Professional Documents
Culture Documents
et de botanique appliquée
Résumé
L'auteur tente de mettre en évidence certaines relations entre les mauvaises herbes et les plantes cultivées et la compétence
qui existe entre ces plantes pour l'absorption des matières nutritives.
Abstract
The author tries to bring to light the relationships between weeds and cultivated plants as well as the competition between them
in the absorption of food materials.
Mosango M. Influence des plantes adventices sur les plantes de culture : quelques résultats. In: Journal d'agriculture
traditionnelle et de botanique appliquée, 30ᵉ année, bulletin n°1, Janvier-mars 1983. pp. 35-48;
doi : 10.3406/jatba.1983.3886
http://www.persee.fr/doc/jatba_0183-5173_1983_num_30_1_3886
Résumé. — L'auteur tente de mettre en évidence certaines relations entre les mauvaises herbes et
les plantes cultivées et la compétence qui existe entre ces plantes pour l'absorption des matières
nutritives.
Abstract. — The author tries to bring to light the relationships between weeds and cultivated plants
as well as the competition between them in the absorption of food materials.
INTRODUCTION
Les plantes adventices sont considérées comme des mauvaises herbes ou des
plantes nuisibles aux cultures car elles diminuent sensiblement le taux de rendement
agricole. Il s'agit des plantes annuelles ou vivaces qui poussent spontanément dans les
cultures et dont la multiplication est assurée par de nombreuses graines enfouies dans
le sol ou par des organes de rénovation souterrains (stolons, rhizomes...).
Le présent travail présente quelques résultats de notre étude sur les relations entre
les plantes adventices et les plantes cultivées. Les bisects dessinés à l'aide des tranchées
dans le sol, les mesures des phytomasses et des coefficients d'hydratation ont pu mettre
en évidence quelques influences de ces plantes sur les plantes cultivées.
Cette étude a eu lieu au cours des années 1978 et 1979.
1 . Territoire étudié
2. Matériel et méthodes
2.1. Bisects
L'établissement des bisects de différents biotopes se réalise en tenant compte à
la fois des parties aériennes et souterraines des plantes les plus caractéristiques. Pour
les parties aériennes, les éléments suivants ont été considérés : la hauteur, l'extension
latérale des plantes et leur interpénétration. Pour les parties souterraines, nous avons
considéré la profondeur et l'extension des parties souterraines obtenues à l'aide d'une
tranchée dans le sol. Ces différentes parties des espèces présentes sont mesurées à l'aide
d'un mètre ruban et rapportées sur un dessin fait à l'échelle.
Le bisect ainsi défini apporte certains renseignements sur les affinités ou les
incompatibilités entre les plantes.
Compte tenu du fait qu'il est très difficile de récupérer la totalité des parties
souterraines, il nous a semblé beaucoup plus intéressant de ne considérer que les
biomasses des parties aériennes pour le calcul des hydratations. La formule utilisée à
cet effet est la suivante :
,, , . Poids frais —— Poids sec
Hydratation = x 100.
Poids frais
3. Résultats et interprétation
Trois groupements végétaux ont été choisis pour l'exécution des bisects :
groupement à Bidens pilosa, groupement à Mariscus alternifolius et groupement à Imperata
cylindrica. Deux autres ont été choisis pour les mesures des phytomasses : le
groupement à Bidens pilosa et le groupement à Digitaria polybotrya.
3.1. Bisects
Hiuttur
Echelle : 1/100 0 10 20 30
FlG.
-38-
chevelu radiculaire est très dense et constitué de nombreuses radicelles. Par conséquent,
la surface d'absorption des plantes adventices est très grande. Par contre, les parties
souterraines des plantes cultivées sont formées de racines non tubérisées et moins
ramifiées en radicelles.
Elles sont entièrement dominées par les racines des adventices. Leur surface
d'absorption est très petite.
— Parie aérienne
Les plantes adventices sont très abondantes et plurispécifiques. Elles dominent
également par leur hauteur dont le maximum est de 120 cm. Leur surface d'assimilation
chlorophyllienne est donc plus vaste que celle des plantes cultivées.
3.2. Phytomasses
Les mesures ont été effectuées pour chaque espèce présente dans une surface de
1 m2. Les tableaux (1 et 2) en donnent les résultats. Chaque espèce est accompagnée de
-39-
FlG. 2.
-40-
Hauteur
cm
150.
140_
110.
80 .
60 _
Fie. 3.
-41 -
Tableau 1
Valeurs des phvtomasses. Groupement à Bidens pilosa.
Plantes adventices
Bidens pilosa L 3.3 45,3 19,0 269,6 71,1 453 190 2 696 711
Erigeron floribundus
(H.B. et K) Sch. Bip) 1.2 34,5 15,1 278,3 71,1 345 151 2 783 711
Paspalum orbiculare Forst 2.3 55,1 23,8 201,3 79,6 551 238 2013 796
Phvllcinthwi ni ru ri L + .1 0,2 0,1 0,2 0,1 2 1 2 1
Spermacoce lalifolia Aubl 1.2 2,8 1,3 124,5 6,2 28 13 1 245 62
Digitaria polvbotrva Srapf 2.3 4,3 3,2 94,4 51,0 43 32 944 510
Digitaria horizontalis Willd 1.2 1,6 1,0 16,1 8,4 16 10 161 84
Digitaria longifolia (Retz) Pers 2.3 18,9 13,5 98,6 51,4 189 135 986 514
Eragrostis ciliaris (L.) Link 1.3 1,1 0,7 7,0 3,7 11 7 70 37
Fimbristvlis hispidula (Vahl) Kurth + .1 1,6 1,0 3,2 1,8 16 10 32 18
Commelina diffusa Burm f + .1 3,1 0,6 22,0 3,2 31 6 220 32
Ipomoca involucrata P. Deauv + .1 0,3 0,1 1,7 0,8 3 1 17 8
Cvperus sphacelatus Rottb 1.2 47,9 22,8 17,9 8,1 479 228 179 81
Panicum brevifolium L + .1 0,2 0,1 0,2 0,1 2 1 2 1
Plante cultivée
Manihot esculenta Grantz 27,4 12,7 294,4 91,6 274 127 2 944 916
Divers
Abrus canescensWe\w ex Back + .1 6,8 4,8 46,3 25,9 68 48 463 259
Mostuea angolana + .1 25,9 13,6 5.5 0,9 259 136 55
Total 100% 277,0 133,4 1 481,2 475,0 2 770 1 334 14812 4 750
S = Sociabilité.
BS = Biomasse souterraine. Ps = Poids sec.
BA = Biomasse aérienne.
-42-
Tableau 2
Valeurs des phytomasses. Groupement à Digitaria polybotrya Stapf.
Plantes adventices
Digitaria polxbotrxa Stap 4.5 61,4 39,2 628,8 194,8 614 392 6 288 1 948
Spermacoce latifolia Aubl 1.2 1,1 0,6 19,2 4,4 11 6 192 44
Mariscus altemifolius Vahl 1.2 2,3 1,4 11,1 4,3 23 14 111 43
Cvperus sphacelatus Rottb 1.2 0,5 0,3 3,9 1,7 5 3 39 17
Mariscus flabelliformis Kunth + .2 1,3 0,8 4,2 1,7 13 8 42 17
Paspalum orbiculare Forst 2.3 37,3 20,2 319,4 95,7 373 202 3 194 957
Phyllanthus niruri L + 1. 0,2 0,1 1,0 0,5 2 1 10 5
Cleome ciliata Schumach. et Thonn. + 1. 0,7 0,3 6,3 1,9 7 3 63 19
Eriosema laurentii De Wild + 1. 0,2 0,1 1,4 0,6 2 1 14 6
Commelina diffusa Burm f 1.2 6,6 2,1 33,9 5,9 66 21 339 59
Panicum maximum Jacq + .2 11,3 6,8 68,7 30,6 113 68 687 306
Vigna vexillata (L.) Benth + .1 0,6 0,3 0,7 0,3 6 3 7 3
Asrstadai gangetica (L.) T. Anders .. + 1. 0,6 0,3 4,4 0,9 6 3 44 9
Plante cultivée
Zea mays L 10,2 5,0 46,5 13,5 102 50 465 135
Total 100% 134,3 77,5 1 149,5 356,8 1 343 775 11 495 3 568
S = Sociabilité.
BS = Biomasse souterraine. Ps = Poids sec.
BA = Biomasse aérienne.
— Hydratation aérienne
L'hydratation totale aérienne est équivalente à 68,9 %. Les coefficients
d'hydratation des plantes adventices et cultivées sont respectivement de 68,8 % et de 70,9 %. Cette
valeur est plus élevée pour les plantes cultivées. Toutefois, la différence n'est pas très
significative.
-44-
Discussion et conclusion
Les plantes adventices sont celles qui croissent accidentellement dans un milieu
sans y avoir été semées. Ce terme « adventice » s'applique donc aux plantes des milieux
rudéraux et cultivés. Dans les cultures sarclées elles sont dites ségétales, tandis que dans
les cultures non sarclées des moissons ou céréalières elles sont appelées messicoles.
Notre étude des bisects a porté essentiellement sur les adventices des cultures sarclées
notamment le manioc.
A Kisangani, le manioc est souvent cultivé en association avec d'autres plantes
vivrières comme le maïs, la patate douce, la tomate, etc. Ce sont des cultures
temporaires effectuées sur des terrains brûlés après défrichement. La culture se fait par
bouturage. La récolte du manioc s'effectue en dernier lieu avant la mise en jachère du
terrain. Le champ est souvent entretenu par sarclage chaque fois qu'il y a des plantes
adventices considérées comme des mauvaises herbes.
La mise en culture d'un terrain entraîne toujours l'apparition d'une nouvelle
végétation dite culturelle. Celle-ci est constituée de différents groupements de plantes
adventices dont la dispersion est favorisée par leur forme biologique (thérophytes en
général), leur cycle de végétation très court et leur adaptation à la dissémination : fruits
accrochants et adhésifs (Mullenders, 1954). D'autres encore se propagent en plus par
leurs organes de rénovation souterrains (rhizomes ou stolons).
L'intérêt agronomique de l'étude de ces plantes est évident. Les sols tropicaux,
après défrichement, sont exposés à une rapide érosion et à la perte des matières
organiques (Vandenput, 1981). Outre leurs effets bénéfiques, en indiquant l'état et
l'évolution du sol, le niveau de fertilité, les modifications du régime hydrique et
climatique et en jouant un rôle important sur la couverture et la fixation des sols
dénudés (Mullenders, 1954 et Marche-Marchard, 1965), ces plantes présentent
cependant des effets néfastes sur les espèces cultivées (Chateau, 1957).
Nos bisects ont été exécutés sur des sols différents : le premier dans un sol à
dominance sablonneuse recouvert d'une légère couche d'humus et de débris végétaux,
le deuxième dans un sol à dominante argileuse, assez compact, à nappe phréatique très
peu profonde et le troisième dans un sol sablonneux profond. Ces différents types de
substrats expliquent la présence des groupments observés et les différentes adaptations
écologiques des espèces. Dans le premier bisect, les enracinements sont relativement
assez profonds. Les racines tendent à se développer verticalement dans le sol. Le
maximum du chevelu racinaire est compris dans les 20 premiers centimètres de
profondeur. Dans le deuxième bisect par contre, les enracinements sont surtout
superficiels, leur développement se fait plus ou moins latéralement. Le maximum du
chevelu racinaire est localisé dans les 10 à 25 premiers centimètres de profondeur. Ceci
est dû à l'état du sol, un sol argileux et assez compact. Dans le troisième bisect, les
enracinements sont profonds. Les racines ont tendance à se développer en profondeur
car le sol est à dominante sablonneuse. Le maximum du chevelu radiculaire est situé
dans les 20 à 30 cm de profondeur.
L'évolution de ces groupements d'adventices, si elle n'est pas interrompue ni
perturbée par des sarclages, aboutira, en cas d'abandon des cultures, à la formation de
la jachère qui, à son tour, évoluera vers des formations secondaires.
La densité des enracinements et des tiges aériennes de plantes adventices dans
l'espace cultivé a pour conséquence une forte compétition des matières nutritives et de
-45-
lumière avec les plantes cultivées. La surface d'absorption au niveau des racines est plus
grande que celle des plantes cultivées.
Par ailleurs, leur pouvoir d'assimilation chlorophyllienne est très élevé en raison
de leur grande occupation de l'espace. C'est pourquoi, dans les trois bisects, les plantes
cultivées accusent un développement moindre et anormal. Au niveau des racines, très
peu de tubercules ont été formés.
Par conséquent, le rendement de manioc est faible. Selon Kiadi (1975), les
mauvaises herbes utilisent pour leur compte une part importante des fertilisants
destinés aux cultures.
Les différentes mesures des phytomasses ont été effectuées dans des cultures mal
entretenues, complètement envahies par les plantes adventices ayant atteint leur
optimum de croissance. Les résultats obtenus montrent que les phytomasses tant
aériennes que souterraines de ces espèces sont supérieures à celles des plantes cultivées
(tableau 1 et 2). Dans le premier cas par exemple, les plantes adventices ont une
phytomasse souterraine totale de 1 023 kg/ha et une phytomasse aérienne totale de
Tableau 3
Phytomasses totales et Hydratation.
Groupements à Bidens pilosa (Gl) et à Digitaria Polybotrya (G2).
Phytomasses Hydratatior
Rapport
(kg/ha) (%)
Groupement Catégories des plantes
PsS PsA R HA
3 566 kg/ha. Par contre, les plantes cultivées ont une phytomasse souterraine totale de
127 kg/ha et une phytomasse aérienne totale de 916 kg/ha. Cela montre que les plantes
adventices accumulent plus de matières nutritives que les plantes cultivées. Leur
développement est donc beaucoup plus favorisé et normal par rapport à celui des
plantes cultivées. Les coefficients d'hydratation calculés traduisent bien la compétition
entre les adventices et les plantes cultivées car les valeurs obtenues n'accusent pas de
grandes différences. Dans le premier cas par exemple, l'hydratation aérienne des
adventices est de 68,5 % et celle des plantes cultivées de 68,9 % (tableau 3).
Dans ce travail notre objectif était de mettre en évidence quelques influences des
plantes adventices sur les plantes cultivées à l'aide des bisects et de l'estimation des
phytomasses tant aériennes que souterraines. Par ailleurs, les coefficients d'hydratation
ont été calculés à partir des poids frais et des poids secs.
A la lumière des résultats obtenus, nous pouvons conclure que les adventices de
culture constituent un grand obstacle au plein développement des plantes cultivées.
Elles méritent réellement d'être traitées comme de « mauvaises herbes » (Guil-
laumet, 1967) en raison de leurs effets nuisibles. Leur pouvoir d'absorption est très élevé
grâce à une forte densité de racines dans le sol et leur pouvoir d'assimilation
chlorophyllienne est aussi très élevé, favorisé par l'abondance des appareils végétatifs aériens dans
la surface cultivée. Pour Chateau (1957), les mauvaises herbes peuvent être considérées
comme l'un des principaux facteurs de perturbation, entraînant des pertes sérieuses et
une grande réduction de production. Ainsi les cultures doivent être bien entretenues
afin d'éviter un mauvais rendement des espèces cultivées.
Annexe 1
Légende des 3 bisects (espèces présentes)
Relevé I : Zone de Mangobo, route menant vers le plateau médical. Culture de manioc
mal entretenue, d'environ 1 an. Groupement adventice à Bidens pilosa sur sol
à dominance sablonneuse recouverte d'une légère couche d'humus et de
débris végétaux.
Relevé 2 : Zone de la Makiso, derrière l'aéroport du plateau médical. Culture de
manioc et patate douce non sarclée d'environ 7 mois sur sol argilo-sableux,
à nappe phréatique très peu profonde, végétation adventice dominée par
Mariscus altemifolius.
Relevé 3 : Zone de la Makiso, localité Simi-Simi, culture de manioc sur sol sablonneux,
profond, graveleux, de plus d'un an. Végétation adventice dominée par
Imperata cylindrica.
Remerciements
BIBLIOGRAPHIE
Bernard E., 1945. — Le climat écologique de la cuvette centrale congolaise, Publ. INEAC,
coll. in 4°, Bruxelles : 240 p.
Chateau R., 1957. — La flore adventice des rizières. Bulletin de l'agriculture et de
l'élevage du Congo Belge. Bruxelles, 20 p.
Duvigneaud P. et Kestemont P., 1947. — La synthèse écologique, population,
communautés, Ecosystèmes, Biosphère, Noosphère. Doin, Paris, 296 p.
Godron M. et ai, 1968. — Code pour le relevé méthodique de la végétation et du milieu.
Principes et transcription sur cartes perforées. CNRS, Paris, 292 p.
Gounot M., 1969. — Méthode quantitative de la végétation. Masson et Cie, Paris, 314 p.
Guillaumet Y.L., 1967. — Recherches sur la végétation et la flore du Bas-Clavally (Côte
d'Ivoire). ORSTOM, Paris, 248 p.
Kiadi 1975. — Techniques culturales et soins culturaux, in CEPSE, Numéro spécial,
Lubumbashi, 147-160.
-48-