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RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

tf après Évagre le Pontique1

Les anciens, plus encore que nos contemporains, pre"taleotaL!


une extrême attention à leurs rêves, qu'ils provoquait all
besoin, et leur attribuaient volontiers une valeur divina
Nombreux étaient ceux qui recouraient aux services de
« interprètes des songes », espérant que ces derniers lever
le voile de leur avenir. Ces interprètes étaient habituelle
d'origine orientale et c'est à eux que l'on doit d'innombrag
ouvrages intitulés uniformément Des Songes ou Onirocrttctq
dont bien peu pourtant sont parvenus jusqu'à nous ., tte
croyance en la valeur divinatoire des songes était si un
selle et si fortement ancrée que rares furent ceux qu1» dans
l'antiquité, osèrent la mettre en doute, et les philosophes seS
tèrent même souvent de la justifier. Ils élaborèrent dlV'e
théories ingénieuses qui, assure Bouché-Leclercq, si elles ne
prouvaient rien, expliquaient tout3. Les médecins eux-me

I. A notre connaissance, ce sujet n'a été abordé que par e Claire


GUILLAUMONT-BOUSSAC dans une conférencedonnée à l'Associa"
Etudesgrecques,dont seul un bref compterendufut publiédans a
des Ëtiides Grecques,LXV (1952),pp. XVI-XVII.. t, J.
t.
2. A. BOUCHÉ-LECLERCO, Histoirede la divinationdans J'anttqué 011
Paris, 1879,pp. 276-278,a dresséune liste de ces principauxtraités.
trouvera un court commentairesur chacun d'eux dans F. gé#"
Geschichteder griechischen Litteratur, Bd I, Leipzig, 1871, Pdore
876. Le principalouvrage qui nous soit parvenu est celui d'Arteejpzig>
ArtemidoriDALDIANI, OnirocritonLibri V, ex rec. R. HERCHER,
1894, oIes de
é
3. A. BOUCHÉ-LECLERCQ, op. cit., p. 327. — Sur les diversesécoles
Oneir
> de
philosophieet leur des
explication rêves, cf. H. KENNER, art. dalis
Real-Encyklopâdie (Pauly-Wissowa), Bd XVIII, 1, Stuttgar.
col. 448-453.
47
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

pas les rêves et à la suite d'Hippocrate en


voulug Igèrent
faire un moyen de diagnostiquer les maladies, cette
voi UrentPères de l'Église, non plus, ne récusèrent pas
Les Cumont relève justement que l'omcomancie e t
Crnance" seul mode de divination que 1 Ég ise même
4 païen n
mêmele Les Pères, par exemple Origène, tentèrent
diâf mtervenIr
comment Dieu ou les anges pouvaient
xPliquer
songes5. L'Église ne pouvait rejeter cette croyance,
l'Ancien que
d ns les tenant une grande place tant dans
les songes
le Nouveau Testament. Ce sont surtout, semble-t-il,
lessi à leur rêve une valeur
fidèles qui attachèrent
le Si.mples Le cas de sainte Monique est bien connue
atoire. Vies des Pères du désert et les récits sur les premiers 7. Si
dansles les rêves c'est sans doute
jouent un rôle constant,
niOl1nes, L'on sait également
rfflètent la mentalité populaire8.
qu'ils inventions des des martyrs eurent
que
la les reliques souventMême
lieu
suite de songes ou d'averti ssernents 9
à amsi C y-
des eveques osaient se se réclamer
réclamer de leurssonges
deleurs songes:: ainsi
prien 10

,UMONT
c:;ORIGÈNE' L Perpetua, Paris, 1949,p, 92. A. MIVRA-STRANGE,
ux
Cel 1, 48; 57' Cf,
çelsum,
6 UV,!nd Ori Contra Giessen, 1926,pp, V, 107-108, par
Sus nd ri eizes, du Nouveau et de l'Ancien Testament rassemblés
Testaments in reU-
6. Wn<ENHAUS xtes DI Traumgeschichte des Neuesi Müns-
ter,
A.WIKENHAUSER,
r, DÕlger),
Licht, dans Pisciculi (FestchriftF. J.
gions geschichtlicher
,Voir' 320"333- III, TT
n« iQ
iq.
exemple AUGUSTIN, Confessions,
8. Voir Par Pachôme, par exemple, dans celled'Hypatiospar
lanlus (cf A eJde FSTUGIÈRE, Les moinesde
Callinicus(cf A.-J Le
Le 1961).P; P. Festugière souligne le
Paris,
de ces écrits: « C'est ce milieu(celui
la régionde Constantmople, dufois dans
peupleet le
caractèrepopulaire des campagnes) qui, pour la première
d'Orient, I1, Culture
Moines
spécialement fait entendre sa voix Il (Les
dupeuple
monde antique, 1961,p. 25). 2e éd.. Bruxelles,
ouSaint^e'
9. Par's, Les origines du culte desmarvr, l'antiquité
I U 73- AYE, rapporte les cas les plus significati : ccDans rêves,
IG33,DPN73-91. de la divinité par des apparitions et des au
1acroYance touche à la religion, était si universellement
à 1; intervention répandu.
entoutcequi milieux populaires, que l'on ne saurait atbbuuee~
ordre, Les dieux
rexclusi-
moins dans les chrétienneles préoccupations de cet
ou et nombreux
vement montraient aux mortels endormis
à l'éducation éveillés,
et les hérosse votives placées à la suite d'une
sont IPBlnscriptions renvoie à l'étude deA. DEMARCHI, Il visu
culto»
Delehaye apparition,ex
le Pré
(pp.73-74).li. t. I, Milano, 1896. Dans SpIrItuelde
reliques
privato di Roma antica,
Chrétiennes, 12), de nombreuses inventions de
MOSHUS (Sourceslieu par songes, cf, n08 84, 87, 89, 92,120, 121.
ded Cf, A, II des Christentums
Die Mission undAusbreitung 221-222,qui
10.Cf.A.HARNACK, hrhunderten, 3e éd., t. I, Leipzig. 1924,PP- A. HARNACK,
in denerstenja
Cyprian cas. Sur Cyprien, voir spécialementWissenschaft, III (1902).
Signal,P«hEnthusiast,
lusieurs dans Zeitschrift f. Neut.
472 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ
de
Néanmoins, les Pères de l'Église font en général preU ve -en
discrétion
discrétion etet adoptent même une
adoptent mêmeune attitude
attitude réservée. I^s fi en
réservée. Ils
traitent guère dans leurs sermons ou écrits, ou ble, de
comme Grégoire de Nysse, ils consacrent un chapitre dUO les
leurs traités à cette question, c'est plutôt pour
détourneeti.
chrétiens d'attribuer à leurs rêves une telle valeur pop ept
que, à moins qu'ils ne soient déjà saints et parfaitent
purifiés11, Tertullien, Basile, et même Grégoire de Nazlauve
pour qui un rêve de son enfance décida de sa vie, font P 5
d'une si grande méfiance qu'ils mettent la plupart des ute
prémonitoires au compte des démons12, Et c'est sans dotite
Augustin, pourtant si crédule sur certains points, qui InSPun
les textes du concile de Carthage qui tenta de
mettr la
terme à la contagion des songes et révélations menant
découverte de reliques13.

pp. 177 sq. — Cyprien croyait en la valeur divinatoire de ses rêyeS,arfoi;


le passage suivant montre que même son entourage se montraitPoil)\J;- .U,-,
critique : « Quamquam sciam somnia ridicula et visionfes
i nepta5 1
dam videri » (Epist., 66, 10; HARTEL, C.S.E.L., III, 734, 8-9)' p, G 44'
11. GRÉGOIRE DE NYSSE,La création de l'homme, c. XIII; odflC
168B-173C (Sources Chrétiennes, 6, pp. 133-145).Clément ^'AY
réserve ces rêves aux âmes pures, cf. Pédagogie, II, ix, P. G.,IeXGNDI''C t est
Stromate, IV, 22, P. G., 8, 1349. - La problématiquede Cléégoire
différentede celle de Grégoire de Nysse. Il est plus large que n stOI- jjtoï„"
pour admettre des rêves à valeur divinatoire et suit la tradttIO
cienne. rdjf11
t ~t
12. TERTULLIEN, De anima, 45-49 (éd. J. H. WASZINK, Ams Epist..
1947,pp. 62-67. Voir et
spécialement46, 12-13 48, 4. —
216, 6, P. G., 32, 777 B. Ce point de vue est déjà celui ^?ASILEjçpist-'
« Prenez garde que les démons que nous accusons ne vous de-T"TTSTI!<
périt -'14,
par les visions des songes. » I Apol. XIV, 1; Minucius FELIX, U I4-
XXVII, 2; TERTULLIEN, Apol. XXIII, 1; LACTANCE, Div. Inst.,
AUGUSTIN, De Trinitate, 4, 11, 14, etc. Cf. M. SPANNEUT, Le 2'
des Pères de l'Eglise, Paris, 1956,pp. 217-220.GRÉGOIRE DEstoïcis,le
Aira je
bien qu'il ait eu lui-même un songe dans son enfance qui lui Ninsp irale
désir de se consacrer à Dieu (Poèmes sur lui-même, XLV, v* jjé''
v. 229 sq.; XCII, v. 5; XCIII, v. 5; XCVIII, v. 1; P. G., 3/iaSOI te
et
1369sq., 1447,1450) que son père se soit converti également à ui soo
d'un songe (P. G., 35, 1000A) met en garde contre les songes
souvent une ruse de l'ennemi (Poèmes moraux, XXXIII, v, q2 2J2It
P. G., 37, 943). » de saltlé
13. Cf. P. COURCELLE, Recherches sur les « Confessions
Augustin, Paris, 1950, pp. 145-148.Longtemps Augustin s es u'iIse il ss
très défiant en ce qui concerne les rêves; ce n'est qu'après 4*5 i f11irW
préoccuped'enregistrer dans des libelli les témoignages relatifs aUanonIJ.}
cles africains. — Voir le texte du Concilede Carthage de 415"c t JI t
(dans MANSI,Sacrorum concilium nova et amplissima c°^cf*,<,'t
p. 971) qui se termine par ces mots: « nam quae per tnfii3 ef
inanes quasi revelationes quorumlibet hominum ubique consstin, f,
àltaria, omnimodi reprobentur, » Ce texte fut inspiré par AuSuStin» pat"15'
P. MONCEAUX, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, t.
1
1923,p. 19.
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE 473

les Pères de l'Église, nul n'a manifesté un plus vIf


Parmi aux rêves Il en traite ou y
qu' Évagre le Pontique1*.
fait aU à diverses reprises dans ses écrits15.Il est vrai
allusionreve aurait un rôle décisif. Si
joué dans sa vie
Un rêve qu'il senous en
serait
c'est à la suite d'un
Palladius,
ci déà. quitter se rendre à Jérusalem et
Constantinople, pour se
delà. d le désert de Scété en Egypte. Evagre
de u dans une situation morale délicate. La femme d'un troUVait
alors dans ne restaIt haut
pas
, Iannal éprise de lui, et lui-même
fonctionnaires'était
à ses avances. Celle-ci, « quasi enragée », le pres-
Sait L' succomber à la tentatlOn,
priait Dieu de ne pas sen-
sait. Lui,retenu
par les liens de cette servitude » il nese
tait pCc la alors eut un songe
force de rompre. C'est qu'il
auCoas devant un ami de
duquel il jura sur l'Évangile qult-
Évagre
er C Au réveil
dès le surlendemain.
: « Quoique le serment ait eu lieu en extase, tout
te Constantinople
auraitdit
," "1 eut
lui-même qu1
lpas
de sans fond
S Sans fondement, et É Evagre reconnaît
tentations charnelles dans sa vie17. les
grandes
attendrait donc d'Évagre un intérêt spécial pour
est
0n Prémonitoires ou divinatoires. Il n'en pourtant
rIenet il C'est dans une tout
rienet qu'il n'en parle jamais. autre pers-
aborde ce sujet, celle du combat
diseere spirituel et du
des esprits. C'est en tant que spirituel et mora-
liste ement en
comme il le souligne lui-même18 - qu'il traite et si
nous ne nous nous apportent le té-
trompons, ses analyses

14.Evagre le Pontique vécut entre 340-400.Ne dansle Pont,il se fit


lit voirL.
moine en Egypt VERS382. Sur SASPIRITUALITÉ^ le pont,il. se fit
j du NouveauTestamentet des Pères, PARIS,19 > PPy Àntirrheticus
15.Les textes les plus nombreuxse TROUVENT
gen par WF les plus nombreuxse trouvent N. dans l'A
BandntirrhetfcuS
Xiii, N. 2);
leD < XIII, N.
der Wissenchaften, F 2); du
et
gender kön.Gesellschaft P.G., 79, 1199-1234, CHAPITRES manus-
par J. MUYLDERMANS,
leDe Uali,nis Cogitationibus, A travers latradftton
le Pontique, Louvain, 1912,PP- 50-52;les CapitaPractica;
même f ïaitéPUBLIÉ
P.G; 40,121 et les Centuries
Gnostiques,
XXVII, fasc.
d 'aprèsl, PARISI1957,
l'édition de
P.G;40, 1219-1252, Orientale, T. ceuvi@es d'Evagre
Patrologie
loin les références aux autres
Nousdonnerons
Nousdonnerons
, citerons.
plus d'après
16. PALLADIUS Lausiaque, c. 38, 3-7. Nousla1912,
Paris,
citerons
!6. P.LÎFAR>IUS'Histoire Hemmer et Lejay, 493)-
DITION-Luco- Coll.
II, 11 (Fr. 487), 55 (Fr, *> ~torons
CITERONS d'après
d'aprè,
17.Antirrheticus, commentairedu Psaume 1431 quenoussur les Psaumes
L8gre lepublié par M. J. RONDEAU, Le commentaire XXVI (1960),
P Christiana Pen.odtca,
1IE
Pp. onttque, dans Orientalia
Bvapr312- 13.
474 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

de son d'un 1
moignage expérience de « Père spirituel M,
teur
teur très perspicace, car
très perspicace, car «« ilil y ya aenenluiluiununpsychologue
psychologieIvse
profond, un moraliste affiné, qui a été fort loin dans 1 an rs
du cœur humain19 ». Palladius assure du reste qu'au Ç
de son séjour dans le désert, Évagre purifia son eSPrlt
suprême degré et fut jugé digne du don de science, de sagedit,
et de discernement des esprits (H. L., 38, 10). Autrement eIle
il reçut le charisme (car en ce temps, la direction Splntncs
était considérée comme tel), de diriger les autres dlit
sur les voies de Dieu. A en juger par son influence, tdút
1
avoir de nombreux disciples.
Ceux qui venaient à lui avaient le devoir d'ouvrir jellr
a
cœur, de « manifester leurs pensées », afin d'apprendre Se
connaitre eux-mêmes et à discerner leurs pensées. et
Pour
Anciens en effet (de Platon à Épictète, à Marc-Aurèe
Plotin), la première loi du progrès moral est le « Connais
toi-même » socratique. Comment corriger ses e a des
les connaitre et sans avoir découvert les tendances prfon our
de sa nature20? Il en va de même pour les Pères, mais ollr
eux, il s'agit de découvrir, par-delà ses propres inchnatlOle
les « esprits » qui sont à l'ceuvre dans nos facultés,
caron-
combat que le chrétien doit soutenir n'est pas seulement er-
tre la chair et le sang, mais contre des « esprits » qUIiri-
chent à l'asservir et à le posséder. C'est un « combat Ptre
tuel » au sens fort du mot. L'homme se trouve en lutte conStc
d êtres personnels, anges ou démons,
des attcdont
l'Écriturede a
naturels
l'existence, et qui utilisent les mouvements
ou de « 9ànle
pour le bien pour le mal21. D'où la nécessité
vrir » ces puissances, car c'est seulement à découvertd que
la lutte peut être victorieusement menée contre les puissan
du mal. De là cette introspection implacable, qui mena
j
qui
moines fort loin dans la connaissance du « moi », Je
masé
eut aussi comme revers de souvent substituer à un « tra
l'amour de Dieu» un « traité de la lutte contre le diab e
Cette remarque du P. Festugière nous parait juste22,

19. Antoineet Claire GUILLAUMONT, art. Démons, dans DfctlOn


Spiritualité, fasc. XVIII-XIX, Paris, 1954,col. 200. e 19d^e?'
20. I. HAUSHERR, Direction spirituelleen Orient autrefois, Rorntin
d Je?
e!'
spécialementch. 6, pp. 178-185;ch. 7 (pratique de la manifesta
pensées),pp. 212-229.
21. Cf. I. HAUSHERR, op. cit.,pp. 212-213.
22. A.-J. FESTUGIÈRE, Les Moines d'Orient, t. I, p. 39.
475
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

I. DISCERNEMENT DES ESPRITS

que nous venons de dire explique qu soit


^v^r
Ce soit démoniaque,
en neral les rêves à une cause angé-
1; Un reves seulement
a une cause(Desoit démomaque, solÍ ange-
maZignis cogitationibns, c. 4),
allusion à des rêves provenant d'un
lique .Unefois,
il fait jeur mouvementsimple
dp 1» mais Il se borne à
del'âme, reconnaître
est leur existence ou leur
A ses yeux, même s'il en dernière
possibilité. relèvent possible d'assigner des
aux rêves, ils pourtant
naturelles
en Soit des anges, branle soit des démons
analyse qui
même mettent des moyens
naturels. Les rêves sont
ces mécanismes un en branle
démons se servent avec une certaine prédilection pour
éproue5 moines : « De nuit, les
les démons oratione,
réclament
(De le
éprouver spirituel pour le cribler par eux-mêmes»
maître
Il Con'
donc que le moine ne se laisse pas abuser ou
et
Il convient des
à discerner si ses rêves viennent est angesaiS,
apprenne n écessaire
cessalfe n' pas
des démons. Or ce discernement
Iscernement - aisé.
Lesdé ,r ce même se
Les sont rusés; et savent déguiser en anges
démons Rusés et variés sont les
de1 Ulnière. stratagèmes des des dé-
halluci-
s apparaissent en songe, ils composent
mons: l, à nous tromper, ils lancent en cachette
nationS, ils s'ingénient se faire te
des flèches Toi pour
en contre
anges
l'innocent,
de lumière; sansils s'occupent de
voir, en se trans-
formant eux les
t' épargnent, Impltoyaleur es, échap-
pour
perdre , et une puis ils
sécurité mensongère. Qui pourra
Per"'?"
est d'autant plus nécessaire et d'autant
plus dlscernement d'un point de vue P
plus difficile qu' extérieurement
et rêves démoniaques sont souvent identi- que
qUes, U Iques sentence des Centuries gnostiques mentrent
ques .Unes pour entraîner les moines au bien, usen movens
ternfiants, Voire
les anges, même occasionnellement de rêves
ana (Cent., VI, 26). « les
les ps « discerner
« doivent donc apprendre à être
espr.its , A vrai dire, ce n'est pas une science pouvant
moines

p. r3°' Cf.
(Fr. trad.
,,,d. HAUSHERK,
HAUS"ERR. l.eçon.,,,.. p. T30.
apparaît
Cf.
23. Protrepticos
sAntirrheticus, «4),
554). démon de l'orgueil)
ë
nus1lae'"u,. VIII
sous (Fr.541) : celui-ci(le
forme
2*°*. VIII,
d'un24
ange de lumière.
476 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

acquise par des livres. C'est une grâce que le moine doit de
mander à Dieu24, mais qui requiert de lui vigilance et
lité25. Néanmoins, il y a des signes permettant de « d' cer-
et di.scer-
ner » l'origine des esprits qui ont envoyé les rêves £vOS-
les expose à diverses reprises. Il se borne du reste à
teot
poser au cas des rêves les règles valant pour le discern
des pensées. « Sois le portier de ton coeur, écrivait-il aOs
de ses correspondants, et ne laisse aucune pensée entrer saris
une à une et dis à chacune -
l'interroger. Interroge-les e la
de notre parti ou du parti des adversaires? et si elle est
ire,
maison, elle te comblera de paix; si elle est de l'adversooc
elle t'agitera de colère ou te troublera de désir. Il donc
faut je
scruter à tout instant l'état de ton âme26. » Dans PC
malignis cogitationibus, Evagre applique ces principe
songes. S'ils viennent du diable, ils rendront le moine inqujet
et troublé; s'ils viennent des anges, ils mettront son cole
dans la paix (c. 28, éd. Muyldermans). Dans le bref
De l'instruction, il indique les signes par lesquels onopus00-
nS,
naîtra s'il s'agit de visions venant des anges ou des qUI
Le cas des rêves et celui des visions sont analogues,
Ce,qti
s
nous autorise à invoquer ce texte. « Lorsque les démons tal-
prochent de nous sous les apparences des anges, ils 1
lent en nous la crainte et le trouble. Le signe auque
pas
reconnaît que ce sont des démons, c'est qu'ils ne
la crainte de nos âmes. Par contre les peuventges,
saints an
apaiser eO.
bien qu'ils nous troublent par leur apparition, peuvent ce et
dant rendre la paix à notre âme et par leur souffle
leur toucher27. » « Les les su:vrit_il
par rêves envoyés par
anges,
ailleurs, laissent l'âme dans une grande paix et unejoie s
inexprimable28. » ou, plus brièvement dans le Mtfotf

24. Cf. CALLINICUS, Vie d'Hypatio.. 121, 23 (trad. FESTUGIàRB, p,


note Si). 68et
25. Ibid., 94, 14-15.Ce thème vient de la Vied'Antoinepar
22 : le charisme du discernementdes esprits. , es lefOS
26. Lettre 11, dans la traduction donnée par I. HAUSHERR, paf'Les paris.
d'un contemplatif, le traité de l'Oraison d'Evagre le pontlqu.e,
1960,p. 131.
27. EVAGRE, Sur l'instruction, 11, édité par J. MUYLDERMANNS,
Syriaca, Louvain,1952,pp.*158-159. y KVATFRFRI
Mêmesigne dans l'Anti-rrieticlls, v
17 (Fr 538): l'action des anges laisse l'âme dans la paix. AprèsaSsa £^
des démons, l'âme et le corps sont troublés; dans les Capita A
52; P. G., 40, 1233B. RM¡\tlS,
28. De Malignis cogitationibus, c. 28, édité par J. MUYLPB
travers., p. 52, 19-23.
477
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE
le songe démo-
« Le songe angélique réjouit le cœur,
niaque
aclUe:le trouble29. »

IL VISIONS ET RÊVES DES ANACHORÈTES


de
fait allusion à une grande variété rêves. Il n'est
Cepend,re tou aisé de préciser de rêves
pas jours qu
cependantstrict ou d'hallucinations. es
1
au sens Évagre Il Ildistingu
distingue aUSSI
& pourtant
les deux cas, comme nous
nous lele verrons.
les deux cas,rêves comme et hallucinations de celles qui se présentent
imagesdes au moment de la prière. Evagre
connaît bien par
l'esprit ces obsédantes qui distraient
éxpérience NousImages de ce le rnoine de
ne tiendrons pas compte derni" cas;
l'oraison30. les écrits d'Ëvagre
par contre, ou explicites pour savoir ne sont pas se toujoursaux suffisam-
qu'il réfère songes
mentcla irs hallucinations du moineéveillé. Il
ouaux importe du reste
il que dans moine voit
Les rêves où le
assez peu, anlecar SOIentsembleles mêmes, deae les
mis f exact
des serraile pendant dans
viSnS de la j°urnée (De oratlone' 8*'etc.).?9' Ces
VIsions e la Journée et (De oratione, 82, 99, 106, 107,
visions nocturnes
ne doute pas diurnes le sont
démon à ne
la se manifeste
fois irréelles réellement,
et réelles.
que
lllaisle
corps qui apparaissent ne sont que des « fantômes »,
maisles des (pour
carles, corpssont mVlslbles démons et « quand Évagre ils veulent les démons ont sans un
corps31) totale de nous apparaître,
à la ressemblance - notre corps
il Se transforment ou
leurs corps (Cent., I, 22) ne à la
sont ressem-
pas de
blance
nous montrer
de corps animaux. Ces derniers corps
Texte und
29,
1r !Ifir Moines, no 52, édité par GRESSMAN. dans
Ies
29.Miroir des Leipzig, 1913, P- 157.
Untersuchungen ,39, qu'à Constantinople Evagrefut b
dit le désir de la femme. Cf. Demaligniscogilationibus;
« obsédé » par les
30. Palladius
imagesque suscite De octo spiritis Malitiae,6; p. et leur recommande
P.G;79, 1232B, etvierges de telles«images obsédanteset des leur
hommes afin de
recommande
d'hommes : Fuis les réunion, soit toi un
meten gardeles âme et que ce ne pour
denepasen rencontrer images dans ton p. 146).
ne pas avoirdes des Vierge,39,GRESSMANN, contre les
les chrétiens
obstacleautemps
l'âme des dela prière»
iimmaaggees (Miroirensl'âme
introduit faisant
des obstac
imagesfaisant A; poèmes
e
obstacle
Grégoire de Nazianzemet qui également en garde 413
dangersde la curiosité cf. 0,,. 40. 38; P. G., 36,
nest
à la prièreet la troublant,
61-64; P. G., 37, 932-933,
cité. g. Cette doctrine
les pères
moraux , 33, v. C. GUILLAUMONT, art. c°„"îéno chez
dans à et Elleétait alors commune, spécialement
31.Cf.1Ia ligneÊvagre.
s a ligne d'Origène.
478 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

vrais corps, et en un sens nous sommesvictimes d'ulle iliti-


sion. Il n'en reste pas moins qu'ils peuvent agir sur
flouse
« mettre à mal le corps de l'anachorète » (De ora^l0Jie' j
et Évagre rapporte des choses étranges qui nous
^eC°ûCer'
tent. Bornons-nous à un exemple : « Il nous est r
raconte Évagre, que l'ennemi se travestissait en lion.--
sans enfor).
çant ses griffes dans les deux joues de l'athlète, y
prise tant qu'il n'eût baissé les bras » (De oratione,
Les vies des moines du désert offrent nombre d'exemples
à la tttre
laires. Le P. Hausherr estime quil faut prendre et leje
les expressions « coups de fouet » ou « mettre à mal tout
corps », qui reviennent sous la plume d'Évagre32! gva gre
Nous présenterons tout d'abord les rêves dont parle cet
en suivant de façon générale l'ordre de l'Aiitir-rheticlis,cet
écrit étant celui qui y fait allusion le plus
fréqueagre
Comme nous le montrerons, les exemples retenus par rais
ne sont certainement pas inventés par lui, ce furent de
ou VI"ait
rêves, reflétant un milieu monastique tel que celui
33
Évagre OW
Évagre n'évoque qu'une fois les rêves présentant au*
chorètes festins ou repas abondants (Prac., II, 54; P- G"car
1 245 D). Il est curieux qu'il n'en parle pas plus souvet, fré-
les moines torturés par la faim et la soif devaient avoir feé,
quemment de tels rêves. Les anciens, spécialement les léde-
cins, avaient relevé le rôle joué par les dispositions du
corps
dans les rêves. Grégoire de Nysse, qui semble s'insplrr ettC
cialement de la tradition médicale, souligne lui ausSIe roit
origine physique des rêves: « Ainsi celui qui a soif se Croit
à une source, celui qui a faim dans des banquets34, » va gre,
pourtant, ailleurs, tient compte du « tempérament physlqUteur
de ce qu'il nomme la krasis, mais il n'évoque jamais ce fac
dans les passages où il traite des rêves35,

32. I. HAUSHERR, Les leçons., p. 126. social d


33. C'est une règle générale que les rêves reflètent le mlheudroitp:C"
celui qui les forme, et c'est pourquoi L. MASSIGNON peut à bon éhistOlre
tendre qu' « dn pourrait être renseigné indirectement sur la Pr tfà1
s afché-
culturelle des sociétés par une « paléontologiedes rêves»
typiques en Oniocritique musulmane, dans Eranos Jahrbuch, (^^rr 194^'
p. 243). F. R. DODDS(The Greeks and the Inrational, Berkeley»eg 1 y' J95J¡
p. 103) : « 1 mean that in many primitive societies there are 0tYpesof
f belief~
dreàm structure which depend on a socially transmitted pattern
and cease to occur when that belief ceases to be entertained. » J7'J 13
34. GRÉGOIRE DENYSSE,La création de l'homme, 12; P. G.» 4
(Sources Chrétiennes, 6, Paris, 1944,p. 143). 44'j^2 e
) c'est
35. « La krasis, écrit le P. Hausherr (Les leçons., pp. 99-100 ,
479
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

tiennent une place beaucoup


érotiques Plus impor-
Les rêves Capita Practica font allusion aux
tante. Les rêves où les
des groupes de jeunes
D). femmes, cherchant
anachorètes voient (ii, 54; P. G., 40, 1245 A * * hticus y
à les séduire au sens
rendre
à diverses
compte si Évagre
reprises,se mais il sens
dese
revient aux « réfère à des rêves
phantasmes » que les moines voient dans le
strict ou et même les
qui peuvent ce dermer caS
demi-sommeil sentence paraît empêcher
Viser de s'endor-
mir. La ,dix-neuvième
des pensées impures qui nous
montrent
19; au cours
Elletraite d'a bominables images (eidôla) (11,
des nuits Fr. 486).
Évagre semble essen-
Plus loin distinguer
nocturnes sc ramenen
nettement les deux cas
; Fr-'2.492)" es reves
(11,
tiellement Ces rêves nocturnes
nues. « se
Le démon essen-
ramènent
de femmes impur de
tiellement se en vision
montre à moi la nuit
la luxure en vision façon abomi-
navle
Ure se mootre à moi la ouit eu vision de façon abomi-
nable sous l'apparence d'une femme" (II, 15; Fr. 485),
«d'une belle femme nue à la démarche en
Platon
voluptueuse,et Tertullien
au corps
sensuel »déjà (II, remarqué,
32; Fr. 488).il arriveComme
même que
nous nous fassions
l'avaient actions honteuses auxquelles refusons mêmede
rêvesdes au
le jour et dont nous rougissons le réveil 36. Éva-
penser durantégalement ce type de rêves, ou démon de la
gre relève la nuit à faire des choses impures" (II, 34,
luxure «m'excite
Le De Si
Fr.488). malignis cogitationibus
encore les(recension B, c. des
p, SI évoque rêves érotiques.
J.Muyldermans ne parviennent pas à troubler
l'ascète
se par
les démons celui-ci voit les démons
visions effrayantes, cherchent à
transfomer en
aux manières indécentes et qui
femmes avec lui. , ~e dans la
honteusement
Les tentations charnelles tiennent une grande place

Physiologique, dontles réactions provoquer


de sur Cent.
desirnitgi-
composé Voir PeLlv'^ Evagriana
nation troublantante, aussi le comme ntaire n" 9, -
Suppl; 435-437). Texte grec dans J.MUYLDERMANS, 16,
p. rester chez
(Fr. Le Muséon, t. XLIV), P aris s'nbstine à
dela revue
ailleurs la du pain celui qui a
(extrait que« pensée celle del'eau, chez1237 ma"
Evagrerelève cause de la faim, et C ),
de Pract., 1,64; p- G 4°.
celuiqui a faimà la soif » (Capita
soif causedela soif » (Capita Pract.,
, àcause
soif,à 4> 47,* s. AUGUSTI som-
Republique, IX, S71 C:
il n'applique apas explicitement ce principe d'explication
TERTULUEN, mon
auxseulement
rêves.
36.PLaton, rêves analogues : « Quand c 'est non
pendant
confessequ'il a des
mail, elles(les imagesde ces plaisirs ) provoquenten moi à ces songes, dans
(Conf; 30, 41). Le - fait allusion 6, 1268,
21;P. G" de l'ecte lui-même»
Quaestiones
le et responsiones
plaisir , maisle consentement Orthodoxes,
ad auplaisir et l'illlusion
480 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

littérature monastIque, 1 n est onc pas surprenant q


te-
ermites et cénobites aient eu aussi des rêves de cette caje
gorie. Ce thème apparaît dès la vie d'Antoine le Grand,le
père des moines. « Le diable, écrit Athanase, lui SUgertS les
des pensées obscènes. Antoine les repoussait par la fOI,
prières, les jeûnes. Le diable misérable en venait à pren
de nuit, l'aspect d'une femme, à en imiter les gestes à seule
fin de séduire Antoine37. » L'Histoire Lausiaque rapporte
l'histoire édifiante des héroïques combats que dut rneer
Moïse l'Ethiopien, cet ancien chef de brigands, pour geede'
la chasteté. Le jour, les tentations n'étaient pas trop ¡
violer
a
mais la nuit des rêves sensuels l'obsédaient. Il s'en 5
demandant aux saints: « Que faut-il que je fasse, puisque les
rêves de mon âme enténèbrent ma raison par l'habitude
plaisir? » (H. L., 19, 7), jusqu'au jour où le prêtre Isl_ )}
lui dit: « Au nom de Jésus-Christ, tes rêves ont pris fil,et
(H. L., 19, 10). De même, Hilarion est-il tenté jour et nuitde
voit en songe des femmes nues ou des tables chargées
mets somptueux (Jérôme, Vie d'Hilarion, 7; P. L., 23, 32 A)'t
Même (et peut-être surtout) si le personnage d'Hilarion ere
fictif, le passage n'en est que plus significatif. peut-etce
Pachôme lui-même fut-il un temps obsédé par des rêves de if
genre, car l'auteur de sa vie (en bohaïrique), après aV
rapporté précisément les tentations charnelles de Pacho
ajoute: qu'il avait demandé au Seigneur de lui enlever le
sommeil et de ne plus dormir jusqu'à ce qu'il eût vaincu
en Cflt
qui lui faisaient la guerre38. Ces rêves inquiétaient e le
extrêmement les moines, comme nous aurons l'occasion de
montrer plus loin..
Les rêves terrifiants, nous dirions les cauchemars, Pa
sent encore avoir été plus fréquents que ceux d'origine
neo.
tique. Ce sont pour nous les plus déconcertants. Évagre hO-
laisse entendre qu'ils troublaient profondément les
ancfr,
rètes et souvent les découragaient (Antirrheticus, IV,
21
504). Même le jour, certains moines vivaient dans l'apprê
-sion des visions nocturnes. Ils se disaient : « la nuit, les
8, 1le
démons viendront et sauteront sur nous» (IbidIV,

T
B. VVV,
LA.
Vie
37. ATHANASE, d'Antoine, 5; P. G., 26, 848, trad.
Antoinele Grand, Père des Moines, Lyon, 1943,p. 12. sseú's,
38. Les Vies coptes de saint Pachôme et de ses premiers sucee
trad. française de L. LEFORT,Louvain, 1943,p. 93.
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE 481

il est difficile
de Sa 3), Ici, plus que dans le cas précédent, Dans les
de rêves ou d'hallucinations.
savoir s'il less'agit comme la comparaison
visions sont identiques,
deux cas, le visions sont multIples:
de textes prouve suffisamment. Ces
, de fauves, rampant
oIes
ou bienles d' démons viennent sous forme
et ou sous celle de
dos sur le flanc (Antirr., IV, 18),
surle
rplon et nous fouettan
fouettant les
«es s'attachant à nos
nos corps
corps
01 b s encore ils viennent en
» (Ibid., IV, 33), ou bien
nembres à avec De or or:,
brandissant des épées (Ibid., IV, 38; comparer
92), Ou volant dans l'air
Sous forme d'oiseaux d'oiseaux sauvages volant ans et
(Ibid; IV 45 ou sous .forme d'étoiles brûlant nos yeux
notre' ,45), £vagre relate
IV, 53; cf. Deor., 99).
Ctiotr evis^ W, mais sans les mettre
d'autres visions du même type,
çJJKbre dans
en rapport avec la nuit ou les songes. Si,
}. Alternent nature exacte de ces visions reste incer- le
l'4mlr^^cus> est la Practica et
pas de même dans les Capita
^\np.>11n'en « De nuit, pendant le sommeil,
ogztatwnibus. ont en-
De a^Snis vagre dans ce dernier traité, les anachorètes
corea autour
des serpents ailés, des fauves rodant
eux da des reserpents qui les enlacent; ils sont précipités de
aUtes
montagnes, Et il arrive que s'étant éveillés, de
à les mêmes fauves les encerclent, qu'ils
aussitôt,
n°Uv^aU cellule en feu et remplie de fumée» (c, 26,
r u leur - Ce passage est particulièrement
J.Muyldermans, car vagrepp.50-51) les des hallucina-
y distingue songes
Sn'? ans les Capita Practica, il évoque rapidement les
tions. se VOlent forcés
lesquels « les anachorètes
ertîars emons dans à ou voient venir
parles eux prendre des chemins escarpés,
des hommes en armes et des bêtes sauvages ou
nll11e Dans es
Centuries gnostiques, Évagre se borneà à 1248A).
borne renvoyer ses lec-
eUrs a gnostzques, « qui dans Êvagre sehallucinations des songes sont
les
ceux par les démons» (IV, 60).
époUjv*** le Pères du désert abondent en
i0n sait, les vies des
Slons d
vision de ce genre et etles lesviesartistes
des Pères du
ont desert
les Daniel souvent
le a on e
y
te s-nous àà un ou deux exemples.
1 nd Pres' Comme il va de soi,
rend près d'un temple païen abandonné. deux nuit sans
ont la possession. Il y passe car
les dé'nOnsen
r troisième de
nuit, « le sommeil triompha lui,
dia, qu'un homme qui porte un corps. Alors il se presenta
'1ui
dl Un des êtres gigantesques..,te-
^°u^ede spectres, comme se
^'aiUrf»s
lui ne qui d'énormes pierres,
portaient, semble-t-il,
3
482 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

naient près de sa tête, comme s'ils la voulaient écraser 39 Il.1


P. Festugière relève justement que la forme du récit est ¡¡le
réotypée et que le modèle s'en trouve dans la vie d A <
par Athanase. C'est la nuit également que les démons, dePré,
férence, attaquent celui-ci: « La nuit, donc, les démons brelit
un tel vacarme que tout le local tremblait. Les parois de
petite maison étaient comme rompues, les démons firent fllt
tion, métamorphosés en bêtes et en reptiles. Tout le heufui
rempli de spectres, de lions, d'ours, de léopards, de
serr pc
d'aspics, de scorpions et de loups» (Vie d'Antoine, 9r' pe
même Grégoire le Grand relatant la vie de l'évêque
de Milan, sous Justin 1er (518-522), raconte que celUICl tee
passer la nuit à Constantinople dans une maison h:llel,
occupée par des démons: « La nuit, c'est le tapage ha'nC5'
rugissement de lions, bêlement de moutons, braiment d'eflest
sifflement de serpents, grognement de porcs et de ra „
fait ensuite mention d'une autre de t$\.
Évagre catégorie
qui nous sont moins étranges. « Souvent les démons Ploligeni
les anachorètes dans une tristesse indescriptible en leur oll
terrc,
trant quelques-uns des leurs ou bien malades sur te Vjcf,
bien en péril sur la mer» (De mal. cogit., c. 28, J, 0
mans, p. 52). A en juger d'après le contexte, c'est de CC10
nocturnes du même type auxquelles fait allusion la sent tUrel
du sixième livre de YAntirrheticus. Rien de plus pft"
t:
que de tels rêves. Aujourd 'hui encore, surtout durant le
mières années de la vie monastique, les jeunes novices érour, I
vent souvent la nostalgie de la maison familiale et jeurr
arrive d'en rêver au cours de la nuit. uit 01
l'irascible
« Quand lesni démons
le concupiscible, ils forment
ne parviennent alors la
à troubler desres de
de r é,çese
vaine gloire et précipitent l'âme dans un abîme P
Il en est de typiques, pour ainsi dire. Souvent, l'un
&&>0ifleS
se voit infligeant des coups aux démons ou soignant desoie,
ladies corporelles. Ou bien il aperçoit un troupeau
to
sur
de lui qu'il fait paître. ou bien, comme s'il était leP0jot
de recevoir le don de guérison, il voit d'avance les
01eqtle
qu'il va accomplir, imagine ceux qu'ils a guéris, 1 eS fapt fqflt
lui témoignent les frères, les cadeaux des étrangers,
/.)'5
daOS
39. Vie de Daniel le Stylite, 15, trad. A.-J. FESTUGIÈRE'da°
Moinesd'Orient, II, Paris, 1961,p. 102 (voir note 21)-
40. GRÉGOIRE LE GRAND,Dial., III, 4, d'après A i.Fïs.f vc
Moines d'Orient, I, p. 30.
4^3
483
RÊVESET VIE SPIRITUELLE
Ceux les se
que ceux d'au-delà frontières mal. rendentCOglt"
aUprèdgypt,e lui, attirés par Sa (De
auprèsde Il les dernières
V 52) n'est pas sûr que e il lignes se
iirnaginati. on
: P aux rêves ou seulement au travai
rapportent éveillé. Il (VII,
importe assez peu. L vaine Antirr (keno-
du moine de tels rêves au démon de la g
en songe la nuit comme
26)attribue C'est lui qui me fait voir
doxia)Ur « d un et qui,t au jour, ml, exp iq1
troupeau
pasteur d'un: tu seras reve,
prêtre et voici que s'approchent
visions ceux
abommabes qUI
medisant te c hercher.. »
(en VII, 33, les
viennent également des rêves de ce genre), car, SI nous en
doiventêtre
tels r êves ne sont pas surprenants,
moines qUi avaient
croyo Evagre, nombreux étaient les
avaient
croyons devenir prêtres ou se jugeaient gdu sacer-
le désir de VII, 3, 8, 40); certains n'allaient-ils
jusqU'antzrrheticus, à obtenir cette dignité par de l'argentpas
jusqu'à V,chercher rêvaient d'aller dans
VII, 36). D'autres
(Ibid; 'nstruire frères et sœurs et les amener à la vielernonasti- monde
pour
i), ou pour fa et les amenerà la vie monasti- monde
que(Ibid; VII,
(Ibid. VII,9,13,17,18). ou pour faire la leçon aux gens du
ou pensaient devoir en être gratifiés (Ibid" VII, 35,
guérison Ces cas ne sont certainement pas imaginaires, et l'on
42)41.
sait quetrès et souvent à obtenir qualités
les requises.
tôt des moines parvinrent
qui n'avaient pas reste,
charchèrent
d'abbés, de directeurs spirituels, ce qui fut, dumonas-
uned s, causes de la décadence de l'institution reste,
unede, rapide
llque42 comment de tels purent
naître Sdexpliqueaussi très bien Les vies de sarêves
naître dans l'esprit des mo ines. ints men-
moines
?n s'explique en effet aussi très bien cascomment
de nombreux semblablesde tels rêves
présentent alors à ceux
qu'il
par Evagre. Ainsi, l'abbé Or, était déjà
Parve à un âge avancé , vit en
((
parvenute rêvepeupleunet tu angete verrasq
CU développeras en ungrand
grand peup e verras Or
l'abbé
en une nombreuse multitude. » De ce jour,
confier
ença à rassembler les frères qui se trouvaient jusque-là

Cf De octo vitiosis cogitationibus,7; G.,


41.
nts h : Antoine, P* 4°' I2JJ[nts: "AntoieLe
dondeguérison est considéré commenormal che* les;sam
4a
33,4 qU\Hyp^tios
teniPtlOs(trad-
, TLatentation (trad, Festugiêre, 28pp. 28 l'ont
et VIII, etc,1,
sembleFESTUGIÈRE,
avoir été pp, et 36)
répandue, cl. t__ reçu,
gq^ 228-
229 101291 I. HAUSHERR (Direction spmtueUe.,
à un ouvrage russe)de,de
W-msse)
(en
229et passim41. reférantenen particulier
se référant particulierpar luilui-même
-même devient l'objet
devientl'objet
J. MRNOV lève : « Le pouvoir attirant par
t\èse
ion
J.SMIRNOV, derela part de gens indignes. »
484 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

isolés43, La même histoire est rapportée de l'abbé AP?llo


encore qu'il ne soit pas précisé que cela se soit passe et
songe44. Pachôme, au cours de la nuit où il fut baptise, Lit
aussi une vision: il vit la rosée du ciel descendre sur sa
dans s
tête, puis se condenser et devenir un rayon de miel
main droite, et tandis qu'il la considérait, elle tomba à te
et se répandit sur la face de la terre. Pendant
qu'il e
encore tout interdit, une voix lui vint du ciel: « Comprene
cela, Pachôme, car cela se réalisera pour toi dans cîu ,uP
temps45. » Moschus, dans le Pré-Spirituel, assure q
frère qui avait jeûné quarante jours eut une vision du
ci
elle lui dit: « Toute maladie pour laquelle tu imposeras
mains sera guérie » (c. 56, trad. Rouët de Journel, p- j0 les U
Évagre mentionne une dernière variété de rêves: ceux 011
le moine croit voir un ange: « Il ne faut pas penser
que
toute apparition d'ange vienne du Seigneur »
(Antirr.,deIVIII,
te
17). Sans doute, Évagre n'exclut-il pas la possibilité
visions — un ange ne lui était-il pas apparu en
songe
mais par principe il adopte une attitude faite de méfiance
« Ne désire pas voir sensiblement des anges, ni des Puiss
ces, ni le Christ, pour ne pas perdre complètement le bOt
sens, en accueillant le loup au lieu du berger et en adorat1.
les démons ennemis» (De or., 115). Le P. Hausherr comtfi
tant cette dernière sentence relève que les Pères du désrs
ont enseigné, « sinon le rejet absolu de toute vision, du rnle
une extrême réserve à leur égard, par humilité et par cralO¿e
d'illusion47 ». Cette attitude n'était pas superflue, car t
nombreux écrits provenant des milieux monastiques attes
combien les moines vivaient dans l'attente et l'espérance e 1,,
visions 48. Évagre attribue certes au gnostique des « visions

Historia jitid
43. Monachorum, II, éd. PREUSCHEN, dans Palladt,us
Rufinus, Giessen, 1897,p. 25, n. 10 sq.
44. H. M., VIII, PREUSCHEN, p. 33, 11 sq. — Cf. A.-J. FES'f'UG'È'rr'
Les Moinesd'Orient, t. I, pp. 4Q-'?o.
45. Lesvies coptesde Pachôme., p. 83.
46. Cette attitude est celle de presque tous les Pères, cf. note 12.
47. I. HAUSHERR, Les Leçons., p. 149.. pré
48. Les attestent
écrits populaires comme Les vies coptes de Pachôrne,fiqUe
Spirituel, ce goût des visions. Mais ce trait n'est pas spé des
de ce milieu, il est plutôt caractéristiquedu temps. La même atten
visions se retrouve dans les courants religieux comme l'hermétisn^ >
A.-J. FESTUGIÈRE, La Révélation d'Hermès Trismégiste, t. 2
L était
Paris, 1950,ch.3, La vision de Dieu, pp. 45-67. « Combien ! o" était
avide de voir le dieu, un détail le prouve, qui montre que ce dési
primait jusque dans les rêves » (p. 51).
4^5
485
RÊVESET VIE SPIRITUELLE

intellectuelles et
sont purement ne comportent
I'na's Celles-ci il
image sensible. Dans ses lettres, etrevient sans cesse
aucune idée, que Dieu est pur Esprit que pour cette
sur cette gnostIque doit se tenir devant
raison le Dieu avec un intel-
Lausiaque, qui l'histoire
lect nu 49. L'Histoirel'a établi R. Draguer,reflète la spiritualité
raconte
de Valens, à qui le diable était apparu
d'Évagre, comme en songe
Rentableune vision d'un millier d'anges tenant des
flambeaux
dans cercle de feu où il figurait le prenait
Sauveur, et l'un
et un et disait : Le Christ s'est complu il
Il est venuta te
et
les devantset dans
conduite franchise de ta vie,
ans la franchIse
voir »
(H.L., 25, 4 sq.).

III. CLASSIFICATION DES RÊVES

rapporte donc une grande .,ilvariété de rêves, de


if Vagre et d'hallucinations, mais a soin d'établir un
Ordrecmars une hiérarchie entre eux. Non seulement
ordre et rêves bons ou angéliques et les il distingue
rêves mauvais ou
entreles mais il classe ces derniers
démoniaques, aux huit catégories de « en catégories, tris-
ou
corespondant p nsées» avarice>
mauvaises »
'ices capitaux » » : gourmandise,
(VIces gourmandise, luxure, egt vraj
tesse
colère, acédie, vaine gloire et orgueil. Il est vrai
tesse, ne mentionne pas de rêves se rapportant
qu'Evagre cette absence à l'ava-
s'explique peut-être parce que de
rice mais rares parmi les
plus moines:
de l' Antirrheticus
tels rêvesétaient
ob jet direct les diverses sortes pensées et ce n est
a pour la question des
qu'il aborde y aitrêves. Il ne
Parait pasIrement
douteux qu'Évagre ait pensé qu'il eu selon
autant
deSo de r êves que de « passions » et que or re
desortes suit celui du progrès spirituel51.classifica-,
dispose
lequelil les introduit en outre à l'intérieur de cette en effet,
Évagre Les ressortissent
tion une autre répartition, passions

, art. Les Leçons.,


Contemplation, cor. l7'
49.Cf.I. HAUSHERE, PP^/J^
fasc. XIV-'P1 aris, IQ52- Cen., 3. 7°;
« intellect
dansDictionnaire d nu se trouve par exemple
eSpiritualité, dans
L'expression
3 etc. 41 (1946), pp, 321-364;
t.
t ^re>
Yag" dans Revue d'Histoire
DRAGUET, L'Histoire Ecclésiastique,
Lausiaque, une
çT i'947), pp. Ç-49. 172.
t. dela théorie orie deshuit
Rome, 1933, p,
péchésc api-
taux,
51.I dans
.HAUSHERR, L'origine
OrientàliaChristian* Analecta, vol. 30.
486 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

les unes au concupiscible, d'autres à l'irascible, d'autres enfin


à l'intellect52. Cette nouvelle répartition des passions (et des
démons) se range sur le schéma tripartite de la psychologie
d'Évagre, fondement de sa doctrine ascétique et mystique:
Nous logistikon
A
Ame a) epithUmia : concupiscible
b) thumos : irascible
Corps
Dans les Centuries gnostiques, Évagre assure que « les
démons qui luttent avec le « nous » sont appelés oiseaU:
animaux ceux qui troublent le thumos, et bestiaux ceux
excitent l'epithumia » (Cent., I, 52). Un texte d'Évagre pu*3 qt"
récemment par J. Muyldermans dit de façon analogue: « Les
maisons des avares sont pleines des fauves de colère; et les
oiseaux de la tristesse font leurs nids chez elles » (Evagria'
p. 21, n° 67)53. De fait la colère se rapporte au thumos- titi
autre passage développe davantage cette nouvelle répartit!
et la précise: « Parmi les logismoi (mauvaises pensées),
unes nous surviennent en tant qu'animaux et les autres e
tant qu'hommes. En tant qu'animaux, celles qui ressortisseO,
à l'epithurnia et au thumos; en tant qu'hommes, celles qui
viennent de la tristesse, de la vaine gloire et de l'or
mais celles qui viennent de l'acédie sont intermédiaires
nous viennent à la fois en tant qu'hommes et en tant qu'n-
maux » (Evagriana, p. 18, n° 28). Dans le De malignis Cog"
tationibus (c. 21; P. G., 79, 1224), les démons de la val
gloire, de l'orgueil, de la calomnie et de l'envie s'attaque tJ
à l'homme en tant qu'homme, et ceux de l'irascible et
concupiscible à l'homme en tant qu'animal.
Cassien, dont la doctrine ascétique emprunte tant à rva,
gre54, reprend cette classification en l'explicitant davantage

52. D'après R. DRAGUET (R.H.E.,41, IQ46,p. ^31), « les PasS,


ressortissentà deux principes : l'appétit concupiscible.epithttlnla,rUdes
que sous laquelle il convient sans doute, si l'on considèrela nature
choses de ranger les trois premiers logismoi : gourmandise, lu" 'eot
avarice, d'une part, l'appétit irascible, le thumos, sous lequel il convlire,
de ranger les cinq derniers logismoi : tristesse, colère,acédie, vaine 9loire,
orgueil, de l'autre ». Draguet reconnaît en note que cette répartition
Evag- des
huit lofismoi entre les deux des
principes passions n'est pas dans
et de fait celui-ciproposeune autre répartition. t-q.
53. J. MUYI.OERMANS, EvaKriana. p. 21, n° 67. Même sentence J9'5;en
duction syriaque, J. MUYLDERMANS, Evagriana Syriaca, Louvain,
b. 167.n° «. 1
54. S. MARSILI, GiovanniCassianoad Evagrio Pontico, Rome, 193°'
487
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE
la
peste vicieuse, écrit-il, infeste partie la raisonnable,
superbe, la
Si!a la vaine gloire, l'élévation,
elley engendre contention, l'hérésie. Si elle blesse la partie
tristesse, la
presomption,la
elle enfante la fureur,
irascible, la pusillanimité, la cruauté. Si ence, la tristesse, la
l' impati
elle corrompt la par-
paresse, elle produit la gourmandise, et l'impureté, terrestres
tie concupiscible,
de l'argent, l'avarice, les pernicieux
désirs:
55 commande
- ette ré ,
des passions est aussicelle
répartition qui
Évagre distingue
CeUeddes rêves. Dans les Capita Practica, : « Au
ceux l'irascible et au concupiscible
ressortissent à font la guerre
Ceu*qui rêves nocturnes, les démons, qui des ré unions
des
àla partie irascible de l'â me, nous presen
des repas de famille, des chœurs de femmes,Ceux et
d'amis, choses semblables qui produisent du plaisir. des
à prendre
autres la partie irascible, nous forcentdes hommes en
qui
chemins escar p és, font ven ir contre nous
troublent
54; P. G.,
emins escarpés,
des font et venir
venimeuses. contre (II, nous
bêtes sauvages » il traite
armeset
40,4245-1248). cogitationibus,
l2î5"I248)"
des rêves qui ressortissent
°anS anlDefascible mali8l"i
et au concu-
Piscibe puis il poursuit: « Quand
piscible, l'irascible ou le coneupiscible,
durant la nuit les démonsne parviennent qui
alors troubler
forment des rêves de vaine gloire. » et ceux
0rs ils tristesse (c. 28, J. Muyldermans, parmi les
suscitent la enfin, pp. 51-5 2). Dans
il distingue
commentaire des Psaumes, de la partie
son ou songes nocturnes ceux qui viennent
origine
rations
1Slons ou songes mémoire nocturnesde ceux ceux qui quiprenent
vie eur partie
rationnelle de l'âme, ou
^onnelle
Dans cettedeclassification,
l'âme,
irascible mémoire
ou
un seul depoint
la partie ceuxparaîtquiincertain
cor?C|1^)1^ Cassien
quel la
peu flottant: celui qui concerneen e tristesse, et ce qUI ressort
quelque <
à lala partie ¡rasclble. C'est
la
dederattache
lAntirrheticus,
'Æ parite irascible. effet ce qui ressort
mais dans le Deocto vitiosis cogitationibus,
dans le De maligiiis cogitationibiis l'analyse qu'en
comme la rapproche de l'acédie. en
donne vagre Il Dans le
évoque tristesse
la Miroir des
(no 3g ressmann, p. 149), il l'assi-
mêms temps que l'acédie. Ailleurs, nous l'avons vu,
vierges

55. CASSIENCollationes,
«Hees'
Cf. 64 PariSi Iqi.9) a,t. p. i87). I e textepublié
cit.,
cit.. P^rpar
56. RONaRA
M.-J.RONDEAU, art.
II' pp. 3J3 ncupiscible,QUI, se 1
la partie
M.J, Ronda' ne mentionne pas pp. 3! 3 et
v 316,I,e texte. publiépa<
Nous présumons
des autres q
mentionnée
par est eelle
la mentionnait, car cette division
texteprimitif
d'Evagre.
488 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

mile à un oiseau, c'est-à-dire la met en relation avec un


démon qui s'attaque à l'intellect, Il semble que le mot « triS-
tesse » recouvre chez Évagre des réalités psychologiques
diverses et qu'il incline à la. considérer comme une passion
intermédiaire, analogue à l'acédie. Quoi qu'il en soit de c-
dernier point, il paraît évident qu' Évagre a cherché à
sur le de la sstéa.s
classification
tiser la variété des rêves type ede
passions. Nous verrons dans un instant l'intérêt pratique
cette classification systématique57.

IV. RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

Avant Évagre, le problème du rapport des rêves à la "i,e


spirituelle ne semble avoir été posé que pour les rêves éro:
ques et davantage sous l'aspect moral que sous l'aspect p
prement spirituel58. Ces rêves sont-ils coupables, se demaI1
dait-on ? Très tôt, la question présenta un côté pratique: ce
qui les ont eus, doivent-ils s'abstenir de communier? Comme
nous le verrons, les auteurs ont souvent lié ce problème
II
celui des pollutions nocturnes, qui est en effet connexe,
est bien connu que les pollutions s'accompagnent
parfois
phantasmes érotiques. Les anciens inclinaient en général
c'étaient les des rêves ces
penser que images qui provoquaient eI1
pollutions. Telle est la position d'Augustin, qu'il expose
détail dans le De genesi ad litteram (liber XII, 15; P. L., 3^'
466) ou plus brièvement dans les Confessions: « Les imageS
de ces plaisirs ont, quoique irréels, une telle action sur mo!1
âme, sur ma chair, qu'elles obtiennent, ces fausses visioo
de mon sommeil, ce que les réalités n'obtiennent pas de
quand je suis éveillé » (X, 30, 41, trad. P. de LabrtoIle' mO)1

57. Voici un tableau récapitulatif:


Gourmandise
Luxure Epithumia
Avarice )
Colère Thumos
Tristesse
AcécUe Vices intermédiaires
Vaine gloire ous )
Orgueil
58. Nous empruntons la plupart de nos référencesà J. H. Wasz11*
Tertullianus De Anima, Amsterdam, 1947,p. 486.
RÊVESET VIE SPIRITUELLE 489

les rêves
mentionne l'autre opinion selon laquelle il tient
mais
assien seraient provoqués par les pollutions,
visiblUes comme la plus vral-
ement la re atlon rêves-pollutions
relation rêves-pollutions comme a p
semblable59
ceux qui les
entraînent-ils une culpabilité pour
Ces ? rêves
Tertullien qui les attribue à une action diabolique (De
anirn le rêveur en
i) ne semble pas penser que soit ces
res-
ltna, 47, en avouant que
4) « Augustin, tout même dans le
rêves1le
e (Ibzd.,
troublent45,et demandant à Dieu que,
Ves cessent « ces images grossièrement sensuelles
42), me qui
toute
ébranl;t la chair » (Conf., X, 30,
ébranlent intimementDans le De Genesi ad litteram, il écrit ainsi :
responsabilité. alors ce qui a l'habitude de
est ébranlée, et suit
La chairet il est hors de doute que cela sans
(XII, arrive péché »
({v*lTb
T 15; P.L., 34, 466). EnOrient, les Pères pnaarra aisssseenntet
plus hésitants pour dégager toute responsabilité
été de la de ceux font ces rêves. C'est qu'ils
culpabilté part qui
étaient par la tradition stoïco-platoni-
davantage influencés à
Cienne selon
avantage mfluencés le .par la tradition
parvenir stoïco-platom-
laquelle sage pouvait Nous l'Apatheia et
reVIen-
cienne les mouvements charnels. y
surmonter mêmed'Alexandrie assure que le vrai gnostique n'a
Clément
qUede et sans car la une
purs saints, péché, vertuest
habitu rêvesqui ne saurait se perdre même dans le sommeil,les
ltude autrement61. Origène, commentant le psaume 15,
rêves ou même idée et assure que le saint à
Sauve lan'est des l'exemplenoc- du
plus troublé pas plus par pollutions 12,
uveur Ps. 15, 7; P. G.,
par des rêves impurs (In un temps,
turnes queCette opinion devait frapper Jérôme qui, Ctési-
1 avec faveur. Plus tard , dans une lettre à
la présenta
de avec blâme comme expri-
4.5, il devait la rejeter
S,0"' la
1 doctrine
pélagienne de YApatheia62.

t 59. « A je ne veux pas taire l'opinion si elle ceux q~i


toSh-Auss:bien, de la chair. Ils disentque, émisepar
l'illusion desquelques-uns,
arrive
à
touchanfcettesouillurequ'elle soit produiteaparfait songes,mais
séduction
dorment, cen'est pas
bondancedes humeurs naîtrequelque
PICHERY, Sources Chrétiennes,
plutôtquela sura » (Coll., XII, 7, éd.
p. 133)
dansun cœurmalade de
54,Paris,1958 relèvequeTertullientraite la et ne met
responsabilité
différents, et
60. J.H.WAZINK des rêves en deux chapitres
ces deux questions,op. cit., p. 486.P.G., 8, 496;
deIl orl- ginedémoniaque g Strom.,
pasenrelation 9; VII,12; P. G., 9.
9,
61.CLÉMENT D'ALEXANDRIE VI,9; P. G., 9, 300B;
,Pédagogue,II, 1j2..
6,. t:, 508C. fut
'349-'35'; ab carnis fantasmata
506
mansisse B et de tout 508
pur C. et non tantum vigi
péché cor universo
suum,
62.Le Christ
Purum : omnia custodiaservent
490 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

Cette tradition ascétique a certainement marqué le mouvc


ment monastique, au moins en Égypte. C'est en tout cas
dans ce milieu que ces rêves et ces pollutions devinrent o
cas de conscience souvent posés. Les moines en étaient humi-
liés, troublés profondément, et Cassien nous assure que pour
tenter de les empêcher, certains moines, recourant à une
vieille croyance, s'appliquaient des lamelles de plomb sur
les parties génitales63. Les Conférences de Cassien et à au
très écrits sur les premiers moines attestent que beauCoUP
n'osaient se présenter à la communion à la suite de pollutions
ou rêves 64.
Les Pères et auteurs des premiers siècles résolurent ce C5
de conscience de façons divergentes. L'auteur des QuaestioneS
et responsiones ad orthodoxos, vivait sans 1
qui doute
IVe siècle, peut-être en Syrie, se demande ainsi si les mOines,
après les rêves érotiques (il n'est pas question des pollutions), et1
peuvent communier. Ces rêves, répond-t-il, sont provoqués s
nous, sans nous, par les démons. Notre responsabilité ne
trouve donc pas engagée. Les démons ne nous les envolé
que pour détourner les moines des saints mystères. En rend
les rêveurs reviendrait à la distinction en
coupables supprimer
tre actes volontaires et involontaires (Pseudo-Justin, Quaest.,

'0
lantes, sed de per somnum quidem, id est, non solum in die, sed neCI
nocte superentur » (Tractatus de psalmoXV, publié par G. MoR;i
AnecdotaMaredsolana,vol. III, 3, Maredsous, 1903,p. 23, 14-19;oris
dans MIGNE, Patrologie Latine Supplément,vol. II, Paris, 1960,col. ; lo).
- Comparer ce passage avec Epist., 133,3 (C.S.E.L., 56, p. 247, 1.
- cette lettre critique aussi Evagre. JÉRÔME écrit alors: « Adserit vl eit
sanctum. cum ad virtutum venerit summitatem, ne in nocte quide111
pati, quae hominumsunt, nec cogitationevitiarum aliqua titillari.
63. CASSIEN, Inst., VI, 7; P. G., 49, 276-277: « quo sciticetme Il
rigore genitalibus membris apllicito, obsceneshumores valeant inhtbe
Les anciens pensaient en effet que les lamellesde plomb avaient la v M,
d'apaiser l'appétit sexuel, cf. PI.INE, Nat. Hist., XXXIV, 18, ices
C. MAYHOFF, p. 222, 17 sq. : « In medicina per se plumbi usus cicatrice",
reprimere adalligatisque lumborum et renium parti lamnis fri.g1.j;0rf
natura inhibere impetus veneris visaque in quiete veneria sponte na
erumpentiausque in genus morbi n: Theodorus PRISCIANUS, Euporisto*'
33 (éd. ROSE, p. 131, 16-18) 1 « Vero passionis hius molestia diltl"
perseveraverit. lamminem plumbi renibus et partibus vicinis apponO
A. CORNELIUS CELSUS, De Medicina,V, 26, 36.njre
64. CASSIEN, Coll. XXII, 3 (éd. PICHERY, p. 118); ibid., 6 : hts qUe
du frère qui était très pur, mais était souillé d'un flux impur chere-
fois qu'il se préparait à la communion. Longtemps, la fraveur toire
nait de participer aux mystères sacrés. - De même, dans l' tetSco!11-
Lausiaque, Moïse l'egyptien, obsédé par ses rêves lubriques, n osec0m-
munier, jusqu'au jour où le prêtre Isidore lui dit: « Au non, de
Christ, tes rêves ont pris fin: communiedonc en toute franchise.
491
RÊVESET VIE SPIRITUELLE

6, Memesius nie
G., 1268). toute responsabilité dans
21; P. même accompagnées de rêves, car c'est unc.mou- 25;
les pollutions
totalement involontaire (De nau avoir
vement
P-G., 40, 7oo A). Ailleurs d'autres tendanceSsseemmblent
prév¡ 4a, 700 A). Ailleurs d'autres tendances nocturnes
semblent avoir (il
valu. Basile le Grand,
à la communion les exemple,
après par in e
détruire
pollutians en effet
se rendre
pas questionsIan des es rêves ) : le moine 01 P. G"
n'est
en lui 1 chair de Qg. p. G.,
péché (Regulae breviustractatae, 309;
enluila
1301-1304).Peut-être cette prescription rigoureuse vient-
31,
® le de ce
que Basile les met en rappor a jes pensées
en effet ces der-
de
la vei ce comme
que Basile pour lesles met
rêves.
cn il
rappart
considère aVec les « tels
pensees nous
de
la veille, et que
niers comme des vesti g es de la vieéveie, e
VIVon tels sont nos longes » (Hom. m julittam,
sont 31, 244 D). De un tempérance
4; P. G., toute la
tempérance
car, assure-t-il, vraie" » à l'égard
destruction du péché, la « désappropration
signe d'imperfection, ses mou-
est la mortification du corps Jusquedans
xyUj 2;
des passions, la
naturels et ses désirs » (Grandes Règles, nette-
vements spécifie 2 ;
XVII,
964 B). Ailleurs, cepcndan t, Basile si l'homme
P. G., 31, ne devient un péchéque ait
ent que la concupiscence En ne il semble qu'on
devient un p
ment que laet concupiscence
s'y complaît65. Égypte,
y adhèreune solution plus nuancée. est accom-
Timothée, évêque d'Alexan-
cheché la communion que si la pollution
drie, n'interdit
pagné En
d'unl'absence
rêve de rêves,
sensuel que la pollution pens le gdémon coUpable,précisé-
e
^er- peut avoir même été provoquée par
(Theodo-
1 eHe en vue d'amener le fidèle à ne pas communier 138,
ment
en vue d'amener le fidèle à ne pas - « Que celui
Us Balsamon, In Canones fixé
Titnothaei ce quiex& prêtre
suit
Atre Dioscore,
pioscore,
Scété, avait
898). de désert de Scété avait fixé femme
ce qui n'ase
dans dans
le désertla de nuit a rêvé d'une ne se présenter
qui aCcom- mais les pollutions qui Snza-
et sans sont
péché 6pas
6. accom-

à la communion, rêves sont involontaires implicitement
pagnéesde son Histoire ecclésiastique, rapparte
mène,solution
dans comme preuve de la puretéqu'exigeait ";tteste atteste que
cette
de ses
nombreux disciples, ce qui indirectement

pr "29, 221 C. Cf.


D 6S BASnEH' 1 Basile. Marèdsous, »
sur le Psaumesain' 5; 194
Homélie
L'ascèçe monastique de t
65. BASILE, , TMK
Texte iatin.
ladu,
D. AMAND, PREUSCHEN, p.
P 82, -13
8', 7-'3'
P, Historia Monachorum,
66.1-•'ai. éd.
pp. C-443A.
442201 sq.
492 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

le plus souvent ailleurs les rêves et pollutions n'étaient


pas
vil
considérés comme un obstacle à la communion (H.E.,
28; P. G., 67, 1372-1373)- e.
Cassien paraît bien ici encore se situer dans le prolon&-e.
ment de la tradition monastique égyptienne. « Si l'ennerJlI.'
trompe la vigilance, assoupie, en sorte que nous ne soy
contaminés, ni par un point répréhensible, ni par quelque
consentement ou plaisir mauvais et qu'il n'ait à
prête* |
comme empêchement à notre sanctification, qu'un épances
ment causé par la nécessité naturelle ou par son attaque, s
aucun sentiment de volupté, nous pouvons et devons appro.
cher avec confiance de la grâce de cette salutaire nourriture
(Coll., XXII, 5, trad. Pichery, p. 120). Mais comme le prouve
le paragraphe suivant, c'est l'absence de rêves impurs qili
constitue le meilleur signe de l'absence de responsabilité
6
la part de celui qui dort dans les pollutions (Coll., XXII,. :
pp. 121-122). Ces rêves ne constituent pas un péché à stOCs
tement parler, mais ils sont le signe que le moine n'est P
encore parvenu à la perfection et que ses passions ne sont
point parfaitement purifiées. « Que la séduction des fa
tômes féminins ne cause point d'illusion durant le sommel'
Encore que nous ne croyons pas cette tromperie comme
co
pable de péché, elle est cependant l'indice d'une convoitise qUI
se cache encore dans les moelles» (Coll. XII, 7, éd. Piche:
Cassien reste comme et C
p. 13267). convaincu, Origène
ment, que le saint peut parvenir à une chasteté « telle qUe, 0"
le mouvement naturel de la chair étant complètement mort,
n'ait plus absolument à souffrir aucun épanchement » (Coli.,
C'est à un tel état l'Abbé Serenus eU
XII, 7, p. 139). que
la grâce de parvenir (Coll., VII, Ire éd., Pichery, p. 244) os-
C'est une solution de ce genre que Grégoire le Grand pro
pose à Augustin de Cantorbéry, avec cependant une différenea
de nuance significative. Augustin avait posé à Grégoire
question suivante: « Après les illusions: rêves qui ont coutun;
de se produire pendant le sommeil, le fidèle peut-il recevo
le corps du Seigneur ou le prêtre célébrer les mystères sâ

67. Même opinion, dans Inst., VI, 70; P. L., 49, 279; 22, col. 2.9IêniS
68. Cf. Inst., VI, 20; P. L., 49, 289 : « Itaque hic est integritatis 113
ac perfectaprobatio, si quiescentibusnobis titillatio voluptatlsnUge- ege'
subrepserit, ac pro necessitate naturae nobis inconscii concretiones
rantur obscenae. »
493
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

faut eil
Grégoire répond qu'il Prendre ° du
crés? du songe, s'il vient d'une simple diposition le songe a
l'origine d une pensée entretenue la veille: « Si
corpssuou. meur avait
par une pensée honteuse que le
été suscité il est clair qu'il ya pec ptnour de
appré-
eue durant la journée, il convient de en
gravité prendre cansidération
avec délec-
ciersa nature fut cette
pensée (simple suggestion,
tation ou avec consentement) 69.
taatl°n, au IVe siècle pour apprécier
solution qui prévalut donc leur
la a
des pollutions nocturnes, tient compte de ne
la moralité à l'activité onirique; mais tandis cons-
JUgent celle-ci coupable que pour autant qu une pensee que certains
esti-
jugent cours de la journée, en fut la cause d'autres cou-
^te, au est toujours en rapport avec une passion au
mentqu'elle
nature, mais qui peut être devenueinconsciente sur ce point les
pable Par
(ou même le fut toujours),
rêveur lui-même
précisent pas leur pensée. il
a UUrsneà cette dernière ce
tradition qu'appartient Évagre
ait fait orévaloir et
C'est possible que ce soit lui qui
Point rne
de vue dans les milieux monastiques Les
égyptiens.
le «
point naturel s du corps, qui, dans sommeil, sur-
mouvements sans images, écrit-il dans les est
viennent CaPlta sont
l'âme se porte bien. La fixation des images le signe
l'indicedeque vois-y
maladie. Si les visages sont vagues, d'une blessure
signe sont-ils c'est le signe
ancien; précis,
récentrnal (Pract., II,
53; p. G., 4°. 1243A). que
récente 1alors que, aussi bien chez ceux qui l'ont précédémorale
Mais l'ont le de la
des Ceux qui suivi, problème signification
rêves érotiques,
n'est posé qu'en fonction des
des rêves même
Évagre, me SI si sasa solution
solutian futfutd'abord
d'abordélaborée
elabar à crêvesocca- et
l'occa-
sion d' tels
songes, généralise celle-ci saà tous les
doctrine
chercha lui donner place au sein de ascétique
amené à attri-
cherchaà lutte contre les vices. Évagre fut ainsi révélatrice
buera rêves une double fonction, une fonction
Unf fonction dynamique, qu'il distingue nettement.
et Une

69 LE GRAND, Epist., LXIV;G P- T > )jeidnische Kem-


KeRS,Einige Bemerkungen
69.i GRÉGOIRE
J. über Ki,,h , ..d H,idnische dans
heitsvorschriften in denerstensechs Nachchristlechen
son Jahrhunderten,dans
à .",o,y.e KYmden e,,'en 156-160
(1943),pp. (malgré
,,,h, leNaeheh,¡"Uchen fah'hunderten,
titre e comme daDS
se bornecou-
Mnemosyne, XI de Grégoire Grand).
et considèretout- rêve
CRsAl"ED'A"us, sur ce
àPablec
analyser
point, la lettred'Augustin
-Sermo t. 104, lubrique
p. 720.
e
Scermo, 177;Corpus Christianorum,
494 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

DES RÊVES
A. FONCTIONRÉVÉLATRICE
des es-
Évagre met les rêves au service du discernement
il
prits. Nous avons déjà relevé précédemment combien llTlpla
tait au moine de se connaître soi-même et de discerner la
nature de ses pensées, s'il voulait faire des progrès dans ar
vie spirituelle. Il s'agit essentiellement des pensées, car
comme A. et C. Guillaumont le soulignent, l'analyse d kv »
se rapporte presque exclusivement à l'anachorète. « Avec s
séculiers, en effet, les demons uttent au moyen es G.,
avec les anachorètes ils combattent nus» (Pract., 5; P.ci.,
40, 1245 B), c'est-à-dire au moyen des « pensées paS
nées» (IbidII, 48). La lutte contre de telles pensées ère
bien plus difficile (Ibid., I, 28), car les pensées n'offrent
gUfait
de
de prise, c'est une lutte quasi immatérielle. S'il est des
relativement facile de reconnaître le caractère mauvais
hl5
actions et d'y mettre fin, celui des pensées est souvent P
subtil et sait se dissimuler parfois sous des prétextes nOe le
Par exemple, un anachorète peut être tenté de quitter le
désert pour soigner ses parents; c'est une tentation qu'£vare
et les Vies des moines rapportent souvent. Cette lutte co
les pensées passionnées est nécessaire si le moine
asplre à
la vraie gnose (Lettre 25, Fr. 580). Il doit s'en
dpoUldes
parfaitement car elles laissent sur l'esprit l'empreintedes v
choses du monde (Lettre 39, Fr. 582), elles le tournent ue
ce monde qu'il avait quitté (Lettre 6, p. 580). Et tant
qlle
l'esprit gardera l'empreinte des réalités sensibles, il ne pourau
voir Dieu car Dieu est pur esprit et totalement
étranger éeS
monde (Lettre 39, Fr. 582). Ce ne sont pas les Pensées
comme telles qui sont coupables, mais leur caractère
attachée à ces P.
31al.
sionné, quelque volupté pensées (De
cogit., c. 19; P. G., 79, 1221 C).
Mais ces passions, Evagre le sait par expérience, nOusteS
ignorons nous-mêmes bien souvent, nous sommes aveug
à leur égard (Capita Practica, I, 55; P. G., 1233 C), et pousi
tant nous ne pouvons les combattre et les anéantir
qUsi
lurnl
nous avons appris à les reconnaître, à les mettre à la
ère,
Une comparaison de Cassien éclaire bien cette pensée: Il 0
arbre géant étend au loin son ombre malfaisante; il
est
moyen facile de le faire mourir: que l'on mette d'abordDes
nu les racines qui le soutiennent ou qu'on les coupe!
495
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

l'infection; elles tarissent donne à l'instant,


naissance si an et ales
eaux portentde fermer la source qui leur l9g). pour
habiletépar où elles courrent » (Coll., V, 1» p,
d'abord mettre
veinescontre
h'abord vices avec succès, ilmettre faut donc ordre,
utter les les par
1 passions qui en sont l'origine ete les P rocéder il y a entre
à nu y a un ordre entre les passions vices.
succèdent selon
Car il mutuel, ils s c. i ;
un enchaînement cogit.,
euxcomme d re, un ordre rigoureux (Demal.
un certain
79, or lzaI A). L'orgueil, par
P.G., exemple, pécède la colère,
entraîne la luxure, l'avarice, de la
l'orgueil
Le démon (J. Muyl-
la gourmandise
dermans, Evagriana,v , i18,
8, n" 29 , 30,
29, 30 31).
agn<:tta p. 31
vaine gloire
l' survient après la défaite des autres (pract., demeurent
vaine G., la vaine gloire et l'argueil
1244 C), p. 20, n' 45)'
31; P. 40,
il nous faut procéder
après lavoulons défaitetriompher
des autres des vices,vices à sa racine,
mal
selonasleur ordre de succession, attaquer le série,
dans chaque
selon effet, assure encore Cassien, « si, de
lala en
croissance dedel'un produit lele suivant
l'un produit suivan en diminuant
diminuant de
il nous en délivre» (Coll., V, '0, P-
la croissance
dans
* la direc-
force, voit le rôle que peut jouer cette doctrine
On En connaissant la passion majeure du moine,
âmes. porter un diagnostic sûr
tion des saura est en
le Père conseiller les remèdes appropries.surLel'état de son directeur âme,
avec la maladie
et lui le médecin de l'âme et la comparaison les états
effet chez Evagrc pour exprimer Mais
est fréquente etc.).
ou la santé 56,
é est fréquente chez Évagre p
la comment
sant le mo ine saura-t-il discerner les formes empreintes
impures,
« celles qui sont
le les pensées saintes de
nous,
lesp Fr. 568). Car
les ruses des démons » ? (Lettre nom-
évidence
es pensées pures de celles qui son^S°|11 Des
, passions
et mettre en »
rssance de soi est chose difficile «
la conna
breuses sont cachées clans nos âmes, qui nous échappent.
(Cenes VI, sont cachées Texte dans nas dansâmes, qui noUSéchappent.
52. grec Orientalia christiana periodica,
(Cent., p. 231). Sans doute, précise-t-il ailleurs (Pract., une I,
V, 1939, 1228), les souvenirs passionnés présupposent action pas-
G.,40,
23; P. passionnée antécédente, de même qu'une peut
action pas-
sionnée laisse toujours un souvenir passionné, de maisaction
cette il
que nous ayons perdu le souvenir les milieux monastiques,
arriver ou, ce qui est fréquent dans
S'onnée,
que cette éteinte.
nous nous imaginions passion
Dict. de spir., col.207.
70. Voir l'analyse d'A. et C. GUILLAUMONT, dans
496 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

Les passions sont donc cachées, devenues inconscientes, mais


diverses occasions les « dévoilent ». « Alors qu'elles noU
des tentations vives nous les révèlent
; et il faut
échappent,
qu'en toute vigilance nous gardions notre cœur, de peur que
lorsque surviendra l'objet pour lequel nous avons une paS
sion, nous ne soyons entraînés subitement par les démons
et que nous ne fassions quelqu'une des choses qui sont
abo
minables à Dieu» (Cent., VI, 52). Les distractions penda
la prière dévoilent aussi nos inclinations et tendances: « SI
tu veux savoir quel est l'état de ton cœur, s'il est zélé oU
négligent, observe-toi au moment de la prière. Par quelleS
ton est-elle Est-elle en-
pensées intelligence impressionnée?
traînée par des pensées de passion ou par l'impassibilité ?•••
de
(Lettre 25, Fr. 582). Les rêves enfin, et peut-être même
façon privilégiée, dévoilent les passions.
Evagre ne s'intéresse donc pas à l'affabulation secondaIre
des rêves, celle qui retenait par contre l'attention des inter-
prêtes des songes de son temps, comme de tous les temps
du reste. Il ne cherche pas à déchiffrer l'avenir, mais bleO
l'état de l'âme. Il retient donc d'abord la nature du rêve,
la catégorie dans laquelle il convient de le classer, s'il con-
cerne la partie rationnelle de l'âme ou le concupiscible Par
à vice il La matière des rêves est
exemple, quel correspond.
donc significative. Les démons, assure-t-il, provoquent deS
rêves effrayants aux coléreux, des rêves sensuels aux goUr-
mands (De mal.cogit., c. 27, J. Muyldermans, p. 51,
i2-i5''
Également les rêves de vaine gloire ne surviennent en généra
qu'à ceux qui ont maîtrisé l'irascible et le concupiscible (Ibid,,
c. 28, p. 51, 27-29). Mais Évagre ne pense pas que cela sur
fise pour porter un diagnostic. Il faut aussi et même surtout
tenir compte des réactions de celui qui fait ces rêves, de soi1
comportement dans le rêve. Il se pourrait en effet que le rêve
ne provienne pas des souvenirs passionnés, que nous n'y ayons
aucune part. Évagre est convaincu que les démons peuvent
susciter des phantasmes en notre cerveau, à notre insu (De
or., 72 et 73, Cent., I, 22, etc.). Les images des rêves en
elle-mêmes ne permettent pas d'attribuer telle ou telle passion
à celui qui les voit. Le phénomène du rêve, comme tel, est
moralement indifférent. Mais si ces images suscitent une réac-
tion passionnée chez celui qui dort ou, dans le cas des hallu'
ciations, chez l'homme éveillé, elles sont alors
Un exemple d' Évagre montre bien sa pensée: «révélatrices- Si, quano
497
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

en des réunions d'amis, des repas de


Voyons rêve, fa-
nous chœurs de femmes, nous nous y
précipitons;
nous ou
fuyons bien
mille)des des apparitions effrayantes de fauves,
> p ant
il, 54; p. G., 40, 1245). et même le
Tact.,gnostique peut avoir encore des rêves,
diable ch erchera par ce biais, sans
précisément à l'atteindre nous sommes car
durant
sommeil, le corps étant endormi, restera
durantle (Cent.,
IV, 60). Mais le gnostique de son P amc j^le*
: « Le
défense même alors la santé
Lesrêves attesteront c'est le nous qui a cammencé devoir sa et
VApatheia,
Propre lumière, demeure calme devant les rêves nocturnes
cOnsidè les choses avec égalité » (pract., 1, G" 40,
loin, 3 ma» rimée
considère
1232 même pensée rev ient plus
Une forme plus énigmatique. « Nous
sous
de percevo es neg
sIgnes
.J, i^atheia' lelejour j°urparParleslespensées,
Pensées'la lanuit
nUltparparles rêves. »
de l'Apatheia, 56; P. G., 40, 1248). Une
(Ibid., II,Centuries nous comparaisan
aider d'£vagre
gnostiques peut
5 du gnostique au spectacle des rêves: « àDe suggérer l'état
mêmequ'un
d,4Me sans être taché par les images qui y son regar-
miroir reste même l'âme impassible reste sans être tachée par les
Choses e Dans le Derrud.
sont sur terre » (Cent., V, 64).
COgito qui assure encore le moine
que possède un signe
cogit., Evagre véritable Apatheia quand les images
effray certaIn ou de la
lubriques des rêves ne
effrayantes même s'il parviennent
« les femmes
plus à qtii
le
s'emporte contre
troubler, àou lui de façon indécente en rêve (c. Muylder-
viennent P- 52, 26-29).
La' se maintenant. Devant
originale d'Évagre dégage r agIt
La pensée des qui
lesUsions rêves, l'âme de les reçoit
dispositions profondes. Si celui
les pascelles-ci
encore
selonses vertus de n'ont
l'âme,
cpleinement réglé les parties inférieures des
réOnt automatiquement pour ainsi Hdire e à rotation Jean
Plei ment
et kS Parties
les passions se trahiront, inféHeUrS
se celles-ci
dévoileront,alors.
images VEchelle du Paradis (dont
Climaque,dans a compte Spln- cette
tant à Évagre), reprend tour,
tuelle emprunte à
écrit-il à son
signe de la vraie continence,
idée.
v « Le
Slgne rêvesde la ne parviennent plus à
vraie contl"encJ' aucun
du Paradis,
mou-
les
c'est que la part de celui qui les voit » sUscIter
(Echelle
ic
vement de p. G., 88, 881 B).
deg;ré,

4
498 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

B. FONCTIONDYNAMIQUE
DES RÊVES

Les anciens n'avaient pas manqué de relever l'influence des


rêves sur la vie éveillée, mais, sauf exception, ils ne prellaiefit
en considération que l'influence exercée par les encouragr-
ments, mises en garde ou paroles reçus en rêve. Il est cer@
tain que les rêves, en vertu même de la croyance que l'on
avait en eux, furent souvent de puissants mobiles d'act'
Les récits, fictifs ou réels, mettant en relief cet aspect, 50fit
innombrables, depuis le rêve de Nausicaa dans l'Odyser;
jusqu'à celui de Dio Cassius qui le décida à écrire un 11
d'histoire, ou celui de Galien qui le décida à entreprendre
opération. Par contre, l'attention des anciens s'est peu porur
sur la continuité de la vie affective et l'influence des
la vie éveillée. Cette lacune tient non seulement à rêves l'lot te
excessif pour les rêves dits divinatoires, mais aussi à cette
conception selon laquelle les visions des rêves étaient aa te
gues à celles du jour, de quelque façon objectives71. A r
titre Cumont, Dodds et Bjôrk ont souligné cette concept
Aristote fait pourtant exception. Il relève que les rêve ¡¡-
sont pas seulement des signes mais également, au moins 0 le
sionnellement, des causes: « De même que, en effet, surle
point d'accomplir un acte, et pendant que nous l'accoflip
sons, et après que nous l'avons accompli, nous y peosst
souvent et le faisons dans un songe véridique (la cause, c el'l-
le mouvement se trouve les éléments e
rec
que préparé par ue
lis durant le jour), de même inversement il est nécessaire4 fit
les mouvements qui ont lieu dans le sommeil soient sou
les principes d'actions accomplies durant le jour: c'est,qfi-
l'idée de ces actions a déjà été préparée dans les
rePré5
tations de la nuit » (De la divination dans le s ornfgel: e
463 A) 72. Mais cette observation ne paraît pas avoir
exploitée même par ses disciples..
Les chrétiens partageaient les idées de leurs contempO\ase-
Ils reconnaissaient certes l'influence des rêves, mais
iles
preces
ment en tant que contenant avertissements ou promesses.
dons
l,
71. Cf. G. BJÔRK, D e la perception de rêve chez les anciens, tio
Eranos, 44 (1946),p. 309; E. R. DODDS, The Greeks and the Irra
Berkeley et Los Angeles, 1951, p. 121.. tliltrr
rtala,
Traduction de R. MUGNIER, Aristote, Petits traités d'histotre
72. Paris, 1953.
relie,
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE 499

es
des Si ces
ernples fournis par par
les es
écrits retiens
ecnts cchrétiens premiers si
sont in rêve rapporté par Palla-
innombrables depuis le d'Ëvagre de
sont Grégoire
celui que fit dans sa prime jeunesse
:azian ne met d'ailleurs pas en question
Evagre cette
Influeze, sains écrit-il dans les Centuries
influence. « Les anges, ils en gnos-
ramè-
instruisent certains hommes par la parole;
9ues, au moyen des songes. » (VI, 26). Néanmoins,
nt autres les rêves sont souvent provoqués par des démons
c ^rtie actions ou font mIroIter
qui présentent de belles
de belles promesses, Évagre et les Pères le plus souvent
recorn aux fidèles de se défier de leurs rêves. aux Le
Pscud mandntustin assure ainsi que les démons présentent
eudo-J l'espoir de les
rêve de bonnes actions dans voir
oines en et des mauvaises actions pour qu ils en
prou nt de e la
volupté (P. G., 6, 12-68 B).
éPneuvent outre cette influence, certains auteurs ont relevé celle
Mais
onirique comme telle sur la pensée éveillée, en
raISon ded la continuité de la vie affective. Ainsi Synésius de
CYrèn « bien de
son Traité des Songes, assure que loin
f ne> dans visions forcent notre assentiment,
indifférents, ces au
n Uslaisser quand nous ne le repoussons pas,
Inclinations s imposencon-
avec horreur. Leurs sortilèges multipliés
t*lre» sommeil. Il n'est de moment où la
pas volupt de ait
ces
à notre sont
charme, de sorte que nos âmes marquées
hainese de ces amours au-delà de notre revei » (P. G., 66,
de conséquences de
13161J) Mais Synésius ne tire guère
131613)n. Les moines
si juste jetée comme en passant,
sembl "ue dans cette Ils
être allés parfois plus loin voie. avaient
ent les
rêves, surtout les rêves érotiques, roihSfflt
notéqueles
les affaiblissaient, les rendaient plus accessiblesfaisaient à la tentation à
appel
avons même signalé que certains
nous écarter de tels songes.
techniques pour ces Ils
craignI'lItIves assure
Cassien, de perdre par ne songesrester des
craignaient, en beaucoup de temps et de
forces acquises VI, plus
dans leur propos de chasteté (Inst., 7; p, L" 49,
fermes relève encore qu'après de mau-
277).Saint Jean Climaque
nous nous réveillons mal disposés (Échelle, 15e de-
vais rêvesG., Encore au moyen âge, InnocentII
gré;
rediraP. : « 88, 896 B). somnns ima
in
Apparent enim frequenter turpes

Synesiosde
cette traduction à C. LACOMBRADE,
Yrène,
ene, HeU:pruntons
elléniste et chrétien, Paris, 1951,p. 1
500 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

gines, ex quibus per illusiones nocturnas non solum caro PO" dI


luitur, sed anima quoque maculatur » (De comptentu mun
c. 25; P. L., 217, 714).
une de
Évagre recueille l'expérience des moines et fOIs.
plus la formule et la systématise. Il relève que les rêves trOU,
blent le concupiscible ou l'irascible et que ce trouble est de
gereux, car il affaiblit la résistance de l'âme. Dans le De
malignis cogitationibus il explique que les démons provoque
les visions des rêves pour faire la guerre aux anachorètes
« En effet, le thumos qui la nuit précédente a été
troublai
devient rapidement tenté le jour suivant, et l'ePithumia, ql1
a été mise en branle auparavant par les images nocturne5-
reçoit facilement des pensées impures. Les démons prOVOqueo
ces images pour se préparer une voie pour le jour suivant-
(c. 27, J. Muyldermans, p. 51, 6-12). Le démon sait nie
choisir les images les plus aptes à troubler le moine : des
images effrayantes pour celui qui est de tempérament o i
reux, des images de femme ou de bons repas pour celui til,
est sensuel.
de
Les rêves sont donc susceptibles d'exercer une profofl t
influence sur la vie éveillée et Évagre en voit bien le sre
L'âme réagit aux images des rêves selon ses
dispositif
profondes. Si les passions ne sont qu'endormies ou somfflÇ
lantes, elles sont excitées et reprennent comme de nouveIle
forces; or les passions conditionnent l'activité de l'inteIleC
et l'inclinent vers les objets qui attirent les passions. Au c~'
pitre 28 du De malignis cogitationibus, Évagre en donne
exemple assez simple. Le moine rêve la nuit qu'il fait plItre
un troupeau. Le rêve dévoile une passion de vaine gloire qUe
le moine ignorait peut-être. Au réveil, son esprit reçoit l'lmae
du sacerdoce, et il passe le reste du jour à réfléchir sur ce
affaire (J. Muyldermans, p. 52, 2-4). Dans d'autres Cas!
l'influence des passions est plus secrète et plus mystérieu
Cette action des rêves sur la vie spirituelle n'est donc qu
cas particulier de la causalité générale des passions, auxquel
Évagre n'hésite pas à attribuer la naissance des logistn
c'est-à-dire des mauvaises pensées, des vices. Dans les CaP
Practica, Évagre pose nettement la question du rôle des Pas,
sions dans la formation des vices: « Est-ce la pensée qui1111
en branle les passions, ou les passions, la pensée? Il faut
l'examiner attentivement, car d'aucuns tiennent la Prertll
la seconde. » P. 1228 nV\'
théorie, -d'aucuns (I, 26; G., 40,
501
5°1
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE
est
le rapport pathè-logismoi un rapport d'ac-
Pour Evagre,
réciproque, comme le relèvent justement du A. et C. Guil-
tion col. 203). Un texte duà
devoir mentaire
être attribué
laumont(art. cit.,
des Proverbes bien en-
qui paraît
livre affirme explicitement que les pensées et passionnées l'epi.
Évagre
la colère et la haine du thumos lespoussent logzsmoz aux
flamment aux ac honteuses,et il compare
IOns honteuses
actions et il cOI"Pare
umia
flèche enflamm ées de l'ennemi74. Mais le plus souventles
sur esÊvagre
pen-
insiste sur l'or or d re Invcrse, l'actian des passIOns c'est par
insiste inverse, l'action des passions
montre sur
que
sées. D la lettre 6 par exemple, il et que
sées. Dans que le nous reçoit les penséescriminelles
démons (Lettre 6,
re, pareille à Judas, le livre aux
l'epithumia
provoquent,
la colè Fr., 570). Ainsi par les pensées
463 Pa, à asservir qu'elles
l'esprit aux choses
les passions(Prae.,
parviennent-elles
r, 7,; P.G., 40, -44
terrestres 16, n. 12, Cent., Suppl., le
Evagriana, p. > (( c'est( c'estle
maine,
26; Fr., il
451;répète encore que la tentatian du de la partie passion-
logismos s'élève par l'intermédiaire P. G., 4°,
flSmos qui et qui obscurcit le nous» (I, 46; développé.
née de l'âme la lettre 39, ce thème est la
233 A). Dans que repris et
l'intellect porte
assure-t-il une fois encore,
de ce dont il a pris au-dedans la passion. Les pensées
Il est clair,
Pet*sée par les tant
appelés passions
de les s'impriment
supprimer
des objets corporels, et il n'est pas possible
dansi1 intellect (tr. 1. Hausherr,
passions n'ont pas été retranchées
les
eÇOnsP- 95)-

DES RÊVES
C. MÉCANISME
en branle par
la vie éveillée, les Prac-
Dans passions lesont misesdes
chapitre Capita
par la mémoire. Dans cau-
les sens ou si c'etaient les penséesqui susci-
qui Evagre se demandaitsusci- les qui
tica où passions, ou inversement
saient les « passions
pensées, il répondait: Naturellement, c'est par
taientles que les passions sont excitées » (I, 26; P. qui ont
les sens Ailleurs, il précise: « Parmi les passians sens (littérale-
qui ont
1228D). les unes l'ont été parles d'autres
mentIes
ment à en branle, la mémoire,
partIr des sens), d'autres par

codiçis bibliorumtnattCJ,
l E. SCHANDORF,
4. Notitia editionisCf
74.'P2lg,
Cf. A.
1860,p. 86,
502 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

encore par les démons» (Evagriana, p. 20, n° 47). Evagrc et


ses disciples tirent de cette constatation des règles pratiqueS
très importantes pour la vie spirituelle. C'est elle qui COO"
mande ce qu'ils appellent « la garde du coeur75 ».
Qu'en est-il dans le sommeil? En effet les sens sont alors
iiés et il ne semble pas qu'Êvagre admette une action
des démons sur la mémoire, car elle est une fonction directe
inte
lectuelle et les démons n'ont pas directement accès à l'intel-
ligence, au contraire de Dieu (De or., 63)76. Mais Évagre
considère que le rapport « mémoire-passions » est un rapport
d'action réciproque et sans préciser du reste le mode d'ac-
tion des démons sur les passions, il affirme que c'est par
l'intermédiaire des passions mettant en branle la mémoire que
les démons provoquent les rêves nocturnes. Evagre dévelopPe
cette explication dans un important chapitre du De maligntS
cogitationibus, dont nous donnerons la traduction.
Il faut chercher comment, lors des rêves nocturnes, les de*
mons donnent une empreinte au principe hégémonique et 1'1.
forment. Le nous, semble-t-il, reçoit une telle empreinte sot
qu'il voie par les yeux, soit qu'il entende par les oreilles, soIt
encore qu'il perçoive quelque qualité sensible. La mémoire éga-
lement imprime le principe hégémonique, non par le corps, 01815
en mettant en branle ce qu'elle tient par l'intermédiaire du
corps.
Les démons me paraissent donc donner une empreinte aU
principe hégémonique en mettant en branle la mémoire. f\
effet le sommeil lie les sens et ceux-ci demeurent inactifs. Mal.
tenant il faut chercher comment les démons mettent en braoe
la mémoire? Ne serait-ce pas par les passions? C'est évident,
puisque ceux qui sont purs et impassibles n'éprouvent plus Ie)
de tel. Cependant il y a une activité simple (de la mémotfy
venant soit de nous, soit des puissances saintes, grâce à laquel1
nous rencontrons les saints pendant le sommeil, parlons et
mangeons avec eux. Toutefois, il importe de le relever, les
images que l'âme a introduites en elle avec le corps, la mérno^e
les met en branle sans le corps: c'est clair, puisque dans e
sommeil souvent nous éprouvons ces choses, alors que le corps
demeure en repos. Il arrive que l'on se souvienne de l'eau, qtle
l'on ait ou non soif. De façon semblable, l'on peut se souvent
de l'or avec ou sans cupidité, et de même pour toutes les

75. On se rendra compte de l'importance de cette doctrine en parcou-


rant J. GOUILLARD, Petite Philocaliede la prière du cœur, Paris, l95-
76. 1. HAUSHERR, Leçons., pp. 90-91.
5°3
503
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE
discerner de
Mais le fait que le nous est puisse
le signe de leur
autres différences
choses. dans les imaginations
telles de choses
servent
aussi savoir que les démons seAinsi se servent-ils
artifice pernicieux.
Il faut pour provoquer l'imagination. Natre thumos
du bieres des vagues contre ceux qui navIguent. il se meut
dubruit efficacement au but des démons àquand toutes leurs ma.
contribue nature et se prête avec dévouement • ne refuse
contre
nœuvres Aussijour et nuit, il n'est aucund'eux qui à la douceur,
attaché
troubler. Mais quand ils le voient pour
de le alors aussitôt pour de justes prétextes. bestiales,
ils l'abandonnentaigu et eiffcace contre leurs soit pour de
plus pensées.
le rendre nécessaire de ne pas l'exciter, quece ceux qui le
prêter à
ou injustes affaires, et de ne pas
il est donc souvent beaucoup
justes un glaive mauvais. Je sais que po de futiles
suggèrent et ne le convenait,
enflammés, plus qu'il
sesont
Prétextes (c. 4, P.G., 79, 1204-1205).

comme il arrive souvent chez en est


Ce chapitre, et énigmatique, mais le sens général le som-
les démons, dans en est
a- 1 obscur
Evagre se demande comment
clair. influencer le nous. Son raisonnement présuppose
me-il, Peuventstoïcienne
la doctrine de la connaissance s jyaprès
celle-ci, on
on lele sait, sens ou la
les sens
sait, les
dansle principe hégémonique connaissance d'aù il sensible. l'objet
mémoireimpriment apr s
sommeil, ouil
résulte
liés par le
une phantasia
dansle représentative. Les sens sont mémoire.
reste
que les rêves soient provoqués par la
reste donc
les démons ne sauraient agir directement en branle la
Mais Rvagre en conclut qu'ils doivent mettre gur en ja mé-
voit la
et il
moire. par l'intermédiaire des passions,
preuv
•noireIred par l'intermédiaire des passions,
preuve dans
doute, dans le De oratione et dansles capita
les parfaits, au
que moins avant qu'ils ne
Practica il affirme
lent Parfaitement établis dans l'impassi gt aient parfai-
t nent triomphé de tous les démons, pr encore des
rêves effrayants ou impurs. Ces rêves éprouvent encore des
non plus les
parl'intermédiaire
l'intermédiaire des palpiter les
démons
des P; nan plus par despassiolisq
passians,rêves
maiscesseront
créant
mais même ces
des
Peu phantasmes dans 72,le 73),
cerveau en en faisant palpiter
Peu à peu.
à peu.
504 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

D. EXTINCTIONDE L'ACTIVITÉONIRIQUE
-
Le mécanisme des rêves, tel que le chapitre du De malignis
cogitationibus le présente, explique à 4a fois comment les
songes sont révélateurs des passions de l'âme et comment Ils ils
peuvent influencer l'esprit, même au-delà du sommeil.
constituent donc un réel danger pour la vie spirituelle et les
moines doivent chercher à modérer leur activité onirique, -
même à l'éteindre progressivement. Pour parvenir à ce resu
tat, Évagre n'indique pas d'autres moyens que ceux u
visent à extirper les passions de l'âme. Puisque la sensuahte
naît de la gourmandise - « l'esprit de l'impureté, écrit Par
exemple Évagre, suit ceux qui remplissent leur ventre, cornrTle
le loup affamé suit la trace des troupeaux» (Evagriana, p- z,
n° 17) - pour mettre un terme aux rêves érotiques, le rnole
devra mortifier son corps, c'est-à-dire jeûner, coucher sur
sol et veiller. Pour mettre fin aux cauchemars, il devra apu-
ser son thumos par les œuvres de miséricorde, la lecture des
psaumes, etc. Évagre ne cesse de recommander ces refl1
des, qui sont d'ailleurs traditionnels dans la tradition ascet-
que et monastique. Ainsi au chapitre 27 du De malignis cog1
tationibus, où il traite des songes relevant du concupiscible
et de l'irascible, il poursuit: « Les anachorètes doivent donc
veiller et prier pour ne pas entrer en tentation et garder leur
oœur avec une grande vigilance, apaisant leur irascible Par
la douceur et les psaumes, calmant le concupiscible par la
faim et la soif » (J. Muyldermans, p. 57, 15 sq.). Les deU"
brèves maximes suivantes résument bien l'enseignement d'Éva
gre : « Donne peu à manger à ton corps et tu n'auras PaS
de mauvais rêves, écrit-il dans le Miroir des moines, car de
même que le feu consume les chênes, la faim éteint les phan-
tasmes honteux» (n° 11, éd. Gresmann, p. 154). « L'honHï^
qui jeûne chasse de son cœur les mauvaises visions », « Que
celui qui a des visions fasse usage de la parole de Dieu
(J. Muyldermans, Evagriana Syriaca, Proverbes et considéra-
tions, n° 36 et 46)77.

77. Autres références: Lettre 4 (Fr. 568); In Proverbia, éd. la


CHENDORFF, p. 81; P. G., 17, 169, 27: « Ici nous apprenons que r
miséricordemet fin aux visionsterrifiantesqui nous surviennentau C0111
de la nuit. La douceur, l'absçnce de colère, la patience obtienrieint
même résultat, car elles ont coutumede modérer le thumos troublé. C le
e
505
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

V. SOURCES DE LA PENSÉE D'ÉVAGRE


es
des rêves
reves e sur
La doctrine d'É sur a
la catIon
signification
Slglll
leur f' vagre e.et esur
a
ongma
dynamique est incontestablement ce sys-
leur fonction
pourtant pas dire que, dans l'élaboration de
Veut vagre ne doive rien à ceux qui l'ont précédé, phi-
losoph ou auteurs chrétiens. Dans le cas
losoph d'Évagre,
délicat que, lecomme
pro-
sources s'avère d'autant plus
blème desjustement le P. Hausherr, « il y a
le deux Êvagre, le
le relève des saints Basile et Macaire, et
une esynthèse de sa philosophe.
négliger le Dans
pre-
doctrine, on ne saurait
une ab outir à des conclusions aussi au
mier, sans le et
Origène on laissait de côté prédicateur le directeur
d'ârn ». H nous faut donc tenter de discerner
d'âme 78 à la tradition chrétienne et monastique qu'à ce la qui 1
tradi-
doit tant
011 Philosophique.

ET MONASTIQUE
A. TRADITIONCHRÉTIENNE
à la fois à son
certainement faire une large part
faut
Personnelle et à son expérience de directeur rva g spln-
nous
expérience très discret sur lui-même,
tuel. Encorequ'il soit re,
fait dans YAntirrheticus des allusions
l'avons vu, transparentes
a violence des attaques auxquelles et il de fut
1iuxure en
la part des démons du blasphème
mentde faut-il voir une allusion à son expénence des
Peur-êtredansmême une comparaison curieuse des enturles gnosti-
rêves « De
même qu'étant éveillés, nous disons diverses
S" : le sommeil et que, quand nous
n tout cas
chosessur p prenons par sommesendormis,
l'expérience. » (I, 38). connaissance
nous(les) a
son expérience de directeur qu'il doit sa tenter l'ana-
c'est des multiples ruses des démons pour
si Darf, aitedont il donne tant
chorète, d'exemples concrets,« les encorequ'il
manœuvres
assure-t-il, de décrire toutes de
soit impossible, honte de faire le catalogue
des démonset qu'il ait même
en effet le trouble du thumos qui susciteles images J)e inali-
terri-
1 37;
eneffet habituellement
Prac.,I l; P. G 40, 1248 Cf. Prac., 11, 49;
fiantes»; dans l,.Orrent
gnis cog., Penthos.c. La doctrine
2, de la componction
etc.
irêtkn
78. I. HAUSHERR,
Kome, 1944,p. 95, note 117.
506 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

leurs artifices » (De mal. cogit., 16; P. G., 79, 1217 C),
rêves qu'il rapporte sont de fait sociologiquement marques Lee
ne peuvent provenir que d'un milieu monastique. Il est mêroe
ce furent les discussions des moines sur la
probable que en
culpabilité des rêves érotiques, qui l'amenèrent à prendre
considération le rôle du subconscient dans la vie
spiritUeleé
Ses idées sur l'absence des rêves chez les parfaits avaient e
déjà soutenues par Clément d'Alexandrie, Origène et Basile
et il est vraisemblable qu'elles étaient communes parmi l
moines de Scété. C'est manifestement à ces derniers
sa sa doctrine du combat Qu
doit démonologie, spirituel, el e
du discernement des esprits. Sans doute, ces trois doctrine
se trouvent-elles déjà chez Origène, mais les moines du désert
les avaient simplifiées et systématisées, comme en témoigne
la Vie d'Antoine par Athanase et c'est sous cette forme qu
nous les retrouvons chez Évagre. Ces faits sont bien connu
et bien établis, et nous n'avons pas besoin d'y insister
Mme Cl. Guillaumont assurait, à la suite d'une pare"
enquête, qu'elle n'a malheureusement pas publiée, que la pa
la plus importante de la doctrine d'Évagre sur les rêves re\,e-
nait « à cette expérience collective qu'était la vie monastiqUe
au désert et à l'enseignement oral qui s'y propageait ». Cette
conclusion nous paraît rigoureusement exacte et nous la fl'
sons volontiers nôtre.

B. TRADITIONMÉDICALE
ET PHILOSOPHIQUE

Mais une telle conclusion ne permet pas de rejeter tOute


influence, directe ou indirecte, de la tradition philosophique,
Le problème des rêves avait été en effet souvent abordé par
les philosophes de l'antiquité et fait l'objet de nombreuse
discussions. Diverses tendances s'affrontaient. Les uns n.
voulaient assigner aux rêves qu'une cause naturelle, SOI
physiologique, soit psychologique, les autres, sans mettre

79. Cf. S. T. BETTENCOURT, Doctrina Ascetica Origenis seu ?


docuerit de ratione animae humanae cum daemonibus, Città del Vrj.
cano, 1945;G. BARDY, art. Discernementdes esprits, dans Dict. de Jr s
tualité; F. MARTY, Le discernementdes esprits dans le Peri Archoti,D
Rev. Asc. et Myst., 34 (1958),pp. 147-164,253-274;L. BOUYER, La de
de saint Antoine, Saint-Wandrille, 1950; J. DANIÉLOU, Les
l'air dans la Vie d'Antoine, dans Antonius Magnus Eremita, de Ko
1956,pp. 136-147.
C07
507
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

en question le rôle des facteurs naturels, divina-


Pourtant en la valeur enten-
la croyance universelle
taired justifier Hpr
toire suite des rêves l'on 80.
pourrait
de Mme Guillaumont, se demander
A la de l'enseignerfient des médecins
s'est pas inspiré
si Évagrene
la tradition Pour ces dernIers,
grecsàves d hippocratique. en effet,
permettre de diagnostiquer iv mala-
les rêves devaient
son bref traité du Diagnostic d après
les tout
songes,
dies. Dans
pose le principe que les rêves traduisent avant
GPaalr
len du corps « Il semble que dans les songes, se
* ^positions du corpset
entrée dans les profondeurs
l'âmequi est des soins extérieurs perçoit les
trouve gagee.Mais Galien reconnaît lui-même qu'il dispositions est difficile
du corps..
sûr diagnostic, d'une part parce que ame reve
de porter un ce de faire ou de
a coutume penser dans
l'état de d'autre part parce qu'elle peut aussi recevoir
veille,
qu'elle
at 81.La division des rêves
prophétiques d'Herophilus,
songes sens
prête du reste à discussion s'inspire le affectif
semble-t-il
Acteur
dontle
de principe analogues, mais relève en outre
b reux rêves: « Les amoureux voient
ceux d et souvent en rêve
Ils sont épris82.» Mais Galien, ancienne,
ceuxdont bornent à une tradition très
dOntl se prolonger bien peut-être
l'orientationHero-
83,
Péri Diaitès du ve siècle représente avant
dont le médecins se portaIt
SOI
a rêves"e r état maladif du corps.
qui trahissaient un Leurs
tout aux étaient malheureusement le plus
Istes f ns sur une conception insuffisammensouventfantai-
sistes, fondées élaborée
les « Clefs
des
et trop influencees par
des
représentations symboliques
songes » orientales84.

1:>80 V de H. KENNER, art. art.


généraux Oneiros,dans
HOPFNER,
80. \r - lr les
R.E(Pauly *esaperçus Bd, XVIII, i, col.454-456; col. 2, 235-2, 245 (avec
ibid., Deuxième série Rd.V/,the Irrational, Berkeley-Los
Traumdeutung, R. DODDS, The Greeks and
1951,E-
bibliographie); C 4 ltbellus, ed
éd. G. KÛHH
KÛHN
AIREL *951, De dignotione
ch. ex 4.
insomnns
81.^ALIEN> VI, Leipzig, 1823,pp.B832-835. 1879,
p.
(OperaOmnia,vol. Graeci, coll. H. DIELS, erlin, 4 6.der anttken
Discussion
82. Doxographi M. GFLZER,Zwci Eintei lungsprinzipen
de ce texte par Juvenes dum sumus, Bâle,of 1 907,p p. 41-43,
Artemidorus, et sur-
Uppsala,
Traumdeutung, dans in the Dream-B, ook
toutpar C/ Blum-Studies
PP-69-70. Beriin, 1899,
p 206-' Carl Berlin, Hippokratische 1899."h,,!t Peri
Untersuchungen, Diatès,
8-»
83. PALM,Studienszur Hippokratischen
Cf. Carl FRIEDRICH,
übin
pp.206-217;A. PP- 47-61. DODDS, 0p. Cft., p. 119.
1 AI.M, op. Cft., pp. 83-93; E. R.
l923;
84-Cf.AA-
508 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

Comme ces médecins, Évagre pense que les rêves PerlTie et


tent de découvrir un état maladif, mais celui de l'âme,
là se borne la ressemblance entre lui et les médecins g (
Peut-être leurs méthodes lui ont-elles suggéré de transosee
au plan psychologique leurs théories médicales, mais il lie
retient même pas, comme Grégoire de Nysse par
exemple
Nicéphore Grégoras, l'influence des dispositions corpore a
dans la formation de certains rêves et il ne cherche jamais
déchiffrer les maladies de l'âme à partir de l'affabulation se
condaire des rêves. Il reste étranger à toute interprétalo e
symbolique des rêves. Il faut d'ailleurs ajouter que me
dans ces limites l'influence des médecins grecs sur Évagre ee
sujette à caution, et il est plus vraisemblable, comme nous les
montrerons, que c'est aux stoïciens qu'il doit l'idée que
rêves trahissent une maladie de l'âme. 't
Une influence des doctrines d'Aristote sur les rêves parill
encore moins probable. Aristote reconnaît aux rêves une dOU;
ble fonction, de signe et de cause, et note expresSénIent
l'importance de l'introjection de l'affectivité dans les songes
le rêve met à nu des phénomènes de la sensibilité et, cofli
le montre le P. Dubarle, « permet, en principe tout au rnoiris,
certains déchiffrements de complexions psychiques nouées e
dessous même de la sphère où il s'actualise85 ». Pourta
malgré ces ressemblances, Évagre ne semble pas s'insp fer
de cette tradition. Il ne souligne pas comme Aristote le
des actions ou pensées de la veille dans la formation rôle e
rêves, aspect que les disciples d'Aristote paraissent avoir (e
levé avant tout autre86 et il est même possible qu'il prel1
consciemment, délibérément, ses distances par rapport à Als'
tote. Dans un texte précédemment cité des Capita Practtca
Évagre posait la question: « Est-ce la pensée qui met e.
branle les passions, ou les passions la pensée? Il faut l'e;1
miner attentivement, car d'aucuns tiennent la première théofJe
d'aucuns la seconde » (I, 26). Les stoïciens sont certainern
les défenseurs de la seconde théorie, les aristotéliciens sont
peut-être pour Evagre ceux qui tiennent la première. ly
Aristote, en effet, la connaissance est première, et le des

85. D. DUBARLE, aristotélicienne et psychologie des P


Psychologie
fondeurs, dans Supplément de La Vie SPirituelle, V (1951), 38-
cf. p. 307.„c.
86. Cf. CHALCIDIUS,
Commentairedu Timée, ch. 248 (éd. MULLocfflLJ"'
Fragmenta Philosophorum Graecorum, vol. II, Paris, 1891, p. 234)'
5°9
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

Le P. Dubarle relève précisé-


de l'objet. quasi-
*Uit l'appréhension
cette conception est l'une des raisans de la
absencqUde la chez Aristote (art.
psychologie des profondeurs
cit., pe 389-390).
Il np.

dj! noussemble du que


De c'est à la tradition stoïciennequÉvagre
le Plus.
fapitrC 4 Divers indices révèlent cette inlfuence.
rêves Dans
bons »,
rOIS sortes de rêves.malignis cogitationibus,
Il y a d'une part lesÉvagre distingue
en
trois mouvement simple de la mémoiremise
provenant
soit d'un
P" l'âme elle-même, soit par Il
branle solt Pa l'A lesilsaintes
y pUlssan-
les anges; d'autre part, a des rêves
ces, c'est-à-dire mettant en branle
» des démons les pas-
mauvais chapitre provenant 7 du même traité, Évagre adopte cettees
sions. Au classer les pensees. Y distingue
tripartite pour
division humaine et
angélique, démoniaque (P. G.,
analogue
penséesd'origine
AB) Or une division tripartite est égale-
79, 2109 par Tertullien, Prudence, Augustin, Les auteurs
mentadoptée et d'autres
comme Basile, semblent la connaître.
auteurs,
j .;
s'accord ent tripartite
a penser cette d
r é que d IVISlOn
1 tripartite
division
modernes
nte une transposition chr ét ienne Cicé-
repr
surnaturelle de Posidonius, reprise par celle
rêves d'origine La classification de Tertullicn ct
ron, Philon,sont etc. donc identiques, avec d.
Tlégère
d'Évagre cependant
..fi une
nce qlll'" peut-être pas sans relation
qui n'est sig
de en
ification.
rêves Tandis
différence met la première catégorie lUS attri-
attn-
que ^ertullien auX
aux Or Chalcl
avecDieu, Evagre les attribue anges.
anges. Or Chalcidius
avec Dieu, Évagreles ces songes aux divinis potestatibus 88, et ce
bue Pareillement
Chalcidius, d'après J. H. Waszmk
trait chez du
néoplatonisme et plus précisément de la transcendance
de porphyre.
l'influence
et en effet, par souci l'hu-
Porphyre divinité et
Plotinn excluaient tout direct entre la
rapport
l11anité' Un traité de semble du reste C'est
manité. Porphyre constitué
chapitre de Chalcidius sur ves89. néoplatoni-
la source du
très aussi sous une influence
raisemblablement

DeAnima,pp.Munich, 1921,
1921.
87. Cf. J- H. WASZINK, TertulHanus 501-502;
C.
pp.B..u,
447sq.op H.
1 WASZINK,T "tuth an'" , V, A mma.
Õ CliALCIIHUS
T cit., ch p. 235- der Traume bei
88. op 24, v ^f Hpilunc
ChaiCf- J. H. WASZINK, Die sogenannte
Chai^rijlusund.ihre ASzrNK. DM'° g ,"«nnt' F iinft"lun g d" T,a um'b"
K. RAS,Macrobius Kommentarzu Wissens Ciceroschaften,
, .dans
P Sttzungs-
hil.Hist.Klasse,
193, pp. preussischenAkademieder
berichteder
237-238.
510 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

cienne qu'Évagre met en rapport les rêves de la première cae:


gorie avec les anges plutôt qu'avec Dieu, mais un traite néo-
platonicien ou porphyrien n'a certainement pas constitue le
source de son explication des rêves, car celle qu'il retient aval
été catégoriquement rejetée par Plotin et Porphyre.
C'est aux stoïciens et peut-être également aux néoplatolli,
ciens qu'il doit l'idée de voir dans les rêves un miroir des pas;
sions. A vrai dire, l'idée remonte à Platon. Dans un passée
célèbre et souvent cité de la République (livre IX, 571-572)'
Platon met en effet les rêves naturels, ceux qui troublent 1 e
prit, en relation avec les deux parties irrationnelles de l'a^f'
l'irascible et le concupiscible. Il en concluait que pour obte
des rêves véridiques, il fallait « réduire à la tranquillité
ces
deux parties de l'âme et donner le branle à la troisième, ce
dans laquelle se produit l'acte de penser ». Selon toute
pro15
bilité, Posidonius avait repris ces thèmes platoniciens et les
avaient introduits au sein de la doctrine stoïcienne. Il est
à
peu près certain également que Porphyre avait adopté ce
interprétation des rêves90, Toutefois stoïciens et néoplaton'
ciens tenaient également compte des facteurs physiologiq
que, par contre, Évagre néglige, encore qu'il n'ignore POitit,
comme nous l'avons vu, le rôle des dispositions
somauquet
dans la formation des rôles érotiques91. Mais surtout
l'acceet
e
est posé différemment chez les stoïciens ou néoplatoniciens
chez Évagre, Pour les premiers, les rêves reflétant les disp
sitions présentes du corps ou de l'âme étaient dépourvus
vuede
térêt et de signification. C'est encore le point de e
Macrobe92. Évagre au contraire se désintéresse de quelqU t
façon des rêves divinatoires. Ce sont les rêves qui révèle

90. Cf. K. MRAS,op. cit., pp. 235-238;P. COUR CELLE,Les lettres 9"1(l 24,
ques en Occidentde Macrobeà Cassiodore, 2e éd., Paris, 1948, p.
note 2. ,:..j.
91. Sur l'influencede la nourriture sur les rêves, cf. CICERONE, DEai",
natione, I, 60, et la note de A. S. PEASE,dans son édition de ce tf
(Universityof Illinois Studies in Language and Literature, VI, 1920,
Urbana, p. 201). Voir aussi BOUCIIÉ-LECLERCQ, op. cit., t. 1, pp. 286-21
Les auteurs chrétiens ont souvent insisté sur ce facteur, cf. entre atV
BASILE. Epist., 22, 3 : « Il ne faut pas se laisser tromper par un esto,;s.
repu d'où proviennent les mauvaises images »; Nicephore (-,pFc,OIZ.%q,
Commentairedu traité des songes de Synesios;P. G., 149, 608; PSEL
AUGUSTIN, Liber de spirituet anima, 23: P.L., 40, 798, etc. c.
92. MACROBE, Commentairedu songe de Scipion de Cicéron, 1. 3' (
ARTEMIDORE avait déjà distingué entre les songes (enupnia)qui ne
que les signes des dispositions de l'âme ou du corps, et les soliges Sge,
« oneiroi » qui révèlentl'avenir (Onirocriticon,I, ch. 1, éd. R. HERCfl
p. 3, 1 sq.). Cf. DEUBNER, De Incubatione, Giessen, 1899,pp. 4-5'
S11
511
RÊVES ET VIE SPIRITUELLE

de l' âme qui lui paraissent


l'état menter e retenir notre
ion C'est bien aux stoïciens, pluto q médecins,maladif
qu'il a
emprunté len que staïciens, plutôt qu'aux
c'est avec un tout autre
del'âme, mais stoïciens qu intérêt
1 01
qu'il les envi-
conviction
mais,
sage. C'est également aux troublé par de
sage n'est plus mauvaIS rêves,
par Origène,
que le était
vu, cette conviction partag
93.
nousl'avons sans doute les moines du désert son
mprunte
Clémentet aux stoïciens qu'il tra It
mécanisme des rêves. Le vocabulaire
Enfin, c'est dumanifestement
explication de principe
cette origine. Évagreparle hegemonrque e Im-
des objets sur l'intellect, expressions techniques stoï-
Passion
ciennes. Son ex p lication est également
typiq
equivalent à celle de Zénon94. Il nous semb P nourtant peu
Prababl qu'Évagre ait directement puise c lication
dans les écrits de Zénon directement puisé cette explication
Basile 27se réfèrent
sq.), et à une
Basile
(ContrS
(Contra Celsum, I, 48; C.G.S.,
P. I, pp. 97,
AB)
Psalm., 28, 3; G., 29, 289 également
(Hom.in substantiellement identique, exprimée
explication
termes stoïciens. Ces textes présentent des
en de ressemblances
assez f s OIClens. avecCesd'autres
textes présentent
passages des ressemblances
Plutarque 253)95.
nio Sorappantes588 CD) et de Chalcidius (In Tim., c. (Decette ge-
attribue
a èse la plus vraisemblable cst celle qui
nio Socratis, Mais,
explic un auteur stoïcien tel que Posidonius. inspiré
xPHcaf,on à se serait
le pense Gronau, Origène largement de la e-
comme dans son Cotnmentaire
des écrits de Posidonius et il est déve-
perdu, vraisemblable
des qu'Origène
rêves plus y
nèse, aujourd'hui du mécanisme à
appé que exp celle du Contra Celsum. Ce serait doncpeut-être
Icallan
eu
loppée traité d'Origène, qu'Êvagre aurait connaissance
ce
es théories
travers de Posidonius.

Plutarque a
menta, I, 234; III 240.
93. Cf. Storicorum Vcterum Frag théra-
cf. G. SoCRsemblables,
,J^^Jémonologie
G.So~. ait « les
La A~ISU'ait de iM"*
développé desidées pp.124-127. De même que
tarque,Paris,1942, plus de mauvais songes)(DeContinentia, sq.
94. Cf. MaxPOH aHLRNZ,Die Sta, t. I. die
Gottingen, 11?48,pp.26).
54 sq.
95.
ge Cf. Max Poseidonios
und jiidisch-christlicheGenesisexe-
gese, Cf.K. GRONAU,
g rhn, 1914, p. 187, note 3*
512 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

VI. ÉV AGRE
ET LA PSYCHOLOGIE DES PROFONDEUKS

A. L'APPORT ORIGINALD'ÉVAGRE

C'est donc au sein d'une tradition stoïcienne, mais qui avait


été déjà en quelque mesure « christianisée » qu' Evagre a éla-
boré sa doctrine des rêves. Même en tenant compte de ce
dont elle est tributaire, elle n'en apparaît pas moins originale.
L'apport personnel d'Évagre nous semble triple :
1) L'insistance sur les facteurs psychologiques dans l.
formation des rêves. Ce sont les passions ou tendances, soit
conscientes soit inconscientes ou cachées, qui sont à leur ofl
gine. Mais cette vie passionnelle est différenciée et hiérarchi-
sée en fonction des trois niveaux de l'âme reconnus par les
de'
platoniciens. Évagre propose en outre une classification
rêves en huit classes correspondant aux huit péchés capitaU
qui eux-mêmes se rattachent à l'un des niveaux de l'âme.
Ce des rêves à la vie enfait UO
2) rapport passionnelle
des irrationnelles de
moyen privilégié d'exploration parties
l'âme. A ce titre, Evagre estime que les rêves doivent être
mis au service de la direction spirituelle.
3) Influence des rêves sur l'esprit et la vie éveillée, en ral
son de l'influence des passions sur l'esprit et de la persistancc
des passions.

B. ÉVAGREET LA PSYCHOLOGIE
DES PROFONDEURS

Ces divers points de vue ne sont pas sans rappeler ceu*


de la psychologie des profondeurs moderne. Le rapproche
ment s'impose et le P. Hausherr remarquait, il y a quelqes
années, que leur mépris de la science simple (c'est-à-dIre
humaine) n'avait pas empêché certains maîtres anciens te-
Macaire de faire e
qu'Origène, Evagre, Diadoque, même,
la psychologie expérimentale, voire de la psychanalyse
Néanmoins, certains discernements sont nécessaires. Sans

Direction spirituelle en Orient et autrefois, Rome,


96. I. HAUSHERR,
1955,pp. 93-95.
513
RÊVESET VIE SPIRITUELLE

nous voudrions du
ici dans le détail, mOIllS
aux
pouvoirentrer SItuer le point de vue d'avagre par rapport
théories mmodernes de psychologie.
théories
La moderne ne saurait qu'approuver l'insis-
1) psychologie dans
de Platon et d'Évagre sur le rôle des
la for en tendances
effet
des rêves. Elle considère ades rêves)
la formationfacteur dans l'élaboration
comme un prédominant
pour autant le rôle des représentations. Même-
sans négliger
d'école ont pu amener à insister plus spéciale-
l'un de ces deux aspects (affectif ou noétique)97, on
si les querelles
Voit sur corrélatifs, les
aujourd 'hui qu'ils sont enchaîne-
voit lieux
d'images et le dynamisme des sentimentsconexprimant dUlte
desCo mêlées de la oni-
mo-
de composantes
rique totale. Toutefois,inextricablement
oute OIS, àà la la différence de la psychologIe
rique différence de la psycho et g
passionsrno-
re tient pour l'existence de tendances en re Uire
et ne cherche pas à
et différenciées, en-
nombreuses à un nombre de pulsions fondamentales,
petit
la ni Ura^^ à les réduire toutes à 'la libido comme ont cru pou-
Cor le f' qui se mon-
un certain nombre de psychanalystes,
Freud.
aIent d" d'ailleurs en cela fort mauvais disciples de
tra;fnt modernes ont fait admettre que
rêvesLes Psychanalystes les
pro-
pr 1vilégié d'exploration des
rêVes constituent l'âme, un mais
moyenleurs théories, quoiqu'en fait sou-
fondeurs de entre
vent complémentaires, présentent elles aux
de grandes diver-
Évagre ne s'intéresse nullement affabulations
secOnd" des rêves; il n'en retient que le
secondaires con
latent et le con-
eaffectif.
distingue entre le contenu ne correspondent
Freud également du
rêve, mais ces catégories en jeu
Pas à lanIfst:distinction d' Évagre. Elles mettent
pas à la effet en
s. ones freudiennes de la symbolisation et de la dramati-
Évagren'a pas le moindre pressentiment. de
rOUr dont miroir
les rêves sont avant tout le l'état
Pour Evagre,
l'âme. Freud retient ce point de vue,
présent le maisil intro-
mm<'temps une dimension la du
duiten qu' nouvelle,
Freud, en celle
effet, dynamique
dévelop-
desrê 4vagre ignore. Pour le
es rêves renvoie tout autant au passé, voire au nassé

97. En -r contre une conceptiontrop exclusive-entaffectivede


f "PI ""que des rêvesdanscertetines écolesfre udiennes,Fr-ornnipar
exemple(E. FROMM, The dans certaines écoles
et freudiennes, Frommpar
i>xcole Paris, 195), les
jungienne plusencore théoi-ies
l'école jungienne
noétique; mais toutes gcand" faisait la
p,yeha-
déjà
française: Lelangageoublié, les deux aspects, comme le
ontinsistésurl'aspect
intègrent
nalytiques
aumdeutung de Freud dès inoo.
durêve ;1
514 ET SPIRITUALITÉ
PSYCHOLOGIE

plus lointain qu'au présent du rêveur. Le présent y est ve-


en fonction du passé, ou le passé revit à l'occasion du P
sent. Cette interprétation de la dynamique des rêves est et
tement liée aux vues de Freud sur le ça, le moi et le sU
et sur le refoulement. Il va sans dire qu' Évagre n'en a pc
le moindre pressentiment, même s'il a peut-être tenu COI"Pte
en pratique du rôle des idées ambiantes dans le refouleet
des passions hors de la conscience. Évagre sait que SOLI ,velit
les moines ignorent leurs passions, que le passionné, en ge
ral, se connaît mal, qu'il est comparable à quelqu'un coffl
tant dans la nuit (Prac., I, 55; P. G., 40, 1233) , mais il n
propose aucune explication..
Évagre est encore plus étranger à la psychologie prospectl V,e
de Jung ou à la psychologie fonctionnelle de Paul Bjerre
d
Il n'attribue aux rêves aucune fonction. Ils sont l'indice
la maladie de l'âme. Ils ne contribuent aucunement au J11I:
tien d'un certain équilibre psychologique. Sans doute par reaC,
tion contre le milieu ambiant, Évagre n'est mêmepas disp
tion contre
à reconnaître aux rêves
A un
"1 rôle « re n'est même»pas acce
prospectif et di*
à sp 05L,
p
qu'au moins, dans certains cas, ils peuvent jouer un rôle ljtl»je e
dans la vie consciente ou dicter une conduite". Voyant
eux la manifestation de forces irrationnelles, il refuse categ
de leur comme certains fl1
riquement attribuer, psychologues
dernes de l'école de Jung, « une profonde sagesse )'. ri-
3) En découvrant le rôle dynamique des rêves, Évagre a
cipe les vues des psychologues modernes qui soulignent
plus en plus fortement que les images contiennent en e
une force s'exerçant même sur la vie consciente. « Le
serêve,
l'image, sont des révélateurs. Ne sont-ils que cela? el
mande par exemple Ch. Baudouin. A trop accentuer cet
aspect. on risquerait d'oublier que le rêve et l'image S.II
des phénomènes vivants et agissants poussés et poussa
pris dans le circuit de la vie 10().» Mais tandis que la PSIrcllo
logie moderne entend mettre la force des images au ser':"c c
de l'équlibre humain, d'où par exemple la technique du re

98. Cf. Paul BJERRE, Das Triiumenals Heilungsweg der Seele, 1.1
et Leipzig, 1936. d1(0/1'
6
99. A la différence,par exemple de C. G. JUNG, L'homme à la i,,Icol"
verte de son âme, Genève, 1944; W. KEMPER, Der Traum une rtlit,
Paul BJERRE, D rommens helande /;rajt,
k~
Bedeutung, Hamburg, 1955;
Stockholm, 1952, etc..
100. Ch. BAUDOUIN, De l'instinct à l'esprit (Études Carméllto
Paris, 1950,p. 59.
515
RÊVESET VIE SPIRITUELLE

Evagre recommande d'éteindre l'imaginatian. voir en elle, San


pour
éveillé, de
mystique ne lui permettait
orientation une expression d'un auteur moderne de la même
de l'énergie démon
reprendre « véhicule
que ici ».spirituelle,
tradition qu'un
On a la fois combien Evagre fut un précurseur et
On voitluidonc aller aussi loin que la
a lui manque pour psychanalyse. Il il
l'inconscient et son rôle dans la vie spirituelle, du rêve,
a pressentisur les fonctions révélatrices et dynamiques
a insisté avoir mesuré l'importance au
paraît pas pleinement
maisil ne ènes. Parmi tous ceux qui
r P enomène P. se
est t
sont intéressés
1 1
de ces phénom de la il
àrêve avant l'âge psychanalyse,
age de la psychanalyse, peut-être le seul
S'être aussi loin dans les acons. Peut-être le cons- seul
à s'être aventuré
à Freud que le et
maisc'estdes multiples fonctions revientdu rêvemérite
et d'avoir pris
leurspour
mécanismes,
d'avoir
av°ir méthode les explorer.
scientifiquement élaboré une

C. ÉVAGREET LA,DIRECTION SPIRITUELLE

de direction
de mettre les rêves au service la mot un
En proposantËvagre fut au contraire au sens
spirituelle C'est seu lement de nos jours stnct du
osychanalyse que dIvers auteurs
prévurseur. sur la base des résultats acquis
chrétiens l'idée d' parla psychanalyse
Evagre, d'ailleurs indépendammentde
,. Il est curieux
lui
ont Sun
apport original demeure encore ignore.
apport' direc-
carson
par exemple que le P. Meseguer, traItantreprend
de constater
du rapport des rêves à la direction des
exacte la causalité
spiritueIle,
les thèmes abordés par Evagre
exactement les tentations, le problème de la sur
les rêves, les rêves comme source information
dans dans culpabilité morale
l'état
tat d ;nrline à re-
du dirigé. Mais le P. Meseguerincline à re-
l'état de l'âme
aux rêves, au moins à certains
connâtre de et de Baudouin,
et, à la suite en
fonction praspective Jung et de peuvent,
Baudouin,
que les rêves et les au progrès
tant images en général
contribuer
source d'énergie psychique,
CaSe 2
MorZLI
LT' l'ascèseorthodoxe,
P 101
101. IlieromoineSOPFIRONY, I)es fondenientsde
Paris, pOS4,Extraits des faits du Staretz „neP l'Mc"eor'hodoxe, Vitte,
E.Vitte,
102. P. MESEGUER, s.j., fatts du Staretz J.-M-
Silouane, Êd.E..
p. 38.
5> par
théologie,
^yon ch. Ttraduit
9580. de l'espagnol pal J-
516 PSYCHOLOGIE
ET SPIRITUALITÉ

Même compte tenu des limites du « système » d,Êvag",


nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il fut à bien
des égards un précurseur génial et il est regrettable que 5011
œuvre soit encore aussi totalement ignorée même des spsc
listes. Il est même vraisemblable qu'il suffirait de
nombre de ses observations (par exemple sur la causalité tradUdlrS
passions entre elles) en termes de psychologie moderne "oue
que les psychologues d'aujourd'hui les jugeassent dignes d'être
encore prises en consid ération. Nous serions heureux si n°
travail amenait l'un d'eux à recueillir l'héritage d'Evagre.

F. REFOULÉ, 0. P-

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