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GRANDES EAUX NOIRES

Ibrahim Issa

GRANDES EAUX NOIRES

Le premier livre de littérature nigérienne en français

Introduction et notes
de Jean-Dominique Pénel
Du même auteur

La vie et ses facéties, INN, Niamey, 1979


Nous de la coloniale, La Pensée Universelle, Paris, 1982

© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12854-5
EAN : 9782296128545
1959 – l’auteur à 30 ans
Stagiaire au studio école de la SORAFOM

1959, 1979 : deux photos d’Ibrahim Issa

1979 - l’auteur à 50 ans


REEDITER GRANDES EAUX NOIRES

Voilà cinquante ans, en 1959 - l’année où se tint à Rome


le deuxième congrès des écrivains et artistes noirs, et à la
veille de l’Indépendance du Niger -, Ibrahim Issa publiait
Grandes Eaux Noires, livre qui allait subir quelques
vicissitudes, comme son auteur d’ailleurs1, mais qui est à
nouveau, par la présente édition, accessible au grand public.
Pourquoi donc rééditer un tel ouvrage, plus de cinq
décennies après sa parution ?

I- L’HOMME ET L’ŒUVRE

1- L’auteur
Quand paraît son premier livre, Grandes Eaux Noires,
Ibrahim Issa est âgé de 30 ans, toutefois, s’il faut en croire
Sahidou Alou, dans la préface qu’il a rédigée en 1979 pour
La vie et ses facéties, le texte aurait été achevé dès 1952, quand
l’auteur n’avait encore que 23 ans. Voici, en effet, le texte
intégral de cette courte préface :

"Dans l’abondante récolte de la poésie nigérienne, Ibrahim


Issa occupe une place à part, tant par l’antériorité de ses poèmes,
que par l’élévation du contenu et du contenant et par
l’appartenance du poète lui-même déjà à une autre génération.
Non pas tant qu’Ibrahim Issa soit déjà un ancien, mais né en
1929 et ayant écrit et publié très tôt, il fait figure de pionnier
dans la troupe juvénile des poètes nigériens.
Son expérience de la vie, la connaissance profonde de
l’histoire de notre pays, de ses problèmes et ses hommes, les
hautes fonctions qu’il exerça dans divers domaines où l’initiative,

1 Ibrahim Issa dit, parlant de son premier feu de brousse, dans Nous de la
coloniale : "Il devait s'allumer, hélas, d'autres feux dans ma vie, des brasiers
qui ne brûlent pas, des incendies sans flammes, sans fumée et qui
consument autant que la chaleur de la géhenne" (p 30).

9
l’imagination et la conception l’emportaient sur la routine,
donnent à son œuvre un attrait particulier et en accroissent le
sérieux et la crédibilité.
Auteur des Grandes Eaux Noires écrit en 1952, publié
en 19602, par un des tout premiers livres produits par l’un des
nôtres, Ibrahim Issa a cependant beaucoup écrit et peu publié,
pour toutes les raisons liées aux problèmes de l’édition en
Afrique, mais aussi parce qu’amoureux de la perfection, il est
extrêmement exigeant avec lui-même et ne consent qu’avec
parcimonie à considérer un texte comme publiable. Il a
cependant publié une série de poèmes et achevé deux romans
actuellement en voie d’édition3.
Des différents postes qu’il occupa dans notre administration,
jusqu’à la radiodiffusion et à l’information auxquelles il
consacra le meilleur de son temps et le meilleur de lui-même et
jusqu’aux hautes fonctions qu’il exerce actuellement à la tête
d’une importante société privée, faisant là aussi figure de
pionnier pour l’élite nigérienne, Ibrahim Issa a accumulé une
assez longue expérience, vivant dans ses heurs et malheurs le
tumulte de la vie politique nigérienne, affichant une apparente
nonchalance qui cache mal un nationalisme révolutionnaire sous
une pipe bourgeoise".

En 1959, au moment de la parution du livre, en tout cas,


Ibrahim Issa avait déjà reçu une bonne formation
intellectuelle et il était promis à une belle carrière
professionnelle et littéraire que la politique viendra, au moins
à deux reprises, interrompre brutalement.

Rappelons brièvement en effet les grandes étapes de sa


vie. Né en juillet ou août 19294, dans une famille peule de la

2 Plus exactement en 1959.


3 Malheureusement, aucun de ces deux romans n’a été publié. Voir un
peu plus loin la question des inédits.
4 L'année où le jeune instituteur Boubou Hama, sorti de l'école William

Ponty de Gorée, prend son premier poste à Niamey.

10
région de Gouré, il vit ses premières années dans sa famille
maternelle, ses parents s’étant séparés peu après sa naissance.
Son père l’enlève à sa lignée maternelle pour l’envoyer à
l’école, ce qui fut, à l’époque, considéré comme une sorte de
punition, de vengeance contre sa mère5. Il va donc à l’école
de Gouré de 1935 à 1940, puis à l’école régionale de Zinder
de 1940 à 1943 où il obtient son certificat d’études primaires
indigène. Il part ensuite à l’école primaire supérieure à
Niamey de 1943 à 1947 d’où il sort avec son diplôme6. Dès
l’année1948, il entre dans la fonction publique, au Ministère
des Postes et Télécommunications où il sert jusqu’en 1959.
Durant cette période, il est affecté en plusieurs endroits – et
il est, entre autres, chef de la station radio à Ouallam de 1952
à 1955.
Depuis novembre 1946, après la promulgation de la
quatrième République française, qui donne accès à la vie
politique par le biais des élections, du droit à l'association et
à l'expression, la vie au Niger s'anime. Ibrahim Issa y
participe activement7, ce qui explique que, sous le
gouvernement Sawaba8 de Djibo Bakary, il est nommé chef
de cabinet du ministre de l’élevage en 1958-1959.
En 1959, quelques mois après la chute de Djibo Bakary9,
suite à la campagne qu’il avait menée pour le Non au

5 "S'étant définitivement séparé de ma mère la semaine qui suivit ma


naissance, il lui tint une rancune tenace et décida de se venger. Il fit don
de ma personne à son chef, dont il était d'ailleurs le beau-père, afin que,
dès l'âge de la scolarité, on m'inscrivit à l'école des Blancs" p 30 de Nous
de la coloniale.
6 Toute la première période de sa vie jusqu’à la sortie de l’école primaire

supérieure de Niamey est racontée dans son autobiographie partielle :


Nous de la coloniale. Les écoles primaires supérieures correspondent à peu
près au collège.
7 Il sera premier secrétaire de la jeunesse du RDA, puis du Sawaba.
8 "Sawaba : c'est un mot haoussa d'origine arabe, intraduisible en français

: il contient à la fois les idées de bien-être et de liberté" dit Djibo Bakary,


in Politique africaine n°38, 1er juin 1990.
9 Djibo Bakary (1922-1998) a lui-même raconté ses péripéties politiques

dans un livre : Silence ! On décolonise. Itinéraire politique et syndical d’un militant

11
referendum de septembre 1958 -, il part en France à la
Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-Mer
(Sorafom) : cette institution de la Radiodiffusion Télévision
Française (RTF) avait été créée en 1955 par le musicien et
écrivain Pierre Schaeffer10 pour former des Africains
capables de produire des émissions pour leurs pays (y
compris dans les langues locales) et d'animer des radios, une
fois rentrés chez eux11. La formation avait lieu près de Paris,
à Maison-Laffitte. Ibrahim Issa y obtiendra son diplôme12.
C’est à ce moment qu’il rencontre un des pères de la
Négritude, Léon Gontran Damas13 qui était précisément, de
1958 à 1962, conseiller technique à la Sorafom chargé des
relations culturelles. Il lui dédiera plus tard un de ses
poèmes, "Africa", en mentionnant : "Dédié à Léon Damas qui
m’a tant aidé en Europe"14. Il n'est pas possible de savoir de
quelle nature a été l'aide concrète de Damas et aucune étude
n'a été menée pour examiner si la poésie et la prose
d'Ibrahim Issa ont été influencées par celles du Guyanais,
mais cela mérite réflexion.
De retour au Niger, il est chef de la cellule des
programmes radio à Zinder, puis il repart en France au
Centre supérieur de journalisme de l’université de

africain (Paris, L’Harmattan, 1992, 330 p). En octobre 1959, le parti


Swaba est dissout et le Niger passe au régime de parti unique.
10 Pierre Schaeffer (1910-1995) sera démis de ses fonctions en 1957 à

cause de ses idées jugées trop favorables à la décolonisation.


11 Radio Mali et Radio Mauritanie sont inaugurées en 1957. La Sorafom

sera remplacée par l'OCORA en 1962.


12 C’est de cette époque que date la photo placée en tête de La vie et ses

facéties et qui porte en commentaire : "1959 l’auteur a 30 ans. Stagiaire au


Studio école de la Sorafom".
13 L.G. Damas (1912-1978) fut député (1948-1951) et écrivain. Il est

l'auteur de Pigments (préface de Robert Desnos) en 1937 ; Retour de


Guyane, 1938 ; Graffiti, 1953 ; Black Label, 1956. Il est aussi l'auteur de
Poètes d'expression française, 1947 et de Poèmes nègres sur des airs africains, 1948.
14 La vie et ses facéties, p 102. Rappelons que L.G. Damas est venu à

Niamey dans les années cinquante et qu’il y reviendra en 1969 dans le


cadre d’une série de conférences en Afrique de l’Ouest.

12
Strasbourg. Muni de son diplôme15, en 1961, il rentre au pays
où il devient directeur de l’information et de la presse de
1961 à 1963. Il peut alors utiliser sa plume dans les
éditoriaux et les colonnes de la presse nationale – textes qui
n'ont jamais été inventoriés.
En 1963, sous le régime de Diori Hamani et Boubou
Hama, il est arrêté et emprisonné jusqu’en 1967 pour raisons
politiques liées à ses anciennes sympathies envers le Sawaba.
A sa sortie de prison, il est nommé directeur administratif et
financier de la Société nigérienne de cimenterie de Malbaza,
créée en 1963.
Le 20 février 1971, il devient directeur, pour le Niger, de
la compagnie pétrolière Texaco16 jusqu’en octobre 1975 où il
est à nouveau arrêté et emprisonné : en effet, en août 1975,
après une tentative de coup d’Etat contre le nouveau
président, Seyni Kountché (lui-même parvenu au pouvoir
par ce moyen en avril 1974), les anciens partisans du Sawaba,
bien que n’ayant pas forcément de lien direct avec les
putschistes, furent arrêtés – l’écrivain Mamani Abdoulaye
figurant comme Ibrahim Issa dans le lot.
Après sa libération, en 1978, il reprend son poste à la
Texaco jusqu’à sa retraite en 1984. Miné par un mal qu’il dit
avoir contracté au cours de son incarcération, il meurt à l’âge
de 57 ans, le 21 février 1986, à Niamey.
Ibrahim Issa était père de douze enfants.

2- L’œuvre
Son œuvre écrite n’a jamais été entièrement répertoriée,
alors qu'elle n'est pas très volumineuse ; elle peut se classer
en quatre catégories :

15 Il a aussi obtenu le diplôme du centre international de Turin (section

comptabilité générale, analytique et gestion financière), à une date qui n’a


pas été retrouvée.
16 Texaco : abrégé de Texas Company, compagnie pétrolière américaine,

créée en 1901.

13
a- Les articles et poèmes parus dans divers journaux et
revues
- Ibrahim Issa a commencé à publier des poèmes en
1955 dans la revue Trait d’Union (il a alors vingt-six ans) et en
1956-57 dans Niger Information. Il en a publié quelques autres,
entre 1971 et 1974 dans Le Niger17.
- Il a publié aussi divers articles, dans Le Niger, Sahel
Hebdo, Sahel Dimanche et Kazel, mais on n’en a jamais fait
l’inventaire exhaustif.

b- Les livres publiés


L’œuvre littéraire publiée se compose de trois textes
autonomes et complets :
- Grandes Eaux Noires (122 pages), paru en 1959, à Paris,
aux éditions du Scorpion18 dans la collection Alternance ; il
a trente ans.
- La vie et ses facéties (118 pages), recueil de poèmes publiés
à Niamey à l’Imprimerie Nationale du Niger en 1979 (bien
que la date de publication ne figure pas sur le livre). Le texte
comporte deux photos (datant de 1959 et 197919) de l’auteur
et six dessins de Madame Isabelle Calin20. Si l’on en juge par
un manuscrit, l’œuvre aurait dû paraître au troisième
trimestre 1979 à l’imprimerie spéciale des Paragraphes
Littéraires de Paris, mais, pour une raison inconnue, cela ne
s’est pas fait. Ibrahim Issa a cinquante ans, lors de cette
publication.
- Nous de la coloniale (125 pages), autobiographie partielle
(car elle ne porte que sur le début de sa vie), paru aux

17 N° 4 du 25 janvier 1971 "Le lion expirant" ; n°5 du 1er février 1971


"Korombeize Mody" ; n°8 du 12 février 1971 "Le petit âne gris" ; n°11
du 12 mars 1973 "Le Sahara" ; n°8 du 25 février 1974 "Le joli papillon".
18 Jean D’Halluin éditeur, 1 rue Lobineau, Paris (6ème arrondissement).
19 Photos qui ont été reproduites au début de ce livre.
20 Elle a illustré de nombreux ouvrages parmi lesquels (pour se limiter au

Niger) L’amour d’Aïssatou d’Andrée Clair (1996) et une version pour


jeunes de Sarraounia, la reine magicienne du Niger (2004) de Halima
Hamdane – texte, bien sûr, inspiré du roman de Mamani Abdoulaye.

14
éditions La Pensée Universelle en 1982. C'est le frère de Jean
d'Halluin, Georges d'Halluin, qui eut l'idée en 1967 d'ouvrir,
au sein des éditions du Scorpion, une édition à compte
d'auteur. Quand les éditions firent faillite, Alain Moreau
reprit la même idée et créa La Pensée Universelle, avec
Georges d'Halluin comme directeur de fabrication – C'est
donc une édition à compte d’auteur21. Il est remarquable que
plusieurs écrivains nigériens suivront la voie ouverte par
Ibrahim Issa dans ce procédé, coûteux, d’édition22. Quand il
publie ce texte autobiographique, Ibrahim Issa, qui est sorti
de prison un an plus tôt, est âgé de cinquante-trois ans.
Notons que Mamani Abdoulaye, libéré la même année
que lui, publiera aussi son roman Sarraounia, l'année d'après,
en 1980.

c- Les préfaces
Il a rédigé deux préfaces pour des écrivains nigériens :
une pour A l’ombre des anciens (Imprimerie nationale du Niger,
sans date) de Diallo Amadou Hassane23 ; une autre pour
Caprices du destin24 de Mahamadou Halilou Sabbo (Imprimerie
nationale du Niger, Niamey, 1981).
d- Les inédits
Il existe des documents manuscrits inédits,
principalement un roman intitulé Docteur Diallo, dont les
21 D’après les manuscrits gardés par la famille, il semble qu’Ibrahim Issa
ait rédigé à l’intention de l’ambassadeur des USA une brève présentation
de son livre pour solliciter une subvention ou une aide à la publication,
mais on ignore le résultat de sa démarche – ni même si la démarche a eu
effectivement lieu.
22 On peut citer : Albert Issa (Ballades poétiques, 1986) ; Kélétigui Mariko

(Poèmes sahéliens en liberté, 1987 ; Guizo da kooki, 1988).


23 Il publiera aussi, à Niamey en 1981, Moisson de ma jeunesse.
24 Ce roman aborde, pour la première fois, la période des luttes politiques

entre le Sawaba et le RDA avant l’indépendance et les premières années


de la république du Niger après 1960. Mahamadou Halilou Sabbo est
aussi l’auteur de poèmes et de deux autres romans Aboki ou l’appel de la
côte (1980) et Gomma, adorable gomma (1990). Sa carrière a été consacrée à
l'enseignement.

15
deux versions sont malheureusement, l’une et l’autre,
inachevées, ce qui rend désormais le texte impubliable pour
un grand public et exclusivement utiles à des critiques
littéraires ou à des chercheurs qui s’intéresseraient à l’œuvre
d’Ibrahim Issa. Pourtant, en 1971, dans la revue Niger, n°14,
de juin 197125, Boubou Hama, président de l’Assemblée
nationale et écrivain prolixe, interrogé par Issoufou Diawara
sur la littérature nigérienne, affirmait :

"Ibrahim Issa, qui a été le premier journaliste, a écrit à 25


ans26 Grandes eaux Noires, un roman légende et
une série de poèmes sur des sujets très variés. Après une
très longue interruption dans la production romancière, il
vient d’achever Docteur Diallo".

Mais, en 1984, deux ans avant sa mort, dans une


interview accordée à Madame Pierrette Herzberger-Fofana27,
Ibrahim Issa se référait à trois textes inédits dont il donne les
titres : Clameurs d’antan, Soleils présents, Les boutures du Soleil.
Or, ni Docteur Diallo ni aucun des trois textes mentionnés28
dans l’inter-view n’ont été publiés. On se rend donc compte
qu’Ibrahim Issa avait dans ses cartons plusieurs textes, mais
que, pour des raisons diverses, il n’a pu les porter jusqu’à la
publication.
25 Le numéro 11 de la revue Niger, dont Boubou Hama était le directeur
de publication, est le premier document d'anthologie de la littérature
nigérienne produite en français, réalisé par G. Ferrand. Il n'inclut pas de
poème d'Ibrahim Issa, alors emprisonné.
26 Ce serait donc en 1954 – et non en 1952 comme l’affirmera, après,

Sahidou Alou cité plus haut ?


27 Le texte a été publié en 1989, trois ans après sa mort, à Tubingen en

Allemagne, par Mme Herzberger-Fofana, à l'époque chargée de cours à


l'université d'Erlangen, dans un livre intitulé Ecrivains africains et Identités
culturelles. Ibrahim Issa aurait été réjoui de savoir que cette femme,
d'origine sénégalaise, deviendrait conseillère municipale d'une ville
allemande.
28 Il se peut que Docteur Diallo ait été rebaptisé et soit l’un des trois textes

mentionnés.

16
On doit également ajouter qu’à la fin de Nous de la
coloniale, il annonçait la suite de son autobiographie :

"Quant à votre serviteur, toujours bourré des complexes de son


état passé de sujet français29, titulaire de son vaillant certificat
d’études primaires indigènes, vous vous retrouverez bientôt
dans son épopée union française et indépendance".

Programme que l’auteur n’a pas, non plus, mené à terme.

(e) Des interviews


On dispose, enfin, de quelques entretiens avec des jour-
nalistes. Outre celui déjà cité avec Mme Herzberger-Fofana,
on peut se référer à "Point de vue sur la littérature
nigérienne" paru dans le n°390 de Sahel Hebdo du 16 janvier
1984 ; "Regard sur la littérature nigérienne" du n°3 de Kazel
du 19 décembre 1984 ; "Confidence d’un écrivain. Est-ce un
adieu ?30" dans le n°53 de Sahel Dimanche du 5 janvier 1986
(reproduit dans le n°162 du 27 février 1988 après sa mort). Il
doit certainement en exister d'autres ainsi que des
documents de radio ou de télévision, qui n'ont pas été
recensés.

3- Bilan actuel de l’œuvre


Au bout du compte, lorsqu’on fait le bilan de la situation,
on réalise que l’œuvre littéraire d’Ibrahim Issa est une œuvre
introuvable :

29 Ibrahim Issa essaye de prendre ses distances avec ce passé colonial


dont il est le produit : "sujet français" mais pas "citoyen", titulaire du
CEPE indigène mais pas du CEPE métropolitain ; ce qui le laisse "bourré
de complexes" – Ce sont ces complexes coloniaux qui feront l'objet
même des études psychosociologiques de Frantz Fanon et d'Albert
Memmi (né en 1920) dans son Portrait du colonisé (préface de J.P. Sartre)
paru en 1957.
30 Titre prémonitoire puisqu’il meurt un mois et demi plus tard.

17
- Grandes eaux Noires a connu un sort malheureux et
l’auteur s’en est expliqué dans l’interview, mentionné plus
haut, avec Madame Hertzberger-Fofana :

"Lorsque les éditions du Scorpion ont été dissoutes31, elles m’ont


proposé un stock de mon livre. A cette époque, je me trouvais en
prison. Quatre ans plus tard, lorsque je suis sorti de prison, il
était trop tard. A Niamey, en dehors de quelques particuliers,
vous ne trouvez pas d’exem-plaires. Moi-même, je n’en possède
pas".

Tout le stock de livres ayant passé au pilon, le premier


ouvrage de littérature nigérienne est donc, depuis longtemps,
inaccessible32 et l’on comprend l’importance qu’il y a à
rééditer ce texte fondateur de la littérature nigérienne
d’expression française.
- La vie et ses facéties a été publié localement, à un tirage
inconnu, et il est extrêmement difficile, sinon impossible,
aujourd’hui de s’en procurer un exemplaire.
- Nous de la coloniale a été retiré de la distribution par
Ibrahim Issa lui-même : est-ce pour des raisons politiques et,
notamment, parce qu’il parlait de Diori Hamani à la fin de
son livre33 alors que, du temps du président S. Kountché
(1931-198734), il n’était pas bien venu de faire la moindre
allusion aux acteurs du régime renversé (Diori Hamani et
Boubou Hama), acteurs qui avaient eu le pouvoir de 1960 à

31 C'est en 1969, suite à un procès, que les éditions du Scorpion


s'arrêtèrent, après 26 ans d'existence.
32 A la Bibliothèque Nationale de France (TGB) à Paris, ce livre ne se

trouve qu’en microfiches. Dans le n°107 (octobre-décembre 1991) de la


revue Notre Librairie, consacré à la littérature nigérienne, le professeur
André Guyon, de l'université de Brest, a donné un compte-rendu assez
long de cet ouvrage (p 175-176).
33 Nous de la coloniale pp 106-107.
34 On relève le parallélisme de génération et de vie : Ibrahim Issa 1929-

1986 et Seyni Kountché 1931-1987.

18
1974, mais dont les activités politiques débutaient vers 1946,
ce sujet étant tabou et dangereux35 ?
Il est donc évident que les péripéties politiques de
l’homme ont freiné et partiellement bloqué la création
littéraire de l’écrivain, ce qui est fort dommageable pour la
littérature nigérienne d’expression française.
Le Niger a cependant tenu à l’honorer - lui qui fut un
temps, en 1974, président de l’association des écrivains du
Niger36 - puisque, à titre posthume, le premier Grand Prix
Boubou Hama37 lui a été attribué en 1989.

II- GRANDES EAUX NOIRES

1- LES EDITIONS DU SCORPION.

Jean D’Halluin (né quatre ans avant Ibrahim Issa) a créé


les éditions du Scorpion en 194638, quand il avait 21 ans. Il
va rapidement se faire connaître la même année par le livre
de Boris Vian39 J’irai cracher sur vos tombes qui connaîtra un
grand succès, avec cinq cent mille exemplaires vendus en
quatorze mois, ainsi qu’une série de procès (1949, 1953) et
d’inter-dictions dès 1949 avec application à tous les
territoires d’outre-mer. Au demeurant, les jugements firent

35 Ainsi le Professeur André Salifou, historien, avait perdu son poste de


Directeur de l’Ecole de Pédagogie pour avoir, du temps du président S.
Kountché, fait une conférence publique où il abordait l’action et le rôle
de Diori Hamani (1916-1989) et Boubou Hama (1906-1982).
36 Cf. l’article "Ibrahim Issa, président de l’Association des écrivains

nigériens" paru dans le n°151 du Sahel du 22 octobre 1974.


37 Ce prix, doté d’un million de francs CFA, créé à l’initiative du directeur

de la culture de l’époque, Inoussa Ousséïni, devait être remis tous les


deux ans à un homme de culture nigérien. Il fut remis à sa veuve.
38 François Darnaudet a publié sur internet un article intéressant sur les

éditions du Scorpion ; il recense 225 ouvrages, dans lesquels, pourtant,


Ibrahim Issa ne figure pas. Adresse du site internet :
polarnoir.net16.net/edscorpion.html
39 Boris Vian (1920-1959) écrivain, musicien, compositeur.

19
l'objet d'appel et, avec le temps, l'auteur et l'éditeur s'en
tirèrent à moindres frais.
Une version en pièce de théâtre sera présentée en 1948 et
un film en 195940, c'est-à-dire l’année même où l’éditeur fait
paraître Grandes Eaux Noires.
Il est d’ailleurs remarquable de relever que c’est, en
définitive, le même thème que Boris Vian et Ibrahim Issa
abordent : celui de la rencontre de l’Autre, à travers le
rapport Noir Blanc, même si le traitement littéraire de la
question, et particulièrement de la description de la violence,
n’est pas du tout identique chez les deux écrivains.
Jean D’Halluin publiera plusieurs livres de Boris Vian41,
mais aussi d’autres auteurs célèbres de la littérature
contemporaine comme Raymond Queneau42, Yvan
Audouard43 et des auteurs de romans policiers comme James
Hadley Chase, Maurice Raphaël, Dekobra44, etc.
Ibrahim Issa connaissait nécessairement, sinon les textes,
du moins la notoriété de ces auteurs, sur la liste desquels son
nom allait s'ajouter.
Les éditions du Scorpion proposaient à leurs lecteurs
plusieurs collections : Les Romans noirs, La Série blanche,

40 Film de Michel Gast : il a 29 ans et réalise son premier film. Boris Vian

meurt dans la salle où on allait lui projeter le film. Certaines personnes


pensent que Boris Vian n'était pas d'accord avec le réalisateur du film.
Un dossier complet sur J’irai cracher sur vos tombes paraît en 1974 aux
éditions Christian Bourgois, qui avaient publié, l’année d’avant, en 1973,
Le double d’hier rencontre demain de Boubou Hama.
41 Des séries policières : Les morts ont tous la même peau et Et on tuera tous les

affreux, 1948 ; Elles se rendent pas compte, 1950. Mais aussi un texte
littéraire célèbre : L’automne à Pékin en 1947.
42 Raymond Queneau (1903-1976) publie, sous le pseudonyme Sally

Mara, en 1947 On est toujours trop bon avec les femmes et en 1950 Journal
intime.
43 Yvan Audouard (1914-2004) publie Au petit poil en 1949.
44 James Hadley Chase (1908-1985) auteur britannique de romans

policiers ; Maurice Raphaël, pseudonyme de Victor Lepage (1917-1972)


et Dekobra, pseudonyme de Maurice Tessier (1885-1973), auteurs
français de romans policiers.

20
La Société de minuit, Les Gants noirs, Histoire de rire, et
Alternance.
Dans la collection Alternance, où paraîtra l'ouvrage
d'Ibrahim Issa, Jean D’Halluin publiera un grand nombre
d’auteurs :
- Ainsi, en 1959, la même année que Grandes Eaux Noires, le
Guadeloupéen Albert Béville, qui publie sous le pseudonyme
de Paul Niger45, fait paraître son premier roman Les Puissants.
Rappelons que Paul Niger sera l’ami d’un autre
Guadeloupéen, Guy Tirolien, qui fut, pendant la période
coloniale au Niger, chef des subdivisions de Dakoro et de
Maïnè Soroa, puis, après l’indépendance, Commissaire à
l'information culturelle de 1961 à 1965, au moment même
où Ibrahim Issa dirigeait le service de l’information. Ibrahim
Issa et Guy Tirolien se connaissaient comme en témoigne
dans La vie et ses facéties, le long poème "Africa" qui porte en
dédicace : "A Guy Tirolien46 en souvenir de son séjour au Niger".
- Quelques années avant, dans cette même collection
Alternance, Georges Arnaud (1917-1987) avait publié en
1953 Les oreilles sur le dos : or, il était déjà connu pour
plusieurs ouvrages dont, en 1950, Le salaire de la peur, célèbre
roman, qui sera mis en film en 1953 par H.G. Clouzot avec
pour acteurs Yves Montand et Charles Vanel. Plus tard,
Georges Arnaud prendra position contre la guerre d’Algérie
et la pratique des tortures47 ; c’est pourquoi, en 1961, il
s’exilera en Algérie, où il aura pour compagnon d’exil :
Mamani Abdoulaye, ami d’Ibrahim Issa et, même,

45 Paul Niger (1915-1962) est membre co-fondateur de Présence


Africaine ; en 1954, il a déjà publié Initiation, recueil de poèmes.
46 En 1961, il publie son premier recueil de poèmes, Balles d'or, chez

Présence Africaine à Paris. Guy Tirolien eut un fils avec une Nigérienne ;
ce fils, compromis dans une tentative de coup d'Etat contre S. Kountché,
sera exécuté. On trouve aussi chez Mamani Abdoulaye des références à
Guy Tirolien : cf. J.D. Pénel Rencontre (Niamey, Ténéré, 1990) vol 1, p 56.
47 Comme en témoigne son livre écrit avec Jacques Vergès : Pour Djamila

Bouhired (édition de Minuit, 1957).

21
compagnon d’infortune puisqu’ils seront tous deux
emprisonnés sous le régime Kountché.

- D'autres auteurs, aujourd'hui oubliés, peuvent être


mentionnés à cause de la proximité de certains thèmes avec
ceux d'Ibrahim Issa :
 Marcelle Vioux (pseudonyme de Marcelle Viougeas, née en
1895), qui publie Cette nuit-là en 1955, avait déjà fait paraître
en 1930 chez Fasquelle, deux romans aux titres évocateurs :
Au Sahara, autour du grand erg et Le désert victorieux.
 Francis Didelot (1902-1985), qui publie en 1955 L'aventure
caraïbe, est l'auteur en 1955 d'une adaptation lyrique du livre
de Pierre Benoît L'Atlantide48 – roman cité par Ibrahim Issa
dans Grandes Eaux Noires.
Ainsi donc, en 1959, juste après la promulgation de la
cinquième République et à la veille des indépendances des
territoires d’outre-mer francophones, quand Ibrahim Issa se
trouvait à Paris49, il s’introduisait, par le biais de ses relations
avec L.G. Damas et par les éditions du Scorpion, dans un
monde en pleine effervescence. Le fait d’avoir publié chez
cet éditeur en vogue le propulsait au sein d’une communauté
littéraire et intellectuelle dynamique, à un moment important
de son histoire.

2- UNE EPOQUE D'EFFERVESCENCE

Pour avoir une idée plus large encore du contexte de


l’époque en plein bouillonnement intellectuel et politique, on
peut rappeler quelques repères qui ont, certainement, été

48 L'Atlantide, drame lyrique en 5 actes et 9 tableaux (Paris, Lemoine, 1954). Il

est aussi l'auteur de : Fatou, peau noire (Paris, Colbert, 1942), Au soleil de la
brousse (Paris, Aillaud, 1946), Naoun ou le roman de René Caillé (Paris,
Dauphin, 1952), Malamine, soldat de Brazza (Paris, radiodiffusion, 1959),
etc.
49 Dans le poème "Africa" de La vie et ses facéties, il s’exclame : "Ô ! Paris,

la plus féminine des cités de Terra Magna" p 99.

22
aussi ceux d’Ibrahim Issa. Les préoccupations qu'il exprime
dans son livre se trouvent ainsi resituées dans celles de son
époque et permettent, en même temps, d'en apprécier
l'originalité.

* repères intellectuels

Des écrivains et intellectuels, d'horizons divers, ne


manquent pas d'attirer l'attention et de suggérer des
rapprochements avec les thèmes abordés par Ibrahim Issa
parce qu'ils sont contemporains :
 Cheikh Anta Diop (1923-1986) publie, en 1954, Nations
nègres et culture et, en 1959, L'unité culturelle de l'Afrique noire. Ses
travaux, dont l’objectif est de réévaluer les cultures
africaines, vont attirer l’attention sur l’Ancien Monde
égyptien et sur l’espace saharien, grand lieu de
communication entre les pays qui le bordent au Nord, à l’Est
et au Sud. Or, c’est précisément sur cet espace que se déploie
Grandes Eaux Noires et avec une même volonté de valoriser
les populations locales.
 Sembene Ousmane (1923-2007) fait paraître, en 1954,
son premier roman, Le Docker noir puis, en 1957, Ô pays, mon
beau peuple – deux romans qui portent essentiellement sur les
relations Noirs Blancs, c'est-à-dire sur le thème majeur du
livre d’Ibrahim Issa.
 Frantz Fanon (1925-1961) est connu pour sa réflexion
sur les problèmes de couleur générés par la colonisation,
Peau noire, masques blancs (1952) et par son engagement auprès
des Algériens – en 1959, il publie L'an V de la révolution
algérienne.
 Jean Rouch (1917-2004) rejoint aussi les thèmes abordés
par Ibrahim Issa :
D'abord avec des films : 1958 est l'année de Moi un Noir,
avec Oumarou Ganda, et 1959 l’année de La pyramide humaine
sur les problèmes des rapports entre Noirs Blancs dans un
lycée de Treichville à Abidjan – scénario conçu par les élèves

23
eux-mêmes. Ces deux films seront interdits : le premier
parce qu'on voyait une bagarre entre un Noir et un Blanc50 ;
le second parce que le thème, pourtant entièrement conçu
par les élèves, était trop fort et osé pour l'époque.
Par rapport aux autres préoccupations d'Ibrahim Issa, il
faut citer, en dehors des nombreuses études sur les Zarma-
Songhay51, deux articles de Rouch sur les fresques du Sahara
: "Les gravures rupestres de Kourki" Bulletin IFAN, Dakar
1949 et "Contribution à l'étude du site rupestre de Tessalit"
Notes africaines n°79 IFAN Dakar 1958.
L'attachement de Rouch au fleuve Niger est bien connu :
il effectue un périple de neuf mois, de juillet 1946 à avril
1947, en pirogue sur le fleuve Niger, depuis la source en
Guinée jusqu'à l'embouchure au Nigeria, et il en fait le récit
dans 22 articles publiés entre le 25 juillet et le 23 août 1951
dans le journal Franc-Tireur et dans un court livre Le Niger en
pirogue (Paris, Nathan, 1954). Le dernier article du 23 août
1951 aborde exactement le thème qui sera celui d'Ibrahim
Issa : Jean Rouch réfléchit, en pleine période coloniale, sur
les rapports entre Noirs et Blancs. Il se demande à quelles
conditions, ils pourront véritablement se rencontrer,
s'estimer et avoir des rapports d'égaux à égaux. D'où, né
dans l'incompréhension coloniale, cet espoir exprimé dans sa
dernière phrase : "Alors, l'homme noir et l'homme blanc seront
amis"52.
 On pourrait encore citer d’autres auteurs comme l’écri-
vain noir américain, Richard Wright (1908-1960),
cofondateur de Présence Africaine, qui vivait en France

50 L'acteur blanc n'était autre qu'un jeune chercheur à l'époque, Edmond


Bernus (né en 1929, comme Ibrahim Issa, et mort en 2004) qui
deviendra un spécialiste de la géographie du monde touarègue.
51 Jean Rouch a soutenu, en 1952, sa thèse Essai sur la religion songhaï qui

sera publiée, en 1960, sous le titre La religion et la magie songhay (Paris,


Presses universitaires de France).
52 Les articles de Rouch ont été regroupés et publiés à nouveau en 2008

par les éditions Mille et une nuits, justement sous le titre Alors le Noir et le
Blanc seront amis. Carnets de mission 1946-1951.

24
depuis 1947, et dont l’œuvre porte sur les rapports entre
communautés blanches et noires aux USA ainsi qu’en
témoignent ses romans, comme Enfants de l’oncle Tom (1938),
Un enfant du pays (1940), Douze millions de voix noires (1941),
Black Boy (1945), et ses essais comme Black Power (1954),
Ecoute, homme blanc ! (1957), etc. Car, le livre d’Ibrahim Issa
traite aussi, mais sous l’angle africain, des mêmes relations
Blancs Noirs.

* repères politiques

 La décolonisation
D’autre part, depuis la fin de la Deuxième Guerre
mondiale, le monde est en plein rééquilibrage politique et les
anciennes colonies progressivement se soustraient du joug
colonial et manifestent la volonté d’établir désormais des
relations moins inégalitaires avec les anciens colonisateurs
blancs (britanniques, français, belges, portugais, hollandais,
espagnols…) : 1947, indépendance de l’Inde et partition avec
le Pakistan ; 1954 : accords de Genève entre le Vietnam du
Nord et la France qui, la même année, rend à l’Inde les
comptoirs qu’elle occupait ; début de l’insurrection
algérienne. 1955 : indépendance du Soudan ; 1956 :
indépendance du Maroc et de la Tunisie. 1957 :
Indépendance du Ghana.
En 1959, nous sommes donc à quelques mois de l’indé-
pendance des anciens territoires français d'outre-mer (dont le
Niger, qui deviendra indépendant le 3 août 1960) et de la
colonie belge du Congo53 - Ibrahim Issa a d'ailleurs consacré
un long poème à Lumumba dans La vie et ses facéties.
Et il est évident que le thème abordé par Ibrahim Issa
dans Grandes Eaux Noires reflète cette situation de conflits
entre des espaces et des communautés culturelles différentes.
Ainsi, au moment où les relations coloniales touchent à leur
53 Le Congo est indépendant le 30 juin 1960 ; le Rwanda et le Burundi le

seront le 1er juillet 1962.

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