Professional Documents
Culture Documents
!"#$#%&'(%&)$*+,$#%&(,'-%..%&/%&.0%'#,1%
Illustration de couverture : Piero di Cosimo, La construction d’un palais, entre 1515 et 1520,
Ringling Museum of Art, Sarasota.
ISSN 2466-8893
ISBN 978-2-8076-0279-3
ePDF 978-2-8076-0284-7
ePub 978-2-8076-0285-4
Mobi 978-2-8076-0286-1
DOI 10.3726/b10866
D/2017/5678/23
1 Tolsá a fait l’objet de nombreuses publications monographiques, qui sont pour la plupart dépen-
dantes les unes des autres (Alfredo Escontría, Breve estudio de la obra y personalidad del escultor y
arquitecto don Manuel Tolsá, México, Empresa editorial de ingeniería y arquitectura, 1929, souvent
cité malgré son caractère peu fiable ; Francisco Almela y Vives, Antonio Igual Ubeda, El arquitecto
y escultor valenciano Manuel Tolsá, 1757-1816, Manuel Tolsá y la Expansion academista valenciana,
Valence, Servicio de estudios artísticos/Institución Alfonso el Magnánimo, 1950 ; Eloísa Uribe,
Tolsá. Hombre de la Ilustración, México, Consejo nacional para la Cultura y las Artes, 1990 ; Salvador
Pinoncelly, Manuel Tolsá, arquitecto, México, Consejo nacional para la Cultura y las Artes, 1998 ;
Manuel Rodríguez Alcalá, Aproximación histórica y análisis de la obra del escultor y arquitecto valen-
ciano Manuel Tolsá (1757-1816), thèse soutenue à l’université de Valence en 2003 (dir. A. Violeta
Montoliu Soler) ; Joaquín Bérchez, « El Adorno no fue delito : Tolsá en México », dans Tolsá.
Joaquín Bérchez Fotografias, exp. Valence, musée des Beaux-Arts, Valence, Generalitat Valenciana,
2008, p. 77-100 (avec une analyse très fine des sources stylistiques de Tolsá).
193
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
194
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
2 Plus largement, l’influence du traité de Scamozzi est soulignée par J. Bérchez Gomez, « Arquitectura
y urbanismo », p. 251-253 dans Vicente Aguilera Cerni (dir.), História del arte valenciano, 4, Del
manierismo al arte moderno, Valence, Biblioteca Valenciana, 1989.
3 Juan Agustín Céan Bermúdez, Llaguno y Amirola, Noticias de los Arquitectos y
Arquitectura de España desde su restauración, IV, Madrid, Imprenta real, 1829, p. 294 ;
J. Bérchez, « Ideario ilustrado y académico valenciano en la renovación de la catedral de Segorbe »,
dans Romàn de la Calle, La Real Academia de Bellas Artes de San Carlos en la Valencia illustrada,
Valence, Universitat de València, 2009, p. 185-208, ici p. 189-190 (et bibliographie).
4 J. A. Céan Bermúdez, op. cit., p. 306-308.
5 F. Almela y Vives, A. Igual Ubeda, op. cit., p. 38.
195
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
De Valence à Madrid
Nous retrouvons Manuel Tolsá à Madrid, l’itinéraire obligé de qui veut réussir. Il
entre à l’Académie de San Fernando, où il reçoit l’enseignement du vieux Juan Pascual
de Mena (1707-1784), qui était aussi membre de l’institution jumelle, l’Académie
de Valence, et dont Puchol avait été autrefois l’élève. En tout cas, c’est ce que Tolsá
prétend en 1789, dans sa lettre de candidature pour le poste de Mexico. Il semble
qu’il se soit essayé avec insuccès à la peinture (il rate le 3e prix en 1781)6. En 1784,
il obtint le deuxième prix de première classe pour un bas-relief en terre représentant
l’entrée des rois catholiques à Grenade7. Cette œuvre, aujourd’hui détruite, n’est
connue que par une photographie de 1910. Elle ne nous dit pas grand-chose de
sa personnalité, appartenant à un genre de reliefs narratifs sur l’histoire nationale
typique des concours académiques. C’est en tout cas la seule trace des travaux
scolaires de Tolsá et la seule distinction qu’il reçut lors de sa formation espagnole !
Notons en passant qu’il se rajeunit au passage, ne déclarant lors du concours que 24
de ses 27 ans…
Cinq ans plus tard se présente l’occasion capitale : un poste de directeur pour la
sculpture à l’Académie de San Carlos de Mexico. Tolsá apprend la vacance du poste
en juin 1789 et pose sa candidature. Dans sa lettre, il se présente comme un élève
de José Puchol et de Juan Pascual de Mena, se dit natif de Valence, ce qui n’est pas
strictement exact mais lourd de sens ; il y ajoute qu’il travaille pour la Cour et pour
le comte de Floridablanca. Il fait clairement entendre qu’il est hautement protégé,
ce qui devait être vrai, ou, en tout cas, il s’affaira à le laisser penser8. Cela fut efficace,
puisqu’il fut choisi malgré l’insuffisance de ses titres, qu’il s’employa d’ajuster. Il
demanda à être fait academico de merito de l’Académie de San Fernando, avec un
relief de La Femme adultère, aujourd’hui perdu, ce qui fut fait en décembre 1789. Il
fit la même chose pour l’Académie de Valence, envoya une lettre le 22 juin 1790 avec
un relief de La Sainte Famille : quelques jours plus tard, il fut fait academico de merito
de l’Académie de San Carlos de Valence. Il fut officiellement nommé à son poste le
16 septembre 1790.
6 Ibid., p. 45.
7 Leticia Azcue Brea, La escultura en la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando : catálogo y estu-
dio, Madrid, Real Academia de Nobles Bellas Artes de San Fernando, 1994, p. 298-300.
8 En témoigne une lettre de recommandation par Francisco Cerda y Rico en mai 1789 (F. Almela y
Vives, A. Igual Ubeda, op. cit., p. 50-51 ; J. Bérchez, op. cit., p. 95).
196
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
donner des œuvres à copier, des gravures ou des tableaux : cette première collection à
but pédagogique fut l’embryon de l’actuel Museo de San Carlos de Mexico.
En 1781, cette première académie devint la Real Academia de San Carlos de
las Nobles Artes de la Nueva España puis, en 1785, l’administration créa des postes
de « directeurs » (en fait de professeurs) pour la faire fonctionner : deux pour la
peinture, un pour la gravure, un pour l’architecture et un pour la sculpture. José Arias
(1743-1788) fut alors nommé mais devint fou. À sa mort, son poste attendait Tolsá.
Si Tolsá est présent dans cet ouvrage consacré aux Européens, c’est en qualité
d’architecte, mais ce n’est pas ainsi qu’il arriva au Mexique. La chaire d’architecture
était occupée depuis l’origine par José Antonio González Velázquez, dit Antonio
le Jeune, qui appartenait à une dynastie d’artistes madrilènes actifs à la Cour. Tolsá
devra attendre sa mort, en 1810, pour enseigner officiellement cet art.
La vacance du poste pour la sculpture en 1789 coïncida avec la mort du graveur
Gil, le fondateur, qui fut remplacé par un Valencien, José Joaquín Fabregat (1748-
1807). Enfin, peu après l’arrivée de Tolsá, l’un des deux directeurs pour la peinture fut
remplacé par Rafael Ximeno y Planes, ancien pensionnaire à Rome et académicien
de Madrid, lui aussi originaire de Valence.
Pour préparer son départ, Tolsá fit expédier des caisses de matériel durant
l’été 1790, avant de s’embarquer lui-même à Cadix avec de nombreuses autres caisses,
une nièce orpheline de onze ans et un serviteur, en février 1791. Tel un missionnaire
deux siècles et demi plus tôt, Tolsá part pour la Nouvelle-Espagne muni de tout ce
qu’il faut pour y propager le beau et l’utile : des livres, des instruments de mesure,
des plâtres de sculpture antique.
Ouvrons une parenthèse autour de ces deux listes de colisage de 1790 et 1791.
Ces documents ont été publiés en 1929 par Alfredo Escontría dans son opuscule
monographique sur Tolsá9. Ils ont été depuis republiés à de nombreuses reprises,
toujours d’après cette transcription fautive jusqu’à l’absurde, sans jamais être relus et,
à notre connaissance, commentés en détail10. Par un extraordinaire effet de transferts
successifs, les listes de ces objets-vecteurs de la culture colonisatrice, mal lues au
Mexique en 1929, sont encore reçues et répétées telles quelles aujourd’hui par la
« culture émettrice ».
La livraison de 1790 comprend surtout du matériel de dessin, des rames de papier
de différents formats, des crayons, des pinceaux, des pigments et quelques livres.
Quatre ouvrages en plusieurs volumes sont cités, dont voici la liste telle qu’elle est
publiée : « Poros viajes dentro y fuera de Espana 17 vol. 8 pa / Juarez y maquinas 2 vol.
4° pasta / Don Jorge Juan, Examen Maritimo 2.4 pasta / Libro de Cifras. 8 rustica ».
Il nous semble important d’identifier ces livres, ce qui ne semble pas avoir été fait.
Le « viajes dentro et fuera de Espana » de « Poros » est la publication monumentale
d’Antonio Ponz, le Valencien secrétaire de l’Académie de San Carlos : Viage de
España, o Cartas en que se da noticia de las cosas más apreciables y dignas de saberse, que
hay en ella, imprimé à Madrid en 1772, en 17 volumes, et les deux volumes de la
description de l’Europe, Viaje fuera de España, publiés en 2 volumes en 1785. Le nom
de Ponz ne pouvait être inconnu du scribe, qui avait en plus les livres sous les yeux,
9 A. Escontría, op. cit.
10 C’est par exemple le cas dans le dernier grand travail qui se veut exhaustif consacré à l’architecte, la
thèse de Manuel Rodriguez Alcala, op. cit.
197
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
mais la lecture fautive Poros a été pieusement recopiée jusqu’à nos jours. L’envoi de
cette description moderne de l’Espagne outre-Atlantique nous semble très éclairant
pour comprendre les enjeux des travaux de Tolsá au Mexique et la nouvelle forme
d’appropriation du territoire qu’elle représente. Il est intéressant de considérer le
reste de cette petite liste. Le « libro de cifras 8 Rustica », n’est pas identifiable : il s’agit
d’un in-8° broché (« rustica »), peut-être un livre de notation musicale. « Juarez y
maquinas 2 vol. 4° pasta » est certainement l’ouvrage de mécanique et d’hydraulique
de Miguel Gerónimo Suárez y Núñez, Colección general de máquinas : escogidas entre
las que hasta hoy se han publicado en Francia, Inglaterra, Italia, Suecia, y otras partes,
Madrid : Pedro Marin, 1783, in-4°, en deux volumes, avec une reliure cartonnée
(« pasta »). Il s’agit d’une compilation en espagnol de différents ouvrages ou articles,
portant en particulier sur des questions de drainage et d’adduction d’eau, problèmes
qui vont concerner Tolsá à son arrivée en Nouvelle-Espagne. Le « Don Jorge Juan,
Examen Maritimo 2.4 pasta » est évidement l’ouvrage de Jorge Juan y Santacilia,
Examen marítimo teórico-práctico, publié à Madrid en 1771. Ce grand savant, qui
fonda l’observatoire de Madrid et dirigea le Seminario de los Nobles, appartient
comme les deux autres à l’intelligentsia des Lumières sous le règne de Charles III.
C’est donc le meilleur des productions encyclopédiques de l’Espagne éclairée qui est
mis en caisse et expédié en Amérique.
Qu’en est-il des soixante-trois caisses de plâtres parties avec le sculpteur en 1791,
qui ont été symboliquement vues comme l’injection du vaccin néoclassique contre
le baroque au Mexique11 ? En revenant sur les listes publiées par Escontría et en
comprenant la logique de ses lectures fautives, on identifie les antiques admirées
et copiées depuis le milieu du xviie siècle : l’Alexandre mourant12, l’Apollino des
collections médicéennes13, l’Apollon du Belvédère14, l’un des Camille15, l’Amour et
Psyché16, le relief des Danseuses Borghèse17, le Faune aux cymbales18, le Germanicus19,
le Gladiateur Borghèse20, le Gladiateur mourant21, le Laocoon22, la tête de Niobé et de
l’un de ses fils23 (qui apparaît dans la lecture d’Escontría comme une tête colossale
de la Vierge, la « Madre de las Nieves »), la Nymphe à la coquille24, le Faune Barberini25
(transcrit par le même comme « Bacchus couché sur un Galicien » !), le groupe dit
11 Joseph Armstrong Baird, Hugo Rudinger, The Churches of Mexico, 1530-1810, Berkeley, University
of California Press, 1962, p. 42.
12 Nous donnons pour plus de commodité les numéros de catalogue de Francis Haskell et Nicholas
Penny, Taste and the Antique, the Lure of Classical Sculpture, New Haven/Londres, Yale University
Press, 1981. Ici, Haskell-Penny, n° 2.
13 Ibid., n° 7.
14 Ibid., n° 8.
15 Ibid., n° 16 (peut-être l’une des versions des collections royales espagnoles).
16 Ibid., n° 26.
17 Ibid., n° 29.
18 « Fauno de los platillos », ibid., n° 34.
19 Ibid., n° 42.
20 Ibid., n° 43.
21 Ibid., n° 44.
22 Ibid., n° 52.
23 Ibid., n° 66.
24 Ibid., n° 67.
25 Il faut lire : « Baco hechado sobre un pellejo », ibid., n° 33.
198
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
199
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
39 [caisse] n° 25 : « la Estatua entera del Baco que tiene una taza en la mano en alto ».
40 Florence, villa La Petraia. Elle apparaît comme « Del Berlin » dans la transcription d’Escontria.
41 L. Azcue Brea, op. cit., n° E.21 p. 191-192, qui a noté l’usage qu’en fit Tolsá.
42 Irving A. Leonard, « Cortés’s Remains-and a Document », The Hispanic American Historical Review,
vol. 28, n° 1, février 1948, p. 56.
43 Francisco de la Maza, « Una obra de arte desconocida : El busto de Cortés por Manuel Tolsá »,
Revista de la Universidad de México, n° 10, juin 1986, p. 32-33.
44 « Documentos para la historia de la bellas artes en México. Testamento de Manuel Tolsa, ano de
1807 », Anales del instituto de investigaciones estéticas, I, 1937, p. 52.
200
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
45 Voir David Vilaplana Zurita, « La escultura. El influjo neoclasicista y academicista », dans
V. Aguilera Cerni (dir.), op. cit., p. 280.
46 Sur ce chantier, J. Bérchez, op. cit., p. 106-112.
47 Justino Fernandez, El Palacio de Minera’ [1951], Mexico, Universidad nacional autonoma de
Mexico, 1985.
48 Sur l’usage d’éléments empruntés aux livres d’architecture, voir J. Bérchez, op. cit., p. 101-106.
201
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
49 Manuel Orozco y Berra (dir.), Apéndice al Diccionario universal de historia y de geografía : Colección de
artículos relativos a la República Mexicana, Mexico, J. M. Andrade y F. Escalante, 1856, vol. 2, p. 289-
302, article « Estatua ecuestre ».
202
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
50 David Bushnell, « El Marques de Branciforte », Historia Mexicana, vol. 2, n° 3 (jan.-mar. 1953),
p. 396-397.
51 Ibid., p. 302-306.
52 Rafael Fierro Gossman, Templo del Colegio Máximo de San Pedro y San Pablo. Museo de la Luz :
400 anos de historia, Mexico, 2003, p. 76-77.
53 Vol. III, p. 1555.
54 Manuel Orozco y Berra, op. cit., p. 302-306.
203
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
204
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
Fig. 3. Manuel Tolsá, statue équestre de Charles IV, Mexico, place Manuel-Tolsá.
205
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
relatif à l’emplacement des ateliers de Tolsá dans un jardin qui appartenait au collège
des jésuites, et qui indique comment Tolsá en dessina les plans magnifiques et promit
d’en diriger la construction jusqu’à la fin du chantier sans rétribution aucune55.
Derrière la façade harmonique aux modules inspirés d’Herrera se développent de
complexes volumes internes issus de l’architecture thermale antique, unifiés par des
pilastres ioniques, tels que Ventura Rodríguez les utilise. Le tambour est ajouré de
serliennes néo-Renaissance.
Le palais du marquis de l’Apartado, derrière la cathédrale, fut d’abord conçu pour
loger le roi Ferdinand VII, non loin de l’immense bâtisse du palais du vice-roi. Il fut
habité au début du xixe siècle par Francisco Manuel Cayetano de Fagoaga y Arozqueta,
Vizconde de San José, Marqués del Apartado, qui lui laissa son nom56. Le choix de la
pierre, sans les trumeaux enduits qui sont courants dans l’architecture du xviiie siècle en
Espagne comme au Mexique, est remarquable, tout comme le soin apporté à sa découpe,
l’usage parcimonieux des ornements, réduits à des formes simplifiées, expressives et
soumis à la rigueur du dessin d’ensemble. Sévérité ne rime pas nécessairement avec
néoclassique : je ne crois pas qu’aucun des architectes que nous nous accordons à
ranger dans cette catégorie aurait utilisé cet ordre colossal toscan à cannelures avec ces
balcons saillants à balustres. Au-delà des modèles de l’architecture internationale qu’il
avait connue à Madrid, celle de Juvarra, de Sacchetti, je pense que l’on peut y voir aussi
l’inscription dans une certaine tradition hispanique du dessin rythmique et harmonique,
une fois de plus celle de Juan de Herrera. Les volumes élémentaires, le goût des lignes
orthogonales, la stéréotomie, comme certains détails (les lourdes boules qui soulignent
encore ces balcons si peu « à l’antique », les puissantes consoles) renvoient à l’art du
maître de l’Escurial.
Un dernier exemple de citation ou d’hommage à l’architecture de la patrie est le
palais du comte de Buenavista (fig. 5). Sa cour elliptique, sur deux niveaux et avec
portique ionique, rappelle immédiatement le palais de Charles Quint à Grenade
dessiné par Pedro Machuca (vers 1490-1550). L’architecte et peintre fait partie des
« aguilas », ces aigles de la Renaissance espagnole, qui importèrent dans la péninsule
l’art des maîtres italiens. C’est un exemple rare en Espagne d’architecture régulière et
soumise au dessin, hormis le contre-exemple fondamental de l’Escurial. Il nous semble
frappant que Tolsá transporte et transpose dans le Nouveau Monde ce monument
insigne du patrimoine architectural espagnol. Il est très significatif de voir que les
historiens mexicains choisissent de reconnaître dans cette cour un emprunt à la
disposition typique de la maison coloniale sur deux niveaux.
55 María Cristina Soriano Valdéz, « La huerta del Colegio de San Gregorio, asiento del taller de
Manuel Tolsá y su transformación en Fundición de Cañones, 1796-1815 », Historia mexicana,
vol. 59, 4 (avril-juin), 2010, p. 1425-1426.
56 Sur la famille : Laura Pérez Rosales, Familia, poder, riqueza y subversión : los Fagoaga novohispanos
1730-1830, Mexico, Universidad Iberoamericana, 2003.
206
Manuel Tolsá y Sarrión, premier architecte néo-espagnol du Mexique
Fig. 5. Manuel Tolsá, cour intérieure du palais du comte de Buenavista, Mexico
(actuel musée national de San Carlos).
Fig. 6. Martín Soriano, Manuel Tolsá (Mexico, musée national des Beaux-Arts).
207
Les Européens : ces architectes qui ont bâti l’Europe (1450-1950)
208