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Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw

Pour l’honneur
de la gendarmerie
sénégalaise
Tome 2 :
La mise à mort d’un officier
Pour l’honneur
de la gendarmerie sénégalaise
Tome 2
La mise à mort d’un officier
Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw
Forces armées sénégalaises
Gendarmerie nationale

Pour l’honneur
de la gendarmerie sénégalaise
Tome 2
La mise à mort d’un officier
Du même auteur
chez le même éditeur

Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise.


Tome 1 : Le sens d’un engagement, 2014.

Nous sommes conscients


que quelques scories subsistent dans cet ouvrage.
Vu l’utilité du contenu, nous prenons le risque
de l’éditer ainsi et comptons sur votre compréhension

© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-336-30309-3
EAN : 9782336303093
Je dédie ce livre

À mon fils Abdousalam qui m’exige un combat de vérité et qui,


malgré les insultes et les calomnies a refusé de changer d’école
pour faire face et ne pas courber l’échine ;
À mon fils Bara, qui à travers Facebook, me rend compte
chaque jour de l’affection et de la foi que des milliers de gen-
darmes me témoignent ;
Au Major Abdoulaye Sidibé de la Gendarmerie Nationale,
que les prédateurs ont voulu sanctionner pour son compagnon-
nage avec mo ;
Au Major Alioune Kandji, qui a été relevé de son commande-
ment et exilé pour avoir refusé de couper ses relations avec moi ;
Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw

1/ DISTINCTIONS HONORIFIQUES
Commandeur de l'Ordre National du Lion
Commandeur de l'Ordre National du Mérite
Médaille d'Honneur de la Gendarmerie
Croix de la Valeur Militaire 3 citations dont 2 avec étoiles d’argent
Officier de l'Ordre National du Mérite de France
Médaille Commémorative de la Libération du Koweït
Médaille de L'organisation de l'Union Africaine pour le Tchad
Médaille de l'ECOMOG pour le Libéria
Médaille des Nations Unies pour la Bosnie Herzogovine

2/ FONCTIONS DE POUVOIRS
Commandant d'unités d'instruction Gendarmerie
Directeur de Centres d'instruction
Commandant d'Unites de Gendarmerie Mobiles
Commandant de Contingent Opérations Extérieures
Directeur du Département Juridique des Forces Armées
Chef de l'Etat Major Gendarmerie
Sous Directeur de la Justice Militaire

3/ FONCTIONS D INFLUENCE
Chef de la Division Justice Militaire de la DJM
Chef de la Division Situation Synthèse de la DDSE
Directeur de la Lutte contre la Subversion et le Terrorisme du
CENCAR
Conseiller Juridique du Ministre des Forces Armées DIRCEL
Conseiller référendaire du Conseil d'Etat CONSEIL D'ETAT
Haut Commandant en Second ou Major Général de la Gendarmerie

4/ FONCTIONS INTERNATIONALES
Prévôt de grandes unités d'opérations extérieures
Policier International UNMIBH
Président du comité des experts de l'ANAD
Président de la Commission Nationale anti mines
Président de la Commission Nationale ALPC
Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale NBC
Attache Militaire en Guinée et en Italie

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La trahison

Le doute envers un ami, c’est quand on remet en question sa


franchise,
La méfiance est souvent provoquée par l’embryon d’un
soupçon ;
Le rempart qui tue une amitié, c’est la trahison toujours aussi
précise
Car elle glace et mortifie comme un vase que l’on brise.

La flatterie d’un traître cache son envie de vous maîtriser :


Souvent, il a ses intérêts calculés de manière orchestrée ;
La tragédie est que la trahison ne peut être que proche
Car il faut qu’il puisse deviner ce qu’il y a dans vos poches.

Le couteau dans le dos assassine de manière imprévisible,


Sinon le complot aurait été déjoué dès les premières pré-
mices
Car les relations humaines sont toujours visibles.

On ne peut pas tous les soirs veiller avec une lame :


L’amour des êtres chers sert à protéger et à éloigner des
mauvaises ondes
Car même si le coup part, la morale elle, déplore la trahison
en larmes.

El Hadji Amadou NDAO


Nancy, 2010

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Avant-propos

Comment vivre une amitié sincère, loyale et franche entre


deux personnes que tout sépare, une amitié entre deux officiers
dont le vécu dans la Gendarmerie ne semble pas suivre le même
chemin, ni les mêmes principes, encore moins les mêmes va-
leurs. Tout me sépare de mon ami et collègue Abdoulaye FALL,
le gendarme.
J’ai connu Abdoulaye FALL le gendarme en mai 1979 à
Melun. En formation à Saint Cyr, il était venu voir le Lieutenant
DIAKHITE, un de ces grands anciens, saint-cyrien lui aussi.
DIAKHITE avait transigé vers la gendarmerie après quelques
années de service au Batparas et à l'ENSOA.
Je faisais mon stage d'application à l'Ecole des Officiers de
la Gendarmerie. DIAKHITE était lieutenant depuis au moins
deux ans. Abdoulaye FALL terminait ses deux années de for-
mation cette année-là. Moi-même, j'étais Sous-lieutenant en-
train d’appliquer et en fin de formation.
Le Lieutenant DIAKHITE, ancien enfant de troupe, avec qui
je partageais beaucoup de moments, nous invita tous les deux
au restaurant du supermarché Casino où nous échangeâmes sur
beaucoup de sujets.
Nous parlâmes beaucoup de la Gendarmerie que tous les
deux ne connaissaient que de nom. J'avais déjà trois ans d'expé-
rience Gendarmerie, le temps de ma propre formation.
Le courant passa très vite entre nous, surtout que FALL de-
vait participer à Paris au gala des écoles. Il ne savait pas ce qu'il
devait porter, encore moins danser. Nous rigolâmes de tout ça et
nous quittâmes bon enfant, en nous promettant de garder le
contact.
Je retrouvai le Lieutenant FALL cinq ans plus tard, après
que lui-même eut rejoint la Gendarmerie en 1984 suite à après
quelques déboires dans l'armée et des problèmes de comman-

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dement à l'ENSOA. IL fit un bref passage à la Légion de Gen-
darmerie d'Intervention, puis à la Compagnie de Tambacounda
avant de rejoindre la Compagnie de Dakar comme Adjoint.
Dans cette unité, je le rencontrais assez souvent du fait de
mes passages pour voir le Capitaine Sellé DIOP, mon jeune du
Prytanée, lui aussi Adjoint du Chef d'Escadron Mboundou
SARR.
J'étais officier instructeur et j'avais beaucoup de temps pour
moi-même. La position centrale de la compagnie en faisait un
point de passage obligé. Sellé quitta la compagnie pour le port
et fut remplacé par Balla BEYE.
La grève des policiers fut le premier évènement où le Capi-
taine FALL et moi eûmes à agir ensemble, pour assurer une
mission de la Gendarmerie.
Un mauvais engagement de deux escadrons de la LGI eut
des conséquences néfastes sur les forces de Gendarmerie enga-
gées sur l'Avenue Roume pour barrer la route de la Présidence
aux policiers.
La LGI perdit des armes que les policiers arrachèrent aux
gendarmes. Le Capitaine FALL qui voulut s'opposer, eut la
main brisée et quelques doigts fracturés.
Suite à la débandade, je dus intervenir avec la compagnie
des élèves MDL pour rétablir la ligne Gendarmerie. Une posi-
tion ferme et soutenue de mon unité, eut raison de l'ardeur des
policiers et les stoppa au niveau du feu rouge de la rue Carnot.
L'arrestation de deux policiers en voiture qui voulurent for-
cer le barrage vers la rue Jules Ferry à 16 heures créa quelques
confusions. En réaction des policiers firent arrêter des gen-
darmes de l'escadron de protection qui rentraient chez eux dans
un bus SOTRAC.
Une menace sur THIONK où les deux policiers avaient été
amenés nous fit descendre, FALL et moi, au commissariat cen-
tral ou nous récupérâmes aussi bien les armes du matin que les
gendarmes arrêtés l'après-midi.

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Cette journée mémorable me rapprocha beaucoup
d’Abdoulaye FALL.
Nos chemins se séparèrent avec mon affectation en Gambie
et mes séjours à l'étranger, notamment au Libéria. A mon retour
en 1993, une affectation à Dial Diop à la DDSE, me permit de
retrouver Abdoulaye FALL. Il servait comme Officier de liai-
son Gendarmerie à l'Etat-major Général des Armées en qualité
de DMOT.
Notre rencontre insolite parmi les Officiers de l'Armée qui
se méfiaient à tort ou à raison des gendarmes, nous rapprocha
davantage. Il venait souvent boire le café ou discuter dans mon
bureau.
La délocalisation de la DDSE au Cap Manuel ne changea
pas nos habitudes. Nous passions beaucoup de temps ensemble
à discuter et à critiquer le Haut Commandement de la Gendar-
merie qui ne voulait pas de nous.
Il profita de sa présence à Dial Diop pour se porter candidat
libre à l'Ecole de Guerre. Il suivit la préparation que suivaient
seulement les Officiers des Armées.
Les gendarmes avaient une place à l’Ecole de Guerre une
fois tous les 4 ans et un concours spécial était organisé par le
Haut Commandement pour attribuer la place. Chef d’Escadrons,
j'attendais avec beaucoup d'autres camarades comme Dièye,
Madjimby et Gueye FAYE l'organisation du concours.
Le Haut Commandement fut très gêné de la demande de
l'Etat-Major d'octroyer la place offerte à la Gendarmerie au
Chef d'escadron Abdoulaye FALL, qui avait suivi dans les Ar-
mées toute la préparation de l’Ecole de Guerre.
La plupart des Chefs de division de la Gendarmerie s'y op-
posèrent en invoquant premièrement le concours interne de la
Gendarmerie pour octroyer la place, et deuxièmement la non-
acceptation des candidatures par les Armées pour la préparation.
Les mieux placés à la Gendarmerie pour remporter un tel
concours étaient DIEYE et moi, et les examens comme le DA-
GOS prouvaient amplement que la place se jouerait entre nous
deux.

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Le Général DIOP, Hautcomgend nous consulta DIEYE et
moi afin de pouvoir prendre une décision juste et équilibrée. Je
soutins l'octroi de la place à FALL, en invoquant l'âge et la
chance. Le Commandement soutenait que les Armées devaient
lui trouver une place en dehors du système.
Ma renonciation joua largement en sa faveur et FALL fut
envoyé à l'Ecole de Guerre, avec la promesse de nous envoyer
Dièye et moi faire le DMG cette année-là.
En formation à la DGSE en 1995, je retrouvai en France
aussi bien DIEYE venu faire le DMG que FALL en première
année de l'Ecole de Guerre. Je les fis se rencontrer tous les deux
et profitais des moyens mis à ma disposition par la DGSE, en
les inviter très souvent à dîner et à nous éclater dans Paris.
Ils ne s’aimaient pas trop parce que déjà rivaux dans beau-
coup de domaines. Chacun soupçonnait l'autre de quelque chose
de maléfique. Je rigolais de leur méfiance l'un envers l'autre et
les amusais tous les deux de ma liberté, de mon enthousiasme et
de mes dérives à Paris.
Tous les deux m'aimaient bien et trouvaient agréable ma
compagnie. Dièye me connaissait parfaitement et me savait très
bon camarade et Abdoulaye FALL, également aimait bien ma
compagnie. Cependant il restait crispé, un peu gauche, souvent
maladroit et peu communicatif.
Mon retour à Dakar fut un moment magique où je payais
tous les cadeaux qu'ils voulaient faire à leurs familles, la carte
de crédit de la DGSE explosa pour faire des cadeaux royaux à
leurs enfants.
Je retrouvai l'année suivante Abdoulaye FALL à Paris et
notre amitié se renforça. Les promenades dans Paris pour passer
le temps m'ennuyaient très souvent. Je fus très direct avec lui en
lui montrant mon intention de me trouver une copine.
Il me parla d'une femme que ses prédécesseurs lui avaient
présentée mais qu'il hésitait à appeler. J'appelai dare-dare la
dame et nous fis inviter dans l'heure dans la banlieue parisienne.
Je retrouvai une grande dame, généreuse et très fière, très res-
ponsable qui nous ouvrit les portes de sa maison et de Paris.

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Elle me présenta une de ses cousines avec qui je vécus une
histoire d'amour sans fin, un grand roman de vie. Ce moment de
Paris fut un de mes meilleurs moments de vie. FALL lui-même
sortit avec cette dame qui refit son éducation, elle lui apprit à
s'habiller en lui faisant cadeau de chemises et de costumes de
marque.
Elle rigolait toujours avec ma copine de l'accoutrement
d'Abdoulaye FALL qui rappelait un paysan à Paris. Il connut un
grand moment de bonheur et commença à déraper en promet-
tant le mariage à la dame. Il voulait prendre contre mon avis
une deuxième femme tellement il était heureux.
Le respect et la confiance que cette dame plaçait en moi me
firent avorter l'idylle parce que je savais et j'étais certain que
mon ami ne pouvait assumer ce mariage et qu'il allait faire souf-
frir et humilier cette dame, sans raison.
En accord avec la dame, je convainquis Abdoulaye FALL
d'inviter sa femme à Paris pour le dernier mois de son stage.
L'arrivée de sa femme l'éloigna de Nanterre où, en 45 jours, il
ne passa même pas un coup de fil. La dame ne le vit plus et
n'entendit plus parler de lui.
Elle me remercia de lui avoir ouvert les yeux et ferma la pa-
renthèse Abdoulaye FALL. Elle me fit aussi quelques confi-
dences sur la personne et les sentiments obscurs qu'il me portait,
tant il avait peur de mon insouciance, de mon intelligence et de
ma liberté.
D'après elle, il me redoutait et redoutait mon jugement. Elle
me fit comprendre qu’Abdoulaye FALL avait un complexe
inimaginable envers ma personne. Elle m'invitait à la vigilance
pour éviter des surprises avec lui. Je mettais tous ses avertisse-
ments dans le contexte d'une femme abusée et trahie.
Je fus pour beaucoup dans l'affectation d’Abdoulaye FALL à
Ziguinchor. La disparition de deux couples français obligea
mon service, le Centre National de Coordination du Rensei-
gnement, à suivre de très près la situation en Casamance.

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Le Service déploya d'énormes moyens humains et matériels
conjointement avec la DDSE et la DGSE pour retrouver la trace
des couples disparus.
Le Général WANE CEMPART fut interpelé par le Président
DIOUF après la découverte d'un index dans le véhicule du
couple, véhicule que les gendarmes du Colonel POUYE avaient
retrouvé 4 mois plus tôt.
L'ambassadeur de France s'empressa de montrer l'index au
Président DIOUF dès le retour de son équipe à DAKAR. Le
Président DIOUF en fut très blessé et voulut des explications,
que le Général WANE sollicita auprès de moi, le gendarme du
CENCAR.
Pour protéger la Gendarmerie, j'en pris la responsabilité en
invoquant des ordres formels que je lui avais donnés de ne pas
toucher au véhicule, en attendant l'arrivée d'une équipe d'identi-
fication criminelle de France. J'invoquai également le manque
de moyens et de technicité qui obligeait à une telle décision.
Je fis une liaison à la gendarmerie auprès du Général DIOP
pour lui faire part de la bévue et des réponses apportées. IL
décida de relever aussitôt le Commandant de compagnie et le
Commandant de légion pour cette bévue. Le Commandant
MADJIMBY fut aussitôt envoyé pour prendre la relève.
Le CENCAR créa son antenne de Ziguinchor avec trois offi-
ciers qui s'y relayaient tous les trois mois. Je séjournais ainsi la
plupart du temps en Casamance, en bénéficiant de l'appui sans
faille de MADJIMBY, chez qui je prenais pratiquement tous
mes repas.
Son épouse, (Mame, que dieu l’accueille au Paradis) déploya
des efforts immenses pour rendre mon séjour agréable. Son
départ en stage en France me poussa à militer pour l'octroi de ce
commandement à mon ami Abdoulaye FALL.
Le Haut Commandant en Second voulait y envoyer Dièye
qui tenait à rester à Dakar où il jouait un rôle essentiel dans
l'Etat-major. Et de plus il pouvait prétendre recevoir le com-
mandement de la légion ouest plus prestigieuse.

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Après plusieurs échanges avec Abdoulaye FALL, encore en
stage en France, je convainquais le Général DIOP de l'envoyer
en Casamance prendre la légion.
Mes fonctions tant à la DDSE qu'au CENCAR m'avaient
donné une position privilégiée de conseiller du Haut Homman-
dement que je briefais très souvent sur les enjeux en cours.
Il fut ainsi très facile de trouver le commandement de la Lé-
gion Sud à Abdoulaye FALL. Nous nous sommes retrouvés à
Ziguinchor parce que le CENCAR, pour des raisons que je ne
maitrisais pas, avait fait de moi un permanent de son Antenne
Sud.
J'étais heureux de me retrouver à Ziguinchor, où grâce à
l'aide des deux Abdoulaye FALL, le militaire avec qui je parta-
geais le même logement(nos deux épouses deviendront du reste
inséparables) et le gendarme Commandant de légion, je fus en
mesure de remplir ma mission avec des résultats tangibles.
L'intelligence et la capacité d'analyse de FALL le militaire
apportèrent un éclairage certain pour la conduite des discus-
sions avec les différents acteurs de la rébellion qu'étaient Dia-
macoune, Sidy Badji de même qu’avec les missionnaires, le
clergé, les notables et les Etats-majors nord et sud.
La mise à disposition de gendarmes aguerris comme Aziz
FAYE est un apport décisif de la légion qui couvrit en toute
confiance mes opérations d'envergure. Le gendarme m'apporta
tous les appuis logistiques et professionnels pour me permettre
de rencontrer et de discuter avec les acteurs de la rébellion.
Il y eut cependant quelques problèmes qui auraient dû m'in-
terpeler et me contraindre à agir contre FALL le gendarme. En
toute vérité, il profitait largement de la situation carabinée de la
zone, pour faire des choses quelque peu contraires à la déonto-
logie et au devoir. Je ne pouvais pas ne pas savoir, car aussi
bien les acteurs de la crise, que les propres hommes du Com-
mandant de légion, le dénonçaient sans ambages.
Ces problèmes ne m'intéressaient pas et je faisais comme
tous les militaires des armées. Je me préoccupais de ma mission

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et veillais à la remplir avec toute ma conscience et tout mon
engagement.
Le Colonel KONE Comzone, le Lieutenant-colonel FALL
des armées et moi-même rigolions souvent des magouilles en
cours et des mésaventures des gendarmes qui, sans vergogne,
rackettaient sur la route.
Malgré une interdiction formelle de faire la police de la
route, certaines brigades s'y aventuraient et tombaient souvent
sur des embuscades rebelles. Le Comlégion ne trouvait aucune
solution à ces aventures, parce que lui-même était mêlé à toutes
sortes de trafic.
En premier lieu, il avait un problème avec l'alimentation des
200 éléments détachés par la légion de gendarmerie d'interven-
tion. Une somme de 1200 FCFA par gendarme était mise à la
disposition du Commandant de légion par jour pour nourrir les
hommes.
Avec cette somme, le Commandant de légion devait assurer
trois repas normaux aux gendarmes. Au lieu de nourrir correc-
tement les hommes, le Commandant de légion profitait large-
ment de cette somme et pouvait garder par dévers lui cent mille
FCFA par jour.
Sa gourmandise amena la révolte des hommes qui, de guerre
lasse, refusèrent de prendre le repas servi. Deux escadrons ras-
semblés sur la place d'armes du camp de Néma refusèrent
d'obéir aux officiers.
La fille d’Abdoulaye FALL, Ndeycoumba, dut courir de
toutes ses forces jusqu'à mon domicile pour me faire part de la
situation. Je l'embarquai de suite dans ma voiture pour foncer
vers la caserne.
Je trouvai une situation indescriptible, 200 gendarmes ras-
semblés, des officiers subalternes désemparés, un Comlégion
meurtri devant sa femme et ses enfants, impuissant et décompo-
sé.
Bien qu'en blue-jeans, j'intimai l'ordre au Capitaine, Chef de
détachement, de mettre ses hommes au garde-à-vous. A ma

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grande surprise, ils obéirent, se mirent au garde-à-vous et pré-
sentèrent les armes.
Je fis avancer un gradé supérieur que je connaissais, l'Adju-
dant Babacar Ndiaye, un gradé subalterne et un gendarme pour
leur demander les raisons de cette rébellion.
Ils ne voulurent pas parler et je dus faire preuve de toute
mon autorité et de mon indulgence envers eux trois pour me
faire expliquer les raisons de cette révolte.
Ils me parlèrent de la « graille» que l'on ne devait même pas
servir à des cochons. Je me fis servir un plat que je testai avec
beaucoup de dégout.
Mon « show » eut raison de leur détermination et je fis con-
voquer séance tenante une réunion entre les hommes et le
Commandant de légion, qui accusa les hommes en qui il avait
placé sa confiance.
Je le décidai à mettre à contribution son épouse, qui devait
aider à trouver une solution idoine pour qu'un tel problème ne
se reproduise plus.
Une dame surnommée Mère FALL fut embauchée sur
l'heure. Mon intervention permit d'arrêter la révolte comme la
magouille. Les hommes de la LGI, me reprochèrent d'avoir
sauvé la tête du Commandant de légion qui ne méritait que mé-
pris et scandale.
Les hommes de la LGI profitèrent du sauvetage du Com-
mandant de légion pour dénoncer le poulailler. Je ne pouvais
pas comprendre de quoi il s'agissait, tellement mon amitié avec
FALL le gendarme m'aveuglait. Pendant longtemps, les
hommes dormaient sous des tentes Mle 56.
J'avais moi-même commandé une unité de la LGI et la tente
était de rigueur pour pallier les ardeurs du climat. Mon ami
profita de son commandement pour convaincre le Haut com-
mandement de la nécessité de mettre les hommes à l'abri et dans
des bâtiments en dur.
Le Commandement déploya un ensemble de moyens pour
construire effectivement des abris solides. Le matériel local,

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quémandé par-ci par-là par les différentes brigades permit de
faire des abris pour la LGI.
Ces abris étroits, sans luminosité ne permettaient pas de se
tenir debout, les "sackets" blessaient les hommes au passage et
la boue les faisait tomber dangereusement pendant la longue
saison des pluies.
Les gendarmes abandonnèrent ces poulaillers pour dormir à
la belle étoile malgré les injonctions complices des jeunes offi-
ciers.
Les autorités locales et surtout les autorités forestières dé-
noncèrent la coupe du bois de ven par les gendarmes et les mili-
taires.
Le Commandant de zone, le Colonel Yoro KONE fit preuve
d'autorité en prenant les mesures idoines pour arrêter ce fléau. Il
alla jusqu'à interdire le transport du bois dans les véhicules mili-
taires et dans le bateau le Le Joola.
C'était sans compter avec le Commandant de légion qui non
seulement accumulait du bois dans toutes les gendarmeries de la
région, mais encore plus grave, tenait par sa femme une menui-
serie qui recevait des commandes depuis Dakar.
Le couple vendait des meubles en bois de ven à des clients
de Dakar et souvent à des agents de la SENELEC.
La coupe systématique du bois de ven sans autorisation de
Kolda à Bignona fut une action déterminée des unités de gen-
darmerie au profit du Commandant de légion.
Le Commandant de légion et le MFDC seront les principaux
responsables de l'attaque contre les forêts de Casamance.
Six ans après son départ de la légion Sud, mon ami FALL
avait toujours un stock important de bois de ven, que Haut
Commandant de la gendarmerie, il voulut transformer en mobi-
liers des unités de gendarmerie.
La volonté de s'enrichir systématiquement en Casamance et
de tirer le maximum d'opportunités de son commandement,
conduisit mon ami FALL dans des errements très nuisibles à
l'action de la Gendarmerie en Légion Sud.

20
Pour alimenter son verger situé à Niague où le Colonel de
gendarmerie Abdoulaye FALL entendait faire de l'embouche
bovine, les Commandants de brigade reçurent l'ordre d'acheter
des bœufs dans toute la région.
C'est ainsi que le Commandant de brigade de Bounkiling
acheta au profit de son Colonel un lot de bœufs volés. La gen-
darmerie devenait par ce fait receleur de bétail volé.
Les victimes déployèrent des recherches dans toute la zone
et grâce à leurs systèmes de marquage retrouvèrent leurs bœufs
aux mains de la gendarmerie.
Très satisfaits et croyant à la capture des auteurs par la gen-
darmerie, elles eurent la surprise de leur vie en apprenant que
ces bœufs appartenaient au Commandant de légion, qui allait
les transférer dans son verger pour embouche bovine.
Les victimes n'eurent d'autre ressource que de saisir le Gou-
verneur de la région de Kolda qui, à son tour, saisit les hautes
autorités de la gendarmerie.
L'enquête confiée au Lieutenant-colonel Balla BEYE établit
la responsabilité du Commandant de brigade, un bon gradé qui
avait servi sous mes ordres au Tchad en 1981 et du Comman-
dant de légion.
Pour couvrir la gendarmerie et contre toute logique, le major
fut très sévèrement puni et il n'y eut aucune sanction contre son
chef alors que tout le monde savait que le Commandant de lé-
gion, mon ami FALL était le principal instigateur de cette pré-
varication.
Les autorités administratives et les agents de l'Etat profitè-
rent de cette situation pour narguer la Gendarmerie et la tenir à
distance.
Je ne fus pas surpris dix ans après, et à Rome, de me voir ra-
conter cette bévue de la Gendarmerie par un agent diplomatique
à qui je certifiai quelque chose sur mon serment d'Officier.
Il me dit textuellement "Que vaut ton serment si ton propre
chef est un voleur de bétail, que mon Gouverneur et moi avons
dû protéger pour sauver l'honneur et le prestige de la Gendar-

21
merie". Cet agent, était à l’époque des faits chiffreur en service
à la Gouvernance de Kolda.
Un problème d'alimentation de la Garde Présidentielle oppo-
sa le Gouverneur militaire, mon ami Abdoulaye FALL, et mon
oncle, le Lieutenant-colonel Mamadou DIOP, Commandant de
la Garde Présidentielle.
Madame WADE, en bonne toubab qui fouine partout, a été
sidérée de trouver des bols dans le Palais présidentiel. Elle ac-
cusa aussitôt les gendarmes avec leurs bols d'infecter le Palais
avec des rats, des cafards et des odeurs nauséabondes.
Au courant, le Président de la République décida de faire
nourrir sa garde dans le budget du Palais. Mon ami et mon
oncle se disputèrent la manne jusqu'à réclamer mon arbitrage.
Ne comprenant rien au but ultime de cette guerre, je décidai
que le Colonel FALL, plus gradé et Gouverneur, devait recevoir
la responsabilité de l'alimentation. Mon amitié intangible envers
lui avait joué dans la balance et dans mon arbitrage.
Fort de tout ce qu'il connaissait du Gouverneur et en bon
gendarme, mon oncle fit une lettre dite anonyme où il dénonçait
avec maintes descriptions les agissements du Colonel Gouver-
neur en Casamance.
Il concluait la lettre en m'accusant formellement d'avoir tou-
jours protégé mon ami de par mes fonctions dans la République.
Le Président WADE, au reçu de cette lettre, convoqua le
Gouverneur pour explication devant son Directeur de Cabinet,
Idrissa SECK, et l'autre Abdoulaye FALL, le militaire, alors
Général et CEMPART.
Idrissa SECK exigea le renvoi sans discussion du Colonel de
la Présidence pour ne pas ternir l'image du Palais.
Le Général Abdoulaye FALL, le militaire, CEMPART, fort
de sa connaissance de ma propre personne, dit qu'il ne pouvait
affirmer ou infirmer la véracité des faits incriminés. Il était gêné
des accusations contre moi, parce que vivant avec moi sous le
même toit à l'époque des faits. Il pouvait certifier sur l’honneur

22
et sans aucun doute, que je n'étais ni de près ni de loin mêlé à de
tels agissements.
Le Président WADE conclut à un complot contre le gouver-
neur et décida de le garder. Le lendemain matin je fis relever
mon oncle Mamadou DIOP de la Garde Présidentielle en le
faisant affecter au Commandement des Ecoles.
Je fis nommer mon propre adjoint, le Commandant Mama-
dou DIOUF, Commandant de la garde Présidentielle pour facili-
ter contre toute logique le commandement de mon ami Abdou-
laye FALL, le gendarme.
CENCAR Ziguinchor pendant 4 ans, j'étais devenu un grand
spécialiste du MFDC. Je connaissais très bien le mouvement et
j'avais des relations suivies avec beaucoup de responsables mili-
taires et politiques.
Les rebelles, tenant compte de plusieurs évènements vécus
ensemble, avaient confiance dans ma parole et dans ma dé-
marche. C'est ainsi que tout naturellement avec la survenue de
l'alternance, des représentants de l'aile politique du MFDC,
réfugiés en Gambie, me saisirent pour les introduire auprès des
nouvelles autorités. Bountoum BADJI me fut envoyé en émis-
saire pour reprendre le contact.
J'en rendais compte à mon Ministre, Youba SAMBOU qui,
avec honnêteté et calme, me fit comprendre qu'il ne pouvait être
l’homme de la situation, parce qu'originaire de la région et très
mêlé à ce qui s’y passait.
Je résolus le problème en m'adressant directement au Gou-
verneur pour qu'ils introduisent les émissaires auprès de WADE
sans aucun intermédiaire. Le Président WADE reçut les propo-
sitions du MFDC et fort confiant, déclara régler le problème de
la Casamance en 100 jours.
C'était possible, sauf que le Gouverneur avait dénaturé les
faits en s'appropriant la confiance des rebelles. WADE le nom-
ma « Monsieur Casamance » alors qu'il ne connaissait rien des
problèmes du MFDC.
Le Président WADE lui confia une lourde, très lourde res-
ponsabilité, à laquelle, il n'était pas préparé. Il lui donna des

23
moyens incommensurables : deux cents millions de FCFA par
mois qui furent dilapidés en corruption de personnes insigni-
fiantes, en maraboutage et une bonne partie engloutie dans le
verger de Niague.
Le Colonel FALL le gendarme, mon ami, s'entoura de gen-
darmes membres de sa famille, notamment un cousin, un neveu
et d'autres fanfarons pour conduire le dossier de la Casamance.
Tout ce qui avait été fait du temps du CENCAR et par les
autorités administratives dont le gouverneur SARR vola en
éclats. Le mensonge et la manipulation prirent le pas sur la réa-
lité du terrain et beaucoup de choses néfastes eurent lieu et qui
éloignèrent à jamais la paix en Casamance.
Les Commandants de zone, les autorités administratives val-
sèrent pour ne pas s'opposer aux dérives criminelles de mon ami
et de ses agents. De Gouverneur militaire du Palais présidentiel,,
mon ami s'était érigé en barbouze avec comme seul atout, le
mensonge et la manipulation.
Il avait la confiance du Président de la République qui ne
comprenait rien au système d'état et qui n'avait aucune lucidité
pour se défaire de cette manipulation criminelle.
Il pensa même récompenser l'ardeur du Colonel en le nom-
mant effectivement Général de brigade et CEMPART, juste
pour le renforcer dans la conduite du dossier Casamance, dos-
sier que le Président tenait coûte que coûte à résoudre.
Le nouveau Général me proposa de lui tenir son cabinet,
proposition que malgré toute mon amitié, je trouvais indécente
et insultante.
Je ne le lâchai pas pour autant et je mis à sa disposition un
jeune Lieutenant-colonel pour qui j'avais de l'estime et du res-
pect tant il était compétent, engagé et intelligent.
Ce jeune Officier remplit avec merveille la mission à l'Etat-
major particulier et apporta au Général l'appui et la compétence
requise dans ce haut lieu de la conception de la défense natio-
nale.

24
Des Officiers des Armées purent permettre à l'Etat-major
particulier de jouer son rôle tant le Général leur laissa toute
initiative dans leurs dossiers, se bornant à signer ce qu'on lui
présentait.
Le dossier de la Casamance, le seul lucratif dans ses respon-
sabilités, l'intéressait. Il me consultait par mail sur beaucoup de
points, sollicitait mes analyses sur certains aspects du MFDC,
me demandait de lui contacter telle personne ou telle personne
en Europe.
Je le voyais tourner en rond, rencontrer des personnes inu-
tiles, prévoir des plans sans rapport avec la réalité. Il eut beau-
coup de mailles à partir avec certains Officiers de renseigne-
ment qui alertaient sur l'impasse et le mur où le Général condui-
sait.
Les mensonges et une construction erronée d'une politique
vers le MFDC, heurtaient aussi bien le Haut commandement
qui perdait l'initiative sur le terrain, les pays limitrophes qui se
libéraient de l'emprise du Sénégal.
De compromis en compromis, de compromissions à com-
promissions, le Général gendarme, CEMPART, apprenti bar-
bouze, a mis une bonne part de la souveraineté nationale en
mauvaise posture ; pour la première fois depuis le début du
conflit, le sanctuaire national était violé avec l'implantation de
bases connues et identifiées du MFDC.
Le Président de la République, croyant bien faire, liait les
mains des Forces Armées par des directives de l'Etat-major
particulier dont le fondement comme l'essence relevaient de
mensonges terribles.
Les mensonges et manipulations emportaient une politique
de renonciation et les rares personnes qui s'y opposèrent perdi-
rent leurs postes et même, parfois, leur vie. Une mafia prit en
mains la Casamance et fit faire à l'Etat des erreurs incalculables.
Ces erreurs ont conduit au surarmement du MFDC, à la
mainmise de la Gambie sur certains leaders rebelles et à la radi-
calisation des combattants.

25
Plusieurs fois avec le Colonel TINE, surtout lors du cinéma
de Foundiougne 1 et 2, j'essayais de raisonner le Général, de le
rappeler à la réalité. Malheureusement, il était très convaincu de
la valeur inaltérable de ses mensonges, mais surtout il avait une
confiance aveugle dans les marabouts du Djoloff qui, doréna-
vant, ne travaillaient que pour lui contre des sommes très im-
portantes.
Je le voyais effectuer les sacrifices que les marabouts lui re-
commandaient. Ses hommes se relayaient entre la Casamance et
son Dahra natal. Je ne croyais pas tellement en leur capacité,
mais ils donnaient au Général un résultat tangible car, malgré
tout, et à la connaissance de tout le monde, il gardait la con-
fiance totale du Président de la République.
Je ne fais pas trop attention aux conseils de mes amis et pa-
rents et je suis toujours trahi, et surpris d'être trahi, par des êtres
que je sais médiocres et sans valeur intrinsèque.
Le mariage d'un de mes hommes me conduisit à Dahra chez
l'imam de la mosquée Serigne Abdou Aziz SY de Liberté 5. Ce
djoloff djoloff, homme de grande érudition, me reçut avec
beaucoup d'honneur avant la célébration du mariage de sa nièce,
Marème Ndoumbé NDIAYE, une commerçante qui se mariait
avec le Major Sidibé, mon ami et frère de la Gendarmerie.
En attendant que l'Iman célèbre le mariage après la prière de
17 heures, je projetai d'aller rendre visite à la mère de mon ami,
le Colonel Gouverneur qui est de Dahra. L'Imam Ndiaye refusa
net et ne voulut rien entendre de mes explications ou de mon
amitié avec FALL.
De retour à Dakar, je racontai ma mésaventure à la dame
Marème Ndiaye SIDIBE qui me donna une explication que je
ne pouvais comprendre et que je n’acceptais pas.
Pour elle, son oncle avait raison sur toute la ligne, car dans
le Djoloff, il est impensable de sortir d'une maison de très
grande lignée pour rentrer dans la maison des esclaves. Elle me
fit comprendre que c'était la pire insulte que je pouvais faire à
son oncle et que j'avais bien fait d'obéir.

26
Moi je croyais que les FALL sont comme dans le Cayor, des
"garmi guejdd". De plus je m'en foutais de ces divisions so-
ciales et je ne me sentais pas très concerné. Pour Marème
NDIAYE, c'était une grosse erreur de ne pas prendre en consi-
dération de telles choses et qu'un jour, je pourrais le payer cher.
Je ne pris en considération ni la lignée familiale de mon ami
Abdoulaye FALL le gendarme ; ni ne portai de jugement sur les
mensonges et manipulations dont il était l'auteur et qui avaient
conduit l'Etat à l'impasse. Je ne tins aucun compte des avertis-
sements de mes copines de France.
Plus grave, un mois après ma nomination dans la fonction de
HCS, une femme sollicita une audience auprès de moi pour se
plaindre de mon patron, le Général de Division Abdoulaye
FALL. Cette femme, comme lui, étaient mes auditeurs au
CEDS où je donnais des conférences.
Il en avait profité pour sortir cette femme du droit chemin. Il
en avait fait sa maitresse et l'avait conduite au divorce. Il l'entre-
tenait. Il mit un terme définitif à la relation dès sa nomination
au poste de Hautcomgend.
Elle se sentait perdue, trahie, humiliée et détruite. Je dus par-
lementer avec elle, la convaincre de la justesse de la décision et
des dispositions que je prendrai avec lui pour l'aider à se rééqui-
librer, se stabiliser, comme si on pouvait se stabiliser dans ce
cadre. Elle ne voulut rien, ne demanda rien et ne prit rien.
Cette femme cependant me tint un langage qui continue à
hanter mes nuits. " Tu n'es pas son ami. Il n'a pas d'amis, il n'a
que des intérêts. Tu lui fais ombrage. Il a peur de toi, de tes
réactions, de tes jugements et de ton intelligence. Je suis venue
à toi parce qu'il ne parle que de toi et de ta façon de voir les
choses. Tu n'entendras plus jamais parler de moi, mais fais bien
attention à toi".
Je n'ose pas dire que je ne savais pas à qui j'avais affaire. Oui,
je savais que mon ami pouvait mentir, je savais que mon ami
était un magouilleur de la pire espèce, je savais qu'il était ca-
pable de prévarications.

27
Je savais que mon ami était un manipulateur et qu'il était
particulièrement corrompu. Je le connaissais très faible vis-à-vis
de son épouse et le pire de tout, je le savais lâche au point de
sacrifier un subordonné comme dans le cas de la brigade de
Bounkilling.
Je suis aussi condamnable pour avoir su et laissé faire et,
plus grave même, accepté sans aucune garantie de servir sous
ses ordres. Ma seule excuse réside dans mon amitié sans condi-
tion envers un tel homme.
Ma générosité légendaire et ma foi absolue dans mon destin
et surtout, la certitude absolue, qu'en aucun cas de près ou de
loin, je n'ai jamais été mêlé à de tels actes contraires au devoir,
m'ont conduit à une entreprise où j'ai perdu HONNEUR,
GLOIRE et FIERTE.
Je ne serai pas le seul Sénégalais à avoir vécu un tel drame
avec le régime dit de l’alternance. Des bandits de grand chemin
et des criminels vont s’accaparer, par ce régime du pouvoir. Ils
vont instaurer comme système de gouvernement la corruption,
la terreur, la violence, les attentats, le népotisme et tous les
autres maux qui ont gangrené les sociétés africaines depuis les
indépendances.
Le cri d’un ancien ambassadeur est éloquent et traduit le
sentiment général d’hommes bien, honorables et patriotes qui
ont cru devoir servir et rien que servir leur pays.
De hauts fonctionnaires méritants vont être spoliés, humiliés,
parfois emprisonnés, rien que pour instaurer la prédation et la
gabegie comme l’explique la complainte du premier ambassa-
deur du Sénégal à Londres sous le régime de l’alternance
Certains camarades ont pu dire, au moment de ma nomina-
tion à la fonction de Haut Commandant en Second, que j’avais,
avec Abdoulaye FALL, ourdi un plan pour prendre les destinées
de la gendarmerie et, de ce fait, éliminer la plupart des Colonels
plus anciens que moi.
Le commandement militaire est une question de principes,
de traditions et d’opportunités, qui souvent laisse en rade de très
bons officiers.

28
Je ne discuterai jamais de la valeur de la plupart des Colo-
nels qui étaient concernés au moment de ma nomination. La
plupart étaient des enfants de troupe, comme moi, exception
faite de Djibril BA qui avait été HCS.
Ces Colonels avaient plutôt des problèmes avec Abdoulaye
FALL, qui les avait dribblés par deux opportunités : sa présence,
quasi quotidienne près du Président WADE, et la gestion du
dossier Casamance dont le Président faisait une priorité absolue.
Ces Colonels voulaient oublier que malgré mon âge, j’avais
été promu dans le même tableau qu’Abdoulaye FALL, et sur-
tout avec deux d’entre eux qui étaient plus anciens dans le ser-
vice.
Abdoulaye FALL, ne pouvait en toute logique se faire ad-
joindre des Colonels qui le jugeaient illégitime. Les seules pos-
sibilités de choix étaient DIEYE et moi. Il me choisit
Je n'ai pas plongé tête baissée dans le commandement de la
gendarmerie nationale. Certes je n'ai pas posé de conditions
pour me protéger, cependant tous les actes que j'ai posés entre
le 16 juillet 2005 et le 18 juin 2007, en ma qualité de Haut
Commandant en Second de la Gendarmerie Nationale et Sous-
directeur de la Justice Militaire, sont en phase avec mon ser-
ment, mon engagement et la devise des enfants de troupe SA-
VOIR POUR MIEUX SERVIR.
J'ai servi avec honneur, loyauté et abnégation. Rien n'a
changé dans ma vie. Mon compte en banque n'a pas explosé. Je
n'ai pas accumulé des propriétés. Je n'ai ni de près ni de loin été
mêlé à aucune malversation de quelque nature que ce soit.
J'ai aidé tous les camarades gendarmes en situation de dé-
tresse dans la mesure de mes possibilités. J'ai essayé d'exercer
mes responsabilités avec justesse et justice, pour ne faire de tort
à personne.
J'ai récompensé le mérite et j'ai puni quand je le jugeai in-
dispensable pour maintenir la discipline. J'ai fait révoquer les
responsables de fautes graves contre l'honneur et la discipline
qui n'avaient pas leur place dans une armée de la loi.

29
Chapitre 1
Juillet 2005

Le 15 juillet 2005 à Conakry, je reçus un coup de fil du Gé-


néral de Division Abdoulaye FALL qui me demandait, toutes
affaires cessantes, de le rejoindre à Dakar. Il venait d’être
nommé Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la
Justice Militaire.
Je n'étais pas surpris de son appel, encore moins de sa de-
mande. Deux jours avant, il m'avait consulté sur la décision du
Président de la République de changer le Commandement de la
Gendarmerie.
Le Général Pathé SECK en avait été courtoisement averti
par le Président. Ce dernier lui avait demandé également de lui
proposer trois Officiers en mesure de le remplacer.
Le Général SECK avait effectivement proposé trois officiers
et ni Abdoulaye FALL, ni DIEYE, et encore moins moi-même
n'en faisions partie. Le Président consulta Abdoulaye FALL,
CEMPART pour la décision finale.
De retour dans son bureau, le Général en parla avec le Colo-
nel TINE qui lui demanda de prendre mon avis. Le Colonel
TINE me rendit fidèlement compte de sa discussion avec son
patron et, effectivement, celui-ci m'appela dans la nuit du 13 au
14 juillet 2005 pour m'entretenir en détail de tout ce qui se tra-
mait.
Je lui demandai alors de retourner voir le Président pour lui
faire part de sa disposition et de sa volonté de prendre le com-
mandement de la Gendarmerie.
Le Président souhaitait le garder comme CEMPART, surtout
pour le dossier de la Casamance, mais avec mes arguments, il le
décida de lui confier la Gendarmerie. Le Président lui demanda
de préparer le décret pour sa nomination.

31
Nous en parlâmes et je lui dis de dater le commandement
pour le 1er août, donnant ainsi 15 jours au Général Pathé SECK
pour quitter en toute dignité le Commandement. Le décret fut
signé le 15 juillet avec effet le 1er août.
Je fis bloquer le décret me nommant Haut Commandant en
Second de la gendarmerie en même temps pour permettre au
Colonel Leyti KA, HCS de partir sans problème à la retraite le
22 août 2005.
Cependant, dès le 16 juillet, je quittai Conakry et mon poste
d'Attaché militaire pour préparer en toute logique la prise de
commandement de mon ami le Général de Division Abdoulaye
FALL.
La première lettre que je lui fis signer, le 16 juillet 2005, est
une lettre de remerciement à Monsieur le Président de la Répu-
blique et un engagement ferme et total à œuvrer de toutes ses
forces pour la réussite des missions de la Gendarmerie.
Le Colonel TINE me céda son bureau de l'EMPART où je
reçus la plupart des Officiers de gendarmerie qui devaient
prendre des responsabilités importantes à partir du 1er août 2005.
Je leur expliquai ce que le Général attendait d'eux et leur
fixai leur nouvelle mission que le Colonel TINE transformait
aussitôt en lettre de mission écrite et signée par le Général.
Après cet entretien et la signature de la lettre de mission, le
Général les recevait et leur exprimait toute sa confiance.
La plupart de ces officiers étaient jeunes, volontaires et en-
thousiastes. J'étais déterminé à ne pas avoir trop de considéra-
tion pour les grades, mais à appuyer sur la valeur et les compé-
tences de a personne.
En toute liberté, je ne tins compte ni des origines, ni des
liens, mais de ce que je savais de chacun et des dossiers indivi-
duels que la Division des Personnels et de l'Administration
avait mis à ma disposition.
Ce travail continua après le 1er août où je n'étais pas encore
HCS. J'emménageai à la Maison de la Gendarmerie où je conti-
nuai à prendre le pouls de la Gendarmerie. Je préparai la céré-
monie d'installation du Général, avec la rédaction d'un ordre du

32
jour qui devait traduire la nouvelle politique et les grandes
lignes du commandement.
Il était impossible de trouver un bon créneau pour arrêter ces
grandes lignes avec le général. Je ne voulais pas aller à Zola
alors que je n'avais aucune fonction officielle.
J'obligeai le Général à passer avec sa famille le dernier
week-end de juillet à Saly. Je pus intéresser la famille aux loi-
sirs de Saly et m'enfermer trois heures avec le Général pour
définir les grandes lignes de son commandement.
Nous discutâmes de long en large sur ce qu'il voulait, ses ob-
jectifs et ses limites. Je lui fis part de ma vision de la gendarme-
rie et du sens de mon engagement.
Je lui dis que je n'étais pas demandeur pour exercer la respon-
sabilité de HCS, que j'avais des ambitions pour le Centre
d’Orientation Stratégique, l'organisme qui devait remplacer le
CENCAR.
Je lui fis part de mes souhaits qui exigeaient non seulement
un climat absolu de confiance mais aussi une réforme profonde
du système pour enlever les magouilles, l'indiscipline, la cor-
ruption et tous les maux qui minaient la Gendarmerie depuis la
fin du commandement du Général Waly FAYE.
Il me répondit que le Président de la République l'avait placé
dans de très bonnes conditions, qu'il n'avait besoin de rien et
que j'avais carte blanche pour combattre la corruption et l'indis-
cipline qui avaient gagné les rangs de la Gendarmerie.
Ce fut un week-end studieux où nous passâmes en revue
tous les aspects du service de la Gendarmerie et tous les con-
tours de notre collaboration.
De retour à Dakar le lundi, je convoquai à la maison de la
gendarmerie le Colonel TINE et un Capitaine, un jeune officier
qui me devait beaucoup, un des officiers les plus intelligents de la
gendarmerie, mais aussi le plus fourbe, sans valeur morale, ni
éthique.
Le Colonel TINE, à juste raison pour avoir été son Chef de
corps, ne voulait pas en entendre parler tant il connaissait les
écarts du Capitaine.

33
Je le rassurai en lui montrant moi-même que je savais tout de
l'homme, mais que j'avais besoin de son intelligence pour tra-
duire en ordre général et en directives de commandement ce
que j'avais arrêté la veille avec le Général.
En accord au plan des idées avec le Colonel TINE, je traçais
les grandes lignes du discours au Capitaine.
Le Capitaine m'impressionnait, il était devenu malgré tout ce
que je redoutais en lui, un de mes principaux collaborateurs. La
connaissance parfaite des écarts dont il était capable avait rendu
notre collaboration étrange. Je respectai sa démarche et sa maî-
trise intellectuelle, tout en redoutant ses faiblesses humaines.
Le Colonel DIEYE, mon promotionnaire, chef de la DPA,
me l'avait confié à dans mon organisme pour lui éviter des sanc-
tions statutaires.
Le capitaine avait eu maille à partir avec le commandement
dès son admission dans la Gendarmerie. Il avait menti au Géné-
ral DIOP, Hautcomgend pour se faire prêter un logement avant
son stage à l'EOGN.
Pour ce, il s'était fait passer pour le fils d’un Général. Le
Général DIOP découvrit le mensonge en taquinant le général,
dont il connaissait tous les enfants sauf le capitaine, qu'il croyait
enfant naturel.
Le Capitaine avait été coincé à outrance par son Comman-
dant de la légion pour une série de fautes très graves et très
attentatoires à la discipline.
Il interprétait les ordres, il les outrepassait, prenait des initia-
tives malheureuses en faisant souvent fi des ordres de son
Commandant de compagnie. Une fois, suprême sacrilège, il
était arrivé en retard à une cérémonie militaire, alors qu'il était
désigné porte-drapeau.
Le capitaine savait manipuler et inventer des histoires sa-
laces pour s'en sortir : il n'hésita pas à accuser sa femme d'adul-
tère avec son Chef pour justifier l'acharnement contre lui. Une
fois, alors que je portais assistance à sa femme suite à des pro-
blèmes de ménage, il n'hésita pas à me dire de faire attention car
sa femme lui avait fait comprendre que je voulais d'elle. Il me

34
tint ainsi éloigné de cette malheureuse qui avait besoin de l'ap-
pui du commandement.
Je me demandai comment un officier pouvait manquer au-
tant d'éthique, surtout un enfant de troupe, malgré toute l'im-
pression et toute la fascination qu'il exerçait sur moi,
J'assurai qu'après le discours, il retournerait dans le même
service où il était quand même utile. Il avait pris en mains un
dossier très important et excellemment : il faisait dans ce dos-
sier un très bon travail.
Il ne fut pas changé une virgule du discours que le Capitaine
avait écrit. Il avait traduit dans les meilleurs termes et avec une
maîtrise parfaite de la langue française, tout ce que le Général,
le Colonel TINE et moi avions voulu pour plonger la Gendar-
merie dans le troisième millénaire.
Le Colonel TINE et le Général acceptèrent le discours comme
tel et furent impressionnés par la prestance du Capitaine. Le Gé-
néral voulut sauter sur l'occasion pour l'affecter dans son cabinet,
ce que je refusai sans pour autant lui en donner les raisons.
Ce capitaine, quel que soit sa moralité, était un de mes
hommes, il me respectait malgré tout et était toujours disponible
pour moi. Je voulais d'une certaine manière le sauver tout en le
maintenant loin de mon commandement.
Le discours du capitaine est l'engagement moral, du Général
FALL, de moi-même et du Colonel TINE envers la Gendarme-
rie Nationale. Je pris cet ordre général N° 1 comme un serment
qui me liait autant qu'il liait le Général et le Colonel TINE. On
peut se demander pourquoi le Colonel TINE ?
Le Colonel TINE est non seulement acteur dans cet engage-
ment pour avoir travaillé sans relâche à sa conception pendant
ses deux années de présence à l'EMPART mais il est également
le témoin de mes échanges et de ma collaboration virtuelle avec
le Général.
Abdoulaye FALL ne maîtrisait pas beaucoup l'internet, ni la
bureautique d’ailleurs. TINE en son nom, faisait les mails et le
tenait informé de notre démarche intellectuelle.

35
Le Général s'entraîna pendant une semaine à lire son dis-
cours et sa cérémonie d'installation fut très belle.
Je m'installai à Zola le 23 août 2005 dans les habits de Haut
Commandant en Second de la gendarmerie. Le Colonel TINE
fut désigné pour assurer l'expédition des affaires courantes de
l'Etat-major Gendarmerie, dont le titulaire, le Colonel DIOUF,
avait été nommé DIRCEL.
Le Général me demanda de faire le point des finances de la
Gendarmerie avec le Colonel Cheikh SENE, Commandant du
Groupement des Moyens Généraux, et surtout de voir combien
il restait dans le budget et de combien on pouvait disposer pour
terminer l'année sans gros problèmes.
Le Colonel Cheikh SENE m'avança un chiffre de cinq cents
millions disponibles. Ces cinq cents millions étaient en fait le
reliquat du milliard cinq cent millons FCFA prêté par l'Etat
pour équiper le contingent FPU, déployé à Haïti.
Le Général, comme moi, n'y virent que du feu mais lui, il
s'empressa de donner des ordres qui engloutiront deux cent
cinquante millions entre ses voitures, ses meubles et la réfection
de son logement de fonction,.
Cheikh SENE voulut lui opposer les procédures budgétaires,
mais le Général trouva, avec ses coups de fil, les voies et
moyens de satisfaire sa demande.
Cheikh SENE fut diabolisé et traité de tous les noms d'oi-
seaux. Une trop forte pression, qu'il avait du mal à supporter,
fut mise sur sa personne et même sur sa famille.
Il recevait des messages, des coups de téléphone, des lettres
anonymes disant que le Colonel NDAO avait juré de l'envoyer
en prison civile pour détournement de deniers publics.
Le Colonel SENE était convaincu que j'étais l'auteur de cette
pression et, malheureusement pour lui, il était souvent convo-
qué dans mon bureau pour une raison ou une autre. Il était un
outil indispensable à la bonne marche de la gendarmerie.
Son épouse et quelques-uns de ses amis, lui conseillaient de
venir m'exposer de front ce qu'il vivait. Mais comme il était

36
convaincu que j'étais l'oppresseur, il ne savait comment aborder
le problème.
Cheikh SENE oubliait pourtant l'assistance que lui, GMG,
m'avait apportée pendant ma traversée du désert après le nau-
frage et l'enquête du Joola. Le Général Pathé SECK, pour
mettre la pression sur moi, m'avait enlevé tous les privilèges de
mon grade et de mes fonctions.
Je n'avais plus de véhicule de service, encore moins de car-
burant, pour au moins amener mes enfants à l'école. Je devais
acheter du carburant pour mes trois véhicules après avoir perdu
une dotation de plus de 500 litres.
Cheikh SENE, de façon discrète et continue, a envoyé
chaque vendredi après-midi 50 litres de carburant à mon épouse
et, même des fois, de l'argent pour m'aider à m'en sortir.
De plus je respectais le Général Pathé SECK, malgré les
problèmes qui m'avaient opposé à lui après mon éviction de la
DIRCEL. Je ne voulais, en aucun cas, de chasse aux sorcières
dans la gendarmerie. Et je réussis à convaincre le Général de
l'inutilité de régler des comptes avec qui que ce soit.
La décision du Président de la République, en août 2005, de
mettre deux nouveaux FPU à la disposition de la MONUC et
5,5 milliards de FCFA pour équiper ces deux unités, donna un
peu de répit au Colonel Cheikh SENE. Nous n'avions que lui
pour s'occuper de la logistique de ces unités.
Il était le seul capable de trouver les bonnes solutions pour
équiper, dans les normes et dans les délais, les deux FPU. Une
série de procédures budgétaires devait être mise en œuvre et des
marchés publics établis pour consommer à temps les crédits
ouverts.
Ni le Général, ni moi, encore moins le cabinet du Général,
n'avions les connaissances techniques pour se permettre d'écar-
ter le Colonel SENE.
Je présidai les réunions de mise en œuvre et de mise en place
des deux unités et je laissai toute initiative au Colonel SENE
pour trouver les bonnes solutions logistiques. Le cabinet du

37
Général, et en l'occurrence le Lieutenant-colonel SOW, ne l'en-
tendit pas de cette oreille.
Aujourd'hui encore, je ne sais si ce fut une décision du Gé-
néral, ou une suggestion de SOW, mais début septembre 2005,
soit un mois après mon installation et en pleine composition des
deux FPU, je reçus l'ordre d'aller inspecter le contingent dé-
ployé à Haïti.
Selon la rumeur et les informations du Général, cette FPU
était en train de se rebeller contre le Commandant de contingent,
le Lieutenant-colonel Ibou SENE. Ce contingent avait été dé-
ployé à Haïti le 5 août 2005, donc une semaine après l'installa-
tion du Général.
Je l'avais inspecté au moment de son départ et lui avais fait
les recommandations d'usage à l'aéroport, juste avant son em-
barquement. Je dus me résoudre, malgré l'avis du Colonel TINE,
à aller à Haïti.
En escale à Paris, sur le chemin de retour, je reçus l'ordre
d'attendre des directives à Paris et de profiter de mon séjour
dans la capitale française. Il me fut envoyé de l'argent pour
couvrir mes frais de mission.
J'aurais dû me douter que l'on cherchait à me tenir éloigné de
Dakar et des centres de décision du Commandement parce que
je gênais considérablement le Cabinet du Général.
Cheikh SENE, aux abois et déstabilisé par les multiples
pressions sur sa gestion antérieure, ne pouvait en aucun cas
s'opposer à une quelconque décision du Général ou de son Ca-
binet.
Le Colonel TINE m'avait reproché d'avoir proposé le Lieu-
tenant-colonel SOW comme Chef de Cabinet. Il m’avertit que
je regretterai cette proposition. Il était convaincu des magouilles
de SOW mais surtout de son esprit, tordu, ambitieux et revan-
chard.
Meissa NIANG, que SOW avait remplacé au Cabinet, n'hé-
sita pas à m'attaquer sur ce choix, tellement leurs consignes
s'étaient très mal passées. SOW avait cherché la confrontation
et le clash pour heurter Meissa NIANG.

38
SOW n'avait pas hésité, devant le refus de Meissa NIANG, à
lui déclarer que les ordres venaient de moi. Je dus venir au Ca-
binet sur la demande de Meissa NIANG pour que les consignes
se déroulent dans le respect mutuel et la sérénité.

39
Chapitre 2
Section de recherches et Youssou Gueye

L'idée d'avoir fait un mauvais choix, avec SOW au cabinet,


me fut donnée dès mon arrivée à Zola, le 22 août. Le nouveau
cabinet avec SOW était en place depuis le 1er août. Ma famille
était encore à Conakry et le Général logeait encore à Zola, dans
le logement de l'EMPART.
Chaque 13 heures, nous descendions prendre le déjeuner
chez le Général et, souvent, le Colonel SOW nous accompa-
gnait. Il ne se mêlait pas à nos discussions, il mangeait en si-
lence et avec beaucoup de respect pour nous, alors que nous
profitions du moment pour nous détendre et régler nos pro-
blèmes domestiques.
Le Général réglait souvent ses problèmes de famille à ce
moment. Je n'étais pas étranger à ses problèmes et mon avis
était souvent sollicité par Madame FALL.
L'intendant Alioune SECK, un ami commun, et le Colonel
Cheikh DIOUF, un promotionnaire du Général, partageait sou-
vent, depuis belle lurette et bien avant la Gendarmerie, la table.
Le Général, et surtout son épouse, voulaient que leur fils
Bass et leur fille Khadija aillent au Collège des Pères Maristes
pour bénéficier d'un meilleur enseignement, mais ils avaient des
difficultés du fait des mauvaises notes.
Je rigolais de ces mauvaises notes dues à un défaut de sur-
veillance, mais je pouvais trouver une solution avec mon beau-
frère Iba GUEYE qui avait ses entrées aux Maristes. Je l'ai ap-
pelé au téléphone pour lui exposer le cas et de la volonté du
couple d'inscrire ses enfants aux Maristes dès son feu vert.
Les Maristes acceptèrent, sous réserve d'un examen à passer
à la rentrée. Le Général ne doutait pas des capacités de Khadija
pour réussir l'examen d'entrée mais s'attendait au pire avec Bass.

41
J'explosai en entendant le silencieux SOW, proposer de faire
lui-même les cours de rattrapage aux enfants du Général. Tout
de go, je lui dis niet et que le Général avait des moyens pour
payer un répétiteur et que lui-même SOW avait assez de boulot
au Cabinet.
Malgré mon avis, SOW profita de cette aubaine pour
s’introduire et s'incruster chez le Général en faisant des cours de
rattrapage aux enfants, la plupart du temps après 20 heures. Il
vivait sans sa famille, restée à Paris, il dînait avec le Général
qui, ainsi, profitait de sa compagnie.
Par des allusions tendancieuses et soutenues, des intrigues
contre celui-ci ou ceux-là, des "diayys", SOW gagna la con-
fiance de Madame FALL, qui ne jurait plus que par lui. IL fit
étalage de connaissances profondes devant le Général qui per-
dait son latin devant une telle érudition.
SOW déroulait son scénario devant des auditeurs incultes
pour qui la cybercriminalité, les choses virtuelles, internet et
toutes les nouvelles façades de la technologie étaient inconnus.
Il était indispensable à la culture du Général et aux ambi-
tions de grande dame de Madame FALL pour qui, un parfum
Dior ou un mascara L’Oréal étaient le summum. Madame
SOW qui travaillait en France à Oréal pouvait, avec les conseils
de son mari, faire des cadeaux très attendus.
Je riais de ces conneries avec le Colonel TINE quand survint
un incident qui déterminera tout entre SOW et moi et se tradui-
rait en animosité, sans possibilité de réconciliation.
En fin août ou début septembre 2005, je reçus la demande
d'audience de Youssou GUEYE, un des plus grands truands du
Sénégal, dont l'épouse était la nièce de ma femme, par sa mère
Ndèye TOURE.
Ndèye TOURE avait l'habitude, chaque fois que mon épouse,
sa cousine, était enceinte, de venir l'assister en vivant chez moi
durant les derniers mois de la grossesse et les premiers mois
après la naissance. J'ai une autorité morale sans faille sur ses
enfants que je conseille et guide dans tous les moments impor-
tants de la vie.

42
J'ai une sympathie particulière pour Ndeye Maimouna
NDIAYE, épouse de Youssou GUEYE, suite au décès de son
fils quelques années plus tôt, décès du à un terrible accident de
voiture. Ce jour-là, une après-midi, Ndeye Maimouna était ve-
nue chez moi voir mon épouse. Le téléphone sonna et on de-
manda si elle était bien avec nous.
La personne ne voulut pas parler aux femmes, elle me parla
et m'annonça la mort du fils de ma visiteuse qu'un laveur de
voiture venait d'écraser contre un mur.
Je dus faire preuve de maîtrise, de sang-froid et de toute ma
sérénité professionnelle pour conduire cette femme sans heurts
ni cris chez elle où je retrouvai sa famille éplorée et anéantie.
Je partis à Kaolack pour l'enterrement dans la voiture de
Mbaye Kane LO et je connus ce jour-là tous les amis de Yous-
sou GUEYE. Dans la voiture, on m’apprit que ce décès avait
des choses mystiques et que le père n'était pas étranger à ce qui
arrivait à sa famille.
Je ne pouvais refuser cette audience, ayant conscience que
ce n'était pas la première fois que Youssou GUEYE me sollici-
tait mais qu'en aucun cas, il ne pouvait me faire faire quelque
chose de contraire au devoir.
Je le reçus avec beaucoup de méfiance et je m'entendis ex-
poser une situation désagréable pour la Gendarmerie.
Lors d'une perquisition, la Section de Recherches de la Gen-
darmerie lui avait pris une mallette contenant des lingots d'or,
des montres et chaînes en or et des devises dollards et euros, le
tout d’une valeur d'au moins une valeur de 500 millions FCFA,
La Section de Recherches, selon ses dires, gardait par-devers
elle la mallette et il devait verser chaque mois une somme de 5
à 10 millions pour ne pas avoir maille à partir avec la justice.
Je ne pouvais croire à une telle infamie. J'appelais devant lui
le nouveau patron de la SR, le Capitaine Daouda DIOP pour
m'enquérir de la situation de la mallette. Cet Officier me certifia
ne pas être au courant de cette mallette. Je lui ordonnai d'ouvrir
une enquête et de me tenir informé

43
Vers 13 heures, je rejoignis le Général pour déjeuner avec
lui. Nous étions à table, en train de manger, quand le Colonel
SOW déboula devant nous, tout en sueur, pour raconter une
histoire rocambolesque.
« Une dame, du nom de Madame MARRE, s'était présentée
à la Section de Recherches pour prendre possession d'une mal-
lette prise sur un criminel de la pire espèce. Elle avait offert la
somme de 10 millions à l'Adjudant-chef SARR, Adjoint de la
SR pour récupérer la mallette ».
Tout était décrit avec une telle véracité que j'étais interloqué
et bouche bée.
Le Général dit alors : « Madame MARRE, quelle madame
MARRE ». Le Colonel répondit : « l'épouse de l'intendant Co-
lonel MARRE ». Et le Général de répondre : « mais c'est la
belle-sœur de Aziz ».
« Ah bon, je ne savais pas ». rétorqua le Colonel

J'appelai aussitôt Madame MARRE pour m'entendre dire


qu'elle n'avait jamais mis les pieds à la Gendarmerie.
Je pris mon portable pour appeler le Capitaine DIOP, nou-
veau patron de la SR en remplacement du Lieutenant-colonel
SOW, en lui demandant s'il avait trouvé la mallette.
Il me répondit par l'affirmative et je lui demande alors de me
retrouver avec la mallette chez le Général.
En attendant son arrivée, je suffoquais de dégoût et de colère,
et je dus sortir respirer en les laissant seuls avec leurs commen-
taires. Le Capitaine DIOP arriva avec la mallette. Je lui fis ou-
vrir la mallette pour constater avec le Général les valeurs conte-
nues.
Je lui demandai la procédure établie pour cette saisie, il ré-
pondit qu’il n'en avait pas trouvé et je lui fis répéter mot pour
mot les ordres que j'avais donnés concernant la mallette.
Il les répéta, à savoir deux possibilités : déférer Youssou
GUEYE au cas où des indices graves et concordants étaient

44
établis par procès-verbal, ou lui remettre sa mallette s'il n'y
avait aucune procédure.
Il n'y avait aucune procédure. Le Général clôt le débat en me
disant de remettre la mallette à Youssou Gueye, ce que fit le
Capitaine Diop dans l'après-midi.
Entre SOW et moi, entre mon protégé et moi, entre mon
élève de l'ENOA et l'instructeur que j'entendais rester, il y a eu
ce jour la cassure. J'ai connu SOW à l'ENOA. J'étais Officier
instructeur TAM des « deuxième ,troisième et quatrième» pro-
motions.
Il était studieux et sérieux, bon élève, fier et courtois, et son
classement final lui avait permis de choisir la Gendarmerie
comme arme. Il avait été classé troisième ou quatrième à l'exa-
men de fin d'année.
J'étais heureux qu'il rejoigne la Gendarmerie et je gardais un
contact affectueux avec lui. Ses premières années dans l'Arme
furent très glorieuses et il se fit connaître comme un bon officier,
engagé et loyal.
Il apprit son métier et fut un bon Adjoint pour mon ami le
Commandant DIEYE, Compagend Dakar.
Un incident avec son épouse d'alors nous approcha davan-
tage. Il me demanda d'intercéder en sa faveur chez son épouse
qui avait quitté le domicile conjugal.
Je partis avec DIEYE chez la dame à la cité ASECNA de
OUAKAM pour non seulement discuter avec elle mais encore
pour essayer de convaincre ses parents de la faire revenir à la
caserne.
Ni elle, ni ses parents ne voulurent plus entendre parler du
Lieutenant SOW qui la battait, ne lui donnait pas la dépense et
la nourrissait de « chawarma » qu'il n'achetait même pas, parce
que gracieusement offert par Haidara de l'Avenue Pompidou.
De plus la mère de SOW, toucouleur, ne voulait pas d'elle
comme belle-fille, ce qui vouait le mariage à l'échec. Tous mes
efforts furent vains et SOW finit par divorcer et reprendre sa vie
de célibataire.

45
Il continua de me fréquenter et restait mon ami. Il me rem-
plaça au titre de la Gendarmerie à la DDSE, que j'avais quittée
pour le CENCAR.
La communauté du renseignement nous rapprocha et sou-
vent il prenait conseil auprès de moi. Je le soutins avec force et
persuasion pendant ses 3 échecs successifs au DAGOS et lui
apportais le réconfort en attendant des jours meilleurs. DIRCEL,
je souhaitais que la SR lui soit confiée et j'ose dire avoir beau-
coup influé sur ce choix.
Je lui conseillai de participer à la première promotion du
CEDS avec moi et nous suivîmes ensemble cette formation
initiée et voulue par mon ami DIALLO Socrate, un ancien du
Prytanée que j'ai beaucoup aidé à monter cette annexe du CEDS
de Paris.
Je fis octroyer par le Ministère des bourses aux militaires qui
purent s'inscrire et suivre gratuitement cette formation. C'est
durant le voyage d'études en France en 2001, que je lui ai pré-
senté sa femme actuelle par l'intermédiaire d'un autre faux ami,
Cheikh SOUARE de Paris.
Invités à déjeuner chez SOUARE à Ivry-sur-Seine, nous en
arrivâmes à parler de la situation matrimoniale de SOW, qui
depuis son divorce n'avait pas trouvé chaussure à son pied.
SOUARE lui proposa d'emblée une de ses cousines vivant
en France et avec une très bonne situation, fille de l'ancien Pré-
sident Guirassy et ingénieur à L’Oréal.
Selon les dires de Souaré, elle était charmante, sérieuse et
agréable. SOW donna son accord sur mon insistance. Souaré
nous présenta la fille le jour suivant. Le mariage fut conclu dans
les mois qui suivaient.
Pendant ma traversée du désert en 2003, SOW chef de la SR
fut un des rares Officiers avec Abdou FALL, à me fréquenter et
à fréquenter mon domicile. Marié non accompagné, il venait
souvent déjeuner chez moi et restait émerveillé par les talents
culinaires de mon épouse.

46
Je l'aimais bien et souvent, moi aussi, pendant mes heures
perdues, je le trouvai dans son bureau pour l'écouter, l'encoura-
ger et lui prodiguer des conseils.
On était fortement liés et je plaçais beaucoup d'espoir en lui.
Il savait qu'il pouvait compter sur moi quelle que soit la situa-
tion. Plusieurs fois, et surtout avec le tableau d'avancement, j’ai
dû intervenir pour lui permettre de passer l'éponge.
Il s'estimait, peut-être à raison, meilleur que la plupart de ses
camarades qui avaient avancé avant lui. Les AET de son âge et
son promotionnaire de l’ENOA, Ismaila SARR étaient chefs
d’escadron, deux ans bien avant lui à cause du DAGOS.
Je lui citais mon cas avec mes promotionnaires et aucun
n'était arrivé Colonel avant moi, alors que tous avaient été Chef
d'escadron bien avant.
J'avais tout pour placer SOW dans une équipe de combat et
il comptait beaucoup pour moi. Je ne voulais pas le sacrifier sur
cette magouille avec Youssou GUEYE.
Je mis cette affaire sur le compte de la mauvaise posture de
la Gendarmerie depuis 2000, où le Général Pathé SECK, affai-
bli et tenu en laisse par le Président WADE, ne commandait
plus. Il avait peur et s'attendait à tout moment à être débarqué. Il
avait perdu de sa superbe et de son aura, il n'avait plus l'initia-
tive pour quoi que ce soit.
L'indiscipline, la corruption et la gabegie s'étaient installées
en système de commandement et chacun en profitait selon ses
convictions, ses valeurs et sa foi.
La plupart des Officiers étaient trempés dans des magouilles
jusqu'aux coudes et comme le disait Sartre, ils avaient les mains
sales. Le Colonel TINE exigea que la magouille soit sanction-
née et que SOW soit relevé ; mais je ne pouvais accéder à cette
demande sans me parjurer devant le Général à qui j'avais propo-
sé SOW, alors qu'il voulait un autre.
Je paierai cher cette forfaiture en ne sanctionnant pas un
fourbe et en le laissant dans un poste décisif. Cette histoire sera,
tout le temps de ma présence à la tête de l'Etat-major Gendar-
merie, exploitée contre moi ; ceux qui l'exploiteront seront les

47
Officiers et Sous-officiers de la Compagnie de Dakar, comme
Moctar SOW, Moussa FALL et Amar KANE.
Ces Officiers et Sous-officiers ont largement profité de
Youssou GUEYE, qu'ils tenaient sur des dossiers clefs et qui
leur versait des sommes prédéterminées, pour assurer non seu-
lement sa liberté, mais encore plus grave, lui permettre de con-
tinuer ses escroqueries.
Avant que je ne devienne Haut Commandant en Second de
la Gendarmerie, Youssou GUEYE agissait en toute impunité et
redistribuait aux Officiers de police judiciaire, surtout de la
Gendarmerie, qui lui assuraient une protection déterminante
dans ses affaires.
Ces gens immoraux ont pensé que je les avais remplacés
dans leurs magouilles et agissements délictueux. Forts de tout
ce qu'ils avaient eu avec Youssou GUEYE et pour Youssou
GUEYE, ils ont cru pouvoir coller ces faits sur ma personne.
Ils feront toutes sortes de complots pour atteindre ma personne
et salir mon honneur.
Le premier complot sera organisé au niveau de la Section de
Recherches, dirigée avec une large laisse par l'intouchable
Moussa FALL.
Un des Lieutenants de Youssou GUEYE, du nom de Gas-
pard Camara, fut arrêté par une unité de Diourbel. Il fut transfé-
ré à Dakar et livré à la Section de Rrecherche sur ouverture d'un
dossier Youssou GUEYE.
Les militaires de la Section de Recherches promirent la li-
berté à Gaspard sous deux conditions : en premier lieu, il devait
leur donner des éléments probants, pour enfoncer Youssouf
GUEYE. Il devait en second lieu, accuser le Major Général de
la Gendarmerie Nationale de recevoir chaque mois, de Youssou
GUEYE, la somme de 5 millions de FCFA pour couvrir ses
activités.
Ils mirent une pression énorme sur le pauvre Gaspard qui,
sur procès-verbal de la Gendarmerie, accusa le Haut Comman-
dant en Second de la Gendarmerie de corruption et de forfaiture.

48
Ils lui firent croire qu'en soutenant cette accusation, il bénéficie-
rait d'une liberté provisoire.
Les accusations étaient tellement graves et tendancieuses
que le doyen des juges d'instruction plaça Gaspard sous mandat
de dépôt et au secret.
Ayant découvert qu’il avait été floué et manipulé, Gaspard
demanda à voir le juge et se rétracta. Le doyen des juges, qui
comprit le jeu de dupes renforça le mandat de dépôt.
Des gendarmes, tout comme des amis magistrats
m’informèrent de ce qui se tramait ainsi que des complots entre
certains Officiers et des réseaux criminels pour abattre un
homme de foi et d'honneur qui les empêchait de continuer leur
prédation mafieuse.
Gaspard resta en prison, désemparé, et lui-même me fit par-
venir des messages contre les réseaux mafieux de la Gendarme-
rie qui voulaient ma peau. Je restai sourd à ses messages et mes
soi-disant ennemis cherchèrent une nouvelle voie pour me salir
avec Gaspard.
Ils firent comprendre à Gaspard que j'étais de connivence
avec le Doyen des juges dans le cadre d'une association de ju-
ristes et que j'avais juré de le maintenir en prison, voire de le
faire tuer pour m'avoir accusé.
Cette fois, ils lui firent écrire une lettre, depuis la prison,
adressée à Monsieur le Président de la République pour soi-
disant me dénoncer de le maintenir en prison pour soutenir
Youssou GUEYE et l'empêcher de tomber. Cette lettre se trou-
va hasardeusement dans le courrier du Président de la Répu-
blique.
Un des gendarmes qui manipule le courrier fut blessé par
cette lettre et l'accusation qu'elle portait contre ma personne. Il
en parla avec feu le Major MBENGUE de la Présidence. Ce
dernier retira la lettre du courrier et la fit remettre à son promo-
tionnaire et collègue le Major SIDIBE, mon ami et frère pour
remise.
Je reçus cette lettre et la transmis officiellement au Général
pour ouvrir une enquête. Cette enquête aboutit à accuser le Ma-

49
jor KANE, adjoint de la Section de Recherches, d'être l'auteur
du complot, pour sauver la tête des deux principaux instigateurs,
Matar SOW et Moussa FALL.
Matar SOW avait fait preuve de beaucoup de servilité et
d'une indignité totale devant l'épouse du Général, Fama DIAW.
Il s'était non seulement incrusté dans la famille, en profitant de
la faiblesse du Général mais encore plus grave, il était devenu le
principal atout de la femme.. La femme portait culotte - comme
je l'ai déjà démontré avec les histoires de femmes que le Géné-
ral avait pu vivre.

Sow s'était transformé en principal conseiller de cette épouse,


qui croyait devoir commander la Gendarmerie par-dessus les
épaules de son époux et avec l'appui de Matar SOW.
Fama a toujours douté des capacités de son mari à diriger
l'institution et croyait devoir le protéger en veillant jour comme
nuit aux décisions qu'il était amené à prendre.
Ses principales sentinelles et armes étaient Matar SOW, ca-
pable de toutes les bassesses pour compter et durer, et Moussa
FALL qui est l'arme destructeur et à lui seul, une bombe incen-
diaire. Depuis le temps des magouilles de Casamance, Moussa
est un allié sur et complice qui tient toute la famille FALL.
Moussa FALL était une arme sûre du Général FALL, qui
bénéficie de la confiance de toute la famille alors que Matar
SOW était une recrue, minable et ambitieuse, qui manipulera
Fama selon ses propres intérêts.
A eux deux, ils comploteront, selon des procédés différents
non seulement contre moi qui les empêchais d'asseoir leur
mainmise sur la Gendarmerie, mais contre les Officiers de Gen-
darmerie qui ont pu, par le jeu naturel de l'avancement, prospé-
rer bien avant eux.
Leurs échecs répétés au DAGOS, qui justifient pleinement
leur retard vis-à-vis de certains camarades, vont les inciter à
détruire l'image et le travail de ces derniers, devant la famille du
Général.

50
La plupart de ces Officiers passèrent pour des traites aux
yeux du Général, et durent, soit dit en passant, comploter contre
lui pour me donner le commandement de la Gendarmerie. Ils
furent décrits comme des fossoyeurs décidés à enterrer le Géné-
ral, ou, au moins, l'enfermer dans une tour d'ivoire pour me
permettre de commander à ma guise la Gendarmerie.
Les réformes menées et les innovations inscrites dans
l'agenda furent analysées comme un moyen pour diminuer l'in-
fluence du Général au profit du Haut Commandant en second.
Fama n'hésitait pas à m'interpeler, à diverses reprises, sur le
courrier Gendarmerie que son mari ne voyait pas. J'étais surpris
de cette question soulevée devant le Général et que je ne pou-
vais ni comprendre, ni accepter.
La première fois, je fis semblant de ne pas avoir entendu.
Elle insista pourtant en m'expliquant qu'il parait que le Général
ne voyait pas une très bonne partie du courrier et, qu'en consé-
quence, il ne savait pas tout ce qui se passait.
Je lui demandais ce que son mari le Général en pensait. J'en-
tendis ce dernier répondre sans grande conviction qu'il était au
courant de tout, que c'est lui qui me poussait à signer les choses
sans importance qu'il ne pouvait en aucun cas tout signer.
Présente durant cette ultime discussion, mon épouse perçut
très mal ces interventions et me conseilla de ne plus signer et
d'envoyer tout chez le Général afin de m'éviter des ennuis.
Je lui rétorquai qu'il s'agissait d'un faux problème et que
j'étais en phase avec mon patron. Elle me démontra la couardise
du Général qui ne faisait pas preuve de grande conviction dans
ses réponses.
Moussa FALL tout comme SOW profitèrent de leurs accoin-
tances avec le Général pour attaquer des Officiers plus gradés,
durant les réunions de commandement, allant même jusqu'à
dénoncer leur prétendu comportement ou se permettant de por-
ter un jugement de valeur sur leur travail.
Le Général appuyait ces accusations en menaçant ces Offi-
ciers de ses foudres et, parfois, en les vexant devant toute l'as-

51
sistance. Je ne pouvais, selon mon tempérament, encore moins
selon mes convictions, assister à ce lynchage sans réagir.
A plusieurs reprises, je dus arrêter les attaques provocatrices
de SOW ou de Moussa FALL. Plus grave encore, je dus
m’opposer en public à certaines critiques du Général à l'endroit
d'Officiers qui faisaient plus que correctement leur boulot, en
tout cas beaucoup mieux que les deux fanfarons du Général.
Le cas du Colonel NDOYE de la Légion Centre opposa pu-
bliquement le Général et son Cabinet au HCS et son Etat-major.
Ce cas fut le plus éloquent de l'arrogance et de la dérive du
commandement dont le groupe du Général pouvait faire preuve.
Lors de son tour de parole, le Commandant Moussa FALL,
chef de la Section Recherches, attaqua d'emblée le Comman-
dant de la Légion centre, le Lieutenant-colonel NDOYE. Il
l’accusait de freinage et d'opposition à la volonté du Général.
Selon lui le Colonel NDOYE n'avait rien compris et repré-
sentait la race de Commandants de légion qui n'ont pas de place
dans la Gendarmerie. Le Colonel SOW, Chef de Cabinet, ren-
chérit en accusant NDOYE d'être en marge et de travailler à
contre-courant.
Le Général, à ma grande surprise condamna NDOYE et le
menaça de le relever de ses fonctions à une nouvelle tentative.
Je fis pour la première fois preuve d'indiscipline et arrêtai net le
Général.
J'explosai de rage contre Moussa FALL et SOW qui étaient
moins gradés et n'avaient en aucun cas le droit d'attaquer de
cette façon un supérieur. Sur ce, j'attendais une demande de
punition de la part du Commandant de Légion centre.
Le Général se devait en toute circonstance de protéger la
discipline, force principale des armées et discipline qui nous
impose de respecter et suivre ses ordres sans hésitation ni mur-
mure.
L'incident était grave et polluait l'atmosphère. Tous les Offi-
ciers supérieurs de la Gendarmerie participaient à la réunion. Le
Général n'eut d'autre solution que de suspendre la réunion et de

52
m'inviter à le suivre dans son bureau. Nous montâmes dans son
bureau en laissant les Officiers faire leurs commentaires.
Dans le bureau, nous eûmes une discussion franche et loyale.
IL me parla de ses relations spéciales avec Moussa FALL et de
la lourdeur de NDOYE qui n'était pas à protéger et qu'il comp-
tait sur mon intelligence pour surmonter l'incident.
Je lui fis comprendre que Moussa FALL dépassait les bornes
et affaiblissait son commandement en ne faisant pas preuve de
discipline. En tout état de cause, il était impossible de surmon-
ter l'incident sans remettre les pendules à l'heure.
Il me répondit qu'il me faisait confiance et nous descendîmes
pour reprendre la réunion. Dès la reprise de la réunion, le Géné-
ral me passa la parole pour commenter l'incident.
Je dus opposer l'engagement et la discipline : engagement
qui poussait Moussa FALL à forcer les barrages et surmonter
les pyramides, et discipline qui ne nous permettait, ni à moi ni à
Moussa FALL, de critiquer l'action de nos Chefs.
En m'accusant publiquement d'avoir fait la même chose que
Moussa FALL, du seul fait de mon engagement, je trouvai une
solution heureuse à l'incident et la réunion put continuer sans
autre dégât.
Cette réunion laissera cependant des vagues et fera l'objet de
commentaires dans tous les salons de la Gendarmerie. Il a été
retenu que le Colonel NDAO, HCS, avait arrêté en pleine réu-
nion le Général et l'avait accusé de favoritisme.
Ceux qui m'aimaient bien expliquèrent ma volonté de
mettre la discipline au-dessus de tous les comportements ; ceux
qui voulaient ma peau, et ils étaient nombreux, voyaient dans
mon intervention, une opposition nette et visible vis-à-vis du
Général.
Matar SOW et Moussa FALL enfoncèrent le clou devant
Fama en parlant de favoritisme de ma part envers les enfants de
troupe, et surtout de NDOYE, qui avait été mon adjoint à la
DIRCEL.

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Cet incident avait eu le mérite de mettre face à face deux an-
tagonismes devant le Général FALL, Haut Commandant de la
Gendarmerie et Directeur de la Justice Militaire.
D'un côté, il y’avait moi, dont le principal souci était d'aider
le Général à asseoir un grand commandement et un grand destin
à la Gendarmerie. Je croyais l'avoir convaincu de ce que l'on
pouvait faire ensemble. Je voyais l'enthousiasme de la plupart
des Officiers à entreprendre une telle aventure.
De l’autre coté, il y’avait, SOW, Moussa FALL et Fama,
dont le but ultime était de mettre en place un système mafieux
qui pouvait leur permettre de peser sur les décisions et contrôler
les circuits de corruption de la Gendarmerie.
La confrontation entre ces deux sphères était inévitable selon
le Colonel TINE, qui voulait que j'ouvre les hostilités en ba-
layant d'un revers de main les deux Officiers comploteurs.

Je ne voyais pas la nécessité de la confrontation pour deux


raisons. J'étais convaincu de la bonne foi du Général et de son
engagement à porter haut la flamme et je me croyais lié par
cette amitié, que je voulais franche et loyale devant les épreuves.
Je pouvais admettre la faiblesse du Général envers son
épouse et Moussa FALL, mais je ne pouvais croire qu'il perpé-
tue le système de prédation avec tout l'argent qu'il m'assurait
avoir reçu du Président de la République. Il y avait là une
grosse erreur d'appréciation que je paierais très cher.

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Chapitre 3
FPU Congo

La parenthèse Youssou Gueye, qui eut lieu la première quin-


zaine de mon installation dans le bureau de Haut Commandant
en Second, ouvrit les hostilités entre SOW et moi.
Cet incident démontra que cet officier était un magouilleur
de la pire espèce. Il n'avait aucune moralité pour occuper des
fonctions importantes dans le système à mettre en œuvre. Dès
lors, SOW manœuvra pour m'éloigner du commandement afin
d’être le seul à tenir le Général.
La réalisation des deux FPU Congo lui permit de montrer la
pleine mesure de ses capacités de manipulation. Il réussit à ma-
nœuvrer le Haut commandement pour devenir le principal
centre de décision de la Gendarmerie.
En premier lieu, il me fit envoyer en mission de longue du-
rée d'abord à Haïti pour inspecter le contingent, ensuite à Paris
pour discuter avec des fournisseurs du matériel FPU Congo, et
enfin en stage de quinze jours à la Croix Rouge en Suisse.
Le Général me fit comprendre que tout cela était nécessaire
et qu'avec le roaming, le Colonel TINE pouvait me faire un
compte rendu journalier des évènements.
De retour d’Haïti, je fis une longue escale à Paris, sur ordre,
pour rencontrer deux grands fournisseurs et, par mail, on m'en-
voya une liste de moyens automobiles à acquérir en Italie.
Le Colonel TINE m'informa que SOW avait grâce, à Internet,
trouvé le matériel roulant du Congo en Italie. Deux fournisseurs,
l'un Arabe FOUAD, l'autre immigré Sénégalais du nom de
NDIAYE, devaient discuter les prix et les modalités avec moi et
à Paris, dans les jours suivants. Je devais les attendre à Paris.
Effectivement, cinq jours après je recevais à mon hôtel
Fouad, puis NDIAYE. Je dus organiser un diner chez Bébert, de
la Porte Maillot, dont j’appréciai particulièrement le couscous.

55
Mes filles étudiantes, étaient présentes. Nous discutâmes en
long et en large des prix jusque très tard dans la nuit, dans un
club fermé.
De retour à l'hôtel, je préparai mon rapport pour le Général
avec une idée précise des prix et des possibilités, objets de la
discussion.
Je fus réveillé vers 10 heures par le Général qui m’informa
qu’il acceptait les prix proposés et la procédure établie pour
acheter le matériel. Il me demanda ensuite de prendre les dispo-
sitions pour aller inspecter le matériel en Italie en vue de son
acquisition.
Je lui fis comprendre que je n'avais pas encore fini mon rap-
port, et qu'en second lieu, on ne pouvait donner un accord,
même de principe, sans avoir vu le matériel. IL fut surpris de
ma position et me réitéra ses ordres.
J'appelai le Colonel TINE pour lui faire part des discussions
de la nuit, des ordres du Général et de mes appréhensions. Il me
fit savoir que l'on m'utilisait tout simplement. Le Général et son
cabinet avaient réglé les problèmes à l'insu de l'Etat-major.
J'avais été éloigné pour leur laisser les mains libres.
Il me suggéra de ne pas aller en Italie, sous quelques pré-
textes que ce soit. Il appartenait à un officier auto d'inspecter le
matériel et non moi. J’admis cette suggestion et demandais l'en-
voi d'un spécialiste auto pour aller en Italie et qu'en ce qui me
concerne, je rentrai à Dakar dès que possible.
Le Général m'ordonna d'attendre le Capitaine AGBO qui se-
rait envoyé dès le lendemain. Il m'accompagnerait en Italie, en
qualité d'expert, et qu'on rentrerait ensemble à Dakar. Je dus me
résoudre à attendre AGBO, mais je ne fis pas le déplacement en
Italie.
J'attendis à Paris le retour d'AGBO qui me fit un tableau très
sombre de la situation. Son refus de ce matériel le plaça à ja-
mais dans les parias de la gendarmerie, et il reste avec toutes les
difficultés pour avancer au grade supérieur.

56
Je soutins le rapport AGBO avec l'ensemble des officiers de
l'Etat-major gendarmerie en faisant confectionner un cahier des
charges très lourd pour le fournisseur.
La gendarmerie pouvait accepter le matériel proposé à con-
dition que le cahier des charges soit respecté, principalement la
révision des moteurs, le contrôle systématique du système élec-
trique et la refonte du système de freinage, sans compter la réa-
lisation de batteries neuves avec un nouveau système de démar-
rage.
Ce cahier des charges allongeait les délais de livraison et
contrecarrait les projets communs du fournisseur et du cabinet
du Général. Je dus renvoyer le Colonel SOW des réunions or-
ganisées pour mettre en place la logistique des FPU du Congo.
SOW perturbait les réunions en se faisant le porte-parole du
Général sur l'impératif de déployer le contingent, alors que
l'impératif de l'Etat-major était le cahier des charges. Je ne reçus
directement aucun ordre du Général pour changer ma démarche,
mais le Colonel SOW soutenait le contraire.
De guerre lasse, ils conseillèrent à Cheikh NDIAYE, neveu
du Général, et à moi, présenté comme tel, et ami d'enfance du
Lieutenant-colonel SOW du quartier Ouagouniayes, de m'assié-
ger chez moi jusqu'à ce que je donne le feu vert. NDIAYE vint
avec son cousin Lamine SEYE, qui avait mis à sa disposition sa
propre société, pendant plus de six mois.
Ils prirent tous les deux leurs repas chez moi, d'abord à
Faidherbe, où on m'avait prêté un studio, puis dans mon loge-
ment de fonction à la Médina et même chez ma mère.
Malgré ce siège, l'Etat-major gendarmerie continuait à ne
pas faire signer le contrat du matériel roulant pour non-respect
du cahier des charges.
La société de Lamine SEYE de guerre lasse tomba en faillite
pour défaut de paiement des échéances bancaires, souscrites
pour le prêt qui a permis de ramasser en Italie le matériel.
Le cabinet et NDIAYE se mirent d'accord pour faire venir le
matériel avec ou sans respect du cahier des charges. NDIAYE
me rendit compte des impératifs à lui, fixés par le Colonel SOW

57
au nom du Général. Je lui rétorque que le marché ne sera pas
signé tant que le cahier des charges n'est pas respecté.
Vers fin décembre, effectivement, le matériel arriva à Dakar
avant son acheminement au Congo. Je voulais que le matériel,
si le cahier des charges est respecté, soit acheminé directement
au Congo et que les deux FPU puissent être déployés.
Le Général et son cabinet me convainquirent sur la nécessité
de réparer le matériel à Dakar pour respecter le cahier des
charges.
Cette opération amoindrirait les coûts de maintenance trop
exorbitants en Europe et, en outre, familiariserait nos propres
mécaniciens avec le matériel. Cet argument était valable et
l'Etat-major gendarmerie l'accepta sans rechigner.
Des équipes furent consolidées et la plupart des garages
gendarmeries regroupés aux frais de NDIAYE pour la rénova-
tion supposée du matériel. J'admis une avance transport de 250
millions au profit de NDIAYE, à faire libérer par le trésor pu-
blic pour lui permettre de faire face à l'opération.
Quelques sources me renseignèrent sur la destination de cet
argent qui servit, selon eux, à payer des commissions dans le
cabinet.
Le matériel faisait honte à la gendarmerie. Les douaniers du
port de Dakar refusèrent que ce matériel débarque à Dakar et ne
pouvaient admettre une quelconque destination à ce matériel. Je
reçus l'ordre du Général d'aller inspecter au port, le matériel.
Le Colonel TINE, déjà sur place me conseilla de ne pas ve-
nir sans le Général. On était un dimanche et je cueillis le Géné-
ral sur la corniche est pendant qu'il faisait son sport.
Je débarquai à l'improviste là où il avait l'habitude de faire
son jogging et le priai de monter dans ma voiture pour aller voir
le matériel au port.
Le Général me fit comprendre que ma présence suffisait et je
lui fis comprendre que sa présence était indispensable. En-
semble, nous nous rendîmes au port et découvrîmes le matériel
acheté à plus de 2 milliards pour équiper les 2 FPU.

58
Les véhicules ne pouvaient pas débarquer d'eux-mêmes, il
fallait tout un groupe pour les pousser et leur permettre de re-
joindre l'emplacement réservé sur les quais.
Le Colonel TINE fit un tableau très sombre de la situation et
conclut en disant que c'était inutile d'envoyer ce matériel parce
que, connaissant le système des Nations Unies, il était impen-
sable d'attendre que l'ONU rembourse un tel type de matériel.
Nous étions devant un fait accompli, un crime économique.
Je n'avais pas de solution et je savais qu'on ne pouvait rien faire
à Dakar.
Je fis comprendre à NDIAYE qu'il allait perdre son temps et
son argent car j'allais conditionner son paiement aux rembour-
sements du matériel par les Nations Unies et qu'il avait tout
intérêt ici, ou au Congo, à trouver une solution, et une bonne
solution, pour récupérer sa mise.
Jusqu'à ce que je quitte la fonction de Haut Commandant en
Second de la gendarmerie, NDIAYE n'avait pas encore reçu le
paiement de son marché par les fonds OPEX.
Il souffrit et me fit comprendre avoir été piégé. Il ne pouvait
plus rentrer en Italie, il vivotait et avait des difficultés avec son
cousin Lamine SEYE.
Il dut se résoudre à aller au Congo avec des mécaniciens
chevronnés, pour au moins sauver certains véhicules et réussir
un minimum de capacité opérationnelle.
Le Colonel Balla BEYE Commandant de contingent passa
son temps à rendre compte de l'inaptitude opérationnelle de son
parc automobile et dut se résoudre à en sacrifier un certain
nombre.
Pendant plus d'un an, les fonds OPEX Congo seront défici-
taires et mettront même en péril la logistique d’Haïti, suite à un
défaut de service de maintenance. On avait perdu beaucoup trop
d'argent à cause du matériel NDIAYE du Congo
Je dus profiter du budget national, et surtout du plan de mo-
bilité de la gendarmerie, pour envoyer quelques véhicules au

59
Congo et, ainsi, commencer à recevoir des dividendes des Na-
tions Unies.
Ce marché me démontra que les magouilles n'avaient pas
cessé et que la bonne foi de beaucoup de camarades était en
cause.
Je ne soupçonnai pas le Général d'être aux commandes de
cette nébuleuse et je ne pouvais me résoudre à l'idée qu'il avait
lui-même donné ce marché à NDIAYE.
Je le croyais quand il me disait ne pas connaitre NDIAYE,
que ce NDIAYE était un fouineur qui cherchait des liens de
parenté avec lui, parce qu'ils sont tous du D’Olof.
Je le croyais quand il disait ne pas vouloir avoir affaire avec
lui et que, parce qu'il était un parent éloigné, il souhaitait que je
fasse tampon avec lui et NDIAYE. Je le croyais quand il me
disait qu’il faut se battre sur le cahier des charges.
Pourtant NDIAYE, d'après mes informations, lui avait servi
un container de 40 pieds de marbre italien avec les 250 millions
au titre du transport.

60
Chapitre 4
Réforme de la gendarmerie

Le matériel du Congo et ma perception des capacités de nui-


sance de certains bastions de la gendarmerie, précipitèrent la
réforme de l'organisation de la gendarmerie.
La réforme totale de la gendarmerie était indispensable à la
survie de l'institution et à la lutte contre la corruption qui avait
pris le pas sur les missions traditionnelles.
Je fis élaborer, grâce à des idées généreuses, un plan en 9
parties qui embrassaient tous les aspects organisationnels de la
gendarmerie. Les grandes lignes du plan sont arrêtées entre le
Général, le Colonel TINE et moi.
Ce n'est pas ma seule volonté, encore moins celle du seul
Colonel TINE, qui a voulu et entrepris cette réforme. Cette ré-
forme obéissait à un échange de convictions entre trois officiers
qui se connaissent et ont cru, devant l'histoire et la République,
plonger la gendarmerie dans le troisième millénaire.
Le Colonel TINE et moi avions la particularité de nous être
au moins confrontés à d'autres services de l'état, et dans de très
hautes sphères. On pouvait nous traiter de tous les noms d'oi-
seaux, on ne pouvait nous accuser de parti pris ou de prise d'in-
térêt dans une quelconque réforme.
Seize ans en dehors de la gendarmerie mais à des postes in-
terarmées très importants me permettaient d'appréhender les
problèmes de la gendarmerie avec un regard neutre et très cri-
tique à la fois.
Il était facile de se rendre compte que, sur beaucoup de plans
vis-à-vis des armées, de la police et même de la douane, la
Gendarmerie accusait un retard considérable. Les résultats
étaient souvent mitigés par rapport à l'ensemble du phénomène
criminel et des facteurs criminogènes.

61
A titre d'exemple, aucune étude n'a jamais été entreprise
pour déterminer si l'action de la Gendarmerie sur les routes
avait ou non un impact déterminant sur les accidents de la route.
De même, toujours à titre d'exemple, la formation du per-
sonnel n'a jamais fait l'objet d'un audit pour voir si cette forma-
tion est en phase ou non avec les problèmes de société.
Le programme que j'enseignais, Lieutenant, aux élèves gen-
darmes était le même programme enseigné aux élèves gen-
darmes en 2005, et encore avec moins de rigueur.
Depuis dix ans, les effectifs avaient une tendance dangereuse
à la baisse. La Gendarmerie avertissait, certes, les organes gou-
vernementaux de cet état de fait, mais il n'y avait de sa part
aucune politique élaborée de ressources humaines, pour montrer
la nécessité de mettre en place un recrutement adéquat.
DIRCEL, autant je trouvais satisfaction dans les études en-
treprises par les armées pour suivre les maquettes prédéfinies et
toujours réactualisées, autant je devais me contenter des états de
la Division des Personnels et de l’Administration qui addition-
nait et soustrayait les effectifs pour satisfaire nos demandes.
Le Groupement des Moyens Généraux, un vrai labyrinthe
nébuleux, gérait les moyens matériels et financiers, en ne pre-
nant en charge que les ordres du Général, sans aucune étude
préalable.
A la gueule du client, et suivant ses humeurs du moment, le
Général de la Gendarmerie, décidait de tout, et donc, de rien.
Tout était sens dessous, dessus, de travers et il était difficile de
trouver une logique ou une cohérence à ce système de com-
mandement. Le Général gendarme était Dieu sur terre et tout le
système consistait à satisfaire ses désirs et volontés.
Ce système n'était plus viable et usait le Général, qui était
partout, était dérangé pour la mort d'un chat. Le même compte
rendu était relayé depuis la Brigade en passant par la Compa-
gnie, puis la Légion, puis le Commandement avant d'aboutir
décousu chez le Général, qui n'avait d'autre choix que de dire à
son Aide de camp de prendre note.

62
Les ordres étaient secs et sans âme. C'est le lieu de rendre
hommage aux Commandants de Brigade, qui trouvaient eux-
mêmes les solutions pour répondre aux attentes des populations.
La Gendarmerie ne faisait aucune différence entre un com-
mandement organique et un commandement opérationnel. Cha-
cun du Lieutenant au Général pouvait faire la même chose ou
ne pouvait rien faire, sans que cela ne dérange personne.
Les Officiers se marchaient sur les pieds, les ordres et les
contre-ordres pleuvaient et limitaient en grande partie l'action
décisive.
Il manquait à la Gendarmerie un Etat-major, donc un outil de
conception organique, opérationnel et logistique. A ma question
de savoir comment déterminer la dotation carburant d'une unité,
je m'entendis répondre : « le chef du GMG décide en toute li-
berté ».
Comment met-on en place un plan de circulation ? Tout dé-
pend des propositions des Commandants de Brigades ou de
Compagnies, aucune action du Commandant de Légion n'est
prévue pour apporter une cohérence générale de sa zone de
compétence.
La répartition des niveaux de commandement semble obéir
plus à une logique de grade qu'à un besoin de responsabilité. Le
Colonel est un super Commandant de groupement, le Comman-
dant de groupement est un super Commandant de compagnie.
Cette logique explique que, dans la plupart des cas, le Com-
mandant de Compagnie a été transformé en Commandant de
Légion lors des différentes créations, et le gars a continué à
exercer les mêmes responsabilités et sans prendre une quel-
conque hauteur.
La responsabilité dans la Gendarmerie est très mal définie et
on ne l'exerce réellement que dans deux niveaux : le Comman-
dant de brigade et le Haut Commandant de la Gendarmerie. Le
Commandant de Brigade est responsable de sa brigade, sa res-
ponsabilité est indivisible, entière, et assumée face aux très
nombreuses sollicitations.

63
La responsabilité du Général est aussi totale et exclusive. Par
conséquent, tous les échelons intermédiaires n'ont aucune res-
ponsabilité, ils se contentent de relayer les ordres du Général à
l'unité élémentaire et de rendre compte des éléments constatés
par les Brigades.
Le Colonel s'estime heureux d'avoir rempli sa mission dès
que son compte rendu est parvenu au Général. On ne parle ni de
commandement opérationnel, encore moins de commandement
organique.
Les grands évènements qui interpellent la Gendarmerie n'ont
jamais fait l'objet d’étude de la part des différents échelons de
commandement de la Gendarmerie.
Je défie quiconque responsable de la Gendarmerie de pro-
duire une seule étude d'Etat-major sur le vol de bétail qui devait
aboutir à une directive du Général Haut Commandant pour lut-
ter contre cette forme de criminalité, qui prend de l'ampleur
après les évènements de Mauritanie.
Je défie encore les responsables de la Gendarmerie de nous
produire une étude sur la criminalité des banlieues, notamment
le phénomène récurrent des agressions.
Je défie encore les grands responsables de la Gendarmerie de
nous produire une étude sur la protection des personnalités
d'état face aux nouvelles possibilités du terrorisme international.
Cette irresponsabilité de la Gendarmerie qui se traduit sou-
vent par des bilans erronés, lus à chaque présentation de vœux,
est un phénomène endermique qui date et qui limite fortement
l'action des unités de terrain.
Il manque à la Gendarmerie un Etat-major capable de définir,
d’analyser, suivre et contrôler l'ensemble des actions de la Gen-
darmerie, pour assurer la protection des personnes et des biens.
Du CENCAR, j'ai pu mesurer les difficultés de la Gendar-
merie à maîtriser un ensemble de phénomènes nouveaux et qui
sont de sa compétence. De DIRCEL, j'ai pu constater l'absence
de possibilités d'études sérieuses ou de fourniture de réponses
adéquates aux grandes interpellations de l'heure.

64
Un mutisme total, dû souvent à l'ignorance, est une attitude
permanente de la Gendarmerie qui évite ainsi de prendre parti
dans les grands défis de l'heure.
Le personnel est très brave, très discipliné et aux ordres de
mauvais chefs, qui se complaisent dans la répétition des actions
de leurs grands anciens, qui avaient fait ce que les gendarmes
appellent le dossier permanent.
Le DP est une série de notes qui datent des années 60 et qui
ont encore cours dans la Gendarmerie comme des lois im-
muables. Le DP donne une réponse à toutes les questions
comme un dictionnaire définit chaque mot.
A ma connaissance, le Robert sort chaque année comme le
Larousse. Suite à mon interpellation pour réactualiser le DP, le
Général fait appel à d'anciens Commandants de brigades, partis
à la retraite depuis plus de dix ans pour leur confier le travail.
Je comprends alors pourquoi chaque déplacement du Prési-
dent mobilise deux à trois escadrons de Gendarmerie pour ja-
lonner la route, mission fatigante, aberrante et qui ne peut en
aucun cas protéger le Président.

Je comprends aussi, pourquoi depuis Abdoulaye FALL,


Gouverneur militaire, le Palais de la République est encerclé de
sentinelles placées chaque cinquante mètres. Comment imagi-
ner en 2010 garder ainsi un Président de la République avec
tous les moyens passifs et actifs qui existent. C’est la preuve la
plus visible de l’incompétence et de l’irresponsabilité. Elysée,
Maison Blanche et Buckingham Palace doivent interpeler les
Gouverneurs gendarmes.

65
Chapitre 5
Les caisses brigades

La Gendarmerie, telle que je la connais, a été confrontée


pour la première fois à la corruption lors des évènements dits de
la Police en avril 1987.
Durant tout le commandement du Général Waly FAYE,
treize ans de 1977 à 1990, aucun cas de corruption avéré n’a été
toléré, des Gendarmes, des Gradés et même des Officiers ont
été révoqués sur la base de fautes graves contre l'honneur.
Je me rappelle jeune Officier, avoir eu au moins une fois par
trimestre à assurer les charges de rapporteur de conseil d'en-
quête contre des personnels Sous-officiers.
Le rapporteur était un personnage célèbre dans la Gendarme-
rie parce que chargé de préparer le dossier de conseil d'enquête
contre les personnes qui avaient commis une faute très grave,
selon le règlement de discipline générale.
La corruption était considérée contre la faute la plus grave
qu'un gendarme pouvait commettre. On la qualifiait d'indélica-
tesse. L'indélicatesse concernait toutes les fautes liées à l'argent,
souvent elle visait à réprimer tous les cas d'enrichissement sans
cause.
Elle réprimait aussi bien les cas de corruption que les dé-
tournements de deniers publics. Rien n'échappait à la vigilance
du Commandement et des Officiers ont été rendus célèbres juste
par leur capacité et leur hargne à lutter contre l'indélicatesse.
Leur venue dans une unité, leur inspection était redoutée, et
ces officiers faisaient l'objet d'une surveillance particulière de la
part des Commandants d'unité qui faisaient surveiller, grâce au
téléphone arabe, leurs allées et venues.
Il était rare que ces Officiers sortent en tournée ou inspec-
tions sans ramener une brebis galeuse à qu’ils reprochaient une
indélicatesse. Samba Diery DIALLO, Assane DIOP et Abou

67
Bocar Soumaré ont eu cette volonté et ont été des garants intan-
gibles de la discipline dans la Gendarmerie.
Certes, je dois admettre une forme de corruption dans la
Gendarmerie qui est liée au caractère pernicieux et particulier
de la Téranga sénégalaise.
Chaque personne qui visite ma mère se voit offrir un présent,
soit un pagne, soit un boubou, soit un bijou, voire même des
aliments, surtout selon la personne.
J'ai relevé cette Téranga dans la Gendarmerie qui fait que les
Officiers qui visitent ou inspectent les Brigades reçoivent des
cadeaux en nature, cadeaux qui vont du colis vivant à savoir
mouton, chèvre ou poulet, au sac de charbon, voire légumes que
mêmes viandes et poisson selon le terroir.
N'ayant jamais eu la chance de commander une Compagnie,
j'ai toujours regardé d'un œil critique ces colis vivants, que je
place dans le cadre de la corruption, en montrant à mes cama-
rades qui en bénéficiaient le degré de permissivité de ces ca-
deaux poisons qui leur liaient les mains.
Eh oui, des dérapages existaient et certains Officiers supé-
rieurs profitaient de leur commandement pour tirer profit sur
tout ce qu'ils pouvaient. Adjoint à la compagnie de Diourbel,
j'en fis les frais après une saisie douane de sucre.
Une embuscade à l'entrée de Touba m'avait permis de saisir
une cinquantaine de tonnes de sucre, introduit frauduleusement
dans le territoire national.
Non seulement la Douane nous paya les 10% de prime, mais
elle nous permit d'acquérir le sac à six mille FCFA, une aubaine
à l'époque. J'en rendis compte au Commandant de la légion de
Gendarmerie Territoriale qui m’ordonna de lui en prendre cinq
sacs.
Cet officier se fâcha lorsque je lui réclamais les trente mille
FCFA à rembourser à la Douane. Il me traita de tous les noms
d'oiseaux et surtout d'incapable. Devant ma ténacité, il paya,
mais les notes qu'il m'attribua m'éloignèrent à jamais de la Gen-
darmerie Territoriale.

68
Toujours est-il que j'ai connu des camarades qui profitaient
largement de ces colis vivants, et qui liaient la dépense quoti-
dienne à ces colis vivants. Ils se faisaient royalement servir du
poisson de Mbour, Cayar ou Joal.
La viande venait souvent de Dahra ou Linguère. Les lé-
gumes venaient des Niayes, le mil et l'arachide des brigades du
Sine Saloum et le riz comme le sucre de Richard Toll.
Cet épiphénomène avait une ampleur, mais ne liait nulle-
ment les Officiers qui sanctionnaient tous les écarts d'éthique.
Ils mettaient cette forme de corruption dans le cadre d'échanges
liés à la Téranga et au bon savoir-vivre sénégalais.
Le Commandement fermait les yeux et ne sévissait que
quand certaines bornes étaient dépassées et dans le cas où
l’Officier en faisait un moyen systématique et harassant envers
les unités. Les lettres anonymes étaient là pour éviter de tels
débordements et régulaient le système.
La vraie corruption commence à s'installer après le départ du
Général Waly FAYE et la prise en mains de la gendarmerie par
des Officiers plus intellectuels qui cherchaient à humaniser la
discipline.
D'une discipline de fer, la Gendarmerie sous le Général
GOMIS comme le Général Mamadou DIOP, et surtout la venue
d'Officiers plus diplômés comme moi qui remplaçaient les pre-
miers Officiers supérieurs admis à faire valoir leur retraite, ap-
plique une discipline plus réfléchie et plus humaine.
Le Général GOMIS est un humaniste, un père de famille qui
a été longtemps au contact des hommes et de la réalité sénéga-
laise. C'est un homme qui compose et qui dialogue. Il entend
donner une seconde chance aux gendarmes qui commettent des
fautes graves contre l'honneur et la discipline.
Sous son Commandement, les conseils d'enquête disparais-
sent et les punitions se font de plus en plus rares. Il passe son
temps à réprimander et à conseiller les fautifs en cherchant à
leur faire prendre conscience.
Le Général Mamadou DIOP, aussi humaniste et généreux,
entendait donner un souffle de conscience à la Gendarmerie en

69
rendant les gendarmes responsables. Les causeries morales
avaient pris le pas sur la discipline de fer. Les Commandants
d'unités étaient invités à en faire le plus possible pour que le
personnel respecte l'éthique et la déontologie.
Le Commandement sort des notes ponctuelles sur certains
agissements qui ternissent l'image de la Gendarmerie, sans pour
autant prendre les mesures énergiques pour contrer les nou-
velles déviances qui commencent à s'installer. Certains Offi-
ciers regrettaient l'ancien régime et n'hésitaient pas à confondre
certains Oous-officiers indélicats.
Mon ami Madjimby, n'hésitait pas à marquer des billets et
les remettre à des chauffeurs pour attraper quelques gendarmes
corrompus de sa circonscription. Il faisait fouiller ces gen-
darmes après leur avoir demandé les reçus d'amende forfaitaire.
Le fait, pour lui, de trouver son billet marqué et de constater
l'absence de reçu, était la preuve de l'acte de corruption. Le
gendarme était aussitôt bon pour séjourner en prison pour indé-
licatesse.
Chef de la division justice militaire, je lui avais fait une note
salée pour stigmatiser ses méthodes. Il fallait cependant lui re-
connaitre une volonté farouche de lutter contre un mal qui
commençait à se banaliser dans la Gendarmerie.
Officier de notre génération qui a le plus duré dans les unités
territoriales, il avait des difficultés à accepter le relâchement de
la discipline.
La deuxième, voire la troisième vague d'Officiers supérieurs
allait organiser la corruption et la rendre institutionnelle. La
corruption était réfléchie, institutionnalisée et organisée à partir
du commandement du Général Pathé SECK.
Les nouveaux maîtres de la gendarmerie n'avaient d'autre
volonté que de s'enrichir, surtout que l'alternance, intervenue
dans des conditions surprenantes, ne leur laissait pas l'initiative.
Le Général en premier était convaincu de la faiblesse de sa po-
sition, du fait qu'il était en place deux ans avant l'alternance.

70
A plusieurs reprises, le Président WADE l'avait tancé. Il sa-
vait qu'il n'était resté en place que sur la base de compromis
entre différents acteurs et suite à beaucoup de manœuvres.
Il avait perdu ses grands moyens de commandements et pas-
sait son temps non seulement à faire des compromis pour sau-
ver sa tête, mais plus grave, à vouloir enterrer les Officiers qui
pouvaient être candidats à sa succession.
Les Officiers en qui il a confiance, et qui exerçaient les
grands commandements de la Gendarmerie, vont alors installer
un système maffieux, un système de prédation à même de leur
assurer des subsides très importants.
La corruption s’était banalisée et 'institutionnalisée au détri-
ment de la discipline, de l'honneur et de l'éthique. Les Officiers
prenaient conscience des moyens énormes qu'ils pouvaient tirer.
Tout était bon pour se compromettre et se faire de l'argent.
Les officiers commençaient à acquérir des maisons de luxe,
des voitures de luxe et disposaient de moyens que leurs grands
anciens n'avaient jamais pu faire valoir. Les hommes n’étaient
pas en reste. La Gendarmerie délaissait ses missions tradition-
nelles pour se concentrer uniquement sur la route.
Les bulletins de service et les cahiers de service, instruments
de qualité pour la traçabilité des actions des brigades, disparais-
sent des unités et ne sont plus produits à l'échelon central. Les
visites de secteurs et les tournées disparaissent.
Les populations qui étaient en dehors des axes routiers prin-
cipaux étaient laissées en rade alors que les routiers et usagers
étaient rançonnés à longueur de journée et toute la nuit sans
que le nombre d'accidents diminue, Les morts s'accumulaient
sur les routes, avec des blessés, alors que la Gendarmerie était
omniprésente sur les routes.
Les unités mobiles, légion d'intervention comme légion de
sécurité étaient dégarnies au profit de la Gendarmerie territo-
riale. Les gendarmes monnayaient, avec les Officiers, leur mu-
tation dans les brigades.

71
Chaque gendarme qui montait en police de la circulation
était obligé d'alimenter une caisse, dite de brigade, en y versant
une somme déterminée au retour de mission.
Cette caisse alimentée servait chaque mois à rétribuer les
différents échelons de commandement et après, le Commandant
de brigade, selon le grade, faisait un partage entre tous les per-
sonnels de la brigade.
Certains officiers et certains sous-officiers refusèrent le sys-
tème mais ils étaient vite dégagés et envoyés en Etat-major ou
en unités mobiles.
Les caisses brigades étaient généralisées et systématisées, et
dans toute la Gendarmerie, avaient un écho banalisé et accepté,
vu que selon eux, tous les secteurs de la vie nationale étaient
corrompus.
Plus grave, les Commandants d'unités ne reversaient plus les
services rétribués, versés par diverses sociétés ou institutions à
qui la Gendarmerie avait prêté son concours.
La Gendarmerie recevait des Sociétés Nationales, comme la
SODEFITEX, ou des institutions bancaires, comme la BCEAO,
pour les escortes de fonds qu'elle assure beaucoup d'argent. Cet
argent, sous forme de services rétribués, devait être versé dans
un compte spécial du trésor.
Cet argent n'était plus versé et les Officiers, dans la plupart
des cas, se l'accaparaient. Des échelons se le disputaient, et des
correspondances très salées étaient échangées pour le réclamer
ou le refuser.
Deux dossiers de services rétribués, l'un à Tambacounda,
l'autre à Kolda, allaient m'interpeler dès ma prise de fonction de
HCS.
En accord avec le Général, je décidai de remettre les pen-
dules à l'heure. Je plaçais le commandement du Général dans
une lutte farouche et sans merci contre la corruption.
Une note de commandement et une réunion des grands
commandements avait pris en compte cette volonté et exprimé
dans toute sa rigueur cette nouvelle directive.

72
Sur la lancée, un nettoyage des brigades était entrepris. Tous
les majors étaient reversés en Etat-major. Une Commission était
mise en place pour rechercher de nouveaux commandants de
brigades.
Sous mon impulsion, des adjudants, et même des MDLC,
avaient été promus Commandants de brigade après que la
Commission ait passé en revue les dossiers de plus de 400 gra-
dés supérieurs de gendarmerie.
Je clôturai le séminaire des nouveaux Commandants de bri-
gade par une causerie morale sans faille, sur la corruption dans
la Gendarmerie.
Plusieurs Officiers, qui étaient des amis de longue date, qui
souvent ne partageaient ni mes idées, ni mes méthodes, vinrent
solennellement me mettre en garde contre mon ambition de
lutter contre la corruption.
Ils avaient mis en avant la mainmise de mon patron sur la
corruption dont il avait profité depuis sa nomination, en 1997,
en qualité de Commandant de légion.
Ils me demandaient de revoir certaines postions, de sauver
quelques têtes de Majors pour ne pas m'opposer à cette catégo-
rie.
Je tenais ferme avec l'appui de l'Etat-major que, pour le
moment, le Général ne pouvait abandonner. Je trouvais les me-
sures indispensables. J'étais désolé pour certains majors qui
inspiraient le respect, comme mon ami SIDIBE, qui vint dé-
fendre ses collègues. Mais je pensais qu'un signal fort et consé-
quent de la lutte contre la corruption ne pouvait provenir que de
là. Je prenais sur moi le risque de m'opposer à un pan entier de
la Gendarmerie avec la certitude de pouvoir compter sur le Gé-
néral.
Les syndicats de chauffeurs furent mis à contribution pour
dénoncer la corruption et leurs leaders, Ndoye comme Khouma
furent reçus et diligentés pour mettre en place un plan de lutte
contre la corruption.
Mon propre numéro et celui du Colonel Ismaila SARR,
COG étaient donnés pour intervenir chaque fois qu'un chauffeur

73
estimait devoir céder à un acte de corruption. Des Comman-
dants d’unités avaient été envoyés sur l’heure pour remettre de
l’ordre dans des patrouilles coupables.
Les caisses brigades cessèrent et des gendarmes n’hésitèrent
pas à dénoncer la plupart des actes coupables. La corruption ne
cessa pas de suite, elle se faisait plus discrète.
Les camions maliens, systématiquement rackettés dès
l’entrée dans le territoire national, reprirent leur trafic avec
beaucoup moins de problèmes, avec un suivi constant de la
Chambre de Commerce de Dakar, qui établit une coopération
efficace avec la gendarmerie pour faciliter le trafic entre les
deux pays.

74
Chapitre 6
Le marché des tenues de combat

Mon ambition de plonger la Gendarmerie dans le troisième


millénaire se retrouvait dans deux constantes, étudiées et maîtri-
sées, bien avant la nomination du Général, dans les fonctions de
Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice
Militaire.
L'idée de mettre en place une organisation plus fiable, plus
structurée et plus apte à conduire réflexion et action, a germé
dans ma tête quand, de par la DIRCEL, j'ai pu mesurer les
écarts qualificatifs entre les Armées et la Gendarmerie.
La nouvelle Police voulue par le Général CISSE, puis par le
Général Mamadou NIANG, Ministres successifs de l'Intérieur,
confirmait cette idée et me donnait un exemple concret de ce
qu'il faudrait faire.
La mise en place d'un plan d'équipement ambitieux trouvait
son origine dans le dénuement des unités de Gendarmerie qui
faisaient, par exemple, la police de la route avec les véhicules
personnels ou loués.
Deux hommes exceptionnels allaient conforter ces idées et
cette ambition en me donnant l'un, d'une part, les possibilités
intellectuelles et morales de la réflexion à mener, et l'autre,
d'autre part, l'appui d'une grande institution, la Gendarmerie
française.
Ces deux hommes étaient devenus mes amis par le respect,
l'engagement à une cause et la foi dans la mission de service
public. Deux fonctionnaires mis à la disposition de mon pays
par l'ancienne puissance coloniale, la France avaient ainsi per-
mis de bouger les choses.
L'assistance technique était souvent mal perçue et peu digé-
rée par les cadres locaux, qui la voyaient encore comme un
élément du Néocolonialisme.

75
Mes services dans les différentes écoles militaires, mes ori-
gines fortement marquées par le Prytanée, où je n'ai eu des pro-
fesseurs sénégalais qu'en terminale, et seulement dans deux
matières, m'avaient apporté non seulement un regard ouvert
envers les AMT, mais, encore plus important, m'avaient permis
de collaborer sans complexe ni retenue avec des cadres de très
haut niveau.
Le Commissaire Gilles REPAIRE, de la Police Nationale
française, un ami, rencontré par hasard dans le bureau du
Commissaire de Police Abou DIOP, un enfant de troupe de ma
promotion, allait me donner les exemples et les procédures in-
tellectuelles à mettre en œuvre pour donner une image positive
à l'institution.
Quatre ans d'échanges fructueux et intellectuels entre Dakar
et Conakry, allaient installer entre Gilles et moi un climat de
confiance et d'amitié qui nous fera aborder tous les problèmes,
sans complexes.
Conseiller du Ministre de l'Intérieur, le Général NIANG,
Gilles s’était donné pour mission de trouver une image positive
de la Police Nationale. Pour se faire, il avait axé son effort dans
deux aspects particuliers qui renvoyaient à une image et à la
perception de l'institution par les populations.
Le premier aspect était fortement lié à la tenue des person-
nels de la Police, et d'emblée, la réflexion était d'éliminer des
tenues de la police tout ce qui avait un caractère équivoque et
très militaire.
La police n'est pas militaire, elle assure un service public de
sécurité au profit des populations, sa tenue doit être attrayante,
belle et respectable.
Elle devait se doter de tenues attirantes, conformes à sa mis-
sion de service de police, à l'instar de la plupart des services de
Police occidentaux. La couleur bleue devait être de rigueur et
remplacer la couleur kaki et la couleur vert armée qui, depuis
l'indépendance, avait été attribuée à toutes les forces militaires
ou paramilitaires.

76
Gilles arriva à convaincre le Général NIANG et les autorités
de la Sûreté nationale de la nécessité de changer la couleur des
tenues de la Police.
DIRCEL, je dus batailler ferme contre la couleur bleue de la
police, couleur jusqu'à présent réservée à la seule gendarmerie.
Mes arguments pour m'opposer et donner le véto du Ministère
des Forces Armées à la bleuisation de la Police avaient été
balayés d'un revers de main par Gilles et ses commissaires. Je
dus m'incliner devant cette volonté soutenue et normale de doter
la police de nouvelles tenues.
Cette nouvelle tenue, exhibée fièrement par la compagnie de
circulation donnait, dès le départ, une image très positive et
constituait le premier et réel réarmement moral de la Police,
depuis les évènements malheureux de 1987.
Le deuxième aspect avait visé non seulement une meilleure
dotation des unités de police en moyens roulants, mais surtout
la banalisation des couleurs de ces moyens.
La police, par ses nouvelles couleurs, le blanc, frappé au mi-
lieu du véhicule par les couleurs nationales apportait une révo-
lution dans les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité
des personnes et de leurs biens.
Les véhicules noirs et sans âme, les fourgons ou cars de Po-
lice, lugubres et mal entretenus, laissaient la place à des véhi-
cules berlines et 4X4 blancs et limpides, bien entretenus, et très
attrayants dans la circulation.
Un voyage voulu et conseillé par Gilles en France avait
permis au Général NIANG de rencontrer Sarkozy, alors Mi-
nistre de l'Intérieur, qui convaincu, apportera l'appui de la
France en donnant un lot très important de véhicules.
Le Président WADE, scellera définitivement cette option en
donnant à la Police les moyens de son ambition. Un plan, très
ambitieux, de l’Etat était mis en œuvre pour équiper la Police,
lui trouver des tenues plus attrayantes et enfin, plus important,
mieux la déployer dans le pays.
De nouveaux Commissariats étaient construits dans des
villes qui jusque-là étaient de la compétence exclusive de la

77
gendarmerie. Les bâtiments existants ont été rénovés et rendus
plus fonctionnels pour répondre au besoin de service public des
populations.
Cette petite révolution, conduite par les mains expertes du
Général NIANG, avec les idées neuves de Gilles n'avait jamais
interpelé la Gendarmerie. La Gendarmerie se satisfaisait de ses
lauriers, n'entama aucune réflexion d'envergure.
Elle ne comprenait nullement que ce renouveau de la Police
se ferait à son détriment et qu'elle verrait sa compétence se ré-
duire au fur et à mesure que les policiers gagneraient du galon
et de la terre.
Il était certes normal que la répartition des circonscriptions
se fasse, que la police prenne de plus en plus en charge les
communes et y établisse des Commissariats. Il était cependant
tout aussi normal que la gendarmerie soit associée à cette répar-
tition des charges et qu'elle puisse, à temps et de façon maitrisée,
se redéployer dans les Arrondissements ou Communautés ru-
rales.
Des Brigades importantes et très utiles avaient vu leur com-
pétence se réduire en cendres du fait de l'offensive généralisée
de la Police : citons, à titre d'exemples, Thiaroye, Touba ou
Tivaouane.
Le Colonel Philippe LAFOIX, conseiller Gendarmerie du
Ministre des Forces Armées sera le Gilles REPAIRE de la Gen-
darmerie. Il joua ce rôle par ses qualités personnelles d'homme
de foi, de conviction et de travailleur infatigable.
Philippe LAFOIX m’a dit dès notre première rencontre « La
France m'a mis à votre disposition pour travailler et vous faire
profiter de son expérience, de l'expérience de la Gendarmerie et
de mon expérience. La France m'a mis dans des conditions ex-
ceptionnelles, et je suis très bien rémunéré. Je ne suis pas en
villégiature, mais en mission et je suis à votre disposition et à la
disposition de la Gendarmerie sénégalaise ».
Philippe joua ce rôle en deux circonstances qui allaient faci-
liter son intégration dans mon équipe et dans l'Etat-major Gen-
darmerie où il avait accès de par mes instructions et mon appui
personnel à tout et à tout.

78
En premier lieu, LAFOIX avait fait Coëtquidan en même
temps que le Général, l'un à l'EMIA, l'autre à l'ESM. Ces ren-
contres tissent des liens profonds et indestructibles entre promo-
tions d’une même école, d'un même moment. On a vécu en-
semble des choses qui ne s'oublient pas.
En second lieu, LAFOIX avait fait le cours supérieur de Me-
lun en même temps que le Colonel Ismaila SARR, patron du
COG. Leur amitié, bien avant sa venue au Sénégal, facilita
beaucoup ma rencontre avec lui. Ismaila SARR lui a ouvert les
portes de mon bureau et a établi la confiance totale entre nous
deux
Philippe, dès le départ, apporta son soutien sans faille et sans
condition au renouveau de la Gendarmerie. Il mit son expé-
rience à ma disposition et joua pleinement son rôle de conseiller
en apportant une expertise, soutenue par l'expérience, à la ré-
flexion générale qui se mettait en place.
Il nous ouvrit les portes de la Direction Générale de la Gen-
darmerie Nationale de France où ses amitiés personnelles, le
respect qu'il y trouvait, l'entregent dont il faisait preuve don-
naient une dimension inespérée aussi bien à nos sollicitations
qu'à notre souci de coopération.
Les responsables de l'Etat-major s’étaient envolés vers Paris
pour bénéficier d'échanges conséquents avec leur correspondant
français. Le Colonel LAFOIX avait pu obtenir pour chaque
responsable de l'Etat-major et du Cabinet, un stage d'informa-
tion dans le service correspondant de la Direction Générale de
la Gendarmerie française
Moi-même, je rencontrais le Général NORBERT, quatre
étoiles, Major Général de la Gendarmerie, qui convaincu de nos
idées et de notre engagement a ouvert la logistique et mit à
notre disposition des moyens très importants et inimaginables.
Mon déjeuner avec le Directeur Général PARAYRE fut un
moment exceptionnel de carrière. Le Général salua l'effort du
Général FALL de maintenir haut la flamme de la Gendarmerie
tout en la plongeant dans la modernité.

79
Les conseils qu'il prodigua pour la mise en place d'un Etat-
major conséquent restent encore d'actualité et il promit de tout
mettre en œuvre pour consolider l'association des gendarmeries
africaines.
Tous les services de Direction Générale me furent ouverts et
j’eus des entretiens fructueux et instructifs avec les différents
responsables. Il me fut permis, et avec une écoute attentive,
d'exposer les besoins de la Gendarmerie et de solliciter l'appui
de la Gendarmerie française dans des domaines précis.
Le Général GILLES, Chef de cabinet, disponible, intelligent,
courtois, marqua nos esprits et, surtout, l'esprit du Colonel
SOW face au jugement et à l'espoir que ses pairs Officiers por-
taient sur lui, pour l'avenir de la Gendarmerie française.
Le Colonel SOW oubliait que le Général GILLES, bien que
jeune en grade, était Général français qui pouvait faire preuve
d'un important bagage intellectuel et d'un background sans faille.
Il oubliait que ce Général, effectivement pressenti par les
plus hautes autorités pour conduire une réforme non voulue par
les gendarmes, était préparé depuis fort longtemps à de nou-
velles et plus qu'importantes fonctions. Il était prévu, dans les
grands cabinets politiques, sa nomination au poste de Directeur
Général après le Général PARAYRE, et juste au moment du
rattachement de la Gendarmerie au Ministère de l'Intérieur.
La personne et les ambitions définies au Général GILLES,
donnèrent des ailes au Lieutenant-colonel SOW, Chef de cabi-
net pour croire pouvoir porter le manteau de GILLES dans la
Gendarmerie sénégalaise. Matar SOW avait voulu trouver dans
le destin du Général GILLES son propre destin.
LAFOIX, par ses visites et sa disponibilité constantes, mit
des moyens importants à la disposition de la Gendarmerie ;
quarante motos, vingt camions, vingt bus de maintien de l'ordre,
vingt cinq mille tenues 4/S, vingt cinq JACKETS, soixante
mille mètres cubes de tissus bleus sans compter un armement
PA pour chaque homme, le matériel informatique pour les COG,
un Centre de Police Judiciaire et enfin, le sommet de tout, une
Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale.

80
Le Colonel Philippe LAFOIX, par sa seule présence, ses
atouts intrinsèques, avait fait en termes de Coopération plus que
vingt AMT en quarante ans. Jamais la France n'avait autant
donné à la Gendarmerie qu'entre septembre 2005 et septembre
2007.

Ma relation personnelle avait joué souvent dans la volonté


de Philippe, il était conscient du bien-fondé de mes sollicita-
tions. Il était un ami et les moments de famille, chez lui,
comme chez moi, avaient permis à chacun de donner le meilleur
de lui-même.
LAFOIX m'avait soutenu dans mes moments de doute, dans
mes combats de convictions et je suis heureux de continuer
d'entretenir des relations fraternelles avec lui, dans son école et
après sa retraite comme Général français.
La volonté de donner une autre image à la gendarmerie, te-
nant compte aussi bien de l’expérience de la Police, que des
moyens mis à notre disposition par la Coopération française,
imposait de trouver de nouvelles tenues pour marquer de façon
indélébile le premier 4 avril, sous le Commandement du Géné-
ral Abdoulaye FALL.
L’Etat-major proposa de faire défiler la Légion de Gendar-
merie d’Intervention en tenue bleue camouflée et la nouvelle
Légion de Sécurité et de Protection en tenue de combat bleue de
police.
Les escadrons territoriaux, nouvellement créés, devaient eux
aussi défiler dans les mêmes tenues de combat bleu police. La
gendarmerie territoriale participerait au défilé en chemisettes
bleues de la Gendarmerie dans les régions alors qu’à Dakar, la
tenue traditionnelle de cérémonie serait de rigueur.
Le Colonel Cheikh SENE reçut les ordres adéquats pour ré-
gler dans l’urgence la réalisation des tenues définies par les
études de l’Etat-major. Il eut un délai d’un mois pour, dans les
restes du budget 2005, faire une commande à même de per-
mettre une participation significative à la fête de l’indépendance
2006.

81
Il sollicita l’ensemble des fournisseurs en leur distribuant les
termes de référence de la note de l’Etat-major Gendarmerie. En
début décembre, il me demanda de convoquer l’Etat-major pour
choisir le fournisseur suivant les modèles et les prix proposés.
Le nommé Mansour Bousso, principal fournisseur de la
Gendarmerie, qui avait fait le tour des grandes marques pour
trouver un produit en adéquation avec nos spécifications fut
choisi pour la qualité proposée et le prix demandé à savoir vingt
cinq mille FCFA la tenue.
Une commande ferme et non révocable de quatre mille te-
nues bleues camouflées, de quatre mille tenues bleu police et
de deux mille camouflées armées pour l’Escadron Blindé et les
unités déplacées en Casamance lui fut faite avec pour délai de
livraison maximum le 31 janvier 2006.
Bousso, qui me fut présenté par le Colonel Cheikh SENE,
décida d’apporter son appui et s’envola pour la France où il
passa une commande ferme. Il revint à Dakar pour les formali-
tés douanières, surtout les exonérations que devait lui faire faire
le Colonel SENE, suivant les procédures en vigueur.
Il nous certifia de la présence du matériel dans ses entrepôts
et que la livraison pourrait intervenir vers le 15 janvier. Il nous
apporta par l’occasion quelques échantillons des différentes
tenues à livrer.
Cheikh SENE présenta le lot à la réunion de coordination du
lundi matin et tout le monde montra sa satisfaction et apprécia
la qualité des tenues qui feront impression certainement pendant
le défilé.
Pour la première fois, et malgré un travail remarquable,
Cheikh SENE qui venait juste de rejoindre l’Etat-major en qua-
lité d’Adjoint Opérations est publiquement félicité par le Géné-
ral. Cependant, à ma grande surprise, le Général demanda à
conserver les échantillons.
Le Général me fit rappeler vers 12 heures pour me parler du
marché des tenues de combat qu’il avait décidé d’octroyer à
Madame GUEYE, Belle Dame Couture sur instruction person-
nelle de Monsieur le Président de la République.

82
Il me demanda de recevoir la dame dans l’après-midi pour
lui remettre le lot d’échantillons et lui passer la commande. Je
lui fis comprendre l’impossibilité d’octroyer un marché déjà
octroyé à un autre fournisseur.
Le Général ne tint aucun compte de mes avertissements, et
encore moins du fait que le nommé Bousso avait déjà amené les
tenues à Dakar. Il crut, peut-être à sa décharge, que le marché
avait été attribué à ma sœur qui se prénomme aussi Bousso.
Il se peut qu’il ait été induit en erreur volontairement sur la
personne ayant obtenu le marché. Dans tous les cas, il ferma sa
porte à toute discussion en se réfugiant derrière des ordres du
Président de la République.
Je reçus, contre mon gré, Madame GUEYE qui ne m’était
pas inconnue de nom. Je ne la connaissais pas personnellement,
mais j’étais déjà intervenu dans un de ses dossiers où elle avait
refusé de payer son fournisseur italien, en arguant attendre de la
Gendarmerie des créances. Cela était faux et le fournisseur avait
saisi la justice pour rentrer dans ses fonds.
Je lui donnais les lots et les spécifications fermes de l’Etat-
major qui faisaient que les échantillons sont à respecter dans
tous les cas de figure.
J’ai demandé alors à Cheikh SENE de venir me voir avec
son fournisseur Bousso, pour le marché des tenues de combat.
Je tins un langage de vérité à Bousso, sur les ordres de mon
patron, et de ma détresse de donner le marché à Madame
GUEYE, à qui le Général venait de l’octroyer. Je promis de
faire mon possible pour lui renouveler le marché dans le budget
2006, et ainsi lui trouver un point de chute à sa marchandise.
Bousso rigola un peu et m’affirma avoir fait breveter par le
fournisseur français ses échantillons et qu’en aucun cas, Ma-
dame GUEYE ne pourra obtenir du fabricant la même tenue.
Nous pouvions dormir tranquilles si nous voulons encore les
mêmes tenues.
Il alla jusqu’en France, pour contrer les desseins de Belle
Dame couture, qui voulait lui donner un coup de poignard. La
guerre des deux fournisseurs éclata sous le regard approbateur
et complice de l’Etat-major Gendarmerie.

83
Madame GUEYE, que je faisais talonner par le Colonel
TINE pour la livraison du matériel, revint voir le Général qui
fut obligé de me l’envoyer. Elle me rendit compte des difficul-
tés qu’elle avait avec ses fournisseurs habituels du fait d’un
commerçant nommé Bousso qui avait acheté et fait breveter les
tenues que la Gendarmerie lui avait commandées. Elle n’avait
d’autre solution que de s’entendre avec ce Bousso et, qu’en
conséquence, les prix pourraient changer.
Je rendis compte au Général de la teneur de mes discussions
avec Madame GUEYE et des nouvelles propositions de prix qui
coûteraient à la Gendarmerie cinquante millions de plus, que la
somme initialement prévue pour le marché des tenues de com-
bat.
L’Etat-major reçut son aval pour payer plus cher la tenue du
fait que Bousso tenait à conserver sa marge, et madame
GUEYE tenait à avoir la même marge en achetant au prix fort
la marchandise.

84
Chapitre 7
Le renseignement Gendarmerie

La Gendarmerie est un des outils les plus performants du


système national de renseignement : son renseignement est très
ouvert et concerne tous les domaines, pour assurer la bonne
administration.
Elle est collée au terroir et à la population et récolte partout,
en tout temps et en tous lieux, les informations indispensables
au gouvernement, pour conduire une action administrative effi-
cace, sereine et maîtrisée pour le bonheur des populations.
A titre d'exemple, la Gendarmerie, dans le cadre de son ser-
vice, est obligée, deux fois de jour et une fois de nuit chaque
mois, de visiter tous les villages du Sénégal. Ces visites, dites
de secteurs, permettent de porter aux autorités administratives
les problèmes que vivent les populations et leur état d'âme.
Les problèmes que vivent les populations concernent tous
les domaines et permettent à la Gendarmerie de prévenir des
fléaux, comme certaines épidémies, certaines épizooties, les
famines, les mauvaises récoltes, certains délits récurrents et
beaucoup d'autres faits.
L'action de la Gendarmerie permet de porter très vite, auprès
des autorités responsables, ces informations pour que des me-
sures appropriées soient prises dans les délais requis. Cette ac-
tion représente 70% du travail de la Gendarmerie et est une
police essentiellement préventive.
La Gendarmerie est présente, et cette présence est une assu-
rance pour les populations de recevoir dans les délais requis les
moyens ou directives pour surmonter le problème.
Le renseignement de la Gendarmerie assure 80% des besoins
en information de l'état, il est un outil majeur de la bonne admi-
nistration, de la bonne gouvernance, en portant à l'attention des

85
autorités, les informations de toute nature, qui exigent une ac-
tion ou une prise en compte par les services de l'état.
Des sources plus ou moins fiables, selon une numérotation
précise et un classement sans faille qui va de A à C selon la
maîtrise du sujet par la source, fournissent toute sorte d'infor-
mations à la Gendarmerie, qui les recueille sans aucune énumé-
ration ou artifice.
Les informations sont recueillies de façon claire, limpide et
ouverte par les militaires durant l'exercice normal de leurs mis-
sions. Chaque tournée fait l'objet d'un compte rendu clair, con-
cis et précis pour relater ce que les gendarmes ont vu, constaté
ou entendu.
Ces informations font l'objet d'un rapport, si les faits relatés
sont précis, constants et constatés par la Gendarmerie elle-
même. Les gendarmes rédigent des rapports dûment signés et
transmis à l'échelon supérieur, pour démontrer et porter à la
connaissance des autorités, les faits qu'ils ont constatés, par
exemple, une mauvaise récolte, une invasion de criquets ou
encore la rupture d'une voie de communication.
Ces rapports sont très intéressants pour les différentes autori-
tés qui ont en charge le règlement de ces problèmes. Les autori-
tés sont redevables à la Gendarmerie de savoir, à temps et de
façon précise, les évènements qui se passent et la nature des
réponses attendues des populations,
Les rapports représentent 60% des informations transmises
et sont de la compétence exclusive des unités territoriales. Les
autres informations, soit les 20% qui suivent sont des faits, évè-
nements et mêmes rumeurs, portés à la connaissance de la Gen-
darmerie par diverses sources plus ou moins crédibles et inté-
ressées.
La source A est sûre, crédible et le renseignement ou infor-
mation qu'elle donne est certain, crédible et à sa portée. La
source B se trouve dans la périphérie de l'information qu'elle
peut glaner du fait de sa proximité. La source C est moins sûre,
loin de l'information qui n'est à sa portée que parce qu’une autre
source le lui aura fait connaitre.

86
Des lettres de 1 à 4 permettent de qualifier chaque source
pour renforcer le caractère certain jusqu'à aléatoire de l'informa-
tion. Ces informations, non constatées par la Gendarmerie font
l'objet de fiches de renseignement.
Les fiches de renseignement font la réputation de la Gen-
darmerie et entrainent deux attitudes constantes envers les gen-
darmes, le respect et la peur. La Gendarmerie est respectée par
la clarté et la qualité de ses fiches qui souvent après enquête
sont véridiques et indispensables à la bonne connaissance des
choses.
La Gendarmerie fait peur parce que son système permet de
lutter contre la plupart des dérapages, surtout dans les cam-
pagnes. C'est avec la peur du gendarme que commence la sa-
gesse.
Ces deux sentiments font redouter les fiches de la Gendar-
merie, les sentiments et états d'âme de la partie saine de la po-
pulation. Vivier de l'information gouvernementale, les gen-
darmes sont obligés de fournir un certain nombre de fiches et
sont notés en conséquence.
Le système d'information a permis à la Gendarmerie d'assu-
rer, de façon préventive, la sécurité des personnes et des biens.
C'est ce que rappelle l'adage, le service de la Gendarmerie est
d'essence préventive, elle a pour objet de prévenir… ; la répres-
sion ne traduit que l'échec de la prévention.
Ce système ne requiert aucune spécialisation, parce que le
gendarme n'est pas un agent spécial, il agit en uniforme et con-
formément aux ordres de ses chefs, il n'a nul besoin de se ca-
cher ou de manœuvrer pour obtenir des informations.
Il cible des personnes saines et équilibrées, discutent avec
elles sur des faits précis dont ils peuvent avoir connaissance de
par leurs fonctions, leur statut, leur vision, leur écoute et leur
respectabilité.
Des personnes qui ont conscience des enjeux et du service
de la Gendarmerie, notamment les anciens gendarmes, les no-
tables et autres personnalités, donnent des informations de fa-

87
çon volontaire et soutenue aux militaires de la Gendarmerie,
pour préserver le bon ordre et la tranquillité publique.
On peut citer l'exemple du maire qui entend que le directeur
d'école est un pédophile, sans en avoir une preuve. On peut
citer l'exemple de l'employé syndiqué qui participe à une réu-
nion houleuse de son syndicat. On peut enfin prendre l'exemple
de la dame qui tient un salon de coiffure et qui reçoit journelle-
ment les confidences de ses clientes et qui rapporte les ragots
des mœurs du coin.
Ces personnes, de bonne comme de mauvaise foi, donnent à
la Gendarmerie la plupart des informations dont elle a besoin.
Des gendarmes ont pu fricoter avec un Service Spécial en
étant affectés, pour les besoins de l'état, dans ces services qui
sont diversement établis par l'Etat. Moi-même, j'ai eu à servir
comme beaucoup d'autres officiers et sous-officiers dans de
telles structures.
Ces gendarmes pour exercer plus efficacement et mettre en
œuvre des méthodes précises, reçoivent la formation appropriée
en suivant des cours à l'étranger, ou des stages nationaux orga-
nisés annuellement, avec l'appui de Services Spéciaux étrangers.
Dans mon cas, j'ai suivi une formation de spécialiste du ren-
seignement en France, aux États unis, et en Israël. En outre j'ai
participé à des stages nationaux et internationaux. Je suis spé-
cialiste de la lutte antiterroriste pour avoir bénéficié de cours et
avoir été certifié de cette compétence par la DGSE française et
le FBI américain.
A la différence du recueil d'information par la gendarmerie,
le service spécial use de moyens techniques, comme les écoutes,
ou de moyens humains, tels que la manipulation, pour obtenir
des informations plus que protégées.
Ce domaine concerne 5% des besoins en information de
l'Etat. Ayant acquis dans le renseignement ouvert (Police, Gen-
darmerie, Presse, Diplomatie et toute autre source ouverte) les
95% d'informations dont il a besoin, l’Etat met en œuvre un
ensemble de moyens, humains ou techniques, clandestins pour

88
acquérir, contre vents et marées, la plupart des informations que
ses amis comme ses ennemis lui cachent.
La mise en œuvre de procédures clandestines, plus ou moins
honnêtes et souvent illégales, est de facto entreprise pour acqué-
rir ces informations.
Chaque phase a son spécialiste qui doit simuler pour obtenir
ces informations et dissimuler pour échapper aux contre-
attaques adverses.
Plusieurs spécialités couvrent cette gamme clandestine qui
va du technicien de recueil, qui use de technologie d'avant-
garde, à l'officier traitant, qui manipule et recrute des agents de
renseignements, et à l'exploitant, qui filtre les informations pour
les mettre à la disposition d'analystes qui donnent aux décideurs
les informations.
C'est un jeu de haute noblesse, où les pertes sont nombreuses,
les résultats mitigés et les bilans jamais publiés. Ce métier né-
cessite abnégation totale, oubli personnel, engagement sans
limites et compétence maitrisée.
Un Officier de renseignement est un homme d'honneur, in-
telligent et disponible pour sa communauté. Son métier exclut
l'apprentissage et l'amateurisme.
L'amateurisme est grave en termes de renseignement et
l'exemple qui suit en démontre le caractère pernicieux et dange-
reux pour un Etat.
En l'absence du Général FALL, Hautcomgend, en mission
au Congo, j'ai participé à un fait grave et inimaginable pour la
Sécurité nationale. Je me suis trouvé réveillé et convoqué à trois
heures du matin par le Président de la République lui-même
pour participer à une réunion urgente de Sécurité nationale.
Le Président de la République avait reçu des renseignements
faisant part d'une attaque imminente contre son régime. Des
containers d'armes seraient déjà entreposés dans le port de Da-
kar et un commando de deux cents hommes devait débarquer à
l'Aéroport LSS pour prendre ses armes et détruire son régime.

89
Il était demandé, dans l'urgence, aux Services de sécurité de
prendre les mesures idoines et urgentes pour protéger les insti-
tutions de la République. A 3H30, nous retournâmes dans nos
commandements pour prendre ces mesures.
Nous étions de nouveau convoqués vers 10H30, pour faire le
point et définir la meilleure stratégie à même de battre les soi-
disant mercenaires qui en voulaient au régime.
La réunion fut décevante par les laudateries dont avaient fait
preuve la plupart des responsables de la République participant
à la réunion, Officiers généraux comme Ministres. Leur dis-
cours militant se résumait dans « Dieu protège votre régime et
vos ennemis ne peuvent rien contre vous ».
Seul le CEMGA fit preuve de retenue en disant clairement
ne pas devoir s'affoler devant deux cents mercenaires. Mon
tour de parole jetta l'émoi dans la salle et on entendait les
mouches volées. Je posai au Président de la République la seule
question qui valait : " Quelle est sa source, et quelle est la va-
leur de sa source ?".
Le Président fut interloqué par cette question à laquelle, non
seulement il ne s'attendait pas, mais plus grave, dont il ne maî-
trisait pas la réponse. Le père WADE, l'homme le plus diplômé
du Caire au cap, ne savait ni ce qu'était une source, encore
moins les termes de classification.
Enervé et hors de lui, il me demanda de préciser ma question
en m'affirmant que cette réunion était sérieuse et qu'on ne m'y
avait admis qu'à la place de mon chef, il pardonnait mes erre-
ments, du moment que je n'avais pas l'expérience de cette réu-
nion.
Je précisais ma question en lui demandant comment il avait
reçu son renseignement, qui était la personne qui lui avait porté
ce renseignement et quelle confiance pouvions-nous lui accor-
der.
Il fit appeler par son aide de camp son petit-fils garde de
corps Lamine FAYE et lui demanda sans autre civilité d'intro-
duire dans le Conseil de Sécurité son agent. La personne fut
introduite avec son costume de Colobane et sa mine patibulaire.

90
J'eus la surprise de ma vie et je me suis demandé comment
de telles personnes pouvaient accéder aussi facilement à un
Président de la République et lui porter des informations aussi
graves, aussi fallacieuses et aussi inadmissibles.
WADE, contre toute attente, me livra son informateur, ou
plus exactement l'informateur de son petit-fils et garde de corps.
Je lui demandai d'emblée combien il avait reçu après avoir livré
une telle information, il me répondit deux millions.
Je lui demandai comment il avait eu cette information, était-
il de la bande et combien les membres du commando allaient
percevoir pour attaquer un pays comme le Sénégal.
Le gars ne sut que répondre. Comme tout menteur, il se mit
à bégayer et à trembloter. WADE mit fin à l'entretien, le traita
de gros menteur et ordonna la restitution des deux millions.
Lamine FAYE et son informateur m'en voudront à jamais et
WADE leva la séance pour retourner à des tâches plus sérieuses.
En 2005, le renseignement dans la Gendarmerie va subir un
duel qui opposera, dès le départ, le Haut Commandant et le
Haut Commandant en second sur la conduite du renseignement
Gendarmerie.
Le HCS est un officier de renseignement qui a eu des res-
ponsabilités réelles et constatées à la DDSE où il a fait office
d'officier Situation Synthèse, donc premier Analyste du Service,
après avoir été Officier traitant dans plusieurs affaires.
Le HCS a dirigé de façon experte une des cinq directions du
Centre National de Coordination et d’Animation du Rensei-
gnement CENCAR, en qualité de chef de la cellule Subversion
Terrorisme. A ces différents titres et fonctions, il est un Officier
de renseignement avec plus de dix ans d'expérience au plus haut
niveau.
Le Haut Commandant, le Général Abdoulaye FALL, est un
amateur qui a fricoté avec le renseignement dans deux cadres,
en premier lieu comme support de l'antenne locale du CEN-
CAR, en sa qualité de Commandant de légion sud, en second
lieu en mentant au Président de la République sur sa fonction
réelle dans la lutte contre le MFDC.

91
Ayant acquis des capacités de manipulation hors pair dans la
gestion du dossier Casamance, le Général entend conserver ce
dossier et a besoin pour ce faire d'orienter la Gendarmerie dans
la recherche de renseignements de façon spéciale et clandestine.
A ce titre, il entend outiller la Gendarmerie de moyens tech-
niques et humains à utiliser clandestinement pour obtenir des
informations, non seulement dans le cadre de la lutte contre le
MFDC, mais aussi plus grave dans tous les domaines que la
déontologie et l'éthique interdisent à la Gendarmerie.
La Gendarmerie s'est interdite, en toutes circonstances, les
missions occultes et rien ne saurait justifier son implication
dans des méthodes illégales, équivoques et peu orthodoxes,
comme l'information politique.
Le Général détourne la Section de Recherche de sa princi-
pale mission judiciaire pour l'impliquer dans le renseignement.
La Section de Recherche se vit octroyer deux missions et se vit
rattacher contre la doctrine, les règles de compétence et la déon-
tologie, toutes les Brigades de Recherches.
La première mission des unités de recherche est effective-
ment leur mission première de police judiciaire spécialisée ; la
deuxième mission, plus qu'équivoque, dangereuse pour l'institu-
tion, est la recherche de renseignements, comme un service
spécial, avec usage de moyens et de procédés clandestins.
Je pris la résolution par conviction et par compétence de
m'opposer à cette mission que je juge inadmissible, illégale et
pleine de risques pour l'avenir de la Gendarmerie. Le mélange
des genres dans une unité de recherche aura des conséquences
graves pour le renseignement dans la Gendarmerie.
Mon opposition au projet fut clairement exposée en pleine
réunion de Commandement. Je donnais les arguments pour
montrer que ce projet n'avait pas sa place, que le rattachement
des unités de recherche à la Section est une hérésie, qui diminue
les capacités opérationnelles des Commandants de légion, et
que le renseignement est une affaire de spécialistes et devait
concerner des Services spéciaux, et non la Gendarmerie.

92
La plupart des officiers appuyèrent mon argumentation et
démontrèrent que le projet ne ferait qu'apporter des dissensions
et des difficultés dans son exécution. Ils participèrent à une
démonstration sans faille de la mise en place d'une aventure
risquée, pernicieuse et mortelle pour le renseignement Gendar-
merie.
Le Général et son Cabinet ne virent dans mon opposition
qu'une haine viscérale contre le Commandant Moussa FALL, à
qui on venait de confier les destinées de la Section de Re-
cherche. Je connaissais les relations intimes de Moussa et du
Général.
Pour les justifier, ils se faisaient passer pour neveu et oncle
alors qu'ils ne sont en rien parents. J'ai connu Moussa FALL en
même temps que le Général, lorsqu'il a été nommé, en 96 peut-
être, Commandant de Compagnie de Ziguinchor alors que le
Général était Lieutenant-colonel, Commandant de légion Sud.
Leurs magouilles et malversations les ont liés et justifient ce
destin commun et cet esprit de prédation qui qualifie l'ensemble
de leur action.
Le Général a une confiance totale en Moussa FALL et
Moussa est capable de tuer pour ses intérêts et les intérêts du
Général. SOW, pourtant un puriste des unités de recherche,
s'allia à eux par opportunisme et ambition démesurée.
A mon humble avis, deux paramètres guidaient le Général
dans sa décision de lier les unités de recherche à la section de
recherche et de leur confier la police judiciaire et le renseigne-
ment.
En premier lieu, il entendait continuer à manipuler l'Etat, no-
tamment le Président de la République, en lui fournissant des
renseignements de première main, surtout dans le domaine poli-
tique et ainsi garder la confiance totale et absolue du maître.
En second lieu, il voulait donner à Moussa FALL un outil,
libre et indépendant de toutes les structures de Commandement,
un outil à leur disposition exclusive pour contrôler et conduire
l'ensemble de la Gendarmerie.

93
Je n'avais contre ce dessein criminel que l'expression de mon
indignation. Moussa FALL, en dehors de l'Etat-major, fit affec-
ter dans la Section de Recherche une liste de gendarmes, et
gradés sans états d'âme, malhonnêtes, indisciplinés et sans foi.
Une bande de voyous était mise en place pour les basses be-
sognes.
Les scandales allaient s'installer et les enquêtes ouvertes
contre des éléments de la section de recherche et des brigades
de recherches qui allaient mettre en place un système véreux et
abusif. Certains tomberont sous mon couperet tellement les
fautes commises dépassaient l'entendement.
Certains militaires ont été dénoncés par les parquets, comme
le Commandant de la brigade de recherche de Thiès, qui avait
été cité dans une affaire de blanchiment de la drogue saisie,
comme ce fut le cas des policiers de Lyon.
Je ne l'avait pas loupé, je l'avais fait relever et verser dans
une unité mobile en attendant d'avoir les moyens de le faire
passer en conseil d'enquête.
Le Général demanda la clémence et il eut la chance de faire
intervenir des amis dont il ira jusqu'à épouser une fille. Il voulut
me servir d'agent contre les prédateurs, mais je n'en voulus pas
et plus grave, ce sous-officier a été nommé, en 2010, Comman-
dant de la plus prestigieuse de nos brigades, THIONCK.
La section de recherche ne me lâcha pas non plus, comme
elle ne lâcha pas certains officiers de l'Etat-major, les Colonels
comme TINE et Ismaila SARR, qui furent suivis et espionnés.
N'ayant aucune compétence clandestine, ces sous-officiers
se faisaient repérer sur l'heure et les dénonciations faites au
Général n'aboutissaient jamais, lui-même arguant de notre para-
noïa contre la Section de Recherches.
Ces militaires alimentèrent le Général et le gouvernement
avec des fiches prétendant toute sorte de conduite dérivante de
notre part comme alcoolisme, magouilles, corruption, femmes
et même complot contre la sureté de l'état.
Le Colonel TINE, qui les connaissait le mieux, voulut en dé-
faire la Gendarmerie, mais je ne tenais pas à une confrontation

94
avec le Général. Je n'avais rien fait de mal et je devais m'en
foutre de leurs racontars et manipulation, je les laissais me
suivre, les coinçais de temps à autre et je m'en arrêtais là.
Sur le renseignement, ce système fut fatal, les unités inter-
prétèrent la directive comme leur exclusion du renseignement,
qui ne concernait dès lors que les unités de recherche.
Toutes mes tentatives pour relancer le système traditionnel
furent un échec cuisant devant une interprétation restrictive des
Commandants de légion qui, par révolte, avaient exclu le ren-
seignement de leur domaine d'action.
A jamais, le renseignement était mort dans la gendarmerie
et la conséquence la plus visible est la prolifération des mani-
festations de toutes sortes, des populations qui se croient aban-
données pour des problèmes de survie comme l'eau, l'électricité,
le manque de médicaments, de structures sanitaires ou d'infras-
tructures.
Les autorités administratives ne pouvaient plus anticiper et
répondre de façon préparée aux attentes des populations. Encore
un crime du Général FALL et de sa bande de prédateurs.

95
Chapitre 8
Affaire Omar Lamine Badji

La gestion du dossier Casamance par le Général, malgré les


demandes formelles que je lui ai adressées pour différencier le
Commandement d'une institution vertueuse d’un dossier nébu-
leux et difficile, sera une autre source de difficultés pour l'Etat-
major Gendarmerie.
Le Général, pour des raisons mercantiles, n'a jamais voulu se
séparer du dossier fructueux du MFDC. Les échecs répétés de
Foundiougne 1 et 2 qui devaient le faire sanctionner, avaient
permis à d'autres personnes, d'autres structures de lui disputer la
gestion du dossier.
Farba SENGHOR comme Mbaye Jacques DIOP avaient
profité des errements et mensonges du Général pour ouvrir une
brèche et obtenir des pans du dossier.
Durant le Commandement de Pathé SECK, le Général fera
relever deux officiers pour manque de collaboration en Casa-
mance. Ismaila SARR poursuivra les rebelles jusqu'en Gambie
pour obtenir justice après l'assassinat du gendarme SONKO. Il
fera interpeler les coupables, mais se verra arrêter sur injonction
du Général FALL pour obstruction des avancées du dossier.
Tabaski DIOUF manquera deux fois de suite le tableau
d'avancement pour avoir dit certaines vérités sur le dossier
MFDC et avoir fourni des renseignements contraires aux vœux
du Général FALL.
Le Commandant de zone se verra lier les mains pour ne plus
agir contre le MFDC et pour faciliter des négociations qui ne
viendront jamais.
Le Général passera des deals importants avec des groupes de
rebelles qui imposeront leurs lois sur certaines zones de la Ca-
samance en toute impunité.

97
Jamais, à ma connaissance, le MFDC n'a pu occuper et forti-
fier des positions, violer le sanctuaire national, si ce n'est avec
la complicité coupable du Général qui fait croire à l'Etat l'immi-
nence d'un Cessez-le-feu et d'un Accord de paix.
En complicité avec le Chef d'Etat-Major Général qui avait
fait refuser le contact à ses forces et avait laisse les rebelles se
mouvoir en toute impunité, le Général gendarme, alors CEM-
PART, consolidait les positions du MFDC. Dans une situation
de drôle de guerre l'armée surveillait les rebelles sans possibilité
de les réduire ou au moins les contrôler.
Les rebelles, en position de force, cessaient de faire des at-
taques comme des exactions. Ils pillaient cependant systémati-
quement la région en faisant, comme le Général, des coupes du
bois de ven, en organisant le vol de bétail et en faisant un trafic
important de drogue. Cette économie de guerre permettait de
parfaire l'armement et de vivre comme des princes en Guinée
Bissau et en Gambie.
Leur mainmise sur la Guinée Bissau ne laissa pas de marbre
le chef d'Etat-major, TAGME. Le Capitaine de vaisseau, Samba
FALL, Attaché militaire, fera son possible pour renseigner cor-
rectement sur le MFDC et son potentiel.
Samba FALL mettra les pressions et obtiendra des Guinéens
de Bissau la réduction des bases rebelles installées à la frontière.
Les mensonges du Général FALL et la complicité du CEM-
GA, qui évitait les problèmes et les pertes, permirent au MFDC
d'échapper à l'étau guinéen et de s'échapper vers la Gambie pour
y renouveler leurs bases et appuis avec l'aide du régime gam-
bien.
Pendant deux ans, voire trois, les armées sur instruction pré-
sidentielle produite par le Général FALL, CEMPART abandon-
neront au MFDC des positions qu'il sera très difficile de recon-
quérir.
Les services de renseignement se taisaient sur la Casamance
ou bien reçoivaient les foudres du Général FALL, qui mentait et
manipulait le Chef de l'Etat. Le vieux Président croyait, effecti-
vement, que la paix était proche. Les militaires ne mourraient

98
plus et la presse ne se faisait plus l'écho d'une Casamance meur-
trie et assommée.
Deux cents millions étaient fournis mensuellement au Géné-
ral et à ses neveux gendarmes qu'il employaient comme agents
de liaison avec la Casamance et distributeurs de liasses, pour
corrompre des groupes de notables et de prétendus rebelles.
Ces personnes recevaient des miettes et chantaient au Prési-
dent de la République les louanges du Général qui faisait un
excellent travail contre le MFDC alors qu'il était le principal
complice de la rébellion. Une bonne partie de cet argent étaitt
détournée pour construire des villas et investir dans le verger de
Niague.
La confiance absolue du Président WADE envers le Général
FALL le gendarme donna des ailes et des moyens illimités pour
conduire la gestion du dossier, en écartant des compétences et
des bonnes volontés.
La gestion de ce dossier était incompatible avec le comman-
dement de la Gendarmerie. Je fis pression sur le Général pour
qu'il abandonne le dossier en montrant au Président les difficul-
tés de maintenir le cap avec les charges de la Gendarmerie.
Les promesses faites à moi et à l'Etat-major Gendarmerie
restaient des mensonges et il se trouvait de plus en plus mêlé au
dossier de la Casamance.
Il fut plusieurs fois, contre toute logique, refusé une escorte
au Président Mbaye Jacques DIOP du CRAES, par rivalité sur
la gestion du dossier. Je dus prendre sur moi la responsabilité de
répondre favorablement aux demandes d'escorte de cette autori-
té. Sa fille, chef de son protocole, encore un népotisme de l'al-
ternance, en était un témoin vivant.
Avec Farba SENGHOR, le combat fut plus rude du fait des
appuis de Farba dans la famille présidentielle. Farba fera tout
son possible pour démontrer l'absence de résultat dans la ges-
tion du dossier Casamance. Il conduira des délégations et des
délégations de responsables et de rebelles en audience, chez le
Président de la République.

99
De bonne foi, sans pourtant avoir le discernement requis, il
apporta son soutien à des pans du MFDC pour trouver la paix. Il
voulait servir son Président en bon partisan.
Le Général tenta de mettre le renseignement et la Section de
Recherches contre lui pour le mettre hors circuit, Farba répondit
en s'impliquant dans tous les dossiers contre la Gendarmerie,
comme après l'intervention musclée d’Ouakam.
C'est dans ce cadre qu'intervint l'assassinat du Président du
Conseil Régional de Ziguinchor, Omar lamine BADJI. Omar
Lamine BADJI a été assassiné la veille de la tabaski chez lui,
devant sa famille.
Le meurtre avait tout l'air d'un assassinat programmé et exé-
cuté sans faille par une bande armée. Tout laissait croire que cet
assassinat était l'œuvre du MFDC qui entendait exécuter un des
plus hauts responsables de la République en Casamance.
Le procédé n'était pas nouveau, un sous-préfet avait été exé-
cuté et bien avant, un député aussi avait été exécuté. La surprise
provenait cependant du fait que la victime était un diola et il
était rare et exceptionnel que le MFDC exécute de sang-froid un
ressortissant de la Casamance.
Cet assassinat jetta l'émoi sur la République et nécessita une
réponse appropriée de l'état.
La Gendarmerie prit l'enquête sous la direction du Colonel
Meissa NIANG, qui très vite et avec l'appui des ressortissants
du village de la victime, fit des avancées extraordinaires.
La piste politique qui voudrait une rivalité entre respon-
sables PDS du département de Bignona était vite exclue. Des
personnes nommées ont été citées comme auteurs et complices
du meurtre.
Le Colonel et ses enquêteurs arrivèrent, dans des délais plus
que raisonnables, à arrêter des personnes impliquées et à lancer
des avis de recherche contre d'autres, qui se s’étaient réfugiées
dans le maquis en rejoignant le MFDC.
Un personnage important, probable organisateur du meurtre,
était arrêté une semaine après le déclenchement de l'enquête. Le

100
point de situation, que me fit le Commandant de légion, était
éloquent sur les responsabilités de la personne arrêtée.
Tout laissait croire que la bande de meurtriers s'était prépa-
rée chez elle, en y séjournant et en y prenant des repas en atten-
dant l'arrivée de la victime, qui venait de Dakar.
Les tueurs étaient effectivement des membres armés du
MFDC qui avaient pu s'échapper et rejoindre les rangs après
leur forfait. Le complice ou commanditaire, par contre et selon
ce que dit l'enquête, était bel et bien arrêté et à la disposition de
la Gendarmerie.
Tout content du compte rendu et du résultat que les éléments
du Colonel NIANG avaient mis entre mes mains, je fonçais
dans le bureau du Général, pour lui rendre compte moi-même
de l'avancée du dossier. Il ne fut pas très surpris, malgré mon
enthousiasme.
Je crus qu'il avait aussi reçu le compte rendu de Meissa
NIANG. C'était une habitude de la maison. Les Commandants
de légion me rendaient compte mais ils rendaient compte aussi
au Général des mêmes faits. Je ne m'en offusquais pas, connais-
sant parfaitement les procédures traditionnelles, malgré toute la
réforme.
Je rendais quand même compte de ce dont venait de me
rendre compte le Commandant de légion. Le Général m'ordonna
de stopper tout et de dire au Commandant de légion de s'arrêter
là.
Selon le Général, le Commandant de légion avait bien tra-
vaillé mais il était impératif d'envoyer la Section de Recherche
continuer l'enquête avec des moyens plus conséquents.
Il m'était ordonné de demander le soutien de l'Armée de l'Air
au SOUSCEMGA, pour acheminer dans les meilleurs délais des
hommes de la Section de Recherche.
Je voulus parlementer pour laisser la Légion continuer au vu
des résultats obtenus. Le Général me fit comprendre la nécessité
de prendre en compte les capacités de la SR, plus outillée pour
conclure l'enquête.

101
Je dus une fois de plus, en subordonné discipliné, me sou-
mettre à cet ordre, qui quoi qu’il en soit était légal et légitime.
La SR avait effectivement plus de moyens et plus de techniques.
Je répercutais au Colonel NIANG et demandais l'appui de l'Ar-
mée de l'Air, pour déposer la SR par avion à Ziguinchor.
Le lendemain, je reçus un coup de fil très matinal du Com-
mandant de légion, Meissa NIANG. Il me rendait compte que le
nommé Abba DIEDHIOU, principal suspect dans l'assassinat
du Président du Conseil Régional de Ziguinchor, contre qui la
veille, ses éléments avaient réuni des indices graves et concor-
dants de complicité de meurtre, était décédé dans les locaux de
la Brigade.
Il avait mis le Gardé à vue à la disposition de la Section de
Recherche la veille dès leur arrivée à Ziguinchor. Je lui ordon-
nais d'ouvrir de suite une enquête et de tenir informées les auto-
rités judiciaires.
Je descendis une fois de plus chez le Général pour lui rendre
compte de la situation et l'informer des ordres que je venais de
donner à la Légion, tenant compte de la gravité des faits.
Il me demanda de le laisser faire et que lui-même conduirait
cette affaire très sensible. Vers midi, je reçus un compte rendu
faisant état d'un accident survenu lors du transport d'Abba
DIEDHIOU. Il avait sauté du véhicule et s’était heurté la tête
sur la chaussée, et que sa mort s'en était suivie.
Cette version étaitt servie aux autorités judiciaires et aux au-
torités administratives. Aucune enquête, aucune autopsie n'était
entreprise, le Général mit tout son poids dans la balance et cette
affaire étaitt classée sans suite, et avec la thèse de l'accident.
La mort d'Abba DIEDHIOU qui selon toute hypothèse, était
mort soit suite à des actes de torture, soit assassiné pour lui
clouer à jamais le bec, entraînait de facto la perte de toutes les
pistes qui concernent la mort d’Omar Lamine BADJI.
Il était grave que l'Etat ait pris, avec une si grande légèreté,
la version de l'accident fournie par les gendarmes, sans que le
Procureur ou un Juge d'instruction daigne y mettre le nez.

102
Le Colonel Meissa NIANG fut très déçu de cet épisode de sa
vie. Il était rapidement réaffecté à Dakar pour prendre un
Commandement important, notamment le Commandement de la
Gendarmerie Territoriale.
Abba DIEDHIOU était bel et bien mort et, avec lui, toute
possibilité de résoudre un des crimes les plus importants liés au
MFDC.
Le même sort se fera à l'assassinat du Chérif Samsdine AI-
DARA, un des sages de la paix en Casamance, qui lui aussi,
était assassiné comme Omar Lamine BADJI.
L'enquête confiée à la gendarmerie n'aboutira à rien, et
toutes les pistes étaient brouillées en arrêtant, sans discerne-
ment ni preuve, des parents et cousins accusés d'y avoir partici-
pé. Des mandats de dépôt ont été délivrés contre ces personnes
malgré leurs dénégations et alibis.
Une enquête très orientée, selon certaines sources, enleva
tout crédit aux procès-verbaux de la Gendarmerie. Farba, le fou
du village, n'hésita pas à accuser le Général de parti pris et de
brouillage des pistes. Il avait demandé plusieurs fois le dessai-
sissement de la Gendarmerie.

103
Chapitre 9
Le carburant gendarmerie

La mobilité est un des aspects les plus importants du service


de la Gendarmerie. Les patrouilles, les tournées, les visites de
secteurs, les interventions et les transfèrements nécessitent quo-
tidiennement l'emploi de moyens roulants.
La Gendarmerie, grâce à une intervention personnelle et ur-
gente du Président de la République, par le plan SALEH, mit en
œuvre, le Premier février 2006, un parc neuf ou rénové de plus
de trois cent cinquante véhicules de tout gabarit (berline, 4X4,
camionnette, motos et camions, sans oublier les engins spé-
ciaux).
Sur conseil du Ministre de l'Intérieur, Ousmane NGOM, la
Gendarmerie soumit au Gouvernement un plan de mobilité qui
avait l'ambition de doter toutes les unités en moyens automo-
biles suffisants, performants et capables de permettre l'accom-
plissement de toutes les gammes de missions, police administra-
tive, police judiciaire, police militaire et maintien de l'ordre.
En outre il est prévu de pourvoir les Commandements et
Etats-majors de véhicules de gamme commerciale, aptes à assu-
rer les liaisons indispensables.
Cette ambition épousait les nouvelles structures, objet de la
réforme adoptée dès janvier 2006. Un besoin de trois cent cin-
quante véhicules était défini dans la partie du plan d'équipement
soumis par l'Adjoint logistique, le Colonel TINE.
Les entrées du Général au Palais et ses relations personnelles
amènent le Président à autoriser la partie mobilité en urgence, et
sans aucune procédure budgétaire.
Un jour, je fus convoqué dans le bureau du Général pour me
faire présenter un Libanais, du nom de Youssouf SALEH, avec
qui je devais travailler avec le Colonel TINE pour réaliser les
véhicules prévus dans le plan d'équipement.

105
Je ne devais pas me préoccuper du paiement de ce matériel
qui était à la charge du Président de la République. Dans l'en-
tendement du Général, SALEH prêtait 6 milliards de FCFA à
l'état pour assurer la mobilité de toutes les unités de Gendarme-
rie. L'Etat-major avait juste à lui fournir un cahier des charges.
Le cahier des charges fut établi après plusieurs réunions
d'Etat-major, regroupant, sous mon autorité, les services de
l'Adjoint logistique, le Colonel TINE, le Centre Technique de la
Gendarmerie Nationale aux ordres du Lieutenant-colonel SY et
Monsieur SALEH.
Le Colonel TINE fit un travail remarquable en définissant
les différentes catégories de véhicules à réaliser. En premier
lieu, des véhicules de la gamme commerciale étaient prévus
pour équiper les Etats-majors, les unités territoriales et même
certaines unités mobiles. Le choix était fait pour la catégorie
berline sur la gamme Peugeot et pour les 4X4, la gamme Toyo-
ta.
En second lieu, il étaitt prévu pour les besoins tactiques et le
maintien de l'ordre, d'acquérir des véhicules rénovés de la
gamme Saviem ou Unimog, selon les offres disponibles. Ces
véhicules tactiques et engins spéciaux étaient prévus pour équi-
per les unités mobiles et les nouveaux escadrons territoriaux.
Une troisième composante était prévue pour remplacer les
engins blindés de la LGI, déployés pour répondre aux besoins
des FPU qui devaient en être équipés.
Cette troisième composante posa problème du fait que l'Etat
avait déjà avancé dans les fonds OPEX, des moyens pour réali-
ser ces engins blindés et les recherches de NDIAYE pour trou-
ver des blindés en Italie, étaient restés infructueuses.
Spécialiste de l'Arme Blindée Cavalerie, le Colonel TINE
restait très exigeant sur ces engins. Cette position avit énervé
très souvent le Libanais SALEH, habitué à imposer ses points
de vue aux démarcheurs de l'état, et qui, en outre, prêtait son
argent. TINE, comme moi, fîmes face pour respecter le cahier
des charges, tel que défini par les études d'Etat-major.

106
SALEH voulut alors user des méthodes de persuasion en
cours en proposant, aussi bien à moi qu'à TINE, des moyens
considérables. Il me proposa un appartement en plein centre de
Dakar, qu'il estimait en valeur à deux cent cinquante millions
de FCFA, dans un immeuble qu'il était en train de construire.
Il me fit comprendre que sa sœur, toujours à Dahra Djoloff
réglerait, avec le Général, les modalités de sa participation.
SALEH fut éberlué par mon refus, il ne voulut plus me juger,
me trouvait bizarre pour un grand responsable ; il me respecta,
je pense, de façon spontanée et sincère et ne rechignât plus de-
vant mes conditions
Il proposa au Colonel TINE d'emblée une trentaine de mil-
lions pour revoir certaines exigences du cahier des charges,
surtout sur les blindés. Le Colonel TINE refusa et m'en rendit
compte et j'eus une dernière et finale discussion sur la corrup-
tion avec SALEH, pour lui signifier que mon équipe était incor-
ruptible.
Dès lors, il promit de respecter à la lettre le cahier des
charges, après la démonstration du Colonel TINE des gains
considérables qu'il avait dans ce marché. L'essentiel, pour nous,
étant qu'il réalise les véhicules commandés.
Le Colonel TINE en profita pour lui imposer la réalisation
de pièces de rechange pour les véhicules tactiques avec la mise
à notre disposition, pour chaque catégorie de véhicules, de
pièces détachées.
Les véhicules réalisés nous furent présentés en février par le
Commandant du CTGN. Je semblais très satisfait de mon tra-
vail, quand le Colonel TINE attira mon attention sur le choix de
la gamme Citroën et Mitsubishi, à la place de Peugeot et Toyota.
Selon Tine, ce choix augmenterait considérablement les besoins
en maintenance.
Il me fit remarquer, en outre, la gamme très basse des véhi-
cules réalisés. Le choix fait ne présentait aucune option majeure,
en somme des véhicules très ordinaires.

107
Je fis convoquer SALEH pour refuser son offre et lui exiger
la commande faite et le respect du cahier des charges et devant
le Général.
Contre toute attente, le Commandant du CTGN émit un avis
d'expert, pour conseiller de prendre effectivement les véhicules
mis à notre disposition.
Le Colonel SY convainquit le Général du bon choix sur les
véhicules présentés, arguant que les options, ne feraient
qu'alourdir les entretiens et autres frais de maintenance.
Cette affirmation pouvait être fondée et se justifier. Cepen-
dant, le Colonel TINE soutenait une idée irréfutable, si les véhi-
cules étaient sans option : les prix devaient baisser en consé-
quence, la Gendarmerie devait en profiter pour gagner une di-
zaine voire une vingtaine d’autres véhicules.
Le Général accepta les véhicules tels que présentés, se félici-
ta du bond énorme que la Gendarmerie venait d’accomplir en
termes de mobilité et tint un discours approprié sur la mainte-
nance.
Ce discours était une invite à l’arrêt du combat fratricide
Loumbol – TINE. Il donnait un avantage certain à Loumbol, à
qui était confiée exclusivement la maintenance du matériel.
Les Brigades comme les structures de Commandement et
d’Etat-major étaient très heureuses d’être convoquées à Dakar
pour se voir livrer un ou deux véhicules neufs. L’Etat-major
procéda par note à une distribution dans toute la gendarmerie.
Les officiers qui exerçaient un commandement ou des res-
ponsabilités se virent affecter un véhicule neuf. Les adjoints et
certains, comme moi, furent redotés avec les anciens véhicules,
acquis sous le commandement de Pathé SECK.
La gestion rigoureuse du carburant devenait une nécessité,
surtout qu’avec la crise de l’énergie, son coût ne cessait
d’augmenter. La Gendarmerie avait des véhicules neufs, mais à
tout moment, elle pouvait être en rupture de mobilité du fait de
la cherté du carburant.
Le Colonel TINE reçut les ordres pour conduire une étude
technique sur le carburant Gendarmerie et définir une nouvelle

108
politique de dotation des unités à mettre en œuvre par le CTGN.
Cette politique devait permettre une dotation minimum des
unités pour faire face à la charge missionnelle.
Le Général décida de faire une réserve de 15% sur la dota-
tion totale en carburant, en faisant revivre les soutes des légions
de Gendarmerie. Toutes les soutes seraient remplies et consti-
tueraient une réserve, à la disposition exclusive du Haut Com-
mandement.
L’Etat-major devait suivre ces soutes et en faire le point de
façon quotidienne dans le bulletin de renseignement quotidien
établi par les unités et centralisé par le COG.
L’étude du Colonel TINE montrait un déficit budgétaire de
120 à 150 millions annuels, déficit qui supposait une dotation
mensuelle de 60 millions sur la base d’un budget carburant de
600 millions.
Pour assurer la mobilité, le haut commandement se promet-
tait de trouver auprès des autorités l’apport financier indispen-
sable pour acheter le carburant des mois de novembre et dé-
cembre.
Tenant compte des instructions d’Etat-major, données par
une instruction personnelle au chef du CTGN, ce dernier réali-
sait mensuellement le carburant jusqu’à concurrence, des 60
millions prévus.
Pour faire face aux augmentations non prévisibles, il lui était
ordonné de fixer un montant mensuel à chaque unité, le nombre
de litres dépendant, dès lors, du prix.
Un compte rendu mensuel était fait sur la base des réalisa-
tions et de la distribution. Ce compte rendu du CTGN était pris
en compte par la Division Soutien Équipements de la chaine
logistique, et comparé journellement au bulletin carburant, qui
faisait partie intégrante du Bulletin de Renseignement Quoti-
dien.
La seule difficulté d’appréciation réside dans la dotation qui
ne faisait référence qu’à la valeur nominale en CFA du carbu-
rant et le nombre effectif de litres reçus.

109
L’Etat-major n’avait aucune idée du prix dépensé, se conten-
tant du nombre de litres reçus par l’unité, le suivi portait sur ce
volume de carburant lié à la consommation possible du véhicule.
Le contrôle sur pièces, mis en place par l’Etat-major Gen-
darmerie, dont j’étais responsable, avait failli et n’avait pas été
en mesure de suivre de façon efficace et soutenue, les dépenses
carburant.
Le Colonel TINE eut plusieurs fois des discussions tendues
avec le Colonel SY sur les données carburant, mais je ne pou-
vais comprendre ses préoccupations et je laissai SY conduire
son affaire en toute liberté, l’essentiel étant qu’il respecte les
directives.
Le 5 août 2006, la Gendarmerie n’avait plus de carburant.
Les unités, et notamment les Commandants de légion, mettaient
la pression sur moi pour recevoir la dotation mensuelle du mois
d’août.
Les véhicules étaient immobilisés dans les unités, et la plu-
part des services annulés. Le nerf de la mobilité était coupé.
Mes instructions, comme celles du Général, de recourir à la
réserve en attendant une solution, furent infructueuses, les
soutes étaient vides.
Interpelé, le Colonel SY me rendit compte des difficultés
qu’il avait avec la Shell, principal fournisseur de la Gendarme-
rie en carburant et lubrifiants depuis des dizaines d’années.
Il expliquait ses difficultés par le retard de paiement, du fait
du Trésor public. Il avait fait trois ordres de paiement qui
étaient encore en attente auprès des services financiers de l’état.
Je fis un compte rendu détaillé des problèmes au Général,
qui effectivement appela, personnellement, le ministre du Bud-
get pour faciliter le paiement des créances de la Shell.
Le Général reçut l’assurance du Ministre de procéder sans
délai au paiement de la Shell et que cette assurance pouvait être
portée aux décideurs de cette société.
Je requis les bons offices du Colonel Cheikh SENE, ancien
GMG et très connu des dirigeants de la Shell. Cheikh me les

110
convoya dans mon bureau pour une réunion de conciliation et
de ré-entente, suite aux assurances des services financiers de
l’Etat. Le Colonel TINE en profita pour leur présenter nos di-
rectives et nos contraintes.
Les responsables de la Shell, refusèrent d’accéder à nos de-
mandes et à nos explications. Ils étaient surpris de la non-
maîtrise du dossier carburant par l’Etat-major Gendarmerie. Ils
me firent comprendre que la Shell n’avait aucun problème de
paiement avec la Gendarmerie, mais plutôt, un problème de
dépassement budgétaire.
Selon mes interlocuteurs, la Gendarmerie avait épuisé ses six
cents millions de crédit budgétaire carburant, et présentement,
devait deux cent cinquante millions non budgétisés ; l’ensemble
du carburant, fourni au titre de 2006, étant en valeur de huit
cent cinquante millions. En huit mois, la Shell avait livré huit
cent cinquante millions de carburant au lieu des quatre cent
quatre vingt millions prévus.
La société ne pouvait continuer de livrer sans avoir
l’assurance d’être payée. Elle attendait un bon de deux cent
cinquante millions pour livrer. Je promis à la Shell de trouver
une solution, tout en leur demandant une compréhension sur la
nécessité de nous aider en attendant l’intervention des autorités
gouvernementales.
Je pris avec eux un rendez-vous pour le lendemain, le temps
de proposer des solutions au Général, après avoir audité notre
système carburant.
Je fis convoquer sur l’heure le chef du CTGN pour explica-
tions. Il entra dans des explications tordues et peu plausibles.
En définitive et face à toute cette tortuosité, notre discussion
devant le Colonel TINE fut houleuse. Il refusa de reconnaitre
ses erreurs et l’inapplication des ordres, se contentant de nous
répondre : « vous ne commandez pas la Gendarmerie et je ne
réponds qu’au Général ».
Je décidais de lui envoyer l’Inspection de la Gendarmerie et,
notamment, l’Inspecteur des Affaires Administratives et Finan-
cières, l’Intendant Colonel Mamadou DIOP, pour déterminer

111
l’ampleur des détournements commis et surtout établir de façon
non équivoque sa responsabilité.
Cette Inspection révéla un détournement de deniers publics
de plus de trois cents millions de francs CFA, un endettement
crucial face à la Shell et beaucoup d’autres méfaits sur les pro-
grammes de la Gendarmerie.
Je fis revoir en audit tous les dossiers gérés par le Colonel
SY, et surtout le programme immobilier, dont le plus important
est la construction de l’Ecole des Sous-officiers à Fatick, grâce
à l’appui du Premier-Ministre.
Je demandai au Général des sanctions exemplaires contre le
Colonel SY. Il venait de porter un rude coup à notre programme
de relance de la Gendarmerie. En premier, sa relève des fonc-
tions de Chef du CTGN était impérative, et qu’en aucun cas il
ne pouvait plus exercer des responsabilités.
Le Général prit une décision carabinée en acceptant que
j’enlève les responsabilités financières de Loumbol, tout en le
laissant continuer à exercer la fonction de CTGN. Il ne devait
plus conduire la gestion financière du service auto et du caser-
nement, qui relevait dorénavant de la responsabilité exclusive
de l’Adjoint logistique.
Nous fumes obliges de nous plier encore à cette décision de
Commandement. Nous ne pouvions ni comprendre, ni accepter
l’indulgence du Général envers Loumbol. Un de mes officiers,
de bonne ou de mauvaise foi, plaça cette indulgence dans la
réalisation du mur de clôture du verger de NIAGUE, par les
services du CTGN.
Je résolus le problème du carburant en affectant cent mil-
lions du FRONTEX à la Shell. Le chef du CAGN reçut un ordre
dument signé par moi-même pour avancer à la Shell cette
somme, ce qui nous permit de recevoir aussitôt la dotation du
mois d’août. Le chef du CAGN ne crut pas devoir en référer au
Général et paya sans rechigner.
J’avais autorité pour signer les ordres de sortie d’argent au
CAGN. Je n’usais pas beaucoup de cette possibilité, et ne le
faisais que sur ordre express du Général, qui m’envoyait son

112
cabinet et me faire signer, pour une raison ou une autre. Je crois
avoir signé deux ou trois fois, un dans le cadre d’un achat de
véhicule à l’association, l’autre dans le cas d’un décès.
Cette fois la somme était énorme et le Général n’en avait pas
donné l’ordre. Je pris sur moi de le faire pour que nos missions
se fassent et que les unités reprennent leur mobilité.
Le choix FRONTEX n’était pas gratuit. L’Etat-major, no-
tamment l’Adjoint logistique, percevait 3,5 millions en chèque,
chaque lundi du Ministère de l’Intérieur, pour le carburant
FRONTEX. Cet argent était reversé au CAGN qui le gérait.
Le Général prit très mal l’affectation de cent millions liquide
à la Shell. Il n’en était pas du tout content, avait peu de moyens
de me reprocher la destination, et dut ravaler sa colère en lui-
même.
Il donna des instructions fermes au chef du CAGN pour re-
fuser à l’avenir de tels ordres et, en tout cas, pour lui en rendre
compte personnellement, avant toute exécution. Il ne me parla
jamais des cent millions, qu’il considérait comme sa propriété
exclusive.

113
Chapitre 10
Frontex

Le Régime de l’Alternance a suscité, dès le départ, un grand


espoir pour les jeunes. Ces derniers ont élu WADE et je me
rappellerai toujours de leurs manifestations, tant le 26 février
2000 que le 19 mars 2000.
Une nouvelle ère venait de sonner et rien ne serait plus ja-
mais comme avant. DIRCEL, je revois du 8e étage du Building
Administratif les jeunes agrippés au Palais national pour saluer
la prise démocratique du pouvoir par le leader incontesté du
SOPI.
Quelque chose de magistral venait de se briser, le sanctuaire
de la République violé. Je me rappelle des consignes des grands
Gouverneurs du palais, comme Mansour NIANG, qui interdi-
saient aux passants de prendre le trottoir longeant le palais.
Ce trottoir était réservé aux parades de la Garde Rouge qui
devait, toutes les deux heures, de façon solennelle, assurer la
relève des sentinelles
Des hordes de jeunes avaient brisé ce pan de l’étiquette ré-
publicaine. Elles avaient élu un homme hors du commun, en qui
elles plaçaient tous leurs espoirs. Dans son discours inaugural,
cet homme leur avait de nouveau affirmé : « rien ne serait plus
comme avant », il leur avait promis des emplois et des emplois
à ne plus en finir.
Ces hordes de jeunes, de Tambacounda à Dakar y croyaient,
de Ziguinchor, à Ross Béthio ; ils croyaient que leur avenir
allait changer. Ils trouveraient du travail grâce aux multiples
projets que le vieux pape du SOPI proposait. Il proposait des
usines pour monter des camions, voire des avions, une centrale
nucléaire pour avoir assez d’énergie, des TGV pour relier les
grandes villes.

115
Oui, il proposait beaucoup de choses qui existaient en Eu-
rope et qu’avec une bonne volonté, on pourrait mettre en place
chez nous. Et pour se faire, un nouveau slogan remplace le SO-
PI, TRAVAILLER, ENCORE TRAVAILLER, TOUJOURS
TRAVAILLER.
Les jeunes eurent la patience. Ils attendirent et acceptèrent
que le Vieux mette en place les changements institutionnels
indispensables. Ils votèrent en masse la Nouvelle Constitution,
qui passa comme lettre à la poste. Ils enverront une forte majo-
rité des hommes du vieux à l’Assemblée Nationale. Ils se firent
sentinelles des projets du Vieux et cassèrent syndicalisme et
patronat pour la seule survivance des idées du Vieux.
Le Vieux nomma quelques Ministres très jeunes, moins de
30 ans pour leur faire plaisir. Quelques-uns obtinrent des
moyens de façon bizarre pour servir d’exemple. Mais le rang
des chômeurs grossissait dans toutes les lignes de la jeunesse,
chez les diplômés comme chez les analphabètes.
On était loin des programmes pour les Maîtrisards, on était
loin des programmes pour lutter contre l’Exode rural.
Les forces de l’ordre eurent beaucoup de mal pour lutter
contre les agressions physiques sur les personnes et leurs biens.
Les assassinats suite à des agressions se multiplièrent d’abord
dans la banlieue, puis dans toutes les villes et même sur les
routes. Les braquages n’avaient plus lieu sur les routes de Ca-
samance, mais sur les routes du Fouta ou du Boundou.
Une jeunesse désolée et désemparée prit la place de la jeu-
nesse malsaine d’Abdou DIOUF. La jeunesse avait vu tous ses
espoirs s’effondrer comme des châteaux de cartes ou des mai-
sons de glace.
Les emplois ne venaient pas. Les projets ne se mettaient pas
en place. Rien ne pointait à l’horizon. Les jeunes diplômés
chômaient. L’exode rural s’amplifiait.
Beaucoup de jeunes se lancèrent dans la lutte et le sport de
combat. Beaucoup de prétendants, peu d’élus, cent mille jeunes
vont envahir les bords de plage pour s’entrainer à la lutte.
D’autres vont hanter les studios pour dire leur colère dans la

116
musique Rap. Beaucoup se transformèrent en agresseurs et fu-
rent capables de tuer pour cinq mille FCFA.
C’est alors que naquit un cri, un hymne, une plainte, une vo-
lonté, un suicide. Je ne peux trouver le mot exact pour exprimer
ce choix irréversible envers l’Europe « BARCA ou BAR-
SACK », Barcelone ou la mort.
Les jeunes vont tenter leur va-tout pour quitter l’enfer. Dé-
çus et meurtris par le pape du SOPI, ils vont tenter l’ultime
combat et rejoindre, par tous les moyens, l’Europe.
Leurs mères, face à leur désespoir, vont puiser dans leur tire-
lire les derniers sous. Certains iront agresser dans les quartiers
riches pour trouver la somme nécessaire. D’autres vont se pros-
tituer et même se transformer en homosexuels, pour trouver les
moyens de rejoindre l’Europe.
Les plus nantis arriveront avec cinq à six millions à trouver
le visa touristique indispensable pour rallier l’Europe. Ceux qui
disposeront d’un à deux millions tenteront la voie du désert par
le Sahara. La plupart, qui ne détiennent que quelques centaines
de milliers de francs, vont attaquer l’Europe par la mer et avec
des pirogues.
Combien seront-ils à prendre les pirogues? Personne ne sau-
ra le dire. Quelques milliers y arriveront. Beaucoup sont morts
en mer de noyade ou de faim, après avoir erré des jours et des
jours dans l’océan Atlantique avec, comme seule arme, un GPS
douteux.
La mer rendra certains cadavres. Beaucoup sont perdus à
jamais, sans possibilité de les dénombrer, encore moins de trou-
ver une sépulture d’être humain. Les parents patientent et atten-
dant le coup de fil libérateur pour dire « je suis bien arrivé en
Espagne ». Quatre mois sans aucun appel, signifie que la per-
sonne est décédée en mer et qu’il est temps de faire le deuil.
C’est dans ce contexte que le gouvernement espagnol, déso-
rienté, envahi et qui subit de plein fouet cette attaque des sous-
développés par la mer (eh oui, des centaines de milliers ont pu
rallier les plages espagnoles) invite une mission des forces de

117
sécurité sénégalaise pour prendre, à bras le corps le phénomène
de l’immigration par pirogue.
Une délégation conduite par la Direction Générale de la sû-
reté nationale se rendit en Espagne pour discuter, avec les auto-
rités espagnoles, d’un plan à même d’arrêter « BARCA ou
BARSACK ». Je dirige la partie Gendarmerie de la délégation
qui comprend, en outre, mes adjoints OPS et Log, les Colonels
SENE et TINE.
Les Espagnols nous décrivirent une situation humaine intolé-
rable, avec ses lots de morts, de sinistrés et d’hommes parqués
un peu partout en Espagne, comme des animaux. Le nombre de
cadavres non identifiés était inconcevable et démontrait le sui-
cide collectif de milliers de jeunes, qui voulaient juste une vie
meilleure.
Les discussions furent fructueuses, et la visite de la base
Guarda Civile de Malaga nous conforta dans l’idée hasardeuse
de penser entrer en Europe par la mer, sans être pris. La Garde
Civile espagnole, qui rappelle dans ses missions la Gendarmerie,
avait pris le taureau par les cornes et donnait très peu de
chances aux migrants qui tentaient de prendre d’assaut la forte-
resse Europe par la mer.
Les deux parties étudièrent ensemble un plan policier pour
empêcher les jeunes de prendre la mer et de risquer leurs vies
pour zéro. Il s’agissait d’empêcher, avec des moyens sénégalais,
l’embarquement dans les plages sénégalaises. Les pirogues
d’immigrants ne devaient plus dépasser les eaux sénégalaises,
sans se faire prendre par les forces de sécurité ou la Marine
Nationale.
Le professionnalisme et la compétence des délégués, tant es-
pagnols que sénégalais, permirent de mettre en place la pre-
mière ébauche de ce qui deviendra le plan FRONTEX, mis en
œuvre par l’Union Européenne pour mettre fin à l’assaut de la
citadelle Europe par les migrants venant de la mer.
En ce qui concerne les forces de sécurité sénégalaises, le
plan a pour objet d’arrêter l’immigration par pirogue par trois
actions : empêcher l’embarquement des clandestins par la sur-
veillance des plages, arraisonner en mer par la Marine toute

118
embarcation douteuse, et enfin arrêter et déférer en justice les
trafiquants qui organisent le voyage.
En ce qui concerne les Espagnols, puis les Européens, le
plan a deux aspects, l’un consiste à une défense ferme des accès
européens par la mer, en arraisonnant et en reconduisant toute
embarcation frauduleuse. L’autre prend en charge l’aide finan-
cière et matérielle à apporter aux forces sénégalaises qui inter-
viennent dans le cadre de FRONTEX.
A cet effet, il est mis à la disposition des forces de l’ordre
une allocation journalière, pour payer les hommes assurant
l’intervention et le carburant nécessaire aux opérations. Ainsi la
Gendarmerie promit de mettre 60 hommes par jour à la disposi-
tion de FRONTEX et 6 véhicules de surveillance de plages.
Les Espagnols mirent à notre disposition un lot de véhicules
pour assurer la mission avec des quads à 4 roues pour accéder
facilement à la mer, quarante euros par homme et jour cent
litres de carburant par véhicule.
Ainsi, la Gendarmerie a perçu chaque jour deux mille quatre
cents euros et six cents litres de carburant comme apport des
Espagnols puis de l’Union européenne, comme soutien et appui
au FRONTEX.
Je tins une réunion réunissant tous les Commandants de lé-
gion et la Section de Recherches pour définir les modalités de
l’action Gendarmerie. La mission n’était pas difficile et ne de-
mandait rien de spécial pour son exécution.
Il fut arrêté de prendre en charge la mission par les Brigades,
qui devaient, dans le cadre de la surveillance générale, mettre
un accent particulier sur la surveillance des plages.
Les unités routières devaient en outre signaler au Centre
Opérationnel de la Gendarmerie, tout voyage insolite de
groupes de jeunes, constaté lors des contrôles de routine.
Un effort sera à faire pour renforcer les contrôles systéma-
tiques sur les routes menant aux différentes plages du pays, qui
se trouvent exclusivement sur la façade Atlantique.

119
Enfin la Section de Recherches, toutes affaires cessantes,
devait ouvrir un dossier spécial sur les organisateurs des
voyages vers l’Europe. Elle devra repérer, avec les Brigades de
recherches, les pirogues à même de participer aux voyages,
surveiller les lieux de fabrique et réprimer toute forme de parti-
cipation. La section avait reçu mission d’enrayer les départs du
territoire national.
Les résultats dépassèrent très vite nos attentes et je peux af-
firmer qu’en trois mois, le plan mis en œuvre par le nouvel Etat-
major Gendarmerie avait payé. Une dizaine d’organisateurs
avait été arrêtée et emprisonnée, tous les départs avaient été
stoppés par une action énergique des Brigades territoriales.
Le plan FRONTEX était une réussite totale et empêchait ef-
fectivement les départs des plages. La médiatisation des résul-
tats décourageait les derniers bastions du trafic.
La Gendarmerie avait récolté une manne financière impor-
tante du fait de l’opération FRONTEX, et des engagements
respectés de la partie espagnole, à raison de 2400 euros jour
pour le personnel et 3,5 millions semaines au titre du carburant.
Tenant compte des résultats obtenus et de l’engagement des
personnels, il était temps de fixer une destination à l’argent
collecté.
L’Etat-major, après étude, proposa de distribuer l’argent à
tout le personnel, sous forme de prime unique, à mettre en place
Légion par Légion, au fur et à mesure des rentrées d’argent.
D’après les calculs, chaque gendarme pourrait recevoir
comme prime la somme de cent mille FCFA, à raison de cinq
cent soixante quinze millions FCFA à partager entre cinq mille
cinq cents gendarmes, en excluant les gendarmes en mission à
l’étranger.
Le Général n’approuva pas cette proposition, en mettant
l’accent sur plusieurs arguments dont la non-participation de
toutes les unités à l’opération FRONTEX, l’engagement exclu-
sif des unités de recherche et des brigades dont la circonscrip-
tion dispose de plages.

120
Trois légions étaient d’emblée exclues, la Légion de Garde
Présidentielle, la légion EST et la légion de Sécurité et de Pro-
tection.
D’autres Légions voyaient certaines de leurs unités exclues,
comme la compagnie de Diourbel, la compagnie de Kolda et
même des unités de Dakar, sous prétexte que leur circonscrip-
tion ne disposait pas de plages.
L’Etat-major fut obligé de se plier à cette répartition en fai-
sant accepter la prise en compte de la Légion de Gendarmerie
d’Intervention et des gendarmes-auxiliaires en service dans les
unités ciblées.
En fin de compte, pour l’année 2006, quelques deux cents
millions furent distribués au personnel devant quelques insis-
tances de l’Etat-major, surtout du Lieutenant-colonel FATY,
qui était l’Officier en charge du FRONTEX.
Il collectait l’argent auprès du Ministère de l’Intérieur, sous
forme de chèque à son nom, qu’il percevait et reversait au
CAGN. Il savait exactement le montant des sommes versées et
demandait, à chaque réunion, la destination dont il devait rendre
compte aux bailleurs.
A ma connaissance, et malgré plusieurs rappels de l’Etat-
major et de moi-même, qui rapportait au Général les commen-
taires du personnel, il n’y eut pas de deuxième distribution, et
pour le confirmer, je ne reçus au titre de FRONTEX que cent et
quelques mille francs, comme prime au titre de l’Etat-major
Gendarmerie. Certaines unités et notamment les unités de re-
cherche furent récompensées sous diverses formes.
Le Commandant MANGA, révolté et gérant le carburant
FRONTEX, détourna deux chèques carburant d’une valeur to-
tale de 7 millions, il profita de nos problèmes avec le Colonel
SY du CTGN pour s’approprier ces deux chèques, les percevoir
à son nom et se les attribuer, pour régler ses problèmes person-
nels.
Son geste me dégouta au plus haut point pour deux raisons
dont la principale était sa récidive : il avait détourné de l’argent,
en sa qualité de chef du Service Auto, en 2000.

121
J’avais sauvé sa tête, en profitant de l’Alternance et des
pressions de sa famille sur le Ministre Youba SAMBOU, à qui
on voulait faire croire à une discrimination ethnique par achar-
nement contre les ethnies du Sud.
Non seulement j’avais pu sauver sa tête, mais HCS, je lui re-
donnai un emploi de confiance dans l’Etat-major logistique.
Je l’ai puni sans état d’âme en proposant sa traduction de-
vant un Conseil d’Enquête en vue de son élimination de la Gen-
darmerie. Je restais sourd à toutes les sollicitations et dus
l’enfermer le temps nécessaire à son procès devant ses pairs.
Il fut ainsi éliminé de la Gendarmerie pour faute grave
contre l’honneur et la discipline comme la plupart des sous-
officiers qui ont commis durant cette période des fautes très
graves et impardonnables.
Beaucoup de mes subordonnés m’avaient reproché la sévéri-
té de la sanction contre MANGA. Certains mêmes allèrent jus-
qu’à m’accuser de lui faire porter le chapeau sur la gestion des
fonds FRONTEX, pour couvrir des opérations frauduleuses et
des détournements.
Ils pensaient, peut-être à juste titre, qu’il était nécessaire de
faire la lumière sur tout le fond, avant de prendre une sanction
extrême.
Je l’ai sanctionné sur la base de ma responsabilité de chef de
l’Etat-major Gendarmerie. Je lui avais confié, pour une courte
période, et certainement en l’absence du responsable, parti faire
un stage COESPU, la gestion du carburant FRONTEX, relevant
de mon autorité avant le reversement au Trésorier général de la
Gendarmerie.
Il a abusé de ma confiance et terni l’image de l’Etat-major
que je commande, donc je trouve sa sanction amplement méri-
tée et justifiée.
Je ne sais pas ce qu’est devenu l’argent de FRONTEX, opé-
ration qui a continué au-delà de mon départ du poste de Haut
Commandant en Second de la Gendarmerie.

122
Comme les Officiers de l’Etat-major et les Sous-officiers,
j’ai reçu une prime de plus de cent mille francs au titre de
FRONTEX 2006, je n’ai pas reçu d’autre argent sur ces fonds,
ni sous forme de prime, encore moins de façon illégale.
J’accepte cependant d’avoir ordonné la sortie de cent mil-
lions de francs pour acheter du carburant en août 2006 pour
faire face à la mauvaise gestion du Lieutenant-colonel SY et au
manque général de carburant dans les unités.
Cette somme de 100 millions a été prélevée sur le carburant
FRONTEX. J’ai estimé devoir donner cet ordre pour nécessité
absolue de service, et cet ordre fait l’objet d’une note écrite et
signée.
Le FRONTEX a généré des millions, voire des milliards et
je ne pense pas que le personnel, sous quelque forme que ce soit,
en ai profité comme il se devait.
Comme d’autres fonds, services rétribués, fonds des élec-
tions, ils ont été détournés de leurs objectifs et de leur but par
un Général véreux, corrompu, avec la complicité de son Cabinet
et de certains Officiers placés à des postes clefs pour assurer
une prédation continue et sans faille, de toutes les ressources de
la Gendarmerie.

123
Chapitre 11
Opex

Officier de gendarmerie, j’ai été un spécialiste des missions


internationales. J’ai servi sous bannière de l’Organisation de
l’Unité africaine, puis sous l’autorité de la Communauté éco-
nomique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, et enfin sous la ban-
nière des Nations Unies.
Ces missions m’ont valu trois médailles commémoratives et
trois citations à l’ordre des armées avec deux étoiles d’argent et
une étoile de bronze.
J’ai découvert du pays et participé au maintien de la Paix In-
ternationale, parfois j’ai dû faire la guerre pour protéger des
populations innocentes et prises en tenailles.
La plupart de mes interventions à l’international sont liées à
la Guerre froide qui opposait Occidentaux au Bloc de l’est et,
souvent, la mission est une mission d’interposition entre deux
forces ennemies, qui se combattaient pour conquérir du terrain
et de l’espace.
Les nouveaux conflits qui interviennent après
l’effondrement du Bloc soviétique sont plus pernicieux, plus
criminogènes, et portent atteinte de façon grave, continue et
irréversible aux Droits de l’homme.
Ces conflits comportent des atteintes à la vie, des génocides,
des viols, des déplacements forcés qui n’ont plus rien à voir
avec des opérations militaires.
La Communauté Internationale a du mettre en œuvre
d’autres stratégies, d’autres moyens et d’autres possibilités pour
assurer la protection de personnes vulnérables et ciblées.
Les femmes et les enfants sont en particulier atteints dans les
conflits en cours où le degré des exactions est tel que la réponse
policière est préférée à la réponse militaire.

125
Ce moment est un grand moment et un moment très oppor-
tun pour les Polices à statut militaire, dont la forme et le com-
mandement sont fortement décriés en Europe occidentale.
Le vent de liberté qui souffle partout en Europe, entend redé-
finir avec force et courage le rapport Etat Citoyen. La Citoyen-
neté est opposée à l’Etat, l’Etat doit avoir pour limite de ses
droits, les droits du citoyen.
L’individualisme, tant décrié par le socialisme conquérant
des débuts du 20e siècle, prend le pas sur tout ; l’Etat doit, plus
que jamais, respect au citoyen, il ne peut plus prendre le pas sur
la liberté individuelle ; le Citoyen et la Citoyenneté sont au-
dessus de tout.
Les loisirs et la liberté sont fêtés en grande pompe pour mar-
quer à jamais la défaite du collectivisme. Les 35 heures en
France sont un besoin de lutte contre le chômage, certes. Elles
sont surtout une volonté de permettre au citoyen d’avoir des
moments de loisirs et de libertés propres. Dans d’autres pays,
elles se traduiront en augmentation des jours de vacances et de
loisirs.
Les membres des Polices à statut militaire vont se battre
pour conquérir, eux aussi, cet espace de liberté et de loisirs. Il
ne s’agissait pas de remettre en cause leur mission, encore
moins leur engagement, mais plutôt de recevoir, au même titre
que les autres, des loisirs et de la liberté. Un vent de révolte et
de remise en cause va créer le doute et perturber fortement les
Gendarmeries occidentales.
Je me rappelle jeune Lieutenant, devoir travailler quatre
week-ends sur cinq pour répondre aux missions multiples de la
Gendarmerie.
Ma famille s’était habituée à passer le week-end sans moi,
parce que mes chefs appelaient communément "nécessité de
service" une disponibilité totale. En compensation, j’étais logé
gratuitement par l’état qui disposait ainsi des gendarmes vingt-
quatre heures sur vingt-quatre.

126
Le vent de révolte va briser le silence et remettre en cause
toutes les Gendarmeries européennes. La Belgique en profite
pour dissoudre sa Gendarmerie dans sa Police.
La Gendarmerie française connut des remous qui lui feront
perdre son âme, et, n’eût été l’attachement profond du peuple
français, cette institution de huit siècles, fortement mêlée à
l’histoire de France, aurait disparu, entrainant de facto la dispa-
rition des Gendarmeries francophones.
C’est donc avec un opportunisme calculé et maitrisé que les
Gendarmeries, tant en Europe qu’en Afrique, vont se lancer
dans la protection internationale des populations qui nécessitent
une protection spéciale, en cours de conflit. La première tenta-
tive est l’emploi d’unités constituées de Polices à statut militaire
au Kosovo.
Le commandement, l’organisation et les matériels mis en
œuvre, vont justifier amplement l’emploi exclusif des unités de
Police à statut militaire dans un théâtre d’opérations.
La mission confiée aux unités de Police à statut militaire est
sans équivoque, sans lien avec une mission de combat, encore
moins à une mission de Police ou de Maintien de l’Ordre.
Les unités des pays européens qui utilisent des Polices à sta-
tut militaire vont démontrer un savoir-faire, une maîtrise et des
techniques jusque-là inconnues, non seulement des polices an-
glo-saxonnes, mais aussi des armées de l’OTAN.
Les Commandants de théâtre vont trouver avec les unités de
Gendarmerie, mises à leur disposition, une forme de réponse
appropriée aux vulnérabilités en place.
Cette démonstration de l’utilité des Gendarmeries par la
prise en compte exclusive de missions propres, que les Armées
comme les Polices civiles ne peuvent remplir, va renforcer
l’idée de sauver les Polices à statut militaires.
Les politiques se trouvent obligés de trouver des réponses
aux questionnements des gendarmes, qui n’ont jamais remis en
cause leur engagement, mais plutôt une meilleure considération
de leurs concitoyens.

127
Cette démonstration donne une vocation nouvelle à la Gen-
darmerie sénégalaise, qui, du fait de l’engagement diplomatique
de notre état, se trouve vite sollicitée par les Nations Unies pour
fournir des unités constituées sur plusieurs théâtres d’opérations,
notamment à Haïti et au Congo.
Les premières sollicitations arrivent en 2005 et le premier
contingent est déployé à Haïti dans les premières semaines du
mois d’août. Le contingent Haïti a été préparé, organisé et mis
en place par le Général Pathé SECK.
Ce contingent a bénéficié d’une avance du Trésor public de
un milliard cinq cents millions, pour se doter d’une logistique
conforme aux normes et TED des Nations Unies.
C’est le lieu de saluer le travail remarquable du Colonel
Cheikh SENE, qui a équipé cette unité selon les normes re-
quises, tout en faisant des économies égales au tiers de la valeur
des sommes disponibles.
Cette somme devait servir au maintien en condition des ma-
tériels réalisés et soutenir le contingent le temps de la mission.
Moi-même, j’ai inspecté les hommes, juste avant leur départ, et
le matériel à Haïti, avec satisfaction.
Deux autres unités sont mises en œuvre en fin 2005 pour la
RDC avec les problèmes que j’ai évoqués dans la réalisation
des matériels majeurs.
Autant Cheikh SENE avait conduit son affaire tout seul mais
avec succès, autant des prédateurs patentés vont prendre en
main la logistique du contingent Congo et plonger la Gendar-
merie dans des difficultés innommables, avec pour conséquence
directe la faillite des opérations OPEX.
Au départ du Général Pathé SECK, et suite à mes questions
à Cheikh SENE sur certains problèmes de la Gendarmerie, les
fonds OPEX bénéficiaient d’une situation favorable, l’Etat avait
consenti une première avance de trésorerie d’un milliard cinq
cents millions, pour équiper le contingent Haïti. La Gendarme-
rie avait pu respecter les normes et mettre le contingent sur
Haïti.

128
Une deuxième avance de trésorerie de cinq milliards cinq
cents millions est consentie pour équiper le contingent Congo
qui comprend deux unités.
La consommation de cette avance va, dès le départ, poser
problème par deux contraintes imposées par le Général :
l’intervention sans expérience des marchés publics du Cabinet
du Général, et la mainmise mafieuse sur la Logistique.
Les détournements sont évités de justesse par la non-
possibilité des décaissements, du fait de l’absence de marchés
publics ; les prédateurs vont se voir opposer la rigueur des pro-
cédures financières des agents du ministère de l’Économie et
des Finances.
Ces Officiers croyaient que leurs ordres suffisaient pour sor-
tir l’argent des caisses de l’état.
Certains de leurs fournisseurs, dont le principal NDIAYE
l’Italien, vont en faire les frais et des sociétés-écrans, mises en
place pour bénéficier de ces opérations, vont tomber en faillite
comme des châteaux de cartes.
Leur incompétence en matière de marchés publics va lour-
dement ralentir les décaissements et éviter une banqueroute
totale des fonds OPEX.
Les Nations Unies vont exercer une pression totale sur les
contingents FPU, aussi bien à Haïti qu’au Congo, par des ins-
pections ardues qui refusent d’admettre l’aptitude à 80% des
matériels.
Ces inspections permettent aux Nations Unies de déclarer les
matériels sénégalais inaptes opérations, et de là, bloquer tous les
remboursements.
Le système suppose la réalisation par la Gendarmerie d’un
certain nombre de matériels, que les Nations Unies louent pour
mener à bien les missions confiées au contingent.
Cette location fait l’objet d’un contrat précis entre le contin-
gent et les services logistiques. L’ONU fixe un degré d’aptitude
minimum au matériel et rembourse, après une inspection minu-

129
tieuse de ses services, qui acceptent ou refusent, selon des
normes standard.
L’inaptitude du matériel va empêcher les remboursements
matériels tout le temps que je suis resté Haut Commandant en
Second dans le cadre des deux FPU Congo.
Les remboursements, dans le cadre Haïti, se feront à une al-
lure non maîtrisée, du fait des difficultés du maintien en condi-
tion de la logistique déployée dans ce pays meurtri.
Alors que les fonds OPEX des Armées fonctionnent norma-
lement sur les mêmes principes, les fonds OPEX Gendarmerie
battent de l’aile et se font rembourser difficilement. Les fonds
restent positifs du fait de la non-consommation des crédits con-
sentis par l’état. Les remboursements des personnels permettent
une situation financière favorable.
Les fonds ne peuvent pas, cependant, rembourser les prêts
consentis par l’Etat, et une perte sèche est constatée car les Na-
tions Unies auraient dû rembourser des sommes importantes et
alimenter favorablement les fonds.
Le paradoxe est que le fonds dispose de l’argent prêté par
l’état, cet argent, immobilisé par incompétence, aurait dû servir
dans d’autres secteurs, comme l’éducation ou la santé.
La Gendarmerie arguera des retards de paiement des Nations
Unies pour justifier le non-remboursement des prêts, avec la
complicité de personnes haut placées à la Présidence de la Ré-
publique, qui aideront le Général à cacher un désastre financier.
Le fonds a de l’argent pour acheter des matériels, assurer le
soutien logistique. Le fonds ne peut payer les fournisseurs du
fait de procédures non fiables.
Le Général se trouve ainsi avec les mains ligotées et est
obligé de faire appel à l’Etat-major pour sortir de l’impasse,
après un an de recherche.
Il profita d’une grande réunion de Commandement pour re-
cadrer la situation, impliquer l’Adjoint logistique et faire avan-
cer le dossier - surtout que le contingent Haïti, qui venait

130
d’effectuer onze mois de présence, était programmé pour un
retour.
Le Colonel TINE, Adjoint logistique, avec l’aide de tout
l’Etat-major et particulièrement du Colonel Cheikh SENE, fit
un travail de qualité pour proposer des solutions, à même de
permettre la consommation des crédits, notamment le paiement
des fournisseurs à qui une commande régulière avait été faite ;
solutions, à même aussi d’assurer le maintien en condition des
matériels déployés ; et enfin, solutions pour trouver les maté-
riels qui font défaut.
Sur demande du Colonel TINE, le Général effectue une vi-
site inspection au Congo pour recenser tous les problèmes du
contingent et passer en revue toutes les solutions.
Le Commandant de contingent, Balla BEYE, avec l’aide des
inspecteurs des Nations Unies, sortira des comptes tous les ma-
tériels défectueux et irréparables.
Le Colonel TINE, sur place, fera reformer les 4/5 des véhi-
cules et salvagera les pièces, pour récupérer quelque chose.
Au retour de la mission, il fera prélever des matériels de
Gendarmerie, dans le programme SALEH et dans les combines
du Ministre Bécaye DIOP, pour trouver le matériel adéquat au
contingent Congo.
Ces matériels, appartenant à la Gendarmerie, réalisés sur le
Budget national, seront acheminés au Congo pour corriger les
errements et les magouilles de l’entourage direct du Général.
Certains fournisseurs, dont NDIAYE, l’italien auront des
difficultés pour obtenir le paiement de leurs créances ; l’Etat-
major restera muet à leurs sollicitations et ne fera aucun effort
particulier pour les aider à recouvrer leurs créances fallacieuses.
NDIAYE continuera de faire le pied de grue chez moi, chez
ma mère et dans mes services, pour obtenir ce coup de pouce.
En bon gentleman et en Sénégalais, je l’ai reçu maintes fois
chez moi, il y prit l’habitude, comme des dizaines de connais-
sances, de partager mon repas de midi.

131
La cuisine de mon épouse, fin cordon bleu, était courue par
tout Dakar. Il m’arrivait journellement de recevoir à déjeuner
une quinzaine de personnes. Certains étaient des amis, d’autres
des parents, et enfin, souvent, des personnes qui aimaient la
cuisine de mon épouse.
Aucune de ces personnes ne peut prétendre être venue chez
moi dans le cadre de la Gendarmerie, pour me corrompre ou
m’influencer dans mes décisions. C’était possible, mais je n’ai
jamais donné l’occasion à une seule de ces personnes de profi-
ter de la situation. Tout se passait en public autour du grand bol
de mon épouse et autour des tasses de thé de mon boy guinéen.
A part NDIAYE, je n’ai jamais reçu chez moi des fournis-
seurs directs ou indirects de la Gendarmerie. Certains cama-
rades officiers me demandaient de recevoir tel ou tel qui cher-
chait des marchés Gendarmerie, je les recevais en présence du
Colonel TINE, obligatoirement, et du CTGN ou du CAGN,
selon le type de proposition que la personne mettait en œuvre.
Souvent, ma réponse finale était d’exiger de la personne de
faire une demande d’agrément adressée au Général.
En conséquence, je n’ai eu aucun rôle majeur dans la gestion
des fonds OPEX, mon intervention s’est limitée à la reprise en
main par l’Etat-major du dossier Congo, pour répondre aux
exigences des Nations Unies. Le maître d’œuvre de cette reprise
en mains, et de cette seule reprise en mains, a été mon Adjoint
logistique, et son travail dans ce cadre mérite des félicitations.
J’ai eu une deuxième intervention, et là c’était pour calmer
et dissuader le contingent Haïti qui voulait exiger, sans délai, le
paiement de ses primes, suite à son retour de mission.
La Gendarmerie avait des difficultés pour décaisser les mon-
tants nécessaires auprès des services du Trésor public. Les pro-
cédures étaient mal maîtrisées, et le trésorier avait des difficul-
tés.
J’ai rassemblé tous les membres du contingent au Cercle
Mess de la caserne Samba Déry DIALLO. Je leur tins un dis-
cours de vérité, de principe, et engageais mon honneur sur le

132
paiement des primes dans les quatre jours qui suivraient mon
allocution.
J’avais pu mobiliser grâce, aux fonds FRONTEX, la moitié
des droits ; je leur proposai soit de payer la moitié des person-
nels ou la moitié de leurs droits.
Contre toute attente, et à la surprise générale, un gendarme,
un de mes anciens élèves, demanda la parole pour me remercier
d’avoir pris mon temps pour venir leur parler. Il déclara à ses
camarades la confiance absolue qu’il plaçait en moi et dans ma
parole, et sollicitait de ses camarades de me donner les 4 jours
demandés.
Une salve d’applaudissements ébranla toute la salle et
l’atmosphère se détendit. Les chahuts commencèrent et certains
reprirent en chœur mon nom de guerre en scandant “thialki,
thialky”.
Je sortis de la réunion, torse bombé et fonçait chez moi me
jeter dans les bras de mes enfants, que j’avais sensibilisés sur
les difficultés et les insultes auxquelles je m’attendais.

133
Chapitre 12
Mutations gendarmerie

Dans le cadre de mes études, au niveau du Centre d’Études


diplomatiques et stratégiques, j’avais voulu faire un mémoire
intitulé la Gendarmerie au seuil du IIIe millénaire.
Ce mémoire se voulait une contribution et une réflexion pour
conduire des réformes à même de plonger l’institution Gendar-
merie dans l’ère de la révolution informatique, en prenant en
compte le besoin de transparence, la rapidité des décisions et la
capacité de jugement du public, comme des personnels.
Des camarades officiers, dont le futur Général FALL, et sur-
tout l’Alternance, qui venait d’intervenir, m’ont poussé à diffé-
rer ce projet.
Les camarades pensaient que le Commandement apprécierait
très mal une critique ouverte contre le système Gendarmerie,
dont la base reste un ensemble de traditions codifiées par le
décret du 20 mai 1903.
Les positions de certains Officiers français, qui ont osé ou-
vertement critiquer les réformes en France, et la sanction néga-
tive du système, ont conforté leur critique envers mon étude.
La survenue de l’Alternance, conduite par le Président
WADE, était un moment favorable pour mettre sur la table ma
vision de la Gendarmerie. La mise à disposition de mon étude
aurait servi à plonger effectivement l’institution dans la réforme
générale, voulue et soutenue par le nouveau régime.
Cependant, cette mise à disposition aurait été perçue par mes
camarades Officiers comme l’expression d’une ambition déme-
surée, pour prendre les destinées de la Gendarmerie.
Ces deux paramètres vont me conduire à produire un autre
mémoire, intitulé Problématique des Armes Légères et de Petit
Calibre en Afrique. Depuis 1993, je travaillais, dans le cadre

135
des services spéciaux, à une étude sur la prolifération des armes
légères en Afrique.
J’avais produit et exposé un document synthèse sur la vision
sénégalaise du phénomène devant Djibo KA, Ministre de
l’Intérieur et les experts des Nations-Unies.
Le Haut Commandement de la Gendarmerie de cette époque
m’avait demandé de faire le même exposé aux cadres et com-
mandants de brigade, au cinéma de la caserne Samba Dièry
DIALLO.
Plus de 200 personnes avaient suivi cet exposé et avaient été
fortement impressionnées par le matériel informatique déployé
pour faire, sur PowerPoint, l’exposé.
Les gendarmes ne connaissaient rien à l’informatique et les
manipulations du Capitaine Farda Yaya WONE les avaient
fortement impressionnés.
L’évolution de ce dossier, pris en mains et conduit par le
Président malien, Alpha Omar KONATE, avait abouti au Mora-
toire sur les Armes Légères en Afrique de l’Ouest, puis à une
recherche de convention internationale sur les armes légères et
de petit calibre par les Nations Unies.
Entre 1993 et 2002, comme peuvent l’attester beaucoup de
documents internationaux, je suis l’expert du Sénégal en la ma-
tière, et, à ce titre, j’ai participé à toutes les conférences régio-
nales, continentales et internationales, sur la problématique des
armes légères.
Cette expertise me poussa donc à produire ce mémoire à la
place de mon étude sur la Gendarmerie au seuil du 3e millénaire.
Je profitai de mon amitié avec le Colonel FALL, alors gouver-
neur, pour partager mes idées sur la Gendarmerie et les ré-
formes nécessaires à sa survie.
Mon expérience extérieure, qui m’avait exclu depuis 1991
des structures de la Gendarmerie, mais qui m’avait enrichi, par
la confrontation à d’autres systèmes, me faisait percevoir, sous
un œil critique, les failles et les lourdeurs.

136
Le Colonel TINE, ami, petit frère et collègue avec qui je par-
tageais une vision intellectuelle des choses, m’avait conforté
dans mes idées, en y apportant une rigueur d’analyse et une
expérience des hommes que je n’avais pas.
Il avait exercé des commandements d’unités élémentaires,
puis de groupes et de légions, que je n’avais pas effectués. Il
connaissait mieux que moi les hommes et les unités. Sa dé-
marche critique apporta la rigueur à notre vision, devenue
commune.
C’est fort de tout cela, et avec la conviction que le Général
FALL, nommé en 2005 Haut Commandant, que nous propo-
sâmes la réforme de la Gendarmerie avec un axe d’effort sur la
prise en compte des phénomènes nouveaux qui caractérisent les
sociétés humaines et, particulièrement, la société sénégalaise.
Une réforme, en profondeur, de la Gendarmerie était néces-
saire pour l’amener à aborder, avec succès, le 3e millénaire. Dès
fin novembre 2005, un projet de décret est proposé au gouver-
nement pour matérialiser la réforme des structures de la Gen-
darmerie.
Un accent particulier de cette réforme est la mise sur pied
d’un cadre général de réflexion, de transparence et d’efficacité,
pour obtenir des unités une efficacité sans faille, dans
l’exécution des missions multiples de la Gendarmerie.
La réflexion et l’efficacité conduisent, en termes
d’opérations, à mettre en place deux structures distinctes. Un
département entier de l’Etat-major Gendarmerie, intitulé Chaîne
opérationnelle, est chargé de conduire des études approfondies
et détachées des évènements, pour assurer une efficacité dans le
temps et dans l’espace, de l’emploi des unités de la Gendarme-
rie.
Le Colonel Cheikh SENE, posé, réfléchi et rigoureux, prend
la tête de cette chaine comme adjoint Opérations du Haut
Commandant.
La deuxième structure opérationnelle est érigée dans le
Centre Opérationnel de la Gendarmerie, avec une exigence de

137
réponse immédiate à tous les évènements auxquels la Gendar-
merie doit faire face.
L’impératif de délai et de prise en compte immédiate de
l’évènement doit pousser à une conduite irréprochable par des
ordres, clairs et justes, aux unités qui font face aux événements.
Le Colonel Ismaila SARR, un des officiers les plus expéri-
mentés en terme de Commandement, courageux et décisif,
prend le commandement de cette structure.
La transparence exigera une gestion nouvelle des ressources
de la Gendarmerie. Ce volet a toujours constitué une nébuleuse
et a plongé la plupart des commandements dans des scandales
injustifiables.
Les structures mises en place pour gérer sont souvent
lourdes, non adaptées aux missions, et leurs actions sont diffici-
lement tractables. Les structures de gestion ne connaissent pas
la planification et réagissent au gré des évènements qui interpel-
lent la Gendarmerie.
Il est donc mis en place une nouvelle chaîne Ressources
Humaines, qui doit aider le commandement à gérer, sans faille
et en toute transparence, l’ensemble des personnels de la Gen-
darmerie.
Cette chaine prend en compte le recrutement, la formation,
les mutations, l’avancement, les décorations, la retraite et les
sanctions. Le Colonel Tabaski DIOUF, honnête, rigoureux et
incorruptible, prend en charge cette chaine.
Les aspects logistiques sont pris en compte par le Colonel
TINE comme Adjoint logistique. Cette chaine prend en charge,
la gestion des ressources financières et matérielles de la Gen-
darmerie.
Il s’agit pour le Colonel TINE, dont je ne cesserai de louer
les qualités humaines, intellectuelles et militaires, de mettre en
place la transparence, la traçabilité et la planification dans la
gestion des maigres ressources budgétaires.

138
Cette chaine a pour seul but de faire parvenir aux unités les
moyens à même de leur permettre de réaliser l’ensemble des
missions.
Mon expérience en dehors de la Gendarmerie et la confron-
tation en tant que DIRCEL avec le statut de la plupart des
forces de sécurité, vont m’amener à entamer, avec la chaine
Ressources humaines, la réforme en profondeur des méthodes
de gestion du personnel.
Le but ultime est de donner à la Gendarmerie des personnels
formés, instruits et honnêtes. C’est dans un tel cadre que le Co-
lonel Tabaski DIOUF recevra une directive claire pour apporter
des réformes dans, non seulement le statut, mais aussi dans la
formation, l’avancement et les mutations.
Le recrutement et la formation ne posaient pas de problèmes
particuliers. L’officier en charge du secteur, le nouveau chef
d’escadrons, Mamadou Sonar NGOM, était engagé et incorrup-
tible.
Dès lors, le Commandement pouvait dormir tranquille sur,
non seulement, les recrutements où il avait été dénoncé de la
corruption et du népotisme, mais aussi dans les examens qui
avaient connu des fuites et des dérives. Sonar connaissait son
affaire et avait la confiance du chef de chaine et du chef de
l’Etat-major.
Le problème de l’avancement, des décorations et même des
sanctions, fut réglé dans la mise en place, pour la première fois,
de Commissions d’avancement.
Je présidai moi-même la Commission d’avancement des Of-
ficiers et des gradés de Gendarmerie, qui avaient les membres
suivants : l’Inspecteur gendarmerie, les Commandants de Gen-
darmerie, le Commandant des écoles et les trois Adjoints du
Haut commandement.
La Commission fit un travail remarquable et transparent qui
sanctionna, avec efficacité, le mérite et le travail.
Je voulus, avec Tabaski, faire la même chose en termes de
mutations des personnels, surtout Sous-officiers. Les Officiers

139
bougeaient et les besoins de l’Etat-major, plus du quart des
Officiers, avaient limité les dérives et intérêts particuliers.
Les jeunes officiers avaient été la plupart du temps orientés
dans la Gendarmerie mobile. Les Officiers DAGO avaient pris
en charge le commandement des unités élémentaires de la Gen-
darmerie Territoriale,
Seize jeunes chefs d’escadron avaient pris en charge les di-
visions nouvellement créées. Les jeunes Colonels de moins de 3
ans de grade étaient Commandants de légion ou Chef de
chaine ; les Colonels de plus de trois ans avaient pris les 4
grands commandements ou étaient en position hors cadre.
Chacun reçut sa part du gâteau, notamment un véhicule neuf,
des indemnités correctes tenant compte de son grade, de son
ancienneté et de son emploi. Chacun savait à quoi s’attendre et
était invité au travail pour mériter la confiance placée en lui.
Le cadre général d’émulation était maitrisé et conduit sans
faille par les services du Colonel Tabaski. Je ne connus aucune
contestation dans ces mutations et seuls quelques Officiers,
sanctionnés sévèrement pour inconduite, eurent à perdre leur
position.
Le problème des Gradés et Gendarmes était autre et plus dif-
ficile à mettre en œuvre. La Gendarmerie Territoriale était par-
ticulièrement recherchée et faisait l’objet d’une convoitise sans
commune mesure avec les postes de la Gendarmerie Mobile.
Je fis mettre, avec le Colonel Tabaski, des méthodes à même
de conduire, avec efficacité et transparence, les mutations. Le
principe est de mettre en place un système d’évaluation des
militaires pour juger de leur efficacité, mais aussi de définir,
pour chaque poste de responsabilité, des termes de références.
En premier lieu, pour s’éloigner des méthodes antérieures et
surtout de la corruption, il est décidé d’enlever les Majors des
commandements de brigade.
J’assume, face aux Majors, la paternité de cette décision. Je
la fonde dans ma volonté de tuer la corruption qui était prati-
quée dans la plupart des unités, et les habitudes de pachas cons-
tatées.

140
Les Majors étaient puissants, inamovibles et tenaient le Haut
commandement par leur expérience et leur âge. On ne pouvait
changer le système en les laissant sur place : je les ai envoyés,
malgré toute la clameur, dans les Etats-majors.
Tous les Gradés non Officiers de Police judiciaire, furent de
même affectés dans la Gendarmerie Mobile, pour pourvoir au
besoin d’encadrement des unités d’intervention.
Le déficit en grades, de la Gendarmerie Mobile, toutes ré-
gions confondues, était très important. Il avait été trouvé 4 gra-
dés dans certains escadrons, alors qu’une seule brigade pouvait
comprendre 4 gradés.
J’assume aussi cette décision de Commandement, qui avait
été très mal perçue par les grades frappés par cette mesure.
J’assume aussi le renvoi de tous les personnels logeant dans
les casernes de la Gendarmerie Mobile et servant dans la Gen-
darmerie Territoriale. Ces personnels furent invités à choisir
entre le logement et la Gendarmerie Territoriale.
Garder son logement signifiait une affectation dans la Gen-
darmerie Mobile ; ou bien m’abandonner le logement, pour
garder la mutation dans la Gendarmerie Territoriale. La plupart
des personnels quittèrent, très mécontents, les casernes de la
Gendarmerie Mobile.
Un incident m’opposa, dans ce cadre, au fils du Président
Karim WADE, dont le chauffeur était frappé par la mesure. Ce
Gendarme logeait à la Caserne du Front de Terre et était en
position de détaché au sommet de l’OCI. Il sollicita
l’intervention de Karim qui crut devoir imposer une exception
pour son chauffeur.
Je lui expliquai, avec courtoisie et fermeté, la mesure qui
frappait plus d’une centaine de Sous-officiers et qui ne pouvait
connaître une seule exception.
Cette exception aurait été fatale à la décision de comman-
dement. Très mécontent, il se résolut à louer un appartement de
plus de deux cent cinquante mille FCFA à ce gendarme.

141
Une autre décision fut très mal perçue par les Sous-officiers.
Il s’est agi, après la mise en place des termes de référence, de
trouver les Sous-officiers qui allaient prendre en charge le
commandement des Brigades.
Le travail de la Commission d’avancement fut mis à profit
pour répondre aux critères de choix que la chaine RH, sous
l’impulsion de Tabaski, avait mis en place.
Le choix porta même sur des Maréchaux des logis chefs qui
se virent confier un commandement, surtout des nouvelles uni-
tés, que la Gendarmerie venait de créer comme Niague, Baba-
Garage ou Ndoulo.
Cette large réforme mise en place contre la corruption, exi-
gea une tournée du patron de la Gendarmerie pour relancer
l’institution et l’inviter à des principes et des méthodes plus
conformes à la devise de la Gendarmerie.
Le Général profita largement des cérémonies d’installation
pour mobiliser les unités vers le travail et l’éthique. Il inspecta
les nouvelles créations pour donner à la machine le sceau de la
République, en invitant les autorités administratives au soutien
de la réforme.
L’Etat-major Gendarmerie, malgré les critiques des affai-
ristes de la Gendarmerie, tenait bon et semblait, par le discours,
bénéficier des encouragements du Général.
Jamais, en ces moments euphoriques et de pleine jouissance
d’un Commandement normé, je n’ai douté d’une méfiance
quelconque, d’un reproche non exprimé ou, encore plus grave,
d’une décision non voulue par le Chef. J’ai pris ces décisions
souvent difficiles à assumer, pour traduire la volonté du Général
et en parfaite complicité avec lui.
Le personnel concerné me connaissait, me savait honnête et
désintéressé. Il m’appréciait libre et indépendant et me trouvait
ferme. Certes ces mesures frappaient des intérêts accumulés,
cependant l’ensemble des personnels les trouvait justes et légi-
times.
Les gendarmes honnêtes, qui ne profitaient nullement des
dérives, supportaient ma cause et m’apportaient leur appui et

142
leur soutien en m’exprimant leur sympathie. La plupart des
Officiers adhéraient à ces décisions qu’ils jugeaient indispen-
sables à l’efficacité du commandement.
Le premier problème surgit avec la mise en place des per-
sonnels de la Section de Recherche et, notamment, la nomina-
tion des Commandants de Brigade recherche après leur ratta-
chement à la Section. Le Commandant Moussa FALL, dressa
une liste des personnels à affecter dans les unités de recherche.
La chaine RH s’opposa à ces affectations, en motivant la
plupart de ses refus par des dossiers disciplinaires sans faille. Je
dus m’opposer à ces mutations, plus par convictions que par
principe.
Le Général passa outre les recommandations de l’Etat-major
et signa tous les avis de mutations, souhaités et décidés par le
Commandant Moussa FALL. Cet Officier venait de poignarder
toute la transparence mise avec beaucoup de difficultés, pour
assurer une mutation sans faille et maîtrisée des personnels
Sous-officiers de la Gendarmerie.
Je dus me plier à cette décision que je considérai comme une
exception aux grands principes qui soutenaient toute notre ac-
tion commune.
La chaine RH commença à être fragilisée, malgré les alertes
du Colonel Tabaski, qui voyait les dérives se remettre en place.
Le chef d’escadron, Amacodou FALL, chef de la Division Ges-
tion des Personnels, prenait, des fois, directement ses ordres
auprès du Général, et passait outre les directives du Colonel.
Ce dernier m’en fit part et m’exposa certaines difficultés
qu’il avait avec son Chef de division. Ce dernier agissait hors
le cadre de ses prérogatives. Je dus en rendre compte au Géné-
ral qui prit fait et cause pour le Chef d’escadrons.
Les incidents s’aggravèrent avec le départ en stage du
Commandant FALL dont je voulus faire assurer l’intérim par le
Commandant Sonar NGOM, de la même chaine et responsable
de la Division Instruction Formation.
Le Général décida de confier l’intérim de la Division au
Commandant BEYE, de la chaine Opérations. Selon l’Etat-

143
major, le respect et l’exclusivité des Chaines étaient indispen-
sables au bon suivi des dossiers et qu’il était impensable et
inadmissible qu’un Officier chevauche entre deux chaines dis-
tinctes.
Une fois de plus, nous dûmes nous plier à cette décision ab-
surde et incongrue de confier la gestion des personnels à
l’Officier renseignement de la Gendarmerie. Discipliné et cons-
tructif, je me résolus à travailler avec le Chef d’escadron BEYE
et d’en faire faire de même au Colonel Tabaski.
Je tins cependant à être ferme avec BEYE sur la conduite de
cette division qui faisait l’objet d’une attention particulière aus-
si bien du chef de chaine que de moi-même en ma qualité de
chef de l’Etat-major.
Je ne fus nullement surpris de constater des mutations si-
gnées par le Général et qui n’avaient pas reçu l’aval du chef de
chaine et du chef de l’Etat-major. A mes plaintes et récrimina-
tions, je me vis opposer, par le Général, l’urgence et les nécessi-
tés du Service.
Les pressions et menaces que je mis sur BEYE pour le con-
duire au respect de la hiérarchie furent sans effet. Il se réfugiait
dans les ordres du Général qui lui donnait des instructions.
Un réseau se mit petit à petit entre le Général, BEYE et
Moussa FALL pour affecter ou réaffecter des personnels, en
dehors de tout le système mis en place.
BEYE échappait à tout contrôle de l’Etat-major Gendarme-
rie ; il était désolé de ce qui arrivait entre lui, ses chefs de
chaîne, Cheikh SENE, Tabaski et moi-même, chef de l’Etat-
major à qui il vouait beaucoup de respect.
Il m’expliquait être tenaillé entre sa volontés de respecter la
hiérarchie, comme tout bon militaire, et les ordres directs, qu’il
recevait du Général et auxquels il ne pouvait se soustraire.
Il se voulait loyal, discipliné et même puriste ; en bon Saint
Cyrien, il ne pouvait cependant se soustraire de l’influence du
Général qui plaçait beaucoup de confiance en lui.

144
Tabaski et moi, nous n’eûmes d’autre solution que de ne
plus nous occuper des mutations : les magouilles reprirent de
plus belle. Des sous-officiers, que notre démarche avait exclus
des unités territoriales pour inconduite habituelle, reprirent le
chemin des unités et participèrent, sans retenue et en toute im-
punité, aux actes contraires aux devoirs.
Notre seule satisfaction était de recevoir les rapports et pro-
cès-verbaux qui dénonçaient leur implication dans tel ou tel
trafic.
Je ne pouvais condamner BEYE, parce que moi-même, dans
les mêmes conditions, j’avais dû me soumettre, contre mes
principes, mes convictions, aux ordres du Général, qui avaient
toujours des intérêts particuliers à conduire.
Notre souci de transparence et de justice s’arrêtait face aux
ordres qu’il nous donnait en sa qualité de chef. Notre formation,
comme notre attitude générale d’officier, ne pouvait nous faire
refuser un ordre.
Apprécier la légalité ou la légitimité de l’ordre n’était pas
dans notre entendement d’officier, et nous avons toujours cru
devoir obéir à nos chefs, comme le prescrit notre serment.

145
Chapitre 13
Matériel spécial maintien de l’ordre

Une meilleure adéquation des moyens aux multiples tâches à


mener, dans le cadre des missions de la Gendarmerie et, surtout,
les erreurs du Groupement des Moyens Généraux avaient con-
duit à la mise en place d’un système logistique à trois niveaux
bien distincts et chacun responsable.
Cette responsabilité, partagée et équilibrée, devait poser les
jalons de la transparence et de la traçabilité de chaque franc
dépensé dans la Gendarmerie.
Le premier niveau, niveau de conception et de définition des
besoins logistiques, était l’Etat-major Gendarmerie et sous la
responsabilité de l’Adjoint logistique, le Colonel TINE.
Cette composante de l’Etat-major Gendarmerie, regroupait
un ensemble de compétences pour conduire toutes les activités
logistiques de la Gendarmerie, avec la mise en place de marchés
conformes à la rigueur budgétaire et aux normes des cahiers des
charges.
Le deuxième niveau était chargé de mettre en œuvre cette
conception de l’Etat-major, en réalisant et percevant les maté-
riels commandés, en les stockant, en les distribuant et en en
assurant le maintien en condition.
Deux organismes de soutien sont mis en place pour prendre
efficacement cet aspect de la logistique : le Centre Administratif
et le Centre Technique de la Gendarmerie Nationale.
Enfin le troisième échelon est représenté par la dizaine de
Légions mobiles ou territoriales qui reçoivent le matériel pour
utilisation sur le terrain et, ainsi, exécuter les missions de la
Gendarmerie.
Ces Légions ont besoin de moyens pour tourner et faire mar-
cher le système. Ces moyens vont de la tenue à l’armement, de

147
l’automobile aux moyens de communication, des infrastructures
à la solde militaire.
Il a fallu, dès 2006 et avec la signature de notre décret por-
tant organisation et attributions des autorités de Commande-
ment, appliquer la nouvelle réglementation logistique pour évi-
ter les problèmes constatés au niveau du Groupement des
Moyens Généraux.
Ce groupement, chargé du soutien logistique de la Gendar-
merie, a créé un endettement considérable qui bloquait tout le
système.
Des Officiers, parfois avec des arguments solides, parfois de
mauvaise foi, souvent par jalousie, ont voulu accuser le Com-
mandant de ce Groupement de détournement de deniers publics.
Le passage en revue des difficultés du Groupement des
Moyens Généraux, fin octobre 2005, laissa apparaitre un déficit
budgétaire de quatre milliards. En somme, la gendarmerie, en
octobre 2005, devait à ses fournisseurs la somme de quatre
milliards.
Mis en confiance, le Colonel Cheikh SENE m’expliqua, en
présence du Colonel TINE, les difficultés budgétaires qui
avaient conduit le commandement à trouver des solutions pour
faire face aux multiples charges qui pèsent sur la Gendarmerie.
Le Colonel SENE me donna l’exemple de la participation de
la Gendarmerie aux Jardins de Jardy, voulue par la Première
Dame, pour lancer en France sa fondation. Le coût de cette
participation a été de cinq cents millions, non budgétisés et
nulle part prévus dans le budget national.
De même, la Gendarmerie a bénéficié de prêts, exception-
nels, carburant de la part de Shell, pour faire face à toutes ses
missions ; le budget carburant permet un fonctionnement nor-
mal de sept à huit mois. On ne peut assurer la mobilité des
unités sans recourir à l’endettement auprès des sociétés de car-
burant.
La Gendarmerie devait à la Shell, en octobre 2005, plus de
quatre cents millions de FCFA pour le carburant ; la nouvelle

148
société Elton, qui cherchait des parts de marchés, était aussi
créancière.
On ne parlait pas encore de la dette intérieure, qui sera esti-
mée à plus de 200 milliards pour l’Etat : le système du Grou-
pement des Moyens Généraux avait conduit à cette impasse. La
Gendarmerie, chaque année, payait sur son budget une dette
importante et se réendettait pour des sommes plus importantes.
Cette gymnastique budgétaire, illégale et sans lendemain,
diminuait toute efficacité et annihilait toute étude financière.
Déficitaire structurelle, la Gendarmerie limitait toute possibilité
d’évolution pratique, ne pouvait faire que des marchés de gré à
gré.
Elle était tenue par des créanciers affairistes qui n’hésitaient
à doubler, voire tripler les prix de base. Le manque de solutions
ne donnait d’autre possibilité au Colonel SENE que de répondre
favorablement aux exigences des créanciers pour négocier la
livraison de produits ou matériels indispensables.
Ces contraintes avaient parfois conduit à mettre en péril les
deux organismes d’intérêt privé qui étaient en place pour ap-
puyer la politique sociale du Haut Commandement.
Le Groupement d’Achat comme la Mutuelle Gendarmerie,
et même la Coopérative d’Habitat, avaient connu des problèmes
importants de trésorerie, du fait des emprunts intempestifs du
Groupement des Moyens Généraux, sans possibilité de rem-
boursement.
La plupart des personnels mettaient ses errements dans le
cadre de détournements de deniers publics généralisés, qui
avaient mis à genou la Gendarmerie et diminué l’essentiel de
ses capacités logistiques. Les magasins étaient vides, le parc
auto non entretenu, des casernes et des logements à l’abandon,
des harnachements inchangés.
Les déplacements du personnel n’étaient plus payés depuis
belle lurette. Les gens voulaient la tête du Colonel SENE, qui
était accusé de tout.
Je n’eus aucun mal, avec le Colonel TINE, à comprendre les
raisons de l’endettement et la permissivité du système. Il était

149
impossible de trouver un quelconque détournement de deniers
public, à moins que de chercher des poux sur la tête des patrons
de la Gendarmerie de cette époque.
On ne voyait nulle part des enrichissements personnels sur la
base de détournements établis, mais plutôt de grandes fautes de
gestion et un manquement certain à la rigueur budgétaire.
Beaucoup d’illégalités ont été commises pour satisfaire,
coûte que coûte, les directives de Commandement, sans la mise
en place d’une cellule de Commandement logistique.
Tout se passe entre le Général, qui donnait des ordres sui-
vant les comptes rendus et demandes qui lui viennent des unités,
et le patron du GMG, qui croyait devoir obéir aux demandes du
Général. Le GMG exécutait les ordres du Haut Commandant
sans aucune étude ou directive.
Je déçus beaucoup d’Officiers en prenant la défense du Co-
lonel SENE, que tout le monde, et surtout le Général et son
Cabinet, voulait voir endosser tous les errements du Comman-
dement de Pathé SECK.
L’intelligence et surtout la loyauté du Colonel SENE, envers
l’institution Gendarmerie, m’inspiraient le respect. Cet Officier,
avec courage, intelligence et compétence, avait assuré une lo-
gistique à la Gendarmerie. Il a pu par son engagement personnel,
trouver des solutions aux problèmes logistiques.
Ces solutions ne pouvaient continuer dans le cadre de la ré-
forme globale de l’institution et devaient, à leur tour, être rayées
des registres de la Gendarmerie par une action décisive. Je fis
faire par SENE et TINE, une étude exhaustive des difficultés et
de l’endettement, que je convainquis le Général de soumettre au
Président de la République.
Pour aider et relancer la Gendarmerie, le Président obligea le
Ministre du Budget à prendre en compte la dette Gendarmerie
dans deux budgets successifs, à raison de deux milliards par an.
Cette solution permit d’assainir les finances de la Gendarmerie.
Dans le budget 2006, il fut inscrit deux milliards au titre des
remboursements de la dette Gendarmerie. Cette dette continua à
nous poser des problèmes de procédure du fait que, souvent,

150
aucun marché public ne soutenait la dette ; les fournisseurs
n’avaient que des bordereaux de livraison signés par les ser-
vices logistiques.
Le Colonel TINE dut faire établir les marchés, conformé-
ment à la loi, pour libérer les créances au niveau des services
financiers de l’Etat. Ces errements conduisirent l’Adjoint logis-
tique, à ma demande, à respecter les nouvelles procédures,
mises en place pour apporter un soutien logistique sans faille
aux unités de Gendarmerie
Il a fallu répartir les missions du Groupement des Moyens
Généraux entre quatre entités bien maîtrisées : l’Adjoint logis-
tique, le Centre Technique, le Centre Administratif et les Lé-
gions. Chaque entité, suivant ses missions logistiques, reçevait
les moyens de sa charge et est propre administrateur de ses cré-
dits.
L’Adjoint logistique gère les crédits fonctionnement de
l’Etat-major Gendarmerie, qui ne font pas l’objet de marchés
globalisés. Il s’agit des matériels d’entretien de l’Etat-major,
des fournitures de bureau, des consommables informatiques.
Le Cabinet gère aussi les mêmes crédits affectés au besoin
du Cabinet du Général. Il est à noter que, durant les deux ans
de ma présence, les demandes ont été satisfaites par le Com-
mandant Konaté, qui avait reçu délégation pour prendre en
charge l’appui logistique de l’Etat-major.
Le CAGN gère ses propres crédits de fonctionnement, peu
importants, les crédits globalisés de dépenses communes (élec-
tricité, gaz, eau téléphone), les frais de déplacement, les tenues
et uniformes, les harnachements et nourritures des animaux et
beaucoup d’autres aspects des besoins. Cette gestion fait l’objet
de grands contrats de marchés publics établis sous l’impulsion
de l’Adjoint logistique.
Le CTGN gère ses crédits propres de fonctionnement et les
crédits globalisés de fonctionnement, liés à la mobilité et au
casernement. A ce niveau, les crédits les plus importants sont la
réalisation du carburant nécessaire aux unités.

151
Une directive fixait les besoins des unités et la répartition à
faire entre l’Etat-major, les Commandements, les Légions et les
unités de base. Une réserve de dix mille litres est constituée
selon les ordres pour chaque Légion, et en soute.
Chaque Légion reçevait et administrait une part de crédits de
fonctionnement. Ces crédits, comme pour l’Etat-major et le
cabinet, étaient des crédits pour réaliser les fournitures de bu-
reau, les consommables informatiques, les produits d’entretien.
Les unités n’avaient plus besoin de se déplacer jusqu’à Da-
kar pour se voir distribuer des rames de papier. Ces aspects
étaient décentralisés au niveau du Commandant de légion qui
gérait ses crédits et alimentait ses unités.
Le budget 2006 bénéficia de toutes ces réformes, notamment
la prise en charge de la dette Gendarmerie dans une nouvelle
rubrique budgétaire, de la mobilité par le crédit SALEH et des
réformes structurelles adoptées, dès janvier 2006, dans le cadre
de la réorganisation générale de la Gendarmerie Il était possible,
grâce à ces trois aspects bien différents, de mettre en place une
politique logistique à même de satisfaire les besoins.
Pour la première fois, l’Adjoint logistique, le Colonel TINE,
pouvait proposer un plan de campagne aussi bien pour le budget
de fonctionnement que pour le budget d’équipement, qui faisait
l’objet d’inscription dans le Budget Consolidé d’Investissement,
BCI.
Le BCI n’était pas important, du moment que le choix était
vite fait de tout consacrer à la mobilité ; sauf que, à ma grande
surprise, le plan SALEH, bien qu’exécuté, n’était pas budgétisé.
Trois à quatre milliards, je ne me rappelle plus très bien des
chiffres, étaient urgents pour certains problèmes de construction
et de réhabilitations de logements, surtout pour les célibataires
de la Gendarmerie Mobile. La Légion de Gendarmerie
d’Intervention, que je venais de renflouer en personnel, du
simple au double, devait, pour des raisons opérationnelles, loger
l’ensemble de ses personnels.
Il en allait de même de la Garde Présidentielle, toutes unités
confondues. Plus de 700 hommes étaient dans la Garde, can-

152
tonnée entre la Caserne Samba Diéry Diallo et la Caserne du
Front de terre.
Les logements, dans les deux casernes, étaient désaffectés
pour plusieurs raisons, surtout à cause de l’insalubrité et de
l’incommodité : des familles partageaient des toilettes, et le
ravitaillement en eau était difficile.
Il fallait, en outre, loger plus de 500 auxiliaires dans la ca-
serne de Front de Terre, pour les besoins de la nouvelle Légion
de Sécurité et de Protection.
Ce problème semblait impossible à résoudre ; les auxiliaires,
depuis leur admission dans la Gendarmerie en 1973, avaient
toujours vécu à l’Ecole de Gendarmerie, Caserne Mame Bou-
nama FALL.
Le Colonel Mamadou DIOP, Commandant de Légion, fit
preuve d’ingéniosité et d’initiative, en se donnant les moyens de
loger son personnel.
L’Etat-major Gendarmerie par le plan de campagne, en adé-
quation avec les réformes entreprises, se fixa l’objectif de ré-
soudre les problèmes de logement, à savoir construction de
célibatérium, réfection de logements dans les principales ca-
sernes de la Gendarmerie Mobile, couchages et matériels
d’ameublement.
Des commandes importantes de literie, matelas, sont faites
en même temps que l’ouverture de marchés avec des entreprises
de construction.
Le déroulement de ce plan de campagne fut secoué net par
des ordres intempestifs du Général de prendre en compte,
d’urgence et toutes affaires cessantes, un marché exceptionnel
de matériel de Maintien de l’Ordre.
Selon le Général, la Gendarmerie devait réaliser sans délai,
du matériel de protection et spécial de Maintien de l’Ordre. Un
marché de gré à gré devait être confectionné pour satisfaire ce
besoin dans le budget 2006.
L’Etat-major voulut lui opposer une priorisation des besoins,
et lui soumit le cadre général d’action des unités mobiles. Les
principes d’action, qui privilégiaient une forte mobilité des uni-

153
tés mobiles, dont l’insuffisance notoire imposait un éclatement
par petits groupes, contrairement à la doctrine européenne, ex-
cluaient de s’alourdir de ces matériels.
Le Général pouvait avoir raison de vouloir doter les hommes
de matériel de protection, c’était louable, et peut être décisif
dans le respect scrupuleux de la doctrine du Maintien de l’Ordre.
Cependant, il ne prenait pas en compte la réalité du Maintien
d’Ordre dans le cadre sénégalais. Le Maintien de l’Ordre re-
quiert une action rapide et efficace contre des commandos très
mobiles ; les Sénégalais, de façon générale, n’affrontent pas les
forces de l’ordre.
Il est très rare de voir une confrontation frontale entre les
forces de l’ordre et les manifestants. C’est en petits groupes et
avec, comme mode d’action, des petites équipes très mobiles
qui vous cassent des bus, des bâtiments ou brûlent des pneus,
que les Sénégalais manifestent leur colère. Sans quoi, comment
imaginer qu’une centaine de policiers peu motivés et sous équi-
pés arrêtent des marches de vingt mille personnes sur l’avenue
Malik SY.
Le plus bizarre fut que le Général envoya un de ses amis
personnels pour le marché de matériel spécial de Maintien de
l’Ordre, qu’il estima d’emblée à une somme de cinq cents mil-
lions.
Il ne voulut pas de la société de cet ami pour soumissionner
le marché, mais, selon toute indication, d’une nouvelle société
de cet ami, qui devait bénéficier du marché. Je ne pouvais pas
comprendre et accepter une telle démarche.
Je dus le voir plusieurs fois pour lui expliquer que ce marché
n’était pas une priorité, que la somme décidée mettait en cause
tout ce qui avait été défini et que, troisièmement, la société
n’était même pas constituée pour bénéficier légalement du mar-
ché. Il tint fermement à ses ordres et nous dûmes une fois en-
core nous y plier.
Une avance de trésorerie fut faite, à l’insu de l’Etat-major,
sur les fonds OPEX ou FRONTEX, pour permettre la réalisa-
tion du marché. Un beau matin, je fus invité, avec tous les res-

154
ponsables, à la Légion de Gendarmerie d’Intervention pour
réceptionner le matériel commandé
Quelques gendarmes, habillés en vrai Robocop, nous atten-
daient dans la Place d’armes de Mbao. Ils nous montraient
l’équipement réalisé. Le Général était content de sa commande.
Je fus surpris d’entendre le Commandant de la LGI dire ne pou-
voir équiper qu’un escadron.
Tout ce matériel avait couté 500 millions. Le Colonel TINE,
spécialiste, l’estimait à quelques dizaines de millions. Le Géné-
ral promettait au personnel, durant le pot, d’équiper dans les
meilleurs délais toutes les unités de la Légion et d’étendre, les
années suivantes, la mesure aux Escadrons territoriaux.
Je ne fus pas surpris de me voir inviter à visiter une ferme
modèle qui avait inspiré le Général et son ami. Je découvris tout
un programme à mettre en place pour bénéficier de la Coopéra-
tion mise en œuvre par le Ministère de l’Elevage dans le cadre
d’importation de vaches laitières brésiliennes et argentines.
Le marché matériel spécial de Maintien de l’Ordre devait
permettre de rassembler les moyens financiers pour importer
des vaches laitières de l’Amérique du Sud.
Sans souci pour le plan de campagne, encore moins pour les
besoins des personnels, le Général venait de sacrifier tout notre
système logistique pour pouvoir importer des vaches laitières.

155
Chapitre 14
Chantage

De sérieux problèmes m’opposaient au Général FALL sur la


conduite générale de la Gendarmerie, sans pour autant, en ce
qui me concerne, remettre en cause ma loyauté, voire ma con-
duite, ma discipline et mon amitié sans commune mesure, avec
lui.
Nos échanges restaient francs, directs, et sans parti pris sur
la plupart des grands dossiers de la Gendarmerie. Parfois, il me
fixait des limites sur certaines décisions que je pouvais prendre,
mais jamais, je n’ai pu croire que je pouvais le gêner ou
l’empêcher de faire ce qu’il voulait.
Je donnai, sur tout, mon opinion et l’opinion de l’Etat-major
après des études exhaustives de mes subordonnés. J’acceptai, en
bon militaire, que le Général pouvait prendre des décisions con-
traires et nous imposer ses propres points de vue.
Nous étions formatés par trente années de carrière à obéir
avec loyauté et zèle à toutes ses décisions. Il en profitait large-
ment, sans me heurter, ou encore me révolter.
Je considérai que c’est lui qui était le chef, qui avait la
charge et la légitimité du Commandement et qu’il était le seul
responsable des ordres qu’il donnait.
Je distinguai clairement deux choses que je ne voulais ni ne
pouvais confondre, le Commandement, exercé exclusivement
par légalité et légitimité par le Général, et l’attitude illégale,
indisciplinée et inadmissible de sa garde prétorienne, conduite
par Moussa FAL et Matar SOW, avec l’aide de quelques Chefs
de division.
Je n’eus jamais de problèmes ou d’états d’âme avec le Géné-
ral sur ce qu’il ordonnait ou interdisait. Je me suis par contre
opposé, souvent, aux influences néfastes et illégitimes de la
garde prétorienne. Je n’eus pas à prendre des mesures contre la

157
garde, car souvent le Général s’était débrouillé à les placer hors
de ma portée.
Mes adjoints, spécialement le Colonel TINE et le Colonel
Ismail SARR, ne pouvaient comprendre et, encore moins, ac-
cepter les influences néfastes de la garde prétorienne.
Ils souhaitèrent que je sanctionne certains Chefs de division,
qui passaient outre les ordres dans l’Etat-major, pour faire si-
gner, à notre insu, certains dossiers au Général. J’eus beaucoup
de mal à les convaincre que ces Officiers ne pouvaient eux
même s’opposer à des ordres directs du Général.
Je préférai parler directement au Général de ces errements
qui ne facilitaient nullement la cohérence de l’Etat-major. La
signature de certains dossiers, non soumis au Chef d’Etat-major
et au Chef de chaine, était inacceptable et ne pouvait qu’influer
négativement sur la conduite générale.
Le Général me rassurait en mettant ces signatures sur
l’urgence et les délais à observer, qui retardaient des mesures
qu’il souhaitait prendre.
Le Colonel TINE se voulait plus radical et jugeait que je de-
vais virer de l’Etat-major les Officiers qui faisaient preuve de
manque de loyauté envers leurs Chefs de chaine et le chef de
l’Etat-major.
Il les traitait de tous les noms d’oiseaux et était prêt à perdre
sa position. Il n’accepterait jamais qu’un de ses Chefs de divi-
sion ait une telle conduite. J’eus la chance, si on peut l’admettre
ainsi, qu'on ne rencontrât jamais un tel cas dans la Chaîne logis-
tique.
Cette position tranchée ne pouvait pas être arrêtée dans les
deux autres Chaînes, dont les deux chefs étaient imposés par
moi, sur des critères de compétence et d’engagement. Tabaski
était compétent, loyal et engagé sur les réformes statutaires à
mener, il était convaincu de la nécessité des réformes proposées
et il menait ses études avec toute l’ingéniosité requise.
Le courant passait difficilement entre lui et le Général, mais
j’étais entre eux. Il ferma, la plupart du temps, les yeux sur

158
l’agissement de certains Chefs de division qui passaient outre
ses ordres, notamment BEYE.
Cheikh SENE, dans une moindre mesure, n’eut pas d’états
d’âme avec la conduite déloyale de certains chefs de division.
Dans son cas, il faut reconnaître le peu de cas du fait de la ma-
tière non intéressée des opérations, analyses et statistiques.
Il eut à se plaindre de quelques absences qui retardaient des
études, voire de la position à cheval de BEYE entre deux
chaînes, qui le faisait échapper à tout contrôle. Il faisait alors
lui-même le travail et ignorait royalement les inconduites notées.
La position plus que tranchée de TINE, que le Général con-
naissait, car TINE, comme moi, ne s’embarrassait jamais de
dire ses quatre vérités au Général, ne put se voir mettre en
œuvre du fait que le CAGN et le CTGN, organes logistiques
d’exécution, échappaient à sa sphère de commandement.
Ces deux organismes, chargés de la mise en œuvre de la po-
litique logistique, relevaient exclusivement du Commandement
direct du Général. En ma qualité de Haut Commandant en Se-
cond, ils relevaient aussi de moi.
Ces deux organismes recevaient directement des ordres du
Général, qu’ils exécutaient sans devoir m’en rendre compte. Ils
recevaient aussi directement des ordres de moi-même, pour
mettre en œuvre les décisions de l’Etat-major Gendarmerie.
Je considérai comme pour mes propres ordres, que les ordres
qu’ils recevaient du Général étaient étudiés, maitrisés et dictés
par les procédures définies dans l’Etat-major Gendarmerie.
Je ne pouvais savoir tous les ordres que ces deux organismes
recevaient directement du Général, surtout les ordres sur les-
quels ils s’étaient entendus pour que l’Etat-major, et surtout moi,
n’en prenne connaissance.
Cette façon de faire me fit perdre beaucoup de crédit auprès
des deux patrons, hommes de main du Général. L’Etat-major
leur faisait confiance tenant compte de ce dont ils nous ren-
daient compte par écrit ou lors des réunions de grand Comman-
dement. Il n’y eut jamais de confrontation directe entre eux et
TINE.

159
Le Général nous avait isolés et faisait échapper ces deux or-
ganismes de notre sphère de contrôle, avec une intelligence
certaine. Il avait, certes, des relations particulières avec les deux
Officiers qui dirigeaient les deux organismes, mais, a priori, ces
relations ne signifiaient nullement contournement des procé-
dures, pour faire échapper des décisions plus qu’importantes au
contrôle sur pièces de l’Etat-major Gendarmerie.
Il a fallu le clash du carburant pour se rendre compte que
tous les comptes rendus reçus à l’Etat-major, aussi bien du
CAGN que du CTGN, étaient erronés et faux, établis sur la base
de faux chiffres, voire de fausse comptabilité;
Des marchés étaient octroyés à notre insu, de l’argent sortait
des caisses sur la base d’ordres intéressés et faussement légaux.
Des détournements importants étaient faits sur la base d’ordres
légaux et légitimes sur les fonds OPEX et FRONTEX.
Le détournement de plus de deux cent cinquante millions,
du Colonel SY, CTGN, fut la plus chaude alerte contre les agis-
sements mafieux de la Gendarmerie. Le Général, en reculant sur
beaucoup d’aspects, géra le conflit ouvert entre les réseaux et
l’Etat-major.
Il nous remit la gestion directe du carburant pour nous tenir
éloignés des dossiers qu’il voulait nous faire ignorer. Malgré
toute mon insistance, il garda le Colonel SY à la tête du CTGN,
en me demandant de lui enlever toute possibilité de gestion
directe.
Il avait encore besoin du Colonel SY à la tête du CTGN pour
gérer, avec le Ministre Bécaye DIOP, un dossier encore plus
juteux. Il faut reconnaître que cette fois-ci, le Général n’était
pas demandeur.
Le Ministre lui-même avait monté un dossier pour virer des
crédits des Armées vers la Gendarmerie, sur le Budget Consoli-
dé d’Investissement, profitant de la faiblesse du CEMGA, à qui
le Président avait annoncé son départ dans les mois à venir, et la
complicité du Directeur des Affaires administratives et du
Budget de cette époque.

160
Devant le retard pris par les Armées pour consommer des
crédits BCI, destinés à la réparation des navires militaires, le
Ministre décida, sans consulter personne, de faire virer, en pro-
cédure d’extrême urgence, un milliard sept millions dans la
Gendarmerie, pour renforcer la mobilité.
Le Général, surpris par cette mesure, voulut lui opposer le
plan de mobilité voulu par le Président, il crut même à une
avance sur le programme SALEH, qui n’était pas budgétisé.
L’intendant DAAEB, un ami commun, lui fit part de
l’aubaine et lui expliqua que les Forces Armées risquaient de
perdre ses crédits, du fait que les Armées n’étaient pas en me-
sure de les consommer sur le champ. Avec les élections, l’Etat
voulait renforcer davantage les moyens de la Gendarmerie, en
lui assurant une mobilité totale et exceptionnelle.
La seule condition était que ces crédits devaient être géré di-
rectement par le Ministère, en accord avec la Gendarmerie.
Je ne fus au courant de tout ce programme qu’en signant
l’ordre de mission du Colonel SY, chef du CTGN, qui devait se
rendre en urgence en Allemagne, pour commander des camions
Mercedes.
Il n’y eut aucune étude de l’Etat-major pour ces véhicules, le
Général nous fit juste savoir un besoin de camions d’allègement,
pour les Escadrons d’intervention et les Compagnies territo-
riales.
Ce besoin n’était pas une priorité pour les services logis-
tiques, le Colonel Lafoix nous donnait dans le cadre de la Coo-
pération, vingt camions et vingt bus français qui devaient arri-
ver incessamment.
Le Général me rétorqua que ce programme ne coutait rien à
la Gendarmerie : le Ministère allait perdre les crédits et n’avait
d’autre choix que de nous les octroyer pour acheter des véhi-
cules.
Ce marché de véhicules fut octroyé, de gré à gré à Thierno
BA, un jeune,, qui était ami du ministre Thierno squattait les
bureaux du Ministère depuis belle lurelle à la disposition du
ministre. Thierno fit le voyage d’Allemagne avec le Colonel SY.

161
Effectivement, ils nous ramenèrent vingt camions Mercedes de
seconde main, dont le coût total pouvait être estimé à 200 000
euros à raison de 10 000 euros pièce. Ces camions, non révisés,
vinrent augmenter le parc.
Pour faire bien, Thierno réalisa dix pick-up Mitsubishi et
cinq Toyota land-cruiser de commandement, petite gamme. Les
20 camions furent affectés à un escadron fictif de transport,
comme les dix pick-up.
Les cinq Toyota furent distribuées : un au domicile du Géné-
ral, un chez le Ministre, un au Directeur de Cabinet, un rempla-
ça mon Nissan Terrano 4X4 de Commandement, et le dernier
fut donné au Chef d’Etat-major général qui venait juste d’être
nommé, en qualité de cadeau de bienvenue.
J’eus la chance de ne jamais bénéficier de ce véhicule. Le
lendemain de la distribution, le Colonel Faty, officier de liaison
FRONTEX, ramena pour la Gendarmerie, un 4X4 Nissan Path-
finger, des Pick-up et des « Quatters », comme appui espagnol
au plan FRONTEX.
La Police, les Armées et la Gendarmerie avaient reçu cha-
cune, un bon lot de véhicules. Je choisis la Nissan Pathfinger et
retournai au CTGN, la Toyota Land Cruiser que l’on m’avait
affectée la veille.
Le marché de Thierno BA était estimé à un milliard sept
cents millions, les moyens que la Gendarmerie venait de perce-
voir de ce marché, pouvaient, de toute bonne foi, s’estimer entre
trois et quatre cents millions.
Le Trésor Public venait de perdre, par cette opération, un
milliard trois cents millions, que les protagonistes du marché
allaient se partager. Thierno fit la distribution et faillit même
commettre l’erreur de me donner ma part. On dut lui dire que le
Colonel NDAW n’était pas concerné, ce qui l’obligea à annuler
le rendez-vous qu’il m’avait déjà fixé.
Mon propre chauffeur fut témoin de ce partage. Le Colonel
SY et Thierno, que je connaissais bien depuis mon séjour au
Ministère, étaient arrivés ensemble, un matin, pour voir le Gé-
néral dans une voiture banalisée.

162
Ils sont montés voir le Général. Le chauffeur du Général est
descendu prendre une mallette dans la voiture, comme si une
telle action pouvait échapper aux autres chauffeurs.
Je présidai une réunion quand Thierno voulut venir me voir :
il m’appela sur mon portable, pour solliciter un rendez-vous
urgent. Je ne pouvais arrêter ma réunion pour le recevoir, il me
fixa rendez-vous à mon domicile, l’après-midi, pour respecter le
repos du mercredi.
Il ne vint jamais et il ne reprit jamais contact. Mon chauffeur
me rendit compte du choc des mallettes dans l’Etat-major, le
Colonel TINE me confirma la distribution.
Quelques mois après ces faits, juste après les élections de fé-
vrier 2007, le nouveau Chef d’Etat-Major Général, après l’audit
des programmes majeurs des armées, découvrit le virement
illégitime du budget de réparation des navires vers la Gendar-
merie.
Il profita de la réunion de répartition du BCI pour demander
la réinscription des crédits, en insistant sur la nécessité vitale
pour les Armées de réparer les quelques rares navires de la Ma-
rine Nationale.
Sa démarche et son opiniâtreté décidèrent le Ministre à af-
fecter les crédits inscrits pour la deuxième partie de la dette
Gendarmerie au BCI des armées, pour la réparation des navires.
La Gendarmerie, et moi en tête, refusera cette affectation et
il y eut des correspondances acerbes et explicatives entre le
Ministre et le Général. Ce dernier ne voulut rien entendre et
l’Etat-major Gendarmerie lui donna assez d’arguments pour
refuser la décision du Ministre.
Le CEMGA mit tout son poids et ses services dans le retour
des crédits volés aux Armées sans aucune raison pérenne. Il fit
relever et sanctionner le Directeur des Affaires administratives
et du Budget, qui était partie prenante du virement douteux, et
obligea le Ministre à réaffecter ce qui a été pris.
Le Ministre n’eut d’autre solution, pour éviter la confronta-
tion, que d’accéder à la demande des Armées.

163
Le Haut Commandant de la Gendarmerie ne l’entendit pas
de cette oreille. Il mobilisa ses agents de la Présidence et solli-
cita, après avoir bien travaillé ses complices de la Présidence,
l’arbitrage du Président de la République.
Une fiche très explicative de l’Etat-major Gendarmerie, dé-
montra les risques courus et les difficultés que la mesure aurait
sur le programme de relance entamée dans la Gendarmerie.
Le Président convoqua une réunion des trois parties, Minis-
tère, Armées et Gendarmerie.
Les Armées, par la voix du CEMGA, expliquèrent avoir
perdu dans le budget 2006 la somme d’un milliard sept cent
millions - budget inscrit au BCI pour la réparation des navires
de la Marine.
Ce budget, sans aucune raison apparente, avait été viré à la
Gendarmerie pour des motifs erronés et inacceptables. Il était
demandé la réinscription de ces crédits dans le budget 2007
pour réparer les navires.
La Gendarmerie, par la voix de son patron, remercia le Pré-
sident de la République de la relance de la Gendarmerie par
deux mesures salutaires : le plan SALEH, pour la mobilité, et le
paiement de la dette en deux tranches.
Ce paiement allait être compromis par la décision d’affecter
ces crédits à la marine, pour rembourser le virement non sollici-
té et non géré par la Gendarmerie. Le Ministre, seul, est respon-
sable de la gestion des crédits virés.
Le Président de la République demanda à Bécaye ce qu’il
avait fait de ces crédits et pourquoi il avait mis fin, délibéré-
ment, à des programmes qu’il avait ordonnés, sans s’en référer
à lui.
Il l’engueula comme un poisson pourri, le menaça, devant
les explications tordues et indignes de ce Ministre farfelu, in-
compétent et malhonnête.
Bécaye expliqua au Président avoir gagné largement le Kol-
da pendant les élections présidentielles qui venaient de se passer,
alors que le parti ne lui avait remis aucun sou.

164
Il avait été obligé de recourir au Budget d’Investissement
pour mobiliser ses militants. L’argent avait servi à élire le Pré-
sident WADE, selon ses dires et devant tous les Généraux des
Forces Armées.
Le Président, sans autre forme de procès, décida de rem-
bourser aux Armées, lui-même, les crédits nécessaires à la ré-
fection des unités navales.
La Gendarmerie pouvait conserver sa part, dédiée au paie-
ment de ses dettes, et, enfin, interdiction formelle était faite au
Ministre de toucher au budget des forces. Becaye sauva sa tête
par cette interdiction.
Becaye en voulut au Général Haut Commandant de la Gen-
darmerie qui avait tout fait et manigancé pour le faire renvoyer
de son poste de Ministre des Forces Armées. Il suffoquait de
rage, estimant n’avoir eu le salut que par la protection sans
faille de ses marabouts.
Il décida d’en finir avec le Général, Haut Commandant de la
Gendarmerie, à qui il pouvait reprocher toute sorte de malversa-
tion. Bécaye mit tous ses amis et agents dans le combat contre
le Général.
Il rassembla pas mal de dossiers sales et d’accusation, qu’il
fit établir dans un document avec la complicité effective du
Colonel Loumbol SY, chef du CTGN. Ce dernier en profita
pour régler quelques comptes avec des Officiers de l’Etat-major
Gendarmerie, notamment TINE et moi.
Becaye n’osa pas entreprendre un combat frontal. Il fit re-
mettre son dossier sous forme de document anonyme au petit-
fils et garde de corps du Président de la République, Lamine
FAYE.
Lamine FAYE, connaissant son grand-père, connaissant ses
relations avec le Général de la Gendarmerie, mais surtout cons-
cient de la couardise de ce dernier, décida, en complicité avec
Baila WANE, Directeur Général de la LONASE, de faire chan-
ter le Général.
C’est Baila WANE qui appela le Général pour solliciter un
rendez-vous urgent et très grave à deux, soi-disant, membres

165
des services secrets du PDS, hommes à tout faire du sieur Insa
DIALLO.
Ces deux jeunes, membres et franc-tireur du PDS, vinrent
voir le Général et lui exposèrent le motif de leur visite, à savoir
échanger, au nom de leur employeur, un document explosif sur
la Gendarmerie, contre la somme de cinquante millions.
Pris de panique à la lecture du document, le Général se dé-
composa et promit de payer. Il fixa rendez-vous aux deux
jeunes francs-tireurs chez lui, le soir, pour rassembler l’argent et
payer.
Il convoqua le Colonel Matar SOW son chef de cabinet, et le
Commandant Moussa FALL pour leur exposer le chantage et
les mettre à contribution pour trouver une solution.
Moussa FALL, le seul courageux du groupe, prit l’affaire en
mains, attendit, avec ses hommes de la Section de Recherche,
les deux francs-tireurs. Il les arrêta, les fit conduire à la section
de recherche où ils passèrent un sale temps, aux mains des plus
grands tortionnaires de la Gendarmerie.
Moussa FALL attaqua les locaux d’Insa DIALLO, patron
des Services Spéciaux du Parti de la rue Sandinièry. Il fit tout
simplement incendier toutes les archives du bureau.
Las d’attendre les résultats du chantage depuis vendredi 20
heures, et au courant de la descente des gendarmes chez Insa,
les commanditaires, Lamine FAYE et Baila WANE, s’en ouvri-
rent au Président de la République qui convoqua, sur le champ,
le Général.
C’était le samedi 14 juin 2007 vers 17 heures. Tout le palais
était secoué par cette affaire qui changeait les habitudes.
Comme première réponse, le Général dit ignorer
l’arrestation d’agents du Palais par les Services de la Gendar-
merie. Il allait s’enquérir de la situation, pour en rendre compte
au Président de la République
Entretemps, le Colonel TINE me rendit compte d’un pro-
blème important qui opposait la Présidence à la Gendarmerie,
par l’arrestation de personnes appartenant au parti du Président.

166
En bon militaire, j’en rendis compte au Général qui me ré-
pondit tout ignorer d’une telle arrestation, mais qu’il
m’appartenait de vérifier, avec les Commandants de Légion,
d’une arrestation sensible.
J’ai appelé de mon portable tous les Commandants de Llé-
gion et chacun me répondit par la négative. Je fis vérifier par le
COG les gardes à vue. Selon les normes et procédures en vi-
gueur, tout semblait correct.
L’ »enquête» du Général dura deux heures et il revint au Pa-
lais vers 19 heures 30 pour fournir au Président une explication,
qui allait bouleverser toute la République et la Gendarmerie.
Il m’avait volontairement menti car au moment où je
l’appelai pour lui rendre compte. Il était en conclave avec ses
hommes de main, notamment SOW et Moussa FALL, pour
fixer une stratégie face aux demandes du Président de la Répu-
blique.
Le Général Abdoulaye FALL, Haut Commandant de la
Gendarmerie, et Directeur de la Justice militaire, Officier Géné-
ral, Saint-cyrien, déclara au Président de la République que le
service du PDS avait rassemblé des documents très compromet-
tants contre le Premier Ministre Macky SALL.

« Ce dernier avait sollicité son ami, le Colonel Abdoulaye


Aziz NDAW, Haut Commandant en Second de la Gendar-
merie, pour retrouver ses dossiers et les faire disparaître.
Le Colonel NDAW avait alors fait arrêter deux agents
des services présidentiels, les avait fait torturer, avait fait
incendier les bureaux de Insa DIALLO et gardait toujours
dans des locaux de la gendarmerie ces deux personnes.
Il avait réussi à détruire les documents compromettant le
premier Ministre Macky SALL ».
Le sort de Macky SALL, premier Ministre et du Colonel
NDAW, Haut Commandant en Second de la Gendarmerie fu-
rent scellés sur le champ par deux décrets successifs, l’un met-
tant fin aux fonctions du Premier Ministre, le deuxième nom-
mait le Colonel Alioune DIEYE, Haut Commandant en Second

167
de la gendarmerie, en remplacement du Colonel Abdoulaye
Aziz NDAW.
Personne ne me mit au courant de ma révocation des fonc-
tions de Haut Commandant en Second de la Gendarmerie et
Sous-directeur de la Justice Militaire. Le Colonel Mamadou
Gueye FAYE, Gouverneur militaire du Palais, vint ce jour à
mon bureau vers 11 heures.
Il me posa un problème de chauffeur et je fis remplacer son
chauffeur qu’il souhaitait envoyer en mission internationale. Ce
sera mon dernier acte de commandement.
Je pris part à la Cérémonie organisée par l’Ambassade de
France pour commémorer l’appel du 18 juin, et décorer certains
Officiers sénégalais, dont le Sous-chef d’Etat-major, le Com-
mandant de la Gendarmerie Mobile et mon Adjoint logistique le
Colonel TINE.
Beaucoup d’Officiers des Armées, déjà au courant de la me-
sure qui me frappait, furent très surpris de ma présence.
Je quittai la réception pour aller prendre, chez moi, mon dé-
jeuner avec quelques amis, qui avaient l’habitude de manger
chez moi. Je retournais au bureau vers quinze heures pour me
plonger dans le courrier Gendarmerie.
Je lisais et mettais les instructions sur les papillons préparés
par mon secrétariat, quand l’Adjudant-chef me passa au télé-
phone le Lieutenant-colonel Coulibaly, de l’Etat-major Particu-
lier.
Il me fit comprendre, après moult hésitations, que j’étais re-
levé de mes fonctions depuis le week-end, et que le décret me
concernant venait de finir la procédure normale de numérota-
tion.
Il fut très surpris de me savoir pas au courant, et décida de
m’envoyer immédiatement le décret signé et numéroté. Je n’y
comprenais rien, et que pouvais-je comprendre ?
Mon secrétaire me présenta le décret dix minutes après sous
enveloppe. Je remis le papier dans une enveloppe et lui dit de le

168
remettre à l’Aide de Camp du Général, de ma part et en extrême
urgence.
J’ai donné les ordres à mes Sous-officiers de me préparer
mes affaires personnelles, j’ai appelé ma mère, puis mes deux
épouses et j’ai fait venir mes trois Adjoints et le Colonel SARR
du COG.
Je les mis au courant de la mesure, je les remerciais avec
beaucoup de dignité de la loyauté et du travail accompli depuis
deux ans. Je n’eus aucune explication à leur donner.
Je n’en avais pas, n’importe comment. Ils parlementaient et
se demandaient le pourquoi d’une telle mesure, quand mon
secrétariat leur annonça qu’ils étaient appelés, en réunion, chez
le Général.
Je pris mes affaires plus que personnelles et avec toute la di-
gnité requise, quittais mon ex bureau. Je n’y remis plus jamais
les pieds. Je rentrai chez moi où je trouvais ma femme conster-
née, révoltée et indignée.
Personne dans ma famille ne pouvait comprendre ce qui
m’arrivait. Ma mère calma tout le monde en faisant appel à la
religion et à la dignité. Elle me fit comprendre toute sa fierté et
toute son affection.

169
Chapitre 15
Mensonge d’État

C’est dans le journal l’« As » du lendemain matin que


j’appris que j’avais été relevé de mes fonctions de Haut Com-
mandant en Second de la Gendarmerie, pour intempérance,
mauvaise conduite et indiscrétion.
L’entrefilet était signé d’un journaliste du nom de Cheikh
Mbacké GUISSE, que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam.
Les jeunes de Fass, notamment Niang Faye, ami de ma fa-
mille, homme de confiance, compagnon et habitué de ma mai-
son, décidèrent de coincer le journaliste, pour explication sur
son entrefilet.
Cheikh Mbacké GUISSE leur expliqua avoir reçu un coup
de fil du Cabinet du Général, qui lui avait donné l’information.
Sa source étant officielle, il n’avait pas à vérifier ni la teneur ni
non plus l’exactitude.
Cet entrefilet me blessa profondément et surtout blessa mes
enfants. Je n’ai jamais caché prendre de l’alcool mais je défie
quiconque de prouver m’avoir connu intempérant.
Après plus de trente ans de service, et avec de grandes res-
ponsabilités dans différentes postures de la République, il était
idiot comme dégueulasse de me traiter d’intempérant.
J’assume prendre mon pot, mais je prends mon pot dans des
endroits décents, avec des personnes décentes et responsables et,
la plupart du temps, au Mess des Officiers.
Le Colonel TINE vint me rendre compte de la liaison entre
son compte rendu du week-end concernant l’arrestation
d’agents des Services Présidentiels et ma relève.
Je ne pouvais comprendre et personne, surtout pas mon ex-
patron, ne voulait m’expliquer ce qui se passait ou ce qui s’était

171
passé. Le Chef d’Etat-Major Général, que je sollicitais, me ré-
pondit ignorer la raison de mon renvoi.
Je pris le taureau par les cornes et m’adressai à mon ancien
service, la Direction de la Documentation et de la Sécurité Exté-
rieure.
Ceux-ci me mirent en rapport avec les Commissaires du Bu-
reau de Sécurité Présidentielle, qui me remirent le rapport établi
par les services du PDS contre le Général Abdoulaye FALL,
Ils me firent comprendre que mon affaire était liée à ce rap-
port et à l’attaque de la Gendarmerie contre les services du
nommé Insa DIALLO.
Les Policiers me mirent en rapport avec le jeune Amdy,
franc-tireur du PDS, homme de main d’Insa Diallo et souvent
garde de corps d’Oulimata DIOUM.
Amdy acceptait de me parler uniquement en présence
d’Oulimata DIOUM, pour des raisons de sécurité. On lui avait
fait comprendre que j’avais décidé de le tuer pour m’avoir ac-
cusé, et qu’il avait intérêt à contacter les services de la Gendar-
merie.
Il m’expliqua de long en large ce qui s’était passé dans le
bureau du Général, le vendredi 13 juin vers 15 heures, le piège
que le Général leur tendit vers 20 heures à son domicile, les
tortures qu’ils subirent toute la nuit du 13 au 14 juin 2007 et la
descente des Gendarmes dans leur bureau de la rue Sandinièry,
pour détruire les ordinateurs et brûler les documents.
Il me fit comprendre avoir échappé à une mort certaine par
la promptitude de l’intervention du Président de la République
pour exiger leur libération.
Il était désolé pour moi et pour la décision me concernant,
mais il avait agi sur instructions de personnes tapies au palais,
qui voulaient profiter du Général.
Il ne voulait pas entamer une collaboration quelconque avec
moi pour faire triompher la vérité. Sa vie était selon ses amis en
danger des deux côtés, les Gendarmes le menaçaient de repré-
sailles et ses Commanditaires ne voulaient, en aucun cas, que

172
leurs actions n’éclatent devant le public, comme devant le Pré-
sident de la République.
Oulimata DIOUM, soi-disant croyant, organisatrice de pèle-
rinage à la Mecque, et aussi amie personnelle du nouveau Pre-
mier Ministre, Aguibou SOUMARE, promit de prendre l’affaire
en mains si je voulais bien oublier son Amdy.
Elle ferait part au Premier Ministre de toute l’affaire et était
prête à me conduire devant ce dernier, pour témoigner de mon
innocence dans l’attaque contre les agents d’Insa.
Je lui fis confiance et, très serein, j’envoyai, par des amis,
quatre lettres au Président WADE pour clamer mon innocence
et demander l’ouverture d’une enquête officielle, sur ce qui
avait conduit l’Etat et le Président de la République à me rele-
ver de mes fonctions de Haut Commandant en Second de la
Gendarmerie.
Ces lettres furent acheminées par des personnes ressources
vers le Président. Il refusa d’entendre quelqu’un lui parler de
moi. Son propre neveu, Fodé SAKHO, qu’un ami venu de
France obligea à porter ma lettre, se vit fermer les portes de son
oncle dès qu’il se fut agi de moi.
Le père WADE m’en voulait, il m’accusait de haute trahison
et de complot contre la Sûreté de l’Etat. On renforça sa haine en
me présentant comme un spécialiste de la subversion, qui était
déjà en connivence avec Idrissa SECK, lorsque ce dernier était
aux affaires. Cette connivence avait alors poussé à m’éloigner
vers la Guinée.
Le Populaire titra « SCANDALE DANS LA GENDAR-
MERIE », en faisant état d’un détournement de deux milliards,
qui a amené l’Etat à ouvrir une enquête sur la Gendarmerie. Le
journal avança que le HCS, sanctionné et relevé de ses fonc-
tions à la suite du scandale, clamait son innocence.
L’article fit gros effet, et ce jour-là, le Populaire fit un deu-
xième tirage pour satisfaire la clientèle. Le Général devait pré-
sider une Cérémonie au Mess de la Gendarmerie vers 09 heures
en présence de plus de mille Gendarmes.

173
Chaque Gendarme vint avec son Populaire en mains. Les
Officiers eurent beaucoup de difficultés pour faire cacher le
journal. Les Gendarmes brandissaient le journal comme une
quête de vérité. La cérémonie ne put se tenir tellement la honte
du Général était évidente et intenable.
Je décidai qu’il était important et légitime de sauvegarder
mon honneur devant les plus hautes autorités de l’Etat, surtout
devant le Président de la République.
Je reçus l’aide prestigieuse et inestimable de la fille de Ser-
gine Mourtada MBACKE, Astou Thierno. Elle me conduisit,
malgré mes réticences, chez le Colonel Malick CISSE, Conseil-
ler spécial du Président de la République.
Très bouleversé par mes explications, le Colonel promit de
dévier son voyage sur les Etats-Unis, pour retrouver le Prési-
dent, en vacances en Suisse, et lui exposer personnellement
mon cas et les mensonges dont j’avais fait l’objet.
Il tint promesse, rencontra WADE à Genève pour moi, me le
passa même au téléphone. WADE promit de régler mon pro-
blème dès son retour et, qu’en conséquence, il me mettrait en
rapport avec son Directeur de cabinet, le Ministre d’état Zacca-
ria DIAW.
Effectivement, je reçus un appel de Zaccaria DIAW, qui me
dit avoir reçu des instructions du Président de la République me
concernant. Il promit de me faire une lettre réponse, sur de-
mande du Président, pour bien signifier la réception de mon
courrier et la prise en compte de mon cas. Il était en dehors de
Dakar pour des raisons officielles mais il prendrait toutes les
dispositions dès son retour.
Je ne reçus jamais cette lettre réponse. Pourquoi, je n’en sais
rien. Toutes mes tentatives pour rencontrer Zaccaria DIAW,
que je connais personnellement, ont échoué pour des raisons qui
me sont inconnues.
Mon frère, qui a été longtemps sous ses ordres, se vit refuser
une audience, dès qu’il sut qu’il voulait le voir pour traiter de
mon cas.

174
Entretemps, le Haut Commandement de la Gendarmerie a
mené toute sorte d’actions de représailles contre moi, pour
prouver ma faute, me tenir en respect, me clochardiser et, sur-
tout, salir mon nom et mon honneur en m’accusant de tout ce
qui pouvait justifier ma mise à l’écart.
On me refusa un véhicule de service alors que même les
lieutenants qui venaient de sortir d’école en avaient. Dieye, qui
venait de me remplacer ne voulut aucun de mes véhicules de
fonction, ni la Safrane, encore moins la 4X4 Nissan Pathfinger,
pourtant neuve.
Il préféra prendre, en toute modestie et signe de soumission,
la Peugeot 407 que la femme du Général avait fait remplacer
par une petite Mercédès, et la Toyota Land Cruiser, des ma-
gouilles du Ministre des Forces Armées.
Le Général mentit à mon ami Souaré, qu’il avait sollicité
pour intermédiation entre lui et moi. Ce dernier commença à
m’accuser de tout et de rien. Il me demandait de faire preuve de
patience le temps que le Général me rétablisse dans de bonnes
fonctions. Selon lui, il n’y avait aucun nuage et que des per-
sonnes avaient comploté à son insu contre nous deux, et que je
devais patienter.
Je lui répondis que je n’avais pas à patienter face à un men-
teur et un lâche qui m’avait sacrifié face à ses propres fautes. Le
général avait menti pour sauver sa peau. Il ne voulait même pas
me donner un véhicule, alors qu’il savait que je n’en avais pas.
Il me rétorqua que le Général lui avait fait comprendre que
c’est moi qui avais renoncé à tout, villa, maisons, pour juste lui
faire la guerre. Souaré était convaincu que c’est moi qui foutais
le bordel, et refusais tout compromis avec le Général, que je
cherchais, par tous les moyens, à faire relever pour me venger.
Souaré, manipulé, condamnait mon attitude et me jugeait
très négatif dans la recherche de solutions. Il ne voulut rien
comprendre et prit fait et cause pour le Général. Je mis un terme
à cette amitié, très au loin de nos réalités et quelque peu intéres-
sée par les promesses faites par le Général.

175
Beaucoup d’Officiers et de Sous-officiers qui tinrent à me
rencontrer subirent les foudres du Général. 80% des Officiers
supérieurs durent changer de poste pour marquer la "déazizifi-
cation". Ils furent, la plupart du temps, relevés de leur comman-
dement et placés dans des positions sans commune mesure avec
leur compétence.
Le premier à payer son amitié avec moi, fut l’Adjudant-chef
Kandji, Commandant de la Brigade de recherche de Dakar, il
fut convoqué dans le bureau du Général pour s’entendre repro-
cher un manque total de loyauté, et de complot avec un Officier,
qui avait maille avec l’Etat. Il fut mis dans le Contingent Haïti
pour l’éloigner de ma sphère d’influence.
Le second, pris dans les mailles du Général, fut le Major
Abdoulaye SIDIBE, un ami d’enfance, d’un lien plus que fami-
lial de par l’amitié séculaire entre nos deux mères. Il est, sans
ménagement, muté en Casamance en qualité d’Adjoint. SIDIBE,
à des mois de la retraite, ne pouvait bouleverser sa vie familiale
ainsi.
Kandji, en parfaite entente avec moi, accepta le sacrifice de
perdre son commandement et d’être éloigné de sa famille pen-
dant un an. Le chantage qu’on lui fit le laissa de marbre,
malgré mon insistance de négocier son cas.
Il ne pouvait pas en être de même du Major SIDIBE et je dus
reprendre contact avec Souaré, de Paris, pour parlementer. Le
Général comprit très vite me tenir par SIDIBE, que je ne pou-
vais laisser sacrifier.
Il signa l’ordre de mise en route dans les 48 heures. Je ne
pouvais, la conscience tranquille, laisser SIDIBE partir et je fis
ce que je n’aurai peut-être jamais fait pour un autre.
J’envoyai au Général l’arme la plus redoutable que j’avais
pour ma défense : mon seul lien avec le Président de la Répu-
blique. Le Colonel Malik CISSE accepta d’intervenir auprès du
Général pour le cas de SIDIBE. Effectivement, la mutation de
SIDIBE fut annulée après cette rencontre.
Je ne pus plus jamais reprendre le contact avec le Colonel
Malick CISSE. Il m’appela pour me faire comprendre que lui-

176
même était en danger, du fait de notre relation, qu’il ferait tout
pour me trouver un poste à l’extérieur du pays, mais qu’il ne
pouvait plus s’occuper de mon cas.
Les portes de la Présidence me furent à jamais fermées et je
subis de plein fouet les attaques de la Gendarmerie, de toute
l’Institution, pour me faire peur, faire peur à ma famille et
même attenter à ma vie.
Je fus placé sous surveillance constante d’éléments de la sec-
tion de recherches gendarmerie qui, grâce à des scooters, prirent
en relais 24 heures sur 24 mes moindres déplacements. Certains
en faisaient part aux quelques militaires qui pouvaient me rester
fidèles.
Dieye prit sur lui-même de protéger le staff direct que
j’avais, il les maintint dans les mêmes postures, dans son cabi-
net. Il alla même jusqu’à conserver mon chauffeur comme
chauffeur de fonction et le Chef SALL, qui était mon secrétaire
depuis la DIRCEL, comme secrétaire particulier.
Le seul qui eut à subir l’assaut du Général, fut le gendarme
Pape Samba FALL, mon deuxième chauffeur.. FALL fut con-
voqué chez le Général pour s’entendre demander le nom et
l’adresse des marabouts qui me protégeaient. FALL rigola de la
question et certifia au Général que le Colonel NDAO n’avait
pas de temps ni d’argent à consacrer aux marabouts.
Le Général lui demanda de rester mon chauffeur et de le ren-
seigner sur mes relations, mon comportement et mes allées et
venues. FALL refusa toute collaboration avec l’équipe du Gé-
néral, les pressions de son père, cousin du Général n’y firent
rien. FALL fut affecté pour indiscipline à la Légion de gendar-
merie d’intervention.
Beaucoup de Commandants de brigades perdirent leur com-
mandement, considérés à tort, comme des partisans du Colonel
NDAO. Il suffisait de quelques médisances d’un rival qui con-
voitait le poste, et le tour était joué. Fort de tout cela, je rompis
les amarres avec la gendarmerie.
Je ne restais en contact qu’avec le Colonel TINE, qui était
mon ami et qui s’en foutait royalement de ce que le Général

177
pensait de moi. Il subit plusieurs attaques directes et subit
quelques misères et menaces mais, il tint bon.
De guerre lasse, le Général ne se mêla plus de nos relations
et l’éloigna des centres d’influence.

178
Chapitre 16
Me faire taire à tout prix

Le Général, certainement mis au courant de mes décisions et


stratégies par le Colonel CISSE, avec qui il entretenait une rela-
tion d’intérêt, déploya un ensemble de stratégie pour me nuire
et me neutraliser. Les menaces, délations, agressions, attentats
et pressions prirent toutes les formes possibles.
Un marabout de ma famille maraboutique de Gouye MBIN-
DA fut mis à contribution pour me couper de ma protection
mouride par deux actions.
Sur demande du Général, il introduisit le Général auprès de
Serigne Bara, mon ami de par son talibé et représentant, en
Hollande, Bécaye MBOUP. Bécaye m’avait introduit auprès
d’El Hadj Bara qui échangeait beaucoup avec moi sur toutes les
choses de la vie.
El Hadj Bara faisait souvent appel à moi pour discuter de
questions très sensibles. Il était, de par son rang, le deuxième
personnage de Touba. Je ne lui avais jamais demandé un service
quelconque. Il ne s’était jamais intéressé à ma carrière, comme
la plupart de ses fils, notamment Cheikh Bamba, peuvent en
témoigner. Nos échanges étaient purement intellectuels et libres.
Il me savait très lié à Gouye Mbinde et à la famille de Se-
rigne Mourtada, qui m’avait en estime pour des raisons que je
ne puis avouer ici. El Hadj Bara profitait plus, de moi comme
de Becaye, pour se faire expliquer la marche du monde et les
problèmes technologiques. Internet et les portables le fasci-
naient.
Le Général n’hésita pas à mentir honteusement à El Hadj
Bara en lui disant que j’avais eu des problèmes avec le Prési-
dent WADE, car j’avais interdit aux militaires de voter. J’étais
contre le vote des militaires. Connaissant mon tempérament
militaire, El Hadj Bara accepta cette explication sans sourciller.

179
La deuxième offensive fut dirigée vers Serigne Sidy Moctar.
Serigne Cheikh Maty Leye était le khalife de ma famille mara-
boutique Gouye Mbinde. J’étais un grand talibé dans cette fa-
mille où j’avais introduit beaucoup d’officiers de gendarmerie,
notamment le Colonel Djibril BA.
Je portais le nom du grand frère de Serigne Sidy Moctar,
grand frère qu’il avait remplacé au khalifat. Je peux me définir
comme un grand dignitaire de Gouye Mbinde.
J’avais donné en mariage deux de mes nièces à des fils au-
thentiques de Gouye Mbinde. Une de mes sœurs y avait été
mariée. Chaque magal, je ne sacrifiais pas moins de 7 bœufs au
profit de marabouts de Gouye Mbinde dont le khalife.
Un marabout, traitre et intéressé, introduisit le Général chez
le khalife de Gouye Mbinde pour exposer le différend qui nous
opposait. Le Général, cette fois-ci, expliqua à Serigne Cheikh
Maty Leye que j’avais voulu, avec la complicité de certains
colonels, ravir sa place. J’avais monté un complot pour prendre
sa place dans le commandement, alors qu’il m’avait donné toute
sa confiance.
La seule réponse de Serigne CHeikh fut que je n’avais pas
reçu une telle éducation et qu’une telle attitude le surprendrait
de ma part. Il justifia sa position par le fait que je suis son fils et
que, jamais, ma famille, de mon grand-père Tièdo dont Serigne
Touba fit un musulman, de mon père, serviteur de tous les kha-
lifes et, particulièrement, de la famille de Serigne Bara, et de
moi-même son talibé, n’avait eu à faire quelque chose liée au
déshonneur.
Il attendrait que je vienne me plaindre ou demander sa pro-
tection pour faire plus ample connaissance du problème. Son
fils aîné, témoin de l’audience, profita de la sortie pour attaquer
le marabout traitre, qu’il traita de tous les noms d’oiseau.
Il lui rappela les dispositions que j’avais prises pour l’aider à
réaliser ses conférences annuelles sur Serigne Bara, à la foire
internationale de Dakar. Il rappela sa maladie à Dakar, mon
intervention personnelle pour le soigner à Dakar sur demande
de l’épouse d’un ministre de WADE

180
J’évoque le cas de l’épouse de ce ministre, pour ouvrir une
autre offensive du Général vers des officiers généraux de la
deuxième section, à qui il fournit des versions mensongères sur
mon limogeage. Je ne sus ces versions que durant le cocktail de
Noël 2007, offert par le CEMGA, qui m’imposa d’y participer.
Le Général de division, Mamadou DIOP, ancien Haut
Commandant de la gendarmerie, et le Général Mouhamadou
KEITA, ancien CEMGA, furent très heureux de me rencontrer
et de me savoir en pleine forme et en bonne santé. Ils me de-
mandèrent où en était mon cas et me firent part des démarches
entreprises auprès du Général pour me trouver une solution.
Mamadou DIOP, pour banaliser le cas, affirma d’un go qu’il
était inconcevable qu’un officier soit relevé de ses fonctions
pour avoir été l’amant de la femme d’un ministre.
Il expliqua, face à notre surprise, que le Général lui avait
donné la version d’une plainte de ce ministre contre moi pour
des relations coupables avec sa femme. Ce dernier s’était plaint
au Président qui avait décidé de me relever de mes fonctions.
Tout aussi surpris, le Général KEITA lui expliqua avoir reçu
une autre version du Général. Suite à son intervention pour me
sortir du piège de l’état, le Général lui avait donné, comme ver-
sion, un scandale au mess des officiers, en état d’ivresse pu-
blique et manifeste, qui m’avait conduit à insulter le Président
et l’état, et que les faits avaient été portés par les services de la
Police.
Ces deux versions, aux antipodes, mirent ces deux officiers
dans tous leurs états et ils voulurent tirer au clair cette affaire
tout de suite, parce qu’ils estimaient que le Général leur avait
menti, à tous les deux, et les avait éconduits sur une base mal-
honnête et inacceptable.
Le CEMGA dut les calmer pour éviter qu’ils interpellent le
Général, présent dans le cocktail.
La logique du système voulait que j’aie tort et tout fut entre-
pris pour ternir mon image et me lier à des faits répréhensibles
ou crapuleux. SALEH fut appelé pour fournir des témoignages

181
malsains sur moi : il le refusa et on lui ferma les marchés de la
gendarmerie pour un temps.
On servit au personnel des magouilles, portant sur deux mil-
liards, que j’aurai faites sur l’équipement du Congo et qui, au-
jourd’hui, empêchaient la gendarmerie de bénéficier d’un fonds
OPEX, positif comme l’armée. Cette version courut aussi la
presse.
On lia aussi mon sort à des dossiers d’Idrissa SEK, avec qui
j’entretenais des rapports suivis, déguisés en maure. Il fut expo-
sé à des services de renseignement, planche photographique à
l’appui, des visites que je rendais à Idy, dans son domicile.
Le cas Youssou GUEYE fut remis sur la table avec
l’arrestation effective de ce dernier juste pour prouver que son
protecteur, le Colonel NDAO, était tombé.
Ce scandale prit d’autres proportions, et révélera, à la face
des Sénégalais, les vraies protections de Youssou GUEYE, sans
toucher la hiérarchie de la gendarmerie.
Les marchés, allées et venues de ma sœur Bousso, furent dé-
cortiqués pour prouver que l’argent qu’elle détenait était mon
argent, et qu’elle me servait de prête-nom pour monter des af-
faires juteuses. On mit tous les marchés d’un fournisseur de la
gendarmerie, Mansour Bousso, dans la besace de Bousso ma
sœur, pour juste démontrer ma corruption.
On me lia à des réseaux de femmes et d’homosexuels, juste
pour encore faire plus mal. Tous les homosexuels fichés par la
Gendarmerie furent mis à contribution pour renforcer mon dos-
sier et m’enfoncer davantage devant les rares gens qui voulaient
bien me défendre.
Les services de renseignement de la Gendarmerie s’en pri-
rent ouvertement au CEMGA, qu’ils accusèrent d’intempérance,
de magouilles et de désintérêt vis-à-vis de la chose militaire.
Ils inventèrent une série de scandales dans les Armées pour
juste éloigner cet ami de mon influence et lui faire peur. Je dus
arrêter de voir le CEMGA, pour éviter des problèmes entre les
Armées et la Gendarmerie.

182
Des bandits et agresseurs furent mis à contribution pour at-
tenter à ma vie. L’agression a eu lieu le 9 octobre 2007, à hau-
teur du pont des HLM qui enjambe l’autoroute. Du fait des
travaux de l’APIX, les automobilistes sont obligés de ralentir
pour prendre le chenal prévu comme contournement.
C’est le moment que choisirent une trentaine de malfrats
pour sauter sur mon véhicule et l’attaquer, avec des barres de
fer et des machettes. Mon absence de la voiture sauva la vie de
mon épouse et de mon fils Bara.
Les criminels s’étaient rendu compte de mon absence du vé-
hicule, malgré le renseignement fourni par les scooters de la
section recherches qui me suivaient.
Un énervement de dernière minute contre ma femme, qui
voulait du gaz, m’avait fait renoncer au voyage et cette décision
me sauva la vie. Je ne peux comprendre autrement que par une
tentative d’assassinat cette attaque soudaine, massive et plani-
fiée.
Ma voiture était ciblée parmi des milliers de véhicules. On
aurait classé cette affaire comme une agression normale et ba-
nale de la banlieue qui avait coûté la vie à un officier supérieur
de Gendarmerie.
Le lendemain de cette agression, j’ai envoyé une lettre de
mise en garde au Ministre des Forces Armées. Je lui ai exposé
dans cette lettre, la lecture que je faisais de l’incident et lui de-
mandait, en conséquence, d’assurer ma protection et celle de ma
famille.
Je pris les précautions d’usage que je faisais pendant mon
séjour dans les services spéciaux et je ne sortais plus de chez
moi sans mon arme personnelle.
C’est le moment où la Gendarmerie fit pression sur SALEH
pour m’accuser, avec le Colonel TINE, de corruption active.
SALEH refusa de rentrer dans la combine, comme le fit Bara
TALL dans l’histoire des chantiers de Thiès. SALEH pouvait se
permettre de résister aux pressions des hommes de main du
Général : il avait des protections plus solides.

183
Il alla même plus loin, en avertissant le Colonel TINE du
complot et des requêtes du cabinet. Le Colonel qui le reçut dans
son nouveau bureau de la Médina, lui montra qu’il n’avait pas
peur et que, quoi qu’il en soit, il détenait des documents fiables
et très transparents.
Le Colonel TINE montra un dossier contenu dans une che-
mise verte à SALEH. SALEH, pour ne pas perdre toute la face,
renseigna le commandement sur l’existence d’un dossier vert,
aux mains du Colonel TINE, qui en faisait une arme redoutable.
Le soir même, dès la descente, le soi-disant bureau du Colo-
nel TINE fut incendié à plus 80%, rien n’échappa aux flammes.
Les sapeurs-pompiers, appelés à la rescousse, durent batailler
ferme pour circonscrire le feu.
Malheureusement, ou heureusement pour le Colonel TINE,
ce n’était pas son bureau qui venait de se consumer, mais le
bureau de Koly Ndiaye CISSE.
Deux jours auparavant, le Colonel Coly NDIAYE avait de-
mandé mon intervention pour conserver son bureau, qu’il avait
aménagé à coup de millions.
Le chamboulement créé par mon départ avait fait nommer
TINE Commandant des écoles à la place du Colonel CISSE,
nommé Inspecteur de la Gendarmerie.
Les aménagements, que j’avais fait effectuer pour appliquer
la réforme de 2006, avaient obligé de désaffecter les domiciles
des grades supérieurs pour en faire les quatre grands comman-
dements.
L’Inspection et le commandement des écoles partageaient le
même bâtiment, les écoles occupant l’étage et l’Inspection le
rez-de-chaussée. La demande du Colonel CISSE, arrangement
non officiel, avait inversé les choses. Dorénavant les écoles
occupaient le rez-de-chaussée, et l’Inspection, l’étage.
La personne, manipulée pour incendier le bureau du Colonel
TINE, comme ses commanditaires, hommes de main du Géné-
ral Haut Commandant de la gendarmerie, n’était pas au courant
de ce changement.

184
Il incendia le bureau du Colonel Koli Ndiaye CISSE, per-
suadé de faire brûler les archives que le Colonel TINE avait
exprès montrées à SALEH, pour le dissuader d’une action quel-
conque contre les anciens responsables des services logistiques.
L’enquête officielle de la prévôté conclut à un court-circuit
dans le système de climatisation du bureau. Aucune action ne
sera cependant effectuée contre l’entreprise qui avait refait à
neuf le bâtiment. On fit tout pour éviter le scandale, le com-
mandement prit sur lui-même de refaire le bureau du Colonel
CISSE.
La pression fut que deux officiers avaient changé
l’implantation de leur service respectif sans en référer au Haut
Commandement ; et cette pression fit son effet et on enterra très
vite cet incendie criminel.
Ces évènements, qui ont des motivations criminelles, furent
portés à l’attention des hautes autorités par des voies officielles
et non officielles.
Moi-même, j’ai écrit au ministre pour lui faire part de
l’agression physique dont j’avais été l’objet, mais j’utilisais les
services spéciaux, la police et les armées, pour alerter le Prési-
dent de la République sur des faits criminels.
Je profitai du cas VENET, ce français manipulé pour porter
des accusations graves dans la presse contre ma personne, pour
porter plainte officiellement.
Je salue le courage du Commissaire divisionnaire Assane
NDOYE pour me porter secours. Il ordonna à la Division des
Investigations criminelles de prendre en charge cette affaire.
Tenant compte de ma plainte, VENET fut arrêté et gardé à
vue par le Commissaire Assane FALL, du bureau des Affaires
Générales.
Entendu, VENET porta des accusations très graves contre
deux Officiers de Gendarmerie, qui lui avaient fourni des élé-
ments, preuve à l’appui, pour expliquer le blocage de la plainte
qu’il avait formulée à la Section de Recherches, contre les es-
crocs qui avaient mis la main sur son hôtel.

185
Le procès-verbal de la police qu’Assane NDOYE, par le
Ministère de l’Intérieur mit sur la table, fit gros effet et fit pro-
voquer, sur le champ, une réunion de sécurité autour de mon
affaire.
Non seulement le Président de la République, par divers ca-
naux, savait que le Général Abdoulaye FALL, avait menti pour
se disculper de ses propres responsabilités, mais, plus grave, il
le savait en train d’entreprendre des actes criminels, pour faire
disparaître un Officier supérieur devenu gênant, pour lui et son
Commandement.

186
Chapitre 17
Complicité de l’appareil militaire

Cette réunion de sécurité fut ma première victoire contre le


mensonge, la délation et la lâcheté d’un chef militaire à qui
l’Etat avait confié un des plus prestigieux commandements
militaires. Le Président WADE, mit sur la table mes différentes
lettres, qu’il voulait bien lire à présent.
II sortit le rapport éloquent du Directeur Général de la Sûreté
nationale, portant sur l’affaire VENET et, enfin, il rapporta la
discussion qu’il avait eue avec Macky SALL, devant le Khalife
Général des mourides, El Hadj Bara.
Ma correspondance était simple et sans équivoque. Je de-
mandai l’ouverture d’une enquête officielle sur les accusations
contre ma personne. En militaire, je demandai à être puni sur la
base des fautes que j’aurai commises. Sans cette punition, je
n’avais aucun moyen légal de me défendre.
Je demandai que le Général Haut Commandant de la Gen-
darmerie mette, noir sur blanc, la faute ou l’ensemble des fautes
qui me sont reprochées et qu’en conséquence, je sois puni sui-
vant le Règlement de Discipline Générale, le Code de Justice
Militaire et le Code Pénal. La défense de mes droits imposait au
moins une punition.
L’accusation de complicité avec Macky SALL avait été ba-
layée par ce dernier devant le Président de la République, et en
présence du Khalife Général El Hadj Bara, qui voulait les ré-
concilier.
Macky SALL fut surpris de s’entendre accuser par le Prési-
dent de déloyauté et d’atteinte à la Sûreté de l’Etat avec la com-
plicité de militaires comme le Colonel NDAO.
Il affirma, à la surprise du Président de la République, qu’il
ne connaissait pas le Colonel NDAO, ne l’avait jamais rencon-

187
tré et, par conséquent, n’avait aucun lien, officiel ou non officiel,
avec lui.
El Hadj Bara, que dieu l’accueille au Paradis, expliqua au
Président que le Colonel avait, selon le Général, des problèmes
avec l’Etat pour avoir refusé le vote des militaires. Cette version
lui avait été servie par le patron de la Gendarmerie lui-même,
pour le dissuader d’intervenir.
C’est la première fois qu’il entendait une liaison entre Mac-
ky SALL et le Colonel NDAO. Macky SALL jura ne pas con-
naître le Colonel et, par conséquent, refusait tout lien et toute
aventure avec cet Officier.
Ma lettre et le rapport de Police prouvaient au Président les
mensonges du Général depuis le mois de juin et la manipulation
effectuée. Le Président sembla rentrer dans une colère terrible
et voulut sur le champ relever le Général de son Commande-
ment.
Le Président traita le Général de tous les noms d’oiseaux, lui
rappela certaines pages douteuses de son passé, les accusations
de Farba SENGHOR sur certains évènements de la Casamance.
Il le traita comme on ne devait pas traiter un chien.
Gênée, la mafia Saint-cyrienne se mit en branle pour sauver
la tête du Général. Le plus âgé des Officiers généraux, le Géné-
ral Gabar, patron de l’Office d’Orientation Stratégique, fit un
exposé tendancieux de la situation, en concluant que donner
raison à un Colonel sur un Général, serait déstabiliser les Forces
Armées.
L’Etat ne pouvait, sans prendre des coups, se banaliser par la
relève du Général. Il fut conseillé au Président de la République
de me faire affecter à l’extérieur du pays, en qualité d’Attaché
Militaire.
On oubliait, comme cela arrangeait pas mal de personnes,
que j’avais déjà été Attaché militaire et, en outre, que les fonc-
tions que j’occupais dépassaient de loin la fonction d’Attaché
militaire, équivalente à un rang de Commandant de légion.
Légalement, je pouvais m’opposer à une telle mutation, qui
ne respectait pas le parallélisme des formes. Cependant, un

188
ancien Sous-Chef d'Etat-Major Général et un ancien Haut
Commandant en Second avaient déjà accepté ce poste
d’Attaché militaire dans des conditions similaires.
Des évènements, plus que mystiques, vinrent tuer mon ar-
deur et ma détermination. Un gendarme de la nouvelle brigade
de Tanaff avertit le Colonel TINE que je faisais l’objet d’un
travail particulier, ordonné et payé par le Général, pour me li-
quider et que, si je ne faisais pas trop attention, je risquais de ne
plus jamais marcher.
Je n’ai jamais cru en ces choses et je ne bénéficiai pas de
protection particulière par rapport à ces réalités africaines. Je ne
voulais pas non plus croire à la capacité de quelqu’un, loin de
moi, me jeter un sort.
Pourtant, à la sortie de mon immeuble, je trébuchai et me
cassai le fémur sans grande raison. Je m’étais cassé la jambe. Je
mis l’accident sur le fait que j’étais tombé de mauvaise façon,
parce qu’une faute d’inattention m’avait fait trébucher.
Le Colonel Chirurgien Momar SENE me prit en compte, sur
demande du CEMGA que ma femme avait sollicité. Il me fit
immobiliser pour deux mois et on rigola ensemble du prétendu
sort qui m’avait été jeté. Ma mère, quant à elle, fit les sacrifices
d’usage pour solliciter une protection divine.
Au bout de 40 jours, Momar SENE enleva les plâtres et tout
redevint normal, et je voulus reprendre ma vie d’antan. Je repris
normalement mon sport et me souciais très peu des recomman-
dations du gourou que Jean me présenta.
Ce dernier me fit très peur en m’annonçant une fracture de
ma jambe. Je lui répondis que l’évènement avait eu lieu et
qu’effectivement, je m’étais cassé la jambe, il y avait deux mois.
Il hocha la tête et m’affirma que j’allais encore me casser la
jambe. Je conclus en me disant : « en voilà un autre qui voulait
me bouffer mes maigres sous. »
Aussi bizarrement que cela pouvait paraître, je tombai en
descendant sur l’Autoroute, rejoindre le véhicule d’un ami qui
devait me conduire à Touba, rencontrer El Hadj Bara.

189
J’entendis encore le crac et la jambe qui faisait très mal. Per-
sonne ne me croira, la jambe se cassait au même endroit que la
première fois. Momar SENE n’y comprenait rien, il fit un bon
boulot, me réopéra et me remit sous plâtre. Il déploya tout son
art pour me persuader qu’il s’agissait d’un accident et que ces
choses arrivaient.
Ma sœur ne l’entendit pas de cette oreille ; elle sillonna le
Sénégal et chercha une personne pour me soigner. Avec mon
plâtre, elle me trimballa de marabout en marabout, de région en
région, de village en village, pour trouver un guérisseur.
Les gendarmes de Samine lui firent rencontrer le marabout
qu’on prétendait avoir fait le travail. Ma sœur l’implora de me
sauver et lui fit toute sorte de promesses.
Un autre marabout du Blouf, que mon ami Badiane de Paris
avait trouvé, me recommanda de voyager en Europe : ce voyage
serait salutaire et me ferait oublier mes problèmes.
Mon ami Bécaye, de Hollande, sollicité, prit en charge ce
voyage sur l’Europe avec mon épouse. Tout se passa bien, sur-
tout avec ma jambe.
Le sort s’acharna plutôt sur mon épouse, qui dégringola des
marches des escaliers de l’Aéroport d’Eindhoven. Sa jambe et
son pied furent transformés en un tas de viande et d’os.
Il fallut toute la science européenne, des chirurgiens excep-
tionnels et des neurologues compétents, pour la recoudre milli-
mètre par millimètre. Elle subit huit heures d’opération, entou-
rée de six Professeurs Hollandais qui l’ont opérée ensemble.
En pleurs, j’implorais l’assistance du Marabout qui m’avait
envoyé en Europe, j’étais choqué que cette femme, la mère de
mes enfants ne puisse plus jamais marcher. Je ne pouvais me
pardonner qu’elle ait à payer, à ma place, la lâcheté et la mé-
chanceté de personnes immondes.
Le marabout me certifia qu’elle marcherait, les traces de
l’accident ne disparaîtraient pas, mais elle marcherait normale-
ment, et que c’était le prix à payer pour que je marche et me
remette en uniforme.

190
L’épouse de Becaye, Nellie CARON, avec sa famille, dé-
ploya les efforts pour assurer des soins de valeur à mon épouse ;
ils prirent en charge tous les frais, après les urgences. Ils firent
trouver les papiers nécessaires au séjour de mon épouse en Eu-
rope.
Ma femme subit trois mois de soins intensifs en Hollande,
un mois de rééducation auprès de son amie d’enfance Adji
MBENGUE en Italie, avant de se confier à notre ami Momar
SENE, qui fut enchanté par le travail de ses collègues européens.
Le marabout du Blouf avait vu venir, il n’avait pu mettre en
œuvre le « patriot » à même de sauver ma personne et ma fa-
mille. Mais il avait recommandé ce séjour en Europe, seul
moyen de trouver les personnes compétentes pour sauver ma
jambe ou la jambe de mon épouse.
Il est sûr que si ma femme avait subi l’accident en Afrique,
on lui aurait purement et simplement amputé la jambe.
Je baissai les armes et fit comprendre au Ministère, et au
Chef d'Etat-major Général des Armées, que j’acceptais
n’importe quel poste. L’essentiel était que je sois éloigné du
Général FALL, patron de la Gendarmerie. Je ne voulais plus me
préoccuper de quoi que ce soit, je renonçais à toute ambition sur
la Gendarmerie.
On me proposa toute sorte de marabouts, des gendarmes de
confiance et des amis de ma famille comme Demba NDOYE,
Dieuwrigne de mon marabout, me firent rencontrer toute sorte
de marabouts, charlatans comme compétents, mais je ne voulais
plus combattre, je voulais juste sauver ma peau.
Le Conseil de Sécurité fit la proposition de m’envoyer
comme Attaché militaire en Italie suite au besoin exprimé par la
Gendarmerie d’ouvrir un poste dans ce pays. Le Commandant
Général de l’Arme des Carabineri vint en visite officielle à Da-
kar.
Le CEMGA recommanda, contre l’avis de toute la mafia des
Généraux, que le poste me soit octroyé. Le CEMGA obligea le
Ministère à faire, auprès des Affaires étrangères, la demande
d’accréditation.

191
Cette décision n’arrangeait pas le Haut Commandant de la
Gendarmerie. Ce dernier, comme d’habitude, mentit au Mi-
nistre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères, en lui présentant
différemment le problème.
Il lui expliqua des problèmes que j’aurai avec le Président de
la République et lui fit savoir qu’il était en train de régler ces
problèmes dus à des personnes mal intentionnées qui avaient
comploté pour me perdre. Le poste d’Attaché Militaire allait
m’éloigner du pays et ne me permettrait plus de revenir.
Le Ministre Cheikh Tidjane GADIO, Enfant de troupe
comme moi, ami de longue date, crut le Général sur parole et fit
bloquer dans ses Services la demande d’accréditation, qui ne
partit jamais en Italie.
De bonne foi, croyant arranger un ancien enfant de troupe, il
ne prit aucune disposition pour entamer la procédure
d’accréditation. L'Etat-major et le Ministère attendront des mois
et des mois la réponse à la demande, ne sachant rien des ma-
nœuvres de la Gendarmerie.
Mes anciens amis des Services Spéciaux, Français comme
Américains, vinrent à mon secours. Un soir d’avril, je me trou-
vai invité au Mess de la Rade, mess des Forces Françaises du
Cap Vert, pour m’entendre offrir, par la France, le Commande-
ment de la MINURCAT, notamment sa composante Police.
Il me fut demandé de présenter ma candidature pour le poste
de Commissionner IPTF de la nouvelle Mission des Nations-
Unies pour la République Centrafricaine et le Tchad.
Le Directeur de Cabinet du Ministre, Moïse, envoya aussitôt
un message à notre Représentation Permanente pour présenter
ma candidature.
Les Américains et les Français, bien manipulés par mes an-
ciens camarades, qui avaient beaucoup d’estime pour moi et qui
me savaient engagé et compétent, appuyèrent cette candidature.
La formalité obligatoire était d’avoir au moins trois candi-
dats. Mes amis m’assurèrent qu’il s’agissait juste d’une formali-
té, mais que n’importe comment, j’aurai le poste. Je n’avais
qu’à attendre l’interview dans la semaine.

192
Le vendredi, le Conseiller Défense de notre Représentation
Permanente, le Capitaine de Vaisseau Ndome FAYE, m’appela
pour m’informer que l’Interview aurait lieu par téléphone le
lundi 14 heures, heure de Dakar, une partie en français et l’autre
en anglais.
Il me demanda un téléphone fixe et qu’il envoie un télé-
gramme official pour confirmer la date et l’heure de l’Interview.
Le lundi, j’attendis en vain cette interview qui ne vint jamais.
Le mardi, j’appelai NDOME, un ancien enfant de troupe
comme moi, pour l’informer du non tenu de l’interview. Il
m’informa avoir reçu un coup de fil du Général Haut Comman-
dant de la Gendarmerie qui lui demandait de retirer ma candida-
ture.
Selon le Général, le Président de la République avait interdit
cette candidature dont il n’était pas au courant. En bon militaire,
discipliné et obéissant, Ndome avait retiré ma candidature.
L’intervention du Ministère ne pouvait rien changer, mon
désistement avait conduit les Nations-Unies à désigner un Gé-
néral de Gendarmerie Argentine au poste de Commissionnaire
de la MINURCAT.
La Gendarmerie, encore par le mensonge, la manipulation,
venait de perdre un poste prestigieux dont les Armées avaient
pu obtenir l’équivalent de Commandant en chef de théâtre onu-
sien, comme au Congo avec Mountaga et Gaye, ou en Côte
d’Ivoire avec Khalil et Mascotte.
Marabouts ou pas, sort ou pas, je ne pouvais continuer de
subir les assauts du Général, encore moins ses mensonges, que
personne ne voulait sanctionner. Je rédigeai, en une nuit, le
document intitulé "Malaise dans la Gendarmerie".
Je demandais, par lettre officielle, la transmission de ce do-
cument, daté et signé, à Monsieur le Président de la République.
Le Chef d’Etat-major Général, le Chef d’Etat-major particulier,
l’Inspecteur Général des Armées reçurent le document. Le Mi-
nistère transmit pour la première fois le document à la Prési-
dence de la République.

193
Chapitre 18
Politique politicienne de Wade

A mon avis, dès septembre 2007, le Président WADE s’était


fait une idée très précise de ce qui s’était passé à la Gendarme-
rie durant le mois de juin, et que toute la presse avait cherché à
relater en l’intitulant « Malaise dans la Gendarmerie » ou
« Scandale dans la Gendarmerie ».
Toutes sortes de versions avaient circulé dans les différentes
rédactions de la presse nationale et sur internet. Jamais dans
l’histoire de la Gendarmerie, et même peut-être des Forces Ar-
mées, la presse n’avait attaqué une institution militaire de cette
ignoble posture.
Aucun organe de presse n’avait été assez professionnel pour
mener les investigations indispensables à la découverte de la
vérité, ou bien chercher à s’informer sur ce qui s’était bel et
bien passé.
J’étais le principal accusé face à la presse et, comme
d’habitude dans ces cas, des mercenaires de la plume avaient
été utilisés pour détruire mon image et me lier à toutes sortes de
mauvaises conduites, qui vont des malversations aux écarts
contre la discipline.
Je me retrouvais accusé de toutes les atteintes contre
l’Honneur et le Prestige de la Gendarmerie, principal auteur du
Scandale. Mon honneur était plus qu’atteint : toute ma gloire
passée réduite et ma fierté à jamais ébranlée.
Une certaine presse n’hésita pas à annoncer ma tentative de
suicide, une autre une grève de la faim. Toutes ces fausses ru-
meurs étaient l’œuvre du cabinet du Général qui avait décidé de
mener une campagne médiatique, pour me harceler et me faire
disparaître de toutes les sphères honorables de la République.
Ma famille dut réagir violemment par ma cousine Sokhna
DIENG, journaliste de renommée internationale, ancienne Di-

195
rectrice Générale de la RTS et Sénateur de la République. Elle
fit paraître un communiqué cinglant, et fit taire toutes les rédac-
tions sur cette affaire.
Le Cabinet du Général dut recourir et faire appel à toute la
compétence de Pape Oumar NDIAYE, du Témoin, pour présen-
ter quelque chose d’audible et de compréhensible, dans tout ce
que la presse avait relaté.
Le Haut Commandement de la Gendarmerie dut reconnaître,
en premier lieu, la tentative de chantage, dont le Haut Com-
mandant de la Gendarmerie avait fait l’objet le vendredi 13 juin
2007.
Le Haut Commandement de la Gendarmerie reconnaissait
que le Général avait fait l’objet de tentative d’extorsion de
fonds, de la part de certains agents véreux disant appartenir aux
Services Présidentiels, et, en deuxième lieu, le changement
intervenu dans les fonctions de Haut Commandant en Second,
sur décision du Président de la République.
L’article concluait que ce changement n’avait rien à voir
avec le chantage dont le Général avait effectivement fait l’objet.
Toute cette affaire n’avait fait l’objet d’aucune intervention
des Autorités Gouvernementales ou encore moins des Autorités
Judiciaires.
Plus qu’impliqué dans ce Scandale, dont il est le principal
instigateur, le Ministère des Forces Armées, par la personne de
son Ministre Becaye DIOP, fit preuve d’un silence absolu.
Les Autorités Judiciaires non activées, comme le prescrit le
Code de Justice Militaire, firent preuve d’une absence totale
dans ce scandale sans fin qui secouait la Gendarmerie ; aucun
Procureur, aucun Juge ne mit son nez dans cette affaire.
Je n’eus d’autre recours que de saisir directement Monsieur
le Président de la République, sans moi-même avoir tous les
tenants du dossier.
La seule chose sûre que je savais au moment où j’écrivais
ma première lettre au Chef suprême des Armées, c’était que
j’avais été accusé d’avoir fait arrêter deux personnes ayant des

196
liens avec les Services Présidentiels, que ces personnes avaient
fait chanter le Général, et que la Section de Recherches les avait
enfermées et torturées à la Caserne Samba Dièry DIALLO, du
13 au 14 juin 2007.
Dans ma lettre, je demandais à Monsieur le Président de la
République de faire ouvrir une enquête pour établir les respon-
sabilités dans cette affaire d’arrestation et qu’en aucun cas, je
n’étais impliqué, ni de près, ni de loin, dans cette affaire.
Je ne pouvais faire l’objet d’une sanction aussi grave sans
avoir commis une faute quelconque, contre l’honneur ou la
discipline.
Cette lettre fut faite en trois exemplaires, une remise par la
voie hiérarchique, une déposée au bureau du courrier de la Pré-
sidence, et une sur recommandation d’un ami de France à Mon-
sieur Fodé SAKHO, neveu du Président de la République.
Je ne reçus aucune réponse de ma demande d’enquête et je
vis ma situation personnelle se dégrader au fur et à mesure, par
une série de contraintes sur mon salaire avec la perte drastique
de, non seulement mes indemnités de fonction, mais, plus grave,
de mes indemnités normales d’Officier.
Je perdis de même tous les avantages matériels liés à mon
statut : perte de mon logement et perte de mon véhicule de ser-
vice et de ma dotation de carburant. Je dus emménager dans un
appartement aux Maristes, obligé moralement de quitter le lo-
gement de fonction que j’occupais à la Caserne Samba Dièry
DIALLO.
Astou Mbacke, fille de Serigne Mourtada, qui me trouva
l’appartement dans son immeuble, dut mobiliser ses propres
réseaux pour me venir en aide et effectivement, le Colonel Ma-
lick CISSE, chez qui Astou MBACKE me conduisit, accepta de
porter ma version des faits au Président de la République, en
vacances en Suisse.
Il me fit écrire un rapport détaillé qu’il remit effectivement
au Président, en faisant un détour par la Suisse, sur le chemin
des États-Unis.

197
Le Président, lui-même, me certifia par téléphone, avoir reçu
ma lettre et avoir donné des instructions fermes à son Directeur
de Cabinet, Zaccharia DIAW, pour me faire une réponse offi-
cielle et programmer une audience, dès son retour de vacances,
en début octobre.
Zaccharia, m’appela au téléphone, me fit part des instruc-
tions du Président, mais qu’étant en voyages vers le Fouta, il ne
pouvait prendre les décisions qu’après son retour à Dakar, ce
que je ne pouvais refuser.
Jamais plus, je n’entendis parler de ces instructions, encore
moins de la lettre réponse et, pire pour moi, d’une quelconque
audience avec le Président de la République. Je ne sais et je ne
pourrai dire ce qui s’était passé entre le moment de leurs appels
très enthousiastes et le retour de vacances du Président.
Toujours est-il que le Président eut une attitude très déso-
bligeante envers le Général des Gendarmes, à qui il refusa sa
main à l’Aéroport de Dakar, le jour de son retour. Ce refus fut
public, relayé par les médias et commenté dans toutes les ca-
sernes militaires du pays.
Tout le monde pensa que ça en était fini du Général et que le
Président, bien au courant des faits, allait le sanctionner pour au
moins trois raisons : un, pour sa culpabilité dans des faits délic-
tueux, deux, pour avoir rejeté la responsabilité des faits sur son
subordonné et enfin, trois, pour avoir menti à l’Autorité Su-
prême des Forces Armées.
En réunion de sécurité, le premier lundi qui suivit ce retour
du Président, le problème fut discuté de long en large devant le
Conseil de Sécurité, qui réunit toutes les autorités en charge de
la Sécurité et de la Défense Nationale.
Le Général maintint ces accusations, qu’il fit plus graves en
arguant de ma formation particulière en renseignement, qui me
permettait de rencontrer Idrissa SECK, déguisé en maure, qui
me faisait manipuler des Officiers de tous les corps, pour désta-
biliser l’Etat, et des moyens financiers énormes, que j’avais pu
rassembler, pour atteindre la Sécurité de l’Etat.

198
Cette nouvelle vague d’accusations fit son effet et impres-
sionna fortement le Président de la République, qui décida aus-
sitôt de faire confiance à la version du Général et de prendre
toutes les mesures, pour me mettre hors d’état de nuire.
Mes comptes en banque et ceux de ma famille firent l’objet
d’un audit inimaginable sans aucune plainte judiciaire, mes
déplacements furent surveillés en permanence et mes télé-
phones furent placés sur écoute.
Les Généraux, dans leur ensemble, prirent fait et cause pour
le Général, en conseillant au Président de ne pas me recevoir, de
ne pas ouvrir une enquête et de me laisser dans l’attente sans fin
d’une réponse à mes lettres.
Le Général CEMGA, le seul qui conseillait de chercher la
vérité, fit l’objet de plusieurs fiches de renseignement Gendar-
merie qui l’accusaient de faits et de conduites graves, qui pou-
vaient mettre en péril la Sécurité Nationale. De par ses fiches, le
CEMGA était déstabilisé et fut contraint de ne plus émettre un
avis sur le scandale de la Gendarmerie.
La plupart des Ministres de la République, qui avaient des
relations particulières avec moi, me fermèrent leur porte à ja-
mais. Mon monde naturel s’amenuisait et tous mes amis me
trouvaient encombrant.
Les Hautes Autorités de l’Etat avec qui, hier, j’étais en rela-
tions amicales, familiales, confrériques, ou même seulement
professionnelles, me tournèrent le dos, sans jamais chercher à
savoir ma part de vérité.
Je ne peux oublier la lâcheté de Gadio, Enfant de troupe
comme moi, qui me sollicitait depuis son arrivée aux Affaires
étrangères pour n’importe quel service.
Je ne peux oublier l’ignorance d’un Madické que je connais
depuis l’âge de treize ans et que j’ai aidé à s’imposer dans le
milieu mouride.
Mon oncle, beau-frère de Cheikh Tijane SY par alliance, se
résolut à lui tourner le dos pour ses mensonges répétés et incon-
sistants.

199
Je n’oublierai pas Ousmane NGOM, qui voulut m’utiliser
contre le Général, pour les problèmes liés à l’Organisation de la
Conférence Islamique.
Je me rappelle de la fuite honteuse de Bécaye, Ministre des
Forces Armées, qui trouva de multiples prétextes pour ne pas
me rencontrer. Son Directeur de cabinet, Moïse, fera tout son
possible pour obtenir son intervention et son arbitrage.
Il se réfugia derrière les « condioms » du Général pour pré-
texter son incapacité de l’affronter.
Lamine FAYE me reprocha de ne pas faire preuve de lar-
gesse, en lui donnant sa part, pour qu’il règle mon problème.
Mon problème me montrait que la République était tombée
très bas, plus que bas, tant la médiocrité des responsables de
l’Etat était criarde. La plupart des Autorités Politiques et Mili-
taires se bandaient les yeux pour ne pas se mêler du problème,
d’autres attendaient d’être corrompus pour lever le petit doigt et
enfin, le gros de la troupe faisait part d’un attentisme plus que
criminel, si on prend en charge leur rôle personnel dans le de-
venir de la République.
Beaucoup de responsables politiques et gouvernementaux,
que mes amis ou parents avaient sollicités pour me trouver une
solution, arguèrent de la préparation de l’Organisation de la
Conférence Islamique pour me demander de faire preuve de
patience. Le Président de la République avait été sensibilisé sur
mon problème, mais il devait attendre la fin du sommet pour
prendre les décisions idoines.
Le Général et son Cabinet profitaient largement de ce délai
pour m’enfoncer et créer toute sorte de suspicion contre ma
personne et mes prétendues atteintes à la Sûreté de l’Etat.
Des Officiers, présumés complices, furent déplacés de leur
Commandement, furent suivis par les Gendarmes de la Section
de Recherche qui inventèrent, par-ci par-là, des réunions se-
crètes.
La vigilance du Bureau de Sécurité de la Présidence de la
République, déclenchée par le Capitaine Bécaye El Bachir
DIOP, permit de sauver leurs têtes des foudres de la République.

200
Ces officiers, malmenés, maltraités pour connivence et com-
plot avec moi, perdirent non seulement des Commandements
importants, mais, plus graves, se virent recaler pendant long-
temps des tableaux d’avancement, malgré la dénégation des
fiches produites contre eux par le Service Documentation de la
Gendarmerie.
La DDSE du Ministère des Forces Armées, la DST du Mi-
nistère de l’Intérieur et les Services Spéciaux Présidentiels fi-
rent preuve de loyauté envers l’Etat, en protégeant ces Officiers
et en mettant à nu la volonté de nuire de la Gendarmerie.
Le Président de la République et ses Services directs, qui ne
pouvaient pas ne voir la manipulation, ne firent aucune action
pour attester la cabale contre des militaires dont on me voulait
le chef et l’instigateur de toute sorte de complot.
Des fois, les fiches Gendarmerie faisaient part de la ren-
contre du Commandant de la LGI avec Idrissa SECK, principal
opposant de WADE ; d’autres fois, les fiches dénonçaient une
rencontre au sommet entre mon groupe et les hommes de Mac-
ky SALL, que le Président voulait exclure de l’Assemblée Na-
tionale.
En bon politicien, le Président WADE accumula ces infor-
mations contre ses anciens Premiers Ministres. Bien que très sûr
de leur fausseté et de leur fantaisie, il profita largement des
mensonges de la Gendarmerie pour prendre au piège ses an-
ciens compagnons, les accusant, devant les instances de son
parti, de comploter contre lui.
Les mensonges de la Gendarmerie arrangeaient le Président
de la République pour accuser et affronter Idy comme Macky.
Le Général et son cabinet mentaient de plus en plus, encou-
ragés par le silence du Président de la République. La dureté du
jugement du Président contre ma personne, durant les Conseils
de Sécurité, et sa volonté exprimée de me mettre en prison con-
duisirent le Général à entamer des accusations plus graves, en
faisant la subornation de témoins.
Des témoins à charge contre ma personne furent manipulés
pour me dénigrer dans la Presse. Venet, le toubab escroqué par

201
une bande de Dakar, saisit l’Observateur pour m’accuser de
connivence et d’obstruction à la justice.
Ce fut peut-être la plus grosse erreur de la bande de crimi-
nels qui tenait les commandes de la Gendarmerie. Pour la pre-
mière fois, j’avais un moyen de droit pour saisir la Justice et
faire ouvrir une enquête judiciaire.
Ma plainte permit de convoquer Venet à la Division des In-
vestigations Criminelles sur ordre personnel du Commissaire
divisionnaire Assane NDOYE, Directeur Général de la Sûreté
Nationale.
L’enquête du Commissaire Assane FALL, mit en évidence
le rôle de deux Officiers de gendarmerie, Matar SOW et Mous-
sa FALL, qui avaient manipulé VENET pour m’atteindre.
Le rapport de la DIC fut envoyé au Ministre des Forces Ar-
mées par le Ministère de l’Intérieur, qui décida de ne pas défé-
rer VENET. Les services du Consulat de France furent saisis
pour demander la protection de VENET, qui avait été manipulé
pour conduire une action néfaste à la Sûreté de l’Etat.
Le Ministère des Forces Armées était invité à faire arrêter
toute une série de manipulations, qui avait pour ultime but de
nuire à ma personne et de me présenter comme une personne
dangereuse et sans morale, corrompue et manipulatrice.
Ce rapport me permit de mener une offensive directe sur le
Ministre des Forces Armées, Bécaye DIOP. Bécaye me con-
naissait assez par les rapports heurtés que nous avions vécus
lors de son arrivée au Ministère.
Le Directeur de Cabinet s’employait à défendre une conduite
conforme à l’éthique, par rapport aux évènements de la Gen-
darmerie et en plus, la plupart des directeurs avaient fait preuve
de compréhension à mon endroit.
Dès lors, je fis une attaque frontale en produisant la lettre du
31 mars 2008 où je portais des accusations graves contre le
Général Abdoulaye FALL, Haut Commandant de la Gendarme-
rie

202
Je demandais au Ministre de transmettre, sans délai, ma
lettre à Monsieur le Président de la République, sans quoi, je me
verrai dans l’obligation de porter ces faits à la presse nationale
et étrangère.
Je lui ai exprimé ce jour toute ma détermination à régler, une
fois pour toutes, le compte des magouilleurs.
Le Ministre me demanda d’attendre la fin des cérémonies du
4 avril pour trouver la solution idoine. Je lui réitérai ma de-
mande de transmettre ma lettre, ou de vivre dans la presse des
accusations très graves contre le responsable d’une des plus
Hautes Institutions de la République.
Effectivement, il transmit la lettre au Président de la Répu-
blique, qui décida de débattre du problème dès le lendemain des
fêtes de l’Indépendance.
Effectivement, le Président WADE posa, sur la table du
Conseil de Sécurité, ma lettre, en fit un large commentaire,
avant de décider d’ouvrir une enquête exhaustive sur
l’ensemble des faits, objets de la lettre.
Le Général de Division Bakary SECK, Inspecteur Général
des Forces Armées reçut mission de conduire cette enquête. Le
Général FALL, Hautcomgend, chercha à s’opposer en posant la
compétence de l’IGFA sur son commandement ; mais le Prési-
dent lui rétorqua de choisir entre l’Inspection Générale d’État
ou l’Inspection Générale des Forces Armées.
Les généraux appuyèrent l’option IGFA en voulant limiter
les dégâts et en invoquant le Secret-Défense, ce qui était un
argument faux. Le Président aurait dû faire ouvrir une informa-
tion judiciaire tant les faits décriés étaient graves et criminels.
Toute une série d’infractions pénales, dont un crime et plu-
sieurs délits de droit commun, pouvaient être relevées contre le
Général et ses deux principaux complices, Matar SOW et
Moussa FALL. Le terme Association de Malfaiteurs n’était pas
assez significatif pour qualifier cette bande de criminels.
Pourtant, le Général FALL échappa à cette enquête. Le Gé-
néral IGFA, dès sa sortie de la réunion à 13 heures, me convo-

203
quait pour seize heures en vue de commencer son enquête qu’il
voulait conduire dans l’urgence.
Le Colonel Matar SOW, selon, le registre des entrées et sor-
ties de la Présidence, s’était présenté à quatorze heures trente,
avec une mallette, dans la Présidence.
Je ne sais qui il a rencontré dans la Présidence, toujours est-
il que le Général Bakary SECK reçut un coup de fil du Prési-
dent de la République pour surseoir à l’enquête ouverte.
Cette décision me poussa à écrire une lettre plus grave et
plus sensible, intitulée « Malaise dans la Gendarmerie », le 12
avril 2008. Je fonçais dans le bureau du Général Pierre Antou
NDIAYE, Chef d’Etat-major particulier, que j’accusais de pro-
téger une bande de criminels et d’escrocs ; je lui remis ma lettre
pour remise immédiate au Président de la République.
Il jura sa main sur la croix ne pas défendre le patron de la
Gendarmerie. Il ne savait pas que le Général pouvait mentir et
manipuler tout le monde en vue de se soustraire à ses responsa-
bilités. Il promit de reposer le problème lui-même pour une
solution idoine.
Au reçu de cette troisième lettre, le Président WADE recon-
nut les torts faits à moi ; il traita le Général de tous les noms
d’oiseaux, l’accusa de manquer de loyauté, et de mensonges
graves et néfastes. Il lui rappela certaines inconduites et certains
faits repréhensibles.
Il confia ce jour, ma destinée au Général Chef d’Etat-Major
Général des Armées, mais il ne prit aucune mesure contre le
Général FALL, Haut Commandant de la Gendarmerie.
Le Président de la République en profita, tout en exprimant
tout son mépris à cet Officier Général, pour le ferrer davantage
et pour le pousser à obéir au doigt et à l’œil. Un tel Officier à la
tête de la Gendarmerie était un atout inimaginable du machiavé-
lique Président pour assurer ses ambitions politiques.
Comme la DIC, toute la Gendarmerie devenait un outil de
répression contre les adversaires politiques du Président WADE.
La Section Recherche de la Gendarmerie, aux mains du tortion-
naire Moussa FALL, va servir d’organe de répression et

204
d’information contre toutes les personnes qui vont avoir une
quelconque idée contraire aux volontés de Maître WADE.
Le Président de la République, me trouvant dangereux pour
le nouveau dessein qu’il avait fixé à la Gendarmerie, répéta au
Chef d’Etat-Major Général des Armées ses ordres de me voir
désigner comme Attaché Militaire.
Un autre incident, rapporté par le Ministre de l’Intérieur
Cheikh Tidjane SY, fit reposer ma situation dans le Conseil de
sécurité du lundi. Le Président ne comprenait pas que ses ordres
ne fussent pas exécutés et demanda de nouveau ce que je faisais
encore à Dakar.
Tout le Conseil eut la surprise d’entendre le Général FALL,
Haut Commandant de la Gendarmerie, affirmer que l’Italie,
sollicitée par les Services du Ministère des Forces Armées et
des Affaires étrangères, avait refusé mon Accréditation pour le
motif que j’appartenais aux Services Spéciaux.
Tous les Généraux présents laissèrent une fois de plus ce
mensonge prendre corps et s’installer. Gênés, ils expliquèrent
timidement que les Pays Occidentaux refusent souvent
d’accréditer des espions.
Énervé, le Président WADE demanda qu’on lui appelle en
urgence le Président Bongo. Il exposa à ce dernier son problème,
à savoir les difficultés que lui posait un Colonel, et qu’il lui était
impératif de trouver à cet Officier un poste d’Attaché près de
l’Ambassade du Sénégal au Gabon. Avec l’accord de Bongo, il
dicta au Ministre des Forces Armées, une lettre adressée au
Ministre des Forces Armées, au Ministre des Affaires Etran-
gères et au Ministre de l’Economie et des Finances.
La lettre disait en somme : « J’ai décidé de nommer le Colo-
nel Abdoulaye Aziz NDAW, Attaché Militaire du Sénégal au
Gabon, je vous demande de prendre les mesures idoines pour
mettre en route cet Officier dans la semaine. Les actes et procé-
dures afférents à cette nomination seront pris ultérieurement”.
Tout le Conseil était satisfait de cette mesure, et dès la sortie,
chacun crut devoir me féliciter ou me faire comprendre que je
lui devais la mesure.

205
Le Ministre Bécaye DIOP eut la surprise de recevoir, dans
les deux heures qui ont suivi le Conseil de sécurité, ma lettre
qui lui signifiait mes conditions pour rejoindre le Gabon.
Je lui exigeai une enquête exhaustive sur les faits ayant con-
duit à mon limogeage des fonctions de Haut Commandant en
Second de la Gendarmerie.
Il n’avait pas encore signé la lettre dictée par le Président. Il
ne savait pas comment j’avais pu savoir les mesures prises
contre ou pour moi, selon le camp des principaux protagonistes.
Le 18 mai 2008, par la lettre jointe en annexe, je rappelai à
l’Etat ses devoirs et la procédure d’accréditation qui était en
cours avec l’Italie.
Je n’avais aucune envie de me trouver suicidé ou empoison-
né ou encore mêlé à un gros scandale sexuel dans un Pays
d’Afrique, où pour moins d’un million de pauvres francs CFA,
n’importe quel homme de main pouvait me créer des problèmes.
Exilé pour exilé, je préférai, de loin, aller en Europe où je se-
rai protégé par la loi et l’Etat d’accueil. Le Ministre Bécaye
DIOP ne donna jamais suite à la volonté du Président de
m’exiler au Gabon, il était conscient que je ne me laisserai pas
faire et que, en outre, les raisons liées à ma sécurité personnelle,
que j’invoquai, étaient sans appel.
Après une discussion franche et, cette fois-ci loyale, il appe-
la le Ministre des Affaires Etrangères pour s’enquérir de mon
accréditation sur l’Italie.
Une autre surprise fut encore de s’entendre répondre que la
demande avait été bloquée sur demande du Général FALL de la
Gendarmerie, qui pensait devoir trouver un poste intéressant
dans le système des Nations-Unies. Becaye insista pour que
Gadio remette en marche, et dans l’urgence, la demande
d’accréditation vers l’Italie.
Les crédits ouverts et les formalités faites pour permettre la
mise en place de la Mission Militaire du Gabon, profitèrent à
mon promotionnaire de la Marine, le Capitaine de Vaisseau
Seydou KEBE, Chef du Cabinet Militaire, à qui le Ministre
offrit le poste.

206
Le Ministre ne voulait plus que le problème retournât au
Président de la République, que le cas du Colonel NDAO dé-
rangeait au plus haut point. Fatigué de toute cette bataille
épique qui avait usé mes forces, mes finances, j’accueillis avec
soulagement l’invitation de Bécaye MBOUP, un de mes amis
qui vit en Hollande, de venir passer l’été chez lui.
Le marabout du Blouf exigeait ce voyage pour ma jambe.
Cherif SENE, le footballeur réalisa un billet pour envoyer ma
femme en Italie, alors que Becaye me payait le billet sur
Bruxelles.
En Hollande, il arriva l’accident de ma femme à l’aéroport
d’Eindhoven. Mon marabout consulté par ma famille l’apprécia
comme le dernier sort que mes ennemis étaient encore capables
de me jeter.
Je soignais ma femme quand je reçus une communication du
Colonel TINE, seul Officier à même de me joindre, comme
quoi je devais appeler en urgence le Conseiller Défense de la
Représentation Permanente du Sénégal aux Nations-Unies. Cet
Officier voulait me parler pour un déploiement au Tchad, dans
le cadre de la MINURCAT.
Effectivement, avant que je ne quitte la Hollande, et chez
Becaye, je reçus la lettre de mon déploiement comme Officier
de Police dans la Mission des Nations-Unies en Centrafrique et
au Tchad.
Le Capitaine de vaisseau, Ndome FAYE, m’expliqua avoir
trouvé ce déploiement qui devait me permettre, sur place, de
prendre des responsabilités dans la Police Internationale.
J’étais satisfait par ce déploiement qui me permettait de re-
trouver un peu d’activité et de me replonger dans le travail.
Mon déploiement était prévu pour le 1er octobre 2008.
C’est à l’aéroport de Roissy que je reçus un coup de fil du
Directeur de Cabinet du Ministre des Forces Armées, qui
m’informait de la réponse positive des Autorités Italiennes, sur
la demande d’accréditation, et que le projet de décret me dési-
gnant était dans le circuit pour signature par le Président de la
République.

207
Effectivement, je reçus le décret le 29 septembre 2008, alors
que j’avais mon billet d’avion pour rejoindre les Nations-Unies
au Tchad.
Ma mère fit le choix, en m’imposant mon devoir et mon
serment de servir l’Etat en premier lieu : elle était fière que je
retrouve une fonction nationale, après plus d’un an de chômage
et de combat contre tout un système.
L’argument « argent » que les Nations-Unies présentaient ne
l’intéressait guère. Elle me dit de prendre « mes cliques et mes
claques » pour rejoindre l’Italie dans les meilleurs délais et que
ses propres prières y guideraient mes pas. Je pris service en
Italie le 14 octobre 2008 au soulagement de ma famille, comme
de l’Appareil d’Etat.

208
Conclusion
De nouveau AMNA en Italie

Comme dit plus haut, je rejoignis l’Italie le 14 octobre 2008


pour ouvrir une nouvelle Mission Militaire. L’Ambassadeur fit
les meilleurs efforts possibles pour me permettre d’installer la
mission.
Les Services de l’Etat Major Général des Armées firent des
efforts particuliers pour permettre le démarrage du service dans
les meilleures conditions.
Les Services de l’Intendance des Armées firent, à deux re-
prises, des avances de fonds sur demande du Directeur du Bud-
get des Forces Armées, pour placer la Mission Militaire dans les
meilleures conditions.
C’est une fois installé à Rome que je refis dérouler les
images de ma descente aux enfers et que j’ai entamé l’étude
phase par phase de ma descente aux enfers.
Je me suis posé la question de savoir comment de tels faits
pouvaient subvenir dans un pays dit « démocratique », dans un
pays qui a connu une alternance politique sans faille, dans un
pays dit « de droit », dans un pays où la formation du corps des
Officiers répond aux normes, exigences et standards internatio-
naux.
La recherche de réponse va hanter mes nuits de Rome. Je
n’arrivais plus à dormir comme avant, je me sentais torturé
toutes les nuits, meurtri par une injustice immonde. Mon travail
ne m’enchantait guère, je n’avais pas le cœur à l’ouvrage.
Je voulais, coûte que coûte, avoir les réponses pour com-
prendre et, de là, me ressaisir et bondir sur autre chose. Aban-
donné à moi-même, me sentant inutile et relégué dans une fonc-
tion non valorisante, je ne me sentais pas à même de conduire
avec succès ma nouvelle mission.

209
Je connus pour la première fois la maladie. Suite à une prise
de sang pour déterminer un état angoissant, je fus diagnostiqué
avec un taux de cholestérol très élevé, mais plus grave avec une
hypothyroïdie.
Pour moi, cette maladie ne frappait que les femmes et très
peu les hommes. Le docteur, dans un anglais approximatif,
m’expliqua que cette maladie était due à l’angoisse et au stress.
Je reçus la prescription de prendre 50 mg d’Euthirox journalier
et de faire du sport.
Cette maladie augmenta mon angoisse et me fit perdre le
goût du travail. Je baissais les bras, ne voyant pas à quoi pou-
vaient servir les efforts que je devais faire pour créer les condi-
tions d’une bonne coopération entre l’Italie et le Sénégal.
L’argent que je gagnais me brûlait les doigts et je trouvais
toute sorte de prétextes pour m’en débarrasser. Beaucoup de
mes relations ne s’expliquaient pas ma générosité soudaine.
J’entendais faire du bien autour de moi, non seulement pour
avoir de la compagnie, mais surtout pour redistribuer l’argent
mal mérité.
J’en voulais particulièrement au Président WADE qui, pour
moi, était le seul responsable de ce qui m’était arrivé. Il était le
Président de la République, le Chef suprême des Armées, le
garant de la Constitution, le symbole vivant de toute la Nation.
Plus que tout le monde, il devait veiller à la vertu de la Ré-
publique, sanctionner les dérives qui tuent l’Etat et instaurer
Justice et Droiture dans les Institutions qu’il dirige.
Tout mon sens de l’Etat, tout mon engagement étaient remis
en cause, non par les mensonges d’un Général, mais par la poli-
tique politicienne d’un Président de la République.
Je comprends mieux le cri de milliers de patriotes qui ont
décidé de lutter farouchement contre la politique politicienne du
Président WADE, incarnée par des personnes, comme le Géné-
ral FALL. Ils commettaient comme dans un système mafieux, à
longueur de journée, des crimes et des délits qui ne seront ja-
mais punis, de par la volonté de leur parrain, un Président de la
République.

210
Je comprenais ainsi que deux milliers de personnes pou-
vaient périr dans le “Joola” et que personne, du sommet de
l’Etat aux billeteurs qui avaient vendu le trop-plein de billets, ne
soit sanctionné.
Le Président WADE géra le “Joola” comme il allait gérer
mon dossier, dans le seul but de ses propres intérêts politiques.
Après l’enquête sur le “Joola”, la République n’avait plus be-
soin de moi et on me jeta dans la cage aux fauves pour me faire
taire à jamais.
Je comprends aussi l’emprisonnement d’un ancien Premier
Ministre et le protocole de Rebeuss. Je ne sais pas si Idrissa
SECK a fait ou n’a pas fait les infractions qui lui reprochées, il
n’avait été en prison que par la seule volonté du Président
WADE, qui ne voulait plus de lui dans la sphère politique.
Dès lors, il devait connaître le déshonneur, la prison et la ca-
lomnie excessive des partisans du Président de la République.
WADE avait tout fait. Il avait cherché à me sanctionner comme
le plus malpropre des Officiers, parce qu’on lui avait dit que je
complotais avec ses ennemis.
Je comprends la destruction de l’entreprise Jean Lefebvre
par la volonté du Président WADE, qui entendait juste plier
Bara TALL à sa volonté. Le Président de la République ne tint
aucun compte de la valeur intrinsèque de l’entreprise de Bara
TALL : il le punissait le mettait en prison pour satisfaire ses
propres ambitions politiques.
Un des fleurons des entreprises de Bâtiments Publics connut
une descente aux enfers vertigineuse ; 2500 pères de famille ont
été au chômage suite à la faillite de leur entreprise.
Je comprends le cri de cœur de Youssou NDOUR, à qui
WADE faisait perdre des milliards d’investissements pour juste
le plier à sa propre volonté. L’artiste a eu du mal à obtenir
l’autorisation de sa télévision, juste pour le contraindre à sup-
porter les dérives politiciennes de WADE.
WADE avait voulu le mettre à genoux, l’humilier devant
tout le monde et le faire quémander l’autorisation. L’artiste, fort

211
de son aura international et de ses moyens, avait pu tenir, mais
il avait perdu beaucoup de temps et beaucoup d’argent.
Je comprends la révolte d’un Macky SALL, que WADE ac-
cusa de tout, alors qu’il était innocent par rapport au clan de
WADE. Des faucons, comme le Général FALL, profitèrent de
tout pour troubler la quiétude d’un Président sénile, et user de
son âge, de sa vieillesse, pour lui créer, à tout bout de champ,
partout des ennemis.
Comme Don Corléone le Parrain, WADE donnera les ordres
d’exécution. Il n’avait pas besoin de jugement, ni de juge. On
lui offrait des personnes à abattre, il les faisait abattre. Les fau-
cons avaient reproché à Macky SALL ses succès de Premier
Ministre, et de Directeur de campagne de WADE.
Dès la fin des élections législatives de 2007, ils avaient mis
en place un plan pour le déstabiliser et l’éloigner de WADE. Il
ne répondait pas à leur critère de prédation et de mise à sac des
biens de l’Etat. Il gênait et WADE avait confiance en lui. Tout
le clan du wadisme allait faire preuve de constance et de réus-
site dans sa capacité à manipuler le Président de la République.
Le Clan inventait des histoires de détournement de fonds et
d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le Clan savait WADE « pouvoi-
riste » au point de ne partager le pouvoir avec personne. WADE
n’avait confiance en personne. Il avait été plusieurs fois trahi
par ses lieutenants, détournés par le pouvoir socialiste.
Il était, dès lors facile de lui créer des ennemis et son âge
contribuait largement à la facilité de la manipulation. Un dos-
sier « Macky SALL » était monté dès mai 2007 par les faucons,
avec l’aide de prétendus Services de Renseignements, qui fai-
saient des fiches contre les Premiers Ministres.
Le Général FALL profitera de cette situation nauséabonde
du Premier Ministre pour sauver sa propre tête, en liant le sort
de Macky à mon propre sort. Il offrira au faucon le dernier pré-
texte pour faire perdre à Macky, et à jamais, la confiance du
Président WADE.
En m’accusant de servir les intérêts de Macky, le Général
FALL avait confirmé au Président les soupçons que les faucons

212
avaient mis sur la table depuis belle lurette. Le Président
WADE réagissait en Don, il scella mon sort et le sort du Pre-
mier Ministre par deux décrets successifs.
Le premier décret nomma Aguibou SOUMARE Premier
Ministre, à la place de Macky, dans la surprise générale. Agui-
bou était Ministre délégué chargé du budget, il était un très bon
fonctionnaire, un homme dont la seule ambition est de servir ;
lui-même, certainement, ne s’attendait pas à être propulsé Pre-
mier Ministre comme ça.
Le Président WADE, en Chef mafieux, voulait parer au plus
pressé, en tuant dans l’œuf une prétendue atteinte à la Sûreté de
l’Etat.
Le deuxième décret nomme DIEYE Haut Commandant en
Second de la Gendarmerie, là aussi à la surprise générale. Le
Général FALL n’aurait, de lui-même, jamais choisi DIEYE,
qu’il a toujours considéré comme son plus que rival, et un
homme devant qui il a toujours présenté des complexes.
Ils se sont longtemps talonnés pendant les examens avec un
avantage certain pour DIEYE. Celui-ci le connaît assez et avait
toujours fait preuve d’un certain mépris à l’endroit d’un Officier
avec qui il ne partageait aucune valeur.
Dans l’esprit du Président WADE, il avait trouvé la parade
au complot, ourdi par les partisans du Premier Ministre, pour le
cerner. Deux gros problèmes étaient en voie de résolution : un,
deux empêcheurs de tourner rond, Macky SALL et le Colonel
NDAO, étaient éliminés des centres de décisions.
De deux la plupart des faucons, par cet acte, avaient sauvé
leurs propres têtes en sacrifiant deux innocents qui ne compren-
nent rien aux enjeux.
En fin octobre 2007, le Président WADE avait toutes les
cartes en mains, il connaissait l’innocence de Macky, sur les
accusations portées contre lui, comme il savait, en âme et cons-
cience, avoir été manipulé pour me limoger de mon Comman-
dement. En bon Chef de clan, il profita de tous les faits pour
rester seul maître à bord.

213
Contre toute attente, il ne disculpa pas Macky SALL. Il con-
tinua à l’accuser de trahison et de complot contre la Sûreté de
l’Etat. Il en profita pour continuer à le déstabiliser et à lui nuire
pour lui enlever toute autorité,
Il chercha à en faire un pantin dans l’Assemblée Nationale,
pour pouvoir l’amener à obéir au doigt et à l’œil. L’épisode de
la convocation de Karim n’était qu’une épreuve de plus pour
déstabiliser Macky et le contraindre à quitter la sphère du parti
au pouvoir.
Macky comprit très vite que toutes les issues lui étaient
fermées, et qu’il n’avait d’autre possibilité que de s’éloigner des
sphères du Parti Démocratique Sénégalais. En Homme
d’honneur, il tourna à jamais le dos au Président WADE.
Les faucons avaient une fois de plus réussi à séparer deux
hommes que tout liait. WADE avait besoin de Macky comme il
avait besoin d’Idy. Prenant conscience parfois de l’absurdité de
ses décisions qui les avaient séparés, il tenta de les retrouver.
Dans la même veine, il ne me disculpa pas non plus, il me
refusa toutes les enquêtes demandées. Il me fit affecter comme
un malpropre en m’envoyant en Italie, où, comme il avait eu à
le dire, c’est un bon pays où on ne s’ennuie pas.
Il me refusa toutes les demandes d’audience sollicitées. Il ne
répondit même pas à mes différentes lettres. Les faucons mili-
taires, comme les civils, veillaient à étouffer dans l’œuf toutes
ces affaires qui n’honoraient pas la République.
En bon politicien, WADE tint le Général Abdoulaye FALL ;
il montra à son endroit un mépris total, mépris qui expliquait la
stagnation du Général au grade de Divisionnaire depuis 2005.
WADE avait traité le Général de menteur, de voleur. Il
n’hésitait jamais à le rabrouer, à l’insulter.
Il lui posait souvent des questions sur certains biens acquis,
notamment une Villa au Canada ou sur la Ferme de Niague.
WADE connaissait, sur le bout des doigts, tous les crimes éco-
nomiques du Général, et en profitait pour user de la Gendarme-
rie comme il entendait.

214
J’eus la surprise de me voir invité à un entretien, lors de son
passage en 2009, à Rome. Devant les Ambassadeurs Cheikh
Saadibou FALL et OUDIANE, et en présence du Ministre
d’Etat Awa NDIAYE, j’eus enfin mon audience avec WADE,
le Président de la République, Chef Suprême des Armées.
Je n’avais rien sollicité. Dès sa descente d’avion, WADE
avait estimé devoir avoir un entretien avec deux personnes qu’il
avait lui-même envoyées à Rome, après les avoir limogées de
grandes responsabilités, le Commissaire Divisionnaire Léopold
DIOUF et moi-même.
Le Président commença à me questionner sur mon bien-être
à Rome. Je lui répondis par la question de savoir comment un
Exilé de la République pouvait se sentir dans un pays.
Il releva le terme Exil et exprima ses regrets pour avoir
compris trop tard les mensonges du Général et les accusations
graves que j’avais portées sur ce dernier.
Il m’affirma avoir reçu toutes mes correspondances. Il
n’avait pas donné suite du fait des conseils qu’il avait reçus de
la part des Chefs militaires et de certaines données politiques,
mais qu’il était prêt à reconsidérer la situation.
Je profitais de ses regrets pour lui dire de vive voix mes sen-
timents profonds dans cette affaire. Je me félicitai de ne rien lui
devoir, d’avoir été nommé Colonel par le Président DIOUF.
Je lui exprimai mon désarroi de servir dans un système in-
juste et malfaisant, d’avoir subi, à deux reprises, sous son ma-
gistère, des injustices qui n’ont pas de place dans les Forces
Armées.
Je ne pouvais comprendre qu’un Général, menteur, voleur et
prédateur, continue de commander, avec sa confiance, une des
plus grandes institutions militaires.
Le Ministre d’Etat, Awa NDIAYE, prit la défense du Prési-
dent et voulut me faire taire. Elle prétexta de son amitié avec
moi pour ne pas me laisser manquer de respect au Président de
la République, malgré l’insistance de ce dernier de me laisser
sortir du cœur ce que je pensais.

215
Awa NDIAYE m’invita à sortir, elle m’affirma prendre en
charge mon problème, et que mes propos et prétentions ac-
tuelles ne feraient que me porter préjudice.
Elle me bouscula vers la sortie et ne put me permettre de ré-
pondre au Président, qui, secoué et surpris par la tournure des
évènements, me demandait ce que je voulais, et qui m’entendit
lui répondre « rien ».
Je sortis soulagé et serein. Je retrouvai ma fierté et j’étais
heureux d’avoir dit à Maitre WADE, Président de la Répu-
blique mes quatre vérités.
Je me mis au volant de ma voiture, j’ouvris grandes les
vitres et, pour la première fois depuis fort longtemps, je fredon-
nai la Marche Consulaire, que nous connaissons ici comme la
Prière des Parachutistes :

« Mon Dieu, mon Dieu,


Donne-moi, la Tourmente,
Donne-moi, la Souffrance
Donne-moi la Gloire au combat,
Oh, mon Dieu, mon Dieu,
Ce dont les autres ne veulent pas, ce que l’on te refuse,
Donne-moi Oui donne-moi tout cela,
Je ne veux ni Repos, ni même la Santé,
Car tout cela, mon Dieu, t’est assez demandé,
Mais donne-moi,
Mais donne-moi la Foi,
Donne-moi Force et Courage
Pour que je sois sûr de moi,
Et puis la Mort au Combat »

Ce jour, j’ai cessé de traîner avec moi le fardeau de la dé-


chéance. Je remerciai Dieu de m’avoir sauvé et de me permettre
de m’éloigner d’une bande de criminels qui avait réussi, fait
rare dans l’histoire, à contrôler un appareil d’Etat aussi fonc-
tionnel que le Sénégal.
Ce pays respecté, adulé, était tombé bien bas. La Démocratie,
l’Honneur, la Liberté, la Foi avaient, pour longtemps, disparu

216
de la cité, du fait d’un Affairisme d’Etat et de la Corruption
totale de tous les pans de la Société.
La Démocratie, force principale d’un pays comme le Séné-
gal, apprécié comme une vitrine exclusive dans un océan de
dictatures, allait connaître une crise profonde.
Ce cas va inspirer les apprentis sorciers, comme Bagbo, qui,
sous forme de liberté de presse, investissements hasardeux,
corruption, vont mettre en place de nouveaux systèmes, que les
Occidentaux auront beaucoup de mal à qualifier. Un discours
partisan cachera la paupérisation des peuples.
L’Honneur, force principale de la Société sénégalaise, allait
disparaître des rangs par la corruption des mœurs, des compor-
tements et des idées sociales. Le « GOOR » qui traduit mieux le
terme « honneur » en wolof faisait l’objet de marchandage,
comme n'importe quel produit commercial.
WADE acheta tout ce qui pouvait empêcher son régime de
proliférer. Les marabouts, les syndicats, les Officiers, les Uni-
versitaires et tous les Grands Dignitaires perdirent honneur et
« soutoura » devant les milliards de WADE.
La liberté, chèrement conquise par le combat, très digne des
Sénégalais, depuis le temps colonial, était bradée devant les
assauts de WADE et de sa bande de prédateurs. Le wadisme fit
tout pour annihiler toute tentative de révolte ou de combat, en
entachant tout ce qui pouvait le combattre.
Des dignitaires religieux et politiques étaient accusés de
fautes graves et indignes, des magistrats libres étaient piégés et
taxés de corrompus, des combattants sérieux de la liberté étaient
accusés d’être des agents de lobbies homosexuels.
La foi religieuse qui est la principale caractéristique des Sé-
négalais, quelle que soit leur religion, subit les influences du
wadisme. Les confréries, comme les religions, étaient manipu-
lées et confrontées à des formes de rivalité, inconnues dans les
contrées sénégalaises.
Les attaques répétées contre certains groupes religieux remi-
rent en cause une tolérance légendaire et le dialogue inter-
religieux. Des pans entiers étaient stigmatisés pour les con-

217
traindre à une obéissance passive. Des religieux étaient discré-
dités grâce à des mensonges et fuites, organisés par la presse du
pouvoir.
L’affairisme d’Etat donna une nouvelle dimension aux dé-
tournements de deniers publics en installant, comme unité de
compte, le milliard et non le million, connu jusqu’ici.
Les responsables de l’Etat n’avaient aucune honte à étaler le
produit de leur vol en montrant de très belles maisons, des cy-
lindrés hauts de gamme, et un nombre impressionnant
d’épouses.
Les marques extérieures de richesse ne laissaient aucun pan
de la société indifférente. Le vol et la prédation avaient pris le
pas sur le service de l’Etat.
La corruption était installée en norme et en système d’état.
Le Président WADE ne pouvait vous donner des responsabilités
s’il ne vous considérait pas comme sale et corrompu, présen-
tant un ensemble de dossiers qui devait vous conduire directe-
ment en prison.
Plus vous étiez marqués et partisans de la nouvelle société
voulue et installée par le wadisme, plus vous étiez sûr et honoré
de trouver une place au soleil. Il était de plus en plus difficile de
trouver un homme ou une femme propre dans la société.
Ce fut le temps du vagabondage sexuel dans tous les mi-
lieux de Dakar. Les hommes de WADE avaient plusieurs
femmes, officielles et non officielles, des maîtresses de plus en
plus jeunes. L’homosexualité eut droit d’existence dans la cité
et toutes les dérives sexuelles s’installaient.
Des ministres, hommes comme femmes, exhibaient leurs
partenaires trois fois plus jeunes, comme des trophées de guerre,
et sans honte, virent des imans véreux sceller des mariages con-
damnés, même l’inceste eut sa part dans les nouvelles mœurs.

Rome le 16 janvier 2011

218
Annexe 1

Mémoire de Défense

OBJET : Moyens de défense du Colonel NDAO sur la par-


tie le concernant du document d’information intitulé « le tor-
chon brûle entre le Ministre des Forces Armées et le Général
Abdoulaye FALL de la Gendarmerie Nationale »

REFERENCE :
- Lettre sans numéro du Colonel NDAO en date du 26 juin
2007
- Décret portant réforme de la gendarmerie en date du 06
avril 2006
- CV du Colonel NDAO

J’ai l’honneur d’apporter les éléments de réponse suivants


aux accusations portées contre ma personne et certains Officiers
de l’Etat-major Gendarmerie, que j’ai dirigé du mois d’aout
2005 au 18 juin 2007.
En premier lieu, il est facile, à la lecture du document intitu-
lé « le torchon brûle entre le Ministre des Forces Armées et le
Général FALL de la Gendarmerie », de deviner que ce docu-
ment, bien que produit par des services appartenant à la Prési-
dence de la République, est (I) un document signé, caractéris-
tique des méthodes primaires de délation en vigueur dans la
Gendarmerie depuis belle lurette (II).
Ce document est motivé en ce qui me concerne par la ran-
cœur de son auteur qui a été privé de ses moyens de prédation ;
(III) ce document est un tissu de mensonges de délations et de
manipulations, dans le seul but d’éloigner des Officiers gênant
la corruption et la prédation.

219
I - AUTEUR DU DOCUMENT

Le document, par son contenu, par le niveau très limité dans


son style et, surtout, la façon très pernicieuse d’y attaquer des
Officiers de valeur qui ne partagent rien avec l’auteur de telles
inepties, est conçu, signé et imaginé par le Colonel Amadou
Loumbol SY, ancien chef du Centre Technique de la Gendar-
merie Nationale.
La jalousie, la rancœur et la folie qui guident le Colonel
Amadou Loumbol SY dans une invention aussi dangereuse
pour nuire à des camarades, trouvent leur origine dans la car-
rière plus qu’étriquée de ce Colonel, voleur, magouilleur, in-
compétent, tripatouilleur et qui a connu beaucoup de retard dans
l’avancement.
Le Colonel SY et le Colonel NDAO, comme le Colonel
DIEYE, sont recrutés au Prytanée Militaire de Saint Louis le
même jour, le 28 septembre 1968. Le Colonel DIEYE et le Co-
lonel NDAO obtiennent leur bac en 1975, après donc 7 ans de
présence au Prytanée, scolarité normale pour un enfant de
troupe moyen.
Le Colonel SY redouble le Premier cycle une fois, une deu-
xième fois le Second cycle et obtient le titre, peu convoité, de
Doyen au Prytanée. Il obtient le bac en 1977 et rejoint la Gen-
darmerie 2 ans après ses anciens camarades.
Il serait utile, pour l’histoire, de retenir que le Colonel SY
n’a obtenu aucun diplôme universitaire dans le cadre de sa for-
mation de cadet. Le manque d’Officiers et les investissements
effectués pour sa formation feront que la tolérance lui permettra
de continuer le cycle des élèves officiers et rejoindre l’EOGN.
Le Colonel SY est nommé Colonel de gendarmerie le 1er
janvier 2007 à l’âge de 52 ans, alors que les Colonel NDAO et
DIEYE, ses promotionnaires du Prytanée, sont Colonel depuis
2000 et à l’âge de 45 ans, âge très exceptionnel pour passer
Colonel dans les Forces Armées.
En aucun cas, par les états de service, le niveau des études,
les responsabilités et la valeur morale, le Colonel SY et le Co-
lonel NDAO ne peuvent ni se comparer, ni se mesurer et, en-

220
core moins, présenter les mêmes centres d’intérêt pour
l’institution Gendarmerie.
Le Colonel SY est réputé prédateur, magouilleur et capable
de toutes les bassesses, pour s’enrichir et mener une vie de
nabab. A ce titre, il n’a jamais été félicité ni encore moins cité à
quelque titre que ce soit. Il est juste décoré du titre de chevalier
de l’ordre du mérite pour avoir servi plus de 20 ans.
Le Colonel NDAO est un Officier félicité, cité trois fois à
l’ordre de la Gendarmerie, décoré de l’Ordre National du Lion
et de l’Ordre du Mérite. Le Colonel NDAO est titulaire de la
Médaille d’Honneur de la Gendarmerie et de plusieurs décora-
tions étrangères dont l’Ordre du Mérite français.
Le Colonel NDAO n’a jamais été cité dans une quelconque
histoire de magouilles ou malversations, alors qu’il a tenu des
postes de direction depuis plus de 15 ans et, notamment, dans
les services spéciaux où aucune justification financière n’est
exigée.
Des généraux de valeur, qui ont exercé les plus hautes fonc-
tions dans ce pays et qui ont eu sous leur ordre direct le Colonel
NDAO, peuvent en témoigner. On peut citer, dans ce cadre, le
Général KEITA, le Général Mountaga DIALLO, le Général
Mamadou NIANG, le Général WANE, le Général GAYE ou
enfin le Général Khalil FALL.
De même, des Ministres de valeur peuvent témoigner en sa
faveur, notamment Cheikh Hamidou KANE et Youba SAM-
BOU. Pour des raisons de transparence, le Colonel NDAO a
effectué l’enquête interne de toutes les opérations de police
judiciaire, concernant l’assassinat de maître SEYE, et a dirigé la
commission d’enquête sur le naufrage du bateau le JOOLA.
Le Colonel NDAO a des références nationales et internatio-
nales, que le Colonel SY n’aura jamais.

II - MOTIF DU DOCUMENT

Malgré les réserves de l’Etat-major Gendarmerie et de plu-


sieurs Officiers, le Général FALL, tenant compte de la spéciali-

221
té auto du Colonel SY, fait nommer ce dernier au poste de Chef
du Centre Technique de la Gendarmerie Nationale.
Ce poste fait du Colonel SY le responsable du soutien des
unités au titre des matériels relevant du service des matériels
(auto, transmission, informatique, carburant, etc…) et au titre
de la sauvegarde de l’infrastructure immobilière (entretien, ré-
fection et construction des locaux de service et d’habitation).
L’exécution du budget 2006 par le CTGN a présenté, en fin
d’année budgétaire et au moment des évaluations, des déra-
pages considérables, tant dans la gestion du carburant (déficit
de 250 millions), que pour le service auto (panne excessive des
véhicules avec un parc à 50% neuf), et six cent millions de
dettes injustifiées sur les constructions, entretien et réfection des
bâtiments.
L’Adjoint administration-logistique a rendu compte de ses
dérapages et n’a pas hésité, tenant de la mauvaise foi et du
manque d’explication de tels faits, alors que le souci premier du
Commandement était, selon les dires, transparence et ortho-
doxie, à souhaiter que le Colonel soit affecté à d’autres tâches
que la gestion budgétaire. Le Haut Commandant en second
appuie cette requête et le soumet au Général qui, contre toute
attente, demande des délais de réflexion.
Pour empêcher toute dérive dans le budget 2007 et sauve-
garder les meubles en attendant la décision du Général, l’Etat-
major, sous les auspices du Colonel NDAO, décide de tenir la
bourse et impose la nomination du Colonel TINE, au poste
d’administrateur des crédits d’investissement, et ce, pour se
conformer aux nouvelles prescriptions du code des marchés
publics.
Le Haut Commandant en second, le Colonel NDAO, préside
dans ce cadre une réunion entre tous les services logistiques de
la Gendarmerie pour définir le rôle de chacun dans l’exécution
du budget.
L’Etat-major, donc l’Adjoint logistique, prend en charge la
confection des marchés, les appels d’offres, les engagements de
crédit ; alors que les centres confectionnent les plans de cam-

222
pagne, les cahiers des charges, les réceptions des services et
travaux et, enfin, la liquidation.
Ce système a pour seul but d’obliger tout le monde à être
transparent et orthodoxe, et aucune magouille ne devait plus
être possible.
Le Colonel SY, prédateur sans foi ni loi, ne pouvait, en au-
cun cas, accepter un tel système et, dès lors, a décide d’éliminer
le Colonel NDAO, comme le Colonel TINE, des sphères du
commandement.
Des actions néfastes sont ainsi mises en œuvre aussi bien
auprès du Ministre des Forces Armées (avec qui le Colonel SY
a exécuté un marché nébuleux de un milliard sept cents millions
sur des véhicules, marché qui oppose le MFA à la Gendarmerie
et sur lequel l’arbitrage de monsieur le Président de la Répu-
blique a été sollicité), que du Général, qui présente des fai-
blesses en face du Colonel SY, pour des raisons ignorées.
La motivation du Colonel SY est liée à des intérêts mercan-
tiles et de basses œuvres et traduit le caractère vil et peu hono-
rable de ce prédateur qui mérite d’être jeté en prison pour mal-
versation, détournement de deniers publics et oubli de la dignité
professionnelle.

III - MENSONGES ET DELATION

1/ Compétence du Colonel NDAO

Le Colonel NDAO a une formation militaire, professionnelle


et universitaire sans faille. Il a tous les diplômes requis pour
occuper n’importe quel poste de direction des Forces Armées.
Il a commandé les unités élémentaires territoriales et mo-
biles dans toutes les conditions de service, il a effectué, à la
différence de beaucoup d’Officiers, des postes inter armés, que
seule la compétence pouvait octroyer.
Très peu d’Officiers peuvent se glorifier d’avoir été Conseil-
ler du MFA, du Premier Ministre, Chargé de mission à la Prési-
dence de la République, Attaché militaire, Directeur national de

223
service et Conseiller militaire du Ministre des Affaires étran-
gères.
Le Colonel NDAO a été Major de sa promotion, Major du
DAGOS et lauréat de l’université de Dakar en 1977. Le Colonel
NDAO est Consultant international sur plusieurs dossiers de
Sécurité et de Défense et enfin le Colonel est formateur dans
plusieurs domaines au plan national et international.
Bien que le Colonel NDAO se reconnaissait ami du Général
FALL, amitié qui n’a rien à voir avec un quelconque lien de
service (les deux Officiers n’ont ni la même origine, ni la même
formation et, encore moins, les mêmes états de service), le Co-
lonel NDAO ne devait son poste qu’à sa compétence, sa loyauté
envers la Gendarmerie et son engagement sans faille au service
de la République.
En deux ans, il a contribué à doter la Gendarmerie de struc-
tures fiables de commandement et de conception, il a permis la
traçabilité des actes majeurs pour la transparence et
l’orthodoxie et enfin il a permis la mise en place d’une politique
programme de neuf points, dont l’exécution conditionne les
succès de la Gendarmerie d’ici 2015.

2/ Opération SALEH ou programme mobilité de la gen-


darmerie

Le Colonel NDAO assume entièrement cette opération, qu’il


a conçue avec l’Etat-major de la Gendarmerie. Il en assume la
paternité, le cahier des charges, les discussions avec SALEH et
toutes les opérations effectuées dans ce cadre par lui-même, le
Colonel TINE, le Capitaine AGBO et les chefs de Division de
la Chaîne logistique.
Cette opération, menée avec professionnalisme, sans ma-
gouille, dérapage ou une quelconque malversation, a permis la
mobilité de la Gendarmerie dans tous les domaines : Comman-
dement comme Service. 350 véhicules ont été réalisés, du neuf
pour toute la gamme commerciale (BMW, Citroën et Mitsubis-
hi), du rénové pour la gamme tactique (camions et blindés), et
de l’occasion pour les utilitaires (bus et lot7).

224
La seule réserve dans cette opération est le fait encore du
Colonel SY qui, à la surprise générale et parce que le choix lui
incombait en tant qu’Officier auto, a assuré la préférence à la
Sénégalaise de l’Automobile alors que l’Etat-major souhaitait
Peugeot (407,307) et Toyota. Le Colonel SY a choisi des Ci-
troën dont la maintenance coûte cher ; les 4X4 réalisés sont bas
de gamme, relativement au prix.
Le Colonel NDAO défie n’importe qui et n’importe quel
Service de l’Etat de lui reprocher un quelconque profit dans
cette opération. Une Information judiciaire peut être ouverte
pour auditer toutes les opérations sur ce marché qui pèse six
milliards.
Tenant compte des sociétés dont dispose SALEH à Dakar,
j’ai recommandé le recrutement de deux enfants de gendarmes
dont la fille de mon secrétaire particulier, l’A/C Talla NDIAYE.

3/ Peugeot 407 offerte par SALEH

L’évocation de ce véhicule est la preuve de la signature du


document par le Colonel SY. Rentrant de Poste diplomatique, le
Colonel NDAO a, aux termes de la loi, le droit d’importer un
véhicule hors taxes. Dans ce cadre, une Peugeot 407 occasion
lui est proposée et le Colonel NDAO a effectivement sollicité,
en toute innocence, l’expertise et les conseils du Colonel SY
pour l’achat de ce véhicule.
L’opération, pour des raisons obscures liées au vendeur n’a
pas été effectuée, ce que méconnaît certainement le Colonel SY,
qui, de mauvaise foi, lie cet achat à SALEH.
Le Colonel NDAO, tenant compte de ses moyens, a acheté
une Opel Omega de plus de dix ans à trois millions de FCFA,
somme payée à lui par l’agent comptable de l’Ambassade du
Sénégal en Guinée, comme frais de rapatriement, et le véhicule
a été acheté devant le Colonel Thierno LÖ, Attaché de défense
du Sénégal en Guinée.
Ce véhicule, possession encore de la famille NDAO, était
conduit par la deuxième épouse du Colonel, et c’est depuis son
éviction de son poste que le Colonel l’a repris et le conduit pour

225
ses courses personnelles, après le retrait de ses deux véhicules
de commandement et le refus du Général de lui affecter un vé-
hicule.
La première épouse du Colonel NDAO, professeur au Lycée
Blaise DIAGNE, conduit une Rover 820S datant de 1993, à
essence et dieselisée en 2004. Ce véhicule, qui tombe très sou-
vent en panne, ne peut en aucun cas être confondu avec une 407.

4/ Dotation carburant

Le seul avantage en nature du poste de Haut Commandant


en Second de la Gendarmerie est une dotation en carburant de
importante
Cette dotation permet à cet Officier supérieur, qui occupe
une fonction de Général de brigade, de répondre aux sollicita-
tions des Officiers de l’Armée, des Sous-officiers de son Etat-
major, des retraités de l’Armée et des Agents de renseignements.
Tous les HCS de la gendarmerie, depuis le Général Mame
Bounama FALL, en ont bénéficié.
Le HCS ne dispose pas de frais de représentation comme les
Commandants des Ecoles, de Gendarmerie Territoriale et Mo-
bile. Bien que prévu par la réglementation, il entretient et fait
vivre tout seul son domicile de fonction. La fourniture
d’électricité est cependant gratuite.

5/ Gestion des crédits de fonctionnement

L’Etat Major Gendarmerie ne gère que ses propres crédits de


fonctionnement, à savoir 94 à 100 millions. Ces crédits sont
destinés aux différentes structures de l’Etat-major à savoir, le
Haut Commandement en Second, les trois Chaînes à raison
d’un Chef de chaîne et 4 Divisions par Chaîne et enfin, le
Centre Opérationnel de la Gendarmerie.
Ces crédits sous forme de trois rubriques (fournitures de bu-
reau, entretien et consommables informatiques) sont gérés de-
puis le budget 2006, par l’Adjoint logistique le Colonel TINE et

226
en 2007, par le Chef de la Division Administration Finances, le
Commandant KONATE.
Le Colonel NDAO, comme les différents Chefs de service
de l’Etat-major, exprime au gestionnaire les besoins se son ser-
vice et le gestionnaire essaie de satisfaire les demandes, dans la
mesure du possible et des prévisions.
En réunion de coordination de l’Etat-major, chaque vendredi
16 heures, le point de ces crédits est fait, les difficultés évo-
quées et les orientations et arbitrage décidés par le Colonel
NDAO, en présence des 4 Colonels adjoints et des 12 chefs de
division.
Les autres structures de la Gendarmerie gèrent elles-mêmes
leur crédit de fonctionnement. Cette décentralisation des crédits
est une conséquence de la réforme de 2006 et chaque Comman-
dement, chaque Légion, et Service de la gendarmerie, est admi-
nistrateur de ses propres crédits. La seule obligation est de
rendre compte, mensuellement, de la consommation des crédits
à l’Etat-major Gendarmerie.
L’Intendant militaire Inspecteur des Affaires Administra-
tives et des Financières assure, au nom du Général, la surveil-
lance administrative et financière de tous les crédits alloués
dans ce cadre. Il assure des contrôles a priori et a posteriori de
la gestion de tous les administrateurs de crédits.
Ce système a permis une exécution correcte des budgets de
fonctionnement 2006 et 2007, sans dérapage majeur et c’est une
première dans la gendarmerie depuis deux ans
Le Colonel NDAO n’est Administrateur d’aucun crédit de la
Gendarmerie, mais il était chargé de veiller sur les règles de
transparence et d’orthodoxie ; et c’est sur cette base qu’il a été
mis au courant de certains dérapages dans la gestion des crédits
d’investissement, articles critiques et centralisés dont la gestion
incombait au CAGN (Lt-Colonel FALL) et au CTGN (Colonel
SY).

227
6/ FRONTEX

Le Colonel NDAO n’a eu aucune emprise sur la gestion des


fonds FRONTEX qui relèvent du seul Général et du Centre
Administratif de la Gendarmerie. Plusieurs fois, le Colonel
NDAO a conseillé au Général de revoir l’utilisation de ses
fonds qui faisaient l’objet de commentaires défavorables du
personnel.
Devant la réticence du Général, qui croyait en toute bonne
foi pouvoir en disposer selon son entendement, l’Etat-major a
produit une fiche portant propositions de l’Adjoint logistique
sur l’utilisation des fonds FRONTEX.
L’Etat-major a obtenu de combler le déficit carburant de la
Gendarmerie par le carburant FRONTEX, un chèque de
3.800.000 FCFA était remis par semaine au chef de la division
Soutien Equipement, pour achat de carburant .
Le Chef d’escadron MANGA, qui assurait l’intérim de cette
division, en a profité pour détourner 3 chèques pour un montant
total de 9.000.000 FCFA environ. Il a été sanctionné par le Co-
lonel NDAO, Chef de l’Etat-major, qui lui a proposé de démis-
sionner au lieu d’être révoqué.

7/ Véhicule de dotation

En sa qualité de Haut Commandant en Second de la Gen-


darmerie, le Colonel NDAO a, en dotation permanente, deux
véhicules dont une de fonction
- Une Renault safrane toutes options et en cuir : ce véhicule
a 12 ans d’âge et était le véhicule de fonction des généraux
Mamadou DIOP et Pathé SECK, à ses débuts. Elle a été immo-
bilisée pour panne pendant 6 mois, de septembre 2006 à février
2007. Dans ce cadre, elle a été remplacée par une Peugeot Kan-
goo, qui transportait effectivement les enfants du Colonel à
l’école.
- Une Nissan 4X4 Pathfinder, offerte par la coopération es-
pagnole dans le cadre de l’opération FRONTEX. Ce véhicule a

228
remplacé une autre Nissan Terrano, en dotation au HCS depuis
2004.

8/ Divers

Plusieurs sujets évoqués par le rapport dont l’auteur est le


Colonel SY, entre autres, la formation, le service, les OPEX
(opérations extérieures) n’ont aucun intérêt direct pour ce mé-
morandum de défense, parce que relevant d’autres considéra-
tions sans objet pour le cas spécifique du Colonel NDAO.
De même, le voyage en Italie du Colonel NDAO et de son
épouse n’a rien à voir avec un quelconque fournisseur de la
Gendarmerie et, surtout, Monsieur Cheikh NDIAYE, fournis-
seur des matériels majeurs du contingent Gendarmerie de la
MONUC.
Le Colonel NDAO était à Gênes, avec son épouse, sur invi-
tation de son ami italien, Bruno PELLE, pour 15 jours. Les frais
de billet, de séjour à l’hôtel SAN BIAGGIO de Gènes ont été
payés par cet ami, que toute personne peut contacter au 00 39
34 82 20 02 90 ou 00 39 01 07 40 22 97.
Monsieur PELLE est un ami de longue date du Colonel
NDAO, qu’il visite au Sénégal depuis plus de 10 ans ; le fils
aîné du Colonel NDAO vit en Italie, en relation avec cet ami de
son père. Le Colonel NDAO peut se vanter de compter parmi
ses amis beaucoup de cadres européens dont des Directeurs de
société qui n’ont rien à voir avec la Gendarmerie.

CONCLUSION

Des réformes essentielles ont été mises en œuvre par l’Etat-


major Gendarmerie. Ces réformes font l’objet des articles pu-
bliés par le Colonel NDAO et ses adjoints dans le numéro 1 du
journal de la Gendarmerie la GRENADE.
Ces articles sont la meilleure réponse aux calomnies du Co-
lonel SY sur la compétence de l’Etat-major à résoudre les pro-
blèmes de sécurité qui se posent à l’Etat sénégalais.

229
Les mensonges, délations et manipulations du Colonel SY,
accentuées par la couardise du Général FALL, un Officier affo-
lé, véreux et incompétent, ne devraient en aucun cas remettre en
cause les réformes entreprises par des Officiers de valeur, enga-
gés, volontaires et compétents pour mettre la Gendarmerie en
phase avec les exigences de sécurité de ce millénaire.
Ces Officiers ont épousé la transparence, la bonne gouver-
nance et la volonté du Président de la République de faire du
Sénégal un pays émergeant, un pays moderne et un pays de
liberté.

230
Annexe 2

REPUBLIQUE DU SENEGAL
MINISTERE DES FORCES ARMEES

Dakar, le 10 octobre 2007

Le Colonel Abdoulaye Aziz NDAO


de la Gendarmerie Nationale
A
Monsieur le Ministre des Forces Armées

OBJET : Protection d’un officier et de sa famille

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance des faits graves


et sérieux qui exigent de ma part de demander la protection de
l’Etat. Le 09 octobre 2007, à 19h30, une embuscade pour atten-
ter à ma vie ou celle de ma famille a été perpétrée sur
l’Autoroute à un lieu où les véhicules sont obligés de ralentir.
Après la coupure du ramadan, j’ai envoyé mon épouse et un
chauffeur ramener un groupe de jeunes qui montaient mon an-
tenne de télévision vers Fass et en même temps acheter du gaz
pour la maison.
Arrivé à hauteur du premier ponton après le pont de Hann,
mon véhicule a été attaqué avec une soudaineté et une violence
qui montraient clairement la détermination des attaquants à
attenter à la vie des passagers.
Le nombre des attaquants, la violence perpétrée et les
moyens utilisés sortent des normes habituelles des agresseurs.
Des barres de fer ont été utilisées pour atteindre les passagers,
ce qui laisse supposer que le vol n’est pas le seul mobile de cet
attentat.
Des gendarmes ont pu raccompagner mon épouse et la cal-
mer avec son enfant de 4 ans. Mon véhicule est sérieusement

231
endommagé par les coups de barre à mine portés sur le pare-
brise.
En tout état de cause, l’heure de l’attentat, 19h30, les
moyens utilisés, le choix sur mon véhicule alors que des mil-
liers de véhicules traversaient tranquillement, de part et d’autre,
l’autoroute, le fait que j’étais obligé de ramener les ouvriers,
m’incitent à analyser cette attaque comme pouvant provenir de
maffieux de la Gendarmerie, qui n’auront de repos que s’ils
arrivent à leurs fins contre ma personne.
Ces Officiers maffieux ont déjà suborné un témoin dans une
affaire judiciaire pour nuire à ma réputation et à mon honneur.
Le nommé Gaspard CAMARA a été incité à raconter des bo-
bards contre moi, pour éviter la prison.
Dans le même ordre d’idée, des journaux, notamment le
Nouvel Observateur, l’As et le Témoin, ont été soudoyés pour
porter atteinte à mon intégrité. Le cas Gaspard CAMARA et ses
mensonges ont miraculeusement atterri sur le bureau du rédac-
teur en chef de l’Observateur qui, en bon journaliste, a mené sa
propre enquête avant de classer cette affaire.
Les mêmes officiers n’ont pas hésité, dans un document
adressé à Monsieur le Président de la République, tissu de men-
songes, de délation et de manipulation, à m’accuser de tous les
maux de la Gendarmerie. Cette manipulation qui ne dit pas son
nom continue de plus belle avec la thèse que le Colonel NDAO
est grillé et qu’il est dangereux de le fréquenter.
Les rares personnes qui venaient me voir, me téléphonaient
ou entretenaient une quelconque relation avec moi ont subi un
traitement arbitraire, sous forme d’affectation abusive ou me-
nace sur leur carrière. M’isoler reste une de leur stratégie après
m’avoir éloigné injustement du commandement.
De même, les privations et harcèlements, dont je fais l’objet,
constituent un moyen privilégié de peser sur mon avenir et
m’obliger à démissionner des Forces Armées. Tous les attributs
de l’Officier me sont aujourd’hui enlevés, sans aucun fonde-
ment et sans même que je commette une faute. Personne ne
peut me dire ce que j’ai fait pour mériter un tel sort.

232
En Officier et respectueux de la République et des Institu-
tions qui représentent l’Etat, je me suis tu, terré chez moi, j’ai
limité mes fréquentations, j’ai quitté mon logement et on m’a
obligé à renoncer à tous les avantages liés à mon grade et à mon
rang et ce, malgré mon ancienneté et les différentes hautes fonc-
tions que j’ai eu à tenir. Ma famille vit cette situation dans la
dignité et l’espoir.
Je ne peux accepter que des Officiers sans foi ni loi, des Of-
ficiers maffieux dont le seul but est de s’enrichir, se servir et
non servir l’Etat, constituent une menace pour moi ou pour ma
famille. Qu’ils emploient des moyens intellectuels, mystiques et
autres pour m’abattre et diriger la Gendarmerie peut se com-
prendre ; par contre, je ne puis tolérer une quelconque agression
physique contre moi ou un membre de ma famille.
Il vous appartient, en tant que Ministre et responsable pre-
mier du moral des Forces Armées, de faire assurer ma protec-
tion et celle de ma famille, en attendant que Dieu éclaircisse ma
propre situation.

Ampliation : Ministre d’Etat, Directeur du Cabinet Tech-


nique du PR

233
Annexe 3
Lettre adressée au Président Wade

MALAISE DANS LA GENDARMERIE

Dakar, le 12 avril 2008

Monsieur le Président de la République

J’ai l’honneur de demander une fois de plus l’ouverture


d’une enquête officielle pour déterminer et analyser les faits qui
ont conduit votre haute autorité à prendre la décision de me
relever de mes fonctions de Haut Commandant en Second de la
Gendarmerie, le 18 juin 2007, et depuis cette date, ultime dés-
honneur pour un Officier, de me laisser sans fonction.
L’Officier que je suis, mari et père de famille, subit de plein
fouet les affres d’une décision injuste que vous avez prise sur la
base de mensonges, délations et manipulations, dignes de
l’affaire DREYFUS. Je suis depuis neuf mois sans aucune fonc-
tion, mon honneur et ma crédibilité ternis à jamais alors, qu’à
ma connaissance, je n’ai commis aucune faute contre la disci-
pline ou l’honneur.
Après 33 ans de loyaux services, 33 ans d‘abnégation,
d’engagement total au service exclusif de l’Etat, 33 ans de pri-
vation, de sacrifice ; alors que j’ai eu à occuper des fonctions
trop importantes pour mon grade, les évènements qui ont con-
duit à ma relève interpellent ma conscience, mon honneur et
mon état d’Officier.
Aujourd’hui, je ne sais plus si je sers dans une organisation
maffieuse, dont le seul but est de défendre des intérêts malsains,
ou dans une milice qui tient en otage l’Etat et la République, par
le mensonge, la délation, la manipulation et le complot perma-
nent, ou enfin, dans les Forces Armées d’un Etat démocratique
dont vous êtes le chef suprême des Armées.

235
Les enjeux politico-diplomatiques, tel le sommet de l’OCI,
le prestige et le rayonnement de la Gendarmerie où je suis en
service depuis 1975, mon état d’Officier, m’ont imposé un si-
lence lourd que ma famille, mes enfants supportent difficile-
ment tellement l’injustice est flagrante et répétée.
Je suis Officier et je crois en la raison d’État, je peux endurer
des épreuves pour la sauvegarde des intérêts supérieurs de la
Nation ; cependant, je ne peux continuer, au nom de cette raison
d’État, d’accepter de subir les assauts répétés de cercles ma-
fieux, qui commencent à proliférer dans la Gendarmerie.
Une première fois, en décembre 2002, le Colonel Abdoulaye
Aziz NDAO, alors Directeur de Contrôle, Etudes et Législation,
du Ministère des Forces Armées, département juridique et
d’études générales, est relevé de ses fonctions après avoir dirigé,
avec compétence, sérieux et rigueur, la Commission d’enquête
sur le naufrage du bateau le « Joola ».
Le Commandement militaire, sans états d’âme pour les vic-
times, lui faisait payer ainsi les conclusions du rapport que vous
aviez décidé de publier sur internet. Le Colonel NDAO est resté
un an sans fonctions avant d’être exilé, avec l’aide du Ministre
des Forces Armées, comme Attaché Militaire en Guinée.
Pour la seconde fois, le 18 juin 2007, le Colonel NDAO est
relevé de ses fonctions, cette fois-ci, de Haut Commandant en
Second de la Gendarmerie, pour des raisons qu’il ignore. Il n’a
pas été puni pour quelque faute que ce soit comme l’exige le
règlement militaire.
Toujours est-il que des faits constants, précis et insolites ont
eu lieu et pourraient expliquer cette décision. Des personnes,
gravitant autour du pouvoir, ont fait chanter le Général Haut
Commandant de la Gendarmerie, suite à des magouilles et mal-
versations portées à leur connaissance.
Ces faits ont conduit, dans la semaine du 09 au 16 juin 2007,
cet Officier général à les faire arrêter, torturer, et détruire les
ordinateurs et traces de leur investigation.
Devant vos questions et interrogations, un Général, Haut
Commandant, Chef militaire, Officier assermenté, a menti en

236
rejetant les faits et responsabilités sur son subordonné direct.
Mentir au Chef suprême des Armées, de la part d’un Comman-
dant de force est une haute trahison.
Le minimum de décence, d’éthique et d’honneur pour un
Chef militaire est de défendre son subordonné même s’il a fauté,
de le sanctionner avec justesse et bienveillance. Plus grave, un
Chef, doit assumer ses actes et responsabilités propres et non
engager celle de son subordonné innocent.
C’est à ce titre que ses hommes le respectent, le vénèrent et
sont prêts au sacrifice suprême. L’innocent que je suis est en
train de payer, avec sa famille, ses enfants, les fautes commises
par un Chef menteur, manipulateur, délateur et indigne. Vous,
vous ne le savez pas peut-être, mais les Gendarmes le savent et
l’acceptent difficilement.
Leur confiance et leur foi exigent que leurs Chefs soient ir-
réprochables sur le plan des valeurs qui fondent l’engagement.
Toute ma vie d’officier, j’ai essayé de vivre ses valeurs qui
m’ont apporté auprès des hommes un profond respect. Je n’ai
jamais failli à mes devoirs et charges.
Je vous avais saisi, par lettre en date du 26 juin 2007, pour
demander de me rendre mon honneur de soldat, de vérifier les
informations orientées que mon Chef a mises à votre disposition,
pour fuir ses propres responsabilités.
Cette demande n’a pas eu de suite et vous continuez à rece-
voir les mêmes informations qui proviennent d’un Chef aux
abois dont la responsabilité, sur des faits compromettant la Sé-
curité Nationale, est plus qu’engagée.
Commander est un honneur qui exige du Chef un ensemble
de valeurs propres à la caste militaire. La vérité est une exi-
gence du Commandement.
Pour éviter cette vérité, un Officier Général, à qui vous avez
confié le commandement d’une des institutions les plus presti-
gieuses de l’Etat, exerce un acharnement sans nom sur un va-
leureux Officier, sa famille et ses amis.
Le 09 octobre 2007, le véhicule du Colonel NDAO est
agressé à 20 heures 30 sur l’autoroute de façon à attenter à sa

237
vie, agression ayant fait l’objet d’un compte rendu en bonne et
due forme au Ministre des Forces Armées, le 10 octobre 2007.
Des fournisseurs de la Gendarmerie ont été soudoyés pour
accuser le Colonel NDAO de malversations sur des marchés,
alors qu’en aucun cas, il ne pouvait octroyer un quelconque
marché.
Des victimes, ayant porté plainte dans des formations de la
Gendarmerie, ont subi des pressions pour accuser le Colonel
NDAO d’être complice de leurs escrocs. Enfin, le Colonel
NDAO est privé des privilèges élémentaires de son grade et de
son rang, après avoir occupé de très hautes fonctions avec com-
pétence, abnégation et loyauté, à la satisfaction de ses chefs.
Si un seul mot de cette lettre est diffamatoire envers un quel-
conque responsable de la Gendarmerie, je l’invite à porter
plainte auprès des cours et tribunaux pour diffamation et, ainsi,
me permettre de produire devant la justice, la véracité de tous
les faits allégués. Des méthodes maffieuses tiennent une hono-
rable famille et un père, qui a servi la Nation pendant trente-
trois ans, dans le déshonneur et le désarroi, depuis plus de 9
mois.
Certains de mes enfants n’ont pas pu supporter le regard ac-
cusateur de leurs camarades d’école : ils ont changé d’école.
D’autres voient leur scolarité perturbée, du fait de commérages
sans fin dans notre entourage. Mon épouse, professeur des ly-
cées et collèges, doit faire preuve de dignité, de courage et de
volonté, pour diriger ses cours sans que les problèmes de son
mari n’interfèrent.
Ma famille vit cloîtrée dans un appartement de trois pièces
dans la banlieue dakaroise après avoir libéré un logement de
fonction de sept pièces. Pour la première fois de leur existence,
mes enfants n’ont pas assisté à la célébration du 04 avril sur la
place de l’Obélisque. Ils vivent un drame que je suis obligé de
vous exposer, pour rester un père digne et un éducateur respon-
sable.
Je vous demande, Monsieur le Président de la République,
de faire ouvrir une enquête exhaustive sur les faits évoqués dans
la présente lettre ou, tout au moins, me recevoir en audience en

238
présence de mes détracteurs et me permettre de défendre mon
honneur ou, enfin, me faire punir par le Haut Commandant de la
Gendarmerie qui aura alors la charge d’écrire noir sur blanc ce
qu’il me reproche.
Conscient que votre esprit de justice et votre loyauté envers
la République ne sauraient tolérer une situation aussi inadmis-
sible dans une démocratie, je me tourne vers vous, Chef su-
prême des Armées pour trouver une solution idoine.
Je ne conteste pas les motifs de droit et l’opportunité de me
relever de mes fonctions, je réfute, avec toute l’énergie d’un
combat juste et légitime, les motifs de fait, qui sont le fruit d’un
mensonge fétide d’un Général indigne.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la Répu-
blique, en l’expression de mes sentiments respectueux et de
mon entier dévouement.

239
Annexe 4
Lettre adressée au Président Wade

Dakar, le 31 mars 2008

POUR L’HONNEUR DE LA GENDARMERIE

Des faits graves et très sérieux, ayant un rapport direct avec


la Défense Nationale, obligent à informer les plus hautes autori-
tés de l’Etat et sauvegarder ce qui peut encore rester de
l’Honneur de la Gendarmerie.
Le 18 juin 2007, j’ai été relevé de mes fonctions de Haut
Commandant en Second de la Gendarmerie à la suite
d’accusations très graves, portées à la connaissance du Chef de
l’Etat, Chef suprême des Armées, par le Général de division,
Haut Commandant de la Gendarmerie et Directeur de la Justice
Militaire.
Ces accusations, faits insolites, portées par un Chef militaire
contre son subordonné direct, s’analysent dans le cadre d’une
hérésie, d’un mensonge, d’une délation et d’une manipulation
de la plus haute autorité de l’état, pour protéger des faits crimi-
nels de nature à compromettre la Défense Nationale et la Sécu-
rité de l’Etat.
A l’époque, j’ai, par correspondance adressée à Monsieur le
Président de la République et tenant compte des enjeux politico-
stratégiques, demandé l’ouverture d’une enquête officielle pour
vérifier la véracité des informations portées devant la haute
autorité. Cette quête de vérité m’a été déniée, tenant compte de
la puissance et de la fonction de l’Autorité militaire à la base du
complot.
Devant l’inaction de l’Etat, des Officiers comploteurs et
maffieux se sont ragaillardis et continuent de plus belle à porter
leurs mensonges, délations et manipulations, dans toutes les
sphères militaires et gouvernementales, pour étayer une thèse,

241
théorie à même de leur permettre de continuer, en toute impu-
nité, leurs activités criminelles.
Ils ont agressé physiquement ma famille en manipulant une
bande d’agresseurs qui, malgré le début d’une enquête promet-
teuse et une réaction prompte du GIGN, a miraculeusement
disparu des méandres de la justice.
Ils ont terrorisé, par des affectations intempestives et in-
justes, les quelques rares gendarmes et Officiers qui me mani-
festaient la moindre sympathie.
Ils m’ont enlevé tout attribut de mon état d’Officier et conti-
nuent, de plus belle, à vouloir me clochardiser ; les droits élé-
mentaires d’un Officier de gendarmerie me sont refusés contre
toute tradition militaire. Ma famille survit dans les méandres de
Dakar avec des problèmes que mon état d’Officier et les diffé-
rentes fonctions occupées jusqu’ici interdisent de concevoir.
Plus graves, ils continuent de manipuler des personnes, à su-
borner des témoins, dans le seul but de me porter un préjudice
mortel. Ainsi, une nouvelle et ultime tentative est mise en
œuvre pour lier mon nom et mon honneur à un certain Youssouf
GUEYE, qui serait un escroc notoire. Un ressortissant français a
été commis dans ce nouveau cadre et ce dernier n’a pas hésité à
me téléphoner, avec des menaces à peine voilées.
Ces gens font tout et jouent leurs dernières cartes vis-à-vis
de moi. J’ai vécu les dix pires mois de ma carrière d’Officier,
j’ai oublié mon honneur, ma dignité et le principe premier de
tout droit pour protéger l’Etat, respecter la République et la
loyauté aux Institutions. Sans rechigner, j’ai subi les privations,
les injures, et le regard réprobateur de toutes les personnes qui
aiment la Gendarmerie.
Mes enfants ont fui leurs écoles, comme moi ils ont affronté
le regard inquisiteur de leurs camarades, ils ont subi, eux aussi,
les mêmes privations, les mêmes humiliations et ont dû batailler
ferme pour survivre dans la jungle de la banlieue, dont ils igno-
raient tout. Et eux ne comprennent pas que je me taise face aux
prédateurs qui ont voulu ma perte et continuent de m’enfoncer
dans l’eau pour me noyer définitivement

242
Les enjeux primaires de la sécurité sont derrière nous, le
sommet de l’OCI est un succès pour tout le Sénégal et démontre,
une fois de plus, la qualité des hommes et femmes qui se sacri-
fient journellement, pour la protection des personnes et de leurs
biens. Ce succès exige aussi que les chefs militaires et ceux qui
ont l’honneur de conduire de tels hommes soient irréprochables,
dignes et loyaux envers les institutions de la République.
Cette exigence m’impose de porter des accusations graves
contre un certain nombre d’Officiers qui ont pris aujourd’hui en
otage la Gendarmerie Nationale. Ces officiers sont des crimi-
nels de la pire espèce contre lesquels on peut relever, entre
autres, les infractions suivantes :

1 ASSOCIATION DE MALFAITEURS

Un groupe d’Officiers et de Sous-officiers, à la solde exclu-


sive de leurs intérêts personnels et maffieux terrorisent les diffé-
rents circuits de commandement. Les différents échelons, Bri-
gade, Compagnies, et Légions, sont soumis aux pressions de
Gendarmes, prétendument affectés à la Section de Recherche.
Ces Gendarmes, Police politique aux mains du Chef de la
Section de Recherche, ont des pouvoirs exorbitants qui leur
permettent de contrôler, en dehors de toute légalité, le système.
Leur prétendue activité de renseignement a tué le renseigne-
ment dans la Gendarmerie, et cette activité leur permet de faire
les mensonges, les délations et manipulations, dont le seul but
est d’effectuer, en toute impunité, des prédations.
Les différents échelons de commandement sont placés sous
surveillance maffieuse avec des procédés dignes de la Gestapo.
Dans chaque unité, un ou deux gendarmes, obéissant aux seuls
ordres du Chef de la Section de Recherche, sont chargés de
renseigner et de rendre compte journellement de la conduite de
l’unité.
Insulte à tous les principes de commandement, cette organi-
sation permet à un système maffieux de prélever des dividendes
et de faire des rackets en toute impunité. Aucun Gendarme

243
n’ose dénoncer ce système de peur de recevoir les foudres du
Général
Les Officiers comme les hommes ont démissionné et leur
laissent les mains libres pour agir en toute impunité. Aucune
marge de manœuvre ne leur est laissée, l’espace étant occupé
par des Gendarmes indisciplinés, immoraux, souvent drogués,
et qui terrorisent population comme collègues, dans le seul but
de monter des magouilles enrichissantes.

2 ENRICHISSEMENT ILLICITE

Ce système a permis au Général et ses acolytes de s’enrichir


sans commune mesure avec leur possibilité. Ils pèsent au-
jourd’hui des centaines de millions voire milliards par une stra-
tégie de prédateurs insoupçonnée.
En deux ans, le Général a transformé un champ de culture
d’arachides en une ferme agro-industrielle qui vaut plus de deux
milliards, avec une importation soutenue de vaches laitières
brésiliennes et argentines. Cette ferme, qui était alimentée au
départ par le recel du bétail volé depuis la Casamance, est au-
jourd’hui digne de celle des grands fermiers qui importent du
pétrole.
Les hommes du Général, en toute impunité, ouvrent des
chantiers sans rapport avec leurs revenus, sous le regard embêté
des hommes restés dignes de la Gendarmerie. Au moment où
chacun rêve d’un quelconque toit pour abriter sa famille, ces
gens multiplient par deux, voire trois, des chantiers dans les
quartiers huppés de Dakar, tels les Almadies, la Pyrotechnie,
Usine des Eaux, Bordure de mer etc.
Les Gendarmes, dont le métier a toujours été un sacerdoce,
voient certains camarades accumuler des richesses qu’ils ne
pourront jamais acquérir, quel que soient leur grade et leur tra-
vail.
Alors que certains ont pour véhicule personnel des guim-
bardes, rafistolées chaque week-end et abonnés chez les méca-
niciens du coin, ils voient les épouses de leurs camarades, cor-
rompus et liés au système de prédation du Général, dans des

244
voitures rutilantes et très chères. Une Gendarmerie à deux vi-
tesses est mise en place, aux ordres d’un Général prédateur.

3 CORRUPTION ACTIVE DE FONCTIONNAIRES

La Gendarmerie est aujourd’hui l’institution la plus corrom-


pue de la République, à tous les points de vue ; on est passé
d’un système artisanal à un système maffieux, où tous les éche-
lons alimentent le sommet grâce aux caisses de brigades.
Chaque gendarme qui monte en service est obligé de verser
une somme, déterminée selon le service, à la caisse de la bri-
gade. Ces sommes accumulées au jour le jour sont réparties, à
la fin du mois, à certains responsables maffieux et selon un
système bien huilé ; et le reste est réparti entre le personnel,
selon les grades et responsabilités. Ce système a abandonné la
surveillance générale au profit exclusif de la police répressive
de la route.
Tous les marchés de la Gendarmerie sont entachés
d’irrégularités et de pratiques douteuses depuis deux ans. Mal-
gré une réforme, dont le seul but était de renforcer les procé-
dures opérationnelles et logistiques, le Général a mis en place
un système de spoliation systématique, qui ne respecte aucune
procédure légale.
Tous les marchés sont donnés de gré à gré, directement dans
le Cabinet du Général, en dehors de tout le système de com-
mandement. Le marché du Congo, le marché de l’habillement
2007, le marché des matériels spéciaux de maintien de l’ordre,
en sont des exemples éloquents. A la décharge des organismes
logistiques, le Général a biaisé tout le système.
Le système OPEX de la Gendarmerie est en faillite et pré-
sente un déficit de plusieurs milliards, on parle de 11 milliards
dont 5,5 prêtés par l’Etat, 2,5 dus aux fournisseurs de cette
gamme OPEX, et 3 sous forme de primes, à payer aux hommes
revenant de missions.
Dans le même ordre d’idées, il faut auditer le fonds FRON-
TEX, mis à la disposition du Général par les Espagnols, et qu’il
utilise et fait utiliser à des fins personnelles. Il en va de la sorte

245
des services rétribués de la Gendarmerie, que le Général prélève
et fait prélever en toute illégalité.

4 SUBORNATION DE TEMOINS

Dans le cadre de sa politique de destruction et de terreur


contre toute velléité de vérité ou de retour à l’orthodoxie, le
Général fait mener par presse, bandes organisées et subornation
de témoins, une vie d’enfer à certains Officiers.
Le Général et ses complices n’ont pas hésité à tenir divers
discours envers des personnes ressources pour alimenter la
thèse d’un complot contre la Sûreté de l’Etat, que j’aurai con-
duit avec certains Officiers de l’Etat-major de la Gendarmerie,
pour lui enlever toute prérogative.
A d’autres, il a fait servir la thèse que je me serais lié les
mains dans des marchés douteux avec SALEH et un fournisseur
du nom de NDIAYE, qui est en fait son neveu et parent. Ces
fournisseurs ont été menacés et corrompus pour m’accuser de
faits délictuels, ce qu’ils ont, à leur décharge, refusé.
Le Général, son cabinet et le Chef de la section de recherche,
ont fait, et continuent de vouloir, lier mon nom aux escroqueries
et magouilles d’un certain Youssou GUEYE, qu’ils tiennent du
fait de certains dossiers compromettants pour cet individu.
Autant je reconnais connaitre cette personne, autant je refuse
tout lien compromettant avec cet individu. Cette affaire fait
l’objet d’une plainte en bonne et due forme devant le Directeur
Général de la Sûreté nationale. Aucun lien de parenté ou de
travail ne saurait me faire faillir à mon serment d’officier.

5 VIOLENCES ET VOIES DE FAIT

La mainmise des hommes du Général, en mettant en réseau


criminel tous les circuits de la Gendarmerie, fait peser sur les
responsables un système de violence, dont ma famille a fait les
frais durant le ramadan.

246
Ils ont fait agresser et détruire ma voiture personnelle pour
me tenir la langue si je veux avoir la vie sauve. Le même pro-
cédé est mis en vigueur contre le personnel, qui est tout le
temps menacé d’affectations dans un goulag sénégalais.
Ces menaces et voies de fait, qui ont cours dans l’institution
gendarmerie, ont engendré l’incendie du bureau de l’Inspecteur
gendarmerie pour faire brûler des dossiers compromettants. En
outre, un magasin de la comptabilité matières de la gendarmerie
a été incendié pour justifier des commandes qui n’ont jamais eu
lieu.

6 ASSASSINAT

Ces gens, notamment le Général et le Chef de la section de


recherches, doivent être accusés et traduits en justice pour
l’assassinat, dans les locaux de la gendarmerie de Ziguinchor,
de la personne gardée à vue Abba DIEDHIOU.
Cette personne a été arrêtée dans l’affaire Mamadou Lamine
BADJI, pour complicité d’assassinat, par les Gendarmes de la
Légion sud de Gendarmerie. Au vu de l’évolution de ses décla-
rations, accusant formellement des rebelles manipulés par le
Général dans le cadre du conflit casamançais, le Général a or-
donné la cessation de l’enquête locale et l’envoi des tontons
macoute de la Section de Recherche.
L’interrogatoire, mené par les hommes de la Section de Re-
cherche dans des conditions nébuleuses et sous leur seule res-
ponsabilité, a conduit à la mort directe du nommé Abba DIED-
HIOU, et dans les locaux de la Gendarmerie.
Cet assassinat a été masqué par le Général et ses complices
qui ont accrédité, sans aucune enquête et investigation, la thèse
d’un suicide lors d’un transport entre Bignona et Zighinchor.
A ma connaissance aucun personnel de la Gendarmerie n’a
été puni pour négligence dans le Service ayant occasionné un
suicide.

247
De tels faits ont pour but de continuer, en toute impunité, à
se servir de l’Etat et conduire un système maffieux, qui enlève à
la Gendarmerie toute capacité opérationnelle.
Les Gendarmes ont perdu tout honneur, toute dignité et ne
comprennent pas qu’un Officier maffieux, voleur, corrompu,
menteur et sans dignité militaire, soit maintenu à leur tête.
L’Honneur de la Gendarmerie exige la traduction du Général
et de ses complices en justice, pour que de tels faits ne puissent
plus jamais avoir lieu dans les Forces Armées.
Le respect et le sacrifice de milliers de militaires de la Gen-
darmerie sont à ce prix.

Colonel Abdoulaye Aziz NDAO

248
Annexe 5

Note au ministre d’État, ministre des Forces armées


Moustapha Sourang, qui a remplacé Bécaye Diop fin 2011

Rome, le 4 janvier 2012


OBJET: Cas du Colonel Abdoulaye Aziz NDAW, AMNAROME

Monsieur le Ministre d'Etat,

Il n'est pas d'usage, dans les Armées, qu'un Officier saisisse


directement le Ministre pour exposer un problème personnel ;
cependant, la situation que je vis, traverse, et qui a des réper-
cussions très négatives sur la poursuite de ma carrière, exige un
exposé détaillé de la situation.
Le 18 juin 2007, j'ai été relevé de mes fonctions de Haut
Commandant en Second de la Gendarmerie sur la base de men-
songes et manipulations de mon patron, le Général FALL, pour
fuir lui-même ses propres responsabilités sur des faits répréhen-
sibles.
En effet, un Service Secret, soi-disant, agissant pour le
compte du PDS, s'était permis de faire chanter le Général, suite
à des malversations commises et des marchés douteux de la
Gendarmerie.
Le Général n'a trouvé d'autres moyens de défense, que de
faire arrêter ces personnes, détruire leurs preuves en incendiant
leurs locaux et les mettre au secret dans la Section Recherche, à
l'insu de toute la chaîne de commandement, et surtout de moi.
Interpellé par le Président de la République averti par les
commanditaires du chantage qui réclamaient 50 millions, le
Général n'a pas hésité à me charger, en mettant l'affaire sur mon
compte, et dans le cadre de relations que j'aurais avec le Pre-
mier Ministre, Macky SALL, pour qui je serais à la recherche
de documents compromettants et à détruire.

249
Ce mensonge a conduit le Président à me relever de mes
fonctions et jeter en pâture à tout le système d'Etat. Mon hon-
neur fut bafoué et tout le système, Gendarmerie comme com-
manditaires du PDS, qui n'ont aucun intérêt que la vérité éclate,
a été mis en branle pour porter des accusations très graves, al-
lant d'atteinte à la sûreté de l'Etat, détournement de deniers pu-
blics et corruption.
Malgré plusieurs lettres écrites au Chef de l'Etat, je suis resté
en chômage pendant 18 mois, expulsé de la Caserne, menacé
dans ma vie et dans mon intégrité physique, et surtout avec
l'emploi abusif des Services spéciaux pour me suivre et me
menacer.
J'ai dû batailler ferme et divulguer des renseignements de
premier ordre pour qu'enfin l'Etat m'écoute et me prenne au
sérieux. La décision du Président de la République de faire ou-
vrir une enquête par l'Inspecteur Général des Forces Armées,
fut stoppée par la volonté et le complot de certains Officiers
généraux, qui ne souhaitent pas une déstabilisation des Forces
Armées, et surtout la mise à nu d'un Officier Général.
Ces Officiers Généraux ont alors proposé au Président de la
République de m'affecter en Italie comme Attaché Militaire, et
qu'un tel poste serait satisfaisant pour moi. Je vis cette affecta-
tion comme un exil imposé qui ne me rend ni mon honneur, ni
ma gloire, encore moins ma fierté.
Cette situation est connue de toutes les Forces Armées et
reste une des injustices les plus criantes des autorités de l'alter-
nance. Le Président de la République qui m'a reçu à Rome au-
raitt promis, en 2010, de régler ce problème et de me faire re-
trouver mon honneur.
Il avait voulu me faire une réparation pécuniaire, et le Chef
d’Etat-major Général, qui me connaît, et respecte mes convic-
tions, avait trouvé cette réparation insultante pour un Officier ;
et je partage sereinement cet avis.
Ma famille a été insultée et bannie des casernes, mes enfants
ont dû quitter leurs écoles pour éviter le regard accusateur de
leurs camarades.
Je doute et continuerai de douter de mon choix de servir mon
pays dans les Forces Armées depuis plus de 37 ans, après avoir

250
été du Prytanée pendant 7 ans. Il est fort injuste, difficile et
incroyable de devoir traîner un tel fardeau le restant de ma vie.
Je n'ai pas hésité, le 1er janvier 2012, à la vue du tableau
d'avancement des Officiers généraux, à crier encore à l'injustice
et j'ai envoyé, par sms, à tous les généraux que je respecte (no-
tamment le CEMPART, le COS comme le CEMGA) ma soif de
justice, mon besoin de croire encore à mon choix.
Le 1er avril 2000, je fêtais mon statut de plus jeune Colonel
des Forces Armées avec joie, abnégation et engagement ; au-
jourd'hui, je devrais fêter mon nouveau statut de Doyen des
Colonels des Forces Armées avec honneur, gloire et fierté, 12
ans d'alternance m'ont fait traverser le désert : je cherche tou-
jours une oasis pour épancher ma soif de justice et de lauriers.
Je vous serai très reconnaissant de discuter avec le Chef
d'Etat-major Général des Armées, de ma situation, il est bien au
courant et il a fait tout son possible pour préserver ma dignité et
mes intérêts, en me venant en aide pour le maintien de ma situa-
tion matérielle, au moment de mon chômage, et aujourd'hui en
m'apportant l'appui moral pour me maintenir dans ma foi et
mon serment d'Officier.
Le Haut Commandant de la Gendarmerie continue à con-
duire des actes néfastes sur la poursuite de ma carrière, je ne
peux bénéficier d’avancement, et encore moins de décorations,
alors que mes jeunes, anciens subordonnés, et mêmes élèves,
sont honorés et gravissent les échelons.
J'estime, en toute modestie, que les torts et injustices qui
m'ont été faits depuis 2007 auraient pu être réparés dans la no-
mination des Généraux de cette année, nomination très géné-
reuse et très spéciale.
La plupart des Officiers nommés Généraux le méritent am-
plement, mais je crois aussi mériter autant pour avoir 12 ans de
grade, et avoir servi avec Honneur, Compétence, Engagement et
Loyauté.

Colonel Abdoulaye Aziz NDAW


Attaché Militaire Naval et de l'Air en Italie

251
Table des matières

La trahison .................................................................................. 9
Avant-propos ............................................................................ 11
Chapitre 1 : Juillet 2005 ........................................................... 31
Chapitre 2 : Section de recherches et Youssou Gueye ............. 41
Chapitre 3 : FPU Congo ........................................................... 55
Chapitre 4 : Réforme de la gendarmerie ................................... 61
Chapitre 5 : Les caisses brigades .............................................. 67
Chapitre 6 : Nouvelles tenues de la gendarmerie ..................... 75
Chapitre 7 : Le renseignement Gendarmerie ............................ 85
Chapitre 8 : Affaire Omar Lamine Badji .................................. 97
Chapitre 9 : Le carburant gendarmerie ................................... 105
Chapitre 10 : Frontex .............................................................. 115
Chapitre 11 : Opex.................................................................. 125
Chapitre 12 : Mutations gendarmerie ..................................... 135
Chapitre 13 : Matériel spécial maintien de l’ordre ................. 147
Chapitre 14 : Chantage ........................................................... 157
Chapitre 15 : Mensonge d’État ............................................... 171
Chapitre 16 : Me faire taire à tout prix ................................... 179
Chapitre 17 : Complicité de l’appareil militaire ..................... 187
Chapitre 18 : Politique politicienne de Wade ......................... 195
Conclusion : De nouveau AMNA en Italie............................. 209
Annexes :
Annexe 1 : Mémoire de défense ............................................. 219
Annexe 2 : Lettre au ministre des Forces armées ................... 231
Annexe 3 : Lettre au président Wade ..................................... 235
Annexe 4 : Lettre au président Wade ..................................... 241
Annexe 5 : Note au ministre d’Etat et des Forces armées ...... 249

253
Le Sénégal
aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

gúbaher (Le), parler baïnouck de Djibonker


(Basse-Casamance, Sénégal)
Éléments de description linguistique : phonologie et classes nominales
Biagui Noël Bernard - Préface de Nicolas Quint
Le gúbaher est un parler baïnouck, pratiqué au Sénégal dans le village de Djibonker
(en Basse-Casamance dans la région de Ziguinchor, arrondissement de Nyassia).
Il compte environ un millier de locuteurs. Cet ouvrage comporte deux parties
principales  : phonologie et classification nominale, complétées par un conte
transcrit et traduit, ainsi que des tableaux de distribution des sons relevés.
(Coll. Études africaines, 17.00 euros, 168 p.)
ISBN : 978-2-336-29053-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53193-2

Radioscopie d’un système de santé africain : le Sénégal


Atchadé Félix
La bonne santé est une valeur hautement recherchée dans la société sénégalaise.
Les Sénégalais sont-ils globalement en bonne santé ? Quels sont les principaux
enjeux de santé pour les prochaines années ? Quelles sont les politiques sanitaires ?
Quelles sont les inégalités géographiques et sociales ? Voici des pistes de réflexion
pour une meilleure appropriation par les Sénégalais de leur santé.
(Coll. Études africaines, 24.00 euros, 248 p.)
ISBN : 978-2-343-00269-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53156-7

Une vie de combats


Diop Mbaye-Jacques
Le parcours de Mbaye-Jacques Diop au coeur de la société sénégalaise a été
inspiré par de grands maîtres, dont Léopold Sédar Senghor qui fut l’initiateur de
sa vocation politique. Sa forte personnalité n’a cessé d’interpeller les pouvoirs et
sa meilleure légitimité, c’est auprès du peuple, dans ses missions d’élu local, qu’il
a su la constituer. Toute sa vie, il n’aura cessé d’être un combattant. Depuis mars
2012, il a ressuscité son parti, le PPC.
(Coll. Harmattan Sénégal, 20.00 euros, 190 p.)
ISBN : 978-2-296-99553-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53097-3

abbé (L’) Augustin Diamacoune Senghor


Par lui-même et par ceux qui l’ont connu
Bassène René Capain
Cet ouvrage est le premier à être consacré à celui qui a incarné la rébellion
indépendantiste casamançaise, de 1982 jusqu’à sa disparition en 2007. Les propos
de l’abbé Diamacoune Senghor soulignent les deux engagements contradictoires,
mais à ses yeux indissociables : l’engagement religieux, comme prêtre catholique,
qui le portait vers la paix, mais aussi la justice ici-bas et l’engagement politique,
qui l’avaient amené à se retrouver porte-parole d’une rébellion armée.
(21.50 euros, 216 p.)
ISBN : 978-2-336-29164-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51717-2

Ibrahima Seydou Ndaw 1890-1969


Essai d’histoire politique du Sénégal
Sow Abdoul - Préface du professeur Amadou Mahtar Mbow ; Postface du
professeur Assane Seck
«Parmi les hommes politiques sénégalais du XXème siècle, Ibrahima Seydou
Ndaw se distingue par la longévité de son engagement, la constance de son
combat contre l’injustice ainsi que par son courage dans la défense des faibles et
dans le combat pour ses idées. Il a été de toutes les luttes contre l’autoritarisme
et l’arbitraire pendant la période coloniale...» (Préface du professeur Amadou
Mahtar Mbow)
(Coll. Harmattan Sénégal, série Mémoires et biographies, 41.00 euros, 428 p.)
ISBN : 978-2-296-99539-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-51551-2

De l’homme des rêves


Wone Ibrahima
Ce livre est un essai qui est au croisement de la métaphysique, de la sociologie
et de la psychanalyse. L’auteur crée le concept d’»homme des rêves» qui serait
un homme qui s’échappe de l’être en sommeil. C’est un mélange de biographie,
d’analyse «scientifique» et d’interprétation. C’est un livre aussi sur les rêves et
l’interaction qui peut exister entre le monde onirique et le monde réel.
(Coll. Harmattan Sénégal, 10.00 euros, 54 p.)
ISBN : 978-2-296-99540-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-53014-0

Oser – Douze propositions pour un Sénégal émergent


Atepa Pierre Goudiaby - Entretiens avec Honoré de Sumo
«Oser : ce mot-clé, dans l’entendement de l’auteur, vise à alerter les consciences
comme un tocsin aux premières heures d’une bataille décisive, celle qui fera
entrer l’Afrique, une Afrique nouvelle, dans le «Mainstream». L’onde de choc
de ses douze propositions pour l’émergence du Sénégal vibrera à travers toute
l’Afrique» (Babacar Ndiaye).
(Coll. Harmattan Sénégal, 19.00 euros, 200 p.)
ISBN : 978-2-336-00037-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-51315-0
Chefferie coloniale et égalitarisme diola
Les difficultés de la politique indigène de la France en Basse-Casamance
(Sénégal), 1828-1923
Meguelle Philippe
Le titre résume à lui seul l’antagonisme entre le système colonial français et une
société africaine réfractaire à toute forme d’autorité imposée et permanente.
S’appuyant sur une étude minutieuse du milieu et une reconstitution de l’histoire
précoloniale, l’auteur met en lumière la singularité d’une organisation diola
fondée sur le respect des devoirs et interdits dictés par la religion ancestrale, le
pouvoir collégial des anciens et une solidarité clanique.
(Coll. Etudes africaines, 55.00 euros, 648 p.)
ISBN : 978-2-336-29137-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51302-0

régions (Les) à l’épreuve de la régionalisation


au Sénégal
Etat des lieux et perspectives
Diop Djibril
C’est à partir du modèle historique combinant découpages précoloniaux et
découpages initiés par le colonisateur que le territoire du Sénégal a été construit.
Mais ce modèle a connu des bouleversements, avec la création des régions,
structures intermédiaires entre les administrations centrales et les collectivités
locales de base. Le découpage du pays en régions est-il viable et efficace pour le
développement du Sénégal ?
(Coll. Études africaines, 36.00 euros, 346 p.)
ISBN : 978-2-296-99734-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51146-0

Réformes institutionnelles dans le secteur


parapublic au Sénégal – Le cas du chemin de fer
Kébé Amadou
Ce livre souligne le rôle des différents acteurs impliqués dans les politiques
économiques et leur mise en oeuvre. De la gestion publique du chemin de fer
à sa mise en concession, le Rubicon d’un certain désengagement de l’Etat a
été franchi. C’est un ouvrage ambitieux qui suscite un intérêt majeur de par sa
reconstitution des épisodes de l’histoire du chemin de fer et qui permet d’y voir
clair sur son état actuel.
(Coll. Harmattan Sénégal, 23.00 euros, 228 p.)
ISBN : 978-2-296-99537-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51157-6

esclave (L’), le colon et le marabout


Le royaume peul du Fuladu de 1867 à 1936
Ngaïde Abderrahmane - Préface du professeur Boubacar Barry
Ce livre analyse l’histoire tumultueuse de l’esclave, du colon et du marabout.
Ce tryptique qui structure les développements permet de mieux appréhender la
rencontre des trois pouvoirs, les enjeux identitaires et les trajectoires sociopolitiques
qui forment les contours de la lutte de positionnement et de visibilité entre les
deux «classes sociales» dans l’un des segments du Sénégal postcolonial.
(Coll. Etudes africaines, 28.00 euros, 262 p.)
ISBN : 978-2-336-00634-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-51060-9

Y’en a marre
Radioscopie d’une jeunesse insurgée au Sénégal
Vieux Savané , Sarr Baye Makébé
«Les gars, est-ce qu’on va rester les bras croisés ?» C’est par cette interrogation
quasi-existentielle que le noyau dur de ce qui deviendra «Y’en a marre», a décidé
de se bouger. «Y’en a marre» décide de sonner la charge contre toute forme de
démission. Dans un même élan, jeunes cadres, étudiants, ouvriers, retraités,
chômeurs se sont identifiés au coup de gueule de «Y’en a marre». Un mouvement
qui, à coup sûr, a contribué à bousculer le jeu politique sénégalais.
(Coll. Sociétés africaines et diaspora, 12.00 euros, 96 p.)
ISBN : 978-2-296-99513-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-50981-8

El Hadji Momar Sourang


Un grand notable de Saint-Louis et fervent mouride
Madické Wade El Hadji
La biographie de El Hadji Momar Sourang - connu sous le nom de Mor Sourang
- que dévoile El Hadji Madické Wade témoigne de ce que fut ce grand notable de
la ville de Saint-Louis du Sénégal. En plus d’être un récit de vie, c’est aussi une
ode à l’amitié.
(Coll. Harmattan Sénégal, 13.50 euros, 126 p.)
ISBN : 978-2-296-99535-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51012-8

Sénégal (Le), quelles évolutions territoriales ?


Sous la direction de Manga Christian Thierry
Au Sénégal, territoires et sociétés sont en pleine mutation, aussi bien dans les
villes que dans les territoires ruraux du littoral. Dans cette pluralité d’approches
territoriales, la provincialisation apparaît comme une alternative qui peut
corriger les faiblesses de la décentralisation. Le problème est comment l’aborder
pour qu’elle soit cohérente ?
(Coll. Etudes africaines, 32.00 euros, 308 p.)
ISBN : 978-2-296-96309-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-50560-5

effectivité (L’) du droit à l’éducation au Sénégal


Le cas des enfants talibés dans les écoles coraniques
D’Aoust Sophie
Quelle place occupent les écoles coraniques dans l’éducation des enfants
sénégalais  ? Pourquoi ces écoles subsistent-elles toujours alors qu’elles ne
permettent pas de réaliser le droit à l’éducation tel que conçu par le droit
international ? Quelques initiatives avancées par l’État seront étudiées :
l’expansion du préscolaire, les innovations dans l’enseignement primaire, le
développement d’institutions franco-arabes et la création de «daaras modernes».
(Coll. Justice Internationale, 37.00 euros, 364 p.)
ISBN : 978-2-296-99304-4, ISBN EBOOK : 978-2-296-50573-5

Casamance (La) dans l’histoire contemporaine


du Sénégal
Manga Mohamed Lamine - Préface du Pr Ousseynou Faye
L’auteur nous fait découvrir l’histoire de la classe politique casamançaise de 1946 à
nos jours. Il aborde l’histoire et son instrumentalisation, la construction de l’Etat-
nation, les inégalités horizontales, le commandement politico-administratif, le
conflit armé, le factionnalisme au sein du mouvement séparatiste, les négociations
relatives à la paix.
(Coll. Etudes africaines, 36.00 euros, 354 p.)
ISBN : 978-2-296-99307-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-50696-1
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N° d’Imprimeur : 109035 - Dépôt légal : juin 2014 - Imprimé en France
Pour l’honneur
de la gendarmerie
sénégalaise

2005 – 2007  : un homme, un général, sa femme, des


officiers perdus sont aux commandes d’une des plus
prestigieuses institutions militaires, la gendarmerie
nationale.

Pourquoi ma mise à mort voulue, programmée et


planifiée dès ma prise de commandement de major général
de la gendarmerie ?

Comment pouvais-je échapper à ces officiers dont le


seul but était de s’enrichir, et à qui un régime félon avait
confié les rênes de la gendarmerie ?

Pour que cette dernière survive à tant d’années de


corruption, de concussion, de népotisme et de mensonges,
j’ai écrit ce livre.

Abdoulaye Aziz Ndaw est colonel de la gendarmerie nationale du


Sénégal. Après 40 ans de bons et loyaux services dans les structures
interarmées, à la primature et dans les cabinets ministériels, son nom,
son honneur, sa gloire et sa fierté sont frappés de plein fouet par le
scandale dit de la gendarmerie.

Illustration de couverture :
© Natalia Demidchick / J. Allain

ISBN : 978-2-336-30309-3
25,50 €

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