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Mécanismes de chargement en hydrogène de l'acier

1 Introduction

Ce chapitre présente une synthèse des travaux relatifs à l'étude de la Fragilisation par
l’Hydrogène (FPH) des aciers. Cette synthèse doit nous permettre de faire le point sur l’état des
connaissances mais également d’identifier un certain nombre de questions en suspens, auxquelles
ce travail va chercher à répondre.

Dans un premier temps, toutes les étapes relatives à la FPH en milieu H2S sont présentées,
depuis les mécanismes de pénétration de l’hydrogène dans le métal jusqu’aux différents
mécanismes de fissuration proposés. Ensuite, sont recensés les différents paramètres influant
sur la FPH au sein des aciers. Enfin, parce que l'un des objectifs de ce travail est aussi d'améliorer
les moyens de caractérisation de la FPH, les principaux essais couramment utilisés pour la
qualification d’aciers opérant en milieu contenant de l’H2S sont présentés. Ce bilan souligne
l’intérêt de développer et mettre en oeuvre une méthode de suivi, en temps réel, des essais afin
d’obtenir des informations sur les mécanismes et les cinétiques de fissuration.

Dans une seconde partie, l’opportunité d’une instrumentation des essais par la technique
d’émission acoustique (EA) est évaluée. Cette technique est d’abord décrite puis les principaux
résultats obtenus lors d’études par EA de la FPH des aciers en milieu H2S sont présentés.

2 Généralités sur la FPH des aciers en présence d’hydrogène


sulfuré

Cette première partie de la revue bibliographique fait le point sur l’état des connaissances
sur le mode de dégradation des aciers par FPH. Elle décline les aspects relatifs à :

l'origine de l’hydrogène qui participe à la fragilisation,

son cheminement et ses interactions avec la microstructure des


matériaux, les différents modes de fragilisation résultant et leurs
mécanismes,

et les paramètres conditionnant la sensibilité à la FPH.

Enfin, les essais normalisés visant à évaluer la sensibilité des aciers à la FPH couramment
utilisés dans l'industrie pétrolière sont présentés.
2.1 Mécanismes de chargement en hydrogène de l'acier

L'entrée de l'hydrogène dans un métal résulte de sa mise en contact avec différentes sources
possibles d'hydrogène, soit d’hydrogène à l’état gazeux, soit issu d’une espèce hydrogénante
(H2O, H3O+, H2S, HS-...). Plus précisément, ces espèces sont présentes en solution à l’état de gaz
dissous ou résultent des phénomènes de réduction, appelés aussi processus de décharge
cathodique de l’hydrogène et qui sont liés aux réactions de corrosion. Notre étude a été conduite
dans des milieux contenant de l'H2S. Ce gaz est en effet reconnu comme étant une espèce
hydrogénante favorisant l'absorption de l'hydrogène de la solution électrolytique vers un métal
[BRA 00]. Les paragraphes suivants ont pour objectif d’actualiser les différents mécanismes
proposés dans la littérature sur le chargement en hydrogène à partir d'un milieu aqueux contenant
de l'H2S.

2.1.1 Mécanismes classiques de chargement cathodique en milieu acide

Les processus de décharge cathodique de l’hydrogène ont fait l'objet de nombreuses études
[BOC 71] [FRU 60] [PAR 51]. Lorsque le matériau est en contact avec un milieu acide, la source
d’hydrogène est le proton H+, plus ou moins solvaté, c'est à dire H+, nH2O (par exemple l'ion
hydronium H3O+). Au voisinage de l'électrode, l’ion subit une réaction de désolvatation selon

l'équation 1:

H 3O + → H + + H 2O
(Eq 1)

Trois étapes sont associées à la décharge cathodique de l'hydrogène :

Le transfert électronique à travers la double couche qui conduit à l’adsorption


chimique selon l’équation 2, dite de Volmer :

+ −
H +e →H (Eq 2)
métal ads

Une fois adsorbé, l’hydrogène peut alors soit se recombiner pour former de
l'hydrogène gazeux, soit pénétrer dans le métal :
La recombinaison des atomes adsorbés conduit au dégagement de di-hydrogène
gazeux,

selon deux mécanismes possibles illustrés par les équations 3 et 4 :

H ads + H ads → H 2 réaction de Tafel (Eq 3)


ou H ads + H +
+ e −métal→ H 2réaction d’Heyrovsky (Eq 4)

La pénétration dans le métal conduit à l’absorption d'une partie ε de l’hydrogène


suivant

l’équation 6 :
(1 − ε )H 2
(Eq 5)

2(H + + e − ) → 2H
ads
2ε H abs
(Eq 6)

La figure I.1 résume les différentes étapes des mécanismes classiques de dégagement et
de

chargement de l'hydrogène au sein d'un métal [PRO 02].

Solution Métal

Figure I.1 Illustration des mécanismes classiques de chargement en hydrogène [PRO 02].

Il faut rappeler cependant que les indices définis sur la figure I.1 ont été écrits à une
époque où l’hydrogène dissous était perçu sous une forme atomique et non sous sa forme
actuelle de

+ - + -
proton Hdiss et d’un e . Il faut donc lire Hdiss + e en lieu et place de Hdiss.
Les cinétiques relatives de chacune de ces étapes conditionnent la quantité d'hydrogène
absorbé au sein du métal. Elles dépendent de trois paramètres principaux : le taux de
recouvrement en hydrogène adsorbé, l'énergie d'adsorption, et la surtension de l’hydrogène
η [BRA 00a].

Quel que soit son état, le transfert de l’hydrogène en solution vers le métal est un
mécanisme complexe faisant intervenir des sites présentant des niveaux d'énergie différents. De
façon schématique, l'absorption de l'hydrogène peut être considérée comme un passage d'un site
d'adsorption chimique en surface vers un site interstitiel au sein du métal [BRA 00a] sous la forme
d’un hydrogène dissous tel qu’indiqué ci-dessus. A noter également que le mécanisme de
Frumkin [FRU 63] envisage un transfert global identique mais étape intermédiaire particulière en
surface.
2.1.2 Transfert protonique direct

Si la description précédente faisait appel à une étape d’adsorption préalable du proton, les
travaux de Darmois [DAR 60], Galland [GAL 68] et plus récemment Crolet [CRO 01] convergent vers
un autre mécanisme. Sans exclure l’étape de dégagement d’hydrogène, ils évoquent la pénétration
directe du proton de la phase aqueuse vers la phase solide. La réaction globale de corrosion fait
intervenir une réaction cathodique protonique, comme un échange de cations entre

les deux phases solide et liquide, telle que :

++ + ++ +
Fe (Eq 7)
métal + 2H électrolyte → Feélectrolyte + 2H métal

La figure I.2 proposée par Crolet [CRO 04a] reprend de manière schématique ce mécanisme

de transfert protonique direct.

Figure I.2 Illustration du mécanisme de transfert protonique direct [CRO 04a].


(iK courant cathodique)

Sur ce schéma, le proton solvaté en solution pénètre dans le métal sans changement d’état.
2+
Le métal est en effet constitué par un édifice d’ions Fe dont la cohésion est assurée par le nuage
électronique. A noter aussi que le mécanisme de Frumkin qui fait intervenir l’association en

surface puis une redissociation immédiate, revient à un transfert direct du proton.


2.1.3 Intervention de l'H2S en tant que promoteur d'entrée d'hydrogène

Comme les espèces AsH3, H3P, SbH3, l’H2S est considéré comme un promoteur d’entrée de
l’hydrogène dans les matériaux. En premier lieu, rappelons qu'en solution aqueuse, H2S se
comporte comme un diacide selon les réactions acido-basiques suivantes :
H 2S → HS − + H + (Eq 8)

et HS − → S 2− + H + (Eq 9)

En second lieu, en présence de sulfure d'hydrogène et en milieu acide, les ions ferreux
issus de la réaction anodique précipitent sous la forme de sulfure de fer pour former un film en
surface

de l'acier (Eq10) :

Fe 2+ + S 2− → FeS ( s ) (Eq. 10)

Plusieurs mécanismes possibles ont été envisagés pour expliquer l'action des promoteurs
d’entrée d'hydrogène. Les principaux mécanismes sont basés, soit sur la modification des énergies
de liaison entre le métal et l'hydrogène adsorbé, soit sur le blocage des sites d'adsorption de
l'hydrogène, voire les deux ensemble [BRA 00a].

Par exemple, pour certains auteurs [NEW 69], le promoteur d'entrée d'hydrogène, dans
notre cas l'H2S, diminuerait l'énergie de liaison entre le métal et l'hydrogène adsorbé. Il en
résulterait une diminution de l'énergie de barrière à franchir pour le transfert de l'hydrogène
vers le métal. Ce mécanisme ne permet pas à lui seul d'expliquer l'augmentation de la perméation
de l'hydrogène sous des conditions potentiostatiques [PRO 02]. Plus récemment, d'autres auteurs
ont proposé que les adsorbats de sulfure se fixent sur les sites d'adsorption de l'hydrogène,
abaissant ainsi la probabilité de recombinaison (Eq 3). La réaction d'absorption au sein du métal
est alors favorisée (Eq 6) [IYE 90]. Dans ce dernier mécanisme, l'H2S joue le rôle de "poison",
bloquant la réaction de recombinaison de l'hydrogène (Eq 3) en faveur de la pénétration de
l'hydrogène dans le métal (Eq 6). Les mécanismes d’absorption de l’hydrogène en milieu H2S
basés sur le blocage de la réaction de recombinaison de l’hydrogène (Eq 3) sont remis en
cause par la mise en évidence de l’existence d’une rétrodiffusion de l’hydrogène en surface [CRO
01]. Ce dernier point est détaillé ci-après (paragraphe I.2.1.4).

Associé à la théorie du transfert protonique direct, Crolet [CRO 01] propose donc une autre
HS
voie sorption où les adsorbats de sulfure
d’ab

appa
ads
raiss
ent
com
me
des
catal
yseu
rs de
la

réaction cathodique protonique, en favorisant électriquement la traversée de la surface par


H+

grâce à un environnement local semblable à un complexe neutre H2Sads, processus intervenant


en deux temps :

+ −
H eau + HS ads → H 2 S ads (Eq 11)
H S → HS − + H + (Eq 12)
2 ads ads métal

Selon la théorie proposée par Crolet, l’hydrogène sulfuré favorise ainsi l’absorption de

l’hydrogène au sein du métal selon le mécanisme schématisé sur la figure I.3.

HS- H+

Acier HSH

H+ SH-


Figure I.3 Catalyse du transfert direct de proton par des adsorbats HS [CRO 01].
ads

2.1.4 Rétrodiffusion de l'hydrogène

L'hydrogène peut donc, comme explicité dans les paragraphes précédents, pénétrer dans le
métal. Lorsque la concentration en hydrogène 'dissous' dans le réseau cristallin devient trop forte
par rapport à son activité dans le milieu corrosif, il en résulte un phénomène de rétrodiffusion de
l'hydrogène [GAL 04] [CRO 01]. Ce phénomène a été mis en évidence expérimentalement par les
travaux de Crolet [CRO 01]. Dans ces essais, l'évolution de la contre-pression d'hydrogène a été
mesurée dans un capteur creux immergé dans le milieu hydrogénant. Grâce à ces essais, il
a montré l’existence d’un dégazage rapide en parallèle avec le chargement cathodique même en
milieu contenant de l’H2S.
Comme dans le cas du chargement en hydrogène, les avis divergent quant aux mécanismes
de rétrodiffusion. La théorie du transfert électronique (Eq 13) [GAL 04] s'oppose à celle du
transfert direct (figure I.4) [CRO 04] de la même manière que pour le mécanisme de décharge

cathodique.

H →H+ + e− (Eq 13)


métal électrolyte métal
Figure I.4 Mécanisme du dégazage physique catalysé par les adsorbats de sulfure [CRO 04].

2.2 Comportement de l’hydrogène au sein du métal

Il existe deux types d’états énergétiques pour l’hydrogène dans le métal : d’une part
l’hydrogène en solution solide appelé également hydrogène diffusible et d’autre part
l’hydrogène piégé.

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