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INTRODUCTION À L'ANALYSE NARRATOLOGIQUE DE LA FORME-SONATE DU XVIII e

SIÈCLE : Le premier mouvement de la Symphonie K.338 de Mozart


Author(s): Márta GRABÓCZ
Source: Musurgia, Vol. 3, No. 1, Dossiers Baccalauréat 1996 (1996), pp. 73-84
Published by: Editions ESKA
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40591026
Accessed: 22-01-2018 19:29 UTC

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INTRODUCTION À L'ANALYSE
NARRATOLOGIQUE
DE LA FORME-SONATE
DU XVIIIe SIÈCLE :
Le premier mouvement
de la Symphonie K· 338 de Mozart
Marta GRABÓCZ*

La forme-sonate de l'époque classique une structure ternaire de type ABA ou


a toujours été considérée par les musi- ABA (signalons que les formes AABA et
ciens et mélomanes comme la structure AABABA peuvent se retrouver égale-
dite « d'équilibre » (Gleichgewichtsform)ment, à cause des signes de reprise).
par excellence. Cependant en 1972
Charles Rosen la considère comme une A l'intérieur de chaque partie, on
forme dramatique, constituée d'un rap- découvre la même structure symétrique
port de tensions-détentes^. Les diffé- composée de membres à nombre
rents degrés de tension sont assurés parimpair, par exemple :
« la dissonance prolongée » constituée
par la partie centrale, le « développe- Exposition = A :
ment », qu'utilise des tonalités étrangères,T^= sujet principal (dans le ton prin-
tandis que les deux événements essen- cipal)
tiels des parties périphériques se caracté-Pont = transition (modulation vers le
risent par Péloignement de la toniqueton de la dominante)
vers la tonalité de la dominante (cause de
tension) et, respectivement, par le retourT2 = deuxième thème (dans le ton de
à la tonique et par son affirmation dansla dominante)
les cadences finales (détente). Éléments complémentaires occa-
En ce qui concerne le contenu musi- sionnels : comme par ex. cadence de
cal, on a donc affaire, le plus souvent, àT2, apparition de T^

* Professeur à l'Université de Strasbourg II (USHS), membre de la SFAM.


(1) Rosen, Charles. The Classical Style. New York, Norton Library/Viking Press, 1972. (traduction française par Marc
Vignal : Le style classique. Paris, Gallimard, 1978).

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Développement = Β : « Bien qu 'Assafjew considère la composi-


Modulation dans différentes tonalités, tion en tant que grandeur « intonée »,
comme le donné de départ pour la
en se servant ou non des sujets/
construction de la théorie, il a tout aussi
motifs déjà connus; puis retour -
sous forme d'une dernière modula- bien compris que l'existence de la
musique ne se réduit pas aux instances
tion - au ton principal.
de production mais qu'elle persiste dans
Réexposition = A' : la mémoire collective des auditeurs.
Cette conscience musicale, sorte d'entre-
Éléments de l'exposition présentés,
tous, dans le ton principal. pôt virtuel, naît et se développe à partir
de quelques passages particulièrement
Ce schéma - avec ses structures ter- impressionnants, présents en toute com-
naires à deux niveaux - se prête appa- position, qu'Assafjew appelle memo-
remment mal à la structure conflictuelle randa et dont l'ensemble constitue,
et quadripolaire des narrations (appe- précisément, la mémoire collective et ses
lée modèle transformationnel ou gram-fonctionnements : la pénétration de nou-
maire narrative) qui s'articule selon lesvelles intonations et le processus de l'ou-
principes de contradiction, de contra-bli »(3).
riété et de présupposition. Autrement
L'esthétique matérialiste des Lumières
dit : du point de vue de l'analyse syntag-
a essayé d'inventorier les affects, les pas-
matique, la forme-sonate semble contre- sions. En 1739, c'était Mattheson, entre
dire les caractéristiques d'un discours autres, qui créa une sorte de vocabulaire
narratif. Mais un changement radical de en attribuant aux passions énumérées
vision s'opère si l'on examine cette par Descartes, certaines formules musi-
même forme-sonate sous l'angle de soncales capables de les représenter^4). En
organisation pathémique, c'est-à-dire I96I, le musicologue hongrois József
selon les investissements sémantiques Ujfalussy, disciple lointain d'Assafjew et
(selon les signifiés) de ses sujets des esthéticiens des xixe-xxe siècles, a fait,
(thèmes), des transitions et de son déve- dans son article intitulé « Intonation,
loppement. Pour parvenir à cette dis- création de caractères et de types dans
tinction, il est nécessaire d'adopter la les œuvres de Mozart »^^, une première
méthode d'analyse fondée sur la théo-tentative de présentation des grandes
rie de l'intonation d'une part, et surcatégories du traité des passions carté-
Y Affektenlehre (la théorie des affects, lasien, en examinant certains thèmes musi-
théorie des passions en musique) decaux dans différentes œuvres de Mozart.
Mattheson et des Lumières, d'autre part. Sa méthode est justifiée par le fait qu'il
part toujours des idées musicales pré-
Selon la théorie de l'intonation de
sentes dans les différents opéras du com-
Boris Assafjew (compagnon des forma-
positeur où la récurrence des motifs
listes russes dans les années 1920 en textuels (comme la douleur, la joie, la
musique et en musicologie), l'intonation
vertu, la vengeance, etc.) a été presque
représente, en musique, les unités mini-obligatoirement accompagnée de l'inva-
males porteuses de sens (« un facteur qui
riance de la formule mélodique ou har-
procure du sens aux événements monique censée exprimer le signifié, la
sonores »)®. passion suggérés par le texte. Dans une

(2) Assafjew, Boris. Die musikalische Form als Prozess. Berlin, Verlag Neue Musik, 1976. p.21O.
KD> Tarasti, Eero. « Intonation » dans : Greimas, AJ. et Courtes J. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du
langage. II. Paris, Hachette, 1983. p.124.
(4) Mattheson, Johann. Der vollkommene Kapellmeister. Hambourg, 1739
o; Ujfalussy, Jozsef. « Intonation, Charakterbildung und Typengestaltung in Mozarts Werken », Studia Musicologica
Academiae Scientiarwn Hungaricae. Tomus I. fasc. 1-2. Budapest, 1961, p. 93-145.

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INTRODUCTION À L'ANALYSE NARRATOLOGIQUE DE LA FORME-SONATE DU XVIIF SIÈCLE

deuxième étape, Ujfalussy1.examine


La tristesse,l'ap-
le renoncement, la souf-
france ;
parition de ces mêmes formules, grou-
pées toujours selon les signifiés 2. Le désespoir, le vœu de se suicider ;
pathémiques, dans les œuvres purement3. L'amour, l'accord émotionnel de
instrumentales. A ce niveau aussi, sa
deux personnes, la fraternité ;
démarche se justifie par la coïncidence
4.
de la tonalité utilisée pour certains types La justesse, l'éthos du héros idéal, la
de thèmes appuyés par un texte (expres- vertu, la « kalokagathia » ;
sion verbale précise) et pour ceux qui5. Le désir, l'aspiration secrète, le pres-
sont non-exprimés par un texte dans les sentiment ;
quatuors, symphonies, sonates, etc. 6. La colère, l'indignation, la ven-
L'autre élément de vérification est le
geance ;
tableau des contextes thématiques figu-
7. Le portrait du héros qui passe à l'ac-
rant à la fin de l'article, dans lequel
tion, poussé par la douleur, le déses-
Ujfalussy établit les parentés, les voisi-
poir ;
nages fréquents entre certains thèmes
etc.
musicaux et certaines passions caracté-
ristiques. D'après ce tableau, certains Cette voie qui procède par la créa-
thème-passions se retrouvent groupés tion d'un inventaire regroupant les
aussi bien dans les airs des protagonistessignifiés typiques d'un compositeur,
des opéras, que dans les mouvements d'un style ou d'une époque, a été
instrumentaux des quatuors, quintettes, empruntée par d'autres musicologues
symphonies (comme par exemple et l'en-
esthéticiens depuis les années
chaînement du thème de la tristesse, I96O-I97O (voir les travaux de B.
celui du désespoir et celui de la décisionSzabolcsi, L. Ratner, E. Tarasti, J.W.
« héroïque » dans un air de Constance de Allenbrook, V. Karbusicky, R. Hatten et
L'Enlèvement au sérail, et la même suite moi-même)*®. En utilisant ce vocabu-
de thèmes-passions dans les quatre mou- laire musical pathémique, la description
vements du Quintette en 50/ mineur narrative de certaines formes-sonates
K.516 ; ou comme la juxtaposition dude Mozart et de Beethoven obéit d'une
thème de la vengeance, de la décision manière exemplaire à la structure polé-
héroïque puis celui de la souveraineté mique des deux parcours narratifs cor-
dans l'air de la Reine de la nuit de La
rélés et à la circulation dialectique des
Flûte enchantée (n° 14) et l'apparition de
objets de valeur décrite par AJ.
la même série de passions dans le pre-
Greimas.
mier mouvement du Concerto pour
piano en ré mineur K. 466, etc.). Pour rappeler la description du carré
sémiotique et le fonctionnement de la
Dans son article, c'est de cette façon
grammaire narrative de Greimas, voici
qu'Ujfalussy présentait pour l'oeuvre de les définitions offertes par le Diction-
Mozart une sélection de douze affects
naire de Courtes et Greimas :
avec leurs formules musicales récur-
rentes à travers les différents genres
« On entend par carré sémiotique la
musicaux. Parmi elles, nous pouvonsreprésentation visuelle de l'articulation
énumérer les suivantes : logique d'une catégorie sémantique quel-

(6) Szabolcsi, Bence. History of Melody. Budapest, 1969 ; Ratner, Leonard G. Classic Music. Expression. Form and
Style. New York, Schirmer Books, 1980 ; Tarasti, Eero. Myth and Music {Acta Musicologica Fennica 11.), Helsinki, 1978 ;
Tarasti, Eero. A Theory of Musical Semiotics. Bloomington, Indiana University Press, 1994 ; Allenbrook, Wye Jamison.
Rhythmic Gesture in Mozart : Le Nozze di Figaro and Don Giovanni, Chicago, University of Chicago Press, 1983 ;
Karbusicky, Vladimir. Grundriss der musikalischen Semantik. Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1986 ;
Hatten, Robert. Musical Meaning in Beethoven. Bloomington, Indiana University Press, 1994 ; Graböcz, Marta.
Morphologie des œuvres pour piano de F. Liszt. Influence du programme sur révolution des formes instrumentales.
Budapest, MTA Zenetudomanyi Intézet, 1987 réédition française : Paris, Éd. Kimé, 1996.

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conque.
deux termes primitifs comme des pré- L
supposés des termes assertés (nonS!
significat
un premi
présuppose S2 ; nonS2 présuppose Sj).
Si, et seulement si cette
entre audouble asser-
que sur
tion a pour effet de produire ces deux u
caractéri implications parallèles, on est en droit
gage. de dire que les deux termes primitifs
[...]
Sj/^ présupposés
et, sont les termes d'une t
logique seule et même catégorie et que de l'axe
née, sémantique de
choisi est constitutif d'une l
pour s'ap
catégorie sémantique. [...]
termes de cet axe est susceptible de
c. Les deux termes primitifs (dans notre
contracter séparément une nouvelle rela-
cas : Sj, S2) sont tous deux des termes
tion de type S/non-S (c'est-à-dire :
présupposés : (...) ils sont dits
Sj-nonSj ; ou S2-nonS2). La représentation
contracter une relation de présupposi-
de cet ensemble de relations prendra
tion réciproque ou, ce qui revient
alors la forme d'un carré (voir fig. n°l).
au même, une relation de contra-
riété »V'
SI
Au lieu de continuer la présentation
du carré sémiotique à l'aide de diffé-
rents articles offerts par le Dictionnaire,
résumons les trois rapports de base
selon la définition statique, et les trois
opérations qui y correspondent au
niveau des opérations dynamiques :
non S2
1. Définition statique du carré :
Figure 1 - relation de contrariété, (S2 - S2 ;
nonSa - nonS2),
II nous reste
- relation deà identif
contradiction (S1 -
diverses relations
nonSj ; S2 - nonS2), du
dans la figure
- relation de 1 :
complémentarité
a. La (nonSj - S2 ; nonS2 --
première Sj), Sl/n
l'impossibilité qu'on
2. Opérations dynamiques entre les
d'être termes de la structure élémentaire
présents ensemb de
mée relation de contradiction : c'est la signification :
sa définition statique. Du point de vue - opération de présupposition
dynamique, on peut dire que c'est (voir les termes de la relation de
l'opération de négation, effectuée contrariété),
sur le terme Sj ou S2, qui génère son - opération de négation (voir les
contradictoire nonSj (ou nonS2). Ainsi, termes de la relation de contra-
diction),
à partir de deux termes primitifs, il est
possible d'engendrer deux nouveaux - opération d'implication (voir les
termes contradictoires. termes de la relation de complé-
mentarité).
b. La seconde opération est celle d'as-
sertion : effectuée sur les termes« Le modèle constitutionnel (= le carré)
contradictoires (sur nonSj ou nonS2),
est sémantique dans la mesure où ce
elle peut se présenter comme une qu'il structure, c'est une signification.
implication et faire apparaître les
Plus précisément, "cette structure élé-

*') Greimas, A. J. et Courtes, J. Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage. I. Paris, Hachette, 1979,
pp. 29-31. C'est moi qui souligne.

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INTRODUCTION À L'ANALYSE NARRATOLOGIQUE DE LA FORME-SONATE DU ΧΥΠΓ SIÈCLE

mentaire de signification salut : il faut un


fournit que l'homme, l'individu,
modèle sémiotique approprié, pour prenne à sa charge le sort du monde,
rendre compte de l'articulation du sens à qu'il le transforme par une succession de
l'intérieur d'un micro-univers séman- luttes et d'épreuves. Le modèle que pré-
tique". Cette structure élémentaire est sente
en le récit rend compte ainsi de
diverses formes de sôtérisme [pensées et
mesure de mettre le sens en état de signi-
fier (8X « La syntaxe topologique desconcepts du Salut], en proposant la solu-
transferts qui double le parcours destion de toute situation intolérable de
manque »(10λ
opérations logiques du carré, « organise
la narration en tant que processus créa-
teur de valeurs »^X
En ce qui concerne l'application de
la grammaire narrative aux formes-
D'après l'enseignement de la sonate ou aux formes-andante, l'analyse
Sémantique structurale de Greimas, pathémique
il des structures dans les dif-
férents mouvements instrumentaux de
existe deux grandes classes de récits, en
Mozart et de Beethoven a révélé l'exis-
fonction de la médiation, de la circula-
tion des objets de valeur propre aux tence des deux types de récits ou de
règles de la grammaire narrative modèles : aussi bien celle du modèle de
décrites ci-dessus. l'ordre présent accepté que celle du
modèle de l'ordre de départ refusé (et
« II nous paraît possible, en généralisant
amélioré ou atténué). Pour prouver leur
peut-être trop, de grouper ce genre de
récits en deux classes : les récits de Vordre
mode d'existence, je me servirai d'une
description de la structure qui tente de
présent accepté ; les récits de l'ordre pré-
lier l'analyse syntagmatique (l'analyse
sent refusé. Dans le premier cas, le point
traditionnelle de la structure) à l'analyse
de départ réside dans la constatation
d'un certain ordre existant et dans le
pathémique (c'est-à-dire à l'analyse des
passions ou des intonations, se référant
besoin de justifier, d'expliquer cet ordre.
aux résultats de J. Ujfalussy, de Ratner).
L'ordre qui existe, et qui dépasse
l'homme parce qu'il est un ordre social Dans le premier mouvement
ou naturel (l'existence du jour et de la(« Allegro vivace ») de la Symphonie en
nuit, de l'été et de l'hiver, des hommes Ut
et majeur K. 338 de Mozart, on a
des femmes, des jeunes et des vieux, desaffaire au modèle dit constitutionnel
des narrations, lequel « a pour tâche la
agriculteurs et des chasseurs, etc.), se
trouve expliqué au niveau de l'hommejustification,
: l'explication, l'humanisa-
la quête, l'épreuve sont des comporte- tion de l'ordre social existant » (voir tou-
ments humains ayant instauré tel ou teljours Sémantique structurale de
ordre. La médiation du récit consiste àGreimas sur les deux grandes classes du
récit, p. 213)· Le carré sémiotique - qui
« humaniser le monde », à lui donner une
dimension individuelle et événemen- permet l'articulation du sens à l'inté-
tielle. Le monde se trouve justifié rieur
par d'un micro-univers sémantique -
l'homme, l'homme intégré dans le pourrait être présenté comme suit. Le
monde. Dans le second cas, l'ordre exis- sujet-! ou sème-! (Sj) peut être décrit
tant est considéré comme imparfait, comme l'intonation ou l'affect du solen-
l'homme comme aliéné, la situation nel, - de l'admiration, de la festivité, de
comme intolérable. Le schéma du récit se la solennité - autrement dit comme le
topos (« topic » selon L. Ratner) de l'ou-
projette alors comme un archétype de
médiation, comme une promesse de verture « maestoso » des opéras. Il est

i8) Ricœur, Paul, « La grammaire narrative de Greimas ». {Documents de recherche du Groupe de Recherche
sémio-linguistiques de l'Institut de la Langue Française. n° 15.). Paris, EHESS-CNRS, 1980, p. 7.
(9) ibid. : p.24.
(10) Greimas, Algirdas Julien. Sémantique structurale. Paris, PUF, 1986, p.213. C'est moi qui souligne.

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présent nier l'expression univoque de la tonalité


thème principale ainsi que les idées liées à(mcette
1) que dans son compagnon qu'on dernière. Ainsi, ces tonalités mineures
pourrait appeler « galant » ou participent-elles à créer une incertitude,
« grazioso » sous forme du deuxièmeune instabilité au milieu des déclarations
thème (m.4l-64., exemple 2), ainsi d'idées
que de l'exposition. En ces
dans le 3e thème de l'exposition moments-là, le caractère solennel, majes-
(m. 75-82) et dans la plupart des tueux se transforme en un héroïsme tra-
gique, en topos du héros désespéré.
cadences qui suivent ces trois thèmes.
Le nonSj se manifeste dans les La négation conséquente des élé-
ments les plus importants de l'exposition,
mesures de « surprise » à l'intérieur des
1er et 2e thèmes ainsi que dans une par-amène la présupposition (l'implication)
tie de la transition et des cadences d'une nouvelle idée musicale, tout en
quand l'inattendu se présente sous obéissant aux règles de la structure élé-
forme de déviation soudaine dans la mentaire de la signification. Le S2 ainsi
tonalité mineure dite minore, de la préparé, se présente sous l'aspect d'un
tonique (ou dans la tonalité mineure nouveau thème au milieu du développe-
ment
parallèle, dite ton relatif, dans le cas du (partie Β = partie centrale de la
2e thème par exemple). (Voir m. 13-16, forme-sonate). Le renversement des
pour le 1er thème ; m. 28-37 pour la tran-motifs solennels du premier thème en
minore représente cette fois-ci des gestes
sition ; m. 58-61 pour le 2e thème ; m.
menaçants, lugubres. Ces gestes obstinés
94-99 pour les cadences, etc. Voir le
tableau I). (pstinato) introduisent un nouveau
thème qui, lui, appartient à la famille des
La présence conséquente de la tona- thèmes plaintifs, des thèmes de douleur,
lité minore ou de la tonalité du relatif à de tristesse^11). Et même si l'on ne définit
l'intérieur d'un mouvement écrit danspas le caractère (le signifié) ou l'affect de
une tonalité majeure et dans le toposce
dethème, une chose est certaine, ce
festivité est très significative dansthème
la n'a rien à voir ni avec les thèmes
musique classique et elle contribue àsolennels et galants de l'exposition, ni

Schéma de l'exposition :
Tl = 6+4+2+4 mesures (=mesures 1-16.) ; topique : solennel (Sj)
mesures 13-16. : minore = signifié nonSl
Cadence du Tl= mesures 17-21; topique : solennel-militaire (Sj)
Transition = mesures 22-40 ; topique : comme ci-dessus (Sj)
mesures 28-37 : minore = signifié nonSl
T2 = mesures 41-58 ; topique : galant, style sensible (Sx)
deuxième période du T2, mes.57-63 : minore = signifé nonSl
Cadence du T2 : mesures 64-74 ; topique : solennel (Sj)
T3 = mesures 75-82. ; topique : solennel-militaire (Sx)
Première cadence du T3 = mes. 83-91 ; topique : solennel (Sj)
Deuxième cadence du T3 = mes. 92-103 : minore = signifié nonSj
Cadence du Tl = mes.104-113. ; topique : solennel-militaire (Sx)
Tableau I

(11) Pour la classification, voir le premier type (première série d'exemples) des passions présenté
J. UiFALUSSY cité en note 5.

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Exemple 2

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INTRODUCTION À L'ANALYSE NARRATOLOGIQUE DE IA FORME-SONATC DU XVüT SIÈCLE

avec leurs formes « niées » par


ration les : les doubles-barres
irrégulière
mesures/ cadences minore. C'est une accompagnées du signe de la répétition
nouvelle idée musicale avec son investis- habituelle dans les formes-sonate ont été
sement sémantique indépendant desliquidées. Ce n'était que dans les
idées de l'exposition. Sa cadence créée cadences
à réitérées du 1er thème à la fin de
partir des flexas chromatiques (inflexionl'exposition que la répétition se manifes-
d'une seconde mineure évoquant lestait sous une forme mozartienne origi-
pleurs) affirme, elle aussi le caractère,nale).
plaintif du développement (m. 114-134. Donc, au lieu de reprendre l'ordre
pour l'introduction ; m. 135- 147 pour led'apparition des thèmes ainsi que de
nouveau thème, voir exemple 3). Dansleurs négations à l'intérieur d'eux-
les dernières mesures du développe- mêmes, celui des cadences et des transi-
ment, on assiste à un ralentissement du tions tel qu'il a été présenté dans
rythme des flexas aux Ier et IIe violonsl'exposition, Mozart regroupe cette fois
ainsi qu'à un changement de leur signi-
les thèmes et les cadences sous une
fiés : il s'agit de l'atténuation de la tension
nouvelle forme, pour avoir deux
de l'affect de la tristesse et du renonce-
« champs » sonores distincts du point de
ment. On arrive à nonS2 avec le ton devue de l'assertion et de la négation. Leur
l'apaisement et de consolation expriméprésentation est résumée dans le
dans les gestes de cadence (m. 148-157). tableau IL
À la suite de l'apparition du nouveau En effectuant ce découpage marqué
thème S2 et de sa négation (nonS2), une ci-dessus dans le déroulement de la réex-
importante transformation s'opère dans position, on voit bien que le nouveau
la réexposition, malgré toute obligation groupement des idées musicales pré-
virtuelle concernant sa répétition impec-senté par Mozart a un but très précis : il
cable, codifiée par les règles de la voulait mettre l'accent pour une dernière
forme-sonate de l'époque. (Déjà, au cours fois sur la négation des signifiés solen-
de l'exposition, on assistait à une structu-nels ou galants des thèmes principaux,

Schéma de la réexposition :

Tj (mes.158-175) : thème solennel : 6+6+6 (dont 6 mesures de modulation


vers la tonalité minore - do mineur - au milieu)
T2 (mes.177-200) : le thème « galant » répété sans modification avec le
détour au ton relatif dans ses dernières mesures)
T3 (mes.201-208) : thème « galant »-« solennel » sans modification
* * *

nonS1
Cadj du T3 (mes.209-220) m
Cad de Transition (mes.221
Cad2 du T3 (mes.225-232)
♦ * *

S1 réaffirmé
Cad du Tl (mes.233-236) af
Tl varié (mes. 237-252) : 6
nouvelles - cadence de V-
Cadence nouvelle (mes.253-2
complémentaire de la ton
Tableau II

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Exemple 3

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INTRODUCTION À L'ANALYSE NARRATOLOGIQUE DE LA FORME-SONATE DU ΧΥΠΓ SIÈCLE

pour pouvoir « trancher » la L'autre enseignement


question de de l'application
manière définitive entre « l'héroïsme du carré sémiotique à la forme musicale
réside dans l'expérience que montre ce
solennel » et « l'héroïsme tragique ». C'est
ce qui va se passer en amenant la mouvement, en comparaison avec
cadence du premier thème dans la coda, d'autres formes « romantiques » (dites de
Sturm und Drang) de Mozart et de
puis le premier thème lui-même et, enfin,
une longue cadence de type fanfare Beethoven. Là où le contraste est explicite
pour asserter pleinement, pour réaffir- au niveau des signifiés d'un mouvement
mer solennellement les déclarations du instrumental, cette opposition amène
début du mouvement. C'est ainsi que les presque obligatoirement la naissance
d'une nouvelle idée indépendante en
règles de l'articulation, de la signification
à l'intérieur d'un récit ou d'une narration plein milieu du développement et,
peuvent apparaître à l'intérieur d'une ensuite, la modification conséquente
forme-sonate également, pour mettre endans l'organisation des idées de la réex-
mouvement « l'intrigue » (c'est-à-dire l'op-position (voir par exemple le deuxième
position des idées au niveau des signi-mouvement de la Symphonie Prague
Κ 504. de Mozart ou les premiers mouve-
fiés), pour en créer de nouvelles idées et
oppositions, et pour en effectuer « le ments de la Sonate pour piano op. 2 n° 3
dénouement » : la mise en relief d'une et de la Sonate op. 31 n°2 de Beethoven,
etc.).
des idées principales comme le vain-
Dans certains mouvements beethové-
queur de la confrontation et, enfin, la
niens,
création de nouveaux objets de valeur on rencontre même la dramatur-
tout au long du parcours musicalgie duromantique par excellence, celle qui
mouvement (voir figure 2). correspond à la deuxième classe des

T1 , T2 T3 Thème nouveau dans le dév.


(solennel, galant) (Tristesse, renoncement)

si S2
réexposition * A

éléments ^ '^ /
regroupés, X. /
réapparition du T1 >v /
dans la coda avec ', ^ /
cadences nouvelles N, /
(assertion soulignée '. /
du ton solennel) 4 j£ 2

cadence du C1 mes.nminore" à
nouveau thème ΠΟΠ SZ ΠΟΠ ol C1 l'intérieur des
du dév. : thèmes ;
dernières cadences,
mes. du dév. transition en
(apaisement, tonalité mineure
consolation) (héroïsme
désespéré)

Figure 2

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84

récits
décomposée qui met l'accent sur l'ouver- s
celle où
ture, sur l'énumération des questions sans
placé
réponse assurée. ou
ments. On assiste à ce modèle dès les
Ainsi, peut-on observer l'utilisation
premières sonates de Beethoven. Dans
ou l'exploitation inconscientes du
l'op. 2 n°3. (en Do majeur), le deuxième
modèle taxinomique des structures nar-
mouvement (Mi majeur/m/ mineur) -
en forme Andante (ABAvarbAvar) - ratives,
décrit en vue de définir certains styles
musicaux,
déjà la dramaturgie de l'atténuation, de la certaines stratégies discur-
liquidation concernant la premièresives idéequi modifient la construction
« symétriques
musicale. Ici, le topos de « la justesse », de » d'une forme musicale,
en
« l'équilibre » Sj des idées rhétoriques sefonction d'un changement d'époque
trouve affaibli et transformé en ques- (voir par exemple le Sturm und Drang
tions, en interrogations rhétoriquesdu xviir siècle) ou le changement
à la
d'idéologie, de philosophie lié à l'esprit
fin du mouvement, suite à « l'interven-
duen
tion » d'un S2 (deuxième thème temps se manifestant en musique.
(Voir par exemple la stratégie dite
minore, présentant le topos du renonce-
ment, de la tristesse). La négation deromantique
Sx de l'époque après 1830 où
l'assertion
apparaît, elle aussi, sous forme de réitéra- héroïque ou équilibrée des
tion du premier thème en Do majeur et décennies « classiques » se transforme
en
avec le topos de la marche, du ton mili- une téléologie de la « désillusion »
post-révolutionnaire
taire/héroïque. Après ces mesures de sur- dans les œuvres de
Schubert, Schumann, Liszt). C'est en ce
prise, on assiste à nouveau à l'apparition
sens que le modèle abstrait de l'articu-
de S2 puis à sa négation (atténuation)
lation des signifiés à l'intérieur d'un
pour que le mouvement crée un « nouvel
micro-univers sémantique peut appor-
objet de valeur », une vraie transformation
dans la coda : le thème rhétorique terde
une dimension et une clef d'ap-
proche nouvelles dans l'analyse
l'équilibre classique (constitué de séries
musicale
de questions- réponses) se transforme en des œuvres des xviir-xixe
questions répétées, en déclaration siècles.

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