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Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw

Pour l’honneur
de la gendarmerie
sénégalaise
Tome 1 :
Le sens d’un engagement
Pour l’honneur
de la gendarmerie sénégalaise
Tome 1
Le sens d’un engagement
Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw
Forces armées sénégalaises
Gendarmerie nationale

Pour l’honneur
de la gendarmerie sénégalaise
Tome 1
Le sens d’un engagement
Du même auteur
chez le même éditeur

Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise.


Tome 2 : La mise à mort d’un officier, 2014.

Nous sommes conscients


que quelques scories subsistent dans cet ouvrage.
Vu l’utilité du contenu, nous prenons le risque
de l’éditer ainsi et comptons sur votre compréhension

© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-343-01592-7
EAN : 9782343015927
Je dédie ce livre

À ma mère Khady Birame Senghene NDIAYE, femme


d’honneur et de vertu qui refuse que je rase les murs et veille sur
mon bien être et ma démarche.
À mon oncle Doudou NDIAYE Bachir ; ceux qui le connais-
sent le surnomment NDIAYE ANGLAIS, tant tout dans son com-
portement et sa vie est Honneur Rigueur et Intégrité ;
Au Général Abdoulaye FALL, Chef d’Etat Major Général des
Armées qui a fait tout ce qui était en son pouvoir pour m’aider et
me soutenir. Son soutien financier m’a permis de maintenir mon
niveau de vie, loger ma famille et assurer mes engagements fami-
liaux ;
À tous mes subordonnés, Officiers, Sous-officiers et Gen-
darmes auxiliaires qui continuent de croire que les Remparts de
la Cité sont des Hommes et non des pierres

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Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw

1/ DISTINCTIONS HONORIFIQUES
Commandeur de l'Ordre National du Lion
Commandeur de l'Ordre National du Mérite
Médaille d'Honneur de la Gendarmerie
Croix de la Valeur Militaire 3 citations dont 2 avec étoiles d’argent
Officier de l'Ordre National du Mérite de France
Médaille Commémorative de la Libération du Koweït
Médaille de L'organisation de l'Union Africaine pour le Tchad
Médaille de l'ECOMOG pour le Libéria
Médaille des Nations Unies pour la Bosnie Herzogovine

2/ FONCTIONS DE POUVOIRS
Commandant d'unités d'instruction Gendarmerie
Directeur de Centres d'instruction
Commandant d'Unites de Gendarmerie Mobiles
Commandant de Contingent Opérations Extérieures
Directeur du Département Juridique des Forces Armées
Chef de l'Etat Major Gendarmerie
Sous Directeur de la Justice Militaire

3/ FONCTIONS D INFLUENCE
Chef de la Division Justice Militaire de la DJM
Chef de la Division Situation Synthèse de la DDSE
Directeur de la Lutte contre la Subversion et le Terrorisme du
CENCAR
Conseiller Juridique du Ministre des Forces Armées DIRCEL
Conseiller référendaire du Conseil d'Etat CONSEIL D'ETAT
Haut Commandant en Second ou Major Général de la Gendarmerie

4/ FONCTIONS INTERNATIONALES
Prévôt de grandes unités d'opérations extérieures
Policier International UNMIBH
Président du comité des experts de l'ANAD
Président de la Commission Nationale anti mines
Président de la Commission Nationale ALPC
Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale NBC
Attache Militaire en Guinée et en Italie

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Avant-propos

Beaucoup de gendarmes, notamment des sous-officiers ont


cru en mon action et en mon engagement. Ils ont été surpris et
anéantis de me voir quitter le commandement.
Des choses très graves leur ont été dites pour justifier mon
limogeage de la fonction de Haut Commandant en Second de la
Gendarmerie Nationale. La plupart d’entre eux n’ont jamais cru
à tous ces mensonges, manipulations et fourberies pour justifier
ma mise à mort. Jamais occasion ne m’a été donnée de pouvoir
m’expliquer et me justifier.
On m’a accusé d’avoir détourné deux milliards de nos
pauvres francs dans des marchés nébuleux. On m’a accusé
d’avoir voulu isoler le Général et de manquer de loyauté envers
mon chef et la Gendarmerie.
On m’a accusé d’avoir fait du népotisme en donnant des
marchés militaires à mon épouse et à ma sœur. On m’a accusé
d’intempérance, d’enrichissement illicite, d’adultère.
Ces accusations ont été répétées aux gouvernements qui se
sont succédés et toutes les décisions me concernant sont mar-
quées et diligentées sur la base de telles informations et mani-
pulations.
Depuis tout avancement, toute décoration m’ont été refusés
par le gouvernement de la République et la gêne que je consti-
tue pour tous les Ministres des Forces Armées, semble donner à
la longue, raison à ceux qui ont décidé de m’anéantir.
Je n’ai nul besoin de m’expliquer face à des chefs manipulés
et qui refusent de voir plus loin que ce qu’on leur a dit de moi.
J’ai saisi ces chefs et autorités par des lettres officielles pour
demander l’ouverture d’une enquête même administrative, pour
faire la lumière sur mon cas.

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Je ne pense pas que ces personnes s’intéressent encore à moi
aujourd’hui, elles préfèrent certainement me gérer dans mon
exil « doré » le temps qu‘ arrive ma retraite.
Cette gestion ne me dérange pas. Cependant, le regard de
mes subordonnés m’oblige à leur parler pour rétablir la vérité.
Beaucoup la connaissent, certains la devinent, d’autres en ont
fait un combat dans la plupart des forums internet et n’ont ja-
mais hésité à me défendre et à dire ce qu’ils pensent de moi.
Pour eux et pour mes enfants, j’ai décidé d’écrire ce livre.
Les manipulateurs l’analyseront comme un acte
d’indiscipline. Les puristes de la chose militaire y verront un
déballage inutile et malsain. Les mis en cause penseront à un
acte de jalousie et pire, à des attaques pour me venger ou nuire.
Je me soucie très peu de ce qu’ils pensent et de qu’ils feront.
J’ai besoin de dormir et de regarder mes interlocuteurs en face.
J’ai besoin de savoir que personne, aujourd’hui, demain et dans
mille ans, ne dira à ma lignée, votre ascendant a fait ceci ou n’a
pas fait cela.
Ce besoin est plus fort que la discipline, mon honneur est en
jeu. Autant j’ai risqué ma vie pour la défense des intérêts natio-
naux, autant je défendrai avec toute l’énergie requise mon hon-
neur et mon nom.
Je suis un homme propre, je suis un homme digne et je suis
un homme fier. Ceux qui ont voulu me salir et me déshonorer
auraient dû trouver d’autres failles et d’autres méthodes.
Je n’ai aucune prétention, encore moins de la rancœur. Ce
livre n’a d’autre but et d’autre prétention que de sauvegarder ce
que mon père et ma mère m’ont transmis et que j’entends
transmettre intact à mes enfants.
Cet article d'un compatriote m'a fait prendre conscience de
mon devoir de faire face à des personnes sans foi ni loi pour
défendre le peu de dignité qui pouvait me rester.
Une banale affaire de mœurs a conduit le Cabinet d'un Mi-
nistre d'Etat, ministre de la République devant les juridictions
pénales du pays. Le Ministre est resté en poste comme si de rien
n'était et comme s'il n'était pas concerné par cette affaire dont

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non seulement il etait le principal instigateur mais encore plus
grave, le principal acteur.
Les autres acteurs qui sont ses agents comme la victime ne
sont pas investis de charges publiques. Ce ministre, comme moi,
est un ancien enfant de troupe, soit un homme formé aux frais
du contribuable pour savoir et ainsi mieux servir.
Je reprends ici sans y changer une seule virgule l'article d’un
journaliste pour mieux camper les enjeux de ce fait divers,
parce que je fus moi-même l'objet d'un fait divers qui m'a pous-
sé à douter de mon choix irrévocable de servir la Nation, l'Etat
et mes concitoyens. La lettre d'Aliou NDIAYE aurait certaine-
ment satisfait mon épouse et mes grands enfants.
"Au nom de la Nation entière, je me permets de vous présen-
ter des excuses. Les hommes de ce pays sont de grands pé-
cheurs. Ceux qui ont jeté cette pierre à Monsieur Diombass
Diaw, votre époux, ne sont pas des saints. Ni moi d’ailleurs, je
vous l’avoue. Cette fragilité ne tient pas lieu d’excuse valable.
L’explication est trop faible pour effacer votre douleur et sé-
cher vos larmes. Toutes les femmes de ce pays m’en voudront
certainement de verser dans les lieux communs. Les excuses
bidon du mâle incapable de contrôler ses pulsions animales
vous enragent à juste titre.
Mais, croyez-moi, je suis sincère ! Sous nos dehors de durs à
cuire, d’hommes de principe et d’armoires à glace, se cachent
un caractère faible et un corps inflammable. L’orgueil nous
empêche souvent de verser les larmes de tout notre corps. Je
vous fais, à vous et à toutes, l’aveu de notre faiblesse fonda-
mentale. Pardonnez-nous de n’être que des hommes ! Car,
comme le dit si justement un chanteur français : c’est la peine
maximale.
Le procès voulu par votre mari sera une longue torture. Le
film de son corps dénudé devrait être projeté dans la salle des
audiences du palais. Une salle de cinéma comme les autres. Ne
vous attendez surtout pas à du respect, au minimum de respect.
Des hommes vont se donner la répartie dans ce spectacle hon-
teux. Ils auront à cœur de remplir leurs rôles, de mériter leurs
honoraires et leurs réputations de bêtes médiatiques.

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Présumés innocents, les prévenus afficheront un semblant de
sérénité qui vous choquera. Le ministre d’État sera présent dans
la distribution, mais absent de la scène. Vous verrez ! Ceux qui
ont tiré sur vos enfants useront de simples stratagèmes.
La bonne vieille théorie du complot et du bouc émissaire a
servi et servira. Vous serez en colère contre ces monstres et
leurs monstruosités, mais Madame, qui s’intéresse à vos états
d’âme ? Nos princes de hasard et leurs hommes requins ?
Après les débats d’audience orageux, les plaidoiries et les
réquisitions, une peine avec sursis pourrait sanctionner un crime.
Je ne suis pas un devin, mais dans l’esprit de bon nombre de
concitoyens, la nature de la sentence ne fait pas l’ombre d’un
doute. Il se pourrait même que la cadreuse paye pour les réalisa-
teurs et le producteur.
A ce moment précis, vous prendrez votre malheur pour une
exclusivité. Détrompez-vous ! Dans ce pays, les hommes ont
perdu l’usage de leurs poings. Les lions sont devenus des tou-
tous. Ils ne protègent plus les femmes et abandonnent les en-
fants au premier agresseur.
Nous sommes des lâches. Sans ce silence complice et cette
désinvolture couarde, ces coupeurs de route n’auraient jamais
osé attaquer votre famille. En plein jour ! Quant à votre mari, ce
pauvre bougre mérite bien plus qu’une réprimande. Faites-en ce
que bon vous semblera, mais laissez-le caresser la tête de ses
enfants ! Pour soutenir le temple, dit le poète, il suffit d'un pilier.
Une Sénégalaise, c'est le Sénégal. Une Foutanké contient du
Fouta. Ce qui brise un peuple peut avorter aux pieds d'une
femme. Une Femme de Nder, de surcroît.
Sincèrement, votre compatriote Aliou Ndiaye.

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Un officier engagé

Je ne serai jamais Général de gendarmerie. Dieu en a décidé


ainsi et le Khalife Général des Mourides, Serigne Sidy Mocktar
MBACKE à qui ma famille a demandé une intervention pour
me réconcilier avec le Président WADE, a répondu que mon
père, qu’il a connu, qu’il a respecté et qui était un des plus so-
lides piliers de sa famille, n’aurait jamais sollicité une telle in-
tervention.
Toute ma carrière, je me suis battu pour rester le meilleur de
ma catégorie, dans l’engagement, la compétence, l’éthique et le
service des autres. J’ai commis des fautes comme tout militaire
qui se respecte. J’ai parfois fait preuve d’indiscipline notoire.
J’ai souvent été puni pour des divergences de point de vue,
ou d’appréciation, mais jamais, je n’ai commis de faute contre
l’honneur ; jamais je n’ai commis de faute qui puisse entacher
les trois mots qui guident mon engagement : HONNEUR,
GLOIRE et FIERTE.
J’ai occupé des fonctions stratégiques, des fonctions impor-
tantes. J’ai eu très peu de fonctions de pouvoirs, j’ai eu des
fonctions d’influence qui m’ont permis d’influer le cours de
l’histoire et de marquer de façon indélébile mon action.
Des hommes politiques, des religieux et des chefs militaires
de grande valeur, m’ont fait confiance, et dans le secret des
dieux, j’ai pu les amener à prendre des décisions stratégiques,
déterminantes pour l’avenir du pays et le succès des Forces
Armées.
Être Général aurait consacré une carrière exceptionnelle, un
engagement sans faille et une compétence certaine. Ma famille
en aurait été comblée et aurait compris les sacrifices consentis,
les absences répétées, mais surtout la rigueur d’une vie qui ex-
clut corruption, népotisme et concussion.
Je suis un officier honoré, respecté, mais aussi un officier
pauvre, obligé de compter ses sous et qui peut connaître des fins

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du mois difficiles. Je n’ai jamais cru devoir me servir. Je ne suis
pas riche, je connais des fins de mois difficiles comme la plu-
part des camarades qui ont fait un choix comme le mien.
J’ai servi dans le respect scrupuleux des deniers de l’Etat,
loin des salons feutrés, et loin des lumières de la République.
Servir pour moi est un devoir, une obligation, une volonté de
donner au service public, à l’Etat et aux citoyens en mettant ma
vie, mon intelligence et ma foi au profit des autres.
Pourtant j’ai une richesse de vie que beaucoup me jalousent.
J’ai voyagé à travers le monde, j’ai partout des amis exception-
nels, j’ai été aimé plus que de raison par des multitudes de
femmes belles, courageuses et vertueuses. J’ai été à la table de
grands seigneurs qui m’ont honoré et respecté. J’ai participé à
de grandes conférences internationales, à des sommets et con-
tribué largement dans la marche du monde.
Je ne serai ni le premier, encore moins le dernier Colonel
déçu de ne pas être Général alors que toutes les Forces Armées
s’y attendaient. Des officiers, plus illustres, plus intelligents,
plus méritants sont partis à la retraite avec le grade de Colonel.
Ils ont été et demeurent une gêne pour beaucoup d’officiers
généraux moins méritants et moins engagés.
Je citerai le colonel Makha KEITA, le plus brillant de sa
promotion et qui sera le seul à ne pas être Général. Makha est
un brillant enfant de troupe qui figurerait dans le palmarès des
80 ans du prytanée en termes de prix et de notes. Makha est un
brillant sportif, Makha est un officier du génie exceptionnel, les
officiers du génie de sa trempe sont tous des Généraux.
Makha KEITA est un officier handicapé, blessé de guerre, le
seul en service comme le Général DELEAUNAYcommandant de
Saumur dans les années 70. Makha a exercé des fonctions civiles
et militaires très importantes. Il est parti à la retraite Colonel en
2001 et dix après, il continue de servir les Forces Armées.
Le Colonel Mbaye FAYE est aussi un officier de la trempe
de Makha KEITA par son intelligence, son engagement et sa
compétence. Mbaye FAYE est un des officiers d’état-major les
plus respectés, tant sa conception est un art inné, qui fait de lui
un artiste indispensable de la chose militaire.

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Mbaye FAYE a conduit de grandes études, il a conçu de
grands principes et imposé des choix déterminants dans la stra-
tégie générale des Forces Armées sénégalaises. Mbaye FAYE
est un organisateur hors pair. Sa capacité de travail et l’amour
du métier dont il fait preuve en font un moteur de recherches.
Colonel à 44 ans, il est un des rares Sous-chef d’Etat-major à ne
pas être Général.
Je citerai aussi Yoro KONE, une autre légende des Forces
Armées sénégalaises, un homme de pouvoir exceptionnel et qui
a eu un destin exceptionnel. Yoro KONE est connu comme le
meilleur commandant de théâtre d’opérations. Il est un chef de
grande envergure et des grandes opérations militaires.
Yoro KONE est le seul officier à se voir doter du comman-
dement du corps de bataille sénégalais, plus de 6000 hommes,
unités territoriales comme unités de réserve générale réunies. Il
a bétonné la Casamance et y interdit tout sanctuaire du MFDC
pendant plus de cinq ans, il s’est’implanté dans Bissau et s’est
opposé sans perte aux attaques du Général rebelle Ansoumana
MANE. Yoro KONE a conduit des opérations de guerre qui
auraient dû le faire nommer Général.
Si de tels hommes, avec un parcours aussi exceptionnel,
n’ont pas été nommés Généraux, pourquoi, moi, moins brillant,
moins intelligent, et moins méritant, devrai-je prétendre à cette
nomination. Ce serait faire preuve de manque de modestie mais
surtout de manque de foi. Dieu n’a pas voulu que ces hommes
exceptionnels portent des étoiles, il ne veut pas non plus que
moi-même, j’en porte.
Je remercie Dieu de cette attention, et de sa générosité, pour
déterminer que ce grade ne m’aurait apporté que des malheurs
et peut- être des méfaits sur moi et ma famille. Je suis un
croyant et j’entends le demeurer.
En tout état de cause, au moment où j’écris ces lignes, je suis
le doyen des Colonels sénégalais toutes forces et tous services
réunis. J’ose même avancer que je suis le dernier colonel nom-
mé par le Président Abdou DIOUF encore en service dans les
Forces Armées et pour trois ans encoe, les autres sont Généraux
ou ils sont à la retraite ou enfin décédés. Je ne dois rien à per-

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sonne, surtout au Président Wade, dont le régime a plombé une
carrière pourtant très prometteuse.
Deux fois de suite, ce régime s’est trouvé des prétextes pour
m’exiler loin des centres de décision, loin du territoire national.
Je peux ainsi encore affirmer une autre certitude, je suis le seul
officier sénégalais nommé Attaché militaire, naval et de l’air
dans deux pays différents.
Ces nominations à des postes certes convoités sont une
preuve intangible de ma qualité intrinsèque d’officier, mais en
fait un enterrement de première classe pour un officier de
grande valeur.
Ce chapitre du généralat clos, il convient de poser des actes
humains et de répondre humainement, de s’expliquer comme un
homme face à des choix, à des engagements, à des faits qui
interpellent l’officier que je suis, et après moi, ma famille et
surtout mes enfants. Il n’est pas bon que la presse jette
l’opprobre sur un homme.
J’ai fait les choux gras de la presse, elle m’a accusé et des
personnes méchantes en ont profité pour m’insulter ; des accu-
sations graves ont été portées contre ma personne. Des hommes
m’ont jugé et condamné.
Mon statut et mon métier ne me donnaient ni le droit de ré-
pondre, ni le droit de saisir les tribunaux. L’État que je servais et
qui me devait protection, en a profité pour m’exiler et m’enterrer.
Ma famille et surtout ma mère en a beaucoup souffert.
J’aurai dû démissionner pour recouvrer ma liberté de parole
et de mouvement. Deux choses m’en ont empêché, je suis un
officier, et dans mon entendement, un officier ne démissionne
pas ; en outre, j’ai besoin de ma solde pour faire vivre mes en-
fants et ma famille.
La seule solution que j’ai trouvée est d’écrire ce livre. Ce
livre a deux buts, participer à la construction nationale en étant
témoin de l’histoire dans les Forces Armées de mon pays, mais
aussi dénoncer des réseaux mafieux et quelques conduites qui
sont en train de détruire et détruiront l’idéal militaire.

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Chapitre 1
Enfant de troupe

Je suis un enfant de troupe. Le 28 septembre 1968, j'ai re-


joint le camp de Dakar Bango à Saint-Louis pour effectuer pen-
dant sept longues années une scolarité secondaire avec une cen-
taine de jeunes de mon âge, de tous les horizons, de toutes les
villes du Sénégal, de villages jusque là inconnus, d’autres pays
africains comme le Niger.
Je me rappellerai toujours du « thiaya » firdou de Loumbol
SY, des "paname ndiakher" d’El hadj Thiam et de beaucoup
d'autres souvenirs qui ont cimenté mon adolescence.
Je suis fier de me définir comme un enfant de troupe, un en-
fant d'origine quelconque. Certains avaient des parents très
riches, d'autres très pauvres, certains intellectuels, d'autres anal-
phabètes ; tous avaient en commun d'être des enfants brillants,
qui avaient réussi un examen difficile et sans complaisance.
Il ne pouvait être question de magouilles, ni de népotisme et
encore moins de favoritisme. Tous à la même enseigne, nous
avons été « bleuis » par nos anciens, initiation à la case de
l'homme, qui nous a fait oublier nos origines et nos divergences
pour nous souder dans une promotion 1968 qui a produit de
bons citoyens. Nous avons ainsi pu trouver une voie profes-
sionnelle remarquée et remarquable aussi bien au Sénégal qu'à
travers tous les pays de l'Afrique francophone.
Très jeune, j'ai choisi de prendre en charge ma destinée,
prise en charge dictée par mes origines, par des conflits internes
à ma famille, un père mouride engagé, une mère très près de ses
enfants et un oncle très à cheval sur les principes. Ma famille
maternelle descend des plus grandes lignées, Sérère, Sarakolé et
Toucouleur. Je suis un descendant direct du marabout résistant
Mamadou Lamine DRAME

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Mon père est un tièdo dont le père, un noble du Djollof, a été
converti à l'islam par Serigne Touba. Celui-ci l'envoya défri-
cher une zone dans les environs de Thiès Mbour Ngekhok ap-
pelée Khabane. Khabane est connue aujourd'hui pour abriter
les champs de Serigne Saliou et ses daaras.
Mon grand-père, Wengue Kairé NDAO à qui Serigne Touba
donna le nom d'Ismaël, fait partie des rares Sénégalais qui ont
rejoint Serine Touba en Mauritanie et qui y ont vécu son exil.
Mon père, son fils ainé fut confié dès son jeune âge à Serigne
Mouhamadou Lamine Bara, troisième fils de Serigne Touba.
Mon père reçut son éducation de Serigne Bara et partagea
tout, les daaras, les travaux champêtres et toutes les vicissitudes
de la vie de talibé avec les fils de Serigne Bara notamment Se-
rigne Modou Bara et Serigne Abdoul Aziz dont je porte le nom.
Mon père fut un mouride indiscutable dont la vie etait com-
mandée par le Coran et les khassaides de Serigne Touba.
Il fut choisi par Serigne Modou Moustapha, le premier Kha-
life avec cinq autres jeunes comme lui, formatés par le mouri-
disme pour convoyer du ciment et du fer à Diourbel puis à Tou-
ba. Ces matériaux étaient destinés à la construction de la grande
mosquée et étaient placés sous la responsabilité d'un grand re-
présentant de Serigne Touba à Dakar laissé là lors du départ en
exil.
Mame Birame NIANE fit de mon père ce qu'il est devenu,
un grand représentant du mouridisme à Dakar et surtout un
homme d'affaires prospère spécialiste des affaires liées à la
construction immobilière, ciment et fer. A ce titre, mon père eut
l'honneur de recevoir dans sa maison à la Gueule Tapée tous les
dignitaires du mouridisme de passage à Dakar pour une raison
ou une autre.
Notre maison fut un chemin de passage obligé pour les fils et
les petits fils de Serigne Touba en attendant qu'ils acquièrent
après l'indépendance leurs propres maisons à Dakar. Je suis né
dans ce milieu et ma naissance fut un évènement du fait que ce
jour, Dieu fit revenir de la Mecque un fils de Serigne Touba et
Serigne Abdoul Aziz.

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Mon père dut les recevoir avant de les convoyer vers Touba
et j'eus l'honneur de recevoir un nom de baptême par le fils de
Serigne Touba. Celui ci me donna pour nom le nom de son
neveu et ami avec qui il revenait de la Mecque.
La joie de mon père sera égale à sa décision de faire de moi,
un disciple inconditionnel du mouridisme. Cette décision eut
pour incidence que je serai toute ma vie à la disposition de Se-
rigne Touba et que je ne connaîtrai rien d'autre que cette vie de
talibé, soumis et inconditionnel du mouridisme.
A trois ans, tenant compte de ma destinée, on me fit prendre
les chemins des daaras et surtout du daara de Touba Niani,
Dans cette locakité située à cent kilomètres à l'intérieur des
terres, et loin du bourg de Koupentoum dans le profond Sénégal
Oriental, il fait généralement plus de 40 degrés à l'ombre.
J'y ai passé 4 années pour apprendre à lire et écrire le Coran.
De temps à autre, je faisais partie de la délégation du marabout,
privilège dû certainement à mon père pour sillonner le Sénégal
de daara en daara, de village en village, de ville en ville.
Pendant que le marabout recevait les dahiras et les talibés, je
devais, honneur suprême et sublime, réciter à haute et intelli-
gible voix le Coran que j'avais déjà mémorisé. Lors des pas-
sages du marabout à Dakar, j'étais la fierté de mon père et mes
frères et sœurs me jalousaient pour les dons que je recevais.
Ma mère n'accepta jamais cette vie et était encouragée en ce-
la par sa propre famille. Elle était très jeune par rapport à mon
père, peut-être bien 30 ans de différence d'âge. Toute sa famille
était tidjane, son père avait été à l'école et travaillait comme
administratif dans le port de Dakar ; son grand frère était déjà à
l'époque premier comptable noir de la société Mobil Oil. Ses
parents ne pouvaient admettre la décision de mon père de ne pas
m'envoyer à l'école.
Ma mère subissait quotidiennement les assauts de sa famille
qui ne trouvait d’issue que dans l'école. Tous les enfants de mon
père, même les filles étaient à l'école. Mon oncle estimait que
ma mère ne devait pas accepter sans rien dire la situation et
qu'un jour, elle regretterait amèrement cette irresponsabilité.

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La pression fit son effet et ma mère lutta de toutes ses forces
contre mon père. Elle remit en cause son mariage si on ne lui
ramenait pas son fils. Le conflit fut tel que mes parents durent
se séparer.
Quelqu'un proche de mon père rapporta le conflit au mara-
bout en lui expliquant la vision inconciliable des deux parties,
mon père qui donnait en sacrifice son fils à la volonté de Se-
rigne Touba et de sa famille et ma mère qui exigeait que son fils
reçoive la même éducation que les autres enfants de mon père.
Serigne Abdou Aziz Bara me ramena à Dakar, fit chercher
ma mère, la retourna chez mon père et en lui disant de me faire
mettre à l'école et que j'en avais fini avec les daaras et que
j'avais effectué ma mission auprès de lui.
Cette décision fut profitable à un autre disciple du marabout,
dont les parents, autant mourides que mon père avaient fait don
de sa personne au marabout. Il fut mis lui aussi à l'école fran-
çaise à la différence de son grand frère qui est encore et pour
toujours « beukhe neek » des fils de Serigne Bara.
Ousseynou GOUMBALA est encore au moment où j'écris
ces lignes un haut fonctionnaire, ancien Directeur des bourses
du Sénégal et grand responsable politique à Kaolack.
Mon retour ne fut pas facile. La volonté de mon père était
trahie et il décida de ne plus jamais s'occuper de moi en tant que
fils. Il me laissa aux décisions de ma mère et de sa famille et si
je veux bien me souvenir, je ne lui dois ni cahier, ni crayon,
encore moins habits et culottes. Il me laissait sous la responsa-
bilité de ma mère et cette dernière dut recourir à son grand frère
qui me prit en charge totalement.
Il fit de moi un homme, m'acheta les fournitures scolaires et
les habits qu'il achetait à ses propres fils qui avaient le même
âge que moi. Je commençais à avoir des problèmes dans la mai-
son familiale et mes demi-frères, souvent plus âgés me battaient
à longueur de journée.
Pour m’assurer une vie paisible, ma mère me conduisait
chez son frère où je pris mes habitudes. Je trouvais un lit et
beaucoup d'autres choses auxquels je n'avais plus droit. Je me

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sentais bien dans cette maison sans pour autant en faire la
mienne. Il y avait trop de rigueur, trop de punitions et souvent
je fuguais pour retourner chez mes parents.
Ma mère me battait alors et me retournait de force chez son
frère. Ma vie se passait entre l'école d’un côté où j'étais brillant,
-je reçus plusieurs prix à la maison de Mamadou DIA comme
on disait à cette époque- ; mes fugues de l’autre côté pour flâner
à Soumbédioune, à quatre cents mètres de la maison de mon
père, et fuir quelque peu la rigueur de la maison de mon oncle à
la Sicap ou souvent, on m'a battu pour indiscipline.
Un évènement auquel je ne comprenais rien m'avait marqué.
Ma mère ne pouvait jamais me laisser seul. Elle était obligée de
me traîner avec elle pour m'éviter les combats fratricides avec
mes demi-frères plus âgés. Je l'accompagnais partout et même
au marché où elle se rendait tous les jours. Le matin, c’était le
marché Gueule Tapée et le soir le marché Tilène.
Ce jour, j'eus le choc de ma vie en voyant pour la première
fois les parachutistes en tenue camouflée, bien bardés, prendre
possession de la maison de Mamadou DIA. Il devait être 16
heures ou 17 heures. En tout cas c'était l'après-midi. Ils sau-
taient des véhicules, roulaient par terre et se levaient de façon
superbe pour prendre possession de la rue. Ils se positionnaient
tout autour de la grande villa, sur les arbres et abris de fortune,
l'arme en joue.
J'échappais à ma mère et sans aucune peur les suivais
comme beaucoup d'autres enfants de mon âge, pour une, deux
ou trois heures. Le temps ne comptait plus, pour la première
fois de ma vie, quelque chose m'avait impressionné et me plai-
sait. Je venais de trouver mon destin et ma destinée ; je voulais
être parachutiste et rien d'autre.
Les gens fuyaient dans tous les sens. Ma mère devait me
chercher partout. Elle me battrait certainement, mais je m'en
balançais. J'étais là, témoin comme beaucoup d'autres enfants
d'un drame superbe, auquel je ne comprenais rien, j’étais seu-
lement subjugué par le superbe des parachutistes. Je ne quittai
Tilène que vers 22 heures, anéanti par le sommeil et bouleversé
par un spectacle sublime qui émerveillera toute ma vie.

21
Je ne pouvais plus me passer de parades militaires. Je fu-
guais souvent de chez mon oncle pour entendre le clairon du
camp Claudel à Fann, ou pour voir les militaires Français para-
der au loin, monté sur l’un des manguiers du vieux Kéba, Le
vieux KEBA possédait un verger célèbre dans Fann où tous les
jeunes de la Médina ont volé des mangues.
Je n'ai jamais chapardé dans le verger du vieux Kéba. Il
poursuivait toute la journée les intrus venus voler ses mangues
et dut m’attraper une bonne dizaine de fois, il m'enfermait dans
sa cabane. Et je lui expliquais toujours que je n'en voulais pas à
ses mangues, mais que je voulais juste monter le plus haut pos-
sible pour voir les militaires du camp Claudel.
Il me comprit et j'eus la permission de monter des heures et
des heures pour suivre les activités des militaires. J'entendais les
chants que je commençais à répéter par cœur. Je marchais au
pas, j'apprenais beaucoup d'autres choses de la vie militaire.
J'osais petit à petit m'approcher de la caserne. Je mangeais
parfois avec d'autres enfants les restes de repas, la « graille » on
disait. Je lavais les gamelles et j'avais même quelques amis
soldats avec qui je parlais un français parfait. Plus ils en étaient
surpris, plus ils m'offraient des bonbons et des cadeaux, que je
cachais.
La vie militaire m'enchantait et berçait mes rêves de jeu-
nesse. J'eus la chance de trouver dans la chambre d'une des
épouses de mon père mon premier livre de guerre. Le livre était
un hommage de l'auteur aux poilus de la Première Guerre Mon-
diale. Ce livre contribua largement à ma maîtrise du français, de
l'orthographe, de la grammaire et des syntaxes, comme avec le
Coran.
J'eus beaucoup de facilités à lire ce livre que cette tante avait
eu de son père, poilu de la Première Guerre Mondiale. Toute
l'histoire de cette guerre était illustrée dans ce livre, avec les
commentaires adéquats, le nom des grands officiers, des
champs de bataille, des photos d'illustration, des pages de jour-
naux d'époque et tout ce qui a marqué la Grande Guerre.
Le livre pesait autant que moi, je le déplaçais difficilement.
Je fuguais pour le dévorer. J'en connaissais par cœur toutes les

22
pages, tous les commentaires, toutes les photos. Je ne compre-
nais pas tout, aucun adulte ne pouvait m'en expliquer les com-
mentaires. Je dus m'investir moi-même et en classe cela payait
avec les phrases que je formulais, les exemples que je trouvais
et les explications que je donnais.
Mon vocabulaire s'en élevait et je trouvais toujours les bons
mots et les exemples qu'il fallait pour illustrer mes propos. Mes
enseignants Cyrille DERNEVILLE, Anna NDIAYE, Mamadou
NIANG et Malick FALL de l'école Fann Gueule Tapée en ont
toujours été impressionnés.
Le 3 avril 1967, les parachutistes avaient sauté sur la baie de
Soumbédioune, tous les enseignants abandonnèrent leurs
classes pour voir les sauts. La surveillance fut confiée au pre-
mier de la classe. Ce deuxième trimestre comme les autres fois,
je partageais la première place avec le jeune Kemal aussi bril-
lant sinon plus brillant que moi. Sa mère était institutrice et plus
tard devint un écrivain de renommée internationale.
Plus âgé que Kémal, j'eus la surveillance de mes camarades.
Pour la première fois à l'école je fus en contact avec "yama-
togne" le bâton du Monsieur Malick FALL, le Directeur de
l’école.
Toutes les filles de la classe avaient eu l'autorisation de sortir
juste après un baiser sur ma joue. C'était bien rigolo ; une pre-
mière m'avait fait cette proposition que je trouvais merveilleuse
et toutes en avaient profité pour filer à l'anglaise et assister au
saut des parachutistes.
Les garçons de la classe me dénoncèrent dès le retour du
maitre et pour la première fois, je sentis la lanière de monsieur
Fall sur mes fesses nues, tenu par quatre gaillards, humiliation
suprême.
Le Lendemain, j'eus droit sur la route des puits, aujourd'hui
boulevard Bourguiba à mon premier défilé du 4 avril. Je vis les
enfants de troupe, des enfants de mon âge, en tenue militaire,
avec leur musique, leur drapeau comme des militaires, autant
que des militaires, plus que des militaires, ouvrir le défilé.

23
Un jeune qui avait ma taille défilait en tête avec son bâton de
tambour major. Les autres par groupes, par paquets, au pas et en
musique défilaient devant tout le peuple. Les applaudissements
vrombissaient de partout.
Je sautais de mon arbre et suivis pas à pas le défilé des en-
fants de troupe. Les cravaches des policiers, leur hargne et leurs
cris ne pouvaient m'arrêter. Je suivis les enfants de troupe jus-
qu'à l'éclatement, Je leur posais la seule question possible,
comment faire pour être enfant de troupe. Je suivis leur camion,
je courus derrière leurs camions.
Je réussis à monter à bord et mes questions continuèrent jus-
qu'au camp Lat Dior où tout le monde débarqua. Je n'étais pas
le seul enfant à les avoir suivis. Les grands militaires nous firent
sortir, mais je m'accrochai et un caporal qui deviendra mon
premier contact dans l'armée m'expliqua ce qu'il fallait faire.
Oui, le caporal Seydou Nourou ADJ, adjoint Chef de poste,
ce jour-là m'expliqua tout ce qu'il fallait savoir sur les enfants
de troupe, la candidature, les papiers à fournir, l'examen à pas-
ser, en fait tout ce que je devais faire pour remplir les conditions
requises.
Je courus vers ma mère qui ne pouvait comprendre grand-
chose. Pour elle, la vie militaire se résumait à sa fuite de Dakar
avec sa mère malade pour rejoindre Rufisque pendant le bom-
bardement de Dakar par la France libre du Général de Gaulle.
Mon père ne voulait pas entendre parler ni de moi ni de
l'école. Il avait décidé que ce n'était plus son problème. Je
n'osais pas solliciter mon oncle trop sévère à mon goût. Pourtant
il fallait bien qu'un adulte de ma famille me signe mes papiers.
Mon grand frère, l'aîné de ma famille, agent sanitaire qui re-
venait juste de Bobo Dioulasso, jeune fonctionnaire le fit sans
problème. Il me signa tous les documents que je lui présentais.
Je fis part de mon projet à mon Directeur et maître. Il me prit en
charge et prépara aussi Kémal pour le concours avec la bénédic-
tion des parents de ce dernier , intellectuels et enseignants eux-
memes.

24
Cette année là, il n'y eut que l'examen de l'école militaire
préparatoire. Mai 68 était passé par là. Je fus admis avec les
honneurs comme 99 autres jeunes dont Kemal.
Le 28 septembre 1968, j’ intégrai l'école militaire prépara-
toire de Saint-Louis avec 98 bleus répartis en trois classes de 33
élèves. Ces camarades sont mes frères de sang, mes compa-
gnons de jeunesse, mes camarades de jeux, avec qui j'ai partagé
des histoires.
Je me rappellerais toujours du bleuissage de la Sixième, des
combats au bord du fleuve de la Cinquième, de la première
cigarette dès la Quatrième, du mouvement obligé le long du
pont Faidherbe et des nihilistes de la Troisième, mouvance in-
ventée par SOW Seydi Ababacar SOW et que le Commandant
KIRSH baptisera “le néant”.
Je me rappellerai pour la Seconde du premier bal des frères
jumeaux Assane et Ousseynou MBAYE, de la première fille à
Kaolack lors des jeux inter-écoles militaires en Première. En
Terminale, arrivèrent les rendez-vous galants avec les filles du
Lycée Ameth FALL conquises à Dakar pendant les Semaines
de la jeunesse.
Je voudrais repartager avec toute la promotion ces moments
sublimes qui montrent l'évolution de l'enfant de troupe et la
prise en charge de son adolescence. Plusieurs de mes camarades,
ne sont plus de ce monde. Certains sont très malades, mais cha-
cun a inscrit, d’une encre indélébile, un évènement dans les
annales du prytanée. Cette écriture est notre histoire. Elle nous
interpelle pour rester ce que nous ne devons jamais oublier, des
hommes forgés dans le service des autres.
1975, année du bac. Je n'étais ni le premier de la classe, ni le
dernier. J’ai suivi une scolarité normale au prytanée. Chaque
fois quelques prix qui récompensaient une culture générale so-
lide et me permettaient de ne pas baisser les yeux devant les
cracks qui finiront à sept comme d'habitude en Terminale C.
Je faisais partie du groupe des partisans du moindre effort
assurant en premier cycle une moyenne de quatorze à toutes les
compositions et une de douze en second cycle. Ce manque d'ef-

25
fort a eu pour conséquence qu’on m’oriente en seconde A après
pourtant un brevet exceptionnel du prytanée 100%.
Je perdis l’estime des chefs de classe qui m'ont toujours por-
té une attention spéciale, pari lesquels mon chef de classe de la
seconde A, le sergent Rosa DASYLVA, tombé au champ
d'honneur pendant la guerre de libération de Guinée Bissau. Je
leur dois avec Arnaud Ousseynou DIOP, qui finira Adjudant-
chef, d’avoir fait la première D avec un effort particulier en
mathématiques et sciences physiques.
Je fis "Makha Toubé", village près de la caserne, comme
tous les élèves du second cycle. Je ne me rappelle plus de la
raison. J’étais un des délégués de ma classe. Je fus l'objet d'un
interrogatoire musclé et humiliant de la gendarmerie dont un
MDL/C que je n'oublierai jamais, nous prit par traîtrise.
Son capitaine ne put lire correctement ses ordres face à notre
détermination. Il vint à nous comme ami et envoyé spécial de la
Présidence et qui voulait entendre quelques représentants pour
faire son rapport. Les jeeps de la gendarmerie, la brigade de
Saint-Louis et les coups pour faire cesser la grève, voilà mon
premier contact et mon dégoût de la torture.
Je ne sais pas comment la grève cessa. Tout les enfants de
troupe furent renvoyés pour quinze jours et nos parents durent
nous ramener. Certains dont deux de mes meilleurs camarades
Alassane NGOM de Sud Informatique et Amadou Kane DIAL-
LO du COSEC, des amis et surtout tout le groupe de la gendar-
merie ne revinrent jamais. Mon oncle chef de classe, le futur
commandant Pape Kandé NDIAYE, alors sergent retira mon
nom pendant la confection des listes d'élèves à exclure.
Je me présentais au Bac très serein et très confiant. Je tra-
vaillais mieux et fournissais les efforts constants sans plonger
dans le cosmos (veillée) comme les camarades de la Terminale
C.
Ma mère avait profité de mon passage à Dakar pendant
l'examen d'entrée à l'IUT pour me conduire chez le marabout de
Touba Yeumbeul, Serigne Abo Madyanah MBACKE.

26
Devant plus de deux cents personnes, ce marabout après
mon allégeance et « djebellou », me dévoila ma destinée. J'aurai
le bac avec la mention, je serai admis pour l'examen que je ve-
nais de faire, j'obtiendrai sept bourses d'Etat pour faire mes
études en Europe. Je serai admis à tous les examens militaires.
L'assistance tombait en transe. Les témoins connaissaient et
avaient confiance en ce marabout qui était selon eux infaillible
parce que fils de Serigne Bara et béni de façon exceptionnelle
par Serigne Touba qui lui avait donné le nom d'un grand reli-
gieux originaire de la Mauritanie.
Le marabout, d'un revers de la main, fit taire tout le monde
et continua ses révélations. Il me dicta de faire la Gendarmerie,
arme où mon chemin serait selon lui difficile, tortueux mais
salutaire.
J'eus mon bac avec facilité, 19 en maths et 17 en sciences
physiques. Les sciences naturelles limitèrent la portée de la
mention pour une confusion impardonnable entre, cellule ani-
male et cellule végétale. Mon professeur de maths, Monsieur
Crouzet vint jusqu'à Dakar chez mes parents pour me féliciter.
Les bourses suivirent comme prédit par le marabout, quatre
bourses pour la France, une pour la Roumanie, une pour la Rus-
sie et une pour la Pologne. Je fus admis à l'Ecole Militaire de
Santé avec trois autres camarades Falou DIAGNE, le brillant
Thierno Seydou Nourou LY et Mouhamadou MBACKE dont je
n'aurai plus jamais de nouvelles.
Entre-temps, un Lieutenant de gendarmerie était passé au
prytanée organiser un concours. Ce fut après l'exposé d'un
commandant exceptionnel que je retrouverai plus tard, toujours
égal à lui-même, intelligent, raffiné, posé et élégant, loin des
brutes de Makha Toubé.
L'impression que cet Officier de la gendarmerie fit sur moi
me dicta à jamais ma conduite dans la gendarmerie. Je pense
que le Général DIEYE, mon seul et unique promotionnaire du
prytanée et de la Gendarmerie ne me démentira pas. Il adopta
même la démarche de ce commandant, notre premier comman-
dant d'école et qui fut un Général exceptionnel et mémorable de
la Gendarmerie, Mame Bounama FALL.

27
Chapitre 2
EOA et sous-lieutenant de gendarmerie

En août 1975, je fis part à ma famille avec la complicité et


les bénédictions de ma mère de mon intention de rejoindre la
gendarmerie. Pour la première fois depuis peut-être très long-
temps, mon père s'opposa net à ma décision. Il fallut un nou-
veau conseil de guerre pour le choix de mon avenir.
Mon père voulait que je rejoigne l'Ecole Militaire de Santé
pour être médecin militaire, un métier noble et très utile aux
populations ou au moins que j'aille en Roumanie faire des
études d'ingénieur agronome.
Mon oncle, plus intellectuel voulait que je prenne la bourse
de l’Institut National de Sciences Appliquées (INSA). J'excluais
d'emblée une vie civile, je voulais être militaire et rien que mili-
taire. En définitive, je ne retenais que deux choix possibles,
gendarmerie ou santé militaire avec une option inavouée pour la
gendarmerie, option sur laquelle ma mère s’arcboutait comme
la surveillance d'un lait sur le feu.
Un ami de mon père, le vieux Matar DIOKHANE, appelé à
la rescousse certainement par ma mère eut l'idée enchanteresse
de me permettre de choisir. Santé militaire je connaissais, j'ai-
mais et les médecins militaires côtoyés durant ma scolarité au
prytanée, surtout le mari du professeur d'anglais d'origine amé-
ricaine, le lieutenant médecin DIOP, médecin de la garnison,
avait fortement impressionné les enfants de troupe, les méde-
cins militaires étaient respectés.
N'eût été le diktat du marabout, j'aurai choisi d'être médecin
militaire et j'ai continué à hésiter malgré mon choix et ma déci-
sion finale n'interviendra qu'avec l'insistance du Capitaine Sy-
limane SARR alors Chef de la division Instruction Documenta-
tion de la Gendarmerie.

29
J'avais signé tous les papiers de l'Ecole Militaire de Santé
pour rejoindre de nouveau Bango pour 45 jours. Mais le capi-
taine Sylimane SARR et ma mère maintinrent la pression sur
moi et je rejoignis la gendarmerie le 5 aout 1975 juste 3 jours
avant l'ouverture de l'Ecole Militaire de Santé.
Mon père me dicta alors ses conditions pour que je puisse
réussir à la gendarmerie. Il avait une très mauvaise perception
de la gendarmerie. Deux choses le préoccupaient, la corruption
et la torture. Son sermon fut très clair : "être gendarme oui et à
condition que tout ce que tu manges soit le fruit exclusif de ton
travail ; en outre ne jamais faire souffrir quelqu'un par usage
abusif du pouvoir de la loi".
Mon père, commerçant, a toujours été sollicité pour un oui
ou un non par des membres des forces de l'ordre, gendarmes,
policiers comme douaniers qui faisaient du trafic d'influence et
monnayaient à mon père des services, mon père avait un mépris
retentissant envers cette catégorie spéciale de citoyens qui ne
vivaient que de corruption, concussion, prévarication.
Les forces de l'ordre de cette époque avaient une compo-
sante très brutale qui n'hésitait pas à user abusivement de la
force pour faire respecter leurs lois et non les lois de la répu-
blique.
Jeune lieutenant en reconnaissance dans le Fatick pour la vi-
site officielle du Président DIOUF dans le Sine Saloum, je me
souviendrai toujours d’une gifle infligée à un vieux Sérère qui
s'était permis de faire de l'autostop au véhicule de la gendarme-
rie, le pauvre ne savait même pas avoir affaire à la gendarmerie
et au commandant de brigade.
Fort de ces deux contraintes, j'intégrai l'Ecole de Formation
et d'Application de la Gendarmerie avec un autre enfant de
troupe Alioune DIEYE. Sur place, nous trouvâmes trois autres
anciens enfants de troupe qui avaient constitué la première
promotion de la section des GAEO, « gendarmes auxiliaires
élèves officiers », nom très bizarre qu'un esprit tordu avait pré-
tendu trouver à notre statut pour bien nous différencier du statut
normal des personnels de la gendarmerie qui ne nous était pas
applicable.

30
Beaucoup de cadres de la gendarmerie nous observaient
avec méfiance et même mépris, estimant que les faveurs à nous
accordées pour accéder à l'épaulette étaient dangereuses pour
l'avenir du corps de la gendarmerie et surtout pour la discipline
militaire.
La première promotion des GAEO, trois anciens enfants de
troupe, subit de plein fouet ce sentiment d'usurpateur. Un seul
put réussir à suivre son cycle normal avec la poursuite de ses
études en France. Le second notamment Badiane, fut autorisé à
redoubler sa deuxième année alors que le troisième Mbaye,
pourtant un brillant littéraire était exclu et reversé dans le corps
des sous-officiers de gendarmerie avec le grade de MDL.
Ces résultats plus que désastreux et même décevants eurent
un effet bénéfique sur Dièye et moi. Nous comprimes très vite
que nous n'étions pas les bienvenus dans la gendarmerie et que
rien ne nous serait pardonné. Nous devions faire tous les efforts
imaginables pour obtenir trois séries de diplômes qui sanction-
naient nos études.
En premier lieu, nous devions obtenir des diplômes mili-
taires sanctionnant en deux ans notre capacité à commander un
groupe de combat et être Adjoint Chef de section d'infanterie,
copie conforme du programme de l'Ecole Nationale des Sous-
officiers de Kaolack avec l'obtention en première année du
CAT2 infanterie et en deuxième année du CIA.
En second lieu, les GAEO devaient suivre la formation pro-
fessionnelle de la gendarmerie, sanctionnée au bout de deux ans
par le diplôme de titularisation MDL et le diplôme d'officier de
police judiciaire (OPJ). Enfin les GAEO devaient obtenir le
DEUG sanctionnant l'obtention du diplôme de premier cycle de
la faculté de droit de l'université de Dakar
La formation militaire fut dispensée par cinq militaires pres-
tigieux, instructeurs à l'EFAG notamment le MDL/C DIENE
dénommé MONGOL à cause de ses moustaches Mongoles.
Excellant en armement et en topographie. Il me donna l’amour
de ces deux matières que je continue parfaitement de maîtriser.

31
Le MDL Pape NDIAYE marqua la formation des élèves
gendarmes et maréchaux de logis de cette époque d une encre
indélébile son passage à l’école. Trois moniteurs auront un par-
cours atypique dans la Gendarmerie, NDAO Foulée finira Lieu-
tenant-colonel de Gendarmerie ; Soumaré, un guerrier fera des
conneries dans la première ébauche du GIGN. Johnson sera
révoqué pour faute grave contre l'honneur et la discipline.
Ces deux instructeurs et trois moniteurs encadrèrent les deux
GAEO de la deuxième promotion et profitèrent de toutes les
heures libres pour nous inculquer une formation militaire solide
et dans toutes les matières du CAT2 et du CIA.
Quelques jeunes officiers, issus des académies militaires, no-
tamment les lieutenants Bamalick NDIOUR et POUYE se
chargeront de la formation Combat programmée tous les jeudis
de sept heures à treize heures.
La formation professionnelle fut l'œuvre d'assistants tech-
niques Français sous la conduite du Commandant CHARVET.
Les rudiments professionnels comme les méthodes et tech-
niques, la procédure pénale pratique, la dactylographie, la po-
lice de la route, le maintien de l'ordre et beaucoup d'autres ma-
tières qui font la technicité des gendarmes seront passées en
revue et maitrisées avec l'aide infernale toutefois incondition-
nelle des instructeurs.
Les assistants techniques Français feront preuve de compé-
tence et de dévouement pour former les grandes promotions de
trois cents élèves gendarmes , soixante élèves maréchaux de
logis avec très peu de moyens.
Ils feront eux-mêmes les fiches d'instruction qui continuent
de meubler la bibliothèque du Commandement des Ecoles et
Centres de formation de la Gendarmerie. Ils appuieront avec
beaucoup d'efficacité les officiers en charge de la formation du
regroupement OPJ, notamment en procédure pénale pratique.
L'Université était autre chose et représentait une dimension
dans notre formation, plus exigeante et plus compétitive. En
première année de droit, mille trois cents étudiants tenaient
difficilement dans l'amphithéâtre 5001. En deuxième année,

32
moins de deux cents étudiants prenaient leurs cours à la Faculté
des Sciences Juridiques et Economiques.
De grands professeurs nous ont permis de comprendre et mai-
triser une partie de la science du droit. Les professeurs TRAORE,
Kader BOYE, DESNEUF, KOUASSIGAN, Birame NDIAYE,
MICHELET, les doyens FALL et BOCKEL donneront un ensei-
gnement de qualité et permettront à des étudiants de cette époque
de briller dans toutes les composantes de la vie nationale.
Je citerai dans ce cadre et entre autres étudiants de cette
époque, les professeurs agrégés AMSATOU SOW SIDIBE et
El Hadj MBODJ, le magistrat Demba KANDJI, le colonel des
douanes THIOUNE, le notaire Aissatou Gueye DIAGNE, la
banquière Henriette MENDY et beaucoup d'amis magistrats,
avocats ou banquiers qui font la loi en termes de respect des
droits de l'homme.
La sélection était certes sévère, mais la formation était de
qualité et les assistants de l'époque, les NGEREKATA, SYLLA,
SIDIME et LO, avaient de la trempe et étaient tous dévoués aux
étudiants.
J'enviais souvent mes anciens camarades enfants de troupe
qui étaient dans les académies militaires ou en corniche. Ils
n'avaient pas autant de matières que nous, ni autant d'examens à
passer pour accéder aux épaulettes. Nous avions une correspon-
dance postale suivie et ils nous expliquaient leurs vies qui
étaient très différentes de la nôtre.
Nous partagions la Faculté de Droit avec beaucoup d'autres
camardes issus de la Terminale A du prytanée notamment Sow
Seydi Ababacar, Adama KANE et Abou DIOP. Ce dernier qui
rejoindra la Police Nationale après sa licence de droit.
Les premiers effectuaient une formation militaire pure et
dure sanctionnée par le diplôme de chef de section d'infanterie.
Les autres préparaient leur licence en droit sans autre contrainte
que la condition difficile et précaire de l'étudiant.
DIEYE et moi par contre, et souvent dans un milieu très hos-
tile, devions faire face aux trois formations très exigeantes et
conditions sine qua non de la poursuite de nos études en France

33
Notre sort très peu enviable a pourtant suscité dans la Gen-
darmerie un nouvel élan et une course effrénée aux diplômes
universitaires. Les GAEO ont réconcilié le corps de la Gendar-
merie avec l'Université et beaucoup d'officiers de tous grades
ont profité de notre présence pour retrouver les études universi-
taires.
Certains purent faire un parcours universitaire exceptionnel
en partant de la capacité en droit pour se hisser au niveau de la
maîtrise voire du doctorat d'Etat. Je peux citer dans ce cadre les
Colonels Samba NDIAYE, Cheikhou NDIAYE, le Comman-
dant Souleymane NDIAYE avec qui j'aurai l'honneur d’écrire le
nouveau Code de Justice Militaire.
Ces personnages brillants, honnêtes et patriotes marqueront
la Gendarmerie des années 90, feront des carrières exemplaires
et significatives en permettant de rehausser le niveau intellec-
tuel des centres de décision de la Gendarmerie. Au-delà de la
Gendarmerie et dans d'autres sphères, ils apporteront leur aide à
l'édification de la démocratie sénégalaise.
Avec brio, DIEYE et moi passions sans gros problème les
différentes étapes de notre formation, accumulant pendant les
deux premières années différents diplômes : le CAT2 en no-
vembre 1975, le CIA en mai 1976, le diplôme de MDL en sep-
tembre 1976, le DEUG en juin 77 et l'OPJ en juillet 77.
Ces différents diplômes nous ouvraient la voie des études en
France dans la prestigieuse Ecole des Officiers de la Gendarme-
rie de Melun. Il fallait au préalable un passage d’un an dans le
centre d'instruction de Fontainebleau pour y effectuer le nou-
veau cours préparatoire des élèves officiers ; centre qui avait
pris la suite de Saint- Maixent.
Le premier juillet 1977, la Gendarmerie connut un change-
ment de commandement qui allait remettre en cause toute la
suite logique de la formation des élèves officiers. Il était ques-
tion à ce moment là de six personnes, DIEYE et moi en deu-
xième année, et Madjimby, Gueyefaye, Sellé et le défunt et
inoubliable Assane NDAO en première année.
J'étais en vacances chez mes parents attendant sagement ma
nomination au grade d'aspirant, ma mise en route pour la France,

34
quand je fus convoqué d'urgence par la prévôté à l'école de
Gendarmerie.
A l'Ecole, je retrouvais tous mes camarades élèves officiers,
des sous-officiers de Gendarmerie titulaires du bac et des sous-
officiers de l'armée nationale. Je m'entendis expliquer par le
commandant CHARVET, Directeur des Etudes, les décisions
du nouveau Directeur de la Gendarmerie.
La Gendarmerie, selon ses explications manquait cruelle-
ment de cadres officiers. Les armées, pour des raisons évidentes
de déficit à leur niveau ne pouvaient satisfaire les demandes de
la Gendarmerie. En conséquence le nouveau commandement
avait décidé de prendre à partir de ce regroupement spécial, un
certain nombre de mesures : instituer un stage accéléré de deux
mois, chercher auprès des pays amis des places de stages et y
envoyer, au fur et à mesure des offres les stagiaires qui auront
obtenu les meilleures notes.
Je ne pouvais ni comprendre, ni entendre, encore moins ac-
cepter une telle décision qui remettait en cause tout mon agenda
et mes sacrifices de ces deux dernières années. Je fis com-
prendre, sans me soucier ni de la discipline ni de la contrainte
militaire, que je refusais de participer à un tel stage.
Le Commandant de l’école en rendit compte à l'échelon su-
périeur et là, on décida de me mettre aux arrêts aussitôt. Je con-
nus ainsi la prison du camp Pol Lapeyre, les moustiques, les
douches infectées, le manque d'hygiène, les bruits de la circula-
tion de la route de Ouakam.
Après vingt-quatre heures de taule, on me conduisit au
Commandant de l'école qui m’assura qu’il comprenait bien ma
situation et mes explications. Il promit de me faire envoyer en
premier sur la liste, mais que je devais impérativement confor-
mément aux ordres rejoindre le nouveau stage des élèves offi-
ciers.
Je ne voulus rien entendre et on me reconduisit en prison.
Vers seize heures, il décida de me sortir de prison et il me fut
ordonné le port de la tenue 3B (veste, chemise et cravate).

35
Tout le groupe des élèves officiers (GAEO, sous-officiers de
Gendarmerie et sergents issu des Armées) fut conduit par bus,
bien encadrés devant le Général, le grand Général Wally FAYE.
Pour la première fois, je rencontrais cet homme courtois, po-
sé, multidimensionnel et très impressionnant qui tiendra entre
ses mains et pendant les treize années qui suivront les destinées
de la Gendarmerie, donc ma destinée. Les officiers qui nous
avaient conduits avaient manifestement peur de lui. Ils étaient
subjugués et n'osaient dire mot. La séance était électrique et on
entendrait les mouches voler.
La voix du Général s'éleva courtoise et ferme : "Je ne me ré-
péterai pas. Je vous donne la chance de votre vie : faire de vous
des Officiers de Gendarmerie. Suivez tous le stage et je ne veux
rien entendre d’autre, alors ne nous posez pas de problèmes
inutiles, j'ai autre chose à faire. Vous pouvez disposer."
Mes camarades saluaient un an à un et sortaient du bureau
sans vraiment oser regarder le Général. Quand ce fut mon tour,
je le fixai d'un regard que lui-même qualifiera de défi plus tard,
saluant avec peut-être trop de désinvolture de tellement qu'il me
stoppa et me demanda si je n'étais pas content.
Ma rage sortit et je m'entendis répondre : « non, mon Géné-
ral, vous n'avez rien compris. » Les Officiers sursautèrent et je
les vis commencer à trembler. Posément, le Général fit revenir
tout le groupe et me donna la parole.
Avec rage, je lui expliquai l'illégalité de sa décision, ma si-
tuation et la base légale de mon statut que sa décision violait,
mes attentes notamment ma nomination au grade d'aspirant et
ma mise en route en septembre sur la France pour aller conti-
nuer mes études à l'EOGN.
Il me posa quelques questions, demanda si un autre était
dans mon cas et questionna quelques Officiers sur les diffé-
rentes composantes du groupe. Il éclata de colère contre ces
Officiers qui ne lui avaient pas fait une situation claire de
chaque membre du groupe. Il s'emporta particulièrement contre
le Chef de la DLPM la Division de la Logistique, du Personnel
et Mobilisation, le Capitaine Mendy.

36
Etonnamment, il me donna raison en me rappelant une règle
essentielle de l’Armée : "la réclamation n'est permise au subor-
donné que lorsqu'il a obéi". Avec le général Wally FAYE,
j'avais gagné une manche, il s'était fait une idée de moi et pen-
dant les 13 ans qu'il aura l'insigne honneur de commander la
Gendarmerie, jamais il ne m'acceptera comme un Officier de
Gendarmerie. Il verra toujours en moi un intellectuel à la limite
de la discipline militaire et difficile à commander.
J’arrivais en France en octobre 1977. En effet les grèves
n'avaient permis la tenue de la session de juin qu'en octobre
pour des questions de volume horaire. Je rejoignis le cours des
élèves officiers étrangers où je me suis trouvé avec 15 cama-
rades de toute l'Afrique francophone, exception faite de la Cote
d'Ivoire, du Niger et du Congo.
Dieye et moi étions les plus jeunes. La plupart provenait du
corps des sous-officiers, avec au moins le grade de sergent-chef
ou maréchal des logis chef. Je fus rapidement intégré par le
groupe des Gabonais dont le camarade LINZONZO me permit
de faire le point des cours dispensés depuis la rentée de sep-
tembre.
Les Zaïrois dont MWEMBA m'initièrent aux sorties noc-
turnes après l'extinction des feux; les Togolais me présentèrent
ma première copine pendant les vacances de Noël, une béni-
noise que Dieye me piqua suite à une hospitalisation pour fuir
les rigueurs de l'hiver. La consolation vint de l'ancien Badiane,
officier stagiaire à Melun qui m'introduisit auprès d'une fille de
Danmarie les Lys.
La ville de Fontainebleau était charmante mais je n'en con-
naissais rien. La semaine se passait à l'école sous la surveillance
constante du vorace Peugeot. Le week-end, je courrais à Melun
où grâce à deux Sénégalais exceptionnels, Birame et Ibrahima
NDIAYE Driver, je pouvais en toute tranquillité découvrir
l'amour
La Seine et Marne, où se trouvent le Centre d'Instruction de
Fontainebleau et l'EOGN de Melun, m' impressionna beaucoup.
C’est là que je fis l'apprentissage de mon métier d'officier de
Gendarmerie. Les deux années passèrent très vite, avec la ri-

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gueur des instructeurs français qui nous inculquèrent plus de
leur expérience qu'un savoir-faire.
La première année fut consacrée à une meilleure maîtrise de
la science militaire, armement, instruction sur le tir, transmis-
sion, topographie et orientation, NBC, combat dans le bois rond.
La deuxième année à Melun fut plus professionnelle et cons-
titua le cours d'application de la Gendarmerie avec des effectifs
plus importants et de diverses origines. Trois grandes compo-
santes dominaient les cours, les différentes polices (administra-
tive, judiciaire et militaire), le maintien de l'ordre, la criminalis-
tique et le commandement du service de la Gendarmerie.
Des universitaires venaient chaque semaine faire des confé-
rences hebdomadaires pour l’acquisition des notions élémen-
taires de droit pénal général et spécial, de procédure pénale et
de droit administratif. Le sport créait une ambiance bon enfant
pour souder toute la promotion baptisée Lieutenant MORICET
lors d'une grande cérémonie.
La scolarité se déroula très facilement. Ma préparation à Da-
kar, surtout l'Université me prédisposait à comprendre aisément
le contenu des cours. Ma présence obligatoire aux cours aussi
bien à Fontainebleau qu'à Melun me suffisait pour obtenir des
notes exceptionnelles pendant les différents contrôles pro-
grammés ou inopinés.
Cela me donnait beaucoup de temps pour découvrir la
France, voyager. En même temps cela me permit de me faire
beaucoup de camarades français à qui je réexpliquai souvent
certains cours.
Dans ces écoles, j'ai connu les sentiments des hommes, no-
tamment le sens de l'amitié magnifié par DOTTO, un camarade
togolais, qui même, Directeur la gendarmerie, me téléphona au
moins quatre fois dans l'année. Le français Jean Marie GRAN-
DRY m'initia à la vie française des Ardennes et que je continue
de le fréquenter chaque été, invité de marque de son épouse
Marie Odile qui m'a tissé mes premiers bas de laine pendant
l'hiver 77.
J'ai connu aussi la mesquinerie, surtout de camarades Séné-
galais qui n'ont pas hésité à faire des fiches sur moi à l'Etat-

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major Gendarmerie de Dakar. Je rentrai au Sénégal en juillet 79
avec de très bonnes notes, cependant les fiches avaient fait leurs
effets.
L'Adjudant-chef MBENGUE, Chef secrétaire du Directeur
de la Gendarmerie prit en partie son neveu Sellé DIOP, Sous-
lieutenant comme moi pour le conseiller à partir de mon cas.
Le Général Wally FAYE qui nous recevait pour la première
présentation ne put s'empêcher de me faire des remarques et
surtout de me demander s'il ne m'était pas préférable de choisir
les parachutistes. Tous mes camarades furent affectés à la Lé-
gion de Gendarmerie d'Intervention, le fer de lance de la Gen-
darmerie et moi à l'école, comme Officier instructeur.
J'en eus ma première frustration, chacun d'eux se retrouvait
avec un logement à la Légion de Gendarmerie d'Intervention et
une Méhari alors que moi, je me retrouvai dans mon ancienne
caserne, abandonné à moi-même.
Ma jeunesse prit le dessus et une lettre de Jean Marie à qui
les mesquins avaient raconté ma destination et mes frustrations,
m'ouvrit les yeux et me fit comprendre la chance que j'avais. Je
décidai de révolutionner la formation.
Les Officiers instructeurs étaient la plupart du temps les Of-
ficiers dont le Commandement ne voulait pas en commençant
par le Commandant de l'école. L’Officier relevé de ses fonc-
tions à juste titre parce qu’il avait fauté comme, l'officier dont la
tête ne revenait pas au Commandement ou encore pire celui qui
était l'objet de fumisterie était affecté et surtout oublié dans
l'école et laissé à lui-même.
Les Officiers de l’école n'avaient pas un bon logement. Ils
n'avaient pas de voiture de fonction et ils n'étaient pas comman-
dés. Leur situation ne changeait que parce qu’un cas plus grave
se présentait au Commandement qui était obligé de pouvoir le
poste.
Je retrouvai dans l'école des mal-aimés de la Gendarmerie, le
Commandant Sylimane SARR, le Capitaine Cardiguez Couliba-
ly, le Capitaine Ciré SY et le père des Gendarmes-auxiliaires, le
Lieutenant Dabo sans oublier mon aîné du Prytanée Moctar
Badiane.

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J’eus la chance de recevoir en octobre 79 une promotion, 4
élèves officiers, 60 élèves MDL et 300 élèves gendarmes répar-
tis dans un peloton d'élèves officiers, une compagnie d'élèves
gradés et 2 compagnies d'élèves gendarmes. Le Commandant
d'école mit la première compagnie des élèves gendarmes sous
mon commandement.
J'avais 24 ans et on venait de me confier les destinées de 150
hommes plus âgés que moi. Je décidai d'en faire les meilleurs
gendarmes que la Gendarmerie ait connus depuis sa création. Je
fis très vite la différence avec la deuxième compagnie en m'im-
pliquant personnellement dans la formation, dans le sport et
dans les activités de cohésion.
Mon équipe et moi avec l'aide précieuse de l'Adjudant-chef
Billy qui finira sa carrière à la tête de la prestigieuse brigade de
Thionck, Sembène Diakhaté qui finira Commandant de brigade
de Darou Mousty, Mamadou Moustapha NDAO et Cheikh Saa-
dibou NIANG qui finiront Lieutenant-colonel , transformâmes
l'école par notre engagement et notre sens de la responsabilité
d'instructeur.
Comme un poisson dans l'eau, je trouvais une voie dans
l'instruction et plus je m'engageais, plus je découvrais les rudi-
ments de la pédagogie. Mes 150 gus m’adoraient et me le mon-
traient en étant toujours premiers partout. Le 4 avril 1980, je
connus la consécration sur la Place de l'Obélisque à la tête de
ma compagnie alors que tous mes coreligionnaires de Melun
défilaient dans les rangs de la LGI.
Mes commandements de ma position juste après la garde
présidentielle, le chant de mon unité pour rejoindre l'axe de
défilé me procurèrent une joie immense qui balaya à jamais
toute la frustration que j'avais pu ressentir de ma première af-
fectation.
Les commandants d'école sur qui rejaillissait tout mon en-
gouement de l'instruction me prirent sous leur protection et me
permirent de rayonner face à toutes les composantes de l'école.
Je pris en main la formation militaire des élèves officiers et je
suis fier de les avoir tous vus colonels sous mes ordres dans les
structures de la nouvelle gendarmerie.

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Je pris en main aussi la formation professionnelle des élèves
maréchaux de logis. Je leur dispensais des cours que leur oc-
troyaient jusqu'ici des gradés. Je vécus au même rythme que
mes élèves gendarmes et leur commandement m'apporta une
grande satisfaction morale et intellectuelle.
Le maintien de l'ordre, de temps à autre en appoint de la LGI,
me démontra les capacités de mon unité qui souvent fit preuve
de plus de cohésion, savoir-faire et engagement que les unités
professionnelles de la Légion.
Les regroupements OPJ pour préparer l'examen final de ce
diplôme qui conditionne la carrière des gradés de Gendarmerie,
me donnèrent une autre dimension. Pour la première fois, les
cours n'étaient plus dispensés par les instructeurs Français, mais
par un instructeur Officier Sénégalais de l'école.
Ces cours, surtout OPJ me donnèrent une dimension natio-
nale et dans toute la Gendarmerie. De Bignona à Podor, de Ké-
dougou à Ouakam, les stagiaires avaient propagé mon nom et
décrit ma compétence, mon engagement. On m'écrivait pour
répondre à des questions de cours mal maitrisées ou trouver des
solutions à des cas concrets.

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Chapitre 3
Errements d’un lieutenant

Pour la première fois depuis des lustres, je m'en foutais roya-


lement de ce que le Commandement pouvait penser de moi. Je
me savais exclu du système par des jugements hâtifs, alimentés
souvent par des camarades envieux et jaloux. J'étais heureux de
servir dans l'école, auréolé et admiré par les élèves qui me
vouaient un culte sincère et loyal.
Je faisais mes cours sans difficulté et avec une aisance sur-
prenante. Le week-end, je conduisais ma troupe au stade Demba
DIOP pour alléger la charge de travail de la LGI. J'avais malgré
tout ça beaucoup de temps libre que je pouvais consacrer à
l'Université et à des distractions de mon âge. J'aimais bien aller
en boîte de nuit où chantait mon ami d'enfance du Number One,
Doudou SOW.
La Gendarmerie ne pouvait comprendre que j'aille en boîte
de nuit. Inconcevable pour un Officier et souvent la prévôté qui
n'avait peut-être rien d'autre à faire, me suivait sur ordre et ren-
dait compte à l'autorité de mes allées et venues.
Le Commandant de l'école recevait souvent l'ordre de me
sanctionner, mais jamais il n'a pu le faire parce que n'ayant ja-
mais eu une opportunité quelconque de trouver une seule faille
malgré les ragots. Je travaillais de sept heures à dix sept heures.
Je dormais de dix huit heures à une heure et je sortais en boîte
de deux heures à cinq heures du matin.
Plusieurs fois, je fus convoqué dans le bureau du Général
pour me faire engueuler sur mes sorties. Je sortais pour expri-
mer ma révolte et mon dégoût de la façon dont on voulait me
voir, et chaque fois je défiais le Commandement de trouver une
quelconque faute à ma conduite.
Souvent, un Officier de l'Etat-major était désigné pour venir
inspecter mon cours et trouver la faille qui pouvait entraîner ma

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punition. Des camarades Officiers instructeurs en faisaient par-
fois les frais comme Badiane et Sonko qui virent rapidement
leurs dossiers rougir de libellés de punition.
Ces deux Officiers pouvaient s'abstenir de dispenser leurs
cours programmés comme avaient pu pouvaient le faire certains
Officiers de l'école avant moi. Mais jamais durant toutes les
années de corvée passées à l'école, je n’ai été absent à un seul
cours.
Il arrivait même qu'au pied levé, je remplace un instructeur
absent ou empêché quelle que soit la matière. Je pus empêcher
les contrôles intempestifs des Officiers de l'Etat-major en les
collant systématiquement sur des questions pratiques que je
faisais poser par les élèves.
Je donnais à quelques-uns de mes chers complices comme El
Hadj NDAO des questions de cours très difficiles et je leur de-
mandais de me les poser pendant que l'Officier désigné pour
m'anéantir faisait sa drôle d'inspection. Je répondais à la pre-
mière question, hésitais sur la deuxième avant de répondre et
faisais semblant de buter sur la troisième.
Je demandais prudemment la rescousse de l'Officier en ques-
tion, sachant pertinemment qu'il ne pouvait y apporter une ré-
pondre. Nous le voyions se décomposer, perdre son élan et très
vite ramasser ses godillots pour ne plus jamais se présenter dans
une de mes salles de cours.
Souvent, il allait me dénoncer auprès du Commandant de
l'école qui me convoquait sur le champ. La plupart du temps, il
s’entendit répondre devant l'Officier en question et de surcroît
Chef de Division : « si le Capitaine ne sait rien de ce dont je
parle durant mon cours, qu'il s’abstienne de venir inspecter le
cours; il doit faire un minimum de préparation pour inspecter un
instructeur dans un domaine précis ».
Dès lors, le Commandement m'abandonna à mon sort et je
pus conduire la formation de mes élèves en toute responsabilité.
80% de mes élèves de l'époque ont pu être gradés de Gendarme-
rie ; tous mes élèves MDL ont pu être Commandants de bri-
gades ou sont tombés les armes à la main dans les missions de
la Gendarmerie.

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Mes prestations en qualité d'instructeur à l'Ecole de Gen-
darmerie, et surtout l'aura que j'en tirais à travers le respect des
différents stagiaires qui évoluaient dans l'école, ne pouvaient
laisser le Commandement indifférent.
Beaucoup de jeunes Officiers sortant de Melun et des autres
écoles supérieures de gendarmerie rejoignaient les rangs et la
politique initiée par le Général Daouda NIANG de recruter des
enfants de troupe bacheliers commença à produire ses effets.
Le Général Wally Faye ajouta sa marque en intégrant des
gendarmes et des sergents bacheliers ; et en trois ans, plus de
vingt officiers avaient fortement rajeuni le Corps des Officiers
et relevé le niveau général et le commandement des unités.
La mobilité des très jeunes Officiers pouvait être assurée.
Une nouvelle politique fut mise en place avec l'affectation au-
tomatique des sortants d'école à l'école de gendarmerie pour un
an.
Après, ils rejoignent la LGI pour deux ans, d’abord comme
deuxième lieutenant puis premier lieutenant, alors que les offi-
ciers issus des corps de troupe plus anciens et souvent propo-
sables capitaine prenaient le commandement des escadrons
pour deux ans au plus.
Les Officiers issus du prytanée passaient un an à l'école,
deux ans à la LGI, deux ans comme adjoints avant d'être nom-
més capitaines et de prendre le commandement d'un escadron.
Je n'eus pas cette destinée et connus des chemins plus tor-
tueux et plus atypiques. Le Commandement profita d'une mé-
sentente entre le Commandant du contingent SENBATCHAD
et du Chef de la prévôté de cette unité pour m'envoyer selon le
terme du message en doublure de l'Officier de Gendarmerie qui
avait fait preuve d'indiscipline notoire en refusant de se dé-
ployer à l'intérieur du Tchad.
Un avion militaire français me déposa lors d'une liaison à
N’Djamena et après deux jours d'explications avec le Capitaine
de Gendarmerie, je rejoignis le gros du bataillon à Mongo les
Bains, une bourgade sinistre et obscure à six cents km de la

45
capitale tchadienne mais combien importants parce que contrô-
lant les principaux et rares axes du Tchad.
Mongo était le carrefour qui permettait de contrôler aussi
bien l'accès de Faya Largau, de Ndjamena que du sud du Tchad.
Le Sénégal y déploya trois compagnies de combat bien outillées
dans le cadre de la Force Interafricaine déployée par l'OUA.
J'avais la responsabilité de la discipline du bataillon en
même temps que la police générale des hommes. En outre, je
devais veiller à l'observation sans faille aussi bien du droit sé-
négalais que du droit tchadien par les militaires Sénégalais.
Je pris très vite la mesure de ma mission en faisant observer
par des patrouilles les consignes édictées par le Commandement.
Mongo n'était pas grande et avait très peu d'infrastructures, les
consignes de sécurité pouvaient se faire appliquer sans pro-
blèmes et peu de cas de difficultés furent relevés.
Il en alla de même des consignes sanitaires édictées par les
médecins pour protéger le bataillon de certaines maladies lo-
cales, notamment la méningite.
La prévôté eut plus à faire dans la protection du moral du ba-
taillon. Le peu de distraction envenimait la situation. Quelques
incidents sans importance pouvaient à tout moment faire bascu-
ler la discipline, l'alimentation mal gérée pouvait avoir des con-
séquences imprévisibles et la prévôté dut appuyer les médecins
pour que tous les aspects réglementaires soient sans faille.
Les menaces du Commandant de bataillon, les incidents
avec quelques Commandants de compagnie pour la qualité des
repas furent constants. Cependant l'appui du Commandant de
contingent permit de surmonter toutes les difficultés.
J'eus droit en mai 1982 à ma première guerre en grandeur
réelle ; l'attaque de Mongo par Idriss MBISKINE, le Lieutenant
de Hissène Habré. Après la surprise, le bataillon se retrouva en
posture de défense de ses quartiers et dans les trous prévus à cet
effet.
Je rejoignis par curiosité la première compagnie commandée
par un Officier légendaire surnommé Sylla GAYNE, un héros

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de la guerre de libération de la Guinée Bissau dont tous les en-
fants de troupe connaissaient la légende.
Il fit les choses comme à la parade et décrivit en parfaite
connaissance de cause l'évolution des troupes de MBISKINE
qui avaient cessé de bombarder la ville pour l'envelopper quar-
tier par quartier.
Le Capitaine Sylla me fit comprendre après quelques appels
radio, que le Chef du bataillon demandait à me voir. A travers
les boyaux, je rejoignis le poste de commandement pour m'en-
tendre dire : « Essaie de trouver le Commandement des rebelles
et dis-leur que nous défendrons nos positions s'ils avancent ou
tirent vers nous ».
Surpris et sonné par un tel ordre, j'allais refuser net quand
mon chauffeur, le Gendarme Sid Mohamed DIENG me tira par
la manche en me disant : « Mon Lieutenant, on y va ». Les
Gendarmes qu'on avait fait venir en me cherchant firent bloc
autour de moi, sous la conduite de l'Adjudant Wally NDIAYE
qui me rappela mes devoirs et l'honneur de la Gendarmerie que
je représentais.
Je sortis très fâché contre le Commandant Harris et monta
dans la jeep conduite par Sidy, escorté par l'Adjudant-chef Wal-
ly NDIAYE et un autre Gendarme. Je fis descendre l'Adjudant-
chef en lui disant de prendre le commandement de la prévôté s'il
m'arrivait quoi que ce soit et d'en rendre compte à qui de droit.
Nous nous dirigeâmes vers les lignes rebelles que j'avais si-
tuées grâce aux explications du Capitaine Sylla GAYNE. Les
tirs cessaient avec une discipline incroyable au fur et à mesure
que j'intégrais le dispositif rebelle. Avec diplomatie, tact mais
fermeté le gendarme Dieng tout en conduisant avec extrême-
ment de prudence, parlait aux rebelles dans une langue que je
ne comprenais pas.
Un groupe rebelle nous escorta et les tirs cessèrent ; les dé-
fenses du gouvernement intérimaire de Goukouny ne se bat-
taient plus et voyant la jeep blanche au milieu de la ville, ils se
dirigèrent sans condition vers les lignes sénégalaises pour se
réfugier.

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Les rebelles me conduisirent à leur Chef, Idriss MBISKINE
à qui de façon sèche et ferme, je répétai les instructions du
Commandement sénégalais. Il se montra très heureux, me fit
comprendre que le combat était fini, qu'il allait ordonner le ces-
sez-le-feu immédiatement. Il m'offrit une tasse de thé chai et me
demanda mon grade et mon âge.
Il me fit remarquer le courage dont j'avais fait preuve en tra-
versant la ville et qu'il respectait les armées sénégalaises dont il
connaissait la réputation. Il souhaitait rencontrer très vite le
commandement sénégalais pour faire le point et échanger sur la
sécurité de la ville qu'il venait de conquérir.
Je le remerciai et lui fis part de la discipline de ses hommes
qui avaient respecté les forces internationales et lui proposai de
le conduire auprès de mes chefs. Il voulut que je monte dans sa
Toyota de commandement, je lui parlai de la neutralité des
forces de l'OUA et l'invitai plutôt dans ma jeep.
Il accepta sans problème ; quatre Toyota l'escortèrent à notre
poste de commandement. Je rentrai dans le cantonnement gon-
flé à bloc, sous le regard fier de la quinzaine d'hommes que je
commandais.
L'Adjudant-chef Wally NDIAYE vint inviter le groupe re-
belle à descendre et nous conduisit auprès du Commandant du
bataillon qui se remettait de ses émotions. L'instant était ma-
gique. Visiblement, il était heureux d'un tel dénouement de la
situation sans avoir eu à tirer un seul coup de feu.
Autant il voulait rendre compte à N’Djamena, autant il vou-
lait faire bonne impression face aux deux groupes de Tchadiens.
Il ne savait visiblement par quoi commencer, entouré de ses
jeunes Officiers aussi inexpérimentés que moi.
L'Adjudant Wally NDIAYE fit asseoir tout le monde après
avoir fait venir des chaises et résuma très vite la situation au
Colonel Harris. «Mon colonel, je vous présente le groupe des
soldats de Goukouny que j'ai fait désarmer avant leur entrée
dans notre cantonnement. Je vous présente aussi les hommes de
Habré que le Lieutenant a pu convaincre de venir discuter avec
vous. La Gendarmerie attend vos ordres». Puis se retournant

48
vers moi et avec un clin d'œil complice « Avec votre permission
mon Lieutenant ».
La Gendarmerie venait de marquer des points importants
grâce au courage, au dévouement et à l'engagement de sous-
officiers exemplaires. Ces sous-officiers, cheville ouvrière de la
Gendarmerie, me montrèrent par l'exemple, le mérite et la foi
dont ils faisaient preuve en toute circonstance, les chemins de
l'honneur, de la gloire et de la fierté.
J’eus droit aux félicitations exceptionnelles du Commandant
de bataillon qui rendit fidèlement compte des évènements et de
la conduite des gendarmes à l'échelon supérieur qui fit de même
vers Dakar.
Du coup, le regard des militaires changea envers les gen-
darmes qu'ils avaient toujours regardés en chiens de faïence
uand ils ne les prenaient pas pour des cerbères immondes. La
route de Ndjamena ouverte, Hissée Habré y fit son entrée sans
coup de feu, un mois après Mongo.
Notre présence ne se justifiait plus à Mongo et nous retour-
nâmes à Ndjamena. On s'y éclatait comme à Koussèry, ville
camerounaise séparée de N’Djamena par le lac Tchad. J'eus
droit à un accueil charmant et élogieux du Commandant de
contingent le Colonel Thierno NDIAYE.
Fin juin 82, le bataillon retourna vers le pays et fut disloqué
après une cérémonie émouvante au camp du front de terre ex-
camp Leclerc. Je fus décoré de la Médaille de la Valeur Mili-
taire pour acte de bravoure par le Ministre des Forces Armées,
le Docteur Daouda SOW.
Le Général Idrissa FALL, Chef d'Etat-major général des
Armées me félicita durant le pot d’honneur. L'Adjudant-chef
Wally NDIAYE et le gendarme Sidy Mohamed DIENG furent
décorés en même temps que moi, cependant la Gendarmerie fut
choquée du fait que le Capitaine chef de détachement ne l’eut
pas été.
Certains mesquins plus gradés me firent comprendre que je
ne devais pas être décoré sans que le Capitaine le soit et que ce
fait avait permis aux Armées d'écraser une fois de plus la Gen-

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darmerie. J'épinglais avec fierté ma médaille et toutes les émo-
tions "du vieux nègre et la médaille" remontaient à la surface et
étaient devenues miennes.
Je savais ce que je devais à mes sous-officiers du Tchad. Je
comprenais aussi que je devais la même chose à mes anciens
sous-officiers et moniteurs de l'école de gendarmerie. Ma con-
fiance dans le corps des sous-officiers de gendarmerie date de
ces moments magiques de symbiose entre un officier et ses
hommes.
Je fus mis en congé en attendant une affectation que je vou-
lais plus digne. Le prétexte vint de Diourbel dont le Comman-
dant de compagnie, un brillant Officier que j'avais connu à
l'école pendant un moment de traversée du désert, venait de
faire un accident de la route et s'était cassé les deux jambes.
Je fus nommé contre toute attente, deuxième adjoint alors
que le premier adjoint, un oncle du Général assurait l'intérim.
Les premiers six mois, mois que le capitaine passa à l'hôpital
furent plein de travail et d'initiative.
Je m'impliquai entièrement dans le travail de la Compagnie,
apprenant avec merveille le travail des unités grâce à deux Ad-
judants chefs, Moussa NDOYE à Diourbel, Kairé à Linguère.
James THORPE de Bambey me fascinait par ses coups tordus
qui échappaient à tout contrôle des Officiers. Comme il m'ai-
mait bien, il me montrait comment empêcher les commandants
de brigade de me tromper dans le service.
J'appris avec ces trois personnages le métier de commandant
d'unités territoriales. Ils m'apprirent comment mener une en-
quête criminelle, comment lutter contre la fraude et surtout
comment mener les sous-officiers de gendarmerie.
J'eus mon premier incident à Touba à cause d'un conflit in-
terne entre deux grandes composantes de la grande communau-
té des mourides. Le Khalife, Serigne Abdou Lakhat avait inter-
dit l'alcool et les cigarettes dans toute la ville de Touba et avait
mis en place des unités de vigilance pour arrêter et bastonner les
coupables.

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Un personnage important de la communauté, ivre mort fut
bastonné sans autre forme de procès par les hommes du
« beukhe neekh » Mor SECK, homme de main du Khalife.
La réaction de la communauté de cet homme ne se fit pas at-
tendre. En effet, ses hommes attaquèrent le poste de Touba et
une bataille rangée de grande envergure entre les deux commu-
nautés se déroula sous les yeux impuissants des populations.
Alerté, je mis en branlebas de combat toutes les huit unités
de la compagnie et fonçai sur Touba, où à coup de grenades
lacrymogènes, j'eus le dessus sur les antagonistes. Je fis arrêter
plus de 160 personnes à qui plusieurs infractions pouvaient être
reprochées, notamment port d'armes et attroupement armé.
Je rendis compte fidèlement à l'Officier de permanence qui
fit réveiller le Général. Il me posa des questions sur l'ampleur
des évènements et les mesures prises. Il me félicita pour l'opéra-
tion et me fixa rendez-vous pour les détails au lendemain matin.
Tout fier du travail accompli, je faisais faire durant toute la
nuit et avec les renforts, les procès-verbaux en vue de déférer
les personnes arrêtées au parquet de Diourbel dans les délais
impartis. Le Commandant de brigade de Mbacké, profita de
notre engagement pour se rendre à Dakar rencontrer le Khalife,
invité chez le milliardaire Ndiouga KEBE.
Il lui rapporta à sa manière les faits, s'excluant de toute ac-
tion, argua de l'absence du Commandant de compagnie pour
mettre toute la responsabilité de l'action sur ma modeste per-
sonne. A sept heures, tout avait basculé. J'eus droit aux engueu-
lades du Général, au refus du parquet de voir déférer les mis en
cause.
Le Commandant de brigade était revenu sagement prendre
sa place comme si de rien n'était. Je le voyais discuter avec des
personnages qui jouaient à l'important. Vers dix heures, je reçus
l'ordre de l'Etat-major de Gendarmerie de libérer les hommes du
Khalife, une soixantaine de personnes et de déférer les autres.
Un responsable de la maison du Khalife les fit sortir avec l'aide
du Commandant de brigade.

51
Une heure plus tard, un gendarme me rendit compte de la vi-
site d'un grand dignitaire mouride que mon propre père vénérait
comme dieu sur terre. Ce dernier, responsable moral de l'autre
camp sollicitait mon intervention pour faire libérer les autres. Je
le fis avec cœur et certitude en me disant que c'était la seule
solution juste du conflit.

J'eus droit, vers treize heures à une autre engueulade du Gé-


néral et je fus aussitôt relevé de mes fonctions avec ordre im-
médiat de quitter la brigade de Mbacké. Je fus soulagé de cet
ordre et revint chez moi préparer mes bagages et rejoindre Da-
kar où je devais attendre une nouvelle affectation.
Vers dix sept heures, le gendarme de permanence me rendit
compte de la présence du commandant GT, le Colonel Mama-
dou DIOP et du Commandant TABANE, un fervent mouride
qui vait commandé la compagnie pendant plus de dix ans.
Ils me prirent à bord de leur véhicule pour Touba où sur ins-
truction du Général, ils devaient présenter des excuses au Kha-
life. Le Commandant de brigade de Mbacké nous accompagnait.
Les deux Officiers mirent tous les évènements sur mon inexpé-
rience et mes attitudes peu en rapport avec les méthodes de la
gendarmerie.
Le Khalife accepta les excuses et en profita pour féliciter le
Commandant de brigade qui avait toute sa confiance. Il réitéra
ses interdictions à Touba et se tourna vers moi pour me ques-
tionner sur mon âge et mes responsabilités. Il reprocha à la
Gendarmerie de ne pas avoir mis le Commandant de brigade à
ma place.
Je vis dès lors rouge et sans retenue explosai. Je fis un rap-
port détaillé des évènements au Khalife et de la qualité de mon
intervention qui venait d'éviter un bain de sang. Le Khalife fut
surpris de cet exposé qui lui permit de mesurer les faits et les
mensonges qui avaient dicté sa conduite.
Il me demanda ce qui pouvait être fait pour appliquer les
règles religieuses qu'il avait édictées pour la sauvegarde de la
ville de son père. Je lui donnai les solutions. Il appela aussitôt le
Président de la République pour faire sa requête. Dix minutes

52
plus tard, le Général en personne me demandait ce dont j'avais
besoin pour régler les problèmes.
Je demandai la mutation du Commandant de brigade et deux
pelotons de renfort pour tenir Touba et y interdire drogue, al-
cool et cigarettes. Pour la première fois, un service de l'Etat
prenait pied à Touba et je fus heureux que ce fût une unité de
gendarmerie sous mes ordres.
Cette décision que le Khalife venait de prendre sous mon
instigation me permit de continuer mon travail à la compagnie
mais aussi me créa une multitude d'ennemis car elle attaquait de
front les lobbies de la fraude sucrière de la ville.
Les lobbies eurent raison de ma détermination et un ultime
complot organisé par le Commandant de compagnie par intérim
me fit affecter à la légion de Gendarmerie d’Intervention en
qualité d'adjoint du capitaine commandant le quatrième esca-
dron porté.
Je fis beaucoup de maintien de l'ordre à Dakar et vers Thiès
dans le secteur des phosphates : quarante cinq jours de con-
signes dans une usine, puis deux mois dans une autre. Cette
routine eut raison de ma discipline et une envie folle de retrou-
ver la vie et mes amies me conduisit en boîte de nuit comme
beaucoup de mes camarades qui profitaient de leur état d'offi-
cier pour sortir le soir. Je fus pris et envoyé directement aux
arrêts pour trente jours.
La difficulté à trouver un lieutenant disponible pour Popen-
guine, le palais secondaire du Président de la République, pous-
sa le Colonel Gomis à me proposer de faire Popenguine à la
place des arrêts. J'acceptai sans hésiter. Je passais quatre se-
maines à Popenguine avec différents pelotons qui se relevaient
chaque samedi et j'en profitais pour relire et me ressourcer sur
mon engagement.
Le retour dans mon unité fut très difficile ; toute la Légion
savait que j'avais été puni pour abandon de poste et j'avais réel-
lement honte. Mon premier service de jalonnement m'apporta la
solution et je remerciais Dieu de m'avoir sauvé d'une situation
difficile et peu honorable.

53
Chapitre 4
L’instructeur des écoles
ENOA, EFOG et CIGG

Devant le salon d'honneur de l'aéroport Léopold Sédar


SENGHOR, le Général Waly FAYE me demanda si j'avais
envie de me faire affecter à l'ENOA, Ecole Nationale des Offi-
ciers d'Active en qualité d'instructeur.
Le Capitaine Bamalick NDIOUR qui occupait le poste de-
puis six mois avait conseillé mon affectation dans cette institu-
tion prestigieuse où l'Etat sénégalais avait décidé de former ses
propres Officiers de l'Armée de terre, de la Gendarmerie et des
Sapeurs-pompiers.
Je retrouvais dans cette institution la crème de l'armée natio-
nale, notamment des Officiers de grande valeur au plan mental,
au plan physique et au plan intellectuel et dont la probité morale
était sans faille.
La plupart des Officiers plus anciens que moi et que j'ai ren-
contrés dans cette école comme instructeurs sont devenus des
généraux de grande valeur et des colonels ayant exercé les plus
hautes responsabilités dans les armées.
Leur compagnonnage renforça mon éthique, ma compétence
et surtout mon engagement au service exclusif de l'Etat et de la
Nation. J'ai beaucoup appris de ces Officiers qui m'ont permis,
par leurs exigences de parfaire mes connaissances, mes mé-
thodes d'enseignement et surtout mon comportement général
d'Officier. Ce fut la période la plus faste de mon existence et
surtout la plus satisfaisante.
Mon engagement dans l'école fut total et je peux affirmer
que vingt ans après moi, aucun gendarme n'a eu les mêmes
honneurs et possibilités : Instructeur TAM, Commandant de la
compagnie Support, Officier Traditions et Officier social. Je

55
permis à la Gendarmerie de se faire un nom dans cette institu-
tion et d'y recruter des Officiers qui rejoindront la Gendarmerie
en toute connaissance de cause.
Dans cette école, je dus reprendre ma propre formation mili-
taire en participant à toutes les activités de formation des élèves.
Ma curiosité fut totale et, l'atmosphère aidant, je fis avec les
commandos le dur apprentissage du parcours du risque. Je fis
mon brevet parachutiste alors que je n'avais qu'un brevet prémi-
litaire obtenu en classe de seconde au prytanée.
Je revis les moments exaltants des cours de combat avec des
directeurs de promotion exemplaires dans la pédagogie comme
dans la maîtrise des actions de combat. Je pus parfaire mon
éducation technique en suivant les cours dispensés par les assis-
tants techniques français.
Instructeur Armement et Tir, je dus prendre des leçons la
nuit et payer de ma personne pour être à la hauteur. J'ai dû en-
seigner des armes que je n'avais jamais rencontrées dans ma
formation de gendarme. Comment en effet, enseigner la 12,7
alors que je n'avais jamais vu cette arme. Il a alors fallu faire
preuve de beaucoup d'humilité et apprendre moi-même les
armes.
J'eus la chance d'avoir deux adjudants chefs, les meilleurs
dans leur domaine respectif, Oumar DIOP pour l'armement,
Diakham pour l'instruction sur le tir. Ils m'ont appris et ils m'ont
aidé à être à la hauteur et à transmettre un savoir maîtrisé aux
élèves officiers de la deuxième, de la troisième et de la qua-
trième promotions.
Le Colonel Keita et le Commandant Babacar GAYE m'ont
appris la rigueur et la responsabilité. Le Colonel m'a donné des
exemples en payant de sa personne les erreurs ou les négli-
gences de commandement qu'il ne cessait de constater.
Un jour, les élèves de première année avaient oublié de bien
nettoyer la statue du Jambaar ce qui est un acte de traditions à
faire par les élèves et qui doit être vérifié par l'officier traditions
chaque mercredi après midi.

56
Ce mercredi là les élèves n'avaient pas bien astiqué la statue
et je dois reconnaitre que je n'avais rien vérifié. Vers seize
heures, le Colonel me fit appeler devant la statue pour constater
de visu la faute. Je décidai aussitôt de larguer les élèves pour
une marche de 50 km.
Je fis préparer à cet effet deux camions UNIMOG. Chaque
élève devait prendre son arme et un sac rempli de 10 kg pour
effectuer la marche. Je fixai le rendez-vous devant AMBOFOR
1 à dix sept heures. Je fis un saut chez moi pour leur laisser le
temps de prendre les armes et préparer leur sac. Je me présen-
tais au rassemblement en tenue de sport.
J'eus la surprise de ma vie, en trouvant le Colonel en tenue
de largage, son sac sur le dos et son fusil en bandoulière. J'avais
honte de moi et j'eus beaucoup de mal à balbutier des excuses.
Je repartis chez moi pour me mettre dans les mêmes conditions
que le Colonel.
A mon retour, le Colonel avait disparu et comme si de rien
n'était, je me suis tapé avec mes élèves les 50 km. Jamais plus la
statue ne cessa d'être astiquée, à l'heure et sous mon contrôle.
Babacar GAYE m'apprit le respect des moyens de l'Etat et
leur utilisation exclusive dans les conditions prévues par la ré-
glementation militaire. Ma voiture personnelle, une SIMCA
Horizon fatiguée, était tombée en panne, vers le poste de police.
Chef des moyens généraux, je pris une jeep de la compagnie
école pour remorquer mon véhicule et le conduire chez un ga-
ragiste. Je suis tombé sur le Commandant Gaye qui rentrait avec
son épouse de courses en ville. Son engueulade, ses sermons
exprimés avec tant de mépris eurent raison de ma volonté de lui
tenir tête.
Il me fit comprendre le besoin d'exemplarité, et l'exemple
que je devais être pour les élèves. Il me demanda de trouver
n'importe quelle solution pour ma voiture mais qu'il était inad-
missible que je prenne les moyens de l'Etat pour mes besoins
personnels. Il assimilait littéralement mon acte à un détourne-
ment de deniers publics.

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Officier traditions, j'ai dû côtoyer de grands intellectuels
comme entre autres le Professeur Iba Der THIAM et Mbaye
Gana Kébé pour réviser l'histoire militaire du Sénégal. Je dus
faire appel à de grands griots pour retrouver et traduire en
termes militaires les faits d'armes des rois du Sénégal.
Nous réécrivîmes l'histoire militaire du Sénégal en mettant
en tableau des faits d'armes méconnus et des victoires de tièdos
sur les Officiers français. L'Ecole organisa deux conférences sur
des batailles historiques en mettant en exergue la stratégie et la
tactique des guerriers qui se sont opposés à la pénétration colo-
niale. Ainsi Ngol Ngol et Paos koto ont désormais une signifi-
cation profonde pour nos élèves.
Après deux ans dans cette prestigieuse Ecole, je fus nommé
Directeur des études de l'Ecole de Gendarmerie. Le poste n'était
pas un poste de choix et souvent, il était destiné aux Capitaines
démontés des unités territoriales, aux Capitaines rebelles ou
encore aux enfants de Soweto dont le commandement ne savait
que faire.
La plupart du temps, se sentant oubliés, les officiers se lais-
saient aller ou faisaient leurs affaires personnelles sans aucune
attention de l'Etat-major gendarmerie. Je trouvai après une
ENOA prestigieuse, une école morne, sans âme, laissée à elle-
même et aux assistants techniques Français.
Je décidai de révolutionner cette situation et de transformer
l'école en un lieu de savoir et d'acquisition du métier de gen-
darme. Comme l'instruction n'intéressait personne, je pris toutes
les responsabilités et fis mettre en place des méthodes d'ensei-
gnement que j'avais importésavec moi de l'ENOA.
J'eus l'avantage de pouvoir compter à cette époque sur des
sous-officiers de valeurs qui appliquèrent sans faille les nou-
velles méthodes que je ramenai des écoles de l'Armée. Je citerai
entre autres mes anciens collaborateurs, l’Adjudant Sembene
DIAKHATE, le Major Abba DIOP, le Lieutenant-colonel Ma-
madou Moustapha NDAO, le Lieutenant-colonel Cheikh Sadi-
bou NIANG, le Major Massamba GUEYE et bien d'autres sous-
officiers comme Aly BANEL et Amadou Lamine DIOP qui ont
tous fait honneur à la Gendarmerie.

58
Je pus compter sur le nouveau Commandant de l'Ecole qui
venait d'obtenir son premier grand commandement, après avoir
longtemps servi à l'Etat-major comme Chef de la Division des
Opérations. Il n’était pas satisfait des conditions de son avan-
cement ; il venait d’être éjecté de l'Etat-major et désigné pour
remplacer le Colonel SARR qui lui avait bénéficié de l'effet
domino pour se retrouver en Gambie.
Le Lieutenant-colonel Charles Dièdhiou n'était pas très en-
chanté de prendre le commandement de l'école alors que son
« bazar », subitement devenu son chef prenait le Commande-
ment de la Gendarmerie mobile. Il ruminait sa colère en déci-
dant de couper les ponts avec le Haut Commandement.
La situation ténébreuse de ces années difficiles avec l'ajus-
tement structurel et l'apparition d'une multitude d'évènements
néfastes à la quiétude républicaine changea la donne, le par-
cours et le programme de l’Ecole
Je pris part à deux évènements majeurs de la République où
l'action de l'Ecole de gendarmerie, l'impulsion du Lieutenant-
colonel Charles César DIEDHIOU et mon commandement di-
rect ont été déterminants et ont assuré à jamais la stabilité de la
jeune République. Beaucoup vont juger de tels propos préten-
tieux, mais j'affirme que l'école de gendarmerie dans les deux
cas avait sauvé la République.
Avril 1987, la révolte des unités de police fut stoppée nette
par des unités écoles placées à côté des unités professionnelles
de maintien de l'ordre de la LGI. Le dispositif Gendarmerie sur
l'avenue Roume avec, en premier échelon, le Premier Escadron
Porté de Koly Ndiaye CISSE et le Quatrième escadron Porté de
Bécaye DIOP, a été enfoncé à hauteur de l'ancienne BNDS par
les grévistes de la police.
Les gendarmes mobiles perdirent quatre fusils HK 33. Deux
officiers dont le Capitaine, officier adjoint au Commandant de
compagnie de Dakar furent blessés. Le Général Mamadou Man-
sour SECK, Chef d'Etat-major particulier dut venir engueuler
les Officiers supérieurs de Gendarmerie.
La débandade du premier échelon ne put être évitée que par
une intervention énergique de la compagnie des élèves gradés

59
de l'Ecole sous mon commandement. En effet, ces élèves, ge-
nou à terre et en position du tireur, dissuadèrent les policiers et
permirent au premier échelon de reformer ses rangs.

Cette position ferme et déterminée fut maintenue jusqu'à dix


huit heures ou le second lieutenant de la compagnie de Dakar,
le Lieutenant Balla BEYE, sollicita une intervention pour dé-
fendre THIONCK. Un peloton d'élèves gradés fut détaché à la
compagnie de Dakar avec des ordres de défense ferme.
Les quelques policiers qui voulaient attaquer Thionck pour
libérer deux des leurs arrêtés sur la rue Félix Faure par les gen-
darmes furent tellement impressionnés qu'ils coururent vers le
Commissariat central pour se réfugier. Le Lieutenant Balla
BEYE exploita rapidement la situation et engagea les élèves
gradés sur le Commissariat.
Préjugeant de la dangerosité de la situation qui pouvait abou-
tir à un échange de coups de feu, je courus avec le Capitaine
Abdoulaye FALL, premier adjoint de Thionck, déjà blessé le
matin par les policiers, vers le Commissariat central,
Nous y arrivâmes bien avant le peloton que Balla BEYE
manœuvrait en sûreté, le Commissaire central KANE commen-
ça aussitôt à négocier avec nous et surtout avec le Capitaine
FALL qu'il connaissait mieux.
Ce dernier lui exigea de tenir les policiers loin des unités de
Gendarmerie et surtout dans le Commissariat et que la Gendar-
merie réprimerait toute manifestation sans hésiter, ce que le
Commissaire, homme de bon sens, accepta sans difficulté.
J'en profitai pour exiger la restitution des quatre fusils HK
33 pris le matin aux unités de la LGI. Invités par le Commis-
saire, nous rentrâmes dans le poste et après avoir récupéré les
armes de la LGI, nous fîmes, de concert avec le Commissaire
fermer le magasin d'armes du Commissariat.
Le Commissaire voulut remettre les clefs au Capitaine
FALL, nous lui conseillons de ne pas le faire et que nous
n'avions pas de telles instructions et qu'il devait continuer à
assumer son rôle de Commissaire central de Dakar en attendant
la suite des évènements.

60
Dès lors, tout se déroula dans le calme et la sérénité jusqu'à
vingt heures, heure à laquelle, le gouvernement décida de radier
tous les policiers. L'ordre nous fut donné avec la LGI de faire
évacuer tous les commissariats, de les prendre en compte et d'y
installer des postes de Gendarmerie avant le quinze avril, cinq
heures du matin.
J'eus la responsabilité avec mes élèves de prendre en charge
le secteur du Plateau et notamment de faire évacuer le Ministère
de l'Intérieur, la Direction des passeports et titres de voyages, le
Commissariat Central, le Premier Arrondissement, Bel Air et la
police de Reubeuss.
A cinq heures du matin, tous ces endroits étaient sous le con-
trôle des unités de l'école et à sept heures, les brigades de Dakar
avaient détaché des personnels pour exercer les charges de la
police nationale. Le service public de la sûreté nationale fut
transféré à la Gendarmerie qui multiplia les ardeurs et les ingé-
niosités pour remplir correctement la mission.
Nonobstant la garde et la sécurité générale des commissa-
riats, mes unités reçurent la mission de police de la route et de
facilitation du trafic, sans oublier les patrouilles de sécurisation
et les rafles de nuit.
Sous les ordres du Capitaine Alassane Diallo, nommé
Commandant du Corps urbain de Dakar, nous assurames les
missions de ce grand service de la police pendant six mois.
« Boy Fass », je profitai de ces évènements pour nettoyer la
ville des grands trafiquants de drogue qui sévissaient entre la
Gueule Tapée, Fass et Colobane avec un accent particulier sur
le cinéma El Mansour.
La saisie de plus de trois tonnes de "lopito" dans une maison
de Grand Dakar, faillit me coûter cher avec l'accusation qui fut
faite à la Gendarmerie d'avoir volé de l'or et des devises durant
l'opération. Le photographe officiel du Président de la Répu-
blique me tira de cette affaire par sa présence dans toutes les
opérations nocturnes.
Parce qu’écœuré que mes Chefs aient un seul moment preté
foi aux dires d’un criminel, trafiquant de drogues notoire, qui

61
m'accusait, je ne retrouvai l'Ecole que six mois après ces évè-
nements. Ce fut pour prendre en charge le recrutement spécial
de plus de 500 gendarmes, appelé recrutement police, et à for-
mer en six mois.
Ce recrutement me permit de me fixer un autre objectif plus
facile à conduire face à la volonté affichée de beaucoup d'Offi-
ciers supérieurs de me casser. Directeur des études, je mis en
place un programme et une organisation pour faire face à cette
demande spéciale du Commandement.
Un deuxième évènement plus grave vint perturber le dérou-
lement normal des cours et stages et remit l'Ecole de Gendarme-
rie dans la rue pour une autre période presqu’aussi longue. Les
élections de 1988 me donnèrent une nouvelle fois l'opportunité
de faire évoluer les unités Ecole dans Dakar avec des résultats
qui feront ma fierté et m'apporteront à jamais le respect des
personnels placés sous mes ordres.
Pour les élections de 1988, l'Ecole fit mettre en marche
douze escadrons composés de cadres, d'EMDL, d'élèves gen-
darmes et de gendarmes auxiliaires, soit un officier, dix gradés,
huit EMDL, soixante élèves gendarmes et cinquante auxiliaires
par escadron.
Je me retrouvai investi Commandant de ce détachement et
envoyé pour les besoins de la sécurité des élections dans les
régions de Ziguinchor et de Kolda.
Nous fûmes mis en route vers ces deux régions le 25 février
sans difficulté. Nous remplîmes la mission de même sans grosse
difficulté et reprîmes la route de Dakar le 28 février.
Le 1er mars, vers onze heures à hauteur de Kaolack, nous
fûmes pressés par le Commandant des forces de gendarmerie, le
Colonel Pathé SECK de redoubler d'efforts pour rejoindre Da-
kar le plus rapidement possible.
Une escorte motorisée nous prit en charge à Diamnadio et
vers quinze heures, nous étions effectivement dans la caserne
Pol Lapeyre, notre caserne.
Le Commandant de l'Ecole, le Lieutenant-colonel Charles
DIEDHIOU nous fit le point, non seulement la situation sur

62
Dakar aux mains des manifestants, mais aussi l'incapacité des
unités de reprendre en main la situation, ce qui signifiait qu’à
tout moment, l'Etat pouvait faire intervenir la troupe pour gar-
der la main sur la situation.
Il sortit sa carte de Dakar et montra comment tenir la ville et
venir à bout des petits commandos qui semaient le bordel et
allumaient des incendies un peu partout. Il était désolé d'être
tenu par le Haut Commandement loin des affaires alors qu'il
avait les solutions.
Le Commandement ne voulait pas gêner le Lieutenant-
colonel Pathé SECK, Commandant de la gendarmerie mobile et
qui avait été nommé Commandant des Forces. Directeur des
études et adjoint direct du Colonel DIEDHIOU, celui-ci me
montra comment tenir tête au commandement et exiger de
mettre en marche le plan qu'il avait conçu pour contrôler la
situation.
Je dirigeai les unités école vers la caserne Samba Dièry
DIALLO, convaincu de la justesse du plan DIEDHIOU, et dé-
cidé à l'offrir au colonel SECK pour qui j'avais beaucoup de
respect et de considération. Je n’étais pourtant que capitaine,
face aux Officiers de l'Etat-major Gendarmerie, aux Officiers
supérieurs de la LGI et aux Commandants d'escadron dont la
plupart étaient plus anciens que moi dans le grade.
Je trouvai un Etat-major désolé et perdu dans ses recherches
de solutions, Deux journées d'émeute avaient eu raison des 6
escadrons de la LGI dont les hommes épuisés et défaits dor-
maient sur le terrain de sport sans âme. Les Officiers semblaient
tout droit sortis de cavernes tellement ils avaient l'air peu fiers.
Je reçus immédiatement sans aucune explication l'ordre
d'engager trois de mes unités pour relever deux escadrons de la
LGI qui patrouillaient dans le secteur Gendarmerie et qui
étaient à court de grenades lacrymogènes.
Je m'entendis rétorquer au Commandant POUYE qui diri-
geait en ce moment les opérations, que ça ne servirait à rien et
que dans deux heures, j'aurai épuisé mes hommes et mes muni-
tions et qu'il fallait faire autre chose.

63
Désespérés, les Officiers supérieurs voulurent relever l'in-
discipline, mais le Colonel SECK, homme de consensus et peu
gendarme mobile, me demanda comment je voyais la situation.
Je lui fis un exposé du plan DIEDHIOU que j'avais fait mien
pour ne pas heurter sa sensibilité. Il accepta ce plan sans hésita-
tion et j'en profitai pour lui poser mes conditions.
Un, je ne dépendais que de lui. Deux, la LGI devait servir de
réserve et être regroupée avec toutes ses unités à la Médina et
n'intervenir qu'à ma demande et à mon profit. Trois, on me lais-
sait libre de prendre les initiatives sur le terrain. Enfin quatre je
faisais du stade Demba DIOP ma base et la base de mes unités.
Je pris possession de Dakar et notamment du secteur gen-
darmerie et le lendemain deux mars 1988, les incidents avaient
baissé à quatre vingt pour cent et plus de cent cinquante per-
sonnes casseurs de tous bords, étudiants et badauds avaient été
arrêtés et mis à la disposition des unités territoriales. Les bus de
la SOTRAC avaient repris leur trafic normal.
Les véhicules du gouvernement pouvaient circuler et les
boutiques recommençaient à s'ouvrir. Les carrefours principaux
de Dakar étaient tenus, les stations d'Essence surveillées et on
ne pouvait se déplacer cinq cents mètres sans tomber sur un
poste Gendarmerie.
Les hommes faisaient un service de 24 heures, se reposaient
à Demba DIOP 24 heures et bénéficiaient à mon initiative per-
sonnelle d'une journée entière chez eux pour reprendre la forme.
La LGI était consignée et en alerte Gaindé à la caserne Samba
Diery DIALLO vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui
énervait beaucoup les hommes.
Pendant six mois, capitaine très combatif, avec mes lieute-
nants Balla Beye, Diongue, Loumbol SY et Cheikh Saadibou
NIANG, je fis régner l'ordre à Dakar sous la conduite et l'assis-
tance directes du Colonel Charles César Emmanuel DIEDHIOU,
boy Dakar et Officier de très grande valeur.
Au mois de septembre 1988 je dus rejoindre la Gambie ou
j'avais été affecté depuis janvier 1988 toujours par effet domino,
C’était pour remplacer un de mes anciens le Capitaine Thierno
LO qui devait aller faire son brevet d'état-major en France.

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Cette affectation me replongeait dans l'univers de l'ensei-
gnement et je me retrouvai à Banjul avec deux fonctions ; Ad-
joint au Commandant de la Gendarmerie Confédérale et Com-
mandant de Gambian Gendarmerie Training School.
La première fonction me prenait tout mon temps et je délais-
sai la seconde à mon adjoint le Lieutenant Wagane FAYE qui y
fit un excellent travail. Je profitais de la situation pour tisser un
ensemble de relations avec beaucoup d'officiers Gambiens avec
qui j'avais à la différence des officiers Sénégalais qui les mépri-
saient d'excellentes relations.
Ces relations sincères ont pu se poursuivre après la confédé-
ration et encore servir le restant de ma carrière et dans certaines
de mes fonctions. Le colonel CHONGAN, célèbre opposant au
coup d'état du seize juillet a été le point focal de ses relations et
gagné par la force des choses, le respect, l'estime et l'amitié.
J’ai partagé avec lui ses honneurs, ses désillusions, ses dé-
boires comme un frère. Je lui dois beaucoup notamment dans
l'entretien de mes enfants en Europe. Il me doit avec certains
officiers de renseignement occidentaux sa survie dans les geôles
de JAMMEH.
Yaya JAMMEH était en fonction dans mon secrétariat en
qualité de planton, fonction qu'il détestait par-dessus tout, Il
était particulièrement indiscipliné et discourtois.
Cette attitude s'expliquait à travers des échignements qui me
poussaient à souvent le provoquer. Chaque matin, dès ma des-
cente de véhicule, mon premier geste était de lui tendre un billet
de cinq dalasis, monnaie gambinne, pour aller m'acheter un
paquet de Dunhill à la boutique du coin.
Sa fierté en était toujours heurtée. Il ne pouvait pas ne pas le
faire et toujours par des haussements d'épaule, des gloussements,
il m'insultait en diola ou socé avant d'aller acheter les cigarettes.
J'en étais heurté et je voyais les autres Gambiens en rire sans
jamais prendre la moindre sanction. Je voulais attendre le bon
moment pour me le farcir pour de bon.
Ce moment arriva un jour où ses gloussements furent plus
compréhensibles. Je le convoquai sur le champ à l'intérieur de

65
mon bureau pour le sermonner. Il justifia son comportement par
la discrimination que les Sénégalais faisaient entre les militaires
gambiens.
Il estimait que les wolofs étaient privilégiés face aux autres
ethnies et que c’est chez eux que le corps des officiers se for-
mait et se recrutait. Il me montra ses diplômes et je dus ad-
mettre l'évidence et décidai de le nommer automatiquement
élève officier avec rang d'aspirant. Erreur ou justice, je ne vou-
drais jamais répondre à cette question.

66
Chapitre 5
Le commandant d’escadron mobile
1987, 1988, 1990

Je revins à Dakar à la suite de l'éclatement de la Confédéra-


tion Sénégambie. Le Président Diawara croyait avoir stabilisé
son régime ; il dénonça les accords de Kaur, fit éclater la Séné-
gambie. Le Président DIOUF, plus qu'énervé, nous donna 48
heures pour quitter le territoire gambien.
Contre la volonté des militaires et même de l'opinion pu-
blique, il démontra en grand seigneur que le Sénégal n'avait
aucune volonté d'annexer la Gambie. Les troupes y étaient à la
demande des autorités gambiennes et avec leur consentement.
Cette présence de mille cinq cents gendarmes, soldats, marins
aviateurs et sapeurs de tout grade n'était bénéfique qu'à la Gam-
bie et coûtait très cher au budget national.
Cette aventure de la Confédération fut très mal vécue par les
troupes confédérales entièrement équipées avec des matériels
sénégalais sans aucune contrepartie de l'Etat gambien.
Les militaires Sénégalais avaient leur solde du Sénégal, sans
prime ni aucun avantage lié à leur expatriation dans un pays tiers.
Les militaires gambiens comme leurs fonctionnaires de la confé-
dération voyaient leur salaire multiplié par dix.
En quarante-huit heures et démontrant un professionnalisme
sans faille, les forces sénégalaises avaient rejoint Dakar pour la
Gendarmerie et Bignona pour l'Armée de terre.

Je me retrouvai ainsi Commandant du 2ème Escadron Porté


de la Légion de Gendarmerie d'Intervention. Je retrouvai rapi-
dement le train-train quotidien des unités mobiles, instruction,
jalonnements, services d'ordre et maintien de l'ordre.
Le Deuxième Escadron Porté me donna toutes les satisfac-
tions que je pouvais attendre d'un commandement direct sur

67
plus d'une centaine d'hommes. Il comptait deux Officiers, une
vingtaine de gradés et cent très jeunes gendarmes qui se prépa-
raient au DAP, diplôme d'aptitude professionnelle indispensable
pour une carrière honorable en Gendarmerie. Dès lors, je fis de
l'instruction de mon unité une priorité absolue pour préparer
gradés et gendarmes aux concours professionnels,
La plupart du temps, je dispensais la plupart du temps les
cours avec l'appui constant et apprécié de mes Lieutenants,
Ismaila Sarr et Emile NTAB. Le Lieutenant Lamine MBAYE,
Commandant du Troisième Escadron Porté fit le même effort en
mutualisant nos compétences.
Cet effort soutenu, aussi bien dans notre base de Leclerc que
dans les nombreux déplacements en Casamance, nous permit
d'obtenir dans le groupe d'escadrons des taux de réussite excep-
tionnels. Ainsi, la plupart des gendarmes du deuxième voire du
troisième porté commandé à l'époque par cet officier de valeur
sont des gradés et commandants de brigades qui ont écrit de
belles pages dans l'évolution finale de la Gendarmerie.
J’avais créé un vivier de gendarmes compétents, engagés et
fiers qui ont permis à l'unité de se distinguer dans les missions
ordonnées par le Haut Commandement et dans toutes les presta-
tions planifiées par les Forces Armées.
Cette unité a brillamment défendu la centrale électrique de
Boutoute. Il s’agissait de la première attaque d'envergure des
rebelles sur Ziguinchor depuis les évènements de Diabir qui
avaient déclenché l’insurrection en Casamance.
Un peloton du Deuxième Porté aux ordres du Lieutenant Is-
maila SARR a fait un carton mémorable à Kamaracounda sur
une colonne rebelle, permettant au Général Gouverneur de pré-
senter pour la première fois des rebelles morts aux médias. Is-
maila SARR d’initiative, et en bon fantassin, a cueilli les re-
belles qui avaient harcelé Boutoute toute la nuit.
La capacité et l'engagement de mes deux adjoints me permi-
rent de préparer mon DAGOS et de le réussir brillamment avec
une moyenne très honorable. Je sortis major du DAGOS toutes
les forces armées avec plus de seize de moyenne, le deuxième
ayant eu un peu plus de douze.

68
Je fus très déçu du tableau d'avancement qui suivit ce DA-
GOS, non seulement du fait de mes notes exceptionnelles du
DAGOS, mais surtout pour le travail accompli pendant six mois
en Casamance avec deux unités et en l'absence de tout Officier
supérieur
J'avais apporté une certaine quiétude aux populations grâce à
un emploi correct des unités de Gendarmerie, une collaboration
sans faille avec le Commandant Tamsir DIOUF patron du GMI
et un appui constant de la zone militaire.
Les différents corps de sécurité, pour une fois, ne rechi-
gnaient pas à la tâche et remplissaient la mission avec ferveur et
imagination sous le regard compétent et bienveillant du Général
Amadou Abdoulaye DIENG, Gouverneur.
Je fus très découragé par le choix du Commandement qui
avait préféré nommer d'autres officiers sur d’autres critères. Le
Major du DAGOS, dans le cadre des traditions, était toujours
nommé Chef d’escadrons ou de bataillon, selon son arme, le
premier juillet de l’année qui suit l’examen. La question ne
relevait ni du mérite, encore moins de l’emploi, mais d’une
tradition jusque-là respectée.
Des problèmes d'argent et de PGA, prime globale d'alimen-
tation m'opposèrent au Commandement. Au retour de la mis-
sion et une fois à notre base, j'avais fait réaliser beaucoup de
matériels pour l'unité, des matériels de loisirs comme des télévi-
sions et vidéos, des matériels de cuisine pour faciliter les dépla-
cements et surtout des batteries de véhicules pour nos SM8 ; il
fallait souvent pousser pour les faire démarrer.
Le reste des fonds alloués comme PGA, fut géré de façon
transparente par une commission élue par les sous-officiers
pour régler les cas sociaux de l'unité.
Cette façon de procéder fut décriée par les autres Officiers
de la LGI qui disposaient des fonds restants de la PGA comme
ils l’entendaient. Ils s'en servaient souvent pour se faire cons-
truire des maisons ou offrir des cadeaux somptueux à leurs
Chefs dans le but de pérenniser leur séjour en zone sud.

69
Ne pouvant me punir ou encore moins entreprendre une
quelconque action contre moi, et en prétextant mon DAGOS, on
me nomma Chef de la Division Justice Militaire à l'Etat-major
Gendarmerie.
Il n'y avait même pas de bureau pour cette Division, qui dans
l'entendement du Commandement n'avait pas d'importance.
Généralement, un Chef de Division important comme la
DEOOS prenait en charge cette Division. Tout était à créer. En
commençant par retrouver les textes épars pratiquement dans
toutes les divisions ou la justice militaire était plantée selon les
humeurs et décisions du Général.
Je devais me trouver du personnel et surtout donner de l'im-
portance à ce Service. J'étais le seul Capitaine Chef de division
et souvent je me retrouvai à faire la corvée de l'Etat-major Gen-
darmerie ou j'étais taillable et corvéable à merci.
. Je finis par donner de l'envergure à ma division en faisant
un travail remarqué par les magistrats et l'Etat-major général, ce
qui permit de mettre à jour les dossiers et en rendant les juge-
ments attendus à la satisfaction de tout le monde.

70
Chapitre 6
Libéria forever

La décision de l'Etat d'envoyer des troupes au Libéria dans le


cadre de l'ECOMOG fut une nouvelle donne. La Gendarmerie,
tenant compte du TED Tableau d'Effectif et de Dotation devait
fournir un détachement de cinquante hommes dont un Lieute-
nant-colonel, un chef d'escadron et trois Capitaines. Les qua-
rante-cinq autres éléments devaient être des sous-officiers de
tous grades.
Le Colonel Bamalick NDIOUR, un grand guerrier fut chargé
de mettre sur pied cette unité prévôtale spéciale sur la base de
volontariat. Un message de Commandement fut pris à cet effet
et beaucoup de sous-officiers se portèrent volontaires. Mais il
n'y eut que le Colonel NDIOUR comme Officier volontaire.
Le Commandement entama des discussions avec l'Etat-
major Général des Armées pour revoir à la baisse le quota des
Officiers de Gendarmerie.
L'EMGA préféra un Commandant pour diriger la section
Gendarmerie à la place d'un Lieutenant-colonel. En effet, pour
respecter le TED du Bataillon de Commandement et des Ser-
vices commandé par un chef de bataillon, tous les chefs de ser-
vice devaient avoir le rang de commandant.
Le Général GOMIS convoqua un à un la plupart des Com-
mandants de Gendarmerie pour leur octroyer le commandement
de la prévôté du Libéria. Chacun trouva un prétexte pour refuser
ce cadeau empoisonné. Personne ne voulait aller se faire tuer au
Libéria, surtout que rien n'était défini en termes de primes ou
avantages.
Après trois jours de rencontres infructueuses, le Colonel Sy-
limane SARR, Haut Commandant en Second, lui suggéra de
faire appel à moi pour diriger la prévôté du Libéria. Il me con-
voqua et sans discussion préalable, il me tint le langage que

71
voici : « Tout le monde me dit que tu es un guerrier, l'Honneur
de la Gendarmerie est entre tes mains, je te désigne pour aller
au Libéria ».
Je lui répondis que la note exigeait un Commandant pour
conduire l'unité. Il me répondit : « Tu as le DAGOS et je te fais
commandant électronique ».
Je lui exprimai mon refus d'être « électronisé », c'est-à-dire
porter le grade à titre temporaire. Il me promit de me faire gar-
der les galons, que je n'aurais pas à les enlever et qu'il m'inscri-
rait d'office dans le prochain tableau d’avancement.
Tout fier, je lui répondis que je suis un militaire et que, s'il
me désigne pour cette mission, j'obéirai, mais que je tenais à
rester capitaine, ce que j’étais et dont j’étais très fier.
Il n'avait aucune autre solution. Il appela le Commandant de
contingent, le Colonel Mountaga DIALLO, pour lui faire part
de la situation : il n'avait qu'un Capitaine pour diriger la prévôté.
A l'impossible nul n'etant tenu, je pris sans amertume ce
commandement, fit faire mes "deubba deubb" avec ma très
chère et irremplaçable mère et confia mon destin à Dieu.
Je préparai l'unité dont je connaissais la plupart des sous-
officiers qui avaient été formés quelques années plutôt à l'Ecole
de Gendarmerie. Ils me connaissaient et la plupart avaient une
confiance aveugle en moi.
Ils furent excellents dans une mission difficile. Ils se com-
portèrent avec confiance, détermination et courage et firent
respecter la loi souvent dans des conditions extrêmes. Je payai
de ma personne pour que la flamme de la Gendarmerie brille, et
participe à une des belles épopées des Forces Armées sénéga-
laises.
Nous étions partis en soldats de la paix apporter notre aide et
notre soutien à un peuple frère et martyrisé par une guerre civile
folle, sauvage et incontrôlable. On nous imposa une guerre à
laquelle nous n'étions pas moralement préparés. Nous vécûmes
des monstruosités insoupçonnables sur terre.

72
Je me rappelle de notre arrivée à Ramroad, camp militaire au
temps de la splendeur du Président Samuel DOE. Cette caserne,
construite par Samuel DOE devait abriter, vu sa configuration,
une unité blindée ou mécanisée de la défunte armée nationale
libérienne. L'ECOMOG nous assigna cette caserne comme base
du régiment sénégalais du Libéria.
Nous étions une cinquantaine d'hommes officiers d'Etat-
major, sous-officiers logistiques et hommes du génie, à consti-
tuer la première vague qui avait embarqué pour Monrovia à
bord d'un C 130 américain.
Nous avions quitté Dakar à six heures pour atterrir à Mon-
rovia vers onze sous la conduite de l'Adjoint Chef de corps du
bataillon des commandos, Balla KEITA.
On attendait deux autres vagues qui devaient atterrir à inter-
valle régulier de trois heures, soit au total cent cinquante
hommes le 21 octobre 1991 pour préparer l'arrivée du régiment,
mille sept cents en deux mois.
Des camions du contingent Nigérian nous déposèrent en face
de Ramroad. Bizarrement le capitaine Nigérian, Chef de la rame
et du convoi nous indiqua juste le camp, sans vouloir y pénétrer
avec nous.
Balla KEITA demanda au Capitaine Ansoumana SARR de
mettre en ordre les hommes et m'invita, avec les deux autres
officiers qui faisaient partie de la vague, à inspecter Ramroad
sous le regard moqueur et ironique des Nigérians qui nous en-
viaient pourtant nos uniformes US, une première en Afrique.
Ramroad était juste un immense champ de ruines abandonné
depuis plus de cinq ans, après des combats très meurtriers dont
on voyait sur les murs les traces de balles et les effets destruc-
teurs des tirs de mortiers et de canons. Ramroad n'avait plus ni
toitures, ni portes ni fenêtres.
De hautes herbes avaient envahi tant la cour que les hangars
et il était inimaginable que l'Etat-major de la force de l'ECO-
MOG nous ait assigné une telle résidence. Les populations lo-
cales environnantes, deux centaines, voire un millier commen-

73
cèrent à s'approcher de notre colonne et semblaient nous défier
de prendre Ramroad.
On ne pouvait comprendre les sentiments de ces personnes
envers nous, leurs visages exprimaient autant la compassion que
l'étonnement, autant la surprise que la défiance. Ils semblaient
nous demander « soldats sénégalais, que valez-vous ? ». Les
Nigérians dans un anglais argotique riaient sous cape. Sans répit
et de façon très professionnelle, Balla KEITA continua de diri-
ger l'inspection et la prise en compte de Ramroad .
Nous découvrîmes l'horreur, des squelettes d'hommes, de
femmes et d'enfants qui après cinq ans de décomposition
s'étaient collés au sol dans des postures indescriptibles.
On comprenait juste que des familles, certainement les fa-
milles des militaires qui occupaient Ramroad, avaient été mas-
sacrées et abandonnées là, à se décomposer sans enterrement ni
autre forme de sépulture. Il n'y avait plus d'odeur de cadavre,
non rien que des squelettes encastrés dans le parquet.
Les cinq officiers que nous étions, Balla KEITA le com-
mando, Farba SARR le marin, Pape Demba DIOP le fantassin,
Ansoumana SARR l’artilleur, et moi le gendarme ne pûmes rien
exprimer, nos regards étaient perdus, nos voix éteintes et je
pense que c’est notre responsabilité de chef qui dut nous con-
duire à rester dignes.
Comme dans un film, nous sortîmes de Ramroad meurtris
mais dignes et fiers. Dès lors, Balla Keita donna les seuls ordres
qu'il pouvait donner. Il ordonna au génie de creuser une très
grande fosse et demanda aux Nigérians de nous fournir du ga-
soil et de l'essence.
Nos hommes firent mettre les armes en faisceaux sous la
garde de deux commandos de l'équipe de protection et com-
mencèrent à ramasser les restes humains pour les enterrer dans
la grande fosse que creusait le Génie.
Combien de squelettes avait on ramassés, je ne saurais le
dire. Je préférai assister au montage des moyens de transmis-
sion et je me proposai pour contacter Dakar et exprimer les

74
besoins urgents surtout en produits de désinfection à rapporter
par la troisième vague.
Les populations libériennes, qui comprirent vite notre déci-
sion de prendre possession de Ramroad, comme un seul homme,
vinrent sans explications nous aider à rassembler les squelettes,
désherber et mettre en ordre la caserne.
Ramroad, après cinq ans de tragédies, reprenait vie sous la
conduite d'un commandant sénégalais qui venait de gagner la
meilleure des batailles, la bataille des cœurs. Les populations
environnantes nous avaient adoptés pour notre courage, notre
dignité et notre professionnalisme.
Les enfants nous demandaient si nous étions des Américains.
Plusieurs contingents de l'ECOMAG n’avaient pas voulu de
Ramroad et les populations les avaient défiés de prendre pos-
session de ce lieu plus que hanté.
Trois jours après cet épisode, quatre cents militaires Séné-
galais fiers et chantants avaient pris pleine possession d'un des
lieux les plus symptomatiques de la capitale libérienne. Des
mosquées se dressèrent devant les hangars comme pour faire
fuir Satan qui s'était élu dans ce lieu de massacre.
Je me rappelle de Vahun, symbole de la trahison et du dés-
honneur du National Patriotic Front of Liberia de Charles
TAYLOR.
Après maintes réunions et discussions, Charles TAYLOR
avait fini par accepter le déploiement de l'ECOMOG dans sa
zone pour conduire le désarmement des rebelles. Le Régiment
Sénégalais reçut la mission de prendre le contrôle du Lofa et de
Cape Mount.
Nous venions de passer neuf mois de villégiature à Monro-
via et étions pressés et heureux de faire la mission pour laquelle
nous avions quitté le Sénégal. J'accompagnais le Commandant
de contingent, le Chef de l'Etat-major et le Chef de corps dans
une opération de reconnaissance du Lofa que devait contrôler le
bataillon des commandos.
Cette région du Libéria était presque vierge, sauvage, très
difficile d'accès, peu habitée et située en pleine zone forestière.

75
Quarante huit heures étaient nécessaires pour parcourir les sept
cents km qui séparent Foya, la capitale régionale de Monrovia.
Le premier codo avec Mbar Faye s'installa à Foya et le se-
cond avec Daouda NIANG s'installa à Vahun. Le Chef de corps
avec son état-major s'installa avec le premier codo, Balla Keita
préféra rester avec le second codo installé à Vahun distante de
45 km.
Dieu seul sait pourquoi, Balla KEITA resta avec le deu-
xième codo, Décision prémonitoire du Commandant de contin-
gent, hasard ou enfin baraka de cet officier, guerrier dans l'âme
et professionnel indiscutable de la guerre.
Il écrivit en lettres d'or une des plus belles pages de l'histoire
des forces armées sénégalaises à Vahun, page qui lui vaudra à
jamais l'admiration et le respect des hommes de VAHUN.
Dix jours après son installation, le deuxième commando su-
bit l'attaque de plus de trois cent rebelles dans un combat en
trois phases. En premier lieu, le Commandant NPFL fit provo-
quer un incident contre les hommes chargés de faire le marché
quotidien de la compagnie, trois hommes non équipés, escortés
par une équipe de combat de six hommes. Ces hommes furent
encerclés et désarmés sans autre forme de dialogue.
En second lieu, face à cet incident, le Capitaine Niang avec
quelques hommes se porta au secours de son équipe. Il fut fait
prisonnier et enfermé. Il y eut quelques échanges de coups de
feu entre l'escorte du Capitaine et les rebelles du NPFL.
Enfin, face à cette situation qui commençait à prendre des
dimensions incontrôlables, Balla Keita fit renforcer le canton-
nement en mettant en garde deux sections sous les ordres du
Lieutenant WADE et prit la section restante pour se porter au
niveau du marché et s'enquérir de la situation.
Malgré toutes les mesures de sécurité prises, il tomba avec la
section dans une embuscade aux environs du marché. Sans re-
fuge et avec une discipline de feu inimaginable, la section
commando fit face à plus de trois cents rebelles de dix heure et
trente minutes à vingt heures sans blessés ni pertes.

76
Le Lieutenant WADE avec ses mortiers cassa tous les as-
sauts rebelles sur les directives adéquates de son Commandant.
Il fit de même face à tous les assauts menés contre le canton-
nement par des hordes droguées et hurlantes.
Vers dix sept heures, conscients de l'impossibilité de prendre
le cantonnement, les rebelles s'acharnèrent contre la section
bloquée au marché et conduite par Balla KEITA qui dans la
confusion, put récupérer le Capitaine et son escorte.
La quarantaine d'hommes put tenir en respect et à distance
les hordes du NPFL jusqu'au-delà de vingt heures. C’est ainsi
que Balla KEITA, profitant de l'obscurité et des diversions
amorcées par les mortiers du Lieutenant WADE, put réussir
une exfiltration du marché vers le cantonnement avec quatre
blessés graves. Il regagna le cantonnement avec ses hommes au
nez et à la barbe des rebelles.
Vers minuit, le Commandant de contingent, le Colonel
Mountaga, put obtenir un cessez-le-feu auprès de Charles
TAYLOR lui-même, par l'intermédiaire de l’Officier de liaison
ECOMOG, le Colonel air Aboubakrine DIEYE.
Du compte rendu de Balla KEITA, il avait quatre blessés
graves et six disparus. Les six hommes constituaient l'équipe de
protection des trois hommes désignés pour faire le marché.
Les blessés avaient besoin d'une évacuation immédiate mais
le NPFL refusait tout survol de son territoire par des aéronefs,
même sanitaires, Le Commandant de contingent n'avait d'autre
solution que l'envoi d'un groupe avec des ambulances médicali-
sées pour évacuer les quatre blessés.
J'étais le seul Officier de l'Etat-major du régiment à con-
naître VAHUN pour avoir participé à la reconnaissance con-
duite par le Colonel dix jours plutôt.
Avec deux ambulances, ma jeep escortée par un groupe du
3ème commando de Bailla WONE, je pris la direction de VA-
HUN avec obligation de passer à MBanga, fief de Taylor, pour
avoir son autorisation écrite.
De façon tortueuse et sans halte, si ce n’est pour nous ravi-
tailler en carburant, nous pûmes rallier FOYA où nous man-

77
geâmes vers vingt et une heures. L'impraticabilité du chemin la
nuit surtout avec des ponts de fortune, nous obligeait à passer la
nuit avec le premier codo et le CDC du bataillon.
Mes hommes et moi pûmes nous reposer et reprîmes la route
de VAHUN vers cinq heures du matin toujours sous le regard
tendu et sanguinaire des rebelles qui jalonnaient la route comme
pour parer à toute initiative des Sénégalais.
Je ralliais en toute vitesse et en trois heures VAHUN où je
retrouvai le deuxième commando, ivre de sa victoire sur les
rebelles, les yeux perdus et hagards après avoir compris toute la
situation vécue l'avant-veille.
Ces hommes n'avaient pas fermé l’œil depuis plus de
soixante douze heures et pourtant ils tenaient à se montrer
dignes et fiers devant le secours que nous représentions.
Je fis part à Balla KEITA du dispositif rebelle qui les encer-
clait et de la montée en puissance qui se dessinait. Après
quelques conseils de l'infirmier, je récupérai les quatre blessés
et repris le chemin de Foya où j'arrivai vers quatorze heures.
Le médecin du bataillon, le Lieutenant DIAW, fit les pre-
mières interventions sur les blessés, en ouvrant certaines plaies,
refaisant des pansements et m'apprenant comment faire des
piqûres de morphine pour alléger les souffrances de mes quatre
hommes.
Le NPFL refusa la sortie du Lofa aux militaires qui y étaient
déployés et même au médecin qui était indispensable pour con-
duire l'évacuation sanitaire. Je repris la route avec les mêmes
hommes qui m'accompagnaient depuis Monrovia.
Nous nous arrêtâmes à ZORZOR où nous retrouvâmes avec
bonheur le Capitaine Farba Yaya WONE, une autre légende du
commando qui conduisait la colonne de ravitaillement du ba-
taillon. Il m'aida à faire les piqûres à mes blessés et je repris la
route vers M’Banga où nous arrivâmes vers minuit.
Les chauffeurs Ghanéens des ambulances me firent com-
prendre qu'ils n'en pouvaient plus et qu'on devait camper dans
cette ville et attendre le lendemain pour rallier Monrovia.

78
Je comprenais leurs besoins mais moralement je ne pouvais
attendre plus longtemps sans mettre en péril la vie des blessés.
En accord avec le Colonel DIEYE, je mis les blessés dans une
seule ambulance et avec pour seule arme contre le sommeil, un
pot de Nescafé offert par le Colonel, je ralliai Monrovia par
Karkatar.
Sans chauffeur ni escorte, j’arrivai à Monrovia, quartier gé-
néral de SINKOR à onze heures du matin. J'étais fier de ce que
je venais de faire. Le regard des hommes du BCAS qui entou-
raient l'ambulance et surtout la fierté de mes gendarmes, me
payaient de tous les efforts déployés au nom de l'engagement et
du devoir.
Je me rappelle de SINKOR, en ce mois d'octobre 1992 qui
avait vu le régiment s'ériger en réserve générale de l'ECOMOG.
Le déploiement de l’ECOMOG à l'intérieur du Libéria avait été
un échec suite aux évènements de VAHUN, évènements voulus
et planifiés par TAYLOR pour rester maître du jeu dans sa zone
qui représentait quatre vingt dix pour cent du territoire libérien.
L'ECOMOG s'était de nouveau emmuré dans Monrovia avec
le gouvernement provisoire qui ne contrôlait rien et l'aide inter-
nationale qui faisait survivre les habitants.
Les boîtes de nuit fonctionnaient grâce aux royalties des sol-
dats de l'ECOMOG. Ceux-ci profitaient volontiers de la culture
américanisée des Libériens. Ces derniers avaient fortement évo-
lué vers plus de libertés mieux ou pire que les autres peuples
africains malgré la guerre et la violence qu'ils vivaient.
Monrovia by night valait tous les sacrifices et chacun de
nous se plaisait dans cette torpeur nocturne, inconnue dans nos
pays. Le Black Sugar, la boîte conquise par les Sénégalais, dan-
sait au rythme du Mbalack de Youssou Ndour et d'Omar PENE
et du Rimbakh Papakh de Thio MBaye. ZONDEL, la proprié-
taire qui connaissait Dakar, nous livra sa boîte et prit nos dollars
avec beaucoup de finesse.
Je fêtai dans cette boîte ma nomination tardive au grade de
Chef d'escadron, mes quatre galons et mon entrée dans le sous-
corps prestigieux des Officiers supérieurs.

79
Ma joie fut de courte de durée car le quatre octobre 1992,
Charles décida d'en finir avec l'ECOMOG. Il attaqua Monrovia
par le Mont Barclay jusqu'au lieu-dit des "Red Light", uniques
feux rouges de Monrovia.
Je me rappelle du PIPELINE qui reliait les "Red Light" au
Freeport de Monrovia, situé à quatre km au nord de Ramroad, la
base de nos unités combattantes. L'attaque surprise du National
Patriotic Front of Liberia NPFL plongea Monrovia dans des
scènes de panique indescriptibles.
Après cinq années d'une accalmie précaire et le contrôle de
la ville par l'ECOMOG malgré la présence discrète des restes de
l'armée du défunt Président DOE aux ordres du fringuant Géné-
ral BOWEN, la ville était de nouveau soumise aux attaques
sanguinaires des hordes du NPFL.
L'attaque fut stoppée au niveau de Mont Barclay par le troi-
sième codo aux ordres de Super Duper, le Capitaine Bailla
DIONE. Il mourra quelques années plus tard, en 2002, dans le
Joola après avoir extrait du bateau plusieurs personnes. Il était
un Officier exceptionnel, réel marine américain, engagé, volon-
taire et doté d'un courage sans faille. Lors de cette heure de
gloire, il était secondé par le lieutenant, Camara autre légende
du commando, qui tomba à la tête du COSRI à Madina Man-
cagne en septembre 1997.
A la tète d’une unité d’élite et des hommes de valeur, ces
deux Officiers, stoppèrent la ruée rebelle et la fuite éhontée du
Léobatt et du deuxième régiment nigérian.
Comme des fauves assoiffés et voulant venger l'assassinat
par TAYLOR des six disparus de VAHUN, les commandos
décimèrent en trois jours de combat les premières vagues, em-
pêchant TAYLOR d'imposer une prise éclair de Monrovia.
L'escadron blindé du régiment sénégalais aux ordres du Ca-
pitaine Ada Koundoul relança la contre-attaque de l'ECOMOG
avec l'appui de l'artillerie guinéenne. Le troisième bataillon
sénégalais aux ordres du Lieutenant-colonel Pierre Anou
NDIAYE remit en place tout le dispositif éventré de l'ECO-
MOG

80
Je me rappelle du Consulat honoraire du Sénégal près du
fleuve qui traverse Monrovia. La communauté sénégalaise de la
ville y avait trouvé refuge pour fuir les combats de la périphérie
de la ville sous la protection d'un peloton VLRA de l'escadron
blindé du régiment.
Les populations libériennes y conduisirent un espion rebelle
infiltré pour reconnaitre les positions de l’ECOMOG. C'est au
moment où je venais cueillir cet espion que le NPFL avec des
pirogues tentait de constituer une tête de pont sur la berge et de
s'ouvrir la route du port.
Seul Officier présent, je manœuvrai le peloton pour fixer les
assaillants sur la berge. Les 12,7 sur véhicule firent la diffé-
rence et nous permirent de prendre le dessus à l’issue de deux
heures de combat. Une défense ferme rejeta le NPFL dans le
fleuve. L'arrivée du lieutenant Racine et de ses hommes du
premier commando mit fin à toute tentative nouvelle des re-
belles et sans perte amie.
Cette action me valut ma deuxième citation à l'Ordre des
Armées avec une étoile d'argent. Les Sénégalais de Monrovia
formèrent une chaîne humaine pour applaudir leurs sauveurs et
le téléphone arabe fonctionna jusqu'à Dakar ou ma mère fut
félicitée pour mon courage.
Je me rappelle l'Etat-major de l'ECOMOG attaqué par un
commando NPFL qui avait décidé d'assassiner la plupart des
Officiers. La défense fut tellement hasardeuse que le Comman-
dant de contingent décida de se faire exfiltrer par notre unité de
protection.
Le Colonel Mbaye FAYE, une autre légende par sa finesse,
son intelligence, sa rigueur et sa maîtrise de la chose militaire,
me désigna pour extraire le Colonel DIALLO. Avec deux AML
et une section commando, je fonçai sur l'Etat-major où la vue
de ma colonne fit réfléchir à deux fois les combattants du NPFL
qui rebroussèrent chemin en cessant toute action de combat.
Avec fierté et rigueur, le Colonel DIALLO sortit de l'Etat-
major avec un regard long qui exprimait tout son mépris quant à
à la défaillance du système de sécurité et de protection de
l'ECOMOG. Il ne remit plus les pieds dans son bureau de

81
l'ECOMOG et ne participa aux réunions qu'escorté par une uni-
té de protection fortement armée et soutenue par des AML.
Cette unité permettait à l'Etat-major ECOMOG, rassuré, de
tenir ses réunions quasi quotidiennes. Les soldats Nigérians
montraient un respect sans pareil aux soldats Sénégalais. Ceux-
ci en profitaient pour marquer leur territoire et conquérir davan-
tage de Monroviennes. Malgré la guerre et la rigueur du travail,
le repos du guerrier était assuré et bien assuré.
Je me rappelle du camp de Prince Johnson. L'ECOMOG re-
vigoré par les différentes opérations gagnées grâce à l'artillerie
guinéenne, aux fantassins et cavaliers Sénégalais, se définit une
aire de sécurité plus large. Il fut décidé de prendre possession
de la base de Prince Johnson qui avait fait preuve de complicité
avec TAYLOR.
Les Nigérians délogèrent Prince JONSHON de sa base en
novembre ou décembre 1992 avec l'appui de notre batterie d'ar-
tillerie qui fit merveille à chaque coup avec le capitaine SARR.
Croyant que tout était fini, l'Etat-major de l'ECOMOG déci-
da de faire visiter ce camp aux journalistes internationaux qui
voulaient se faire une idée exacte des combats de Monrovia.
Sous la houlette de Jean Karim FALL de RFI, qui sollicita
exclusivement une escorte sénégalaise, je devais conduire cette
visite d’une trentaine de journalistes venus de tous les conti-
nents. Avec une escorte du premier commando, j'entamai cette
mission que je mettais dans le cadre de la routine.
En plein milieu du camp de Prince JOHNSON, la colonne de
journalistes tomba dans une embuscade tendue par des restes
d'unités du NPFL et de Prince JOHNSON.
Une fois de plus, malgré l'affolement, les pleurs, les cris des
journalistes, et surtout quelques femmes présentes qui croyaient
descendre en enfer, les commandos firent face et nous protégè-
rent les journalistes et moi.
Je me rappellerai toujours du soldat TOP qui me cloua au sol
en tirant pour me protéger alors que je voulais aller vers l'avant.
Couché sur moi, il continua à tirer avec professionnalisme et
maîtrise jusqu'à ce que le combat cesse faute de combattants.

82
Les journalistes en avaient à raconter et effectivement pen-
dant une semaine, Jean Karim FALL fit l'éloge de l'armée séné-
galaise dans RFI.
Oui, jamais je n'oublierai le Libéria, j'y ai fêté mes galons de
Commandant le premier octobre 1992 dans un tableau complé-
mentaire, on m'avait oublié dans le tableau normal.
J'y reçus le béret commando devant l’ensemble du Régiment
et je pense être le seul gendarme à l’avoir reçu dans de telles
conditions. Nous avions été rassemblés dans le stade de Monro-
via pour nous voir décerner la médaille de l'ECOMOG.
Le Commandant de contingent, le Colonel Mountaga
DIALLO, un chef plus qu'exceptionnel, venait de gagner à lui
seul et avec la seule aide de son parent Guinéen Kerfalla CA-
MARA, la guerre de Monrovia.
Réserve générale de l'Ecomog, le contingent sénégalais a
stoppé l'attaque du NPFL, détruit la logistique du NPFL de
Charles TAYLOR avec ses commandos et bouté loin de Mon-
rovia les cohortes rebelles.
Pour ça, les commandos très fiers de leurs traditions lui dé-
robèrent son béret noir pour lui mettre le béret marron des
commandos.
J'eus droit à ma grande surprise aux mêmes honneurs, et en
reconnaissance des services que j'ai rendus à Vahun, sur le Pi-
peline et à Paynesville, je dus enlever mon béret bleu pour un
béret commando.
Ces moments inoubliables furent gravés dans l'amitié avec
les Officiers commandos de cette époque, Officiers qui sont
devenus mes meilleurs amis et même des frères.
Je citerai Balla Keita avec qui j'ai tout partagé ; Daouda
NIANG qui reste lié à moi au-delà des Armées ; Super Dupper
Baila DIONE qui vint m'annoncer qu'il est très fier de prendre
le commandement du commando et qui mourut dans le Joola
après avoir pris les consignes à Ziguinchor, et encore le Capi-
taine Camara qui disparut à Madina Mancagne après avoir dé-
jeuné avec moi dans mon repère de Ziguinchor quelques heures
plus tôt.

83
Comment pourrais-je oublier le Chef de Corps du comman-
do au Libéria, Khalil qui, après tous ces évènements que nous
avions vécus ensemble au Libéria ne se séparera plus de moi,.
Des Officiers de valeur ont partagé avec moi l'Etat-major du
régiment avec moi sous la conduite intelligente d’un des plus
efficaces officiers des Forces Armées, Mbaye FAYE. Ils, ont
été soudés par des évènements impensables, inimaginables qui
ont à jamais marqué leur vie. Je peux citer Farba SARR, Abou-
bakrine DIEYE, Pape Demba DIOP et Ansoumana "Kady" Sarr.
Ces Officiers dans les grandes composantes d'un Etat-major
inter-armées ont pu manœuvrer les deux unités de combat et les
conduire à la victoire. Des ordres clairs et sans équivoque aux
bataillons, un soutien génie et un appui artillerie bien maîtrisés
ont été des moments d'instruction pour l'Officier de Gendarme-
rie que je suis.
Ce que j'ai vécu, ce que j'ai vu et ce que j'ai fait feront que,
plus jamais, je ne pourrai être un gendarme normal. Mon destin
était tout tracé et je ne pouvais plus quitter cette vie de soudard
et mes amis du Libéria. Je redoutais le train-train de la Gendar-
merie où j'avais beaucoup de difficultés à m'insérer dans le sys-
tème.
Je reçus une décoration dans l'Ordre National du Lion de-
vant le front des troupes, en présence du Président de la Répu-
blique dans la cour d'honneur du camp Dial Diop. Je suis peut-
être le seul gendarme où en tout cas, un des rares gendarmes à
avoir été honoré dans ce lieu pour fait de guerre et avec une
citation à l'ordre des Armées à l'appui.
Cette seule décoration vaut pour moi plus que toutes les dé-
corations du quatre avril qui sanctionnent certes des mérites
mais peu de faits de guerre. Je me fichais pas mal de l'absence
de primes, des fiches de renseignement contre les Officiers du
régiment qui réclamaient leurs primes.
J'étais fier, heureux et honoré d'avoir fait partie des militaires
du régiment sénégalais du Libéria qui ont écrit l’une des plus
belles pages de l'histoire militaire du Sénégal indépendant sous
le commandement d’un officier prestigieux, glorieux et humble,

84
le colonel Mountaga DIALLO. Il sera le premier général Séné-
galais, Commandant en Chef d’une force des Nations Unies..
Ce régiment m'ouvrit plusieurs portes et des perspectives dès
mon retour au pays avec des fonctions interarmées dans tous les
domaines, mais surtout me valut la confiance de grands chefs
militaires qui voulurent partager avec moi leur commandement.

85
Chapitre 7
Le retour à la division Justice militaire
et les débuts à la DDSE

Je suis revenu à Dakar fier et heureux de faire partie des


quelques rares Officiers qui ont eu l'honneur de faire une lé-
gende vivante des jambars, nom de guerre dont venaient de se
doter les soldats Sénégalais avec la guerre du Golfe.
Contre toute attente, je fus réaffecté à la Division Justice Mi-
litaire d'où j'étais parti pour le Libéria dix huit mois plutôt. Je
n'étais pas du tout enchanté de cette affectation, ni non plus par
mon bureau, une ancienne maisonnette abandonnée qui n'avait
que des meubles rudimentaires.
Je n'étais pas dans la maison bleue, Etat-major de la Gen-
darmerie. Une fois de plus et malgré toute ma gloire du Libéria,
je me sentais exclu des centres de décision de la Gendarmerie.
J'étais rarement convoqué aux réunions de l'Etat-major mal-
gré mes fonctions de Chef de Division. Je traitais mon courrier
souvent en toute indépendance et sans aucune coordination avec
les autres Chefs de Division.
Il pouvait arriver que sur un même dossier, nos conclusions
soient diamétralement opposées, du fait qu'eux avaient reçu des
instructions du Haut Commandant, du Second ou du Chef de
l'Etat-major sans que ce fut mon cas. Un incident de ce genre
me fit renvoyer de l'Etat-major après trois mois de présence.
Un jour de juin 1993, je reçus un dossier, objet d'une en-
quête de la brigade prévôtale qui avait compétence pour exercer
la police générale et la police judiciaire sur les personnels mili-
taires de la Gendarmerie, des Armées et des Sapeurs-Pompiers.
La famille d'un gendarme décédé, notamment ses deux
veuves, avait porté plainte au niveau de la Prévôté contre un
gendarme de l'Etat-major. II avait abusé de leur confiance en

87
détournant le produit de l'assurance décès de feu leur mari, un
gendarme de la même promotion et ami du mis en cause.
A la suite du décès de son collègue, le mis en cause prit en
charge les affaires du défunt et entreprit au nom de la famille et
avec toutes les procurations nécessaires, de traiter avec les or-
ganismes comme les assurances et les banques, au nom des
veuves et enfants du défunt.
Fort de tout cela, il se mit à percevoir des fonds, les plaça à
son nom et commença à en profiter, jetant de temps à temps
quelques miettes aux réels bénéficiaires. Il fallut la tabaski pour
qu'une des veuves se révolte et fasse intervenir son frère. Ce
dernier mena une petite enquête et découvrit le pot aux roses.
La famille porta plainte au niveau de la prévôté.
L'enquête de la prévôté fit grand bruit à la caserne Samba
Dièry DIALLO. Elle fut l'objet de deux dossiers, un dossier
disciplinaire traité par la Division des Personnels et de l'Admi-
nistration et un dossier justice traité par la Division Justice Mili-
taire.
Le Général Haut Commandant dans sa bonté et sa foi décida
de faire prélever sur les émoluments du gendarme fautif une
somme mensuelle à reverser aux veuves et ce pendant plus de
vingt ans. Cette solution ne couvrait même pas la moitié du
préjudice. Cependant il décida de faire classer le dossier au plan
disciplinaire.
Il estimait ainsi avoir sauvegardé les intérêts de la famille du
défunt et aussi celle du gendarme fautif. Ce dernier aurait dû
selon toutes les normes et traditions de la Gendarmerie passer
en commission d'enquête et se voir révoqué pour faute grave
contre l'honneur.
C'est sûr qu'on était loin de la discipline de fer du comman-
dement du Général Wally FAYE qui révoquait un Officier par
an et au moins deux sous-officiers par mois.
Le laxisme et le paternalisme avaient apparemment remplacé
une discipline au-delà des normes qui avait permis à la Gen-
darmerie de faire des résultats probants et permis de tenir loin

88
de ses rangs les problèmes de corruption, de concussion ou de
prévarication.
Des officiers très jeunes et sans expérience de la vie, à vingt
six ans et même des fois moins avaient été révoqués pour des
fautes minimes. A plusieurs reprises, j'avais moi-même failli
être victime de cette justice expéditive. Cependant je n'étais pas
d'accord avec la nouvelle forme de discipline qui commençait à
corrompre les rangs.
C'est donc en toute conscience et dans le but de sanctionner
le gendarme coupable que ma fiche distingua bien les faits et
conclut qu’ils constituaient un abus de confiance aux termes du
code pénal. Les faits n'avaient aucun lien avec le service et de-
vaient conduire l'intéressé à répondre de ses actes devant les
juridictions de droit commun.
C'est le lieu de souligner que l'absence d'Etat-major au sens
strict du terme et la confiance du Général envers les Chefs de
Division faisaient qu'il signait mécaniquement les documents.
Il signa ma fiche et les décisions qui la soutenaient dont le
principal acte était de saisir le Procureur de la République à des
fins de poursuite devant les juridictions de droit commun. Deux
semaines après cette décision, le gendarme fautif était convoqué
au Parquet et placé sous mandat de dépôt.
Cet évènement fit grand bruit dans l'Etat-major et les patrons
de la Gendarmerie en furent si choqués qu'une réunion fut déci-
dée sur le champ. Le Général passa un savon à tout le monde et
chercha le coupable qui avait outrepassé ses décisions.
La DPA montra sa décision de classer sans suite le dossier
alors que j'exhibais la décision de poursuivre le fautif, signée
par le Général. J'eus droit à toutes les insultes devant mes col-
lègues avec entre autres une accusation de déloyauté et de ma-
nigances contre le Commandement.
Je fus en conséquence relevé de mes fonctions et envoyé
commander un groupe d'escadrons de la LGI. La voiture de
fonction me fut retirée et je disposais de vingt quatre heures
pour rejoindre ma nouvelle affectation.

89
Je n’eus pas le temps de rejoindre ma nouvelle affectation, le
Colonel Pape Khalil Fall venait de se voir confier le poste de
Directeur de la Documentation et de la Sécurité Extérieure. Le
même jour et son décret en poche, il se présenta au Général
Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice
Militaire pour solliciter mon détachement dans son Service.
Le Général, je pense, fut très heureux de se débarrasser de
moi, surtout avec les incidents que nous avions vécus le matin.
Il fit annuler ma mutation à la LGI et me convoqua sans délai à
l'audience du Colonel. Il dit au Colonel : « Vous pouvez le
prendre sur-le-champ et il est à votre disposition dès que vous
sortirez ensemble de mon bureau ».
Nous sortîmes et le Colonel me demanda de le rejoindre
dans les bureaux de la DDSE au Quartier Dial DIOP. Je me
rendis à Dial Diop en taxi, ne disposant plus de véhicule de
service et mon épouse ayant pris notre véhicule pour se rendre à
son travail d’enseignante.
L'audience avec le Colonel dura trente minutes pendant les-
quelles il m'expliqua ce qu'il attendait de moi en qualité d'ad-
joint et de coordinateur du Service. Il me montra mon bureau
qu'il dit provisoire et me demanda de l'accompagner au Cap
Manuel, où il voulait ériger le nouveau Service. Il fut surpris de
me voir sans véhicule et dit à un caporal de se mettre à ma dis-
position.
Le Caporal s’avança dans une R21 toute neuve. Le Colonel
me fit comprendre que cette voiture m’était affectée et une autre
Peugeot 505 serait aussi à ma disposition.
Les Commandants de la gendarmerie mobile et de la gen-
darmerie territoriale, de grands Colonels roulaient en Peugeot
405 alors que je venais de disposer de deux véhicules de service
de haute gamme, une Renault 21 Nevada et une Peugeot 505.
Pour la première fois, j’entrais dans la cour des grands.
L’entrée dans la cour des grands se fit avec une aisance par-
ticulière. Le Colonel Fall connaissait son affaire et était le meil-
leur spécialiste dans son domaine. Il était particulièrement intel-
ligent, avait les relations politiques, diplomatiques et profes-
sionnelles indispensables dans le Renseignement.

90
Il rassembla dans ce Service des hommes qui pendant deux
années avaient partagé des moments durs, des moments hé-
roïques mais aussi des moments héroïques, des moments durs,
mais aussi des moments d'exaltation de l'état militaire. Le noyau
dur de la DDSE était composé des officiers et des sous-officiers
du Libéria, tous les hommes de troupe venaient en effet du ba-
taillon commando que le Colonel y avait conduit avec tant de
faits d'armes.
Le Colonel fit preuve d'une capacité d'organisation sans
commune mesure. Il démontra de telles qualités d'instructeur
que chacun de nous conscient de sa responsabilité, donna tout
l'engagement, tout le zèle et tout le dévouement dont il était
capable, pour remplir avec cœur et fierté l'ensemble des mis-
sions dévolues à notre Organisme.
Le Colonel se fit octroyer des moyens de travail, mobilité,
informatique et finances qui facilitèrent la mission. La con-
fiance personnelle née au cœur des méandres de la guerre du
Libéria nous libéra et nous fit donner toute notre énergie.
Une famille soudée, engagée et volontaire prenait en mains
la fourniture de renseignements fiables aux autorités politiques
et militaires du pays.
Des résultats probants sur lesquels je ne donnerai que
quelques exemples peuvent être inscrits au tableau d'honneur de
la DDSE de cette époque et personnellement, de par ma qualité
de gendarme ou d'ancien de la Gendarmerie, facilitèrent les
choses.
La première affaire où mes talents de nouveau barbouze
m'interpellent est l'affaire Maître SEYE, du nom de ce magistrat
du Conseil Constitutionnel, lâchement assassiné en juin ou juil-
let 1993.
A l’époque de l’assassinat de Maître SEYE, j'étais Chef de
la Division Justice Militaire et détaché à l'Etat-major mixte du
Ministère de l'Intérieur en charge de la coordination des opéra-
tions de maintien de l'ordre entre toutes les forces de sécurité.
Je fus le premier gendarme au courant de l'assassinat de Me
SEYE, je ne voulus pas en rendre compte à la Gendarmerie par

91
radio mais le fis par téléphone au Commandant des forces de
Gendarmeries en opérations. C’est le Directeur Général de la
Sûreté Nationale qui annonça la nouvelle au Haut Commande-
ment de Gendarmerie.
Une demie heure après c drame, je pus fournir, des pre-
mières informations recueillies par la police et notamment la
description du véhicule des assaillants
Je rappelle que la gendarmerie et les forces de police au
moment des faits étaient en opération de maintien de l'ordre
pour les besoins de la proclamation des résultats des élections.
Les forces mobiles occupaient les points stratégiques de la capi-
tale.
J’étais fort de mon expérience des années 88 où avec le Co-
lonel Charles DIEDHIOU, l'école de gendarmerie, nous sau-
vâmes le régime des assauts de la jeunesse sopiste,En effet ,
avec son encadrement, ses élèves maréchaux de logis, ses
élèves gendarmes et 600 gendarmes auxiliaires nou avions pris
en mains le quadrillage de Dakar pendant six longs mois.
Le dispositif mis en place par le Colonel Diedhiou et que je
commandais avait produit des résultats rapides. En 48 heures, il
avait ôté toute initiative aux manifestants et permis avec l'état
d'urgence de gérer politiquement la crise.
La police avait ainsi pu resserrer son dispositif et protéger
les bâtiments administratifs dans Dakar intramuros. Cette expé-
rience me poussa à recommander d'établir des barrages filtrants
dans tout le territoire national pour rechercher et arrêter les cri-
minels qui avaient perpétré leur acte dans une Peugeot 505 de
couleur sombre grise ou marron.
Ce conseil donné par radio au nom « de soleil », indicatif de
l'Etat-major mixte ne fut pas suivi et deux heures après les faits,
la Gendarmerie nationale était désignée pour mener l'enquête.
Présent en plein milieu policier, je sentis toute la révolte et
toute la colère des policiers, surtout de grands responsables. Ils
ne comprenaient pas qu'une enquête de cette envergure puisse
être confiée à la Gendarmerie et non à la police, qui selon eux,
était dix fois plus outillée dans cette affaire.

92
La réunion au sommet de la hiérarchie policière, dont je pus
bénéficier de primeur des informations, se tint dans le bureau du
Ministre de l'Intérieur à quelques pas de la salle de réunion So-
leil, permit d'arrondir les angles. Le Ministre Madieng Khary
DIENG, malgré la révolte et l'indignation des responsables de la
police permit la collaboration entre les deux forces.
La police prit en mains cette affaire et ma position de Soleil,
me permit de suivre l'évolution des données. Elle me permet de
témoigner des bonds vertigineux de l'enquête, grâce aux infor-
mations fournies par la police. Convaincue et engagée, elle
apporta toute sa collaboration, toute sa compétence et tous ses
moyens pour parvenir à des résultats.
Chance ou malchance, le Colonel Diedhiou, Commandant de
la Gendarmerie territoriale voulut de moi dans son équipe pour
prendre en charge les aspects procéduriers, mais le Comman-
dement n'accéda pas à sa demande et moi-même je ne me sen-
tais pas dans son équipe pour diverses raisons. C'est durant cette
enquête que je fus affecté à la DDSE.

93
Chapitre 8
Le barbouze et l’affaire Maître Seye

Un an s'était écoulé depuis la disparition de Me SEYE quand


le Haut Commandant en Second, le Général Mamadou DIOP fit
appel à moi. Il me sollicitait pour donner suite à une plainte
émise contre les enquêteurs de l'affaire pour actes de tortures
contre certaines personnes gardées à vue puis placées sous
mandat de dépôt.
Une procédure spéciale était mise en œuvre pour prendre en
compte cet aspect de l'enquête et donner suite à la volonté du
Procureur Général près de la Cour d'Appel de se faire une idée.
Je désignai le Capitaine Sidya Diedhiou, un de mes anciens
élèves, bon officier de police judiciaire pour me seconder.
Ma fonction DDSE me permit de mieux situer le contexte de
l'enquête et de fixer moi-même les limites de mon action. Je
connaissais la plupart des magistrats et des avocats en charge du
dossier pour avoir partagé avec eux les amphithéâtres de la Fa-
culté de Droit. Ils me respectaient par mes résultats.
En réalité, cette enquête devait établir en toute indépendance
s'il y avait eu ou non actes de tortures sur certaines personnes
qui accusaient de prétendus commanditaires. Ces accusations
obligeaient le juge d'instruction à maintenir en détention cer-
tains responsables du PDS. Ces personnes étaient les liens les
plus probants entre le PDS et les prétendus auteurs des faits.
Le premier, le député libéral des Sénégalais de l'extérieur,
Mody SY, avait été désigné comme complice des auteurs du
crime pour avoir remis la somme qui avait permis l'achat des
armes.
Son procès-verbal d'audition établi par les hommes du Colo-
nel DIEDHIOU établissait de fait cette complicité et il recon-
naissait avoir participé sur instruction du leader de son parti à la

95
fourniture de moyens notamment par la remise de fonds qui
avaient servi à l'achat des armes.
A quatre reprises et pendant plus de trois heures à chaque
fois, j'ai interrogé Mody Sy en présence du Capitaine DIED-
HIOU qui transcrivait l'audition. Je l'ai fait examiner par un
ensemble d'experts.
J'affirme sans regret qu'il fut torturé et bien torturé dans les
locaux de la gendarmerie de Thionck. Ces tortures ont laissé des
séquelles inguérissables et humainement il n'a pas pu tenir sous
ces tortures. Toutes les déclarations par lui faites au Colonel et
à son équipe n'ont aucune valeur juridique.
Je ne le disculpe pas, et Dieu m'est témoin. Je ne peux dire
s'il a fait ou non ce qu'on lui reproche. Les conditions de son
interrogatoire sont des actes de non-droit et enlèvent toute cré-
dibilité à ses déclarations.
Il en va de même des déclarations de la petite amie de
DIAKHATE, un des prétendus tireurs de la bande à Clédor.
Cette femme du nom de Rama, habitante de Pout, avait été arrê-
tée et interrogée par les enquêteurs du Colonel DIEDHIOU.
Elle aurait mis à la disposition des prétendus assassins et des
commanditaires, le verger de son père sis à Pout. Ces personnes
ont pu s’y réunir et préparer l'attentat contre Maître SEYE.
Cette femme donna aux enquêteurs plusieurs détails et des
noms, ce qui laisse supposer sa participation effective et la vé-
racité des faits qu'elle signa sous serment.
Devant le Juge d'instruction, elle nia tous les faits et fit état
des tortures et sévices qui l'auraient poussé à déclarer tout ce
que voulaient entendre les gendarmes.
Je l'ai interrogée en présence du Capitaine DIEDHIOU qui
transcrivait. Je peux affirmer avec des experts requis qu'elle a
été effectivement torturée. Au plus dur de ces moments, une
bouteille de coca cola dans son sexe a servi à lui faire avouer
beaucoup de choses.
Je ne peux ni affirmer ni infirmer la tenue de la réunion entre
les commanditaires et les prétendus assassins dans le verger en
question car toutes ces informations ont été obtenues au moyen

96
de coups et sévices interdits par la loi et les conventions interna-
tionales.
J'ai entendu tous les gendarmes enquêteurs qui entre autres
choses ont nié lusage d'actes de tortures pour obtenir les rensei-
gnements fournis à la justice. Ils affirment qu’en leur âme et
conscience avoir respecté toutes les conditions d'exercice de la
police judiciaire et même accusent le pouvoir politique de vou-
loir s'entendre sur leur dos.
Ils m'ont pour la plupart accusé de faire le jeu des politiciens
et que mon nouvel état de barbouze en était la pleuve la plus
éclatante. Ils demeuraient convaincus que les personnes arrêtées
et déférées devant les tribunaux étaient auteurs des faits tels que
décrits par les procès-verbaux.
Ils disent regretter les accusations à eux faites et qui enta-
chent leur honneur alors que depuis un an, ils avaient tout fait
pour établir la matérialité des faits remis à la justice.
Ils fondent leur alibi sur le fait qu’aucun des prétendus au-
teurs, Clédor, Assane DIOP et Diakhaté ne peut prétendre avoir
été torturé. Samuel SARR non plus, accusé d'avoir financé
l’opération ne peut non plus faire état de tortures. Alors pour-
quoi justement les deux autres qui sont le lien le plus établi
entre auteurs et commanditaires.
Je fis un rapport en deux exemplaires, un au parquet général
de la cour d'appel, l'autre au Haut Commandant de la Gendar-
merie. Ce rapport établit sans équivoque et de façon formelle
que Mody SY et Ramata, la petite amie de Diakhaté ont été
torturés par la Gendarmerie.
Il y était joint une planche photographique et les avis des ex-
perts pour prouver les sévices et les coups portés qui ont laissé
des lésions sur les deux personnes des fois inguérissables et des
fois qui mettront du temps à disparaitre.
Ce rapport exploité par la justice permit de faire annuler cer-
tains procès-verbaux. Ces annulations conduisirent à lâcher, à
tort ou à raison la piste du PDS.
Les enquêteurs de la Gendarmerie me reprocheront toujours
d'avoir pour des raisons politiques sauvé le PDS et d'avoir per-

97
mis l'entente DIOUF WADE dans le but de faire table rase de
l'affaire Maître SEYE.
Je ne doute pas du résultat de mon enquête qui a effective-
ment abouti à annuler des pièces essentielles du dossier. Mais
j'affirme avec toute ma conscience, tout mon honneur et ma foi
que la torture a été un instrument pour obtenir certaines infor-
mations. Ma conviction d'officier et de légaliste m'interdit d'ac-
cepter la torture comme preuve quels que soient les faits.
Les enquêteurs ont fait des actes de torture et de barbarie que
rien ne peut justifier. Ces actes ont permis peut être à des com-
manditaires d'échapper à la justice. Le barbouze n'a rien à voir
avec les décisions du Juge d’instruction.

98
Chapitre 9
Officier de renseignement

Le coup d'État de Gambie des quinze et seize juillet 1994


est un autre moment de faits d'armes de la DDSE. Une bonne
prise en compte de la Gambie par moi-même, du fait de liens
particuliers avec ce pays, me donna des atouts certains dans la
gestion de ce pays. Avec l'aide d'amis gambiens qui avaient
servi sous mes ordres au temps de la Confédération, je pus
mettre un dispositif de recherche assez probant.
La collaboration sur place avec des services étrangers
comme la DGSE ou l'Intelligence Service qui avaient besoin de
mes amis gambiens, l'appui précieux du Conseiller économique
de l'Ambassade, un Officier des Douanes très conscient des
enjeux et surtout le courage et le flegme d'une audacieuse Séné-
gambienne du nom de Yacine, permirent de mettre en place un
outil performant.
La révolte de jeunes officiers et leur mise aux arrêts nous est
rapportées le quinze juillet vers vingt et une heures par Yacine,
présente à l'aéroport de Yundum pour le retour de du président
Diawara. Elle nous permit de mettre en alerte toutes nos an-
tennes dans la nuit du 15 au 16 juillet.
Le début du coup d'État par la libération de force des Offi-
ciers et les combats dès cinq heures du matin entre les mutins et
les forces loyalistes firent l'objet d'une fiche d'informations
déposée sur la table du Président Diouf dès huit heures.
Un agent de la DDSE, notamment le Chef de la Division Ex-
térieure est mis en route sur la Gambie dès neuf heures pour
coordonner l’action de nos agents sur place.
Avec le Capitaine Farba Yaya Wone, je pus mettre sur
planche les évènements qui se déroulaient depuis la veille avec
des renseignements forts précis. Toutes nos forces furent ainsi

99
mises en alerte avant une réunion extraordinaire du Conseil de
Sécurité convoquée par le Président de la République.
Cette réunion fut suspendue sur demande du Chef d'Etat-
major Général des Armées, qui fort des informations de la
DDSE, voulait que le conseil soit briefé par cette agence. Appe-
lé en urgence au Palais Présidentiel, le Colonel Fall fit com-
prendre que le mieux était de faire faire la situation par la divi-
sion Situation Synthèse.
Cette idée du Colonel avait deux buts, d'une part montrer
aux autorités la maîtrise de l’outil sous sa responsabilité depuis
seulement une année, et d’autre part de nous lancer devant les
personnages les plus importants de la République. Le Président
Diouf accéda à cette demande et attendit patiemment l'arrivée
des prétendus experts.
L'anecdote de cette rencontre est la déception du Haut
Commandant de la Gendarmerie qui me reprocha ma tenue et
mes cheveux assez longs, il m'intima l'ordre de ne pas me pré-
senter comme Officier de gendarmerie.
Nous fîmes au conseil un reportage quasi journalistique de
ce qui se passait en Gambie. Nous parlâmes des forces en pré-
sence, du déroulement des évènements et des possibilités of-
fertes à chaque partie. Les dépêches instantanées de l'Ambassa-
deur confirmaient au fur et à mesure notre prise en compte de la
situation.
Le Président DIOUF posa une série de questions sur les évè-
nements, sur l'état des forces en présence, sur les forces nigé-
rianes qui avaient remplacé les sénégalais depuis 1989. Il posa
des questions aux grands Commandements sur nos propres forces.
Les Ministres comme les Généraux firent de même et au
moment où le Président, fort de toutes les informations mises à
la disposition du Conseil posa la question fatidique « que fait-
on ? », on entendait les mouches volées.
Personne ne répondit ou ne voulut répondre, le moment était
solennel et grave et méritait réflexion. Farba Yaya WONE était
en train de ranger ses planches estimant que lui et moi en avions

100
fini quand le Président me demanda tout de go quel était mon
avis sur ce qu'on devait ou pouvait faire.

Je m’entendis lui répondre « rien » et lui en donner l'explica-


tion par la présence d'un navire de guerre américain dans le port
de Banjul et que cette présence en aucun cas ne pouvait être
neutre.
Il posait des questions sur le navire et ses capacités quand
son aide de camp vint lui souffler que l'Ambassadeur des États-
Unis sollicitait en toute urgence et séance tenante une audience
et qu'il se trouvait déjà dans le Palais. Le Président suspendit
notre séance en nous demandant d’attendre.
Dès sa sortie, la discussion tourna sur la qualité et la préci-
sion des renseignements fournis par la DDSE et la nécessité
d'accroître les moyens du Service.
Le Président revint au bout de dix minutes et nous fit part
des sollicitations américaines qui confirmaient point par point
les informations que nous avions fournies au Conseil.
Il félicita chaleureusement le Général KEITA, Chef d'Etat-
major Général pour la qualité des Officiers qui répondaient en
toute chose aux besoins de l'Etat et notamment l'engagement et
la compétence dont je venais de faire preuve.
Le Général GOMIS ne put se retenir et répondit au Président
qu'en fait, il y avait erreur et que l'Officier devant lui était de la
Gendarmerie et que c'est lui qui l'avait mis à la disposition des
Armées.
Pour la première fois de ma vie, le patron de la Gendarmerie
m'acceptait comme gendarme et affirmait devant la plus haute
autorité de l'Etat sa fierté d'avoir un Officier comme moi dans la
Gendarmerie. Il en fit part à tout l'Etat-major Gendarmerie en
alerte pour les évènements de Gambie.
Après la Gambie, la DDSE s'intéressa à la Mauritanie pour
contrer la politique de beydanisation entreprise depuis les bar-
rages sur le fleuve Sénégal dont le paroxysme fut atteint avec
les évènements de 1989.

101
Il était temps de prendre les taureaux par les cornes et de
donner au Gouvernement une étude prospective sur les relations
entre les deux pays et établir une stratégie de sortie de crise.

Mon ami et frère Pape Farba SARR, patron de la Division


Etudes et Prospectives, grâce à l'appui de tous les Services et
sous mon impulsion fit produire un excellent document qui
aboutira à la reprise maîtrisée des relations diplomatiques entre
le Sénégal et la Mauritanie.
Cette étude nous permit de contrer à temps la politique
d'aide et de soutien à la rébellion casamançaise entamée par le
gouvernement mauritanien pour nous déstabiliser. Je fis faire
quelques coups de main par les réfugiés Mauritaniens et organi-
ser quelques razzias de bétail qui firent comprendre aux interlo-
cuteurs que ce sera coup pour coup.
Dès lors, les deux Services prirent langue au Mali et purent
faire des échanges fructueux qui permirent aux deux Ministères
des Affaires étrangères de renouer le fil du dialogue et de réta-
blir les relations diplomatiques.
La Division Documentation conduite par les mains expertes
du Commandant Harris NDOYE, un ancien de la boîte et un de
mes anciens du prytanée fit des merveilles dans la prise en
compte des problèmes intérieurs. Deux forces très déstabilisa-
trices, le MFDC et le mouvement des Mourstarchines de Mous-
tapha SY nous préoccupaient .
Plus que le ministère de l'Intérieur, notre connaissance du
mouvement de Moustapha SY était en parfaite harmonie avec
leurs capacités.
Nos tentatives d'infiltration avaient toutes échoué, cependant
grâce à des percées périphériques, nous étions en mesure de
suivre toutes les activités du mouvement.
Nos alertes prirent de l'ampleur après la démonstration de la
violence lors des évènements de castors en décembre de l’année
d’avant. Ce sont ces évènements qui seront la répétition et la
préparation de ceux du seize février avec la mort de quatre
policiers et des blessés parmi les forces de l'ordre.

102
Nous fûmes contraints de porter des coups décisifs au mou-
vement, d'une part, d’abord en cassant sa tête par des arresta-
tions ciblées mais aussi en menant une campagne médiatique
pour salir le comportement play-boy de certains de ses diri-
geants.
En opérant dans l’ombre, nous réussimes à discréditer le
mouvement et à donner au Gouvernement les moyens de discu-
ter avec le guide spirituel Cheikh Tidjane SY.
Les actions contre le MFDC bien que commencées à la
DDSE, se concrétisèrent au niveau du CENCAR, Centre Natio-
nal de Coordination et d'Animation du Renseignement que le
Colonel FALL venait de pousser le Gouvernement à créer pour
parfaire l'outil renseignement.
Avec cet organisme, le Gouvernement venait de doter le
pays, d’un outil que les puissances occidentales recherchaient
depuis des années, sans avoir la possibilité intellectuelle ou
organique de le mettre en place.
Le CENCAR est un organisme qui coiffe toute la commu-
nauté du Renseignement sans pour autant en être le patron.
C’est un organe de direction, un organe exerçant un pouvoir
hiérarchique et de décision certain.
Avant de se lancer dans une telle aventure, oui, le CENCAR
fut une grande aventure malgré toute l'importance de la DDSE
où, pendant un an, j’eus à traiter de dossiers extrêmement sen-
sibles.
Je citerai entre autres l'enquête sur la conduite d’un Colonel
des Forces Armées qui faisait l'objet d'une fiche du BSPR, Bu-
reau de Sécurité de la Présidence de la République.
Cette fiche, établie par l'antenne BSPR de Paris faisait état
d'une infiltration des Forces Armées par le Parti Démocratique
Sénégalais dont une des femmes les plus influentes sortait avec
le Colonel.
Leur liaison était établie et décrite sans faille par les poli-
ciers qui les avaient vus et photographiés à Paris lors d'un pas-
sage du Colonel. La femme était venue spécialement de Dakar
et avait passé quelques temps avec l'Officier en question.

103
Les autorités délibérèrent sur cette fiche et sa teneur qu'une
réunion du Conseil de sécurité estima comme extrêmement
grave. En attendant toute inculpation ou mesure, il fut décidé
sur recommandation d’un des Généraux présents de neutraliser
l'Officier en le mettant hors cadre et en même temps de l'avoir à
l'œil en l’éloignant des centres de décision.
Le fait d'être saint-cyrien et bien vu dans les hautes sphères
des Armées atténua les recommandations et le Ministre sur
conseil des Généraux, tous saint-cyriens, décida de faire vérifier
les informations du BSPR avant toute décision.
L'enquête fut confiée à la DDSE et notamment à son Direc-
teur saint syrien. Le Colonel FALL mis devant un grand di-
lemme le solutionna en me confiant l'enquête avec un ordre de
mission pour aller sur Paris reprendre tous les éléments du dos-
sier à charge et à décharge. Je ne croyais pas pouvoir arriver à
un résultat déterminant en me rendant en France.
Je ne voyais d'autres issues que de faire suivre les deux per-
sonnes mises en cause et d'enquêter sur place à Dakar pour es-
sayer de déterminer la nature des relations entre le Colonel et la
dame.
Dix jours de surveillance n'avaient pas permis d'établir la re-
lation et je commençais à trouver « dégueulasse » de surveiller
des de cette manière la et à leur insu.
Je décidai de prendre langue avec le Colonel et de l'entendre
comme un Officier de police judiciaire le ferait sur les graves
accusations portées contre lui par le BSPR qui voyait en lui un
agent du Parti démocratique sénégalais. Je le priai de passer à
mon bureau pour affaire le concernant.
Il avait des doutes sur des complots qui se préparaient contre
lui pour l'éloigner des centres de décisions. Il avait été couvé
comme un fils par un très haut gradé alors que le nouveau
Commandement ne semblait pas le tenir en grande estime.
C'était la première fois de sa vie qu'il doutait et pensait que ses
ennemis pouvaient l'avoir.
Je lui remis le dossier établi à son encontre. Je lui expliquai
l'objet de mon enquête et le besoin que j'avais d'établir la vérité

104
des faits et répondre à la volonté des autorités de faire la lu-
mière sur cette affaire.
Il se prit la tête et montra toute sa désolation. Il resta silen-
cieux pendant plus de dix minutes et ne trouva pas les mots
pour expliquer quoi que ce soit. Il restait muet, les yeux rougis
par les différentes émotions qui le tenaillaient.

Pour la première fois depuis que je le connaissais, il avait


perdu de sa superbe et de sa grandeur. Abattu, il reconnut que
de temps en temps, il avait eu des relations avec cette dame qui
lui courait après, qu'ils étaient amis et qu'effectivement, ils
avaient été ensemble dans Paris où ils avaient passé quelques
jours.
Il rejeta énergiquement tout lien avec le PDS et assura que
durant leur rencontre, la politique ou les affaires de l'Etat
n'avaient pas de place. Il avait certes des liens avec cette dame
mais cela n'avait aucune connotation politique.
Il mesurait cependant la gravité et les suppositions qu'une
telle relation pouvait créer sans pour autant reconnaître une
faute quelconque contre l'honneur ou la discipline.
Et qu'en tout état de cause et pour éviter toute autre supputa-
tion, il mettait fin dès ce jour à toute forme de relation avec la
dame. Je posai quelques autres questions pour avoir les moyens
d'étayer mon rapport en parfaite indépendance et en toute trans-
parence. Je promis au Colonel de décrire en toute honnêteté ce
qui s'était passé et ses états d'âme au moment des faits.
Je rendis compte verbalement au Colonel FALL du dérou-
lement de l'enquête et des conclusions que je m'en faisais. Il en
était très soulagé et demandait aussitôt le rendez-vous du Mi-
nistre Médoune FALL. Ce dernier pour la petite histoire, de-
mandait depuis un moment au Président de le décharger des
fardeaux du Ministère.
Le ministre profita de cette aubaine pour expliquer les te-
nants et les aboutissants de l’ affaire dont le but principal était
de casser un Officier plein d'avenir et sur qui il plaçait beaucoup
d'espoir.

105
Nous n'eûmes pas besoin de rédiger un rapport circonstancié,
le Président DIOUF et toute la hiérarchie militaire étaient satis-
faits du résultat de l'enquête de la DDSE.
Le Colonel dut recevoir de ma part et de la part du Colonel
FALL de multiples explications pour comprendre qu'on le pro-
tégeait et le couvait en l'affectant dans le cimetière des élé-
phants.
C'était le nom de l'Inspection Générale des Forces Armées
où ne servaient que les vieux Colonels en fin de potentiel et
sans aucune perspective.
Le Colonel voulut mal vivre ce qu'il considérait comme une
épreuve alors que le bon Dieu lui ouvrait les portes du paradis
et du salut.
Les missions de la DDSE étaient passionnantes, prenantes et
très utiles pour donner des informations claires et fiables aux
décideurs politiques.
Le réseau des honorables correspondants qui travaillaient
comme des agents des fois rétribués, mais souvent aidés sur de
menus services, fonctionnait à merveille. La base s'élargissait
en ciblant tous les secteurs.
Le soutien de la DDSE facilitait le travail d'un député dans
sa circonscription, un syndicaliste recevait le bon tuyau pour
clouer le bec ses ennemis ou concurrents, certains autres, arri-
vaient à obtenir le rendez-vous politique recherché depuis des
lustres.
Une équipe, menée par le principal SIDIBE, permettait de
conduire de grands dossiers à la satisfaction des autorités. La
DDSE n'avait pas de grands moyens et pourtant elle arrivait à
des résultats dignes des grands services spéciaux.
Deux atouts justifiaient ces résultats, le patron dont la com-
pétence spéciale est d'un grand apport, l'équipe des sous-
officiers, officiers de recherche qui était excellente, sans oublier
bien sûr, les moyens techniques issus de la coopération interna-
tionale.

106
Pour réussir à l'extérieur de nos frontières, deux voies furent
privilégiées. Il y eut d’une part les moyens techniques dirigés par
le Commandant Mor SENE, Officier pilote de l'Armée de l'air. Il
fera des merveilles dans l'utilisation des moyens techniques et eut
des résultats plus que tangibles dans l'acquisition des informa-
tions indispensables à la politique militaire avec nos voisins.
A ces moyens techniques, j'ai pris l'initiative d'ajouter des
moyens humains en mettant en place un groupe de recherche à
base de femmes. Le Service put financer un ensemble de
femmes qui sous prétexte de faire du commerce et avec le sou-
tien bienveillant des Services douaniers, infiltrèrent certains
pays et nous apportèrent les informations indispensables.
Ces femmes voyageaient beaucoup vers les capitales fronta-
lières et ont purent nouer grâce à leur tact et beauté des rela-
tions, sources d'information de valeur absolue. Beaucoup de ces
femmes, qui méritent la reconnaissance de la nation, sont deve-
nues de grandes commerçantes..
Ces résultats ont souvent intéressé des grands pays qui n'hé-
sitaient pas à nous solliciter pour prendre en charge certains
aspects de leur recherche.
Les Français avaient une confiance totale en la DDSE et par-
tageaient grâce à leur Officier de liaison des échanges quasi
permanents et dans tous les domaines.
Ces échanges permettaient de vérifier les informations avec
les différentes sources. Pour les Américains, les échanges
étaient plus ciblés et portaient souvent sur de potentielles activi-
tés terroristes.
On n’était pas encore au temps de Ben Laden et pourtant les
Américains comme les Israéliens exerçaient une surveillance
constante sur certaines personnes, notamment des Libano-
Syriens qui s’adonnaient à quelques trafics qu'aujourd'hui, on
qualifierait de du blanchiment.
Cette surveillance nous permit de découvrir la vraie pre-
mière affaire de blanchiment sous nos cieux. Les Américains
avaient fourni une information de valeur absolue qu'un ou des
Libanais transportaient chaque samedi par le vol Aéroflot ou

107
Swissair une mallette contenant une somme importante de de-
vises et que la dite somme était destinée au financement des
activités du Hezbollah libanais.
Ils voulaient que la DDSE surveille l'activité au Sénégal et
renseigne sur les personnes qui s'adonnaient au trafic sans en-
treprendre aucune action. Cette surveillance fut exercée pendant
de très longs mois avec une efficacité totale.
Cette surveillance permit de découvrir qu'effectivement les
porteurs de valise partaient de Dakar, mais aussi que ces por-
teurs avaient des complicités très importantes dans l'aéroport et
dans la plupart des services. D'après notre système de surveil-
lance, une somme de cinquante millions de francs CFA était
distribuée chaque samedi à des agents de l'Etat pour couvrir les
opérations jusque dans l'avion.
Une fiche d'information fut adressée aux Américains pour
leur décrire dans toutes ces composantes, le modus operandi des
personnes qui faisaient le trafic. La même fiche fu également
envoyée aux Services présidentiels pour informer la plus haute
autorité de la surveillance menée et des résultats obtenus. Il y
était surtout de la corruption qui avait cours dans les différents
Services de l'aéroport, et l'association de malfaiteurs qui per-
mettait de coordonner cette prévarication.
Il fut cependant recommandé de ne prendre aucune initiative
ou action afin de permettre la conclusion de cette opération
spéciale avec le démantèlement international du réseau.
Le renseignement manipulé par des mains inexpertes mit la
puce à l'oreille des experts de la corruption ou encore plus grave
du protecteur de ces corrompus.
L'Officier adjoint de la Compagnie de Gendarmerie de l'Air
fut manipulé et reçut d'un honorable correspondant l'informa-
tion comme quoi, un Libanais essayait de sortir d'importantes
sommes d’argent en devises étrangères.
Il interpella lui-même le Libanais et le trouva effectivement
porteur d'une mallette contenant en devises neuf cent soixante
millions de Francs CFA. Une opération spéciale de plus d'un an,
menée avec la confiance des services américains venait d’échouer.

108
Chapitre 10
La Casamance pour le MFDC

Heureusement, les études pour créer le Centre National de


Coordination et d'Animation du Renseignement CENCAR
étaient terminées. J'avais été proposé pour diriger malgré mon
grade un des services, notamment la cellule subversion-
terrorisme.
Le Colonel GAYE qui venait de remplacer le Colonel FALL
à la tête de la DDSE me proposa de continuer l'aventure mais il
m'était difficile d'accepter du fait de la promotion que je rece-
vais en devenant Chef de cellule au CENCAR.
Je suivis six mois de formation avec un agent de la DDSE,
puis deux mois de stage en France dans la caserne Mortier et
enfin un mois de perfectionnement avec le MOSSAD. Le Géné-
ral qui conduisait la formation du le Mossad, me prit sous son
aile et m'enseigna les ficelles pour arriver à des résultats tan-
gibles.
Ces moments de formation me permirent de perfectionner
mes compétences d'officier de renseignement et me donna sur-
tout des capacités certaines d'analyste. J'acquis la faculté de me
départir de la lecture des journaux pour garder une capacité
d'analyse sans influence.
C'est sur ces entrefaites que la situation en Casamance se dé-
tériora de nouveau et que les accords de paix établis par le Gé-
néral NIANG avec DIAMACOUNE et Sidy BADJI furent re-
mis en cause. Le drame fut accentué par la disparition de deux
couples de Français. Malgré toutes les recherches et toutes les
enquêtes, ils avaient bel et bien disparu de la Casamance.
La DDSE succéda aux Services de Police et de Gendarmerie
pour continuer les recherches, mais il n'eut pas de résultat. Une
équipe spéciale vint alors de France pour effectuer les re-
cherches. Cette équipe fouilla la voiture des Français disparus et

109
y découvrit un index humain, qui était intact. Comme un tro-
phée, ce reste humain fut porté à l'Ambassadeur de France qui
vint le présenter au Président DIOUF.
Le Président très indigné, posa la question de savoir pour-
quoi, nos enquêteurs n'avaient rien vu, démontrant ainsi une
incompétence notoire. Le Général WANE, CEMPART ET
CENCAR me convoqua en ma qualité d'Officier de Gendarme-
rie pour avoir une réponse sur cette négligence impardonnable.
J'eus honte pour la Gendarmerie et pour la première fois de
ma vie, je mentis à mon chef en lui disant avoir donné les
ordres pour qu’on n’ouvre pas le véhicule en attendant la venue
d'experts Français, plus outillés pour conduire l'investigation de
la voiture des disparus. Il servit cette explication au Président de
la République qui s'en contenta.
Je fonçais alors dans le bureau du Haut Commandant pour
lui rendre compte de la bêtise des gendarmes, lui donner les
explications que j'avais fournies et lui montrer la nécessité de
relever pour faute lourde, aussi bien le Commandant de légion
que le Commandant de compagnie, seule sortie honorable de la
Gendarmerie dans cette affaire.
Le Général WANE qui n'était pas né de la dernière pluie, dé-
cida de prendre lui-même en mains la conduite des recherches en
Casamance et créa l'antenne CENCAR de Ziguinchor.
Le Capitaine de frégate KOMBO puis le Lieutenant-colonel
Bakary SECK furent tour à tour désignés pour des périodes de
trois mois. Ces trois mois avaient pour but d'aller dans la capi-
tale de la région sud, de coordonner toutes les activités de ren-
seignement et surtout de veiller qu'au sommet des différents
Services de l'Etat, on parle le même langage et collabore de
façon étroite et loyale.
Chargé de mission du Président de la République, le Chef de
l'antenne du CENCAR prit automatiquement de l'importance
dans l'échiquier régional tant par sa fonction que par ses
moyens.
Cependant, il nageait en eaux troubles face à des hommes
expérimentés et sectaires qui entendaient ne en rien remettre en

110
cause de leur personnelle et légale autorité ni surtout les direc-
tives de leur autorité propre à Dakar.
La mission qui semblait couler de source n'était pas aussi fa-
cile et de temps à autre, un clash survenait et alors le CENCAR
reculait pour mieux sauter.
C’est dans cette atmosphère de conflit permanent que je fus
désigné pour assurer la troisième relève. Mon grade de Chef
d'escadron diminuait en valeur ma représentative face aux
autres représentants tous plus gradés que moi en valeur relative,
tant par l’âge que par le nombre d'années au service de l'Etat et
pour les militaires en valeur absolue.
Le moins gradé des militaires responsables était Lieutenant-
colonel. Marié mais non accompagné, je logeais à l'antenne
CENCAR mais prenais mes repas chez le Commandant de lé-
gion de gendarmerie, un de ma promotion qui m'invitait genti-
ment à sa table.
Pendant six mois, je me permis, tenant compte de mon expé-
rience DDSE que les autres représentants du CENCAR
n'avaient pas, de ne m'occuper que de coordination des Services.
Je mis ma compétence à la disposition des responsables de la
région.
Le Gouverneur Birame SARR, un Administrateur Civil en-
gagé, compétent et très efficace, fut un allié dont le concours
reste inestimable. Les autres responsables durent coopérer no-
tamment le Préfet de Département du nom de DIOUM, très
courtois et très disponible.
Le Commandant de zone, le Colonel Yoro KONE, compé-
tent mais solitaire et méfiant, restait une énigme. Le Comman-
dant de légion Madjimby, ami personnel, était disponible et
complice. Le Commissaire CAMARA, Chef de la sécurité ré-
gionale, fut coopératif mais sectaire. Le Commissaire SEYE,
bien que compétent, s'estimait rival de mon service, surtout
avec la mise à ma disposition de son adjoint, l'Officier de Police
« TANGO », un des plus dangereux Officiers de renseignement
du Sénégal, restait un bon camarade.

111
Les différentes autorités de la région ont la dure mission de
combattre par tous les moyens le MFDC. Je compris très vite
qu'il fallait composer avec chacune et avec tact pour faire une
place au CENCAR.
Personne ne voulait de l'Antenne, estimant qu’elle profitait
de sa présence pour soit voler le résultat de leur travail, soit leur
causer des torts en rendant compte à la plus haute autorité de
leur insuffisance.
Pendant les six premiers mois, je fis profil bas. Je ne pris au-
cune initiative sans en référer aux autorités régionales comme si
je leur demandais la permission de faire ou ne pas faire telle ou
telle chose. Je pris soin de ne pas rendre compte directement à
Dakar et de leur donner la primeur des informations qui pou-
vaient me parvenir.
Je privilégiais les solutions locales en demandant au Gou-
verneur de convoquer le plus souvent possible des réunions
spéciales pour partager les informations ou décider ensemble
d'une chose importante.
Je rendais compte journellement au Commandant de Zone
comme s'il était mon chef direct. Cela l'obligeait à m'ouvrir son
bureau où je pris l'habitude de prendre le café et plus tard d'être
admis au briefing matinal. Je laissais « TANGO » à la disposi-
tion des policiers qui dès lors jouèrent franc jeu avec moi.
Pendant que chaque Service croyait me maîtriser grâce à
mon humilité et à ma disponibilité, je profitai de mon état de
gendarme et de la complicité du Commandant de légion pour
donner une dimension régionale au CENCAR.
La couverture directe de la Gendarmerie me permit de
prendre langue avec les autres composantes de la situation.
D’abord, les notables de la région, notabilités politiques, reli-
gieuses et coutumières permirent de discuter sans façon avec
les autorités reconnues de la rébellion.
Sidy BADJI, l'abbé DIAMACOUNE, les patrons du Front
Nord, Kamougué DIATTA, Abdoulaye DIEDHIOU et beau-
coup d'autres combattants, purent être contactés grâce aux in-
termédiaires. Avec le front sud, l'abbé Alain et l'abbé BASSE

112
purent nouer des contacts. Les Services spéciaux gambiens et
de Guinée Bissau, les services français, toujours à la recherche
des quatre disparus furent mis à contribution.
Le contact direct avec toutes ces personnalités et même la
mise en place du groupe de contact mené par les deux BOISSY,
le Colonel et Monsieur BOISSY, permirent de se donner une
idée très précise de la mission de l'antenne et de la façon la plus
idoine de créer les conditions d'implantation positive dans les
deux régions sud.
Après avoir bien huilé mon affaire, je mis la pression sur
Dakar pour me faire relever par un autre Officier du CENCAR.
Le Lieutenant-colonel SECK fit trois mois de présence très
conflictuels avec le commandant de zone. Le Commissaire
FALL, mon adjoint de CST (cellule subversion terrorisme) y
eut toutes les difficultés du monde.
Tous les services régionaux se plaignaient des agissements
de l'Antenne et se faisaient un point d'honneur de la liquider par
les plaintes faites auprès des autorités nationales. Ces services
regrettaient ma présence et réclamaient mon retour en Casa-
mance pour une collaboration franche et loyale.
Ils faisaient état des résultats obtenus avec moi alors qu'ils
ne trouvaient que des difficultés avec les autres chefs d'antenne
qui se prenaient pour le représentant du Président de la Répu-
blique.
Ils proclamaient haut et fort qu'ils étaient disposés à collabo-
rer avec moi parce que j'étais le seul à comprendre ma mission.
Fort de ce soutien et plébiscité par les Services, je retournai
cette fois-ci à Ziguinchor avec mon épouse et notre bébé de
neuf mois pour conduire les affaires du CENCAR en toute in-
dépendance et grâce à l'appui du nouveau Commandant de Lé-
gion de Gendarmerie, le Lieutenant-colonel Abdoulaye FALL
et de l'adjoint opérations de la zone, un autre Abdoulaye FALL
avec qui pour des raisons de sécurité, je décidai de partager le
même logement.
Moi-même, je venais d'être nommé Lieutenant-colonel, ce
qui facilitait les rapports avec les deux Abdoulaye FALL, ins-

113
taurant d'emblée le tutoiement et autres artifices entre Officiers
du même grade quelle que soit l'ancienneté.
Avec le gendarme, je pus conduire à l'aise mes affaires en
m'appuyant sur son dispositif et le système Gendarmerie. Avec
le militaire, je pus bénéficier du soutien de l'intelligence dans la
démarche, de la rigueur dans l'action, de la compétence dans la
décision et d'un compagnonnage fraternel à tout instant.
Les conseils du militaire et l'appui du gendarme donnèrent
une dimension sans pareil à l’Antenne. Elle était maîtresse du
jeu.
Bonneval, le Français sous couverture du CARITAS fut aus-
si d’un autre apport. Il nous mit directement en liaison avec les
combattants armés avec qui grâce à lui et aux Services de Bis-
sau, il était possible de discuter.
Il nous amena Bertrand DIAMACOUNE, le frère de l'abbé
DIAMACOUNE. Du seul fait de son nom, ce frère de l’abbé
fut très secoué par une patrouille militaire qui l'avait arrêté à
GOURAFFE.
Grâce à la Gendarmerie je le fis hospitaliser, ce qui le sauva
d'une mort certaine. A sa sortie d’hopital, je le logeai avec sa
famille dans Ziguinchor sous ma responsabilité et mon appui
financier.
Bertrand DIAMACOUNE fut pour moi d'un apport inesti-
mable dans la gestion de l’abbé DIAMACOUNE. Maîtrisé, il
joua le jeu et prit du grade dans le mouvement politique. Son
nom le légitimait et son franc-parler me servait de porte-parole.
Il tint des vérités à toutes les composantes du MFDC, à l'ab-
bé dont il était le frère, à Sidy BADJI qui était juste un peu plus
âgé que lui, aux repentis qu'il accusait d'avoir été achetés et
surtout aux combattants à qui il apportait les lettres de son frère.
Par Bonneval, les abbés BASSE et Alain, Bertrand, DIA-
MACOUNE, Abdoulaye DIEDHIOU, Kamougué DIATTA,
l'Officier de police « TANGO », Malang NDIAYE le cinéaste
de Bignona, les Services Gambiens et de Bissau, je pris langue
malgré les violences, avec le MFDC qui menait des attaques
jusque dans la périphérie de Ziguinchor.

114
Jeanne GALLION, représentante de RFI qui voulut trop pro-
fiter de ces liaisons, et qui eut la chance d’interviewer Salif
SADIO sans respecter ses engagements se fera expulser du
Sénégal. Le Commandant de zone faillit être assassiné à un
moment de son sport matinal.
Les rebelles qui l'avaient repéré me prièrent gentiment de lui
faire changer d'itinéraire de sport car il n'était pas leur cible.
Mon compte rendu ne l'ébranla point et il décida de nettoyer son
itinéraire de sport sans pour autant y retourner.
J'eus des échanges de de bons procédés avec le MFDC que
je tenais en dehors de la ville en acceptant de lui fournir les
moyens de passer la période de soudure. Les attaques de bou-
tiques à la périphérie de Ziguinchor cessèrent moyennant la
mise à disposition de moyens de survie grâce aux services de
l'Eglise et de Caritas.

115
Chapitre 11
Le désastre de Mandina Mancagne

Les discussions avec le MFDC ne purent aboutir malgré la


confiance entre l'Antenne et le MFDC, du fait de certains fac-
teurs qui mal maîtrisés ont conduit à un réel désastre nommé
Madina Mancagne.
L'Officier de police « TANGO », un homme intelligent, po-
lyglotte (cinq à six langues européennes), une maîtrise parfaite
des moyens humains du renseignement, mais dont la vie disso-
lue et les besoins financiers constituaient le plus grand handicap,
commença à prendre le contrepied de toutes mes actions en
Casamance.
Il parvint à capter la confiance du Général WANE qui lui
donna raison plusieurs fois face à moi. Le général le soutint
contre mes décisions de le sortir des affaires du MFDC.
« TANGO » manipula le Général jusqu'à la déraison.
Le Général mettait de côté mes informations en attendant
leur confirmation ou infirmation par cet agent. T »TANGO »
manipulait avec ses informations les autorités nationales et
étrangères. Cette situation fit perdre beaucoup de crédibilité à
l'Antenne.
Le Commandant de zone croyait tenir le MFDC, il avait les
meilleurs renforts possibles et un corps de bataille de la valeur
d'une brigade (cinq hommes) entraînés et aptes au combat. Ja-
mais dans l'histoire militaire du Sénégal, un Officier n'avait reçu
autant de moyens entre ses mains pour conduire une opération.
, le Colonel KONE était un partisan des méthodes anti gué-
rilla du Général SALAN, et un très bon officier dans la défen-
sive. Après une étude minutieuse du terrain, il enterra le corps
de bataille par section dans toute la région de Ziguinchor.
A la satisfaction des autorités, il n'y eut plus de mort dans les
rangs militaires, mais ce qui faisait l'âme du soldat sénégalais, à

117
savoir la recherche et le choc disparut. Il n'y eut plus de combat,
le MFDC se contentant de contourner les postes et d'éviter les
hérissons de l'armée.
L'Etat-major à Dakar se satisfaisait des résultats grâce au bi-
lan quotidien de zéro mort. La seule vulnérabilité se notait lors
des convois logistiques de ravitaillement. La présence des
commandos en escorte amoindrissait les risques.
La guerre impitoyable à Dakar entre les généraux qui entou-
raient le Président DIOUF amena aussi des problèmes dans la
coordination de Ziguinchor.
Fort des fausses informations fabriquées par « TANGO »
que le Général WANE mettait sur la table comme vérités abso-
lues de Ziguinchor, le Général CEMGA n'hésitait jamais à le
démentir durant les réunions du Conseil de sécurité.
Le Général CEMGA voulut ma tête comme étant auteur de
ces faux renseignements. Il n'hésita pas à porter des accusations
très graves contre moi devant l'Etat-major et en faire part à mes
Chefs de la Gendarmerie.
Il me fit éliminer de façon arbitraire à l'examen de l’École de
guerre malgré l'insistance du Haut Commandant de la Gendar-
merie et du Sous-chef d'Etat-major Général des Armées, en leur
disant que je n'avais qu'à me faire envoyer en stage par le Géné-
ral WANE.
La discipline de fer de la Gendarmerie eut enfin raison de
moi par le salut militaire rendu par un gendarme à l'aéroport de
Ziguinchor au moment où je faisais tout pour passer inaperçu.
Malgré mon insistance et mes mises en garde, le Général
WANE tenait à ce que j'accompagne et accueille un ancien
Ambassadeur de FRANCE qui venait jouer les bons offices et
devait rencontrer plusieurs notabilités du MFDC.
L’évènement très médiatisé par les Français eux-mêmes était
couvert par plusieurs organes de presse français et sénégalais.
Le Gouverneur de région était la personne la plus indiquée pour
représenter le Sénégal.

118
Au moment où je passais, le gendarme cria « garde à vous »
et tout ce qui était forces de défense et de sécurité se figea de
façon réglementaire. Un journaliste posa la question et on lui
répondit « Colonel Abdoulaye Aziz NDAW, Chargé de mission
à la Présidence ».
J'eus droit à un article de Sud et par Madior FALL. En
termes de renseignement, j'étais grillé et largement grillé. Je dus
faire plus attention à des multitudes d'ennemis de la paix qui
voyaient en moi une cible identifiée.
Les rebelles qui avaient profité des hérissons de KONE pour
s'infiltrer à portée de mortier des faubourgs de Ziguinchor cons-
tituaient une menace plus que par le passé. Plusieurs patrouilles
de l'Armée et même de la Gendarmerie voire du GMI avaient eu
des incidents avec eux, m'obligeant à intervenir auprès de mes
interlocuteurs pour parlementer avec eux.
Les rebelles, d'après mes agents étaient sur une ligne Ziguin-
chor Guidel Babadinka, ligne que je jugeai inacceptable. Je ne
leur laissai pas d'autres choix que de se retirer de cette ligne au-
delà de Babadinka ou de lâcher les commandos pour les dé-
truire.
Les facilitateurs de la paix comme le Colonel Georges
BOISSY me donnèrent des idées précises et Sidy BADJI et moi
dessinâmes une carte discutâmes du retrait et du respect sans
conditions du sanctuaire national.
Il fut décidé et avec l'accord du CENCAR mère qu'un accord
militaire était possible et que la nomination de Jean Marie Fran-
çois BIAGUI comme Secrétaire général du MFDC. Sa présence
auprès de l'abbé DIAMACOUNE, pouvait en effet garantir cet
accord et déboucher sur un accord plus général et définitif.
Les pourparlers aussi bien en Gambie, à Bissau comme sur
le terrain préjugeaient de lendemains meilleurs pour clore le
dossier.
Nkrumah SANE était pour la première fois, isolé et avait
perdu toute main mise sur le MFDC. Jean Marie que j'avais pu
faire infiltrer avec d'autres intellectuels du MFDC présentait des
garanties solides. L'aide précieuse de Bertrand Diamacoune fit

119
effet. L'intervention énergique du nouvel Evêque de Ziguinchor
Monseigneur Maixent COLY avait mis la pression de l'Eglise
sur l'Abbé par une mission conduite par l'Evêque de Saint Louis,
Monseigneur SAGNA.
La neutralisation des quatre émissaires qui ne pouvaient plus
entrer en contact avec l'Abbé, et les actions de Jean Marie
BIAGUI, tout cela donc bien coordonné avait permis de mettre
le MFDC face à ses responsabilités. Cette situation l’obligeait à
parler un langage direct et pour une fois constructif pour la paix.
A part les pillages épisodiques de boutiques pour trouver à
manger quand le ravitaillement du CARITAS arrivait tard à
cause des précautions, il n'y avait plus de combat. J'étalai toutes
ces informations devant le Comzone en lui demandant avec un
plan précis de tenir ses troupes en attendant l'accord en vue dans
maximum quelques mois.
Toutes ces informations laissèrent l'Etat-major en marbre,
pour contrer le Général WANE qui se glorifiait déjà en haut lieu
de trouver dans les semaines à venir un accord de paix avec le
MFDC. Il fut décidé dans l'immédiat de détruire les forces re-
belles par une offensive rapide et éclair. Les paras et les com-
mandos marins furent rapidement conduits à Ziguinchor avec
une unité d'élite, le COSRI qui était en formation.
, le Lieutenant-colonel Abdoulaye FALL, officier opérations
de la Zone, qui partageait avec moi le même logement, bizar-
rement, est éloigné de cette opération, en l'envoyant avec l'IG-
FA inspecter le 6° bataillon d'infanterie.
Je ne sus ce qui se tramait que parce qu'un Officier du CO-
SRI, le Capitaine CAMARA tint souvenir du Libéria à passer
me saluer et parloter de notre séjour libérien.
L'artillerie de la zone, ce jour-là à 16 heures me fit com-
prendre que ça se passait très mal pour nous. Je me rendis aussi-
tôt au poste de Commandement de la zone, en compagnie du
Commandant de Légion Gendarmerie pour ne pas me faire ren-
voyer.
On m’apprit qu'on avait perdu tout contact avec le COSRI.
Deux heures après, le Lieutenant WILSON, médecin du COSRI,

120
un des rares rescapés de Mandina MANCAGNE, nous expli-
quait la destruction de l'unité par l'arrière-garde du MFDC.
Le Capitaine CAMARA mourut mort héroïquement à la tête
de ses hommes, son Chef, je ne sais par quel miracle avait pu
échapper avec le médecin. Le COSRI laissa sur ce champ de
batailles trente trois morts sur les trente six militaires engagés
ainsi que tout son matériel américain qui était de pointe avec
des GPS et des moyens radio ultramodernes.
Deux bataillons d'élite appuyés de blindés furent nécessaires
pour reprendre les corps et lancer la chasse aux rebelles. Les
rebelles étaient loin et s'étaient repliés vers la frontière Bissau
guinéenne.
Je rentrai à Dakar trahi, et secoué. Je refusai de faire les rap-
ports quémandés par le Général qui voulait faire ouvrir une
enquête pour châtier ceux qui avaient à ses yeux saboté la mis-
sion que le Président lui avait confiée.
Je profitai de la fin de commandement du Général DIOP qui
devait aller à la retraite en fin d'année pour demander mon re-
tour à la Gendarmerie. J’aspirais plus que tout à mon retour à
une vie normale d'Officier avec un commandement.
Je demandai le commandement de l'Ecole de Gendarmerie
ou de la LGI, mais la puissance du Général CENCAR qui ne
voulait pas me lâcher, parce qu’arme contre les autres, fit qu'il
fallut me proposer une mission à l'étranger. Je fus inscrit dans
les tests UN de fin d'année et me vis proposer le contingent en
partance pour la Bosnie dans cinq mois.
J'abandonnai l'Antenne à « TANGO » qui en profita pour
renforcer ses magouilles et semer la zizanie entre la plupart des
autorités. Je profitai de mon séjour dans la Capitale pour faire le
point des dossiers de ma cellule de lutte contre la subversion et
le terrorisme.
J'eus un entretien très courtois avec le Général qui promit
tout pour me garder.
Je tins bon et le Général Pathé SECK qui venait de prendre
le commandement en janvier 2007, poulain du Général CEM-
GA, qui ne voulait plus de moi à côté en Casamance, entérina

121
mon envoi en Bosnie comme Commandant de contingent CIV-
POL.

Mon père mourut pendant les tests onusiens, je reçus un


hommage de la part de toutes les Forces Armées. La plupart des
Généraux vinrent à la levée de corps ainsi que plusieurs Mi-
nistres.
Le Premier Ministre dont statutairement, j'étais un conseiller
technique me présenta personnellement ses condoléances et
mon père eut droit à une escorte exceptionnelle jusqu'à Touba
où il est enterré.
Cette mort sonna le glas définitif de mes relations avec les
Services de renseignement. Le vingt sept mars 1998, je condui-
sais le quatrième contingent sénégalais en Bosnie Herzégovine.

122
Chapitre 12
Le policier international
en Bosnie-Herzégovine 1998

Pour la troisième fois, je me retrouvai dans la configuration


du maintien de la paix internationale sous l'égide des Nations
Unies. Au Tchad, la mission relevait de l'organisation de
l'Union Africaine et était épaulée par la France qui avait apporté
son soutien à l'organisation, tenant compte de ses propres inté-
rêts dans ce pays.
Au Libéria, la force ECOMOG avait été mise en œuvre par
la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest, d'abord sous
l'égide du Nigéria, puissance sous-régionale et puis des États-
Unis qui avaient fourni tout l'équipement, par exemple au Ré-
giment Sénégalais du Libéria.
Nous étions de la tête aux pieds habillés comme des rangers
et tous nos moyens du génie aux transmissions étaient US et
estampillés comme tels. La mission du Libéria avait été bien
négociée par le CEMGA d'alors, le Général d'Aviation Mama-
dou Mansour SECK qui en avait profité pour réellement équiper
les Armées.
Les Américains respectèrent à la lettre les tableaux de dota-
tion établis par le Sénégal et multiplièrent même par deux les
dotations demandées. Une bonne partie des matériels resta au
Sénégal et après la mission, l'autre moitié revint au pays grâce
encore à l'appui américain.
Le seul hic avait été le sacrifice des droits du personnel qui
ne reçut aucune prime de cette mission, ce qui affecta énormé-
ment le moral des jambarts du Libéria.
Je pense que le choix fait alors par le CEMGA de privilégier
les matériels aux finances était au plan national très judicieux et
très profitable à toute la nation. A ce titre, estimant qu'il était de

123
bonne foi et mû seulement par l'intérêt national, je lui pardonne
ma prime du Libéria.
Avec les Nations Unies, le système est bien différent et trois
types d'engagement sont mis en œuvre. Ces engagements peu-
vent se combiner sur le terrain et dépendent la plupart du temps
de la nature de la mission.
Pour la Bosnie, l'ONU intervint d'abord seule et avec les dif-
ficultés, elle dut accepter la participation de l'OTAN , Organisa-
tion du Traité Atlantique Nord sous forme de SFOR (force d'in-
terposition) et de l'OSCDE, Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe OSCDE.
L'ONU s'etait bornée à fournir une police internationale sous
forme d'IPTF “International Police Task Force”. Sa principale
mission est de surveiller, contrôler et instruire la police locale.
Cette police était croate dans les zones contrôlées par les
Croates, Serbe dans la République serbe de Bosnie et enfin
bosniaque dans les territoires musulmans.
L'absurde a été atteint dans cette guerre de Bosnie. Je me
rendis très vite compte de l'absurdité de cette guerre et des atro-
cités commises.
Le premier mois de présence servit à la formation du contin-
gent pour une maîtrise parfaite de la mission. Le principal but
est d'amener les trois polices locales à respecter le minimum de
standards internationaux et les Droits de l’Homme afin
d’assurer la protection et la sécurité de toutes les personnes et
communautés.
Toutes les actions de police nécessitaient la présence de
deux IPTF de nationalités différentes et vingt quatre heures sur
vingt quatre, les IPTF organisées en brigades sont sur la police
locale en raison d'un service de huit heures par jour et par
homme.
Je fus affecté avec deux autres Sénégalais à la station de Ku-
la qui à ma grande surprise était commandée par un Sergent
Anglais. Nous les trois Sénégalais étions respectivement un du
grade de Lieutenant-colonel, l'autre du grade de Chef d'esca-

124
dron et le dernier un Commissaire de police divisionnaire de
classe exceptionnelle.

Devant mes récriminations, on me fit comprendre qu'il n'y


avait pas de grade. Je pouvais postuler et passer une interview
pour avoir des responsabilités.
Je postulai pour être Commandant de brigade, Commandant
de région ou Chef de bureau. Après l'interview, je vis que le
système était assez pourri et que toutes les responsabilités
étaient réservées aux Européens et qu’il y avait beaucoup de
discriminations.
Le système assez vicié privilégiait effectivement les Euro-
péens qui avaient certainement des intérêts de puissance et se
répartissaient les postes sans tenir compte ni des compétences,
et encore moins de la respectabilité des gens. Je ne pouvais
accepter d’être victime d'une telle discrimination.
Je le fis savoir en très haut lieu surtout qu'un de mes Capi-
taines plus à cheval sur les principes, qui avait concouru à Mos-
tar avec un gendarme français, avait vu le gendarme l'emporter
et lui sous ordre.
Révolté et incapable d'accepter l'injustice, il refusa tout bon-
nement d’obéir au gendarme. Ceci envenima la situation de la
brigade et même conduire le gendarme à rédiger un rapport
contre le Capitaine.
Le Capitaine fut renvoyé à Sarajevo en attendant la fin de
l'enquête qui devait aboutir à son rapatriement pour non-
conformité aux règles du système des Nations Unies.
Je profitai de cet incident pour créer un scandale tel, que tout
le système fut secoué. Le Commandant de contingent français
qui voulut s'opposer à mes prétentions fut tenu en public de
présenter des excuses pour certains mots avancés par ses gen-
darmes car je remettais purement et simplement en cause l'en-
seignement de Melun.
Mon passage aux États-Unis et les compétences acquises
tant au FBI que dans la DIA m'apportèrent le soutien des poli-
ciers Américains qui eux aussi, en avaient marre de la volonté

125
des Européens de dominer tout. On nous fit quelques faveurs et
la plupart des IPTF Sénégalais qui voulaient bien prendre des
responsabilités en eurent surtout dans l'instruction des forces de
police locale.
Pour ma part, je fus mis dans une équipe mixte IPTF et
OSCDE pour la protection des Droits de l'Homme avec deux
principales missions, d'une part protéger des prisonniers poli-
tiques et d’autre part enquêter sur les fosses communes. Je pris
en charge le prisonnier VASIC en attendant son jugement.
Il aurait assassiné le premier Ministre bosniaque devant les
troupes du Général Morillon, attentat qui avait changé beaucoup
de données en Bosnie et fait redéfinir les missions des princi-
pales organisations qui y concouraient pour la paix.
Je devais rendre visite VASIC trois fois par semaine,
m’assurer de ses conditions de détention et assurer sa sécurité
personnelle en tenant compte des droits de la défense. Il me
parlait souvent de ses convictions, de son engagement et sur-
tout de ce qu'il avait fait et de ce qu’on lui reprochait.
J'accompagnais les veuves des trois côtés pour visiter les sé-
pultures de leurs proches en toute sécurité en zone ennemie. Il
n’y eut pas du tout d'incident. C'était même des moments de
retrouvailles, d'échanges et surtout l’occasion de repas bien arro-
sés et de rakis, un alcool local plus fort que tous les alcools écos-
sais.
Les familles étaient transportées en bus et escortées par les
seuls IPTF pour aller honorer leurs morts. Ils en profitaient pour
regarder de loin leurs anciennes maisons maintenant occupées
par une autre communauté.
Ces gens-là se faisaient discrets le temps de la visite et sur
recommandation de la police locale orientée à cet effet.
A l'issue de la visite, la vie reprenait son cours car les autres
aussi allaient devoir faire la même chose et eux aussi profiter de
l'escorte IPTF pour rendre visite à leurs morts et apercevoir de
loin leurs anciennes maisons.
Je disais tantôt que cette guerre était plus que toutes les
guerres que j'ai connues la plus absurde. Le ramadan me permit

126
de comprendre certaines choses impensables. En bon musulman,
je voulus aller faire mes prières à la mosquée du quartier ou
j’habitais. Je logeais chez une dame serbe. Elle n'avait pas vou-
lu déménager et abandonner sa maison.
Vivre avec des IPTF lui assurait des revenus réguliers et
était en même temps gage de sécurité. A la mosquée, je fus très
surpris de ce que l'Imam ne connaissait rien de l'Islam alors que
la mosquée était pleine.
Son Fatiha était douteux et il mélangeait tout. L’'essentiel
était de faire semblant de prier. Il n'avait aucune formation reli-
gieuse et toutes les personnes derrière lui n'en savaient pas plus
que lui.
J'en fis part à ma logeuse qui était Serbe. Elle m'expliqua
que c'était la guerre qui les avait poussés à cette quête absolue
d'identité pour comprendre pourquoi on avait tué leurs parents
et amis comme musulmans.
Elle m'expliqua également que le nom déterminait la foi re-
ligieuse, les personnes qui avaient un nom catholique étaient
croates, les personnes avec un nom orthodoxe étaient serbes et
ceux qui avaient un nom à consonance ou d'origine musulmane,
étaient musulmans.
En fait, il s'agissait d’un même peuple et au fil de l'histoire,
ce peuple a subi trois influences et selon le marquage de cette
influence, souvent exprimé par le nom, on était Croate, Serbe
ou Bosniaque. La guerre et les exterminations ont été faites sur
la seule base du nom.
Les Bosniaques massacrés et exterminés cherchèrent une
identité musulmane en construisant des mosquées et en les fré-
quentant avec assiduité.
Ma logeuse fit part de mes observations à ses amies Bos-
niaques qu'elle avait gardées malgré la guerre et avec qui elle
partageait tout, surtout les nommées Hitba et Rabbia, deux
femmes exceptionnelles qui nous assistèrent beaucoup quand
elles surent que nous étions des musulmans.

127
Elles voulurent apprendre les grands principes et la bonne
conduite d'une femme musulmane, elles cessèrent de boire, de
manger du porc et apprirent à prier correctement.

Elles firent part à l'Imam de nos observations et c'est sans


surprise que l'Imam vint m'inviter à diriger la prière surtout
pendant le mois béni de ramadan. Bien que borgne, je ne pou-
vais moralement m'ériger en roi chez ces aveugles.
Je demandai la permission aux Nations Unies et désignai le
Capitaine pour conduire la prière pendant le ramadan. En
khoutba, je lui demandai d’insister sur le pardon et la tolérance
dans l’Islam.
Je parlais parfaitement bosanski, qui est la langue des Bos-
niaques. Aucune différence avec le serbe ou le croate, c'est la
même langue dans toute l'ancienne fédération de Yougoslavie.
Les Bosniaques n'étaient pas racistes au sens européen du
terme, ils avaient connu avec Tito des vagues d'immigration et
d'étudiants noirs qui étaient partis avec la guerre.
Ils nous trouvaient différents de ces autres Africains et nous
prenaient plutôt pour des Américains. Ils ne pouvaient pas non
plus faire de différence entre l'ONU, l'OTAN et l'OSCDE.
Avec l'histoire de la mosquée, ils comprirent que des Afri-
cains étaient parmi les IPTF et il y eut des discussions et des
échanges très fructueux entre eux et nous.
Une collaboration très étroite s'installa et je reçus des infor-
mations primordiales que les gens cachaient aux autres euro-
péens qui les méprisaient et s'amusaient beaucoup, sans tenir
compte de la misère qui les entourait.
J'eus à beaucoup rigoler d'un incident survenu entre un mar-
chand et moi dans l marché de mon quartier. Je devais aller en
permission au Maroc pour retrouver mon épouse et ma fille.
Je profitai donc du marché hebdomadaire de cette semaine la
pour acheter des cadeaux à mon épouse en choisissant de très
belles robes et tailleurs.

128
En bosanski, le marchand passa le mot à tout le monde en
disant : « Venez voir le nègre s'acheter des habits de femmes
pensant pouvoir les porter. Il est fou vraiment.».
Je me vis entouré par une cinquantaine de personnes qui ri-
golaient de plus en plus. Je ne me laissai pas décontenancer, je
continuai mes emplettes en choisissant davantage de robes.
Après avoir choisi, je lui demandai en bon serbe combien ce-
la coutait. Hébété il eut beaucoup de difficultés à faire le point.
Je lui dis alors et toujours en serbe : « Le nègre est certainement
fou de s'acheter des habits de femme, mais c'est un fou qui a
beaucoup d'argent ».
A la différence des autres missions qui étaient plus dures et
plus risquées, dans l'UNMIBH (United Mission In Bosnia Her-
zégovina), je me faisais beaucoup d'argent.
Je m'étais très peu intéressé par tout l’argent gagné au cours
de cette mission. Contrairement à plusieurs de mes camarades,
qui pensaient être, je n’étais la que pour fuir les Services spé-
ciaux. Je voulais en effet les vomir à cause de la bassesse de
certaines personnes et du manque de loyauté envers les institu-
tions.
Je vénérais, certes, mon Chef direct le Colonel FALL, mais
j'avais découvert des choses qui m'écœuraient au plus profond
de moi.
Je me fis beaucoup d'amis dans les contingents occidentaux
et avec eux je fis beaucoup de voyages à travers l'Europe pen-
dants mes six jours de repos mensuels.
En voiture, je sillonnais avec mon équipe la plupart des pays
européens. Je garde un souvenir chaleureux de John l'Américain,
Arto le Norvégien, Annette la Suédoise, Bernie l'Anglaise et
Yannick le Français.
Un message de la Gendarmerie vint arrêter tout ça. De Paris,
je reçus d'une amie un coup de fil me demandant d'appeler d'ur-
gence le Général qui insistait pour me parler.

129
A cette époque il était impossible au départ de Dakar d'avoir
la Bosnie au téléphone. Nous pouvions appeler mais il était
impossible de nous appeler.
J'appelai donc le Général Pathé SECK, Haut Commandant
de la Gendarmerie. Il souhaitait que je vienne en urgence
prendre la direction du Département des Affaires Juridiques du
Ministère.
Le Colonel Cheikhou NDIAYE venait de prendre sa retraite
et le Ministre voulait que le seul poste du Ministère occupé par
un gendarme soit occupé sans délai ou il le donnait aux Armées.
Le Général tenait lui à ce que j'occupe ce poste qui est un des
postes les plus stratégiques des Forces Armées. Je promis au
Général d'être à Dakar une semaine plus tard pour prendre le
poste.

130
Chapitre 13
Le juriste DIRCEL, Conseil d’État,
armes légères, mines, Droits de l’Homme,
anciens combattants, EMGA 1998-2003

Je vins d'abord fin octobre pour prendre les consignes et je


m'installais en décembre à la tête de la Direction de Contrôle
Études et Législation du Ministère des Forces Armées.
Je remplaçais à ce poste des Colonels prestigieux, compé-
tents et très respectés dans toutes les Forces Armées tant par
leur âge, leur expérience et leur très forte personnalité.
L'Intendant Lat DIOUF avait créé le poste. Il est au moment
où je prends la direction, membre du Conseil Constitutionnel.
Le Colonel Samba est une sommité de la Gendarmerie et finira
principal conseiller du Général NIANG, Ministre de l'Intérieur.
Le Colonel Cheikhou NDIAYE que je remplace est une forte
tête et une personnalité hors du commun, expérimenté, compé-
tent et cultivé.
Le cadeau qui m'était fait n'était pas une mince affaire et je
mesurais à leur juste valeur les nouvelles responsabilités qui
m’étaient données. Je me fis aussitôt le serment de tenir très
haut et avec prestige le flambeau.
Je pris exemple sur le Colonel FALL à sa prise de comman-
dement à la DDSE en apportant des initiatives nouvelles telles
l'informatisation du service.
Je décide moi-même tenant compte de mon expérience dans
les services spéciaux d'informatiser le service, de former les
agents à la bureautique et de reprendre la plupart des textes en y
apportant la mise à jour adéquate.
Le Ministre m'apporta tout l'appui en faisant doubler mon
budget. L'Intendant DIAGNE de la DAAEB fit changer tout le
mobilier et augmenta le budget. Il fit réaliser un véhicule neuf

131
dans le cadre d’un plan de dotation du Ministère en véhicules.
La Gendarmerie renforça le personnel sous-officier et l'Etat-
major mit en place un personnel officier plus motivé et mieux
outillé.
Je dus cependant m'opposer à certains pans du Ministère et à
des militaires qui voulurent profiter de mon grade et du chan-
gement pour réduire les compétences de la DIRCEL en lui en-
levant beaucoup de ses prérogatives.
Cette bataille fut dure et âpre et je ne pus la remporter
qu'avec l'aide et la confiance du Ministre Cheikh Hamidou
KANE qui avait une très haute idée de la DIRCEL.
La DIRCEL avait une compétence générale alors que les
autres directions avaient plutôt des compétences d'attribution.
Toute chose égale par ailleurs, toutes les affaires traitées au
niveau du Ministère avaient un aspect juridique et emportaient
le sceau de la DIRCEL pour le respect de la légalité.
Le contrôle de la légalité des actes donnait un pouvoir im-
mense à la DIRCEL qui pouvait au nom du Ministre s'opposer à
n'importe quelle décision prise en dehors de la légalité.
Les commandements avaient tendance à vouloir ignorer les
principes de légalité et prendre des décisions qu'ils jugeaient
conformes aux besoins du commandement.
Je ne saurais compter le nombre de fois où je fus convoqué
par un des généraux pour m'entendre engueuler sur mes préten-
tions à m'opposer à des actes de commandement. Prenons
l'exemple du Général qui décide d'une signature de libérer tous
les sergents âgés de plus de 36 ans et non titulaires du Certificat
Interarmes.
Les rapports de la DIRCEL avec les commandements sont la
plupart du temps conflictuels et la personnalité du Ministre est
très importante dans la résolution des affaires.
Faire appliquer le principe de la légalité est une difficile
mission face à des généraux qui se croient dotés d’un pouvoir
absolu.

132
J'eus la chance à mes débuts dans cette direction de tomber
sur un ministre expérimenté, courageux et très près de ses
hommes. Il m'apporta l'appui, le soutien et me prêta une oreille
attentive. Il me permit de poser les premiers actes et principes
face un Etat-major puissant et qui tient à imposer ses normes,
quelles que soient les conditions de légalité.
Toute grande étude de l'armée ou de la gendarmerie était fi-
nalisée par la DIRCEL qui en faisait une loi ou un règlement
suivant la nature.
Les commandements tenaient souvent à ce que leur projet
soit entériné par le Ministère sans y apporter une seule virgule
et je ne pouvais accepter cet état de fait. Ils ignoraient les pro-
cédures mises en place par l'Etat pour veiller au respect des
normes.
Moi-même, je me retrouvai conseiller référendaire au niveau
du Conseil d'Etat qui se réunissait chaque mercredi pour
prendre des décisions sur tous les textes soumis par les minis-
tères. Outre ses compétences contentieuses, le Conseil d’Etat
devait conseiller le gouvernement sur la forme, le fond et l'op-
portunité des projets. La présence du Commissaire du gouver-
nement en la personne du secrétaire général est obligatoire, un
des conseillers référendaires étant rapporteur du projet.
Je me suis trouvé souvent rapporteur des projets du Minis-
tère de l'Intérieur. Cette participation dans le travail du Conseil
d'Etat fut salutaire pour moi et m'apporta au plan rédactionnel et
juridique une meilleure appréciation de mes compétences.
Les hommes de qualité qui se côtoyaient au Conseil d'Etat,
sous la présidence de Monsieur Ousmane Camara et le Com-
missariat du Gouvernement par Monsieur Ousmane NDIAYE
ont permis au Sénégal d'avoir des textes sans failles, transpa-
rents et clairs qui créent un ordonnancement juridique de di-
mension internationale.
La satisfaction du Ministre et du Général Haut Commandant
de la Gendarmerie me fit proposer au grade de Colonel alors
que je venais juste de remplir les conditions de grade.

133
De ma position de DIRCEL, je pus être au courant des pro-
positions de la Gendarmerie dont six lieutenants colonels rem-
plissaient les conditions.
J'étais retenu alors que j'étais le moins gradé du groupe, deux
ans et quelques mois alors que les 5 autres avaient tous plus de
4 ans.
Très conscient que personne ne me pardonnerait cet avan-
cement plus qu'exceptionnel, je fis part au Général SECK et au
Ministre de ma gêne de devoir passer colonel avant certains
camarades plus gradés et autant, sinon plus méritants que moi.
Trois étaient laissés en rade par les propositions et ce fait
était à mon avis, plus néfaste que profitable à cause de l'accusa-
tion qui me serait faite d'avoir profité de mes fonctions et de
mes relations avec le Général.
Je tins si bon que le Ministre et le Général décidèrent de
nous faire passer tous les six. Pour la première fois, un tableau
d'avancement gendarmerie voyait six colonels passer en même
temps.
J'eus un grand problème avec le Général Chef d'Etat-major
Général des Armées. Gestionnaire du bureau des officiers géné-
raux, la DIRCEL devait assurer le suivi de la situation de ces
officiers au jour le jour pour renseigner le Ministre sur tous les
aspects de leur administration.
Durant une des vérifications, je trouvai dans le dossier du
CEMGA deux actes de naissance dont l'un le faisait naître un 22
mars 1942 et l'autre vers 1942.
Cette situation posait problème car je devais préparer l'acte
qui devait verser le Général dans la deuxième section des offi-
ciers généraux qui devait intervenir le premier jour qui suivait
ses 58 ans effectifs. Les élections présidentielles étaient prévues
le 26 février 2000.
Je fis une fiche au Ministre pour expliquer le problème, dé-
finir les enjeux et proposer d'appliquer au Général la date la
plus favorable et qui en même temps, permettait d'aller aux
élections sans soucis de chef pour l'Armée.

134
Le Ministre accepta ainsi ma proposition d'appliquer au Gé-
néral la date du 1er janvier 2001 pour sa retraite.
Pour me couvrir, je suis allé expliquer de vive voix l'objet de
ma fiche et la proposition que le Ministre avait retenue. En
outre je proposais pour me couvrir de demander officiellement
au général de produire un acte de naissance et que cet acte ferait
foi dans son cas.
A ma grande surprise, je me trouvai un matin de bonne
heure convoqué par le CEMGA devant son staff particulier et
ses hommes de main et me voir accuser de comploter avec un
groupe d'officiers enfants de troupe pour l'évincer de son com-
mandement.
Il a fallu que je lui présente séance tenante par mon adjoint
le Chef d’escadrons NDOYE, l'ensemble de son dossier dont
chaque pièce est authentifiée par le Directeur de l'Intendance.
Conscient de toute la gymnastique que j'avais faite pour l'ai-
der à rester jusqu'à la fin de l'année, il se leva précipitamment
pour faire ses ablutions, faire deux rakaas et me présenter ses
excuses. Il rappela à son monde les liens d'alliance que nous
avions par nos femmes. Il soutint avoir donné son appui pour
me faire passer colonel à la première proposition.
C'est au moment de mon passage au grade de colonel que
l'alternance intervint. J'en étais heureux comme la plupart des
Sénégalais sans pour autant rien en attendre de précis.
Rien de mal ne pouvait m'arriver, j'avais 45 ans, je faisais
partie des deux ou trois plus jeunes colonels des Forces Armées,
j'avais une fonction très importante.
Je n'étais entaché par aucune faute contre l'honneur ou la
discipline. Je venais de recevoir les félicitations du Comman-
dement pour avoir organisé le premier séminaire du Centre
d'études stratégiques de l'Afrique à la satisfaction des gouver-
nements sénégalais et américains.
Depuis plus d'un an, j'avais maintenu très haut le prestige de
la DIRCEL, bénéficiant des conseils discrets de l'Intendant Lat
DIOUF du Conseil Constitutionnel.

135
Je faisais des conférences au profit de certains établisse-
ments, de certaines Organisations Non Gouvernementales, au
CEDS et même à l'université avec le polémiste Babacar Justin
NDIAYE.
Je voyais la vie en rose, je voyageai beaucoup en qualité
d'expert militaire du Ministère des Affaires Etrangères pour
négocier les accords et conventions à caractère militaire.
J'eus une seconde chance en étant le premier militaire à en-
trer en contact avec le premier des ministres des Forces Armées
de l’alternance, Monsieur Youba SAMBOU.
Nommé le 3 avril 2000 à 20 heures dans le premier gouver-
nement de l'alternance, le nouveau ministre devait prendre part
au 4 avril le lendemain, fête de l'Indépendance.
L'Etat-major Général requit la Gendarmerie pour avoir des
nouvelles du Ministre. Le Général Pathé SECK me confia la
mission. La légion sud où le nouveau ministre était proviseur à
Bignona me trouva son adresse à Kourounar dans Pikine.
Je pus trouver le ministre chez un de ses parents vers 23
heures et je fis appel à son aide de camp, le Capitaine MBODJ
et ensemble, nous lui expliquâmes ce que l'on attendait de lui
durant la cérémonie.
Nous lui trouvâmes avec efficacité tout ce dont il avait be-
soin pour participer dignement à la solennité de la cérémonie. Il
nous trouva très disponibles et très efficaces et dira aux géné-
raux toute sa satisfaction de l'assistance qu'il eut cette nuit-là.
Le courant passa ainsi entre nous, comme lettre à la poste.
Le Ministre Youba Sambou me faisait totale confiance et moi-
même je lui faisais totale confiance. Je fus pendant deux ans
son principal conseiller en tout et il me consultait avant de si-
gner la plupart des dossiers du Département.
Sa courtoisie, sa finesse et sa prudence en font un grand mi-
nistre. Il protégea efficacement les Forces Armées en se faisant
un avocat dévoué en face d'un Président qui souvent prenait des
mesures sans respect de quoi que ce soit.

136
Les explications que je lui donnais pour s'opposer à telle me-
sure illégale ou inopportune étaient relayées avec tact au Prési-
dent qui avait beaucoup de respect pour lui.
Youba SAMBOU était assez libre. Il était rigoureux. Il suffi-
sait de le convaincre avec de bons arguments pour l'amener à
défendre sans hésitation l'intérêt des Forces Armées.

137
Chapitre 14
Les difficultés de la DIRCEL

Le premier choc eut lieu avec la décision du Président de la


République de nommer quatre calots bleus dont Lamine FAYE,
capitaines de gendarmerie et de les intégrer dans sa garde rap-
prochée.
Le Ministre qui avait reçu les instructions me demanda de
préparer la mesure et le projet y afférent.
Il fut très déçu de m'entendre lui dire ce n'était pas possible.
Il insista et je lui demande alors de m'enlever de la DIRCEL
avant la prise d'une telle mesure.
Je lui présentai sur l'heure l'ensemble des textes s'opposant à
de tels actes et qu'il était de son devoir d'exposer à la plus haute
autorité.
Il le fit avec beaucoup d'élan et d'enthousiasme lors d'un
conseil de sécurité alors que les généraux qui ne pensaient qu'à
leur survie, ne pipaient mot.
Seul le général NIANG alors Ministre de l'Intérieur, vint à
son secours en acceptant de commissionner les calots bleus
dans la Police Nationale.
Mes ennemis plus tard s'acoquineront avec Lamine FAYE
pour me faire payer mon opposition à leur entrée dans la Gen-
darmerie.
Le deuxième fut la volonté de Madame WADE de se débar-
rasser de la garde présidentielle qu'elle passera son temps à
critiquer sur beaucoup de choses.
Tantôt, elle décriait la vieillesse de la garde, ce qui était en
grande partie vrai, tantôt elle la trouvait avachie et sans préten-
tion. On pouvait expliquer la désaffection des gendarmes qui
avaient trop duré à la garde. Elle trouvait aussi les gendarmes
sales avec les cafards et autres qu'ils apportaient dans le palais.

139
Enfin, elle ne pouvait à juste titre, supporter les bols que les
familles faisaient venir aux heures de repas de la caserne de
Front de terre.
Tous ces problèmes avaient conduit le Président à demander
au Colonel Gouverneur une étude approfondie pour apporter
des changements. Madame Wade, de son côté avait commandi-
té à de soi-disant sociétés de sécurité européennes un audit pour
changer la garde.
Les Armées étaient preneur et préparait déjà un bataillon dit
d'honneur à la place de la Compagnie d'honneur, la Police de
même voulait prendre la place de la Gendarmerie avec le GMI.
Le Gouverneur prit à la légère la volonté du Président et
sous les pressions de Madame WADE, il sortit de ses archives
toutes les propositions déjà faites au Président Diouf pour amé-
liorer les conditions de la garde.
Le Président WADE les lui jeta à la figure et lui ferma pour
toujours ses portes. Il confia le travail au Capitaine DIALLO,
Chef de la sécurité rapprochée qui vint me voir pour l'aider à
faire des propositions.
Je fis avec mes adjoints les Commandants DIOUF et
NDOYE (anciens de la garde), les Capitaines DIENG et Ous-
mane BA, une étude exhaustive que je remis au Général SECK
comme proposition de la Gendarmerie pour la mise en place
d'une garde présidentielle aux normes.
Je convainquis le Capitaine de s'effacer comme moi de cette
étude pour le bien de la Gendarmerie et pour faire abdiquer les
sociétés de Madame Wade, les armées et la police. Le Président
donna son aval et montra toute sa satisfaction et demanda le
changement du Gouverneur.
Le Général SECK me témoigna sa satisfaction et me proposa
le poste de Gouverneur que je refusai pour plusieurs raisons. En
premier lieu, j'avais très longtemps servi en qualité d'officier de
renseignement et le Président WADE, dès sa prise de fonction a
pris la décision de dissoudre le CENCAR avec une volonté de
le rayer et de rayer les hommes qui y ont servi.

140
En second lieu, je me sais libre et indépendant dans mes
fonctions et dans ma vie, je ne suis pas un casanier enfermé
dans le Palais attendant que quelque chose se passe. Je bouge,
Je sors et J'ai envie de vivre.
Enfin en toute honnêteté, je n'ai pas la gueule de l'emploi, ni
la discipline physique, je suis trop libre par rapport à ça.
Je conseillai au Général de voir du côté de DIEYE qui a la
gueule de l'emploi ou au moins d’Abdoulaye FALL, certes plus
lourd mais qui devait en toute logique pouvoir le faire.
Tenant compte de beaucoup de problème que le Général
avait avec DIEYE depuis le refus de ce dernier de diriger son
Cabinet, le poste échut à Abdoulaye FALL.
Le Général me demanda de tâter le terrain pour voir s'il était
intéressé. Je lui fis rejoindre Dakar dans la semaine et prendre
le poste.
Le Colonel Djiby Diop, Gouverneur, vint m'insulter devant
le building m'accusant d'être trop pressé et de vouloir les enter-
rer. Sa relève du poste de Gouverneur et sa déception de voir un
de ses jeunes être nommé HCS l’avait conduit à m’accuser.
Dieu seul m’est témoin, j’ai participé de par ma position à
trois faits où ma conscience est tranquille, mais où des histoires
de maraboutages ne sont pas à exclure.
Un banal accident de voiture a failli me tuer sur l’autoroute,
les devins consultés par ma famille ont mis cet évènement sur
un des quatre dossiers que j’avais fait enfermé dans mon coffre,
un était le poste de HCS, les deux autres concernaient des dé-
tournements dans des organismes d’intérêt privé, coopérative et
mutuelle.
J'eus quelques problèmes avec le nouveau CEMGA, le Gé-
néral GAYE, un officier dont je fis ma référence depuis l'ENOA.
Le Général GAYE est un officier au-dessus du lot, je le respecte
comme Mansour NIANG dont il est promotionnaire pour trois
choses.
Il est engagé plus que tout autre officier dans son idéal de
soldat et le vit au quotidien, il a été le seul colonel qui avec son

141
grade a combattre à la tête de son bataillon en Casamance sans
rechigner ni crier à l'injustice.
Le Général GAYE est rigoureux en préparant avec tout le
nécessaire, la plus petite tâche à lui confiée, faisant preuve
d'une modestie intellectuelle qui lui a toujours donné les
moyens de réussir avec brio les missions.
Enfin, le Général GAYE est un homme de foi dont la réfé-
rence première est le Coran. Sa foi explique qu'il fait les choses
avec un engagement hors du commun, ce qui peut rendre explo-
sif toute erreur de sa part.
Ses démêlés avec le Colonel Khalil FALL de l'ANAD, qui a
pu me manipuler pour se faire nommer général, me placeront
parmi ses ennemis. Il doutera de ma bonne foi et fera tout son
possible pour m’éjecter de la DIRCEL.
Mes relations intangibles, fraternelles et complexes avec le
Colonel FALL, Secrétaire Général de l'ANAD, me feront
perdre la confiance du CEMGA alors que j'appuyais des quatre
fers la politique d'orthodoxie mise en place depuis mai 2000.
Le Président malien Alpha Omar Konaré a fait le vœu d'in-
tégrer l'ANAD au mécanisme de la paix de la CEDEAO. A cet
effet, il a mis à la disposition de la CEDEAO, le Général
DIARRA qu'il vient de nommer.
Je reçois un compte rendu du Secrétaire Général de l'ANAD
qui fait état de la nomination de son adjoint au grade de général
de brigade alors que lui-même est colonel.
Le compte rendu est repris par la DIRCEL, signé par le Mi-
nistre qui demande la nomination du Secrétaire Général de
l'ANAD au grade de Général de Brigade pour ne pas se laisser
évincer par les Maliens à la CEDEAO.
De bonne foi, croyant me battre pour des intérêts nationaux,
j'ai fait nommer par ma fiche Khalil Général de brigade. Je suis
convaincu qu'il méritait le grade, qu'en tout état de cause, il
aurait été nommé, cependant sa manipulation plus que gro-
tesque a facilité les choses.

142
La nomination obtenue, le Général FALL n'avait plus rien à
faire de l'ANAD. Il le saborde, le crucifie en ne lui laissant au-
cune chance d’intégration à la CEDEAO.
Il profite de la faiblesse des institutions ivoiriennes pour
convaincre en deux audiences le Président Wade de l'inutilité de
l'ANAD qui pesait lourd sur les finances sénégalaises depuis la
crise ivoirienne.
J'essaie de sauver l'organisation en convoquant à Dakar une
session ministérielle extraordinaire. Je convainquis même un
nouvel Etat, le Bénin, d'adhérer à l'ANAD. Je fis prendre les
mesures pour renflouer les caisses. Je prétextai que la Mauritanie
ne pouvait rejoindre le mécanisme de la CEDEAO, rien n'y fit.
Le Président WADE ne voulait plus, sur recommandation du
Secrétaire Général, entendre parler de l'ANAD. Le Ministre
Youba SAMBOU reçut pour instruction de conduire une mis-
sion d'urgence pour exprimer aux autres la volonté du Sénégal
de faire dissoudre l'ANAD.
La messe était dite. En ma qualité de Président du Comité
des experts, je fis dissoudre l'organisation. Les finances que je
venais d'obtenir pour relancer l'organisation, permirent de faire
la liquidation juridique. Le Général FALL revint à Dakar et se
vit nommer Inspecteur Général des Forces Armées.
Les assauts de l'EMGA n’eurent aucun effet sur moi. Je pus
garder, malgré bon gré, mon poste de la DIRCEL en conduisant
les affaires selon ma conscience et en conformité avec les lois.
Je voyageais beaucoup dans le cadre de trois dossiers très
importants, la liquidation de l'ANAD, la mise en œuvre de la
convention d'Ottawa sur les mines anti personnelles et enfin la
conférence des Nations Unies sur les armes légères et de petit
calibre.
Le Général Abdoulaye FALL le Chef d'Etat-major particu-
lier me servait de tampon avec le Général GAYE. Il m'écoutait
et portait ma bonne foi avec son épouse, auprès du CEMGA
que je gênais selon ses dires.
Mon travail était assez prenant pour que j'eusse le temps de
m'occuper des états d'âme des officiers généraux.

143
Je prenais cependant quelque distance avec le Général FALL
qui avait pris, dès lors un autre cheval, en l'occurrence le Colo-
nel Abdoulaye FALL, mon ami, le Gouverneur militaire du
Palais de la République, à qui je venais de faire un deuxième
cadeau encore plus juteux.
L'Alternance avec la suppression du CENCAR et la mise au
placard du Général WANE ont fait capoter toutes les relations
avec le MFDC. Les relations entre l'État et le MFDC sont cou-
pées et aucune voix ne semble s'ouvrir entre les deux entités.
Je ne sais pourquoi, mais le MFDC me contacta en m'en-
voyant une délégation conduite par Bountoum BADJI. Edmond
BORA selon ses dires, s'était porté garant de ma bonne foi.
Je les reçus à la DIRCEL et promis de les mettre en contact
avec l'Etat. J'exposai leur volonté au Ministre Youba SAMBOU
qui responsable politique de la Casamance, préférait ne pas
prendre en charge le dossier.
Je fis appel à mon ami et complice Abdoulaye FALL, le Co-
lonel Gouverneur. Il accepta de conduire la délégation devant le
Président de la République. Abdoulaye FALL déclara au Prési-
dent être le contact du MFDC pour les avoir côtoyé durant son
commandement de la Légion sud et bénéficier de la confiance
des combattants.
Fort de toutes ses affirmations, Wade déclara se donner cent
jours pour régler le dossier Casamance et nomma Abdoulaye
FALL, le gendarme et gouverneur, Monsieur Casamance.
Wade était de bonne foi, mais son Monsieur Casamance était
de mauvaise foi. Le Gouverneur militaire du Palais ne savait du
dossier que ce que je pouvais lui en dire. Je lui fis par fiche le
point de ce que je savais du MFDC, le mit en contact avec des
éléments clefs.

144
Chapitre 15
Le commissionnaire Joola 2002

Septembre 2002 me vit m'envoler vers Genève pour la qua-


trième conférence des états parties de la convention d'Ottawa
avec le Colonel NDIAYE DIONE, conseiller défense du pre-
mier Ministre et Abdou Salam Diallo Directeur des organisa-
tions internationales du Ministère des Affaires étrangères.
Après la conférence, je profitai de mon séjour en Europe
pour prendre quelques jours de vacances auprès d'une de mes
amies, avocat à Rodez. Je m'étais volontairement coupé du pays
pour bénéficier le plus possible des vacances.
Je ne sus absolument rien de l'accident du Joola jusqu'à ce
qu’un coup de fil à trois heures du matin vienne interrompre
mes vacances. Le Ministre Youba SAMBOU me demandait de
tout faire pour être à Dakar le même jour par l'avion d'Air
France qui quittait Paris à 16 H40.
Toutes les dispositions étaient prises pour mon billet. Je re-
trouvai le Colonel NDIAYE DIONE à Roissy. Il était aussi
rappelé par le premier Ministre. Il me fit un rapide point de
situation. Les Français qui voyageaient avec nous venaient aux
nouvelles qui de ses enfants, de ses parents, tous concernés par
le naufrage.
A ma descente d'avion, mon chauffeur était sur le tarmac
avec ordre de me conduire directement au Palais. Là, je reçus la
mission de conduire une enquête pour déterminer un, les condi-
tions du naufrage et deux, les mesures des secours.
Il m'était donné 24 heures par le Président de la République
pour établir un rapport circonstancié d'enquête.
J'ai exigé un délai supplémentaire et on me donna 48 heures
en tout et pour tout. Tous les moyens nationaux furent mis à ma
disposition pour comprendre ce qui s'était passé du 26 sep-

145
tembre 2002 à partir de 22 heures au 29 septembre 01 heure du
matin, moment où j'ai conscience de toute l'ampleur de la tâche.
Je décidai de réunir sur le champ un ensemble de personnel
des Armées et de la Gendarmerie que je jugeais compétent et
libre pour être membres de ma commission d'enquête.
Un bon dosage des compétences et des expertises est ainsi
mis en œuvre pour enquêter et répondre aux attentes du Prési-
dent de la République. Dès 06 heures, la commission rejoignait
Ziguinchor par Fokker puis Carabane et revenait sur Dakar vers
16 heures avec des éléments d'enquête.
Je décidai d'entendre les Armées concernées quand le Géné-
ral GAYE me posa des problèmes d'ancienneté. Il voulait refu-
ser l'audition des Chefs d'Etat-major de la Marine et de l'Armée
de l'Air, sous prétexte qu'ils étaient plus anciens que moi.
Je fis non seulement appel du Code de justice militaire et de
ma qualité d'officier de Police judiciaire mais encore, pour évi-
ter tout incident, je fis désigner des gradés de gendarmerie, offi-
cier de police judiciaire pour assurer le greffe de la commission.
L'Etat-major baissa la garde devant ma détermination. La
commission put accéder dans tous les endroits jugés utiles à la
manifestation de la vérité, saisir toutes les pièces et matériels
indispensables à la manifestation de la vérité et enfin entendre
toutes les personnes en cause, quel que soit le grade.
Nous entendîmes de même les forces françaises du Cap Vert
et la plupart des bénévoles comme les plongeurs qui mirent à
notre disposition leurs films.
Une enquête exhaustive ne pouvait se faire dans les condi-
tions de temps et d'expertise. Cela nous amène à produire un pré
rapport qui détermine les conditions du naufrage et les condi-
tions de mise en œuvre des secours.
Le Président de la République semble se satisfaire de ce
premier jet que je demande de parfaire et de vérifier en faisant
preuve de plus d'expertise. Il marqua son accord sur tous les
points, en décidant de publier aussitôt le rapport sur Internet. Il
fit limoger le Chef d'Etat-major de la Marine qui voulait démis-

146
sionner après son audition et la prise de conscience des fautes
commises par ses subordonnés.
Moi-même, je lui dis qu'il n'avait pas à démissionner, qu'il
était un officier et surtout un enfant de troupe. Il n'avait qu'à
attendre une sanction, dans son cas normale, mais qu'en aucun
cas, il n'avait pas à démissionner, c'était contraire au devoir et à
son état d'officier.
Nos liens d'ancien enfant de troupe, notre passage ensemble
au CENCAR et le respect que je lui vouais, firent qu'il m'écouta,
me remercia même des conditions de l'enquête. Il attendit sa-
gement les décisions de la République.
Le Ministre démissionna pour assumer la responsabilité poli-
tique. Le Président désigna l'inspection générale des Forces
Armées pour continuer l'enquête, et bien après, une commission
nationale présidée par le Professeur Seydou Madang SY. Cette
commission nationale adopta mon rapport et en fit une annexe
du rapport général de la commission.
Il n'y eut pas d'autre sanction et la vie normale du Ministère
reprit son cours avec le premier Ministre Mame Madior BOYE,
assurant l'intérim du Ministère des Forces Armées. Juriste, je
n'eus aucun problème avec elle, elle dirigea le Ministère jus-
qu'au 11 novembre, date de la nomination d’Idrissa SECK
comme premier Ministre.
Le lendemain, le maléfique Bécaye DIOP se voyait nommer
Ministre de la défense. Encore une fois, je m'élevai contre une
telle décision, faisant une fiche au nouveau Ministre pour lui
faire part de l'illégalité de cette nomination et lui en donner les
raisons.
Abdoulaye FALL, le gendarme, fut mis à contribution pour
donner la fiche au Président qui conscient de la gravité de son
erreur, fit rapporter le décret et nomma Bécaye, Ministre des
Forces Armées.
Les évènements de 1962 avaient créé un ordonnancement ju-
ridique qui excluait la création d'un Ministère de la Défense. La
Défense en tant que telle était confiée au seul Président de la
République et plusieurs Ministères avaient des prérogatives de

147
défense qui excluait sa concentration dans les mains d'un seul
Ministre.
Le Ministre des Forces Armées avait la charge et pour seule
mission la préparation des forces à leur participation à la dé-
fense nationale.
Fort de ça et pour me faire payer ma liberté d'action en tant
que DIRCEL, mais surtout les résultats de l'enquête du Joola,
l'Etat-major réclama ma tête au nouveau Ministre.
Becaye ne se fit pas prier, il me chercha des poux sur la tête.
Il voulut m'engueuler pour un oui ou un non. Il s'enquit de mes
horaires de travail, il me refusa certains dossiers urgents et im-
portants. De guerre lasse, il me renvoya du Ministère, un mois
après sa prise de fonction.
Après 4 ans de DIRCEL, je me retrouvai sans affectation,
une première dans les Forces Armées, un officier d'active sans
emploi.
Le Colonel Ndiaye Dione mit du temps à avaliser le numéro-
tage du décret qui mettait fin à mes fonctions, alors que le Mi-
nistère l'attendait en extrême urgence.
Le Secrétaire Général du gouvernement, après explication
vint voir Bécaye pour lui demander pourquoi il m'avait fait
relever d'un poste si important alors qu'il venait juste d'arriver
dans le Ministère.
Il ne put faire arrêter la mesure mais il avait montré au Mi-
nistre la bêtise qu'il venait de commettre en enlevant son rem-
part face au commandement et surtout en me faisant remplacer
par mon adjoint du grade de commandant.
Le Général Pathé SECK, qui n'avait rien fait pour me proté-
ger, voulut pour se racheter, me nommer Commandant de la
Gendarmerie Territoriale en remplacement du Colonel Mbaye
Cheikh Tidjane. Je ne voulus pas prendre la place de cet ancien
qui était en première au prytanée quand j'étais en sixième.
J'étais bel et bien au chômage quand le Ministre me fit con-
voquer par son Directeur de Cabinet, un ami depuis, Youba
SAMBOU.

148
Il m'expliqua avoir dû me protéger en m'enlevant de la DIR-
CEL car tout le monde m'en voulait pour les accusations que
j'avais formulées contre le corps des officiers dans l'enquête du
Joola. Il m'avait désigné comme Attaché militaire en Gambie où
il avait besoin de moi, tenant compte de mes compétences en
renseignement.
J'étais très heureux de ce choix et fonçai vers le Général
SECK pour lui faire part de la nouvelle. Le Général ne voulut
rien entendre et me fit comprendre que je ne pouvais pas être
Attaché militaire. Le Ministre n'avait aucun droit pour me dési-
gner à ce poste.
Je ne comprenais plus rien, 24 heures avant, il me proposait
tous les postes de Colonel de Gendarmerie. Maintenant il était
dans tous ses états pour le poste que le Ministre, conscient de sa
faute, tenait à réparer l'injustice.
Le Président de la République, sur mon étude, avait décidé
d'ouvrir des missions militaires dans les pays limitrophes pour
établir des rapports de confiance entre les Armées, trois postes,
Banjul, Nouakchott et Bamako.
Le Général SECK avait quémandé à Gaye un des postes
pour y caser le Colonel Mansour NIANG qui après 3 ans de
promenade obligatoire dans les missions onusiennes, avait de-
mandé à occuper un emploi normal de son grade. Ne voulant
pas de lui dans son dispositif, le patron des gendarmes avait
comploté pour l'envoyer à Banjul comme Attaché militaire.
Les deux grands commandements présentèrent ensemble au
Ministre le projet de donner un des postes à un officier de la
Gendarmerie. Comme j'étais le seul gendarme chômeur, le Mi-
nistre crut bien faire de me donner le poste.
Le Général alla demander l'arbitrage du Président en me dé-
signant comme un de ses meilleurs officiers dont il avait besoin
pour un commandement important.
Le Président fit bloquer par l'EMPART mon affectation. On
désigna Mansour NIANG pour aller en Mauritanie et on envoya
feu GUINESS en Gambie pour éviter toute interprétation.

149
Dès la sortie des décrets, le Général SECK me désigna pour
être observateur au Congo dans le cadre de la MONUC. Je lui
mis sous le nez la lettre faite au Président pour m'enlever mon
poste d'Attaché militaire et refusais tout simplement cette mise
à la disposition des Nations Unies que je trouvais injuste.
Il se disait avec ses nouveaux conseillers que l'argent à ga-
gner justifiait la mesure et que j'allais sauter dessus comme un
affamé.
Il me déclara la guerre et on me mit les bâtons dans les roues
pour me faire plier. Il rassembla son Etat-major pour me trouver
un motif de punition, il me fit couper les vivres, il me laissa
sans véhicule, sans carburant.
La guerre fut totale et il me déclara paria de la gendarmerie,
les officiers me fuirent et je n'eus plus droit aux égards de mon
grade, mais je ne pliais pas, Gueye FAYE prit la place du Con-
go et je restai au chômage.
J'en profitai pour donner des conférences au profit du CEDS
et au profit du MALAO (Mouvement contre les armes légères
en Afrique de l'Ouest). Madame AGBOTON que j'avais aidé à
monter son ONG, me tendit la perche et me donna une occupa-
tion d'expert et de conseil.
Je vis cette situation jusqu'au limogeage du CEMGA et son
remplacement par Khalil. On me chercha une solution et on
m'envoya à partir de Janvier 2004 comme Attaché militaire en
Guinée Conakry.
Entretemps, Khalil m'avait proposé des postes de responsa-
bilités dans l'Etat-major Général des Armées, poste que je ne
pouvais ou ne voulais occuper du fait de mon statut de gen-
darme.
J'avais eu une grande déception face à la lâcheté des
hommes qui avaient des responsabilités et les exerçaient à leur
seul profit et contre les intérêts de la communauté.

150
Chapitre 16
Le diplomate Guinée 2004-2005

Je rejoignis la Guinée de Lansana KONTE en mars 2004


après avoir effectué une reconnaissance des lieux entre dé-
cembre et janvier. Je dus mettre tout en œuvre pour ouvrir une
mission militaire.
L'Ambassade était très petite et ne pouvait en aucun cas con-
tenir une mission militaire. Le budget alloué de 9 500 000
FCFA était très modeste pour permettre la location de bureaux
corrects. Je résolus ainsi d'abriter la mission dans mon propre
logement.
J'avais pu louer à une somme dérisoire une très grande villa
sur deux niveaux. Je fis du premier niveau mes bureaux et du
deuxième niveau mon logement. Le budget d'équipement mis
en place avait été escamoté par le Ministère qui avait décidé de
nous équiper et ainsi passer un marché qui faisait honte.
Le mobilier convoyé depuis Dakar et amené par bateau était
dérisoire, peu fiable en termes de qualité et très insuffisant. La
facture qui m'avait été présentée pour décharge fut rejetée et j'y
joignis un rapport assez salé qui fit sortir le Ministre de ses gonds.
Ce rapport l'obligea à me prendre au sérieux, il fit doubler
mon budget et ainsi permit d'améliorer mes équipements et
accessoires. Le mobilier ne pouvait en aucun cas emporter mon
adhésion et démontra les honteuses magouilles qui se mettaient
en place dans le Ministère et qui avaient pour beaucoup amené
des problèmes entre le Ministre et le Général GAYE.
Le Général Gaye talonnait le Ministère et n'hésitait jamais à
taper sur les services du Ministère pour dénoncer la gabegie, les
magouilles et autres artifices au détriment du bienêtre de la
troupe.
Le départ du Général GAYE fut la porte ouverte à des dé-
rives qui ont détruit à jamais la rigueur budgétaire. Nous

151
n'étions pas des amis mais il faut reconnaître que les dérives se
mettent en place avec son départ et des officiers comme le Mi-
nistre installent un système de prédation dont les marchés des
missions militaires sont des cas insignifiants.
Sur le milliard prévu en 2004 pour équiper les missions mili-
taires, la moitié est détournée à des fins personnelles qui auront
des répercussions très négatives sur l'équipement des missions
militaires.
J'eus beaucoup de difficultés pour asseoir la mission mili-
taire, toutes les demandes d'audience effectuées en vue de ren-
contrer les autorités militaires du pays d'accueil, sont restées
sans réponse.
L'aide des attachés français et américains n'y changea rien et
mon Ambassadeur lui-même, courait depuis des mois pour ob-
tenir une audience du Ministre des Affaires Etrangères.
Je dus me rabattre sur un jeune activiste du parti présidentiel,
Président de la Commission Nationale de lutte contre les armes
légères et Secrétaire Général de la fondation Lansana CONTE
pour rencontrer des sous-fifres et commencer un semblant
d'existence.
Aucun responsable d'envergure ne voulut me rencontrer et je
me morfondais dans un désespoir total. La vie n'était pas chère
à cause du franc guinéen et je m'embourgeoisais, en attendant
des jours meilleurs. Je fis venir ma famille pour éviter le
"gnamdiodo", de très belles femmes peules qui s'offraient à
longueur de journée.
Je me rabattis sur la communauté sénégalaise où j'avais
beaucoup de parents par alliance et la communauté mouride que
dirigeait le mari de ma nièce. Je reçus une aide inestimable de la
communauté sénégalaise. Cette communauté très organisée et
assez influente déploya une série d'effort pour me trouver des
solutions.
La venue d'une délégation du bureau des enfants de troupe,
conduite par le Président SY en compagnie d'ancêtres des an-
nées 50 et 60 me permit de prendre langue avec le Président
CONTE lui-même. Sy que je fréquentais depuis Dakar m'invita

152
chez lui à déjeuner, il avait une femme guinéenne, restauratrice
et femme d'affaires.
Il profitait de ses séjours pour rendre visite au Président
CONTE, lui-même ancien de Saint Louis, promotion 53. Le
vieux BOIRO, enfant de troupe de la même promotion voulait
profiter pour présenter ses respects au Général Président.
J'ai profité de cette invitation pour demander à l'ancien SY
d'intercéder à ma faveur pour avoir une audience avec le Chef
d'Etat-major Général Kerfalla CAMARA que je connaissais
pourtant très bien pour avoir été officier de liaison près de lui au
Libéria.
Sy présenta ma requête au Général Président en avançant
que j'étais un enfant de troupe de Saint Louis et que je voulais
présenter mes respects au très grand ancien.
Le lendemain, je fus convoqué par le Colonel Kandé
TOURE, Directeur de Cabinet du Ministre de la Défense, le
Général Lansana CONTEH. Le colonel me reçut avec beaucoup
de courtoisie, beaucoup d'attention, m'expliqua le calendrier
trop chargé qui avait reculé mes audiences.
Il me dit que le Président lui-même me recevrait en grande
pompe, le jeudi matin à 10 heures et que cet honneur m'était fait
en qualité d'enfant de troupe. Effectivement, le Général Prési-
dent me reçut comme un Chef d'Etat avec musique et honneurs
militaires.
Je passais en revue un détachement de sa garde personnelle
et fut introduit dans une salle de banquet où étaient réunis tous
les généraux et colonels que comptait la Guinée.
Ma présentation déplut au Général alors que dans un garde à
vous impeccable, je saluai et me présentai en disant : « Colonel
Abdoulaye Aziz NDAW, Attaché militaire Naval et de l'Air,
mes devoirs Monsieur le Président de la République ».
Avec fermeté il me répondit : « Je m'en fous d'être Président,
appelez-moi mon Général ». Tous les officiers se mirent à rigo-
ler et l'atmosphère se détendit.

153
Le Général Président me fit asseoir à côté de lui et me pré-
senta à l'assistance avec des mots de soudard. Il me fit lever, me
demanda mon âge, 49 ans, et fit lever un Colonel du nom de
DIALLO, âgé de plus de 70 ans et qui selon toute vraisem-
blance lui était très proche.
Lansana CONTEH lui dit : « Tu vois Diallo, voilà la diffé-
rence entre toi et moi, ce jeune Colonel sort de la même école
que moi, il présente bien, il est très bien formé et il est intelli-
gent ».
Il s’adressa ensuite à toute l'assistance pour dire : « Doréna-
vant, c'est mon fils, vous lui apporterez en toutes circonstances
l'appui et le soutien que vous m'apportez à moi-même ».
Il me demanda de passer aussi souvent que possible le voir
même dans son champ et que toute la Guinée était à ma disposi-
tion pour faciliter ma mission. Il ne me laissa pas exposer les
objectifs de ma mission en GUINÉE, ni non plus les enjeux de
la coopération entre les deux pays.
L'enthousiasme était tombé, l'essentiel avait été dit et le Gé-
néral Président était retombé dans une léthargie et semblait
beaucoup souffrir.
Il ne s'était pas levé, la rumeur disait qu'il avait une plaie à la
jambe inguérissable du fait de son diabète. Il marchait diffici-
lement et ne se levait jamais devant ses visiteurs. Vrai ou pas, le
Président semblait beaucoup souffrir.
Le Général KERFALLAH CEMGA, l'officier le plus gradé
s'était levé dans un soupir et il m'invita à le suivre et à aller
continuer la discussion à l'Etat-major des Forces Armées gui-
néennes au camp Samory TOURE. Je le suivis, suivi de la co-
horte d'officiers qui m'en voulaient de perturber le repos du
Général.
Le Général Président semblait beaucoup souffrir, ne se levait
plus et était toujours aperçu à l'intérieur de sa voiture pour rallier
son bureau ou son champ, une cigarette au bec à tout moment.
Nous le laissâmes à sa méditation et rejoignîmes le camp
Samory où se trouvait l'essentiel des organes de commandement
de l'Armée guinéenne, notamment le Ministère tenu par le Di-

154
recteur de Cabinet, le charmant Colonel Kandé TOURE, l'Etat-
major Général, l'Etat-major de l'Armée de terre avec le Général
BALDE et les divers commandements logistiques.
Seuls l'Etat-major de la Marine aux ordres du Capitaine de
vaisseau DAFFE et l'Etat-major de l'Armée de l'Air aux ordres
du Colonel SYLLA étaient implantés respectivement à la base
navale et à la base aérienne.
Je pus ainsi démarrer ma mission d'Attaché militaire, naval et
de l'Air près des Forces Armées guinéennes. Je découvris une
armée puissante, fière de ses faits d'armes, disparate dans sa
composition, médiocre dans sa formation, indisciplinée dans sa
tenue, dans ses rangs et une armée très affairiste. Le grade est
souvent lié à un souci d'équilibre aussi bien ethnique que régional.
Chaque général ou chaque colonel et Dieu sait qu'ils sont
nombreux les officiers supérieurs, représente un lieu déterminé
de la Guinée où il apparaît comme un "apparatchik", respon-
sable devant le gouvernement national et surtout devant le Gé-
néral Président comme le seul et unique responsable du bon
ordre et de la bonne marche des affaires.
Responsable militaire, ayant une grande responsabilité dans
la capitale, il est responsable politique, économique et social de
sa région. Il a la haute main sur les destinées de sa contrée et les
autorités administratives, politiques et sociales lui vouent un
respect immense. C'est à ce prix que se construisent l'équilibre
et la paix en Guinée.
Je pus réussir quelques objectifs avec la Guinée, notamment
la visite du Général Chef d'Etat-major des Armées qui eut un
succès retentissant pour les deux pays.
Je peux vous garantir qu'avec la survenue de l'alternance,
c'est la seule visite d'état qu'autorisa le Général Président envers
le Sénégal dont il se méfie pour diverses raisons.
Je pus obtenir des escales de bateau pour nos navires de ravi-
taillement du contingent sénégalais de la Mission des Nations
Unies au Libéria ; je profitais de ses escales pour donner des
cocktails qui permirent d'améliorer ma carte de visite.

155
Je pus établir un accord médical entre les deux armées en
vue de permettre de soigner certains militaires guinéens dans les
hôpitaux militaires sénégalais, notamment HPD Hôpital Princi-
pal de Dakar et Infirmerie Hôpital de Ouata IHO.
Enfin, je pus organiser un accord transfrontalier entre les
forces de sécurité et de défense sur la frontière entre les deux
pays. Les componés 4 (Tambacounda) et 5 (Kolda) firent une
visite mémorable à la zone de défense de Labé qui fait face au
Sénégal.
L'opposition guinéenne avait fait des démarches spectacu-
laires auprès du Président WADE pour solliciter son intermé-
diation auprès du Général Président Lantana.
Une telle démarche était nécessaire pour instaurer un dia-
logue entre les différents acteurs de la politique guinéenne. Le
Président WADE sollicitait depuis un bon bout de temps une
entrevue et voulait rendre une visite d'amitié et de travail au
Président CONTE.
Le Ministère des Affaires Etrangères du Sénégal faisait des
pressions journalières sur l'Ambassade pour obtenir ce rendez-
vous et le Président menaçait de relever l'Ambassadeur s'il ne
pouvait obtenir le rendez-vous.
Les Guinéens avaient fermé sur instruction toutes les portes
et possibilités à l'Ambassade du Sénégal. L'Ambassadeur ne
pouvait obtenir aucun rendez-vous et le pauvre, entre le marteau
et l'enclume sollicita la mission militaire pour obtenir au moins
un rendez-vous avec le Ministre des Affaires Etrangères.
Je fis part au Général KERFALLA, Chef d'Etat-major Géné-
ral des demandes du Sénégal, il me fit comprendre la difficulté
où il se trouvait d'avoir à intervenir dans une histoire entre deux
présidents.
Je lui mis la pression en lui précisant toute la puissance qu'il
représentait et toute la confiance placée en lui, raison qui l'avait
conduit à présider devant le premier Ministre et toutes les auto-
rités, les festivités de l'Indépendance en sa qualité de représen-
tant exclusif du Chef de l'Etat.

156
Il me conseilla de me rendre moi-même au verger du Prési-
dent sous forme de visite de courtoisie et en qualité de fils, de
profiter de la situation pour exposer la demande sénégalaise.
J'en fis part à l'Ambassadeur qui ne trouva pas une autre solu-
tion pour remplir sa mission
Je profitai d'un dimanche ensoleillé pour me rendre au ver-
ger domicile du Général Président Lansana CONTEH. Je fus
reçu par l'officier de service, qui était déjà présent à l'audience
que le Général Président m'avait accordée devant toutes les
Forces Armées guinéennes.
Il ne fit aucune difficulté pour me recevoir, mais me deman-
da de patienter au moins deux à trois heures, le temps que le
Président finisse de se reposer.
En attendant, il me proposa la visite de la ferme du Président.
Cette visite prit les trois heures et me donna très vite les sujets de
discussion qui intéresseraient forcément le Général CONTEH.
Effectivement, je lui fis part de mon émerveillement devant
sa réalisation, ce qui était totalement vrai, le Général Président
avait créé une ferme qui produisait tout et tout sur des hectares
et des hectares. La visite avait permis de constater les connais-
sances et la passion du Général pour l'agriculture et l'élevage
sans oublier l'aviculture et la pisciculture.
Le Général CONTEH me fit comprendre que c'est la même
passion qu'il avait pour la Guinée que Dieu avait dotée de tout,
mais que, malheureusement, le Guinéen n'avait aucune ambition
et ne travaillait pas.
Nous discutâmes en long et en large de sa politique, de ses
envies, de ses souhaits pour le peuple de Guinée. Il se voulait
un bon père de la nation et finit par me dire : « Je n'ai tué per-
sonne, personne n'est en prison, la presse est libre et les Gui-
néens mangent à leur faim.
J'assure la paix et le bon ordre, qu'est-ce qu'il a à m'emmer-
der ton Président, pourquoi il veut me voir. Qu'est-ce qu'il peut
apporter à la Guinée, nous n'avons pas besoin de lui, le Sénégal
a plus de problèmes que la Guinée ».

157
Le Général KERFALLA avait bien rendu compte et je fus
surpris par la tournure de l'entretien, je ne m'étais pas sérieuse-
ment préparé à une telle attaque, directe et sincère. Le silence
s'installa entre nous et il devenait impoli de ma part de placer
une demande quelconque.
Je me faisais raison de l'échec de ma démarche et surtout de
ma prétention démesurée en voulant profiter de l'amabilité pa-
ternaliste envers ma personne. Sans aucune possibilité, je conti-
nuai d'acquiescer de la tête comme si le Général avait continué
son argumentaire.
Il vint à mon secours en me proposant de me donner un
champ vers Foya pour moi-même établir une ferme pilote, c'est
ce qu'il avait fait au profit de tous les officiers supérieurs qui
ainsi travaillaient la terre mais encore développaient économi-
quement leurs contrées.
Je lui fis savoir, qu'en ma qualité d'officier des Forces Ar-
mées sénégalaises, je ne pouvais accepter cette offre sans trahir
mon serment et qu'à ma retraite, je songerai à son offre et re-
viendrait la lui rappeler. Il me demanda alors ce qu'il pouvait
faire pour moi et qui m'apporterait la satisfaction de la demande
du Président WADE.
Il m'entendit lui répondre « rien » sinon la satisfaction per-
sonnelle d'avoir rempli ma mission. Il me demanda alors de lui
passer le Président WADE par téléphone.
Je mis du temps à comprendre sa suggestion, je déployais
aussitôt un effort considérable de mémoire pour me rappeler un
numéro de la Présidence et de mon portable, je demandais à
entrer en contact en extrême urgence avec le Capitaine de vais-
seau aide de camp.
J'eus des difficultés pour l'avoir et au moment où je lui ex-
plique la situation, mon portable n'avait plus de crédit. Patient et
en rigolant comme un soudard de la situation, le Président
CONTEH me permit d'utiliser son portable pour expliquer la
situation.

158
La Présidence rappela aussitôt sur mon portable et le Prési-
dent WADE put s'expliquer pendant dix minutes avec le Prési-
dent CONTEH.
Je n'entendais pas ce que le Président des sénégalais argu-
mentait, je suivais la réponse négative du Guinéen à toutes les
possibles suggestions ou demandes.
Le Président CONTEH resta courtois et ferme, rigola des
Sénégalais qui n'avaient même pas assez de crédit dans leur
téléphone et qui voulait être partout et nulle part.
Il dit diplomatiquement au Président WADE que sa venue en
Guinée ne dépendait que de lui, qu'il le recevrait en ami et frère
mais qu'actuellement, il était malade et qu'il devait aller se soi-
gner et qu'à son retour, il le recevrait avec plaisir.
Il lui suggérait dans l'urgence de lui envoyer une délégation
ministérielle que le gouvernement guinéen recevra avec tous les
honneurs. Il rigola avec moi de cet entretien qui le détendit et je
pus le quitter fier d'avoir au moins rempli ma mission.
Le Président WADE, pour ne pas décevoir l'opposition gui-
néenne, envoya une délégation ministérielle conduite par le
Ministre des Forces Armées Bécaye DIOP accompagné d’Aziz
SOW du NEPAD. Le Général CONTEH reçut lui-même la
délégation que je lui conduisis, il ne voulait pas de l'Ambassa-
deur dans la délégation.
Je dus comploter avec ce dernier pour le sortir de l'impasse.
L'audience était fixée à 9H30 à la Présidence de la République.
Je fis comprendre aux deux ministres que l'audience était fixée
à 10H30 mais qu'il fallait être prêt à partir vers 8 heures parce
que le Président pouvait changer à tout moment le lieu de ren-
dez-vous.
Vers 9 heures, je les conduisais vers le palais en leur faisant
savoir qu'on ne pouvait attendre l'Ambassadeur sans perdre le
rendez-vous. En tout état de cause, tenant compte des pro-
blèmes de réseau, l'Ambassadeur était injoignable. C'est ainsi
que nous nous rendîmes au palais sans ambassadeur. Le Prési-
dent CONTEH nous reçut immédiatement.

159
Le Ministre Bécaye DIOP se présenta comme Ministre des
Forces Armées. Il présenta Aziz SOW comme le ministre en
charge du NEPAD. Il tendit la lettre du Président WADE. Le
président CONTEH prit la lettre et dit merci. La salle plongea
dans un silence abasourdissant.
Bécaye ne faisait pas le poids et il n'accrochait pas non plus.
Aziz SOW ne pouvait en aucun cas dire quoi que ce soit. Le
Président CONTEH se moquait visiblement de cette délégation
si minable.
Je dus une fois de plus me résoudre à sauver la situation en
parlant des expériences de l'Armée guinéenne en termes de
coopératives agricoles et de la volonté du Sénégal de copier ce
savoir-faire initié par le Général Président.
Le Président CONTEH s'enflamma alors, exposa son sys-
tème et montra toute sa disponibilité de partager avec le Séné-
gal une telle expérience. Le ministre Aziz SOW, plus cultivé
que Bécaye dans ce domaine put échanger avec le Président
CONTEH et entre autres, prolonger la discussion sur les don-
nées du NEPAD, de l'OMVS, de l'UEMOA et beaucoup
d'autres sujets intéressants.
L'audience put durer une heure pleine, avec des échanges in-
téressants entre le Général Président et le Ministre Aziz SOW.
Bécaye n'était pas du tout à sa place mais c'était ça aussi le ré-
gime de l'alternance, l'incompétence comme système de gou-
vernement.
J'étais heureux en Guinée. Quelques mesquineries au sein de
l'Ambassade n'arrivaient pas à me faire perdre ma bonne hu-
meur habituelle. Par internet, je travaillais beaucoup sur des
projets que me soumettait mon ami le Général Abdoulaye
FALL, Chef d'Etat-major particulier et Monsieur " Casamance"
du Président de la République.
Grâce à lui et avec le Lieutenant-colonel TINE que je lui
avais suggéré à ma place quand il a voulu faire de moi un Chef
de cabinet, je n'étais pas très coupé du Sénégal.
J'avais le temps de faire les études et projets qu'il me de-
mandait et je le faisais avec tout mon cœur et tout mon enga-

160
gement. Ces projets intéressaient tous les domaines de la vie
militaire, la Casamance, notamment l'organisation de Fou-
diougne 1 et 2, mais surtout la Gendarmerie qui nécessitait des
réformes immenses.
Et c'est sans surprise que le 15 juillet 2005, il me proposa de
venir l'aider dans la prise du Haut Commandement de la Gen-
darmerie. Le président WADE venait de lui confier ce très im-
portant commandement. A ce titre, j'étais nommé Haut Com-
mandant en Second de la Gendarmerie, fonction équivalente au
Major Général de la Gendarmerie Nationale française.

161
Chapitre 17
Le haut commandant en second
et programme de relance de la gendarmerie
2005-2007

La proximité du Général avec le Président et les services


présidentiels pouvait nous servir à développer la Gendarmerie
et la moderniser pour répondre aux défis du troisième millénaire.
Cette vérité et la confiance placée en moi m'ont donné des
ailes pour entreprendre la conception et la définition d’un plan
de développement à très court terme HORIZON 2006 -2011.
Je venais de réaliser un rêve immense, un rêve fou. Je reve-
nais dans la Gendarmerie par la grande porte après 16 ans d'ab-
sence.
Pendant 16 ans, depuis pratiquement depuis 1989, je n'occu-
pais que des fonctions interarmées, des fonctions importantes,
des fonctions prestigieuses. Ces fonctions n'avaient rien à voir
avec ma formation, mon arme et ma spécialité, j'étais gendarme
et comme le dit l'adage, avant de construire à l'étranger, cons-
truis chez toi.
Pour moi, ce poste représentait ma consécration, témoignait
de la justesse de mon engagement, de la reconnaissance de ma
compétence, de ma loyauté et de la qualité de mon dévouement
envers l'état et les institutions de la République.
Je me retrouvai avec la devise qui m'a vu grandir et accepter
mon état d'officier "SAVOIR POUR MIEUX SERVIR".
Beaucoup de mes amis voulurent me donner des conseils
pratiques sur l'évolution future de ma carrière, notamment des
garanties fermes et irréversibles du Haut commandement des
Forces Armées pour au moins me faire nommer Général de
brigade avant de rejoindre le poste.

163
Khalil FALL était CEMGA et Abdoulaye FALL Haut
COMGEND. Mes conseillers tenaient à ce que je fasse de cette
nomination une exigence parce que d'un, le poste était un poste
de Général, et en second lieu, mes deux amis qui me devaient
chacun quelque chose étaient aux commandes et enfin mes con-
seillers doutaient de leur loyauté envers moi.
Des camarades officiers de gendarmerie qui pensaient con-
naitre le Haut Commandant de la Gendarmerie, me firent un
tableau très sombre de l'homme. Ils me firent comprendre que
l'adhésion des hommes et des officiers ne pouvait se faire qu'à
travers ma personne. En aucun cas et selon la plupart de ces
camarades, le Général FALL, ne pouvait les commander ou
interdire quoi que ce soit, du fait qu'il est entaché par une série
de scandales qui le lient à jamais.
En outre, beaucoup de colonels plus anciens que lui ne pou-
vaient accepter la nouvelle situation que sa nomination et la
mienne entraînaient pour eux. La seule protection que je pou-
vais faire prévaloir était une nomination dans les mêmes condi-
tions que lui.
Sur demande du Général FALL, je constituais une équipe à
même de prendre les destinées de la Gendarmerie. Comme je
n'avais aucun préjugé vis-à-vis d'un quelconque officier, trois
critères furent mis en exergue pour répartir les rôles entre les
différentes catégories d'officier, l'ancienneté par rapport à moi,
la compétence et l'engagement dans les missions de l'institution.
En ce qui concerne l'ancienneté, je posai dès le départ le
postulat que comme j'étais Colonel avec 6 ans de grade, tous les
Colonels plus anciens que moi devaient se retrouver dans des
fonctions en dehors de la Gendarmerie et loin de mes responsa-
bilités.
Je les fis convoquer devant le Général et suivant leur an-
cienneté, le Général leur proposa des postes importants et très
bien rémunérés. Le plus ancien, MBAYE Cheikh Tidjane, choi-
sit de rester à la Direction de l'Administration pénitentiaire,
Djibril BA était déjà Attaché militaire au Mali, POUYE se vit
affecter en Mauritanie, Thierno LO devait me remplacer en
Guinée.

164
Diouf prit la DIRCEL et DIAKHITE restait à la disposition
des Nations Unies en Côte d'Ivoire. Dieye et moi avions la
même ancienneté dans le grade et dans le service. Il occupait les
fonctions de Secrétaire Général de la Haute Autorité de l'Aéro-
port Léopold Sédar SENGHOR.
Je ne pense pas avoir lésé un seul dans la distribution des
rôles. Je pouvais comprendre la déception de certains anciens
de perdre aussi bien le poste de Hautcomgend que de HCS.
Je n'y avais aucune responsabilité du moment que le choix
était politique et de la responsabilité exclusive du Président de
la République.
Il y eut effectivement beaucoup de frustrations et mêmes des
paroles malheureuses de certains. Cependant l'Etat en nommant
Abdoulaye FALL contre toute attente, d'abord Général en 2003,
ensuite Hautcomgend en 2005, avait fait le choix d'enterrer la
génération plus ancienne qui effectivement, avait ses préten-
tions et ses espoirs.
Je ne faisais pas d'état d'âme du seul fait que j'avais la même
ancienneté de grade que le Général FALL au grade de Colonel.
Je disposais de tous les atouts physiques, moraux et intellectuels
pour exercer en toute liberté la fonction de Haut Commandant
en Second de la Gendarmerie.
Mon expérience dans des postes de haute responsabilité dé-
passait de loin celle de tous mes anciens qui n'étaient jamais
sortis des arcanes de la Gendarmerie et souvent n'étaient que de
très bons exécutants.
Pour les plus jeunes en grade, le choix fut dicté par la com-
pétence et l'engagement dans la Gendarmerie. J'eus de la part du
Général la liberté de choix pour constituer un Etat-major digne
de ce nom, un cabinet bien outillé et des commandements re-
présentatifs.
Les Colonels les plus anciens assumèrent la responsabilité
des grands commandements et des légions de Gendarmerie.
L'Etat-major fut pour la première fois de l'histoire de la Gen-
darmerie bien fournie en officiers de valeur, tous titulaires au

165
moins du brevet d'Etat-major, si ce n'est purement et simple-
ment le diplôme de l'Ecole de guerre.
Vingt-cinq officiers des grades de Colonel à Chef d'esca-
drons furent affectés durant le dernier semestre de 2005 à l'Etat-
major comme Chef de chaîne ou Chef de division. Le cabinet
reçut cinq officiers entre le grade de Lieutenant-colonel et Chef
d'escadron.
Au départ, la plupart de ces officiers étaient réticents à servir
en Etat-major, d'abord parce que très peu ont fait du travail
d'Etat-major et enfin, ils avaient peur de perdre les moyens de
commandement dont ils disposaient dans les unités.
Avec le Colonel TINE et le colonel Cheikh SENE, j'entre-
pris la grande réforme de la Gendarmerie. La plupart des idées
avaient été concoctées depuis la Guinée et avaient fait l'objet de
plusieurs échanges mails entre le Général FALL, alors CEM-
PART, et le Lieutenant-colonel TINE qui servait déjà sur ma
recommandation auprès du Général.
Le colonel TINE reste le témoin privilégié entre Abdoulaye
FALL et moi sur tous les projets que nous avons mis en œuvre
dans la Gendarmerie.
Le statut d'observateur que mes années en dehors de l'arme
m'ont octroyé, la confrontation avec d'autres forces comme les
armées ou même la police, l'engagement prospectif et libre du
Colonel TINE et la confiance totale du Général, ont permis
d'entreprendre un chantier de réformes et de redynamisation de
la Gendarmerie.
L'expérience du Colonel Cheikh SENE, très au courant des
problèmes de commandement du fait de sa fonction de Chef des
moyens généraux a permis de surmonter beaucoup d'obstacles
et de répondre aux réserves des officiers qui ne voulaient pas
que les choses bougent.
Un programme de commandement en dix points fut soumis
aux officiers de gendarmerie et adopté sans réserve par la plu-
part des commandements. Le plan fut discuté de long en large,
dans un esprit critique et de façon ouverte sans a priori ni direc-
tives formelles.

166
De jeunes officiers furent désignés en qualité de rapporteurs
des différentes commissions d'études. Ces rapports furent sou-
mis à toutes les critiques et leurs auteurs à toutes les questions
usuelles et non usuelles pour une bonne maîtrise du sujet.
Tous les domaines de commandement furent audités et visi-
tés pour que le plan soit le plus complet possible. Beaucoup
crièrent à une militarisation plus poussée de la Gendarmerie.
Certains n'hésitèrent pas à m'accuser de méconnaissance des
règles de commandement de la Gendarmerie. La plupart te-
naient à conserver des privilèges liés à la corruption et au trafic
d'influence.
La répartition équilibrée des fonctions de commandement,
d'administration était l'enjeu de ces réformes. L'exercice de la
responsabilité était en jeu. Le compte rendu vers le haut de tout
évènement ne pouvait plus libérer le Chef gendarme.
En cas d'accident grave de la circulation, le Commandant de
brigade rend compte au commandant de compagnie ou compa-
gend, ce dernier au commandant de légion ou comlégion qui à
son tour rend compte au Commandant de gendarmerie, qui me
rend compte et je rends compte au Général. Le tour est joué,
tout le monde est content.
Pendant des décennies, la Gendarmerie a fonctionné comme
ça et le Chef est dérangé à longueur de journée par des histoires
de chiens écrasés.
Chacun cherche à rendre compte le plus fidèlement possible
de tout évènement et n'apporte rien de plus à la chaîne de com-
mandement. Le Général est dérangé à longueur de journée par
ces comptes rendus dont il ne sait que faire.
Chacun est content d'avoir gagné sa journée parce que le
Général a été mis au courant de l'évènement dans les 5 mn et ce,
quelle que soit l'heure.
Le commandement ne pouvait entamer une réflexion sé-
rieuse ou entamer une étude, le rôle des officiers se bornait à
rendre compte à l'échelon supérieur.
Cela me choquait et me dérangeait. Je ne pouvais com-
prendre me faire réveiller à 03 heures pour des chiens écrasés.

167
On me rendait compte et moi je me rendormais, la tête lourde et
sans réaction possible.
En six mois, et avec le Colonel TINE et la bénédiction du Gé-
néral, la grande réforme aboutit avec une refonte totale de l'orga-
nisation, la départementalisation et la redynamisation des unités.
La Gendarmerie se voyait dotée d'un Etat-major, de quatre
grands commandements, de sept légions terre, de trois légions
mobiles, de deux centres logistiques et de plusieurs unités spéciales.
Un programme complet de redéfinition des ressources hu-
maines avec un nouveau statut fut mis en place et enfin des
moyens pour l'infrastructure et la remotorisation furent budgétisés.
L'informatisation devait couronner toute cette entreprise et
projeter amplement la Gendarmerie dans le troisième millénaire.
Le Président de la République fut convié à soutenir le plan
de redynamisation. Il mit à notre disposition des moyens d'en-
vergure pour répondre davantage aux besoins de sécurité des
populations.
Une très bonne équipe fut placée entre mes mains et celles
du Général pour faire jouer pleinement son rôle à la Gendarme-
rie dans la protection des personnes et des biens. Je pris cette
mission très à cœur et mon équipe avec moi.
Je vécus deux ans d'engagement total, deux ans de réformes,
deux ans de combats qui permirent la création d’un dispositif
efficient. Un Etat-major responsable et instructif est entre mes
mains et mon commandement direct. Un Centre Opérationnel
que le Colonel Ismaïla SARR dirigea avec expérience et cou-
rage est la réponse adaptée aux évènements. Une inspection
interne aux ordres du colonel Moussa COULOUBALY devient
un outil indispensable d'audit interne et d'action forte sur la
discipline. Une légion Hors Rang permit de gérer au mieux les
personnels d'Etat-major et les missionnaires à l'étranger. La
légion de sécurité et de protection fut mise en place pour
prendre en charge les autorités étatiques et les bâtiments admi-
nistratifs.
La LGI retrouva son TED normal et eut des effectifs de neuf
cents militaires dont trois officiers par escadron. La légion de

168
garde présidentielle ou garde rouge trouva un sens dans son
appellation et dans son accoutrement à la dimension de la Garde
républicaine de Paris.
La départementalisation de la Gendarmerie territoriale fut
entreprise avec la création de plus de dix compagnies nouvelles
et plus de vingt brigades territoriales. Deux centres furent char-
gés de la logistique, le centre administratif et le centre technique.
La coordination effective de toutes ces nouvelles activités, le
traitement quotidien du courrier gendarmerie, les séminaires de
commandement pour pallier au déficit de formation, les réu-
nions mensuelles de grands commandements, les chantiers ou-
verts, les visites aux unités, les inspections d'envergure ne me
laissèrent pas le temps de comploter ou de penser à moi-même.
Mon engagement demandait des sacrifices énormes. Je te-
nais à réussir le commandement du Général Abdoulaye FALL,
mon ami, en plein accord avec lui. Je ne pris aucune initiative
qu'il n'accepta pas ou dont il n'eut pas connaissance.
Nous avions lui et moi trois réunions quotidiennes, une à
08H30 où je lui faisais le point des grandes décisions de l'Etat-
major, une vers 13 heures juste avant sa pause déjeuner où il me
donnait souvent des directives suivant les directives politiques
qu'il avait reçues et enfin vers 18 heures.
Je lui faisais le point des décisions internes que j'avais si-
gnées à son nom et des signatures qu'il devait effectuer pour le
courrier externe de la Gendarmerie. J'avais au moins sept para-
pheurs à signer à son nom et lui en signait deux ou trois qui
étaient le courrier destiné aux Ministères et institutions de la
République.
J'avais une confiance totale au Général Abdoulaye FALL, le
gendarme. J'avais toujours supposé qu'il avait totale confiance
en moi. J'étais son ami et ce mot avait un sens total pour moi. A
son nom et pour lui, j'avais engagé dans son commandement et
dans l'oubli total de ma propre personne, mon HONNEUR, ma
GLOIRE et ma FIERTE.

169
Chapitre 18
Mon ambition pour la gendarmerie

Cette ambition s'est traduite dans ma volonté de doter la


Gendarmerie de structures de commandement à l'échelle des
défis nouveaux auxquels elle doit faire face dans des délais plus
exigeants et à l'heure d'internet.
Dans ce cadre des réformes de structures, une réorganisation
d'envergure est entamée dès octobre 2005 pour doter la Gen-
darmerie de structures modernes et adaptées à l'ensemble de ses
missions.
Cette réforme a été soumise au gouvernement et a fait l'objet
d'un décret en janvier 2006. Elle a un triple rôle, décentraliser,
déconcentrer et se doter des outils modernes de gestion et d'au-
dit pour rendre plus lisible donc plus réalisable les missions de
l'Etat-major.
Sous la responsabilité directe du Haut commandant en Se-
cond, la Gendarmerie, pour la première fois depuis l'Indépen-
dance se dote d'un Etat-major digne de son institution avec
toutes les composantes modernes d'un Etat-major.
Il s'est agi de mettre en place un outil performant de concep-
tion, d'analyse et de décision à même de donner au Haut Com-
mandant les moyens intellectuels, physiques et moraux de
commandement.
Outre un Centre Opérationnel de la Gendarmerie, centre
opérationnel moderne qui répond au défi de réponse à temps
aux attentes des populations, l'Etat-major trois présente trois
composantes qui s'articulent de la façon suivante :
L'Adjoint Opérations grâce à ses quatre divi-
sions (Renseignement, Statistiques, Emploi et Prospectives)
donne au commandement les réponses appropriées aux opéra-
tions des unités de terrain.

171
L’Adjoint logistique permet de concevoir l'acquisition, la
gestion et le contrôle des moyens mis à la disposition des unités.
Il a aussi quatre divisions dont la division administrative et
financière, la division soutien matériel, la division des infras-
tructures et de l'immobilier et enfin la division informatique
transmission.
L'adjoint Ressources Humaines a en charge la gestion rigou-
reuse des différents personnels de la Gendarmerie. Il a sous ses
ordres la division gestion des personnels, la division de l'admi-
nistration, la division de l'instruction et de la formation, la divi-
sion de la chancellerie et du contentieux.
Le Cabinet du Haut Commandant de la gendarmerie avec
trois divisions prend en charge surtout la gestion de l'emploi du
temps du Général, la gestion médiatique de la Gendarmerie et la
Coopération internationale sans oublier la fonction sociale.
La division communication est le moyen le plus adéquat
pour répondre au phénomène des médias et répondre aux be-
soins d'information.
L'ouverture à l'international est un acte de prédisposition
pour entretenir des relations privilégiées avec certaines polices
à travers le monde, participer à la construction de la paix inter-
nationale, et un cadre propice d'échanges d'information sur cer-
taines méthodes et activités criminelles.
La gestion des problèmes sociaux des gendarmes, des veuves
et orphelins est une question essentielle de commandement.
Il est créé une Inspection de la Gendarmerie à considérer
plus comme un service d'audit pour la traçabilité des différentes
actions de la Gendarmerie et leur conformité au code de déonto-
logie de la Gendarmerie.
Cet outil d'inspection interne prend en charge la mission de
contrôle permanent des unités que le Général doit exercer en
toutes circonstances et en tous lieux sur les unités et les diffé-
rents responsables de la Gendarmerie.
C'est un organe de lutte contre la corruption, la mauvaise
gestion et la gabegie. L'Inspecteur de la Gendarmerie, troisième
personnage de l'institution a quatre adjoints en charge de :

172
- L’Inspection de la Gendarmerie Territoriale
- L’Inspection de la Gendarmerie Mobile
- L’Inspection de la Logistique
- L’Inspection des Affaires Administratives et Financières
-

La mission du Commandant des écoles est mieux définie,


plus maîtrisée et mieux outillée pour prendre en charge les be-
soins en formation de toutes les composantes de la Gendarmerie,
notamment la formation initiale, la formation continue avec
aussi bien des écoles de formation comme,
- L’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale
- L’Ecole de Formation de la Gendarmerie Nationale
Et des écoles de perfectionnement comme :
- Centre d’Instruction de la Gendarmerie Nationale
- Centre de Perfectionnement de la Gendarmerie Mobile
-

Dans le cadre des missions de la Gendarmerie Territoriale, la


départementalisation de la Gendarmerie est entreprise avec la
prise en compte totale de la réforme administrative de 1972 et
des réformes qui suivent. Outre la mise en place effective de
sept légions territoriales (deux à trois régions par légion sauf
Dakar), l'objectif est de mettre en place une compagnie dépar-
tementale par département et une brigade territoriale par arron-
dissement, voire communauté rurale.
Chaque légion se voit doter d'un escadron territorial pour
apporter dans les délais les capacités d'intervention et de sur-
veillance indispensable et beaucoup soulager les unités mobiles.
Sept légions territoriales sont implantées suivant la réparti-
tion que voici : Légion Ouest à Dakar, Légion Centre Ouest à
Thiès, Légion Centre à Kaolack, Légion Sud à Ziguinchor, Lé-
gion Sud Est à Kolda, Légion Est à Tambacounda et Légion
Nord à Saint Louis.
Trois légions mobiles, bien distinctes ont été mises en place
pour mieux spécialiser chaque légion selon une mission spéci-
fique de la Gendarmerie Mobile.
La LGI ou Légion de Gendarmerie d’Intervention, reste dans
le cadre de ses missions traditionnelles définies par son décret
de création, à savoir une unité spéciale de maintien et de réta-

173
blissement de l’ordre, elle est capable de participer à des opéra-
tions militaires comme unité de réserve générale.
La LGP ou Légion de Garde Présidentielle, prend en charge
totalement et exclusivement les charges de sécurité et d'escorte
du Président de la République. Elle dispose de trois escadrons à
pied, d’un escadron moto et d’un escadron à cheval. Unité
d’honneur et de tradition de la Gendarmerie Nationale, elle
constitue la Garde Rouge avec sa tenue d’apparat rouge.
Enfin, la nouvelle LSP ou Légion de Sécurité et de Protec-
tion, assure la protection et la sécurité de toutes les autres insti-
tutions de l'Etat, Gouvernement, Parlement et Cours de Justice.
Unité de garde et de sécurité, elle a une forte composante
d’appelés du contingent, en service dans la Gendarmerie.
Les Services Techniques et Administratifs : Le GMG de
l'époque, lourd et nébuleux est cassé en deux organes bien dis-
tincts, l'un prend en compte les aspects administratifs et finan-
ciers, notamment la gestion financière du budget général gen-
darmerie et l'autre le CTGN assure le soutien du matériel et de
l'immobilier :
- Centre Administratif de la Gendarmerie Nationale
- Centre Technique de la Gendarmerie Nationale
-

Unités Spéciales de La Gendarmerie Nationale : des unités


spéciales qui existaient bien avant la réforme sont enlevées des
grands commandements GT comme GM pour voler de leurs
propres ailes et dépendre directement du Général et de son Etat-
major pour suivi et décisions. Cette décision fut discutée de
façon démocratique entre le Général, le Colonel Tine et moi.
Le Général souhaitait une liberté de manœuvre totale et une
indépendance de ces unités par rapport aux grands commande-
ments. Je tenais à les rattacher à la nouvelle légion Hors Rang
surtout pour le commandement organique, alors que le Colonel
TINE exigeait leur rattachement organique aux deux grands
commandements que sont la GT et la GM.
Cette discussion ne trouva pas de solution dans le cadre de la
réforme et en fait, rien ne fut sérieusement décidé. Chacun des
trois avait cru avoir convaincu les deux autres, ce qui fera en

174
définitive que l’interprétation du Général l’emportera. Les trois
unités dépendront en tout et pour tout exclusivement du Général.
Personne d’autre n’aura la main mise sur les trois unités, sur-
tout la Section de Recherches qui aura une indépendance totale,
inimaginable dans une structure militaire. Cette unité ne sera
plus commandée. Ses activités échapperont au commandement
structurel pour se renforcer sous l’emploi exclusif du Général.
- Section de Recherche
- Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale
CYNOGROUPE

175
Chapitre 19
Plan d’équipement de la gendarmerie

Le plan d'équipement est aussi lancé au début de l'année


2006 après la visite à la Gendarmerie du Président de la Répu-
blique.
Les problèmes de la Gendarmerie et la politique budgétaire à
mettre en œuvre pour la moderniser et répondre aux attentes des
populations ont fait l’objet d’une étude exhaustive de l’Etat-
major gendarmerie.
Dans cette perspective, huit domaines prioritaires sont iden-
tifiés et constituent une épine dorsale du programme
d’équipement de la Gendarmerie : les ressources humaines, la
mobilité, l’immobilier, l’habillement, l’armement, le matériel
de maintien de l’ordre, les équipements spéciaux et les systèmes
d’information.
Ce programme propose la répartition des efforts budgétaires
principaux hors dépenses de personnel sur deux plans triennaux
d’investissement. Au titre du budget d’investissement, le plan
2006-2008 devait se chiffre à 26.240.000.000 Francs CFA alors
que pour 2009-201, il devait être d’un montant 24.175.000.000
Francs CFA.
Au titre du budget de fonctionnement, le montant de
1.800.000.000 Francs CFA étaitt une projection relative aux
seuls domaines traités ici. Cette enveloppe était destinée à assu-
rer le soutien, l’entretien et le renouvellement des équipements
majeurs pendant l'année budgétaire.

Les ressources humaines

Le but poursuivi consiste à se doter en personnels de qualité


afin de permettre à la Gendarmerie de combler les départs de
personnels à la retraite et de pourvoir les nouvelles créations de
ressources humaines nécessaires à leur fonctionnement.

177
Il s’est agi de poursuivre la politique de recrutement pour
maintenir les acquis et initier un déploiement des unités plus
conforme aux nécessités de sécurité sur l’ensemble du territoire
national.
Dans cette perspective, il est recherché d’implanter dans
chaque arrondissement une brigade de gendarmerie et ainsi créer
28 nouvelles brigades d’ici 2010. Dans le même temps, chaque
légion territoriale disposera d’un escadron d’intervention destiné
à donner plus d’impulsion à la prévention et raccourcir les délais
de projection lors d’évènements nécessitant la mise en place de
forces d’appoint : accidents graves, risques naturels, mouvements
sociaux…
Le gouvernement a fait des efforts pour une remise à niveau
des effectifs qui se stabilisaient en fin 2005 à 4 718 militaires
tous grades confondus.
Le recrutement de 1300 élèves gendarmes ne pouvait et ne
saurait satisfaire les effectifs car il avait suffi juste à compenser
les départs à la retraite prévus entre 1999 et 2005. 1201 mili-
taires sont programmés pour la retraite entre 2005 et 2010.
Pour atteindre un effectif de 6 000 militaires en 2010, il fau-
drait donc en recruter 2 500 pour, d’une part, compenser la
perte des 1201 et, d’autre part, prendre en compte le besoin des
formations à mettre en place.
L'objectif arrêté est de maintenir le recrutement actuel de
500 militaires par an et porter ainsi les effectifs à 6 000 mili-
taires en 2010 et 7 500 en 2015. La création d’une école d'offi-
ciers, pour à l'horizon 2015 stabiliser les effectifs d'officiers
autour de 225 cadres est envisagée.
Le niveau de recrutement qui s'est élevé avec la présence de
plus de 200 bacheliers par recrutement d'élèves gendarmes
donne des candidats potentiels à l'épaulette parmi les meilleurs
sous-officiers.
Une réforme du corps des sous-officiers est aussi à envisager
avec pour finalité la suppression du grade de MDL et donc de la
formation des élèves MDL.

178
Mobilité des unités

Conduire un service orienté vers la prévention et le cas


échéant, intervenir dans des délais raisonnables impose de doter
les unités de gendarmerie des moyens automobiles indispen-
sables à leur efficacité ainsi que du volume de carburant plus
adapté aux besoins.
La Gendarmerie a exclusivement en charge 95% du territoire
national, essentiellement les zones rurales, périurbaines et les
voies de communication. A ce titre, la mobilité de ses unités est
un impératif pour assurer la surveillance générale et l’inter-
vention.
Malheureusement, la fonction de mobilité souffre de grosses
faiblesses dues à l’importance des circonscriptions, aux plans de
charge des unités, aux difficultés de la maintenance et à
l’insuffisance des dotations carburant.
Les brigades de gendarmerie comptent en moyenne un seul
véhicule pour la surveillance et les interventions diverses dans
une circonscription administrative moyenne de 3 202 km2 pour
les unités de la seule région de Kaolack à titre d’exemple.
La maintenance qu’impose le plan de charges présente elle
aussi des déficiences très importantes. La dotation de 88 mil-
lions pour le soutien et la maintenance est très en deçà des be-
soins. Elle est en moyenne de 12 000 francs par véhicule//mois.
Les dotations en carburant ont des incidences sur la mobilité.
Elles sont de moins de 2 litres par véhicule et par jour. Les mi-
nima définis par la directive présidentielle pour les véhicules de
l’administration à savoir 5 litres/véhicule/jour ne sont pas en-
core atteints. Doter les brigades de 2 véhicules dès 2006 et de 3
à partir de 2009et les unités mobiles de moyens adaptés à leur
mission est un impératif de commandement.
Les études de l’état major gendarmerie mettent en place un
plan budgétaire qui consiste à demander à l ’Etat allouer à cet
effet une dotation spéciale de 6.000.000.000 pour les périodes
2006-2007-2008 et reconductibles en 2009-2010-2011. De
même la dotation en carburant devrait passer de 400 millions à
850 millions dès 2006 puis à 1.000.000.000 en 2009.

179
Infrastructures immobilières

En mettant tout en œuvre pour conformer les locaux de ser-


vice aux exigences modernes, mon souhait est d'améliorer la
disponibilité des unités et les conditions de vie du personnel en
dotant de logements par nécessité absolue de service au moins
75% du personnel d’ici à 2015.
La Gendarmerie gère 94 cantonnements militaires dont la
moyenne d’âge est de plus 50 ans. Ces cantonnements ne ré-
pondent plus aux normes de sécurité pour les occupants, ni aux
normes de fonctionnalité, ni à l’image d’un État qui se moder-
nise dans toutes ses composantes.
Le budget d’entretien des grandes casernes s’élèverait en
moyenne à 3.000.000 Francs CFA par an et par caserne. Cela
représente 15.000 Francs annuels par logement pour la LGI de
Mbao. De plus, ces cantonnements sont à l’heure actuelle très
en deçà des besoins. Ils abritent à peine 30% des effectifs.
Enfin, l’indemnité représentative du logement qui devrait
être l’exception pour la Gendarmerie est devenue la règle et fait
figure de dépense à perte. Elle se chiffre actuellement à
1.200.000.000 Francs par an. Avec les recrutements opérés et
l’inflation, cette enveloppe devrait très bientôt connaître une
hausse importante.
Aussi, convient-il d’une part, dans le cadre de deux plans
triennaux d’investissement, de poursuivre les programmes de
réhabilitation progressive des 94 cantonnements (14 milliards)
et de construction de nouveaux cantonnements (15 milliards).
D’autre part, les crédits de fonctionnement nécessaires à
l’entretien de ces infrastructures pourraient être portés à 1% au
moins du montant global de l’investissement soit environ
300.000.000 Francs au titre du fonctionnement.
Pour l’hébergement des personnels nouvellement recrutés,
deux célibatériums devraient être construits respectivement à
Mbao et au Front-de-terre.
Il s’agit de faire face aux contraintes d’hébergement de per-
sonnels célibataires en service dans les unités d’intervention.

180
Leur nombre est sans précédent mais l’objectif est de maintenir
le même volume de recrutement jusqu’en 2015 au moins.
Dans la région de Dakar la brigade de la Zone franche indus-
trielle devait être redéployée entre Petit Mbao et le village de
Mbao pour la rapprocher des populations de sa circonscription.
Le site est défini avec les autorités locales.
L’escadron de circulation qui héritera des anciens locaux de
la brigade sera ainsi plus accessible aux usagers et la Légion
d’intervention moins perturbée par les mouvements de véhi-
cules civils dans le cantonnement de Mbao.
Dans la région de Kolda, Médina Yoro Foulah bénéficiera
de la construction d’une brigade territoriale. Plus de 50% des
programmes de l’école de formation sont constitués
d’instruction militaire.
Or, le terrain d’exercice d’Ouakam a été progressivement
absorbé par l’urbanisation. Aujourd’hui, beaucoup d’activités
d’instruction sont menées dans la région de Thiès.
Cela est à l’origine de surcoûts sur le budget de fonctionne-
ment et impacte négativement le déroulement de l’instruction.
C’est pourquoi, il est envisagé d’implanter cette école dans la
région de Fatick.
L’unité de soutien qui lui sera adaptée participera dans le
même temps à la densification du maillage territorial en capaci-
té d’intervention.
Enfin le cabinet offre peu de fonctionnalités. Peu accessible,
il est en outre exigu ; des structures de l’état-major demeurent
encore à la caserne Samba Diéry Diallo.
Pour corriger cet état de fait préjudiciable au bon fonction-
nement du service, un nouveau bâtiment sera érigé sur les dé-
pendances de l’actuelle emprise de Zola.

Habillement, campement, couchage et ameublement

Des études poussées ont conduit à rechercher à améliorer le


confort du service et donner à la Gendarmerie une image valori-
sante et moderne. L’habillement du personnel est insatisfaisant.

181
Le budget de 100.000.000 Francs pour l’acquisition et le re-
nouvellement des effets est largement insuffisant. Il représente
une dotation annuelle d’environ 22.000 Francs par militaire
alors qu’il faut 180.000 Francs pour habiller un sous-officier la
première fois.
Pour l’habillement, un programme triennal de remise à ni-
veau nécessiterait 300.000.000 par an. Il est décidé de doter les
unités mobiles de matériels de campement et de couchage. Les
besoins dans ce cadre sont estimés à 400.000.000 Francs sur
trois ans.
Les nouvelles unités devront être dotées d’ameublements
alors que le parc actuel doit être renouvelé et modernisé.
300.000.000 Francs pourraient être mobilisés pour cela.

Armement et munitions

Le souci primordial est d'améliorer la sécurité des interven-


tions, doter les unités d’un armement moderne et performant et
rendre les unités plus crédibles grâce à un entraînement régulier
au tir, tout en disposant en conséquence de stocks de munitions
en quantité et qualité satisfaisantes périodiquement renouvelés.
L’obsolescence est la principale caractéristique de l’arme-
ment. La plupart des unités ont encore des fusils MAS 36, des
pistolets mitrailleurs MAT 49 et des pistolets MAC 50. Les
armes d’appui de petit calibre sont pour une large part hors
d’usage et en quantité très infime par rapport aux normes.
Les munitions en bon état manquent. Elles ne sont pas re-
nouvelées régulièrement et les unités s’entraînent peu, voire pas
du tout au tir.
Le programme vise à équiper la Gendarmerie en armement
moderne et performant dans le cadre des deux prochains plans
triennaux d’investissement. Il s’agira de réaliser 1 250 fusils,
500 pistolets et 100 armes d’appui par an.
A cet effet, une enveloppe de 5.550.000.000 Francs soit
925.000.000 Francs par an serait mobilisée. Il faudra parallèle-
ment, constituer un stock de munitions initial d'un milliard de
francs.

182
Il est de même possible, grâce aux nouvelles réalisations,
d'affecter le tiers de ce stock au service courant et à
l’entraînement. Il est souhaité de dégager 300.000.000 Francs
annuels destinés à renouveler les munitions utilisées pour le
service et l’entraînement.

Équipements de maintien de l’ordre

Il s’agissait d’abord de maintenir les acquis et de développer


les capacités nationales de maintien de l’ordre car le Sénégal
fait autorité dans ce domaine en Afrique. Dans ce cadre, il
abrite une école à vocation régionale qui accueille des stagiaires
de la plupart des pays francophones du continent.
Depuis quelques mois, les effectifs de la Légion
d’Intervention ont été remis à niveau, ainsi que ceux de la
Garde présidentielle. Dès le début de 2006, les unités chargées
de la sécurité du reste des institutions et des édifices sensibles
seront entièrement reconfigurées pour plus d’efficacité.
Progressivement, chacune des sept légions territoriales se
verra dotée d’un escadron d’intervention pour pouvoir faire face
aux besoins locaux en matière de sécurité comme la lutte contre
le vol de bétail, le phénomène grandissant des braquages sur les
axes routiers.
Les légions territoriales doivent en outre disposer d’éléments
pour réagir aux urgences en cas d’évènements calamiteux
d’accidents graves ou d’inondations
Afin que ces unités répondent aux attentes de l’État et des
populations, elles doivent être crédibles. Le volume et la qualité
de leur équipement y contribuent.
L'acquisition de tenues ignifugées, de boucliers, de bâtons
télescopiques, de masques à gaz, de casques et d’armement non
létal est une nécessité absolue pour équiper toutes ces unités en
matériel spécial. Le dégagement d’une enveloppe moyenne de
300.000 Francs par homme permettrait de réaliser l’objectif
d’équiper les dix escadrons en matériels spécifiques de maintien
de l’ordre soit environ 500.000.000 Francs.

183
Souvent, il a fallu attendre un moment de crise sociale pour
penser à des équipements de maintien de l'ordre ; des ruptures
de stocks de grenades lacrymogènes ont eu lieu dans le passé et
pouvaient être fatales au jeu normal de la démocratie.

Matériel spécial

La Gendarmerie comporte quelques unités à très forte visibi-


lité. Il s’agit d’unités de prestige comme l’escadron monté atta-
ché aux services d’honneur de Monsieur le Président de la Ré-
publique et de ses hôtes de marque.
Il s’agit aussi de formations dont le rôle est perçu de manière
très positive par les populations : le groupe cynophile, les unités
de circulation, de recherches et le groupe antiterroriste.
Il convient donc de fournir à ces formations des équipements
en cohérence avec les standards de performance et de représen-
tation exigés d’elles.
L’escadron monté est une unité d’honneur et de représenta-
tion emblématique du Sénégal et de sa Garde rouge. Le matériel
équestre d’usage quotidien a vieilli. En plus, il lui faudrait des
chevaux de compétition pour reconquérir sa place de leader des
sports équestres au Sénégal.
Le groupe cynophile devrait pouvoir donner la pleine me-
sure de ses capacités s’il disposait d’effectifs canins plus impor-
tants et plus diversifiés sur le plan des spécialités (drogue, pistes,
explosifs…) et d’équipements.
L’action des unités routières serait plus visible et plus per-
formante si elles disposaient de moyens modernes de surveil-
lance, de contrôle et d’intervention : radars, motocycles, voi-
tures rapides, alcotest. Quant à la menace terroriste, elle est
toujours présente. L’existence de dispositifs de veille et
d’intervention crédibles en reste la meilleure prévention.
Tout en s’appuyant sur la coopération avec le Maroc pour
l’acquisition de chevaux de service courant à des conditions
favorables, acheter une vingtaine de chevaux d’Europe soit
160.000.000 Francs CFA pour les compétitions ; renouveler les
harnachements et les matériels équestres soit 30.000.000 CFA.

184
Tout en le renforçant, diversifier l’effectif canin, mieux
équiper le groupe cynophile et lui consacrer en conséquence
20.000.000 CFA. Dans le but de mieux lutter contre l’insécurité
routière, il est prévu d’acquérir des équipements modernes de
police de la circulation pour un montant de 100.000.000 CFA ;
de développer les capacités des formations de lutte contre le
terrorisme 30.000.000 CFA.

Systèmes d’information

La solution serait de conduire à son terme le programme


d’informatisation de la Gendarmerie en y intégrant les télé-
communications. Le but ultime est de moderniser le réseau de
transmissions et adapter le parc de postes radio aux besoins. Le
Sénégal se distingue par son engagement à réduire la fracture
numérique en démocratisant l’outil informatique.
Dans le même temps, l’Administration se modernise avec
l’introduction volontariste de l’informatique dans ses services.
Dans ce cadre, la Gendarmerie est déjà en train de conduire son
informatisation en partenariat avec l’Agence de développement
de l’informatique de l’État. Mais les transmissions ne sont pas
prises en compte dans ce programme.
D’une part, sur le plan qualitatif, il y a un besoin de moder-
nisation des transmissions. En effet, en raison de l’intégration
de plus en plus forte entre l’informatique et les télécommunica-
tions, il va falloir ajuster les réseaux de transmissions existants
avec l’organisation et le parc informatiques.
D’autre part, sur le plan quantitatif, l’amélioration du mail-
lage territorial de même que la création de nouvelles unités
d’intervention rendent nécessaire la densification du parc de
moyens de communication radioélectriques de la Gendarmerie.
Il s’avère nécessaire de réaliser 650 postes radio VHF porta-
tifs, 140 stations fixes et mobiles ainsi que les accessoires dans
les trois ans pour un montant d’environ 525.000.000 Francs.

185
Chapitre 20
Faits d’armes

Non seulement la réorganisation et le plan d'équipement sont


mis en place sous mon impulsion et mon engagement. Mais en
plus j'ai tenu à faire face aux grands évènements en engageant
ma responsabilité directe pour répondre sur le moment et sou-
vent dans des conditions difficiles à des exigences profondes
qui fondent le respect ou non de l'institution.
Je peux illustrer cette prise totale de responsabilité où l'échec
est souvent synonyme de rejet, par des faits précis comme la
prise en compte directe de l'intervention de la Gendarmerie dans
le Magal 2006, le règlement direct du cas des talibés de Serigne
Modou Kara qui investissent la brigade de Darou Mousty et
encore la résolution du cas de l'attaque de Béthio contre le con-
voi d'Idrissa SECK.

Magal de Touba 2006

Piloté depuis l’Etat-major de la Gendarmerie par l'adjoint


opérations le Colonel Cheikh SENE, le Magal de Touba 2006
s'est voulu l'expression première de la nouvelle Gendarmerie
avec la mise en place d'un plan national d'intervention de la
Gendarmerie et un objectif quantifié de zéro mort.
Le plan est déroulé un mois avant le Magal avec des disposi-
tions préventives de renforcement de la présence des unités sur
le terrain et autour de Touba, une répression sans faille des in-
fractions qui causent le plus les accidents et l'instauration d'un
cadre de dialogue permanent avec les syndicats de chauffeurs
de transport en commun.
Je remercie au passage Gora KHOUMA qui aura beaucoup
aidé à la mise en place du plan en attirant l'attention du com-
mandement sur tel ou tel aspect et sur certaines difficultés d'ap-
plication de certaines mesures prévues.

187
Après un mois de préparation des unités et un mois de me-
sures préventives, 9OO militaires aux ordres exclusifs du COG
gendarmerie, appuyés de 75 motocyclistes sont déployés sur
tous les axes qui mènent à Touba. Ces unités ont pour missions
précises de ralentir la vitesse de la circulation sans la gêner, de
s'opposer de façon systématique aux dépassements et de ryth-
mer le flux des véhicules.
Le jalonnement traditionnel des axes avec un militaire isolé,
perdu et sans moyens tous les 500 m est abandonné au profit
d'un groupe d'agents en poste à un point précis, dangereux et
signalé avec tous les panneaux adéquats, et une possibilité de
réguler avec la présence effective de motos.
Les moyennes transmissions et l'emploi d'un hélicoptère de
surveillance jouent un rôle fondamental de cohérence du dispo-
sitif et renforcent les capacités d'intervention rapide pour sur-
monter les bouchons, les pannes et les arrêts intempestifs de
chauffeurs plus qu'indisciplinés.
Cette capacité de réaction rapide a permis, en outre, de sanc-
tionner certains chauffeurs récalcitrants en les retardant à des
points précis pendant plus de deux heures. Cette disposition
répressive a permis de contourner la volonté des autorités reli-
gieuses et administratives, de ne pas réprimer les infractions les
jours précis du Magal.
Les Commandants de Légion ont été mis à contribution et
leur responsabilité sectorielle mise en œuvre pour maintenir une
cohérence nationale. Chacun a déployé ses propres moyens,
notamment son escadron territorial pour prendre en charge l'en-
semble des missions imposées par le Magal. Cinq légions sont
ainsi mobilisées, chacun dans son secteur respectif avec un as-
pect particulier pour la Légion centre qui a reçu le renfort des
trois Légions mobiles.
Les quatre premières Légions ont reçu la mission principale
de réguler la circulation vers Touba avec la coordination du
COG et la légion centre la mission principale de protection des
personnes et des biens tout en assurant la bonne circulation des
véhicules.

188
Ce Magal, a atteint son objectif de zéro mort, un seul acci-
dent grave, et dû à un défaut mécanique, a été constaté avec des
blessés assez graves. Le véhicule, à cause d'une défaillance
mécanique, s'était renversé. Il a été cependant constaté une di-
zaine d'accidents matériels avec des dégâts plus ou moins im-
portants.
Le débriefing devant le Haut Commandant de la Gendarme-
rie a été un moment de satisfaction pour l'Etat-major Gendarme-
rie qui venait pour la première fois avec ses nouvelles structures
de gérer à dimension réelle un évènement d'envergure nationale.
Les critiques des grands Commandements et des Légions ont
été très contributives malgré les réserves qui avaient été formu-
lées au départ pour contrer l'engagement de l'Etat-major.
J'avais voulu cette démonstration pour convaincre de la né-
cessité de réformer le système avec une capacité d'études et
d'analyse qui faciliterait à tous les échelons l'exécution des mis-
sions.

Affaire Darou Mousty

La brigade de gendarmerie de Darou Mousty avait été atta-


quée un week-end par les talibés de Serigne Modou Kara qui
voulait libérer deux de leurs coreligionnaires arrêtés et gardés à
vue par la gendarmerie suite à des infractions commises et
constatées.
La brigade fut envahie et les deux gardés à vue effective-
ment libérés. Les gendarmes en poste ne durent leur salut que
dans la fuite honteuse et humiliante.
Je revenais d'un weekend de guerrier de Saly quand j'ai en-
tendu vers 17 heures Walf FM relayer l'information. Je n'en
croyais pas mes oreilles et dut réécouter une autre station pour
me faire une idée de ce qui venait de se passer.
Je me fis confirmer l'information par le COG gendarmerie
qui m'apporta le détail des évènements. Je rendis compte et me
mis en rapport avec le Général Haut Commandant de la Gen-
darmerie pour voir avec lui ce qu'il fallait faire.

189
Je m'entendis répondre qu'il allait rendre compte au Ministre
et voir avec lui comment gérer politiquement la situation.
Je lui fis savoir qu'en tout cas, au plan militaire, je prenais
les dispositions pour rétablir la situation et faire retrouver à la
gendarmerie la plénitude de son action et que force restera à la
loi. Il me demanda de gérer la situation sans pour autant créer
des situations difficiles et intenables.
Je fis envoyer vers 19 heures l'escadron territorial de Saint
Louis à Darou Mousty avec pour ordre de défendre et protéger
la brigade, les personnels et leur famille tout en étant en mesure
d'effectuer une action de présence dissuasive sur toute la ville
religieuse.
Je fis mettre deux escadrons de la LGI en alerte et ordre de
se présenter à Darou Mousty le lundi à 05 heures avec capacité
d'investir le Daara de Serigne Modou Kara sur ordre.
Le GIGN reçut le même ordre avec capacité de neutraliser
au besoin par les armes toute velléité de résistance. Un hélicop-
tère de l'armée de l'air fut demandé en renfort avec capacité
d'héliportage des éléments du GIGN.
Vers 23 heures je me mis en rapport avec la famille de Se-
rigne Modou Kara qui était absent du territoire national. J'ai pu
discuter en long et large de la situation avec l'épouse du mara-
bout et qui se trouve être ma cousine, Sokhna DIENG
MBACKE.
Journaliste, femme de culture et du monde, elle comprit très
vite la situation, parlementa pour rester dans la limite du raison-
nable.
Elle demanda des délais pour préparer toute la famille du
marabout à une solution raisonnable et sans violence. Elle
m'envoya aussitôt le frère du marabout du nom de Mame Thier-
no MBACKE que je reçus chez moi à la Médina vers 23 heures.
Je lui fis savoir les mesures prises pour que force reste à la
loi et ma détermination de venir chercher les coupables dans le
daara, quelles que soient les conditions, à moins que ces der-
niers ne soient livrés à la gendarmerie le lundi avant 08 heures.

190
Il me fit comprendre qu'il ferait tous les efforts pour arriver à
une solution. Cependant il me demande de faire preuve de pa-
tience pour lui donner le temps de rendre compte à son frère
devant qui il est responsable et comptable de la conduite des
talibés.
Je lui répondis qu'en tout état de cause, soit les coupables
sont rendus à la brigade à 08 heures, soit le daara sera investi à
08 heures pour les arrêter et que toutes les dispositions sont déjà
arrêtées pour une solution rapide.
Je renouvelai devant lui mes ordres au Colonel Diedhiou
commandant la Légion Nord avec ordre pour lui de coordonner
le dispositif à Darou Mousty.
A 06 heures, un dispositif impressionnant de la gendarmerie
était en place à Darou Mousty avec 500 militaires super équipés
et déterminés à laver l'affront.
Vers 05 heures, il m'avait été rendu compte d'un accident
mortel de la circulation dans nos rangs. Quelques-uns des Colo-
nels mourides n'avaient pas hésité à exercer des pressions sur le
Général pour arrêter une opération qui commençait selon eux
mal avec 2 morts sans aucun engagement.
Malgré le coup de fil du Général qui demandait d'attendre
une négociation gouvernementale, je tins bon et exerça sur les
unités engagées la pression indispensable.
Le Colonel Diedhiou mit en œuvre un dispositif impression-
nant comme à la guerre avec son hélicoptère qui commença à
tournoyer en l'air dès 06h00.
Mon téléphone sonna avec au bout Serigne Modou Kara qui
me demanda exactement ce que j'attendais de lui et de son frère
qui n'attendait que ses ordres pour me satisfaire.
Je lui répétai sans ambages ce que j'avais dit la veille à son
épouse et à son frère. Il chahuta sur mon nom de Ndawènes et
me dit prendre les dispositions pour que les gens coupables
sortent du Daara en rampant les 7 km qui séparaient le daara de
la brigade.

191
Je lui fis comprendre qu'une telle humiliation n'était pas né-
cessaire et que son frère n'avait qu'à les conduire à la brigade et
que le dispositif serait relevé sur l'heure.
Le Colonel Diedhiou m'appela vers 07 heures pour me
rendre compte que les talibés qui avaient eu maille avec la bri-
gade étaient de nouveau gardés à vue dans les locaux et qu'ils
seraient déférés devant la justice pour être jugés en flagrant
délit.
Je lui donnai les ordres pour tenir une conférence de presse
et de montrer que la gendarmerie avait retrouvé son honneur
perdu hier.
Le Général, inquiet depuis hier de la suite des évènements et
qui avait peur des conséquences de l'intervention, et même le
gouvernement qui n'avait rien dit depuis la veille malgré toutes
les sollicitations du Général poussa un grand ouf de soulage-
ment.
Le Général salua ma détermination et le Ministre me félicita
en me disant que c'était la conduite à avoir face à des voyous.
Je présidai vers 15 heures le lever de corps des deux gen-
darmes morts pendant le transport. Le commandant du GIGN
mit l'accident sur l'imprudence dont son unité avait fait preuve
tant il avait hâte de rétablir la situation de la brigade de Darou
Mousty et de laver à jamais l'affront fait à la gendarmerie en-
tière.
Le regard fier des hommes venus assister aux obsèques était
éloquent sur l'engagement à défendre l'honneur de l'arme. Je pus
savourer malgré la situation plus que dramatique la fierté des
gendarmes qui étaient prêts à en découdre avec la milice du
Général Kara.
Notre détermination avait fait reculer le Général Kara dont
les talibés habillés en militaires défiaient souvent les forces de
l'ordre et la loi.

192
Affaire Bethio Thioune – Idrissa Seck

La fin de la campagne électorale de 2007 fut marquée par la


confrontation des talibés de Serigne Béthio THIOUNE et des
militants de Rewmi d'Idrissa SECK.
De retour d'un meeting à OUAKAM YOFF, le cortège
d'Idrissa SECK tombe sur une embuscade tendue par les talibés
de Béthio au niveau du domicile de ce dernier, sur l'ancienne
piste d'aviation.
Les talibés saccagent tout sur leur passage et les militants de
Rewmi ne durent leur salut que dans la fuite et le refuge dans le
restaurant le REGAL.
Les talibés attaquent le restaurant, pour non seulement délo-
ger les partisans du Maire de Thiès mais aussi se servir aussi
bien en repas que dans la caisse. Le propriétaire Jamal appela le
Colonel DIOP, qui me rendit compte aussitôt de l'évènement.
Comme on était un mercredi, je ne travaillais pas et j'étais en
blue-jean chez ma mère. Non très loin des lieux, je me rendis
immédiatement sur les lieux où je retrouve le Commandant de
brigade de Ouakam, l'Adjudant NDOUR que je connais bien
pour l'avoir eu comme IPTF en Bosnie.
Il me rendit compte de la situation et me fit comprendre at-
tendre son Commandant de compagnie qui faisait mouvement.
Je demandai au Commandant de la LGI de mettre son escadron
de piquet sous le pont de la VDN au niveau du carrefour de
l'ancienne piste.
Je demandai la mise à ma disposition d'un deuxième esca-
dron dans les 30 mn au niveau du Régal et de rendre compte à
l'issue.
Je constatai avec le Commandant de la brigade que les tali-
bés étaient armés de machettes et de gourdins, et vociféraient
des menaces. Ils interdisaient totalement toute circulation sur
l'axe et faisaient imposer leurs lois mêmes aux simples citoyens
qui voulaient passer.

193
Ils contrôlaient tout et la situation était plus qu'électrique et
un attroupement illégal et armé voulait nous imposer ses points
de vue.
Sans hésiter et sans protection, si ce n'est la seule présence
du Commandant de brigade, je décidai d'aller voir Béthio, le
seul responsable de la situation. Je demandai sans a priori, aux
espèces de sentinelles qui tiennent la route et vociférai à tout
bout de champ de ma volonté de rencontrer leur leader.
Je reçus pour toute réponse, une insulte grave et insuppor-
table pour avoir dit : « Je veux rencontrer Béthio ». Après
m'avoir bien insulté, le gars exigea de moi des excuses pour
n'avoir pas dit « Serigne Béthio ».
J’obtempérai et renouvelai poliment mon désir de rencontrer
Serigne Béthio de la part et à ma qualité de Haut Commandant
en Second de la Gendarmerie.
Le gars qui semblait être le chef me fit conduire avec le
Commandant de brigade NDOUR, dans la maison du leader
mouride.
Je ne fus nullement surpris d'y trouver des gens armés jus-
qu’aux dents de toutes sortes d'armes blanches, de machettes et
de gourdins. Des personnes étaient en train d'en distribuer à des
gens qui venaient d'arriver et certains étaient en train de définir
une stratégie pour occuper et défendre le secteur que voulaient
contrôler les partisans de Béthio.
La situation était explosive et je me trouvai ridicule avec
mon accoutrement et mon escorte par NDOUR qui tenait coûte
que coûte à me protéger. Certains responsables ou Dieuwrigne
le connaissaient, lui parlaient avec respect et je l'entendais dire :
« Le Colonel veut ceci, le Colonel veut cela ».
Grâce à son esprit de dialogue, mais aussi à son allure impo-
sante et digne, il réussit à m'introduire dans le salon où Béthio
vociférait et donnait des ordres à tout bout de champ.
NDOUR lui expliqua qui j'étais et il me défia du regard et
avec des paroles désobligeantes pour me montrer, selon lui son
droit à se défendre contre l'agression qu'il venait de subir.

194
Pour toute réponse, je l'ai invité à me recevoir au nom de la
Gendarmerie et des institutions de la République et ceci en tête
à tête et sans témoin. Surpris d'une telle demande, il demanda
avec fermeté à ses hommes de nous laisser seuls avec le Com-
mandant de brigade.
Dès que tout le monde fut sorti, je lui décris la situation et
les mesures que j’étais en train de prendre, surtout de la mise en
place de deux escadrons devant ses hommes.
Cette mise en place était terminée et que je lui donnais cinq
pauvres minutes pour arrêter ses hommes, sinon je les ferai
arrêter pour attroupement interdit. Je lui exprimai ma ferme
décision d'engager les deux escadrons contre ses hommes au
besoin par la force des armes pour rétablir la liberté de la circu-
lation.
Il voulut rigoler de ma prétention, mais le Commandant de
brigade lui désigna son pistolet pour lui signifier qu'il serait le
premier à y passer si nos vies étaient menacées de quelque ma-
nière que ce soit.
Il ouvrit grande la fenêtre du salon et montra toute la force
de sa voix mais aussi la parfaite maîtrise de sa troupe. Il vocifé-
ra de nouveau et contre toute attente, on pouvait entendre les
mouches volées.
Il fit comprendre à sa troupe que la Gendarmerie était inter-
venue pour lui porter secours, qu'il n'avait pas besoin de secours
mais qu'il respectait la loi et qu'en conséquence, les armes de-
vaient être rendues et tout attroupement cesser sur le champ.
Comme par enchantement, toute menace disparut et la situa-
tion normale fut retrouvée dès que l'ensemble de ses ordres se
transmettaient dans la profondeur du dispositif.
J'ai demandé au COG de faire déployer les deux escadrons et
faire rassurer les automobilistes et riverains qui avaient eu très
peur des agissements possibles de la furie de Béthio.
Je remerciais Béthio des dispositions prises et sortis de chez
lui, soulagé d'avoir évité un bain de sang.

195
J'aurais préféré perdre ma fonction de Haut Commandant en
Second de la Gendarmerie en exerçant ou en commettant une
erreur dans un des cadres évoqués ici.
La situation politique et la sensibilité que représente la
communauté mouride, auraient pu me conduire à une situation
fatale, en tenant coûte que coûte à ce que force reste à la loi,
tant durant le Magal où j'ai imposé malgré l'avis de plusieurs
experts et les engagements de la commission d'organisation, des
initiatives très personnelles pour un plan zéro mort.
La façon dont j'ai conduit la réponse de la Gendarmerie face
à l'invasion de la brigade de Darou Mousty et encore les injonc-
tions faites à Béthio au nom de la légalité auraient pu conduire
le gouvernement à me débarquer par opportunité politique.
Les évènements auraient pu conduire à mort d'hommes et
ainsi me voir opposer l'utilisation excessive de la force ou un
abus d'autorité.
Dans ces trois actions je n'ai senti aucune présence du Géné-
ral, Abdoulaye FALL, Haut Commandant de la Gendarmerie et
Directeur de la Justice Militaire. Il a préféré attendre l'issue
pour apprécier dans un sens positif ou négatif selon les ten-
dances du moment. J'aurais préféré me faire sanctionner dans
cette prise de responsabilité.

196
Table des matières
Avant-propos .............................................................................. 9

OFFICIER ENGAGE ............................................................... 13

Chapitre 1 : Enfant de troupe .................................................... 17


Chapitre 2 : EOA et sous-lieutenant de gendarmerie ............... 29
Chapitre 3 : Errements d’un lieutenant ..................................... 43
Chapitre 4 : L’instructeur des écoles ENOA, EFOG et CIGG . 55
Chapitre 5 : Le commandant d’escadron mobile ...................... 67
Chapitre 6 : Libéria forever ...................................................... 71
Chapitre 7 : Retour à la division Justice militaire et débuts à la
DDSE........................................................................................ 87
Chapitre 8 : Le barbouze et l’affaire Maître Seye .................... 95
Chapitre 9 : Officier de renseignement..................................... 99
Chapitre 10 : La Casamance pour le MFDC .......................... 109
Chapitre 11 : Le désastre de Mandina Mancagne ................... 117
Chapitre 12 : Le policier international
en Bosnie-Herzégovine .......................................................... 123
Chapitre 13 : Le juriste DIRCEL ............................................ 131
Chapitre 14 : Les difficultés de la DIRCEL ........................... 139
Chapitre 15 : Le commissionnaire du Joola ........................... 145
Chapitre 16 : Le diplomate Guinée......................................... 151
Chapitre 17 : Le haut commandant en second ........................ 163
Chapitre 18 : Mon ambition pour la gendarmerie .................. 171
Chapitre 19 : Plan d’équipement de la gendarmerie .............. 177
Chapitre 20 : Faits d’armes..................................................... 187

197
Le Sénégal
aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

gúbaher (Le), parler baïnouck de Djibonker


(Basse-Casamance, Sénégal)
Éléments de description linguistique : phonologie et classes nominales
Biagui Noël Bernard - Préface de Nicolas Quint
Le gúbaher est un parler baïnouck, pratiqué au Sénégal dans le village de Djibonker
(en Basse-Casamance dans la région de Ziguinchor, arrondissement de Nyassia).
Il compte environ un millier de locuteurs. Cet ouvrage comporte deux parties
principales  : phonologie et classification nominale, complétées par un conte
transcrit et traduit, ainsi que des tableaux de distribution des sons relevés.
(Coll. Études africaines, 17.00 euros, 168 p.)
ISBN : 978-2-336-29053-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53193-2

Radioscopie d’un système de santé africain : le Sénégal


Atchadé Félix
La bonne santé est une valeur hautement recherchée dans la société sénégalaise.
Les Sénégalais sont-ils globalement en bonne santé ? Quels sont les principaux
enjeux de santé pour les prochaines années ? Quelles sont les politiques sanitaires ?
Quelles sont les inégalités géographiques et sociales ? Voici des pistes de réflexion
pour une meilleure appropriation par les Sénégalais de leur santé.
(Coll. Études africaines, 24.00 euros, 248 p.)
ISBN : 978-2-343-00269-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53156-7

Une vie de combats


Diop Mbaye-Jacques
Le parcours de Mbaye-Jacques Diop au coeur de la société sénégalaise a été
inspiré par de grands maîtres, dont Léopold Sédar Senghor qui fut l’initiateur de
sa vocation politique. Sa forte personnalité n’a cessé d’interpeller les pouvoirs et
sa meilleure légitimité, c’est auprès du peuple, dans ses missions d’élu local, qu’il
a su la constituer. Toute sa vie, il n’aura cessé d’être un combattant. Depuis mars
2012, il a ressuscité son parti, le PPC.
(Coll. Harmattan Sénégal, 20.00 euros, 190 p.)
ISBN : 978-2-296-99553-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53097-3

abbé (L’) Augustin Diamacoune Senghor


Par lui-même et par ceux qui l’ont connu
Bassène René Capain
Cet ouvrage est le premier à être consacré à celui qui a incarné la rébellion
indépendantiste casamançaise, de 1982 jusqu’à sa disparition en 2007. Les propos
de l’abbé Diamacoune Senghor soulignent les deux engagements contradictoires,
mais à ses yeux indissociables : l’engagement religieux, comme prêtre catholique,
qui le portait vers la paix, mais aussi la justice ici-bas et l’engagement politique,
qui l’avaient amené à se retrouver porte-parole d’une rébellion armée.
(21.50 euros, 216 p.)
ISBN : 978-2-336-29164-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51717-2

Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969


Essai d’histoire politique du Sénégal
Sow Abdoul - Préface du professeur Amadou Mahtar Mbow ; Postface du
professeur Assane Seck
«Parmi les hommes politiques sénégalais du XXème siècle, Ibrahima Seydou
Ndaw se distingue par la longévité de son engagement, la constance de son
combat contre l’injustice ainsi que par son courage dans la défense des faibles et
dans le combat pour ses idées. Il a été de toutes les luttes contre l’autoritarisme
et l’arbitraire pendant la période coloniale...» (Préface du professeur Amadou
Mahtar Mbow)
(Coll. Harmattan Sénégal, série Mémoires et biographies, 41.00 euros, 428 p.)
ISBN : 978-2-296-99539-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-51551-2

De l’homme des rêves


Wone Ibrahima
Ce livre est un essai qui est au croisement de la métaphysique, de la sociologie
et de la psychanalyse. L’auteur crée le concept d’»homme des rêves» qui serait
un homme qui s’échappe de l’être en sommeil. C’est un mélange de biographie,
d’analyse «scientifique» et d’interprétation. C’est un livre aussi sur les rêves et
l’interaction qui peut exister entre le monde onirique et le monde réel.
(Coll. Harmattan Sénégal, 10.00 euros, 54 p.)
ISBN : 978-2-296-99540-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53014-0

Oser – Douze propositions pour un Sénégal émergent


Atepa Pierre Goudiaby - Entretiens avec Honoré de Sumo
«Oser : ce mot-clé, dans l’entendement de l’auteur, vise à alerter les consciences
comme un tocsin aux premières heures d’une bataille décisive, celle qui fera
entrer l’Afrique, une Afrique nouvelle, dans le «Mainstream». L’onde de choc
de ses douze propositions pour l’émergence du Sénégal vibrera à travers toute
l’Afrique» (Babacar Ndiaye).
(Coll. Harmattan Sénégal, 19.00 euros, 200 p.)
ISBN : 978-2-336-00037-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-51315-0
Chefferie coloniale et égalitarisme diola
Les difficultés de la politique indigène de la France en Basse-Casamance
(Sénégal), 1828-1923
Meguelle Philippe
Le titre résume à lui seul l’antagonisme entre le système colonial français et une
société africaine réfractaire à toute forme d’autorité imposée et permanente.
S’appuyant sur une étude minutieuse du milieu et une reconstitution de l’histoire
précoloniale, l’auteur met en lumière la singularité d’une organisation diola
fondée sur le respect des devoirs et interdits dictés par la religion ancestrale, le
pouvoir collégial des anciens et une solidarité clanique.
(Coll. Etudes africaines, 55.00 euros, 648 p.)
ISBN : 978-2-336-29137-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51302-0

régions (Les) à l’épreuve de la régionalisation


au Sénégal
Etat des lieux et perspectives
Diop Djibril
C’est à partir du modèle historique combinant découpages précoloniaux et
découpages initiés par le colonisateur que le territoire du Sénégal a été construit.
Mais ce modèle a connu des bouleversements, avec la création des régions,
structures intermédiaires entre les administrations centrales et les collectivités
locales de base. Le découpage du pays en régions est-il viable et efficace pour le
développement du Sénégal ?
(Coll. Études africaines, 36.00 euros, 346 p.)
ISBN : 978-2-296-99734-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51146-0

Réformes institutionnelles dans le secteur


parapublic au Sénégal – Le cas du chemin de fer
Kébé Amadou
Ce livre souligne le rôle des différents acteurs impliqués dans les politiques
économiques et leur mise en oeuvre. De la gestion publique du chemin de fer
à sa mise en concession, le Rubicon d’un certain désengagement de l’Etat a
été franchi. C’est un ouvrage ambitieux qui suscite un intérêt majeur de par sa
reconstitution des épisodes de l’histoire du chemin de fer et qui permet d’y voir
clair sur son état actuel.
(Coll. Harmattan Sénégal, 23.00 euros, 228 p.)
ISBN : 978-2-296-99537-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51157-6

esclave (L’), le colon et le marabout


Le royaume peul du Fuladu de 1867 à 1936
Ngaïde Abderrahmane - Préface du professeur Boubacar Barry
Ce livre analyse l’histoire tumultueuse de l’esclave, du colon et du marabout.
Ce tryptique qui structure les développements permet de mieux appréhender la
rencontre des trois pouvoirs, les enjeux identitaires et les trajectoires sociopolitiques
qui forment les contours de la lutte de positionnement et de visibilité entre les
deux «classes sociales» dans l’un des segments du Sénégal postcolonial.
(Coll. Etudes africaines, 28.00 euros, 262 p.)
ISBN : 978-2-336-00634-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-51060-9

Y’en a marre
Radioscopie d’une jeunesse insurgée au Sénégal
Vieux Savané , Sarr Baye Makébé
«Les gars, est-ce qu’on va rester les bras croisés ?» C’est par cette interrogation
quasi-existentielle que le noyau dur de ce qui deviendra «Y’en a marre», a décidé
de se bouger. «Y’en a marre» décide de sonner la charge contre toute forme de
démission. Dans un même élan, jeunes cadres, étudiants, ouvriers, retraités,
chômeurs se sont identifiés au coup de gueule de «Y’en a marre». Un mouvement
qui, à coup sûr, a contribué à bousculer le jeu politique sénégalais.
(Coll. Sociétés africaines et diaspora, 12.00 euros, 96 p.)
ISBN : 978-2-296-99513-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-50981-8

El Hadji Momar Sourang


Un grand notable de Saint-Louis et fervent mouride
Madické Wade El Hadji
La biographie de El Hadji Momar Sourang - connu sous le nom de Mor Sourang
- que dévoile El Hadji Madické Wade témoigne de ce que fut ce grand notable de
la ville de Saint-Louis du Sénégal. En plus d’être un récit de vie, c’est aussi une
ode à l’amitié.
(Coll. Harmattan Sénégal, 13.50 euros, 126 p.)
ISBN : 978-2-296-99535-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51012-8

Sénégal (Le), quelles évolutions territoriales ?


Sous la direction de Manga Christian Thierry
Au Sénégal, territoires et sociétés sont en pleine mutation, aussi bien dans les
villes que dans les territoires ruraux du littoral. Dans cette pluralité d’approches
territoriales, la provincialisation apparaît comme une alternative qui peut
corriger les faiblesses de la décentralisation. Le problème est comment l’aborder
pour qu’elle soit cohérente ?
(Coll. Etudes africaines, 32.00 euros, 308 p.)
ISBN : 978-2-296-96309-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-50560-5

effectivité (L’) du droit à l’éducation au Sénégal


Le cas des enfants talibés dans les écoles coraniques
D’Aoust Sophie
Quelle place occupent les écoles coraniques dans l’éducation des enfants
sénégalais  ? Pourquoi ces écoles subsistent-elles toujours alors qu’elles ne
permettent pas de réaliser le droit à l’éducation tel que conçu par le droit
international ? Quelques initiatives avancées par l’État seront étudiées :
l’expansion du préscolaire, les innovations dans l’enseignement primaire, le
développement d’institutions franco-arabes et la création de «daaras modernes».
(Coll. Justice Internationale, 37.00 euros, 364 p.)
ISBN : 978-2-296-99304-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-50573-5

Casamance (La) dans l’histoire contemporaine


du Sénégal
Manga Mohamed Lamine - Préface du Pr Ousseynou Faye
L’auteur nous fait découvrir l’histoire de la classe politique casamançaise de 1946 à
nos jours. Il aborde l’histoire et son instrumentalisation, la construction de l’Etat-
nation, les inégalités horizontales, le commandement politico-administratif, le
conflit armé, le factionnalisme au sein du mouvement séparatiste, les négociations
relatives à la paix.
(Coll. Etudes africaines, 36.00 euros, 354 p.)
ISBN : 978-2-296-99307-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-50696-1
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Pour l’honneur
de la gendarmerie
sénégalaise

Juin 2007  : un scandale, mon nom, la perte de mon


commandement de major général de la gendarmerie... un
des multiples scandales du régime dit de l’alternance.

Un Président sourd à mon appel et des officiers qui


usent de leur pouvoir, de leur autorité et de la gendarmerie
pour me salir, m’enfoncer et me détruire.

Un exil, un silence abasourdissant, le stress me


retracent une carrière que j’ai voulue exemplaire, engagée
et honorable. J’explique le sens de mon engagement et
les principaux événements qui ont jalonné mes états de
service.

Abdoulaye Aziz Ndaw est colonel de la gendarmerie nationale du


Sénégal. Après 40 ans de bons et loyaux services dans les structures
interarmées, à la primature et dans les cabinets ministériels, son nom,
son honneur, sa gloire et sa fierté sont frappés de plein fouet par le
scandale dit de la gendarmerie.

Illustration de couverture :
© Natalia Demidchick / J. Allain

ISBN : 978-2-343-01592-7
20 €

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