.
Ce rapprochement singulier entre un simple rapport numé­
rique, déduit de phénomènes électriques et magnétiques, et
la vitesse de propagation d’un phénomène d’un tout autre
ordre — du moins en apparence — était d’autant plus étrange
qu’on ne connaissait alors aucun phénomène électrique ou
magnétique présentant une analogie quelconque avec un
phénomène lumineux.
Maxwell donna la signification précise de cette coïncidence.
Il montra que le rapport v est théoriquement égal à la
vitesse avec laquelle Yonde électromagnétique se propage
dans le vide (1). Le résultat précédent s’interprétait donc
simplement de la manière suivante : Dans le vide, la vitesse
de Vonde électromagnétique est égale à celle de la lumière.(*)

(*) Nous définirons plus loin Tonde électromagnétique (voir p. 3 2 ).


Qu’était-ce à dire? Sinon que les phénomènes électroma­
gnétiques et les phénomènes lumineux avaient le même
véhicule, l’éther par conséquent, qui devenait du même coup
une sorte de milieu universel servant à propager non seule­
ment la lumière et la chaleur, mais aussi les phénomènes
électromagnétiques.

Théorie électromagnétique de la lumière. — Partant de


là, Maxwell parvint à établir cette proposition admirable
que la lumière n'est pas autre chose qu'un phénomène
électromagnétique.
Malheureusement le travail de Maxwell était entièrement
théorique. Il y manquait la consécration de l’expérience.
Celle-ci ne vint qu’avec Hertz un quart de siècle plus tard,
lorsque cet illustre physicien eut découvert les oscillations
qui portent son nom.

Oscillations électriques. — Le principe sur lequel repose


la production de ces oscillations réside dans un calcul que
Sir William Thomson avait depuis longtemps exposé. Consi-,
dérons un condensateur ayant une capacité C et possédant
sur ses armatures des charges électriques égales et de signes
contraires.
Faisons communiquer entre elles ces armatures au moyen
d’un fil conducteur de résistance R et self-induction L. L’élec­
tricité va s’écouler le long du fil en déchargeant le conden­
sateur.
Cette décharge peut avoir lieu sous deux formes distinctes :
la forme continue et la forme oscillatoire. Cette dernière a
lieu toutes les fois que la capacité C, la résistance R et la
self-induction L satisfont à la relation

(a) r < 2 y/c*


La période de l’oscillation est alors donnée (si l’on suppose
R très petit) par la formule
T zzz 2 tzv/LC.
Il faut bien comprendre en quoi consistent ces oscillations.
Au moment où l’on établit la communication entre les arma­
tures du condensateur, les deux charges qu’elles possèdent
se précipitent dans le fil pour s’y recombiner; mais la résis­
tance de celui-ci étant faible (condition a) elles dépassent
leur position d’équilibre, chacune d’elles remontant jusqu’à
l’armature opposée qu’elle charge électrostatiquement pendant
un temps très court : l’électrisation des armatures est alors
inverse de leur électrisation initiale. En vertu du même
mécanisme les deux, charges se précipitent de nouveau dans
le fil, dépassent encore la. position d’équilibre et rechargent
les armatures, qui retrouvent alors leurs électrisations pri­
mitives, du moins quant au signe, une partie des charges
s’étant recombinée dans le mouvement.
Les mêmes phénomènes se reproduisent ainsi, avec une
intensité progressivement décroissante, jusqu’à ce que toute
l’énergie potentielle de la charge primitive soit épuisée.

Champs oscillants. — Il y a donc dans le fil de décharge


une série de courants, successivement de sens contraires,
qui engendrent dans l’espace environnant un champ magné­
tique alternatif de même période (4).
De plus, entre deux inversions de courant, les armatures
se trouvent posséder des charges électriques qui déterminent
autour d’elles un champ électrostatique de courte durée.
Il en résulte, tout autour de l’appareil, deux champs super­
posés : l’un électrostatique, l’autre magnétique, tous deux
oscillants, mais décalés entre eux d’une demi-période.
La superposition de ces deux champs constitue ce que l’on
appelle un champ électromagnétique. Les perturbations
électrique et magnétique qui le constituent se propagent
dans l’air ambiant sous forme d’ondes dites électromagné­
tiques.

Expériences de Feddersen. — L’existence des oscilla­


tions électriques, ainsi prévue par la théorie, a été expéri­
mentalement confirmée par Feddersen grâce au miroir tour­
nant dont le principe, imaginé par Wheatstone pour la
mesure de la vitesse de l’électricité, permet de séparer dans
l ’espace deux phénomènes lumineux très voisins l’un de
l’autre dans le temps.

( ‘) On sait qu’un fil métallique parcouru par un courant agit à dis­


tance sur l’aiguille aimantée (expérience d’OErstedt). Celle-ci tend à
se mettre en croix avec le courant, son pôle austral étant dévié vers
la gauche du courant, c’est-à-dire vers la gauche d’un observateur
imaginaire couché le long du courant et regardant le pôle austral, de
telle sorte que le courant entre par les pieds et sorte par la tète
(règle d’Ampère). On exprime simplement ce fait en disant qu’un cou­
rant électrique engendre tout autour de lui un champ magnétique.
Imaginons un petit miroir vertical donnant d’un trait lumi­
neux également vertical une image virtuelle ou réelle.
Si Ton vient à animer ce miroir d’un mouvement de rota­
tion autour d’un axe vertical situé dans son plan et passant
par son centre, l’image du trait lumineux se déplace, d’après
une propriété connue, avec une vitesse angulaire double de
celle du miroir. A cause de la persistance des impressions
lumineuses, les positions successives de cette image se juxta­
posent sur la rétine en donnant l’impression d’une traînée
horizontale brillante ayant pour largeur la hauteur du trait
lumineux.
Si ce trait n’est lumineux que pendant un temps déter­
miné, la traînée brillante sera limitée dans Je sens horizontal
et sa longueur sera d’autant moindre que la durée de la
lumière aura été plus courte.
Supposons maintenant que le trait vertical soit alternati­
vement lumineux et obscur; son image dilatée, au lieu d’être
continue, se présentera sous la foi'me d’une série de bandes
successivement brillantes et obscures.
En dilatant ainsi parla rotation rapide d’un miroir concave
l’image de l’étincelle explosive d’une bouteille de Leyde,
Feddersen a pu mettre en évidence le caractère oscillatoire
de la décharge; les bords de l’image dilatée présentaient des
alternatives de lumière et d’obscurité qui correspondaient
aux oscillations du courant. Le phénomène pouvait d’ailleurs
être fixé sur une feuille de papier sensible.
Il importe de bien pénétrer le mécanisme par lequel le
phénomène lumineux se lie dans l’étincelle au phénomène
électrique.
On sait depuis longtemps que l’étincelle qui éclate entre
deux conducteurs chargés à des potentiels de signes con­
traires ne présente pas le même aspect à ses deux extré­
mités.
Ce fait peut s’expliquer par les différences qui existent
entre les particules arrachées à chaque électrode lorsqu’on
les étudie au microscope.
On a constaté, en effet, que les particules arrachées à l’élec­
trode positive ont des dimensions parfaitement mesurables
et peuvent devenir incandescentes, tandis que les particules
négatives échappent à toute mesure et ne deviennent jam ais
incandescentes; elles paraissent entraînées par volatilisation.
H y aurait donc, à l’extrémité positive, arrachement de
particules solides lumineuses, et à l’extrémité négative déga­
gement de vapeurs métalliques obscures.
3
Original from
UNIVERSITY OF CALIFORNIA
Dans la décharge oscillante les électrodes changent de
signe chaque fois que Je courant se renverse. Chacune des
extrémités de l’étincelle est donc alternativement brillante
et pâle; d’où la possibilité de dissocier cette étincelle par la
rotation rapide d’un miroir.
Il est à remarquer que les deux séries de taches lumi­
neuses et obscures qui correspondent dans l’image dissociée
à chacune des extrémités de l’étincelle doivent être alternées,
c’est-à-dire qu’à un point lumineux de l’une doit corres­
pondre dans l’autre un point obscur et vice versa (*).
Ces caractères sont ceux des épreuves de Feddersen.
De la distance comprise entre deux taches lumineuses ou
obscures consécutives on peut déduire la période de l’oscilla­
tion, la vitesse de rotation du miroir étant connue ainsi que
sa distance à la feuille de papier sensible.
Les oscillations étudiées par Feddersen étaient comprises
entre et jôôW t de seconde.

Excitateur. — Le mérite de Hertz a été de découvrir un


appareil produisant des oscillations beaucoup plus rapides.
Son excitateur électrique est essentiellement formé de deux
conducteurs symétriques, chargés à des potentiels égaux et
de signes contraires, entre lesquels une étincelle éclate toutes
les fois que la différence de potentiel dépasse une certaine
valeur qui dépend de la rigidité électrostatique du milieu
interposé. Cet appareil est assimilable à un condensateur
dont le circuit de décharge serait constitué par l’étincelle
explosive elle-même. Si donc la condition (a) est satisfaite,
et c'est.ce qui a lieu dans la plupart des cas, l’excitateur
doit être considéré comme un appareil producteur d’oscilla­
tions électriques dont la période serait calculable par la for­
mule de Thomson, s’il était possible toutefois d’évaluer la self-
induction de l’étincelle explosive.

Résonateur. — L’exploration du champ électromagnétique


créé par l’excitateur se fait au moyen d’un petit appareil
appelé résonateur qui consiste en un fil métallique recourbé
en forme de cercle ou de rectangle et dont les extrémités se
terminent par un micromètre à pointes ou à boules ( j i g . ). 3
Aussitôt qu’un résonateur est placé dans le voisinage d ’un

( l ) Du moins lorsque l’étincelle éclate dans l’air. Voir, sur cette


question, D écombe , Comptes rendus, t. CXXVI, 1898, p. 1197.
excitateur en activité, un flux d'étincelles jaillit entre les
boules de son micromètre.
En général, ces étincelles sont dues, à la fois, à l'action
électrostatique et à l'action magnétique du champ. En orien­
tant convenablement le résonateur par rapport à l’excitateur,

Fig. 3 .

on peut éliminer l'une ou l’autre de ces actions et étudier,


pour chacune d’elles séparément, la distribution du champ.

Transparence électromagnétique. — On vérifie aisément


que le bois, la pierre, le soufre, etc., se laissent traverser par
les ondes électromagnétiques. Ces substances interposées
entre l’excitateur et le résonateur n’arrêtent pas le jeu de ce
dernier.

Réflexion métallique. — Les métaux, au contraire, même


en couches minces, arrêtent l’onde électromagnétique et la
réfléchissent suivant les lois ordinaires de la réflexion lumi­
neuse. Cette propriété a permis de construire des miroirs
paraboliques dont la ligne focale est occupée par l’étincelle
d’un excitateur rectiligne. Les ondes émises par ce dernier
se transforment en un faisceau de radiations parallèles qui
se propagent ensuite par ondes planes.

Réfraction. — On a eu l’idée de construire des prismes


avec les substances qui se laissent traverser par l’onde élec­
tromagnétique. En faisant tomber sur de tels prismes un
faisceau de radiations parallèles on a constaté qu’elles s’y
réfractent de la même manière que la lumière dans un prisme
transparent.

Interférences électromagnétiques. — Ce n’est pas tout.


On a pu reproduire avec ces ondes la plupart des phéno­
mènes de l’optique physique, principalement celui des inter­
férences.
Ce phénomène revêt ici deux formes distinctes suivant que
l’onde se propage dans l’espace ou le long d’un fil conduc­
teur.
Interférences dans l'espace. — Pour réaliser cette expé­
rience on reçoit normalement Tonde sur une grande feuille
de métal jouant le rôle de miroir.
Elle s’y réfléchit normalement, et la superposition de
l’onde incidente et de l’onde réfléchie donne lieu à un sys­
tème d’ondes stationnaires, caractérisé par des nœuds et des
ventres équidistants.
Ces nœuds et ces ventres sont mis en évidence à l’aide du
résonateur dont le fonctionnement présente un maximum
d’intensité aux ventres et un minimum aux nœuds. Les nœuds
de la force magnétique coïncident, comme la théorie le pré­
voit, avec les ventres de la force électrique et vice versa.
Dans ces expériences Tinternœud est, en général, de Tordre
de grandeur du décamètre.

Interférences le long des fils. — Si l’on promène un


résonateur le long d’un fil parcouru par des oscillations
électriques ( 1), on y constate la présence d’ondes station­
naires.
Il faut donc admettre que Tonde électromagnétique après
s’être propagée jusqu’à l’extrémité du fil s’y est réfléchie et,
revenant sur elle-même, a donné naissance aux nœuds et aux
ventres que l’on observe. La longueur d’onde, dans ce cas,
dépend de la nature du milieu dans lequel le fil est plongé. On
a pu établir cette loi remarquable que la longueur d’onde dans
la propagation le long d’un fil est toujours égale à celle qu’on
observe dans la libre propagation à travers le milieu entou­
rant le fil.
Il résulte de là cette importante proposition qui peut du
reste être obtenue par voie théorique : La vitesse de propa­
gation de l ’onde électromagnétique a la même valeur dans
un milieu donné et le long d ’ un f i l conducteur plongé
dans ce milieu.

Expériences de Righi. — Les phénomènes d’interférences


électromagnétiques ont pu être répétés, du reste, d’ une(*)

(*) On arrive à ce résultat en disposant convenablement, au voisi­


nage d’un excitateur, l'une des portions extrêmes d’un long iil conduc­
teur. Par induction il se développe dans ce fil des oscillations qui s’y
propagent et dont le résonateur manifeste l’existence. Celui-ci entre,
en effet, en activité lorsqu’on vient à l’approcher du fil. Il est, du reste,
facile d’éliminer l’action directe de l’excitateur à travers l’espace en
orientant convenablement le résonateur. C’est donc bien sous l’action
des oscillations induites dans le fil que celui-ci entre en activité.
manière entièrement conforme à l’expérience des miroirs de
Fresnel, à celle du biprisme et à celle des anneaux de Newton.
Cette imitation a été obtenue par Righi au moyen d’un exci­
tateur donnant des oscillations de très courte longueur
d’onde (de l’ordre du centimètre). Cette condition est néces­
saire afin de réaliser autant que possible les circonstances
dans lesquelles ont lieu les phénomènes optiques correspon­
dants ( J).
Le résonateur employé par Righi diffère notablement des
résonateurs ordinaires. Sa sensibilité est très grande.
Il se compose d’une lame de verre sur laquelle on a préa­
lablement déposé par voie électrolytique une mince couche
d’argent; sur cette couche on trace au diamant un trait qui *
produit dans le métal une solution de continuité de quelques
millièmes de millimètre de largeur.
C ’est à travers cette solution de continuité qu’éclatent les
étincelles.

Polarisation. — D’après leur mode même de formation


les radiations électromagnétiques sont toujours polarisées,
car la vibration est nécessairement parallèle à l’axe de l’étin­
celle excitatrice.
L ’emploi d’un réseau formé de fils métalliques parallèles a
permis à Hertz de constater cette polarisation.
Si l’on dispose cet appareil entre l’excitateur et le réso­
nateur, de telle sorte que la direction commune des fils soit
parallèle à l’axe de vibration, le jeu du résonateur se trouve
immédiatement interrompu. Dans la position perpendicu­
laire à celle-là, au contraire, il n’est aucunement altéré.
Dans les positions intermédiaires il croît ou décroît suivant
qu’on approche de l’une ou l’autre des deux positions qui
précèdent.
Les phénomènes de polarisation par réflexion et par réfrac­
tion ont été également reproduits.
On a pu constater la polarisation circulaire ou elliptique
due à la réflexion métallique et démontrer que le plan de
polarisation est perpendiculaire au plan de vibration.

Double réfraction. — La double réfraction des cristaux

(*) Le lecteur trouvera daus l’Ouvrage de M. H. Poincaré [La


Théorie de Maxwell et les oscillations hertziennes, 3 * édition ( C o l­
lection Scientia)] un exposé critique très remarquable des analogies
optiques et électromagnétiques.
pour les ondes électromagnétiques a été mise en évidence
par M. Bose à l’aide d’un excitateur sphérique de très petite
longueur d’onde (6mm) et d’un récepteur extrêmement sen­
sible fondé sur le principe du radioconducteur de Branly
que nous décrivons plus loin. Le dichroïsme a été aussi
réalisé par ce physicien.

Télégraphie sans fil. — Il nous reste à parler, pour com­


pléter les analogies, d’une nouvelle et très intéressante appli­
cation des oscillations électriques.
S’il était possible d’envoyer à de grandes distances des ondes
électromagnétiques assez puissantes pour impressionner des
récepteurs sensibles, on pourrait réaliser un mode de trans­
mission entièrement analogue à celui qui constitue la télé­
graphie optique. Or, ces diverses conditions ont été réa­
lisées. Tout le mérite en revient à Hertz, d’abord, à qui
nous sommes redevables de l’appareil producteur d’ondes et
ensuite à M. Branly qui a su trouver un récepteur assez sen­
sible pour être impressionné à des distances considérables.

Radioconducteur de Branly. — Les limailles métalliques,


en général peu conductrices, le deviennent davantage lors­
qu’elles sont placées dans un champ électromagnétique.
Imaginons donc un circuit comprenant un fil métallique, un
tube à limailles, une pile et une sonnerie électrique. Au mo­
ment où une onde électromagnétique vient frapper la limaille
contenue dans le tube, la limaille devient conductrice, le
courant se forme et la sonnerie entre en fonctionnement.
Tel est le principe de la télégraphie sans fil dont nous
ne parlons que pour montrer, jusque dans les applications
les plus répandues, l’analogie complète de l’onde lumineuse
et de l’onde électromagnétique. Le remarquable exposé de
M. Poincaré nous dispensera de plus longs développements (*).

(*) Cf. P oin caré , loc. cit. Nous rappellerons seulement ici, pour bien
marquer les progrès rapides de cette application nouvelle, que la télé­
graphie sans fil fonctionne régulièrement en ce moment entre la Tour
Eiffel et Casablanca au Maroc. Le lieutenant de vaisseau Tissot a récem­
ment proposé, d’autre part, de se servir d'émissions de la Tour Eiffel
pour donner l’heure de Paris, tous les soirs, à tous les bâtiments en
mer à une distance de 3 oo milles des cèles, c’est-à-dire pour leur
permettre d’atterrir avec sécurité rien qu'avec une simple montre de
poche. Ajoutons enfin que des essais concluants de téléphonie sans fil
viennent d’èlre réalisés entre Montpellier, d’une part, et Paris, Brest,
Casablanca d’autre part.
LETHER. 39
Vitesse de propagation. — La découverte des oscillations
hertziennes a permis, en outre, une vérification éclatante de
la théorie électromagnétique de la lumière.
Nous avons vu comment la mesure du nombre v avait
permis à Maxwell d’établir cette proposition : Dans le vide,
la vitesse de propagation de Vonde électromagnétique est
égale à celle de la lumière.
Mais ce n’était là qu’une méthode indirecte.
La découverte de l’excitateur a rendu possible la mesure
directe de la vitesse de propagation de l’onde électromagné­
tique. Cette mesure fera l’objet du Chapitre VIL Comme
l’avait prévu le génie de Maxwell, le nombre obtenu est égal
à celui qui exprime la vitesse de la lumière. Ainsi se trouvent
directement confirmées les hypothèses du célèbre physicien
anglais; avec lui nous devons admettre que la lumière n'est
pas autre chose qu'un phénomène électromagnétique et
que le même éther servant à propager la lumière et la
chaleur est aussi le véhicule des ondes de Hertz.
CHAPITRE III.
l ’é n e r g i e r a d i a n t e .

Le rôle universel de l’éther étant ainsi démontré, nous nous


proposons d’étudier les conditions dans lesquelles s’y pro­
page une perturbation donnée et, plus particulièrement, de
calculer la célérité de cette perturbation, c’est-à-dire sa
vitesse de propagation, en fonction des constantes caracté­
ristiques du milieu.
Nous pouvons nous placer ici à deux points de vue diffé­
rents :
i° Au point de vue de la théorie des ondulations amenée
par Fresnel à un degré de perfection qui n’a guère été
surpassé.
2° Au point de vue de la théorie électromagnétique dont
les progrès depuis quelques années ont été si considérables.
Les formules auxquelles on est conduit dans l’un et l’autre
cas doivent être considérées comme s’appliquant à la fois
aux perturbations lumineuses et aux perturbations électro­
magnétiques.

Transversalité des perturbations. — Dans la théorie de


Fresnel les particules des corps lumineux sont considérées
comme animées d’un mouvement vibratoire très rapide de
part et d’autre d’une position moyenne qui constitue, pour
chaque particule, une position d’équilibre. Ces vibrations
déterminent, dans le milieu éther où elles s’exécutent, des
vibrations analogues qui se propagent sous forme d’ondes
tout autour du centre d’ébranlement.
Pour expliquer les phénomènes de polarisation, il est
nécessaire d’admettre que les vibrations de l’éther sont trans­
versales, c’est-à-dire perpendiculaires à la direction du rayon
lumineux.
En général, le long d’un même rayon, ces vibrations trans­
versales sont orientées dans tous les azimuts, mais il peut
arriver qu’elles soient toutes contenues dans un même plan.
Le rayon lumineux est alors dit polarisé.
Dans la théorie électromagnétique, toute perturbation
propagée dans l’éther se compose de deux éléments insépa­
rables : la perturbation électrique et la perturbation magné­
tique; toutes deux sont perpendiculaires à la direction de la
propagation, donc transversales. De plus elles sont perpen­
diculaires l’une sur l’autre comme l’exige la loi fondamentale
de l’Electromagnétisme. En général, aussi, elles sont orientées
dans tous les azimuts autour de la direction de propagation;
mais il peut arriver qu’elles soient respectivement situées
dans deux plans dont l’un contient toutes les perturbations
électriques et l’autre toutes les perturbations magnétiques.
Ces deux plans sont alors nécessairement rectangulaires, et
l’onde électromagnétique est dite polarisée.
Lorsqu’on veut assimiler une onde lumineuse à une onde
électromagnétique, il faut admettre que la vibration de Fresnel
s’exécute dans le plan de la perturbation électrique. Bien
entendu il faut également supposer aux deux perturbations
électrique et magnétique un caractère périodique analogue
à celui de la vibration de Fresnel.

Image du phénomène. — Nous avons une image intéres­


sante de la propagation d’une perturbation transversale dans
les rides circulaires qui se propagent à la surface d’une eau
tranquille où l’on a laissé tomber une pierre. On obtient
une représentation plus complète du phénomène en se ser­
vant d’une pointe fixée à l’une des extrémités d’un diapason
dont les vibrations sont entretenues électriquement. Ce dia­
pason est disposé au-dessus de la surface libre d’un liquide
(eau, mercure, etc.) de manière qu’à chaque vibration la
pointe plonge dans le liquide. On obtient ainsi un système
d’ondes sans cesse renouvelées qui se propagent radialement
à partir du centre d’ébranlement.

Longueur d’onde. — Si l’on observe attentivement ces


ondes on constate que la distance entre deux rides consécu­
tives demeure constante aussi loin qu’on les suive dans leur
propagation. Cette distance constante (qui est d’ailleurs la
même pour deux rides consécutives quelconques) s’appelle
longueur d'onde. Si, d’autre part, nous appelons période
le temps très court qui s’écoule entre deux plongées succes­
sives de la pointe dans le liquide (temps égal à la durée
d’une vibration du diapason), nous voyons que la lon­
gueur d’onde représente le chemin parcouru par une onde
quelconque pendant la durée d’une période. Cette remarque
nous conduit à une formule fondamentale.
Désignons, en effet, par V la vitesse de propagation de
l’onde, c’est-à-dire le chemin qu’elle parcourt pendant l’unité
de temps; pendant le temps T elle parcourra un chemin VT
égal à la longueur d’onde X et l’on aura
X = VT.
Cette formule est directement applicable aux ondes qui se
propagent soit dans l’éther libre, soit dans un milieu trans­
parent pour les ondes considérées.

Longueur d’onde des radiations spectrales dans le vide.


— La mesure des longueurs d’onde dans le vide des radiations
spectrales a donné des nombres qui varient d’une manière
continue depuis Xnromm,o6 (extrême infra-rouge) jusqu’à
omm,oooi (extrême ultra-violet).
D’un autre côté ( voir Chapitre VIII) les diverses radiations
colorées se propagent très sensiblement dans le vide avec la
même vitesse; les différences qui peuvent exister sont entiè­
rement négligeables devant les variations de longueur d’onde
avec la couleur. Cette constante de V s’étend sans diffi­
culté aux radiations infra-rouges et ultra-violettes (*). D’où
il suit (par application de la formule X = VT) que la pé­
riode de vibration T croît de l’infra-rouge à l’ultra-violet
dans le même rapport que la longueur d’onde, c’est-à-dire
dans le rapport de i à 600, d’une extrémité à l’autre du
spectre. Si Ton assimile ces périodes à celles du son en
Acoustique, on voit qu’elles représentent un ensemble d’en­
viron 9 octaves se répartissant ainsi :
Octaves.
Spectre calorifique............ ........... .......... 6
Spectre visible...................................... ..... 1
Spectre ultra-violet................................. 2

Représentation graphique. — Graphiquement le phéno­


mène de propagation peut êtrereprésenté par une courbe en
4
forme de sinusoïde (fig . )* Nous pouvons observer qu’en
deux points tels que M et N situés sur la direction de pro-

( ‘) Et vraisemblablement aussi aux radiations électromagnétiques.


Cette constance de la célérité dans le vide sera discutée au Cha­
pitre VIII. Quoi qu’il en soit de sa rigueur absolue elle représente les»
faits à un degré d’approximation très élevé.
pagation O x à une distance l’un de l’autre égale à - il y a
discordance complète.de vibration, l’un présentant, en effet,
une élongation positive MM', tandis que l’autre possède, au
même instant, une élongation négative NN' égale en valeur
absolue à la précédente. Même conclusion pour deux points
dont la distance serait égale à un nombre impair de fois - •

Fig. 4.

Au contraire, en deux points distants de X ^ou d’un nombre

pair d e i l y a concordance de vibration. Tels sont, par


exemple. M et P.
Cette remarque sert de base à l’explication du phénomène
des interférences. Nous n’avons pas à y insister.

Ondes sphériques. — Imaginons un centre d’ébranlements


où se trouvent rassemblées de petites particules animées de
mouvements vibratoires orientés dans tous les sens. Et sup­
posons qu’un tel centre soit situé dans un milieu isotrope,
c ’est-à-dire dont les propriétés soient identiques suivant
toutes Jes directions. Les ondes excitées dans ce milieu
pourront être considérées comme sphériques.

Ondes planes. — Si la source d’ébranlements est très


intense, de sorte qu’à une grande distance les ondes soient
encore sensibles, une portion limitée d’onde sphérique pourra
être regardée comme plane. Tous les rayons issus de la source
et aboutissant à l’un quelconque des points de cette région
pourront être considérés comme parallèles; c’est ce qu’on
appelle un faisceau cylindrique de rayons.

Formule de Newton. — Ceci posé, nous nous proposons


de déterminer la vitesse de propagation ou, comme on dit
plus brièvement, la célérité des ondes excitées dans l’éther
par un ébranlement quelconque produit en un point déter-
miné. 11 sera nécessaire de faire les deux hypothèses sui­
vantes :
i° L’éther est un milieu élastique;
2° Il est doué d’une propriété analogue sinon identique à
la masse.
5
Considérons le cas d’une onde plane P ( fig . ).
Imaginons que chacune des molécules d’éther m, m', m",..-.
contenues dans le plan P, subisse un déplacement infiniment
petit dans ce plan, ces déplacements pouvant d’ailleurs n’être
pas parallèles entre eux.
Une réaction élastique se trouve alors développée entre le
plan P et le plan infiniment voisin P', et cette réaction a
pour effet de déplacer infiniment peu dans leur propre plan

Fig. 5 .
P P' P”

les molécules de P'. Ce déplacement détermine à son tour


une réaction élastique entre P' et le plan suivant P" dont les
molécules se déplacent à leur tour, et ainsi de suite, de
proche en proche.
Il s’agit de déterminer la vitesse Y de cette propagation.
Nous supposerons qu’il n’y ait pas d’énergie perdue en frot­
tements.
Soit e la valeur de la force élastique développée entre deux
surfaces égales à l’unité prises en regard l’une de l’autre
sur P et P'.
Considérons ce qui se passe à l’intérieur d’un parallélé­
pipède rectangle indéfini dont les arêtes soient parallèles à æy
et la base a, prise sur le plan P, égale à l’unité.
Tout se passe à l’intérieur de ce parallélépipède comme si
les molécules de a, une fois déplacées dans leur propre plan,
subissaient une translation commune de vitesse V parallèle­
ment à x y .
Or, cette translation peut être considérée comme due à la
force élastique e qui donnerait successivement au plan a une

Original from
U IW E R 5 ITY OF CALIFORNI
série d’impulsions élémentaires lui communiquant chaque
fois une quantité de mouvement V dp, dp représentant la
masse d’éther répandue sur ?.
Ecrivons que, d’après un théorème connu, l’impulsion élé­
mentaire (produit de la force par le temps élémentaire dt)
est égale à l’accroissement de la quantité de mouvement pen­
dant le même temps.
Nous aurons
e d t — \ dp.

Intégrant depuis t = o jusqu’à t ~ i seconde, il vient

e = Vn,

(A désignant la masse totale d’éther sur laquelle la force élas­


tique e a successivement agi pendant une seconde. Or, au
bout d’une seconde, le mouvement s’est propagé à une dis­
tance V de la base <r; p est donc égal à la masse d’éther con­
tenue dans un parallélépipède rectangle ayant l’unité de sur­
face pour base et V pour hauteur.
On a donc, en désignant par d la densité absolue de
l’éther ( 1),
P = Y d.
Il vient alors
e = V- d ,

Telle est la formule de Newton (*).


La célérité de la lumière dans le vide est immense
puisqu’elle se chiffre par plusieurs centaines de milliers de
3
kilomètres par seconde ( oooookm par seconde). On doit en
conclure que l’éther est doué d’une élasticité considérable
et d’une faible densité. «

Propagation dans les milieux transparents. — Consi-

(*) On appelle densité absolue d’une substance la masse de l’unité


de volume de celte substance.
( 2) Nous avons supposé dans cette démonstration que les réactions
élastiques développées dans l’éther résultaient de vibrations eïTectuées
dans les plans P, P', P", .... Mais cette hypothèse n’est pas nécessaire
et la formule de Newton subsiste indépendamment du mécanisme
particulier auquel on attribue ces réactions.
dérons maintenant la propagation par transparence et suppo­
sons, par conséquent, l’éther engagé dans un milieu déter­
miné, solide, liquide ou gazeux. La formule de Newton
pourra encore être appliquée, à la condition de tenir compte
des variations que la présence de la matière peut apporter à
l’élasticité ou à la densité de l’éther.
Or, nous avons déjà eu l’occasion de le dire, l’expérience
prouve que la lumière se propage moins vite dans l’eau que
dans l’air.
Si l’on se reporte à la formule de Newton on voit que l’in­
fluence des molécules matérielles est attribuable soit à une
diminution de l’élasticité de l'éther, soit à une augmentation
de sa densité, soit peut-être aux deux causes réunies.
Fresnel regarde l’élasticité de l’éther comme constante; sa
densité, au contraire, pourrait varier. Dans ce cas la dimi­
nution de célérité serait causée par l’augmentation de la
densité de l’éther due à la présence des molécules maté­
rielles.
On conçoit, en effet, que cette présence puisse donner lieu
à un surcroît d’attraction se traduisant par une augmentation
de densité.
Dans la théorie de Neumann et Mac-Cullagh, au contraire,
c’est la densité de l’éther qui est regardée comme constante,
l’élasticité étant variable. La présence de la matière aurait
donc pour effet de diminuer l’élasticité de l’éther.
De toutes manières la célérité des perturbations est amoin­
drie par la présence du milieu ( 1).

Réfraction. — Cette diminution de vitesse dans les milieux


transparents, une fois constatée par l’expérience, explique
aussitôt la réfraction.
En traversant la surface de séparation de deux milieux où
sa vitesse est différente, une onde plane quelconque change
de direction, c’est-à-dire subit une certaine déviation dans
sa propagation.
Cette déviation est d’autant plus prononcée que la diffé­
rence des vitesses dans les deux milieux est plus considé­
rable. C’est pourquoi, par exemple, un bâton en partie plongé
dans l’eau paraît brisé. D’où le nom de réfraction donné au
phénomène.
Soitv par exemple (f ig . 6), un faisceau de rayons parai-

( 1) Les expériences d’Otto Wiener conduisent à abandonner la théorie


de Neumann et Mac-Cullagh.
ièles SAS'B qui passe de l’air dans l’eau. Après réfraction,
ce faisceau est encore formé de rayons parallèles ARBR'.
Menons en A la normale à la surface de séparation des
deux, milieux. Les angles ¿et r satisfont à la loi de Descartes
sin i
—— — const. = n,
S10 7*

c ’est-à-dire que si l’on fait varier l’obliquité i du faisceau


incident, l’obliquité r du faisceau réfracté varie en même
. , .. . sinf
temps, mais de telle sorte que le rapport conserve une
valeur constante n qu’on appelle Yindice de réfraction du
second milieu par rapport au premier.
Fig. 6.

Dans le premier milieu (air) la surface d’onde est repré­


sentée par un plan <
j perpendiculaire à la direction des rayons.
Cette surface d’onde se déplace dans le sens SA avec une
vitesse V et il arrive un moment où elle atteint le point A
de la surface de séparation. Qu'arrive-t-il à cet instant?
Nous n’avons pas besoin de le savoir; attendons, en effet, que
l’onde ait complètement pénétré dans le second milieu (eau) :
la surface d’onde ? se propage maintenant suivant AR avec
une vitesse V'.
Considérons cette onde dans la position NB alors qu’elle
vient de quitter le point B. Cette même onde occupait un
peu auparavant la position AM. Qu’est-ce à dire? sinon que
les chemins MB et AN ont été parcourus pendant le même
temps l’un avec la vitesse V, l’autre avec la vitesse V'. Il faut
donc qu’on ait
MB _ AN
V — V' ’
48
c’est-à-dire
V _ MB
V' ~ AN ’

Or, dans les triangles rectangles AMB et ANB, nous avons :


MB = AB sin /,
AN = AB sin /*,
d’où
M B _ sin* _
AN sinr n
et, par suite,
V

Or Y est plus grand que V'; d’où il suit que n doit être
plus grand que i, c’est-à-dire i plus grand que r. Autrement
dit le faisceau doit se rapprocher de la normale en passant
de l’air dans l’eau. C’est, en eiiet, ce qui a lieu. La réfraction
est donc une conséquence immédiate de l’inégalité de la vi­
tesse de propagation dans les deux milieux contigus.

Dispersion. — La dispersion (voir p. 26) consiste essen­


tiellement dans ce fait que la réfraction des diverses couleurs
dans un milieu réfringent donné varie d’une couleur à l’autre.
Autrement dit, chaque radiation distincte possède dans le
milieu considéré un indice de réfraction particulier qui croît
du rouge au violet.
Comment interpréter ce résultat?
Si l’on suppose que le prisme soit placé dans le vide nous
aurons pour une couleur quelconque
V

V désignant la célérité de cette couleur dans le vide et V' sa


célérité dans le prisme.
Le numérateur V étant le même pour toutes les couleurs (*),
il faut en conclure que V7est variable d’une couleur à l’autre,
c’est-à-dire que, dans tout milieu transparent, chaque radia­
tion possède une vitesse de propagation propre qui va en

( ’) Les différences qui peuvent exister sont entièrement négligeables


devant les variations d'indice avec la couleur ( voir Chapitre VIII).
diminuant du rouge au violet. Ce sont donc les vibrations
les plus rapides qui se propagent le moins vite dans les mi­
lieux transparents. Nous n’insisterons pas sur cette question
qui dépasse les limites que nous nous sommes imposées dans
cet Ouvrage strictement limité à l’étude des ébranlements de
l’éther dans le vide.

Expression électromagnétique de la formule de Newton.


— Si l’on se place au point de vue électromagnétique il con­
vient de substituer aux coefficients mécaniques e et d qui
figurent dans la formule de Newton des coefficients élec­
triques ou magnétiques appropriés. A cet effet, écrivons la
loi fondamentale des actions électriques et magnétiques
établie par Coulomb

(O

dans laquelle f représente l’attraction ou la répulsion qui


s’exerce entre les deux masses électriques q et qr placées à
la distance r l’une de l’autre et

(2) f — K'

/ ' désignant l’attraction ou la répulsion qui s’exerce entre


les deux masses magnétiques m et m! situées à la distance /*.
Dans ces formules K et K' représentent des coefficients de
proportionnalité dont nous allons chercher la relation avec
l’élasticité e et la densité d du milieu.
Dans la théorie de Maxwell, les déformations élastiques
du milieu sont dues à la force électrique. Or celle-ci est pro­
portionnelle à K; il suit de là que e est également propor­
tionnel à K.
D ’autre part, on peut considérer les phénomènes magné­
tiques comme dus à des courants électriques d’autant plus
faciles à établir que la densité de l’éther est moindre. Si nous
considérons cette densité d comme inversement proportion­
nelle à K', la formulé de Newton devient :

V = G y/KK',

G désignant un coefficient de proportionnalité que Maxwell


a montré être égal à l’unité.
Sdentici, n° 9 . 4
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UNIVERSITY OF CALIFORNI
Au point de vue électromagnétique nous devons donc
écrire
V ^ y/K K 7.

Ondes électromagnétiques. — Les ondes issues d'un exci­


tateur ont une période T qui satisfait aussi à la formule

X— VT.

Cette période peut donc se déduire de la longueur d'onde X,


la vitesse de propagation V étant d’autre part connue et sen­
siblement égale à celle de la lumière, du moins si la propa­
gation a lieu dans le vide ou dans l'air (voir Chap. VII,
p. y l ).
Lorsque la période n’est pas trop petite on peut la déter­
miner directement par la ’méthode du miroir tournant (voir
p. 32 , Expériences de Feddersen).
Lorsque l’excitateur possède une forme géométrique simple
on peut aussi la calculer par la formule de Thomson

T = 2 - v/LC,

car L et C sont alors calculables.


Quoi qu’il en soit de la méthode de mesure, on sait réaliser
aujourd’hui des excitateurs donnant toutes les périodes depuis
T = oo jusqu’à T = de seconde. Elles correspondent aux
3
longueurs d’onde comprises entre X= oo et X — m,n. Si l’on
se reporte à l’échelle du spectre, on voit qu’il existe encore
3
toute une région comprise entre X = mm et X = omm,o6
pour laquelle les ondes correspondantes n’ont pu être réa­
lisées.
Cette région sépare les oscillations électromagnétiques
proprement dites des radiations spectrales les moins réfran-
gibles.

Tableau des radiations. — Nous réunissons dans le Ta­


bleau suivant l’ensemble des radiations observées jusqu’ici
et donnant lieu aux diverses formes de l’Energie radiante.
Malgré la diversité de leurs modes physiques de production
ou d’observation, ces radiations ne diffèrent entre elles que
par la valeur de la période de vibration T. Leur mécanisme
de propagation est identique et peut s’interpréter soit dans
la théorie de Fresnel, soit dans la théorie électromagnétique.
En particulier la célérité de ces radiations dans le vide ou
dans l’air est sensiblement indépendante de la période. Dans
un milieu quelconque, elle s’exprime par la formule de
Newton mise sous l’une ou l’autre forme :

v = \Æ
dont la première renferme les constantes mécaniques e et d
et la seconde les constantes électromagnétiques K et K' carac­
téristiques du milieu propagateur.
Dans le Tableau suivant N représente la fréquence, c’est-
à-dire le nombre de vibrations par seconde (N = ^ j •

Valeurs extrêmes de N
Radiations. Valeurs extrêmes de X- par seconde.
, mm mm
Electromagnétiques.. X = oo à 3 N = o à ioo billions
Inconnues................... X = 3 à 0 ,0 6
Infra-rouges............... X = 0 ,0 6 à 0 ,0 0 0 7 6 N = 5 à 3 g5 trillions
Lumineuses............... X = 0 ,0 0 0 7 6 à o,ooo4 N = 3 q5 à 'jSo trillions
Ultra-violettes........... X = 0,0004 à 0,0001 N = 750 à 3 ooo trillions
CHAPITRE IY.
LA VITESSE DE LA LUMIÈRE.

La détermination de la vitesse de la lumière a fait l’objet


de nombreux et importants travaux.

Essais de Galilée. — Galilée le premier a recherché par


l’expérience si la lumière se propage instantanément ou si,
au contraire, il lui faut un temps appréciable pour parcourir
une distance donnée ('J.
Sa méthode était la suivante :
Deux observateurs A et B, munis chacun d’une lanterne
et d’un écran, étaient placés à 20om l’un de l’autre. Il était
convenu qu’à un moment donné l’observateur A cacherait sa
lumière derrière son écran; l’observateur B devait à son tour
cacher la sienne dès qu’il verrait disparaître la première.
Si la propagation de la lumière n’est pas instantanée il
doit s’écouler un certain temps entre les disparitions des
deux lumières. Or, dans les expériences de Galilée, cet inter­
valle fut toujours inappréciable.

Les Académiciens de Florence. — Il en fut également


ainsi dans les essais tentés par les Académiciens de Florence
sur une distance de 2km.
Si donc la lumière ne se propage pas instantanément, sa
vitesse, du moins, doit être très grande.

Observations de Rœmer, 1675


. — En 1610, Galilée en
dirigeant une lunette vers le ciel découvrit les satellites de
Jupiter ( 2).
A chaque révolution autour de la planète, ces satellites(•)

(•) Le opéré d i Galileo G alilei; Firenzci, t. XIII, i 85 5 , p. 4 ^.


(2) La lunette venait d’ètre inventée. On sait qu’elle ouvrit un nou­
veau champ à l’Astronomie par la découverte des taches du Soleil, des
montagnes de la Lune, des phases de Vénus, etc.
s’éclipsent périodiquement dans le cône d’ombre qu’elle pro­
jette à l’opposé du Soleil.
Or, en 1676, l’astronome danois Rœmer, qui travaillait
alors à l’Observatoire de Paris, venant à comparer les instants
de ces éclipses à ceux indiqués par les Tables calculées par
Cassini, remarqua qu’au moment des oppositions les éclipses
devançaient les dates données par les Tables, tandis qu’elles
retardaient sur ces mêmes dates au moment des conjonc­
tions (*).
Il attribua ces écarts au fait que la lumière du satellite ne
se propage pas instantanément, et qu’il lui faut un temps
appréciable pour parvenir jusqu’à nous.
Or, au moment des conjonctions, la distance de Jupiter à
la Terre dépasse de tout le diamètre de l’orbite terrestre la
valeur de cette distance aux oppositions.
Rœmer conclut de là qu’il fallait à la lumière 22 minutes
pour parcourir ce diamètre égal au double de la distance de
la Terre au Soleil.

Calculs de Delambre. — Ce nombre est trop élevé, sans


doute parce qu’il a été déduit d’un petit nombre d’observa­
tions. En discutant, en effet, plus de mille éclipses du premier
satellite de Jupiter réparties sur un intervalle de i o années,4
Delambre trouva seulement 16 minutes 26 secondes et
4 dixièmes (*),
La valeur que Rœmer avait obtenue pour la vitesse de la
lumière (48ooo lieues) était donc beaucoup trop faible.

Aberration. — Ce phénomène, découvert par Bradley


en 1726, consiste en une déviation apparente des rayons lumi­
neux qui nous arrivent des étoiles (3).
Soit un observateur T se déplaçant dans le sens TT' avec
une vitesse v ( fig . 7).
Soit A un astre quelconque.
Tout se passe comme si, l’observateur étant immobile,
l’étoile se déplaçait dans le sens AA' avec la vitesse v.
Pour simplifier le raisonnement nous supposerons qu’il en
soit ainsi.
Désignons par V la vitesse de la lumière et par 0 le temps
qu’il lui faut pour parcourir la distance AT — D.

( 1) Hist, de VAcadémie des Sciences, t. I, 1676, p. 2¡ 3 .


( 2) Hist, de TAstr. mod., t. II, p. 653 , Paris, 1821.
( 3) P h il . Trans., t. XXXV, 1728, p. G37.
L’ébranlement lumineux lancé par l’astre à l’instant t où
il est en A se propage suivant la ligne droite AT avec la v i­
tesse Y et n’arrive à l’œil de l’observateur qu’au bout du

Fig. 7.
A ’**------ A

temps 6. Or, pendant ce temps l'étoile s’est déplacée d’ une


quantité A A '= ^ 6 , si bien que l’observateur la croit en A
dans la direction du rayon lumineux qu’il reçoit, tandis
qu’en réalité elle se trouve en A'.
Ainsi l’aberration a pour effet de déplacer, dans le sens du
mouvement de l’observateur, la position réelle des astres
d’une quantité AA' égale à

^xD .

Appliquons ce résultat au cas d’un observateur entraîné

Fig. 8.

autour du Soleil S par la rotation annuelle de la


Terre T (fig. 8).
L’aberration déplace la position réelle de l’étoile d’une
quantité EE' = ^ D, parallèle à la vitesse actuelle de la
Terre (D représente la distance des deux astres). Mais à
mesure que celle-ci parcourt son orbite, sa vitesse change
de direction, si bien que la position apparente E' de l’étoile
décrit autour de sa position réelle un tout petit cercle paral­
lèle à l’orbite terrestre; à chaque instant, la position appa­
rente de l’étoile sur ce cercle s’obtient en menant le rayon EE'
perpendiculaire à ST.
Le petit cercle d’aberration se projette sur la sphère céleste
suivant une ellipse dite ellipse d*aberration annuelle.
L’angle a sous lequel le demi-grand axe de cette ellipse est
vu du Soleil (ou de la Terre, ce qui revient au même étant
donné l’immense distance de l’étoile) s’exprime en unités
trigonométriques par le rapport
EE'
D ;
en remplaçant EE' par sa valeur on obtient
v

Cette quantité a porte le nom de constante d ’aberration.


On voit qu’elle est liée à la vitesse de la lumière par une for­
mule très simple d’où la valeur de celle-ci peut être tirée,
une fois la constante d’aberration connue par l’expérience.
Le Tableau suivant contient, en secondes d’arc, les valeurs
attribuées à cette constante par différents astronomes, à la
suite de mesures très précises :
Bradley............................................. 20, i j
Delambre.......................................... 20,255
Bessel................................................ 20,708
Richardson....................................... 20,456
Struve....................... 2 0 , 4 4 5 puis 20,463
Peters................................ ............... 20,45
Lundhal et Lindhagen................... 20,46
Gylden, Wagner et Nyren............. 20,49
Küstner............................................ i o , 3 i3
Lœwy et Puiseux............................. 2 0 ,4 4 5

Quel que soit, du reste, celui de ces nombres qu’on adopte,


la valeur qu’on en déduit pour la vitesse de la lumière
dépend de l’exactitude avec laquelle est connu le diamètre
de l’orbite terrestre. Ce diamètre est, en effet, nécessaire au
calcul de v qui entre dans la formule précédente.
La même objection est applicable aux résultats déduits
de l’observation des satellites de Jupiter.
Toutes ces méthodes donnent, d'ailleurs, des nombres assez
3
voisins de oooookm par seconde.

Méthodes physiques. — Pour obtenir plus de certitude


sur la valeur de Y il n’y avait qu’un moyen : s’affranchir de
l’emploi du diamètre orbital de la Terre ou de toute autre
distance céleste dont la valeur n’est pas connue avec une
précision suffisante.
On se trouvait ainsi ramené à l’idée d’opérer sur une dis­
tance terrestre, c’est-à-dire aux expériences de Galilée; mais,
en même temps, on retombait sur la difficulté qui avait
empêché ce physicien de réussir : l’extrême petitesse de la
durée à apprécier. Si l’on adopte, en effet, la valeur approxi­
3
mative ( oooookm par seconde) fournie par les méthodes
astronomiques, on voit qu’à une distance de kl", par 3
exemple, correspond une durée de propagation de l’ordre
du Tôo'ooo de seconde.
On est arrivé cependant à apprécier des intervalles de
temps aussi petits (bien plus petits même) et à résoudre la
difficulté précédente grâce à l’artifice de la roue dentée et à
celui du miroir tournant, sur lesquels nous avons mainte­
nant à nous expliquer.

Méthode de la roue dentée. — Imaginons une roue


dentée R pouvant tourner rapidement autour de son axe i
dans le sens indiqué par la flèche (fîg- 9)*
Supposons-la d’abord au repos et faisons passer un rayon
lumineux entre deux dents consécutives (ce rayon est per­
pendiculaire au plan de la roue).
A une grande distance de la roue recevons normalement
le rayon sur un miroir; il s’y réfléchit et, revenant sur lui-
même, passe de nouveau entre les deux mêmes dents pour
tomber enfin dans l’œil de l’observateur (que l’on suppose
placé du côté de la roue opposé au miroir).
Ceci posé, animons la roue d’une vitesse v telle qu’un plein
se substitue exactement à un creux pendant le temps que
met la lumière pour aller de la roue au miroir et en revenir.
Les rayons lumineux qui, au départ, ont traversé un cr e u x .
rencontrent un plein au retour et sont arretés. L’observateur
ne reçoit plus de lumière.
Si la vitesse de la roue est 2r, un creux remplace un creux
pendant le double trajet de la lumière que cette fois l’obser­
vateur reçoit tout entière au retour.
Pour des vitesses comprises entre v et 2u, l’observateur
ne reçoit évidemment qu’une partie de la lumière émise au
départ.
Si donc on augmente progressivement la vitesse de la roue,
à partir du repos, l’intensité de la lumière perçue par l’ob­
servateur passe par une série de maxima et de minima qui
se succèdent périodiquement.
Il est alors facile, étant connus la vitesse de rotation qui
correspond, par exemple, à une extinction de lumière, le
nombre de dents de la roue et la distance de celle-ci au mi­
roir, de calculer le temps employé à franchir cette distance.
Cette méthode a été d’abord mise en œuvre par Fizeau à
qui nous en sommes redevables.

Expérience de Fizeau, 1849. — Le dispositif adopté est


représenté dans la figure 9. Une source lumineuse S est

9
F'g* -
S'
j

disposée au foyer d'une lentille (1) qui transforme les rayons


issus de la source en un faisceau de rayons parallèles; ceux-ci
tombent sur une seconde lentille (2) puis sur une lame de
verre G à faces parallèles; dans ces conditions les rayons
réfléchis sur la face antérieure de la lame donnent en Sj
(symétrique de S') une image réelle de la source. Ils tombent
3
ensuite sur une lentille ( ) dont Sj est le foyer, de manière à
former un faisceau de rayons parallèles qui est reçu, à une
très grande distance, par une dernière lentille (4) au foyer
de laquelle est disposé un miroir M. Grâce à ce dernier les
rayons lumineux reviennent sur eux-mêmes en donnant lieu
à un faisceau de retour qui se superpose exactement au fais­
ceau d’aller. En rencontrant, au retour, la lame G, les rayons
s’y réfléchissent mais en partie seulement (comme à l’aller)
Tautre partie traverse la lame et arrive à l’œil de l’observa­
teur w. La roue dentée dont on voit le proBl à part est à dents
carrées; la largeur d’une dent est d’ailleurs exactement égale
à l’intervalle qui sépare deux dents consécutives.
On dispose cette roue en R', perpendiculairement au plan
de la figure et on l’anime d’une rotation progressive autour
de l’axe i. Dans cette rotation les dents et les creux de la
roue défilent alternativement en S, où se forme une image
réelle de la source et l’observateur w perçoit, à mesure que
la rotation s’accélère, une série de minima et de maxima
lumineux qui correspondent à des vitesses de rotation pro­
portionnelles à la suite des nombres entiers.
Considérons par exemple le premier minimum de lumière.
Pour la vitesse de rotation correspondante le temps employé
par Ja lumière pour parcourir le chemin S!MS, est égal au
temps employé par la roue pour tourner de l’angle a (voir
Jig. 9). C’est ce que nous allons exprimer.
Posons : S ,M S ,= 2 î/; désignons par Y la vitesse de la
lumière, par n le nombre de dents de la roue et par N le
nombre de tours qu'elle fait par seconde au moment du pre­
mier minimum de lumière; on aura
2 c i_ 1
"v ”
d’ou
4
V = : N nd.
La roue dentée était établie à Suresnes et le miroir à
Montmartre, c’est-à-dire à une distance de m (1). 8633
La rotation de la roue était obtenue par un mouvement
d’horlogerie à poids dont la vitesse pouvait être réduite à
volonté en agissant sur l’un des axes.
Par cette méthode Fizeau a trouvé pour la vitesse de la
35
lumière i oookm par seconde, valeur qui ne doit être con­
sidérée que comme approchée, la vitesse de rotation de la
roue n’ayant pas été mesurée avec assez de précision. Une
Commission nommée par l’Académie des Sciences devait
répéter les expériences de Fizeau en réalisant une plus
grande précision, mais l’appareil qu’elle avait fait construire
est resté inachevé.

Expériences de Cornu, 1872-1874. — La méthode de la


roue dentée a été reprise par Cornu qui a pu y introduire,

( 1) Comptes rendus, t. XXIX, iX',g, p. 90 et i 32 .

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grâce à une discussion approfondie des phénomènes, de
nombreux perfectionnements de détail (*).
Dans les expériences de Fizeau, en particulier, on n’arri­
vait jamais à l’extinction complète de la lumière mais à un
simple minimum d’intensité; cette circonstance était due à
•ce qu’une source lumineuse, si petite qu’elle soit, ne peut
jam ais être considérée comme rigoureusement réduite à un
point. Dans ces conditions, la durée totale d’émission à
travers les creux est nécessairement plus grande que la
durée de suppression par les pleins; d’oii résulte évidem­
ment un résidu de lumière qui ne permet pas d’atteindre
toute Ja précision désirable dans l’appréciation du phéno­
mène. Aussi Cornu employa-t-il des dents triangulaires; en
•disposant la source à une hauteur convenable par rapport
aux dents, il put réaliser l’extinction complète du faisceau.
En outre, il augmenta la distance des deux stations en
•opérant, d’une pari, entre l’Ecole Polytechnique et le Mont-
3
Yalérien, distants de io iom et, d’autre part, entre l'Obser­
vatoire de Paris et Montlhéry dont la distance est de 22910“ .
La sensibilité de la méthode se trouvait donc ainsi notable­
ment accrue.
Enfin, au lieu de s’appliquer à réaliser une vitesse de rota­
tion constante, ce qui est à peu près impossible, Cornu
préféra enregistrer soigneusement la loi du mouvement à
l ’aide d’un cylindre tournant sur lequel divers styles mar­
quaient d’autre part les secondes et les dixièmes de seconde.
Les deux séries d’expériences furent effectuées à l’aide de
la lumière Drummond. La première conduisit au nombre de
2985ookm
entaché d’une erreur systématique ultérieurement reconnue,
-et la deuxième à celui de
3oo 4ookm
considéré par l’auteur comme exact à près.

Expériences de Young et Forbes, 1882. — La méthode


employée par ces physiciens n’est qu’une simple modification
•de celle de la roue dentée (2).

( ' ) Journal de VÉcole Polytechnique, x l i v * cahier, 1*72, p. i ) 3 .


A nnales de P Observatoire de Paris (Mémoires), t. XIII, 187!).
(-) P h il . Trans., 1882.
Ils se servaient de deux miroirs inégalement distants de la
roue dentée et donnant lieu chacun à une image distincte.
Dans ces conditions il est facile de voir qu’à partir d’une
certaine valeur de la vitesse communiquée à la roue, l’inten­
sité lumineuse de l’une des images va en croissant tandis que
l’autre va en diminuant. Pour une valeur déterminée de cette
vitesse on arrive à réaliser l’égalité d’éclat des deux images.
La mesure dépend donc d’une observation photométrique.
Il existe alors une relation simple entre les distances des
miroirs à la roue, le nombre de dents, la vitesse de rotation
et enfin la vitesse inconnue de la lumière. On en déduit la
valeur de celle-ci.
Les expériences ont été réalisées à Wemyess Bay, près
de l’embouchure de la Clyde.
La vitesse de la roue était mesurée chronographiquement.
Young et Forbes ont ainsi obtenu la valeur de
3oi382km.
Expériences de Perrotinftl900-1902. — Ces expériences
ont été réalisées avec les appareils et sur les conseils de
Cornu sur une distance d’environ i2km pour les essais préli­
minaires (Observatoire dç.Nice, village de la Gaude) et
46
de km pour les mesures définitives (Observatoire de Nicer
Mont Vinaigre dans l’Estérel).
Le nombre obtenu ( résultant au total de près de 2600 me­
sures) est de 299880*^“ , dont l’auteur évalue l’incertitude
5
à ok,n au plus.

Le miroir tournant. — Le miroir tournant a été imaginé


en i 834par Wheatstone et appliqué par lui à la mesure de
la vitesse de l’électricité ( 1).
Les résultats obtenus l’engagèrent à proposer la nouvelle
méthode pour comparer la vitesse de la lumière dans l’air et
dans l’eau. La possibilité de ces expériences est nettement
indiquée dans diverses lettres adressées à plusieurs savants
et, en particulier, à Arago.
En 1839, celui-ci exposa, dans les Annales de Chimie et
de Physique, le détail des expériences qu’il proposait de
réaliser pour trancher définitivement la question. Mais sa
vue affaiblie ne lui permit pas de les exécuter.
D’ailleurs, dans son procédé, qui ne différait en rien du

( ' ) Phil. Trans., 1834 , p. 583; voir plus loin, p. 68.


procédé primitif appliqué par Wheatstone à la mesure de la
vitesse de l’électricité, la lumière devait être instantanée et,
pour saisir le faisceau réfléchi, il aurait fallu tout autour
du miroir divers observateurs munis de lunettes. En répétant
l’expérience un grand nombre de fois on pouvait espérer
que l’étincelle finirait par éclater au moment précis où le
miroir se trouvait dans une position qui lui permît de ren­
voyer la lumière dans la lunette de l’un des observateurs.
C ’était évidemment là une difficulté qui compliquait sin­
gulièrement l’observation.
Fizeau et Foucault l’ont résolue, ou du moins tournée,
grâce à un artifice ingénieux que nous allons exposer ( 1).
Imaginons, en effet, que le miroir m (f i g . 10) soit d’abord
au repos et qu’un rayon lumineux SO issu d’une source con-

Fig. 10.

tin u e quelconque S, après s’y être réfléchi, tombe sur un


second miroir M, concave et fixe, dont le centre de courbure
se trouve en O.
Le rayon considéré se réfléchit normalement sur M,
revient sur lui-même et, après s’être réfléchi une deuxième
fois sur m, vient donner en S une image de la source qui
se confond avec la source elle-même.
Mais si le miroir est animé, dans le sens de la flèche, d’une
rotation assez rapide pour qu’il ait le temps de se déplacer
d’un angle sensible pendant que la lumière exécute le
chemin OAO, le rayon lumineux, rencontrant au retour le
miroir dans une position qui n’est plus la. même qu’à l’aller,
vient donner en S' une image de la source qui ne se confond
plus avec celle-ci. Le déplacement SS' varie évidemment en

( J) Cet artifice a été proposé par Bessel.


sens inverse de la vitesse de la lumière et peut servir à la
mesurer. Pour qu’il soit appréciable, il faut, en général,
communiquer au miroir une vitesse de plusieurs centaines
de tours par seconde.
Le dispositif adopté était le suivant :
Une source lumineuse S, disposée en avant d’une lentille L,
donne en S', conjugué de S par rapport à la lentille, une image

Fig. ii.

réelle. Mais on empêche cette image de se former en interpo­


sant en m un petit miroir plan qu’on peut animer d’une
rapide rotation autour d’un axe O situé dans son plan et per­
pendiculaire au plan de la figure. Supposons que ce miroir
soit d’abord immobile. Sa présence donne lieu en S, (symé­
trique de S' par rapport au plan m) à une image réelle de la
source.
On dispose en Si un miroir concave M ayant O pour centre
de manière à donner lieu à un faisceau de retour qui se
superpose exactement au faisceau d’aller, se réfléchit sur m ,
traverse L et vient donner en S une image de la source
superposée à cette source même.
Mais si Ton communique au miroir m une vitesse de
id g,
rotation suffisante pour que, pendant le temps -ÿ- employé
par la lumière pour parcourir le chemin O S,O , il ait eu le
temps de tourner d’un angle appréciable a, le faisceau de
retour rencontrant le miroir dans une nouvelle position m r
ne vient plus donner en S une image réelle de la source.
Pour obtenir la nouvelle image S", il suffît de considérer le
point S, symétrique de S, par rapport au plan m! , puis de
tracer l’axe secondaire Si CS* relatif au point Si- L’image S"
doit se trouver, d’une part, sur cet axe secondaire et, d’autre
part, très sensiblement (l’angle 6 étant très petit), sur la per­
pendiculaire SS" élevée en S à l’axe principal de la lentille.
Nous poserons SS"= £ ; nous désignerons par N le nombre
de tours par seconde du miroir m .
Soient, en outre,
os; = O S '= O S 1= ^ ; oc= p; CS = r.

Le temps employé par le miroir pour tourner de l’angle a


a pour valeur ■ g. T et l’on a
1 2 7 üN
2d _ a
“V " “ 2^N;
d'où
4 ^N d
V=

Reste à évaluer ot en fonction de s. Nous observons pour


cela que, dans le triangle S', OC, nous avons (en remplaçant
les sinus par les arcs qui sont très petits) :
d
ë 2 a -6 ’
d’où
i _ 2d
a (d p) 0
D’autre part,
o = i.
r
Il vient donc
2 dr
a (d-j_p)c
et
y _ 8irNrf*r
(0 {d -H p)£

Si nous résolvons par rapport à £, il vient


8ttN d*r
(2) Z —
(rfï-p )V
On peut remarquer que cette expression est indépendante
de l’angle c’est-à-dire de la position du miroir M sur la
circonférence de centre O, mais qu’elle dépend, au contraire,
de V, c’est-à-dire de la vitesse de la lumière dans le milieu
qui sépare le miroir tournant du miroir fixe.
Supposons donc qu’on emploie simultanément deux mi­
roirs fixes M et M' et que, sur le trajet OM' relatif à l’un
d’eux, on dispose une colonne d’eau suffisamment longue. On
pourra, par ce procédé, comparer la déviation du rayon
ayant traversé la colonne liquide à celle du rayon qui s’est
propagé dans l’air.
Au moment d’appliquer cette méthode ses auteurs se sont
séparés sans qu’ils aient jamais fait connaître le motif de
cette séparation. Chacun de son côté exécuta des expériences
dont voici les résultats.

Expériences de Foucault, 1850 ( 1). — Foucault employait


un miroir actionné par une petite turbine mue par la vapeur.
La rotation de cet appareil était accompagnée d’un son plus
ou moins aigu suivant la rapidité avec laquelle elle avait lieu.
La hauteur du son était mesurée et servait au calcul de la
vitesse de rotation.
4
La colonne d’eau ayant m, Foucault trouva que la dévia­
tion du rayon qui l’avait traversée était supérieure à celle
de l’autre d’une quantité voisine de de millimètre, facile­
ment observable par conséquent.
La lumière se propage donc moins vite dans l’eau que dans
l’air puisque, d’après la formule (i), V varie en sens contraire
de s.

Expérience de Fizeau et Bréguet (*). — De son côté


Fizeau, qui s’était adjoint le constructeur Bréguet, arrivait
exactement au même résultat. Dans leurs expériences le mi­
roir était entraîné par un mécanisme d’horlogerie dû à Bré­
guet et capable de lui communiquer une vitesse de 2000 tours
par seconde. Pratiquement ils ont utilisé les vitesses de oo 5
à 600 tours par seconde.
A la suite de ces expériences décisives il n’y avait plus
lieu d’hésiter : la théorie de l’émission, formellement con­
damnée par l’expérience, fut définitivement rejetée.

(*) Comptes rendus, t. XXX, i 85 o, p. 55 i, et Annales de C h im ie


et de Physique, t. XLI, i 85 4 , P- *29.
( 2) Comptes rendus, t. XXX, i 85 o, p. 562 et 771.
Expériences de Foucault, 1862 0 ). — Ce n’est que dix
ans plus tard environ, que Foucault appliqua sa méthode à
la détermination de la vitesse absolue de Ja lumière dans
l’air. Cette fois la turbine entraînant le miroir était actionnée
par un courant d’air et la vitesse de rotation mesurée stro-
boscopiquement. De plus la longueur de la ligne d’expérience
était portée à 20mau moyen de réflexions successives sur des
miroirs concaves auxiliaires. Bien entendu le miroir M' et
la colonne d’eau étaient supprimés.
Le nombre ainsi obtenu par Foucault est de 298000*““ par
seconde, correspondant à un déplacement e = omm, 7.

Expériences de Michelson, 1879-1882. — La méthode du


miroir tournant a été appliquée dans des conditions bien
meilleures par Michelson, en augmentant encore le trajet
parcouru par la lumière ( 2).
Le déplacement SS' a pu être ainsi amené à la valeur con­
sidérable de om, 12 pour une distance OA 11= 6o5m,8.
32
Le miroir mobile était plan; il avait mm de diamètre et
était mû par une turbine à air. Sa vitesse se mesurait par
comparaison avec la période d’un diapason entretenu élec­
triquement. Les expériences ont eu lieu d’abord à Naval
Academy en 1879 et elles ont donné 299910 =b okm. 5
Elles ont été répétées en 1882 à Cleveiand avec un résultat
de 299853 zh 6okm.

Expériences de Newcomb, 1885. — Ce physicien employait


un miroir d’acier poli et nickelé en forme de prisme rectan­
85
gulaire de mm de hauteur sur 6,um de côté.
L ’axe de ce miroir pouvait être mû séparément par deux
turbines qui l’actionnaient successivement en sens contraire.
P ar cet artifice on doublait le déplacement de l’image en
même temps qu’on supprimait l’influence que pouvait avoir
sur le résultat la détermination plus ou moins exacte de la
position du zéro.
Cet appareil était installé à Fort-Meyer, sur la rive du
Potomac. Le miroir fixe fut placé d’abord à l’Observatoire
Naval, à une distance de 255
i m, puis à Washington-Monument
distant de 3721“ .

(*) Comptes rendus, t. LV, 1862, p. 5 oi et 792.


( 2) American Journal o f Science, t. XVIII, 1879, p. 3 go.
Scientia, n° 9. 5
Le résultat des mesures a été de 2g98ôokm, nombre que
3
Newcomb estime exact à okm près (*).

Méthode mixte. — Nous signalerons, en terminant, une


méthode proposée en 1887 (*) par Michelson et sur laquelle
il est revenu en 1902 (3). Cette méthode peut être considérée
comme une combinaison delà roue dentée et du miroir tour­
nant.. Elle consiste essentiellement à substituer aux pleins et
aux creux de la roue dentée les intervalles équidistants d’un
réseau d’optique f i x e sur lequel le miroir tournant projette
normalement le faisceau issu de la source. Une telle com­
binaison doit se comporter comme une roue dentée dont le
rayon serait égal à la distance qui sépare le réseau du miroir,
l’écartement des dents étant représenté par l’intervalle de
deux traits consécutifs du réseau. Or cet intervalle est de
l’ordre du de millimètre au moins.
On conçoit le degré de précision qu’on doit ainsi pouvoir
atteindre. En disposant le miroir fixe de la deuxième station
3
à km seulement de la première, Michelson estime que la
vitesse de la lumière pourrait être obtenue avec une erreur
5
absolue de km au plus. Malgré tout l’intérêt que présen­
teraient ces expériences il ne paraît pas qu’elles aient été
encore réalisées.

Résultats . — Les déterminations les plus précises, celles


où l’on s’est efforcé, avec succès, de détruire ou de corriger
les nombreuses causes d’erreur que comportent des mesures
aussi délicates, paraissent être, pour la roue dentée, celle de
Perrotin et, pour le miroir tournant, celle de Newcomb.
Si nous rapprochons les résultats obtenus par ces expéri­
mentateurs, nous trouvons :
Perrotin (roue dentée)................... 299880 ± 5 ok,n
Newcomb (miroir tournant)........... 299860± 3 okra

Ces nombres sont relatifs à la propagation de la lum ière


dans le vide. Ils ont été obtenus en multipliant par i,o o o 3
(indice de Pair par rapport au vide) les nombres relatifs à
l’air directement fournis par l’expérience.
La concordance des résultats est absolument remarquable

(*) Astronomical Papers, part. I ll et IV, i 885 .


(,3) American Journal, t. XXXIV, 1887.
( 3) P h il. M ag., t. I ll, 1902, p. 33 o.
si l’on a égard surtout au caractère radicalement distinct des
deux méthodes employées et aux difficultés considérables que
présente leur application.
La moyenne des deux valeurs précédentes est de
299870*“ ,

et les valeurs extrêmes, compatibles avec les approximations


indiquées, respectivement de
29993okm et 29983okm par seconde.
CHAPITRE V.
LA VITESSE DE L’ÉLECTRICITÉ.

Premiers essais. — Les premiers essais relatifs à la vitesse


de l’électricité le long des conducteurs métalliques semblent
dus à Deluc. Il déchargeait une bouteille de Leyde dans un
circuit comprenant d’une part les tuyaux de conduite des
eaux de Genève et d’autre part un fil d’archal servant au
retour de l’électricité. Il conclut de ses expériences que la
vitesse de ce fluide était trop grande pour pouvoir être
mesurée.
En 1748» de nouveaux essais sont réalisés en Angleterre
par Watson et conduisent au même résultat. Le circuit com­
prenait un fil de fer de 2 milles de Jong (environ35 oo mètres)
et se fermait par le sol.
Ces résultats négatifs n’ont rien qui puissent nous étonner.
Aujourd’hui que nous connaissons la valeur énorme de la
vitesse de l’électricité, nous pouvons voir que la durée de
propagation dans les circuits de Deluc et de Watson était de
l’ordre du 100100-p de seconde; or, à cette époque, on ne con­
naissait pas de méthode capable de mettre en évidence une
aussi petite fraction de temps.
Wheatstone, en créant la méthode du miroir tournant qui
permet d’apprécier des durées extrêmement petites, a rendu
possible la démonstration de la propagation successive de
l’électricité et donné en même temps le moyen d’en mesurer
la vitesse.

Principe du miroir tournant. — Il s’agit, en somme, de


déceler la non-simultanéité de deux phénomènes, très voisins
l’un de l’autre dans le temps. Supposons qu’il s’agisse de deux
2
étincelles et e situées sur une même verticale. Examinons
leurs images par réflexion dans un miroir M animé d’une
rotation rapide autour d’un axe vertical AB et supposons,
pour simplifier le raisonnement, que chaque étincelle soit
instantanée, c’est-à-dire de durée infinitésimale. Au moment
où la première éclate, un observateur convenablement placé
voit apparaître l’image e[ de cette étincelle; cette image se
réduit à un point lumineux qui persiste dans l’œil pendant
Tq de seconde (durée de la persistance des impressions réti­
niennes). Quand éclate la seconde étincelle Ie miroir M,
si sa vitesse est assez grande, a tourné d’un angle a sensible,

Fig. T2.

et l’image e'2 de cette seconde étincelle au lieu de se faire


sur la même verticale que e2 est déplacée latéralement d’une
quantité qui, d’après une propriété connue, correspond à
une rotation angulaire 2a du rayon réfléchi.
En vertu de la persistance des impressions lumineuses sur
la rétine, la première image n’a pas disparu quand apparaît la
seconde. Elles semblent donc coexister simultanément et il
est facile d’apprécier entre elles un déplacement latéral même
très petit.
Bien plus, la mesure de ce déplacement, si la vitesse du
miroir est connue, peut permettre d’exprimer en fraction de
seconde l’intervalle de temps qui sépare les deux phénomènes.
Si les deux étincelles ne sont pas instantanées, chacune
d’elles apparaît dans le miroir sous la forme d’une traînée
lumineuse d’autant plus allongée que la durée de l’étincelle
est plus considérable, et il suffit de mesurer le déplacement
relatif des têtes des deux traînées pour avoir la durée qui
sépare le commencement de chacun des phénomènes consi­
dérés.
On voit qu’il est nécessaire d’animer le miroir de vitesses
d’autant plus considérables que la durée à mettre en évidence
est plus petite.
Si les deux étincelles à comparer ne sont pas sur une même
verticale, il faut faire tourner le miroir autour d’un axe
parallèle à la droite qui les joint; pour des raisons d’ordre
expérimental qu’on devine aisément on s’arrange de manière
que cet axe soit vertical ou horizontal.

Expériences de Wheatstone, 1834 (*). — Considérons le


3
circuit ABCDEF ( f i g . i ) présentant trois coupures en e,, e2

Fig. i3.

et 3. Faisons communiquer les extrémités A et F de ce cir­


cuit avec les armatures d’une bouteille de Leyde; ceHe-ci se
décharge en donnant naissance à trois étincelles eh ej, e3.
La question est de savoir si ces étincelles sont simultanées
ou successives et, dans ce cas, quel est l’intervalle de temps
qui les sépare.
Le miroir tournant étant au repos et son axe parallèle à la
ligne des étincelles, on aperçoit au moment de la décharge,
si l’on a soin de se placer convenablement, trois petits points
lumineux qui sont les images des étincelles.
Si l’on met le miroir en mouvement, les trois points lumi­
neux s’allongent dans le sens de la rotation et l’on obtient
l’image suivante

preuve que les étincelles ont une durée appréciable. A mesure


que la vitesse augmente ces traits s’allongent de plus en plus
et, à un moment donné, on constate que celui du milieu
commence par retarder sur les autres; ce retard s’accentue
au fur et à mesure que la rotation s’accélère.

( ’ ) P h il. . , p. 583.
Trans., 18 34
Google
L ’aspect de l’image totale est alors celui-ci

ou cet autre

suivant le sens de la rotation du miroir.


Il résulte immédiatement de là que la propagation de l’élec­
tricité n’est pas instantanée. De plus cette expérience montre
que l’hypothèse par laquelle on considère le courant comme
allant du pôle -+- au pôle — est tout à fait arbitraire. En effet,
si elle était exacte on devrait obtenir un dispositif analogue
au suivant I | , ce qui n’a pas lieu; le mouvement qui con­
stitue le courant a donc lieu aussi bien du pôle -h au pôle —
que du pôle — au pôle -k
Le miroir de Wheatstone était en acier poli de 2cm,5 de
diamètre. Il tournait (800 tours par seconde) autour d’un
axe horizontal et sa vitesse de rotation était déduite de la
hauteur du son engendré par une carte frappée à chaque tour
par un index fixé à l’axe.
Chacun des fils BC et DE avait 4o2m de longueur. Wheats­
tone trouva, en appréciant à l’œil le déplacement des images,
qu’il fallait iyylyôô de seconde à l’électricité pour parcourir
cette distance.
Il en déduisit que la vitesse de l’électricité dans le fil de
cuivre était égale à
402 x i 15 2 0 0 0 ™ par seconde,

soit en chiffres ronds


463oookm par seconde.
Un calcul semblable lui fit constater que la durée de chaque
étincelle était d’environ yioôô de seconde.

Méthode des longitudes. — La méthode dont nous allons


parler, de beaucoup plus simple que la précédente, ne put
cependant être imaginée qu’une fois la télégraphie électrique
inventée et les lignes aériennes complètement installées.
Qr, la découverte d'OErstedt n’eut lieu qu’en 1820 et ce
n’est guère qu’à partir de 1837 que le télégraphe électrique
commença à fonctionner régulièrement.
C’est pourquoi, historiquement parlant, la méthode des
longitudes vient après celle du miroir tournant.
Supposons qu’on détermine télégraphiquement la différence
de longitude de deux observatoires astronomiques, l’une des
stations transmettant électriquement à l’autre l’instant du
passage d’une étoile connue à son méridien.
Puisque l’électricité se propage avec une vitesse finie, on
doit trouver un écart entre la différence réelle de longitude,
mesurée par les méthodes astronomiques, et la différence
ainsi évaluée. Cet écart représente la durée de propagation
de l’électricité le long de la ligne et peut servir à mesurer la
vitesse de cette propagation.
Cette méthode a été effectivement appliquée entre :
Philadelphie et Cambridge par Walker en 1849 (*)>
Cincinatti et Pittsburg par O’Mitchell en i o (*); 85
Washington et Saint-Louis par Goulden 1 1 (3); 85
Greenwich et Edimbourg, Greenwich et Bruxelles par les
astronomes de ces stations.
3
Walker avait trouvé ooookm environ pour la vitesse de
l’électricité dans le fer.
O’Mitchell obtenait de son côté 456
ookm et Gould une
série de valeurs comprises entre i 758
okm et 3898okm dans le
même métal. Quant aux astronomes deGreenwich ils opéraient
sur le cuivre et ils ont trouvé i2 200km entre Greenwich et
43
Edimbourg et oo seulement entre Greenwich et Bruxelles.
Remarquons qu’une partie de cette ligne était immergée dans
l’eau.
Ces divergences et ces faibles valeurs nous seront expli­
quées plus loin.

Expériences de Fizeau et Gounelle, 1850. — Le principe


de ces expériences est entièrement semblable à celui que
nous avons exposé à propos de la vitesse de la lumière parla
méthode de la roue dentée ( 4).
La figure dispensera d’une longue description des appareils.
Elle représente schématiquement le dispositif adopté.
R est une roue de bois portant des secteurs en platine (la
figure n’en porte que huit; ils étaient en réalité au nombre

( 1) Sillim an Journal, 1849, t. VII, p. 206 et t. VIII, p. 142.


( 2) Poggendorjf’s Annalen, t. LXXX, i 85 o, p. 161.
( 3) Sillim an Journal, t. XI, p. 67 et i 53 .
( ') Comptes rendus, t. XXX, p. 437.
de dix-huit). Ces secteurs communiquent métalliquement
entre eux de la manière indiquée par le dessin.
Le courant, partant, par exemple, du pôle positif de la
pile P, arrive au balai A' en communication avec le balai A

Fig. 14.

et se propage dans la ligne AE; il revient ensuite au sol par


3
le chemin Ep( 'S', le circuit E 'fy'z' n’étant pas fermé.
Faisons tourner la roue avec une grande rapidité.
Soit x la ^ partie de la durée d’une rotation, c’est-à-dire
la moitié du temps qui sépare deux interruptions consécu­
tives du courant dans la ligne.
[3
Supposons que la durée T du trajet AEy ou A E soit un
multiple pair de t .
A son retour l’électricité trouvera le disque dans une posi­
tion analogue à celle de la figure et l’électricité reviendra au
3
sol par la ligne ¡ ' S'. Si, au contraire, T est un multiple
33
impair de x, le circuit E{ j 'S' étant ouvert, l’électricité
reviendra au sol par le chemin fermé E-pf^- Pour une vitesse
intermédiaire le courant de retour se partagera entre les
3
deux fils ¡ ' S' et y V .
Si l’on imagine que les deux fils soient enroulés sur un gal­
vanomètre différentiel on voit que la déviation de celui-ci
doit passer par une série de maxima et de minima (ces der­
niers théoriquement nuis) à mesure que la rotation du disque
s’accélère. Le nombre de maxima et de minima réalisés à
partir du repos, indique, d’ailleurs, la valeur du multiple
de x qui représente la durée de propagation T dans le cir-
cuit; t étant connu ainsi que la longueur du trajet parcouru,
on a tous les éléments nécessaires au calcul de T , et par
suite de Y.
Fizeau et Gounelle ont opéré, par ce procédé, sur deux
lignes télégraphiques : celle de Paris à Amiens, toute en fer,
34
longue de 1 km, et celle de Paris à Rouen (288km, partie en
fer, partie en cuivre).
Ils trouvèrent ioooookm pour la vitesse dans le fer et
i8ooookm pour la vitesse dans le cuivre.

Expériences de MM. Guillemin et Burnouf, 1854 (*). —


Une méthode analogue à la précédente a été employée par
MM, Guillemin et Burnouf sur la ligne télégraphique de Tou­
64
louse à Foix, longue de i km. Ils ont obtenu dans le cuivre
la valeur de i8ooookm.

Expériences de Siemens, 1875 (2). — Le dispositif employé


par ce physicien est identique à celui dont s’est servi plus
tard Blondlot ( 3); seulement il ne prenait aucune précaution
spéciale pour que la décharge fût oscillante. Le départ et
l’arrivée de l’électricité étaient signalés par deux étincelles
qui éclataient à la surface d’un cylindre métallique recouvert
de noir de fumée et animé d’une vitesse de rotation connue.
Par ce proçédé, Siemens obtint dans le fer une série de
25 6
valeurs comprises entre 202Ôookm et o ookm.

Examen critique des expériences précédentes. — Ce qui


frappe surtout dans les résultats qui viennent d’être exposés,
ce sont les divergences considérables qu’ils présentent et qui
semblent indiquer que la vitesse de l’électricité, au moins
dans les conditions des expériences, n’est pas une quantité
bien définie.
C’est ce qui résulte nettement, du reste, des expériences
de M. Fizeau. Ce physicien a constaté, en effet, que la per­
turbation électrique produite à l’extrémité du circuit se pro­
page en s’estompant pour ainsi dire le long du circuit, de
manière à occuper sur le fil une étendue d’autant plus consi­
dérable qu’elle s’est propagée plus loin. En d’autres termes,

( ’ ) Ann. de Chim. et de Phys., t. LX, i860, p. 385 .


( 2) Pogg. Ann., t. CLVII, 1876, p. 3 oq.
(3) Voir plus loin, p. 83 .
cette perturbation occupe sur le fil une étendue plus grande
à l’arrivée qu’au départ (f i g . i5).
^Ce curieux phénomène, que Fizeau a appelé diffusion du
couran t, a été découvert par ce savant en remarquant que
les déviations de l’aiguille de son galvanomètre différentiel

Fig. i 5 .
___ A __________ ,__ E l______
9 * -------- ► 9’ *'

n’étaient pas périodiquement nulles (ce qui aurait eu lieu si


la perturbation avait conservé son étendue en se propageant),
mais présentaient seulement des minima périodiques non nuis.
Dès lors que fallait-il entendre par vitesse de l’électricité?
Etait-ce celle de la tête de la perturbation ou celle de la
queue?
Comment, d’ailleurs, mesurer ces deux vitesses?
Toutes ces questions devenaient inutiles et le problème
bien défini si l’on arrivait à supprimer la diffusion du cou­
rant, ou, tout au moins à la rendre pratiquement négligeable.
La théorie montre que ce phénomène importun est dû à la
résistance que le fil oppose au passage du courant. Mais il
est impossible de supprimer cette résistance sans supprimer
le fil lui-même et il semble qu’on soit acculé à une im­
possibilité. Cependant il est un cas, indiqué par la théorie,
dans lequel la vitesse de propagation devient une quantité
bien définie; c’est celui où la perturbation est constituée par
un phénomène alternatif très rapide. Dans ce cas, en effet,
le résidu que laisse derrière elle la tête de la perturbation
est d’autant plus faible que la période est plus courte.
Si donc, au lieu de produire à l’origine du fil une simple
pulsation électrique, on y excite un mouvement oscillatoire
très rapide de l’électricité, la propagation sera exempte de
diffusion et la célérité bien définie.
Dans ces conditions, nous le savons, la propagation de
l’électricilé prend la dénomination plus précise de propaga­
tion de l’onde électromagnétique; mais ces conditions ne
pouvaient être réalisées qu’une fois découvertes les oscilla­
tions de Hertz.
Néanmoins Maxwell ayant montré que la célérité de l’onde
électromagnétique est numériquement égale au rapport

v — ~ de l’unité électromagnétique à l’unité électrostatique
de quantité d’électricité, cette célérité a pu être déterminée,
sous la forme du nombre v do Maxwell, c’est-à-dire indirec­
tement, bien avant la sensationnelle découverte de Hertz.
Le Chapitre VI est consacré à la mesure indirecte ( nombre v
de Maxwell) et le Chapitre VII à la mesure directe de la célé­
rité de l’onde électromagnétique.
CHAPITRE VI.
/I LE NOMBRE V DE MAXWELL.

Divers systèmes d’unités. — Toutes les grandeurs élec­


triques et magnétiques peuvent s’exprimer en fonction de
l’une d’elles et de quantités géométriques ou mécaniques
convenables.
11 suffit donc, les unités géométriques et mécaniques étant
préalablement définies, de définir à nouveau une seule unité
électrique ou magnétique pour que toutes les autres soient
parfaitement déterminées.
On pourrait constituer ainsi autant de systèmes d’unités
qu’il y a de grandeurs électriques ou magnétiques distinctes.
Mais, en fait, on s’en tient à deux systèmes particuliers
que nous allons exposer.

Relation entre les coefficients de Coulomb. — Écrivons


les formules de Coulomb

(O /= K >

(2)

dans lesquelles/ représente l’attraction ou la répulsion qui


s’exerce entre les deux masses électriques q et q' séparées
par la distance r et f 1 celle qui s’exerce entre les masses
magnétiques m et mr séparées par la distance r f.
K et K' sont deux coefficients de proportionnalité.
Cherchons la relation que les lois de l’électromagnétisme
établissent entre K et K'.
Pour cela, rappelons-nous qu’un feuillet magnétique de
puissance exerce sur un pôle d’aimant la même action
q u ’un courant électrique d’intensité i qui parcourrait un
fil circonscrit au feuillet, pourvu qu’on ait entre <ï> et i la
relation
(3)
Or, l’intensité d’un courant est définie par la quantité
d’électricité qui traverse la section du fil pendant l’unité de
temps; i est donc de la forme —> q désignant une quantité
t
d’électricité et t un temps. D’autre part et, en vertu de sa
m
définition même, <ï>est de la forme - j > m désignant une masse
magnétique et / une longueur.
La loi fondamentale de l’Electromagnétisme exprimée
3
par ( ) devient alors :
4
( ) q l — K ' mt.

Si, d’autre part, nous faisons dans (1) et (2) q = q' et


m = m ' il vient

5
( )
•JY.

( 6) m—
y/K'
4
E11 portant ces valeurs dans ( ) nous obtenons

(7) y / K K ^ -^ iL

Or, les quantités r, r', /, t , /, / ' sont purement géomé­


triques ou mécaniques.
Elles peuvent être déterminées par l’expérience et leur va­
leur fixée sans ambiguïté une fois qu’on a adopté un système
d’unités géométriques et mécaniques.
Nous ferons choix du système G .G .S .
Il résulte de là que y/KK/ est une grandeur déterminée
possédant, dans le système C .G .S ., une valeur également
bien déterminée que nous désignerons par A.
Posons donc *
v/KÏGzzzA.
Pour nous éclairer sur la nature de A, remplaçons au second
membre de l’équation (7) toutes les longueurs par le même
symbole /, toutes les forces par le symbole / e t le temps par
le symbole t . Dans ces conditions il vient

Ainsi \/KK' est représenté par le quotient d’une longueur


par un temps. C’est donc l’analogue d’une vitesse. Pour
rappeler cette circonstance nous remplacerons désormais la
lettre A par la lettre v et nous écrirons

(a) \/KKr= v .

La quantité v s’appelle le nombre de M axw ell.

Principales unités électriques. — Ce sont : la masse élec­


trique ou quantité d’électricité q définie par la relation (5),
le potentiel électrique défini par

(8) V K —,
/•

5
c ’est-à-dire, en remplaçant q par son expression ( ), par

(9) v = v^ v . 7
et, enfin, la capacité C définie par

d’après (8).

Principales unités magnétiques. — Ce sont : la masse


magnétique ou quantité de magnétisme m définie par (6), et
le potentiel magnétique Y' défini par

(10) V '= K 'p ,

ou, en remplaçant m par son expression (6), par

(h )

Rassemblons toutes ces unités dans le Tableau suivant en


remplaçant symboliquement r' et f 1 par r et f qui sont res­
pectivement de même nature.

Quantité d’électricité... q = M
r -
9 A
Potentiel électrique---- V = /K y//
Avec
Capacité......................... c - L
v/k k 7 = P.
r y /f
Quantité de magnétisme m = —jdr i
t/K' _
Potentiel magnétique... V' = |/K' s/f I

Système électrostatique. — Si nous faisons K = i la


relation y/KK/ nous donnera YJ— v* et nous aurons établi
ce qu’on appelle le système d 'u n ités électrostatiques.

Système électromagnétique. — Si, au contraire, nous


faisons K '= i la relation y/KK'= v nous donnera K = v1 et
nous aurons établi le système d'un ités électrom agnétiques.
En faisant les substitutions on obtient le Tableau suivant :
Système
électrostatique. électromagnétique.

Masse électrique.....................
N
II

Potentiel électrique................. • • • v -
Capacité.................................... . . . C — r

Quantité de magnétisme.........
S

**
II

II

Potentiel magnétique............. . . . .
>

V '- p / /
II

Rapport des unités. — Imaginons qu’une même quantité


d'électricité soit exprimée successivement dans les deux sys­
tèmes. Soit q e sa valeur dans le système électrostatique et q m
sa valeur dans le système électromagnétique. Nous aurons,
d’après le Tableau précédent,

qc - = r \ [f, q m — '- S/ f .

Il suit de là que q m est v fois plus petit que qe. C’est donc
que Yunité électromagnétique de quantité d’électricité est
*>fois plus grande que Yunité électrostatique. Une remarque
analogue peut être faite pour les autres grandeurs qui
figurent au Tableau précédent. Le lecteur vérifiera aisément
que le rapport de deux unités correspondantes est toujours
représenté par une puissance très simple de v. La mesure du
nombre v pourra donc s’effectuer en évaluant successivement
dans l’un et l’autre système une même grandeur électrique
ou magnétique.

Diverses méthodes. — Trois méthodes principales ont été


effectivement appliquées à la mesure de v.
Elles consistent à comparer expérimentalement les valeurs
électrostatique et électromagnétique d’une quantité d'élec­
tricité, d’une force électromotrice ( ! ) ou d’une capacité. On
peut y ajouter la méthode plus récente des oscillations élec­
triques que sa forme particulière met davantage en relief
mais qui se rattache au fond à celle des capacités.
La première méthode seule est indépendante de toute autre
mesure et complète par elle-même. Les deux autres exigent
la connaissance exacte d’une résistance (l’ohm) en valeur
électromagnétique absolue; mais, en elles-mêmes, elles sont
susceptibles d’une plus grande précision que la première.
Les déterminations du nombre v ont été extrêmement
nombreuses.
Pour le détail des expériences nous renverrons le lecteur
à l’intéressant rapport publié par M. Abraham au Congrès
international de Physique de 1900. Nous nous contenterons
d’en reproduire ici les conclusions.
Les déterminations qui paraissent les plus correctes sont
les suivantes :
Kilomètres
par
seconde.
Ili instad t ........................................................ 300070
Ro sa................................................................. 3 ooooo
J.-J. Thomson............................................ ‘299000
H. Abraham................................................ 299130
Pellat...................... 300921
Hurmuzescu.................................................. 3 o oi oo
P é r o t e t F a b r y .............................................. 299730

(*) Une force élcctromotricc s’exprime en unités de potentiel élec­


trique.
Soient ¿a, ü #t 9 .
82 CHAPITRE VI. — LE NOMBRE V DE MAXWELL.
Leur moyenne est de

3oooiokm par seconde.


Il est probable que cette valeur moyenne ne diffère pas
de la valeur vraie d'une quantité supérieure à On
qu’elle est représentée par un nombre très voisin de celui
qui exprime la vitesse de la lumière.
Les expériences ayant été faites dans l’air, il convient d'ef­
fectuer la réduction au vide par l'introduction du facteur
3
i ,ooo . On obtient ainsi
3oo iookm par seconde
pour valeur moyenne et, respectivemement :
3oo4ookm et 2998ookm par seconde
pour limites supérieure et inférieure probables du nombre v.
Les valeurs extrêmes
2999^okm et 29983okm par seconde
assignées à la vitesse de la lumière par les expériences les
plus soignées (voir p. 67) étant comprises entre les limites
précédentes, nous pouvons conclure, au degré de précision
des expériences :
Le nombre v de Maxwell est égal à la vitesse de la lu ­
mière dans le vide.
CHAPITRE V il.
VITESSE DE PROPAGATION DE L’ONDE ÉLECTROMAGNÉTIQUE.

Expériences de H. Blondlot, 1893. — La première mesure


de la vitesse de Tonde électromagnétique est due à M. Blon­
dlot qui l’exécuta en 1891. Nous y reviendrons tout à l’heure.
En 1893, il obtenait, par une méthode plus directe, une
deuxième valeur de la même quantité ( 1). Il opérait sur deux
lignes prêtées par la Direction des Postes et Télégraphes. Le
départ et l’arrivée de Yoscillation électrique (produite par
une bouteille de Leyde) étaient marqués par deux étincelles
dont on comparait la position dans le temps au moyen d’un
miroir tournant concave (*).
La rotation du miroir séparait, dans le sens du mouve­
ment, les images des deux étincelles. En recevant ces images
sur une plaque sensible on fixait le phénomène que l’on pou­
vait ensuite mesurer à la machine à diviser. De cette mesure
on déduisait le temps employé par l’oscillation pour parcourir
le fil et, par suite, la vitesse de la propagation.
Les nombres ainsi obtenus sont compris pour la première
ligne (longue de 1029“ ) entre 292iookm et 3o29ookm par
seconde, et pour la deuxième ligne (longue de i82im,4)
entre 2975ookmet 2985ookm.
Les moyennes respectives ont pour valeurs 2964ookra et
298 oookîU.
»
Expériences de M. Blondlot, 1891. —
Nous avons dit que
la première méthode employée par ce physicien n’était pas
aussi directe que la précédente. Voici, en effet, le principe
sur lequel elle repose ( 3).

( ‘) Comptes vendus, t. CXVII, i 8 g3 , p. 5 ^3 .


(2) Ce miroir était mû par une machine Gramme à aimants Jamin
actionnée par 28 éléments au bichromate. Sa vitesse, déduite de la hau­
teur du son d'axe, était comprise entre 233 tours et 309 tours par
seconde.
(3) Comptes rendus, t. CXIII, 1891, p. 628.
La quantité X connue sous le nom de longueur d'onde étant
égale, par définition, au chemin parcouru par Tonde pendant
la durée T d’une période, il suffira de connaître ces deux
quantités X et T pour obtenir, par une simple division, la
valeur de la célérité

Or, la demi-longueur d’onde égale l’intervalle qui sépare


deux nœuds consécutifs dans les phénomènes d’interférences.
Elle est déterminable expérimentalement.
Ici se présente une difficulté due à un phénomène parti­
culier connu sous le nom de résonance m ultiple et en vertu
duquel la distance des nœuds et des ventres électromagné­
tiques, soit dans l’espace, soit le long d’un fil, est variable
avec le résonateur qui sert à en déceler la présence; autre­
ment dit, la longueur d’onde expérimentale dépend du réso­
nateur employé; elle ne paraît pas dépendre, au contraire^
de l’excitateur.
Ce phénomène, complètement expliqué par MM. Poincaré
et Bjerknes ( 1), indique évidemment la présence dans le réso­
nateur d’une vibration propre de période parfaitement déter-

Fig. iG.

‘Y
m, £
v J
.r

minée, calculable par la formule générale des oscillations


dans un conducteur de faible résistance (formule de Thomson)

T = 2 TTv/LC,

période liée d’autre part à la longueur d’onde X par la rela­


tion (i ). C'est donc la période du résonateur et non celle
de l’excitateur qui devra être introduite dans cette relation
pour en tirer la valeur de V.

(') Voir Poincaiu:, loc. cit.. p. 4 7 - Pour la bibliographie et la partie


expérimentale, voir P kcombe, Annales de Chimie et de Physique.
7" série, t. \Y , i8p8, p. if)G.
Pour faciliter le calcul de la période, Blondlot donnait
à son résonateur une forme particulière : il le composait
( fig. 16) d’un fil métallique f f en forme de cadre rectan­
gulaire dont les extrémités communiquaient avec les arma­
tures d’un condensateur plan e. Le micromètre à étincelles
était en m.
Des fils de cuivre horizontaux MM' et NN' d’environ 25
m
de longueur (Jig. 17) étaient tendus parallèlement.
Un excitateur disposé au delà de MN envoyait des ondes
hertziennes dans la ligne. Le résonateur était installé en PQ

F ig . i 7 .

N 0 v; V N’

au voisinage des fils, mais sans contact avec eux. Un fil métal­
lique fxv jouait le rôle de pont et permettait de faire commu­
niquer entre eux les deux fils.
Lorsque le pont (av est placé assez près du résonateur, on
observe au micromètre un flux d’étincelles brillantes; en
éloignant peu à peu le pont, on voit ces étincelles s’affaiblir,
puis disparaître; en l’éloignant encore davantage elles repa­
raissent avec une intensité progressivement croissante; cette
intensité passe par un maximum, puis décroît jusqu’à s’an­
nuler à mesure que le pont s’éloigne et ainsi de suite. Les
positions du pont pour lesquelles le flux d’étincelles disparaît
correspondent aux nœuds de vibration du résonateur; celles
pour lesquelles le flux est, au contraire, maximum, corres­
pondent aux ventres. Le double de la distance de deux
nœuds (ou de deux ventres) consécutifs mesure la longueur
d’onde X propre au résonateur.
En divisant cette valeur de X par la valeur de T calculée
comme on l’a dit, on a la vitesse de propagation cherchée V.
La moyenne des résultats es«t de 3o2 2ookm par seconde.

Critique. — La méthode précédente est sujette à diverses


critiques relatives au calcul de la période T. Pour effectuer
ce calcul, on s’appuie en particulier sur une formule due à
Neumann, dont l’application entraîne ici des difficultés.
De ce fait, la valeur de la période se trouve entachée d’une
incertitude qui se reporte sur la valeur de la célérité.
Da ns les méthodes qui nous restent à décrire la période est
expérim entalem ent mesurée nin>i que la longueur d’onde.
La valeur obtenue pour la célérité e^t alors complètement
indépendante de toute formule et de toute hypothèse.

Mesure de la période. — La mesure directe de la période


ne peut se faire que par le miroir tournant, comme nous
l’avons vu pour les expériences de Feddersen. Or, à une p é­
riode d'oscillation de un millionième de seconde correspond
3
une longueur d'onde de oom. Si donc on ne dispose pas d’une
aussi grande étendue, et c’est ce qui a lieu le plus souvent, il
faut employer des oscillations plus rapides; mais alors, pour
les dissocier par le miroir, il faut des vitesses considérables,
ce qui entraîne de grandes difficultés mécaniques.
La solution du problème consiste donc à se placer dans
des conditions moyennes où la longueur d’onde ne soit ni
trop grande, ce qui en rendrait la mesure impossible, ni trop
petite, afin que l’oscillation puisse être analysée par un miroir
animé de vitesses pratiquement réalisables (*).

Expériences de Duane et Trowbridge, 1895 (2). — Un


premier circuit composé d’un condensateur à lames abc,

Fig. iS.
C'
t t■’
1 eu
w t // *
p I

1 y
1
b 1
1»' '
1 J
----------------------------------------- y

a 'b ! c' et de deux tiges de longueurs variables t et tf est


actionné par une bobine d’induction. L’étincelle de décharge
éclate en e. Ce circuit primaire joue le rôle d’excitateur.
Un circuit secondaire, composé des plaques P et P', des
deux longs fils parallèles f f ' et du micromètre m, est mis en

(1) Dkcombk, Sur la mesure de la période des oscillations élec-


trif/ues par le miroir tournant ( Comptes rendus, CXXVI, 189S. t.

p. n8 et t. CXXXII, 1901, p. 1037).


{■ ) American Journal of Science, t. XLIX, 1896, p. 297, et P hilo­
sophical Magazine, t. XL, 1895.
vibration par l’induction que le premier exerce sur lui. L’état
vibratoire des fils parallèles est étudié au moyen du bolomètre
dont les déviations mettent en évidence les nœuds et les
ventres de vibration.
Le circuit primaire possède une capacité relativement
grande et une self-induction faible; c’est l’inverse qui a lieu
pour le circuit secondaire. On conçoit donc qu’en réglant
convenablement la longueur des tiges t et t' on puisse réaliser
entre les deux circuits la condition

CL nz C 'L'

qui exprime, d’après la formule de Thomson, que leurs pé­


riodes de vibration sont égales. On dit alors que les deux
circuits sont à l’unisson.
On reconnaît que cette condition est réalisée à ce fait que
la différence des déviations bolométriques aux nœuds et aux
ventres présente une valeur maxima. Il est alors facile de
mesurer avec précision la distance de deux ventres consé­
cutifs. Le double de cette distance donne X.
D’autre part, on fixe sur une plaque sensible l’image de
l ’étincelle ni convenablement dilatée par un miroir tournant.
Les oscillations du secondaire étant, en général, peu amorties,
on obtient sur la plaque un nombre d’oscillations suffisam­
ment grand pour permettre une mesure précise de la période.
Les résultats obtenus par cette méthode s’expriment par
les nombres du Tableau suivant :

X zz: 58m, 88 ; t*>= 70 tours par seconde.


Par seconde.
km
V .................. ................................... 281900
V ...................................................... 281OOO
V ...................................................... 283 500
V ..................................................... 280800
V ..................................................... 280800
Moyenne V ................................ 281600

Les auteurs ont eu la curiosité de mesurer aussi la période


de l’étincelle primaire e et d’introduire sa valeur dans la
formule Y = — •
Ils ont ainsi obtenu
Y = 298800^,
valeur notablement supérieure à celle qui résulte de remploi
dans le calcul de la période secondaire. Ce désaccord prouve
que l’unisson des deux circuits laissait beaucoup à désirer.
Dans une deuxième série d’expériences la capacité du con­
densateur avait été notablement diminuée, afin d’amoindrir
en même temps l’amorlissement des oscillations primaires.
Cette précaution permettait une réalisation plus parfaite de
l’unisson. Le dispositif des appareils est indiqué par le
schéma suivant, où c représente le condensateur du pri­
maire :
9
Fig- ' -

6'

La présence de l’étincelle secondaire m produisant des per­


turbations gênantes pour la mesure de la longueur d’onde,
on la supprimait pour établir l’unisson (en amenant les
pointes du micromètre au contact), on mesurait X, puis on
rétablissait l’étincelle pour la mesure de la période.
Voici les résultats de cette deuxième série d’expériences :
V.
Kilomètres
par seconde.
m
5 0 , 7° 3o 3 o o o
5 6 ,70 3o 2 200
5 6 ,7 0 •29 23o o
5 6 ,9 0 3o o 000
5 6 ,9 0 3o 3 6 o o
5 6 ,9 0 299 600
5 6 ,6 0 3o i 4 o o
M oyenne...

Expériences de Saunders, 1896 C1). — Dans ces expé­


riences il y a encore un circuit primaire et un circuit secon­
daire disposés comme l’indique la figure 20.
La résonance des deux circuits est obtenuç de la manière
indiquée par Lodge; la longueur d’onde de l’oscillation

( l) Physical Review, t. XX, 1896, p. 81.


secondaire est alors égale à quatre fois la longueur du cir­
cuit (X = 40*
L’auteur a d’ailleurs préalablement vérifié cette formule
sur des circuits relativement courts. Le miroir, en acier poli,
avait été construit pour le professeur Michelson après ses
derniers travaux, sur la vitesse de la lumière. Son axe était
monté sur diamant et sa rotation obtenue par une turbine à

F ig . 20.

t A
JT ms
f'

air; sa vitesse était déterminée par la méthode strobosco-


pique appliquée sous une forme particulière.
Les résultats obtenus sont les suivants :

Tours
par seconde.
km
m to = 49,74a V = 293 400
X = 22 2 3 ,6 8
w = 74,613 V = 295 400
w = 49,552 V = 299 4oo
X= I 662,76
w = 74,328 V = 299800

w = 4 q , 55 a V = 299800
X= I 101,20 tu = 74,328 V = 299500
w = 99 j io4 V = 299 9 °°

La moyenne de tous ces nombres est de 298 200km par


seconde.

Célérité dans l’air. — Toutes ces méthodes donnent la


valeur de la vitesse de propagation de l’onde électromagné­
tique le long d’un fil métallique. Or, la lumière ne se propage
point par un mécanisme semblable. Elle rayonne librement
dans l’espace. Pour pouvoir comparer la vitesse de la lumière
à celle de l’onde électromagnétique, il faudrait que celle-ci
fût déterminée dans des conditions identiques, c’est-à-dire
dans une libre propagation à travers l’espace.
De nouvelles mesures ne sont pas nécessaires pour cela.
Les expériences de Sarasin et de la Rive (*), celles de
Dufour ( 2) et celles de Gutton (3), conformes du reste à la
théorie électromagnétique, ont établi ce fait que la célérité
de Tonde électromagnétique est la même dans la propagation
le long d’un fil et dans le libre rayonnement à travers un
milieu identique à celui qui entoure le fil.
Les nombres qui précèdent représentent donc la valeur de
la célérité de Tonde électromagnétique dans l'a ir. Les mé­
thodes physiques employées à la mesure de la vitesse de la
lumière donnent aussi la valeur de cette vitesse dans l’air.
Les deux séries de nombres sont donc directement compa­
rables. *
Cependant Mac Lean a préféré mesurer directem ent la
vitesse de propagation de Tonde électromagnétique daus l’air.

Expériences de Mac Lean, 1899. — La méthode est très


simple. Elle consiste à diriger sur un grand miroir métallique
plan les oscillations d’un excitateur situé à une assez grande
distance et à rechercher, au moyen du résonateur, les ondes
stationnaires qui se forment dans l’espace intermédiaire.
Afin d’augmenter la sensibilité, le résonateur employé
réunissait les propriétés du résonateur proprement dit et
celles du cohéreur. D ’ailleurs ses dimensions étaient exacte­
ment celles de l’excitateur, afin de réaliser au mieux les con­
ditions de résonance. Pour obtenir sa période (trop faible
pour être mesurée directement), on avait construit un second
excitateur dont la capacité était exactement quatre fois plus
grande et la self-induction cent fois plus grande que celles
du premier.
27
Sa période était donc (d ’après la formule T i=: c^/LC)
vingt fois celle de l’appareil utilisé dans les expériences, et
la méthode du miroir tournant pouvait en permettre la me­
sure.
Mac Lean a ainsi trouvé pour demi-longueur d’onde dans
l’air 2m,95 et pour période i ,976 x io~8 seconde.
D’où il déduit :

V = 299 iookm par seconde.

(') (Comptes rendus, t. CXV, 1892, p. 1277•


( -) Comptes rendus, t. CXVIII, 189L p. 1039.
( 3) Comptes rendus, t. CXXVIII, 1899, p. i5o8.
TABLEAU DES RÉSULTATS.

Blondlot, 1891...................................... 3o285o


Blondlot, 1893..................................... 296400
Blondlot, 1893..................................... 298000
Duane et Trowbridge, 1895..............
Duane et Trowbridge, 189D..............
Saunders, 1896.....................................
33
281600
oo oo
298200
Mac Lean, 1899.................................... 299100

Faute d’éléments convenables d’appréciation, il est difficile


d’évaluer l’approximation que comportent ces résultats, tous
relatifs à l’air. Il est certain qu’elle est bien inférieure à
celle réalisée dans la mesure du nombre v de Maxwell et,
plus encore, à celle obtenue pour la vitesse v de la lumière.
En tous cas, elle rend illusoire la réduction au vide.
On voit néanmoins que les nombres exprimant la célérité
de l’onde électromagnétique s’écartent assez peu des valeurs
moyennes de ç et de Y (voir p. 67 et 82) autour desquelles
elles paraissent sensiblement osciller. Autant que le com­
porte la précision des mesures la proposition fondamentale
de Maxwell se trouve donc vérifiée :
Dans le vide, la vitesse de propagation de l'onde• élec­
tromagnétique est égale à celle de la lumière.
Au meme degré d’approximation, cette proposition peut
évidemment être considérée comme applicable à la propaga­
tion dans l’air.
CHAPITRE VIII.
DE LA DISPERSION DANS LE VIDE.

Considérations générales. — Pour être rigoureusement


exacte la conclusion qui précède devrait être formulée d’une
manière un peu différente. Il conviendrait de dire : « La
vitesse de propagation de Fonde électromagnétique est sen­
siblem ent égale à celle de la lumière ».
Rien ne prouve, en effet, que cette égalité soit absolue et
qu’il n’y ait pas entre ces deux quantités un écart réel,
quoique petit.
Tout ce que nous savons des propriétés de Fonde lumi­
neuse et de Fonde électromagnétique nous a conduit à
admettre leur identité de nature; toutes deux sont dues aux
vibrations de l’éther; mais encore ne faut-il pas oublier que
les vibrations électriques obtenues jusqu’ici ne dépassent
3
pas oo billions par seconde, tandis que les vibrations lumi­
35
neuses comprises, du rouge au violet, entre q et 760 tril-
lions par seconde, sont au moins mille fois plus rapides.
Nous savons d’autre part que, dans les milieux transpa­
rents, la vitesse de propagation est fonction de la longueur
d’onde et que le rouge y va plus vite que le violet. C ’est le
phénomène de la dispersion (p. 48 ). Un phénomène sem­
blable existe-t-il dans le vide? La célérité y est-elle fonction
de la longueur d’onde? Et dans quel sens varie cette fonc­
tion ?
D’une part, l’incertitude qui subsiste sur la valeur de la
vitesse de la lumière blanche dans le vide peut être attribuée
à sa composition complexe et permet de supposer, entre le
rouge et le violet, une dispersion qui s’élève au plus au double
de l’erreur probable commise sur la valeur moyenne de cette
vitesse. D’autre part, les nombres obtenus soit indirecte­
ment (nombre v de Maxwell), soit surtout directement pour
la célérité de Fonde électromagnétique ne sont pas assez con­
cordants pour qu’on puisse affirmer l’égalité absolue de cette
quantité et de la vitesse de la lumière. Tous ces nom bres
laissent p la ce à une dispersion dans le vide .
En tous cas, cette dispersion si elle existe ne peut qu’être
faible et difficile à mettre en évidence.

Pratiquement et à un degré d 1approximation très élevé


on pourra adopter pour célérité dans le vide des radiations
3
de toute période le nombre de oooookm par seconde ( 1).

Observation des satellites de Jupiter. — C’est Newton


qui, le premier, semble avoir posé la question de savoir si
les rayons de différentes couleurs se propagent avec la même
vitesse dans le vide. Dans une lettre à Flamsteed (1691) il
indique l’observation des éclipses des satellites de Jupiter
comme pouvant résoudre la question.
Si le dernier rayon émis par le satellite reste blanc, c’est
que toutes les couleurs se propagent avec la même vitesse.
S’il y a dispersion, au contraire, et si cette dispersion a le
même sens que dans les milieux transparents, le dernier rayon
doit paraître violacé, car, alors, les diverses radiations simples
qui constituent la dernière pulsation lumineuse envoyée par
le satellite ne se propageant pas avec la même vitesse et le
violet arrivant après toutes les autres, l’impression finale doit
tirer sur cette couleur. A l’instant de l’émersion, au contraire,
le premier rayon qui atteint l’œil doit paraître rouge. Cette
dernière observation est plus difficile que la précédente,
l’impression rouge étant immédiatement suivie d’impres­
sions colorées diverses qui reconstituent du blanc, éblouissent
l’œil et effacent l’impression initiale.
Du reste, aux immersions et émersions, cette méthode n’a
donné aucun résultat, ce qui tient sans doute à l’atmosphère
jovienne qui empêche l’éclipse d’être brusque.
Arago a proposé une autre méthode qui consiste à observer
l’ombre portée du satellite sur la planète et à voir si cette
ombre est bordée de bandes colorées à ses bords antérieurs
et postérieurs. Bien que le contraste de la lumière avec
l’ombre du satellite facilitât l’observation, cette méthode n’a
également rien donné.

Observation des étoiles variables. — Arago a encore
proposé pour résoudre la question l’observation des étoiles
variables. La diminution d’intensité équivalant à une sup-

( 5) lit pratiquement aussi le même nombre pour la propagation


dans l’air.
pression de lumière, la couleur de l'étoile doit changer en
même temps que son éclat.
Les observations d’Arago sur Algol (¡3
Persée) ne lui ayant
donné aucun résultat, il avait admis que la dispersion n’existe
pas dans le vide. Il semblerait résulter cependant d’observa­
tions nombreuses dues à Schmidt que, pendant leur période
d'affaiblissement, les étoiles variables sont un peu plus rouges
que pendant l’augmentation d’intensité ( 1). D’autre part,
quelques observations de M. Belopolsky sur p Lyre tendent
à la même conclusion. La dispersion dans le vide serait
donc inverse de celle qu’on observe dans les milieux trans•
parents : le violet s’y propagerait plus vite -que le rouge.

Observation de MM. Young et Forbes. — Dans leurs expé­


riences relatives à la mesure de la vitesse de la lumière, Young
et Forbes ont fait une curieuse observation qui semble con­
firmer les observations précédentes.
Ils se servaient, comme nous l’avons vu, de la roue dentée
et cherchaient à réaliser l’égalité d’éclat d’images données
par deux miroirs placés à des distances différentes de la roue.
Or, l’image dont l’éclat diminuait à mesure que la roue
tournait plus vite paraissait colorée en bleu, tandis que
l’autre, dont l’éclat allait en croissant, paraissait rouge.
Le rouge et le bleu doivent être considérés ici comme deux
couleurs complémentaires dont la superposition reproduirait
la lumière blanche employée.
L’extinction et la réapparition du rouge précédant celles
du bleu, c’est-à-dire ayant lieu pour une vitesse de rotation
moindre, il faudrait en conclure que la vitesse de la lumière
rouge dans le vide est plus petite que celle de la lumière
bleue ( 2).
Mais les expériences ultérieures de Newcomb contredisent
cette explication et le phénomène observé doit être attribué
à une cause différente ( 3).

Observation des étoiles orbitales. — Les méthodes de


l’analyse spectrale, secondées par le principe de Doppler-

(’) Astronomische Nachrichten, t. XCVIII, p. 88.


(2) Et aussi que la valeur absolue de cette dispersion est supérieure
à la dispersion inverse due à l'air dans lequel la propagation a été
observée.
(3) Voir C ornu , Rapports présentés au Congrès international de
Physique de 1900, t. II, p. 225.
4
Fizeau, conduisent à attribuer à certaines étoiles variables
un mouvement orbital dont la période a pu être déterminée.
Elles donnent un nouveau moyen d’aborder la question.
Rappelons d’abord brièvement les méthodes et le principe
auxquels nous faisons allusion.

Analyse Spectrale. — Si l’on reçoit sur un prisme la


lumière d’un gaz ou d’une vapeur incandescente le spectre
obtenu n’est pas continu. Il est formé de raies brillantes
séparées par de larges intervalles obscurs. La couleur de
chaque raie est exactement celle de la région qu’elle occupe
dans le spectre; autrement dit : le spectre considéré ne
diffère du spectre continu (fourni par le même prisme) que
par l’absence des radiations qui occuperaient les intervalles
obscurs.
Le nombre des raies brillantes et leur disposition dans
l’étendue du spectre dépendent d’ailleurs des corps simples
qui existent dans le gaz ou la vapeur étudiée. C’est ainsique
l’hydrogène, le fer, le calcium, etc. sont caractérises par des
raies bien déterminées dont on peut repérer la position par
la longueur d’onde de la couleur dont elles occupent la place.
On sait aussi que la lumière des étoiles, analysée par le
prisme, donne un spectre, au premier abord continu, mais
dans lequel une observation plus attentive fait reconnaître
des raies obscures, très fines, qui occupent la position des
raies brillantes de l’hydrogène, du fer, du calcium, etc. Le
spectre observé est donc le négatif des spectres fournis par
ces divers corps simples. Ce résultat trouve son interpréta­
tion immédiate dans l’expérience classique du renversement
des raies spectrales et permet d’affirmer l’existence dans
l’atmosphère des étoiles, à l’état de gaz ou de vapeur, des
corps simples correspondants.

Principe de Doppler-Fizeau. — Pour certaines étoiles les


raies obscures dont nous parlons n’occupent pas rigoureu­
sement la place des raies brillantes des corps simples dont
elles manifestent l’existence dans l’atmosphère stellaire. Elles
sont toutes très légèrement déplacées dans le même sens
par rapport à ces raies brillantes. Ce déplacement, dont
l’extrême petitesse laisse subsister la disposition générale et
la répartition des raies dans le spectre, est attribuable comme
on va le voir au mouvement relatif de l’étoile par rapport à
l’observateur.
Considérons une source lumineuse S, une étoile par
exemple, animée dans la direction SS' d’un mouvement de
translation dont nous désignerons la vitesse par u.
Cette source émet des ondes qu’on peut considérer comme
planes à une grande distance du centre d’émission.
A l’instant initiai la source lumineuse est en S et elle émet
une onde O qui, au temps t, est parvenue à une distance
SA.= V t du point S.
Soit T la période de vibration, SS' = u T le chemin par­
couru par la source pendant le temps T.
A l’instant T, la source est en S' et elle émet une nouvelle

Fig. 21.

onde qui, au temps i + T, a atteint la position O' à une dis­


tance S'A ' = V ( t -h T) du point S'.
La distance de deux ondes consécutives est donc égale à
SA -f- u T sin cp— S'A',
c’est-à-dire, en remplaçant SA et S'A ' par leurs valeurs, à
T (Y -bu sin <p).
Le déplacement de la source par rapport à l’observateur a
donc pour effet de substituer à la longueur d’onde réelle
X — VT de la vibration une longueur d’onde apparente X'
donnée par la relation
À' = T ( Y -h u sin o).
Dans le cas où la source s’approche de l’observateur au
lieu de s’en éloigner, on trouverait par le meme procédé
X'— T (Y — u sin s).
Il y a donc pour chaque raie du spectre une variation
apparente de longueur d’onde, c’est-à-dire un déplacement
dans le spectre qui s’exprime par

T u sin cp,
c’est-à-dire par
X
— u sin cp,
puisque
X = VT.

C^est ce déplacement que l’on constate dans le spectre de


Quelques étoiles.
En le mesurant avec précision, on peut, V étant connu
ainsi que X, en déduire la valeur de wsincp.
Cette dernière quantité, qui représente la composante de
la vitesse relative de l’étoile le long du rayon qui va de
l’observateur à l’étoile, a reçu le nom de vitesse radiale.
En mesurant ainsi tous les jours les vitesses radiales de
certaines étoiles, on n’a pas tardé à remarquer qu’elles
variaient d’une manière continue et changeaient périodique­
ment de signe en passant par la valeur zéro.
Il faut donc admettre que l’étoile décrit une orbite, la
durée de sa révolution étant égale à l’intervalle qui sépare
les époques où la vitesse radiale est nulle.
La courbe obtenue en portant en abscisses le temps et en
ordonnées les vitesses radiales porte le nom de courbe des
vitesses radiales. Elle est évidemment de forme sinusoïdale.
Il nous reste à indiquer l’emploi de cette courbe pour la
solution de notre problème.
Ce rôle a été indiqué pour la première fois par M. Tikhoff.

Méthode de M. Tikhoff ( 1). — M. TikhofF a eu l’idée de


comparer les courbes des vitesses radiales de 8 Céphée et de
r, Aigle données par M. Belopobky aux courbes d’éclat des
mêmes étoiles, d’après Argelander, et il a constaté une coïn­
cidence remarquable entre les maxima et les minima pério­
diques de ces courbes, avec cette particularité toutefois que
la courbe d’éclat présente sur la courbe des vitesses radiales
4
un retard qui est de 26 heures pour 0 Céphée et de b heures
pour r, Aigle.

(') Memoria della Società degli Spettroscopisli italiani, l. XXVU


1898.
Seien lia, n° ÍJ.
Google
Or ces deux étoiles appartiennent à la catégorie des étoiles
orangées. Les courbes d’éclat qui leur correspondent sont
donc relatives à la radiation X = 600 environ, tandis que les
courbes des vitesses radiales ont été obtenues par l’observa­
tion des raies spectrales au voisinage X 44 °-
Le retard observé signifierait donc que la radiation X= 6oo
4
se propage moins vite que la radiation X = °o, ou, ce qui
revient au même, que la lumière violette se propage plus
vite que la lumière rouge, si l'on admet toutefois que la
vitesse radiale nulle correspond au minimum d ’éclat pour
la couleur correspondante. Or cette hypothèse a été nette­
ment contredite par les expériences ultérieures.
Pour tirer une conclusion certaine, il faudrait comparer
entre elles soit les courbes de vitesses radiales, soit les
courbes d’éclat (et non une courbe de vitesse radiale et une
courbe d’éclat) relatives à deux radiations bien déterminées
aussi distantes que possible dans le spectre d’une étoile va­
riable. La première méthode (déjà indiquée par M. Tikhoff
dans son Mémoire de 1898) a été effectivement appliquée
¡3
par MM. Belopolsky et Tikhoff à Cocher. La deuxième a
été poursuivie indépendamment et par des moyens différents
par M. Nordmann à Paris et M. Tikhoff à Poulkovo. Les ré­
sultats obtenus par ces deux méthodes, quoique concordants
entre eux, diffèrent radicalement cependant de ceux énoncés
jusqu’ici.
En premier lieu, les écarts observés seraient seulement de
quelques minutes; de plus leur sens correspondrait à celui
de la dispersion dans les milieux transparents, c’est-à-dire
que la lumière rouge se propagerait plus vite que la lumière
violette. Ces résultats ont déjà donné lieu à des discussions
sur lesquelles nous n’avons pas à insister ( J). De nouvelles
expériences sont évidemment nécessaires avant de tirer une
conclusion définitive. Nous nous contenterons d’ajouter la
remarque suivante :
Si la vitesse de propagation dans le vide est fonction de la
période, il y a intérêt, pour mettre eu évidence le phénomène,
à opérer sur des radiations dont les périodes soient aussi
différentes que possible. Or les radiations extrêmes du
spectre visible ne diffèrent que très peu à ce point de vue,
puisqu'elles se placent entre X= olA,75 et Xiziot1^* De là
vient sans doute la difficulté de manifester le phénomène.

O Le lecteur trouvera dans la Revue générale des Sciences, 1909,


p. 35 o, un excellent résumé de la question par M. Nordmann.

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Mais, puisqu'il n’y a pas de différence essentielle entre une
onde lumineuse et une onde électromagnétique telle que la
produisent les excitateurs, rien n’empêche de comparer entre
elles une radiation lumineuse et une radiation issue d’un
excitateur. Cette comparaison, qui peut être réalisée de
diverses manières, permettrait sans doute de trancher défini­
tivement la question (*).

( ‘) Voir Décombe, Comptes rendus, t. CXXVIII, 1899, p. 172.


Constitution de l’éther. — Quelle constitution faut-il
attribuer à l’éther pour qu’on y puisse concevoir le méca­
nisme de la propagation.
M. Poincaré a montré (1) qu’une fois imaginé un méca­
nisme particulier donnant l’explication des phénomènes dont
l’éther est le siège, on peut en trouver une infinité d’autres
remplissant tout aussi bien les mêmes conditions.
La question est donc de déterminer celui de ces systèmes
qui correspond à la réalité des faits.
On comprend tout ce qu'il y a dans ce problème de diffi­
cultés sans doute insurmontables.
Il est bon de signaler, parmi tous les systèmes possibles,
celui qui a été imaginé par Maxwell, non pas qu’il soit plus
près de la vérité qu’un autre, cette question ne pouvant être
tranchée, du moins actuellement, mais parce qu’il se plie
d'une manière simple à l’explication de la plupart des faits
connus.
Maxwell regarde l’éther comme constitué par de petites
sphères animées de mouvements de rotation très rapides
qu’elles se transmettent de proche en proche.
Ces sphères sont d’ailleurs de deux sortes.
Les unes, que Maxwell appelle cellules, donnent naissance
par leur rotation à des tourbillons moléculaires d’où dérive
la force magnétique. Les autres servent à transmettre la rota­
tion d’une cellule à la cellule voisine sans en changer le
sens.
Ces dernières sphères ou particules constituent l’électricité,
qui se trouve être dans cette théorie une sorte de matière.

Tourbillons moléculaires. — Imaginons une série de

(') Électricité et Optique, Introduction, p. VIII, 1901. Gauthier-


Vil lars, éditeur.
cellules toutes centrées sur une courbe qtfeléonqut S ét ayant
pour axes de rotation les éléments infiniment petits de celte
courbe.
Par suite de son mouvement de rotation, chaque cellule
s’aplatit suivant son axe et s’élargit dans toutes les directions
perpendiculaires.
Ces deux effets donnent naissance dans le milieu à deux
actions bien distinctes : une tension suivant la tangente à la

Fig. 22.

courbe S et une pression latérale dirigée en tous sens dans


le plan normal à cette courbe.
La tension constitue la force magnétique. La courbe S est
donc une ligne de force magnétique. Quant aux pressions
latérales, elles ont pour effet de développer entre deux lignes
de forces voisines des répulsions qui expliquent parfaitement
la distribution du spectre magnétique.
Grâce aux petites sphères d’électricité qui transmettent la
rotation de l’une à l’autre, deux tourbillons moléculaires
voisins S et S' ont toujours le même sens de rotation.

Déplacement électrique. — ¿Maxwell admet que, dans les


diélectriques, les particules d’électricité ne peuvent subir
que des déplacements très petits. Si ces déplacements ont
lieu en même temps dans la même direction, ils exercent
sur les cellules adjacentes des efforts tangentiels qui contre­
balancent leurs actions aux deux extrémités opposées d ’ une
même cellule.
Celle-ci reste donc en repos, et le seul effet du dépl acement
électrique est de déformer les cellules de proche en proche
en développant dans le milieu une réaction é l a s t i q u e ‘qui
constitue la force électrique.

Courant électrique. — Dans un conducteur, au contraire,


les particules d’électricité peuvent se déplacer d' une manière
continue entre les cellules en produisant un courant qui
sera le courant él ectrique.
Lë frottement de' ce» particules contre les cellules donne
lieu aux deux effets suivants :
i° A un dégagement de chaleur, ce qui est conforme à
l'expérience (chaleur de Joule);
2° A un mouvement de rotation des cellules.
Considérons plus particulièrement le cas d’un fil cylin­
drique conducteur.
Le déplacement continu, le long de l’axe du fil, des parti­
cules situées sur cet axe met en mouvement les cellules

Fig. 2 3 .

voisines en produisant une série de tourbillons moléculaires


qui ont la forme d'anneaux concentriques à l’axe.
La couche de cellules qui entoure celle que nous venons
de considérer est séparée de cette dernière par une série de
petits courants d'électricité de même sens que le courant
central. 11 faut, pour qu’il en soit ainsi, que les cellules de la
deuxième couche tournent dans le même sens que celles de
la première, mais plus vite. Si elles tournaient moins vite,
les particules intermédiaires seraient chassées en sens con­
traire du courant central; si elles tournaient aussi vite les
particules intermédiaires resteraient au repos.
De proche en proche, le mouvement se propage ainsi avec
des vitesses de rotation de plus en plus grandes jusqu'à la
surface du fil: il se propage ensuite au delà, dans le diélec­
trique, par un mécanisme semblable, mais avec cette diffé­
rence que les particules d'électricité ne pouvant plus effectuer
de déplacement continu se contentent de tourner sur elles-
mêmes en transmettant de proche en proche le mouvement
des tourbillons.
Digitized by Google
Le courant électrique engendre donc tout autour de lui un
champ magnétique. La direction des forces du champ sera
conforme à celle qu’indique l’expérience, à la condition de
faire une hypothèse sur le sens de la force magnétique engen­
drée pai^ un tourbillon donné.
L’expérience montre, en effet, que la force magnétique et
le courant sont dirigés l’un par rapport à l’autre comme
l’indique la figure.
Or, la direction supposée au courant a pour effet d’en­
traîner les cellules dans le sens marqué par les petites flèches.
Il faut en conclure qu’un tourbillon moléculaire fait vis à
droite par rapport à la direction de la force magnétique qu’il
engendre.

Courants d’induction. — Les tourbillons moléculaires


ainsi excités dans l’espace viennent-ils à rencontrer un second
fil conducteur parallèle au premier, aussitôt ils agissent sur
le s cellules superficielles de ce dernier et leur communiquent,
par l’intermédiaire des particules d’électricité, une rotation
de même sens que celle dont ils sont animés.
Or, les particules d’électricité sont libres de se mouvoir à
l’intérieur d’un conducteur. La rotation des cellules leur
communique donc un déplacement continu qui se trouve
dirigé, en vertu du mécanisme même qui le produit, en sens
contraire du courant dans le premier fil.
Ainsi se trouve expliqué le courant induit inverse qui prend
naissance, conformément à l’expérience, dans le second fil.
Ce courant ne dure d’ailleurs qu’un instant, car le mouve­
ment tourbillonnaire continuant à se propager, la rotation
des cellules suivantes agissant en sens contraire sur les par­
ticules considérées, arrête bientôt leur mouvement de trans­
lation; ces particules n’en continuent pas moins à tourner
sur elles-mêmes en transmettant les rotations.

Oscillations électriques. — Considérons les particules


d’électricité répandues dans le vide ou dans un diélectrique
donné. Ces particules ne sont susceptibles, dans la théorie
que nous venons d’exposer, que de déplacements très petits
si le milieu n’est pas conducteur. Grâce à l’élasticité du
milieu, elles reviennent à leur position initiale dès que la
cause qui a provoqué le déplacement a cessé d'agir.
Ces particules sont susceptibles également de déplace­
ments alternatifs plus ou moins rapides qui communiquent
aux cellules voisines un mouvement rotatoire alternatif de
même période.
Ce sont ces vibrations de l’électricité, lorsqu’elles sont
très rapides, qui constitueraient la lumière.
Lorsqu’elles sont mille fois moins rapides environ, elles
donnent naissance aux phénomènes découverts par Hertz.
Qu’une cellule se trouve d’ailleurs sollicitée à la fois par
deux mouvements rotatoires alternatifs décalés l’un par rap­
port à l’autre d’une demi-période et elle restera au repos.
C’est le phénomène d’interférence.

Vitesse de propagation. — Imaginons maintenant que les


cellules soient douées d’élasticité et que, par suite, elles
n’entrent en rotation qu’après avoir subi une certaine défor­
mation.
Le mouvement tourbillonnaire ne se propagera pas instan­
tanément, mais avec une vitesse finie, fonction de l’élas­
ticité.
Plus cette élasticité sera grande, c’est-à-dire plus sera
petite la déformation nécessaire au développement d’une
force élastique déterminée, plus considérable sera la vitesse
de propagation.
Le raisonnement que nous avons précédemment donné
pour établir la formule de la célérité

est d’ailleurs indépendant, comme nous l’avons fait remar­


quer, de toute hypothèse relative à la constitution du milieu
propagateur, pourvu que ce milieu soit doué d’élasticité et
de masse.
La formule de Newton est donc directement applicable à
la propagation par tourbillons moléculaires.

FIN.

ilis.i l’aris — Imprimerie GAL’ TIIIER-YILLAKS, quai des Grands-Augusiins, âà.

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