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Testart Alain. L'esclavage comme institution. In: L'Homme, 1998, tome 38 n°145. De l'esclavage. pp. 31-69;
doi : 10.3406/hom.1998.370415
http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1998_num_38_145_370415
Alain Testart
1. Pour ce qui concerne le statut de l'esclave en droit islamique, je renvoie une fois pour toutes aux
exposés de Milliot & Blanc (1987 : 227-228), Schacht (1983 : 109-111), et à l'article « 'ABD » de
l 'Encyclopédie de l'Islam (Brunschvig 1 960) .
2. Vansina 1973 : 367, pour les BaTéké (ancien royaume Tio, bas Congo).
3. Dans toute cette section, nous employons « condition » au sens de condition de vie et non au sens de
condition juridique.
4. J'emploie toujours « statut » au sens juridique et non au sens des sociologues.
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l'on peut faire jouer à l'esclave une multitude de rôles bien différents. C'est
le droit qui est premier, car c'est lui qui explique le fait — et sa diversité — et
c'est de lui qu'il faut partir pour définir le phénomène esclavagiste. Toute
autre considération s'abîmera dans la constatation morose de la diversité
infinie des faits et rejoindra le scepticisme stérile qui étreint les sciences
sociales en cette fin de siècle. Il en résulte également que nous ne saurions
envisager l'esclavage dans la perspective qui fut un temps en vogue du
« mode de production esclavagiste », car s'il est évident qu'une société qui
pratique l'esclavage peut développer un mode de production esclavagiste
— en affectant la majorité de ses esclaves à la production et en faisant de
ce mode le mode prédominant -, il est non moins évident que ce n'est là
qu'une possibilité, d'ailleurs rarement réalisée au cours de l'histoire5.
Fermons cette parenthèse critique et revenons donc au statut dont nous
disions que nous ne pouvions le définir en extension, en dressant la liste
des droits et des incapacités qu'il implique. Dans chaque société, l'esclave
est frappé d'un certain nombre d'incapacités qui sont propres à son statut,
c'est-à-dire lui font défaut un certain nombre de droits dont disposent les
autres membres de la société. Ainsi se définit l'opposition entre deux
statuts, deux catégories : la servitude et la liberté, les asservis et les hommes
libres. Mais cette opposition reste trop générale et ne suffit pas à définir
l'esclavage. Le serf de notre Moyen Âge est en servitude, mais il n'est pas
esclave ; pas plus que l'hilote à Sparte. L'esclavage est un cas particulier de
servitude qu'il reste à définir ; ou encore, ce qu'il reste à définir, c'est la
spécificité de l'esclavage au sein de la grande catégorie de la servitude6.
On s'accorde en général à dire que l'esclavage consiste en une forme
extrême de servitude. C'est un bon point de départ pour notre réflexion.
5. Sur la rareté du mode de production esclavagiste, Finley (1981, passim), ne retenant comme exemple
d'un tel mode, à juste titre pensons-nous, que l'Antiquité classique et les sociétés hispano-américaines des
temps modernes. Sans doute faudrait-il ajouter certaines sociétés de l'Asie du Sud-Est insulaire (en
particulier le royaume Acheh) et plusieurs sociétés d'Afrique occidentale.
6. À ceux qui prétendraient que je joue sur les mots, puisque l'esclave se dit servus en latin et que notre
mot « servitude » dérive de ce radical, je répondrai que je ne suis pas le premier et que les Romains, qui S£2
s'y entendaient sur la question, distinguaient parfaitement servum esse (être esclave) et serviré ou in ser- 3
vitude esse (être en servitude). La remarque est de Wallon 1988 : 367, n.4. uj
7. Parmi les travaux les plus récents, Finley 1968 : 307, Watson 1980 : 8, reprenant Nieboer 1900 : 7. ^J
C'est là une manière de faire tout à fait traditionnelle, et fort répandue, en ce qu'elle épouse de très près JO
les conceptions romaines. On trouvera dans Nieboer {ibid. : 5) et dans Bongert (1963 : 190-191) des Q
listes — non exhaustives — de tous ceux qui, sociologues, historiens ou juristes, s'en sont tenus à cette ¡3
conception ; ces deux auteurs d'ailleurs s'y tiennent quoique le second avec une certaine réserve. ^Ul
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droit de propriété8 ? Mais là, nous allons vite rencontrer des contradictions
insurmontables. Tout d'abord, une première question se pose : quel
élément de propriété caractérise l'esclavage ?
Mettons que ce soit la possibilité d'aliénation qui semble tant avoir
retenu l'attention de nombreux chercheurs, principalement le droit
d'aliéner à titre onéreux, c'est-à-dire le droit de vendre. Mais ce n'est nullement
une caractéristique distinctive de l'esclavage. À Rome, le paterfamilias a le
droit de vendre son fils à un autre paterfamilias sans pour autant le réduire
en esclavage : c'est une sorte de louage de service, mais un louage
permanent, le fils ainsi vendu étant désormais dans la puissance de cet autre pater,
qui a également le pouvoir de le revendre9. C'est ce qui est connu en droit
romain comme une aliénation in mancipio. Autre exemple que l'on oublie
souvent : les droits du seigneur sur le serf pouvaient aussi être aliénés,
donnés ou vendus10, comme en témoigne encore le héros du roman de Gogol
Les âmes mortes. Peut-être ne voudra- t-on pas recevoir ces objections en
arguant qu'à Rome le fils a un statut notoirement comparable à celui de
l'esclave et que les droits sur le serf proviennent de ceux sur l'esclave. Alors
on peut dire encore ceci : dans la société contemporaine, une agence
d'intérim achète à un travailleur sans emploi sa force de travail et la revend à
l'entreprise qui en a besoin. Soulignons que ce n'est pas l'entreprise qui
paye le travailleur intérimaire, elle paye l'agence qui paye le travailleur. Il y
a bien aliénation, en l'occurrence transfert à titre onéreux d'un droit (droit
d'usage) sur les services d'un travailleur, il n'y a évidemment pas esclavage
— bien que le sens commun voit dans ce trafic quelque chose qui s'y
apparente. Concluons : le droit d'aliéner est une chose fort générale et ne
saurait nullement constituer un critère distinctif de l'esclavage.
Mettons maintenant, comme pour donner une chance à ceux que nous
critiquons, que 1'« élément de droit » dont ils voulaient parler soit le droit
d'usage sur la force de travail. Il faut préciser que ce droit est illimité, car
un patron dispose bien d'un droit réel (droit d'usage, et donc élément du
droit de propriété) sur la force de travail du salarié, mais seulement
pendant un certain temps, le temps du contrat, éventuellement renouvelable
par tacite reconduction, mais un droit qui de toute façon n'est pas par
nature illimité. Mais même ainsi précisé cet élément de droit censé
s'exercer sans limite de durée ni d'intensité n'est nullement caractéristique de
l'esclavage. C'est seulement dans la forme salariée qu'il ne se retrouve pas, to
9.
article
tions
8. Girard
10.CeDans
par
que
de vente,
Tessier
sa
1929,
ditgrande
explicitement
donation
1 (1959)
: 143-144.
étudeest
ou
surtout
Finley
échange,
la servitude,
entier
1968voir
consacré
: 307.
Bloch
Petot à1937
(1983,
une :vente
156.
I : 304)
de serfs.
mentionne
Plus généralement,
un cas de donsurde les
serfs
aliéna-
; un 4U
<^J
uo
q
p
1) L'exclusion
La caractéristique la plus évidente du statut de l'esclave antique est qu'il
est marqué par l'exclusion : exclu de la cité, exclu même de la grande
catégorie des hommes libres, l'esclave est un homme sans droit, une « chose
animée » selon la célèbre définition d'Aristote, une « chose » (res) selon le
droit romain.
Les deux caractéristiques les plus évidentes de l'esclave de l'antiquité
classique sont : premièrement qu'il est sans droit, deuxièmement qu'il
est un exclu de la communauté des citoyens qui forment ce que les
antiquisants appellent la cité ou la cité-État. La première caractéristique
n'est pas généralisable, nous en avons déjà fait la remarque. Qu'en est-il
de la seconde ?
L'esclave en droit islamique, à coup sûr, est un exclu : exclu de la
communauté des croyants, parce qu'aucun musulman ne peut être réduit en
esclavage, seuls les infidèles peuvent l'être. Il est exclu de par sa propre
folie, de par son aveuglement, son incapacité à reconnaître l'enseignement
du Prophète, exclu par sa faute avant d'être réduit en esclavage, exclusion
fondamentale antérieure au mal qui le frappe, et qui suffit à justifier
l'institution de l'esclavage.
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Comment se définit un esclave en Afrique noire ? Les BaCongo disent
qu'il est mwana gata « enfant du village »n — un peu comme nous dirions
un « enfant de la rue », c'est-à-dire en quelque sorte « anonyme », ou mieux
encore « public », au sens de « fille publique ». Car tous les autres, les
hommes libres, sont fils d'un tel ou d'un tel, ils appartiennent à un lignage,
à un clan : ils ont un nom, une identité lignagère. On ne peut qu'être
frappé par la ressemblance de ces données avec celles qui nous viennent de
l'Antiquité : seuls les citoyens romains ont un nom, ou plutôt en ont-ils
trois, le trinomen, dont le nom de clan, le nom de gens. Ici et là les hommes
libres sont fils de clan, ils ont un pedigree, ils sont définis par une identité
parentale ; les esclaves sont fils de rien en quelque sorte, on leur attribue des
noms, bien sûr, pas celui de leur père ou de leur mère, mais des surnoms
d'esclaves, des sobriquets choisis par leurs maîtres. On les appelle « enfants »,
mwana chez les Congo, puer chez les Romains. On ne les appelle pas
« esclaves », on ne les appelle pas servi à Rome, ce serait trop insultant. Ils
sont des enfants, mais ils sont des enfants à vie (à moins d'adoption ou
d'affranchissement) et ils ne sont pas les enfants de quelqu'un, ni fils de leur
clan, ni fils de leur père. L'utilisation de termes de parenté entre les maîtres
et les esclaves12 est purement métaphorique ; ou alors, si elle indique
quelque chose, c'est le fait que si l'esclave doit un jour avoir un homme qui
joue pour lui le rôle de père (ce qui se produit en cas d'affranchissement),
ce ne sera pas son géniteur ou son ancien père, ce sera son maître. Ici et là,
l'esclave a d'abord été sorti de la parenté, sorti de sa parenté d'origine —
entendons bien qu'il n'est pas seulement coupé de son géniteur, il est coupé
de liens sociaux de la parenté13. Il retrouvera peut-être un père dans la
personne de son maître, mais il ne retrouvera pas son père d'origine, ni son
identité première. Ainsi l'esclave, dans les sociétés lignagères d'Afrique que
nous venons d'évoquer, est-il tout autant un exclu qu'à Rome ; ici et là, il
est exclu du contexte principal qui définit chacune de ces sociétés : ici, de
la parenté, du lignage, là, de la gens et de la cité.
Qu'il s'agisse de la parenté dans les sociétés lignagères, de la citoyenneté
dans l'Antiquité, ou de la communauté des croyants dans le droit
islamique, l'esclave est toujours, dans chaque société, exclu d'une des
dimensions (sociales) considérée comme fondamentale par cette société. C'est une des
14. Il est totalement exclu de cette dimension, ce qui ne veut pas dire qu'il le soit de toutes les
dimensions. Même l'esclave romain a une dimension religieuse, etc. (sur ce sujet, voir les remarques ci-après).
15. N'entre pas en considération le cas particulier, prévu par le droit hébreu, le droit islamique et
certains droits africains, du maître qui a épousé une esclave ou lui a fait un enfant et se voit en conséquence
interdire de l'aliéner. Les quelques exemples que l'on signale pour lesquels il n'y aurait pas de vente des
esclaves sont sujets à caution, c'est plutôt l'absence d'une pratique qui se constate que la négation du
droit d'aliéner proprement dit.
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vail de l'esclave est, quoique toujours important, limité dans de
nombreuses sociétés. Nous disons seulement qu'il n'y a pas d'esclavage sans la
possibilité pour le maître d'en tirer quelque avantage matériel ou
pécuniaire. L'esclavage est toujours marqué par un certain caractère vénal.
Cet élément de définition, qui paraît banal, ne l'est pas. Il ne permet
certes pas de différencier l'esclave des autres formes de servitude, de tous
ces asservis dont on peut faire d'une façon ou d'une autre son profit. Ce
qui différencie l'esclave au sein de la grande catégorie de la servitude, c'est
l'exclusion. Mais d'un autre côté, ce même élément permet
immédiatement de différencier l'esclave d'autres formes de dépendants, ceux dont on
ne peut pas faire son profit. C'est le cas du vassal, par exemple, qu'aucun
seigneur n'a imaginé envoyer curer les fossés du château, non seulement
parce que cela ne fait pas partie du service vassalique mais encore parce
que c'est incompatible avec la dignité de ce service. Le service vassalique
n'est pas un service « servile », c'est, comme on dit au Moyen Âge, un
« service noble ». L'esclave est du côté de la servitude, pas le vassal. Et
pourtant, ils ont quelque chose en commun. La dépendance vassalique est
un cas de dépendance forte, puisque la fidélité envers le seigneur peut
amener le vassal à y perdre la vie. L'esclave, comme le vassal, frôle la mort.
On en dirait autant des captifs qui, ramenés à la capitale par les Aztèques,
sont voués à être sacrifiés ; ce sont des sortes de dépendants, des gens en
tout cas sur lesquels on a droit de vie et de mort, mais dont on ne tire
aucun avantage matériel, des victimes mais pas des asservis. Un homme
que l'on a capturé à la guerre ou un homme qui s'est rendu16 n'est encore
qu'un captif, nullement un esclave. Mais qu'on l'astreigne à travailler ou
seulement qu'on le vende, on en tire profit, et c'est déjà un esclave.
Définition
L'esclave est un dépendant
1) dont le statut (juridique) est marqué par l'exclusion d'une
dimension considérée comme fondamentale par la société
2) et dont on peut, d'une façon ou d'une autre, tirer profit.
Remarques de méthode
II n'y a pas de critère simple de l'esclavage. S'il est vrai que nous
définissons l'esclave par l'exclusion d'une des relations sociales considérée ^
comme fondamentale par la société, nous ne pouvons dire aussi générale- JÎ
ment de quelle relation il se trouve exclu dans telle ou telle société. Cela uî
dépend des cas : exclusion de la parenté dans les sociétés primitives, exclu- „,
S
et16.l'esclave.
Nous reviendrons sur la distinction, explicite en droit romain, entre celui qui s'est rendu, le déditice, H*J
p
17. En réalité, sa condition est exactement celle du gagé (voir plus loin).
18. L'esclave redimible « restait assujetti au service royal. Il devait partager son temps entre ce service et
celui de son maître. Primitivement, l'esclave fiduciaire [redimible] devait la moitié de son temps à son
maître et l'autre moitié au service royal [...] Quant à l'esclave à vie, il] ne doit plus de services qu'à son
maître. Il est rayé des rôles de la population corvéable » (Lingat 1931 : 84-85 ; voir aussi Turton 1980 :
270-271).
19. Menu 1977 : 393.
20. Il nous paraît significatif que Lingat (1931, ibid) identifie le caractère corvéable au statut de libre :
« ... un homme astreint aux corvées, c'est-à-dire tout homme libre... » (mes italiques ; A.T.).
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S'il n'y a pas de critère heuristique général, nous pouvons néanmoins
admettre que lorsqu'il existe un droit absolu de vie et de mort sur un
dépendant, c'est-à-dire un droit de disposer de sa vie selon le gré du maître
et pas seulement un droit de le punir de mort, cela prouve suffisamment21
que ce dépendant est un exclu en quelque sorte et doit donc être considéré
comme un esclave. En dehors de la relation esclavagiste, nous ne voyons
en effet que deux cas dans lesquels un maître dispose de semblable
pouvoir sur un dépendant : le père investi d'une patria potestas à la romaine
sur un fils ou le despote oriental sur ses sujets. Mais personne ne
confondra ces relations avec la relation de maître à esclave22.
21. Compte tenu de ce qui précède (et encore de ce qui va suivre), le lecteur comprendra que c'est là une ^J
condition suffisante mais nullement nécessaire. i/î
22. On me dira peut-être que beaucoup ont fait cette confusion puisqu'elle était à la base de la théorie q
soviétique de 1'« esclavage généralisé », formule qui devait rendre compte des despotismes orientaux. 3
Mais je ne pense pas que quiconque soutiendrait aujourd'hui pareille conception. >ig
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est intégré dans les communautés nuer, plus son prix se rapproche de celui
d'un Nuer véritable.
Qu'en est-il maintenant de ces « captifs » à propos desquels ni Evans-
Pritchard ni les commentateurs subséquents ne parlent en général
d'esclavage23 ? « Une fois reconnue leur appartenance à une communauté, leur
statut juridique est le même que celui d'un Nuer né libre » {ibid. : 253).
Toute la suite du texte montre qu'une des finalités de la capture des Dinka
est l'intégration aux lignages nuer : « sans doute la plupart des captifs dinka
ont-ils été adoptés dans les lignages nuer » et Evans-Pritchard insiste
beaucoup sur cette incorporation. Mais il y a une différence entre être intégré
dans une unité résidentielle (dans la communauté locale, le cieng; dans la
maisonnée ou la famille étendue, le gol) et être intégré dans le lignage (ce
par quoi on devient thok dwiel ou. thok mac, ce qui permet d'avoir des
relations buth)24 — distinction identique à celle entre domus et gens dans le
monde romain. Seule l'intégration dans le lignage a valeur d'adoption et
fait du captif un homme libre ; l'autre intégration n'est que l'incorporation
ordinaire de n'importe quel esclave à l'unité résidentielle de ses maîtres.
La « plupart » des captifs sont adoptés, nous dit Evans-Pritchard, ce qui
implique que certains ne le soient pas, c'est-à-dire restent exclus du lignage.
Tout le texte sur l'adoption est d'ailleurs relatif à de jeunes Dinka ; qu'en
est-il des moins jeunes ? En tout cas, pour les jeunes filles, Evans-Pritchard
est explicite : « on ne [les] reçoit pas dans le lignage »25 {ibid. : 254). Mais
peut-être ne comprend-on pas bien ce que cela veut dire d'être membre de
la maison sans être adopté comme membre du lignage. Evans-Pritchard,
dont l'ethnographie est toujours de qualité, nous le dit tout crûment :
« l'homme qui tue un Dinka membre de sa propre maison, mais non
adopté et né hors du pays nuer, ne doit aucune réparation [...] Dol, qui est
justement d'origine dinka, m'a dit : " si vous maudissez un Dinka de votre
maisonnée, eh bien, vous le maudissez, voilà tout. S'il se fâche, vous lui
dites que vous allez le tuer et qu'il ne se passera rien. Vous nettoierez tout
simplement votre lance dans la terre et la pendrez " » {ibid. : 251).
Ainsi, sur ces captifs qui ne sont pas encore adoptés dans le lignage
même s'ils le seront un jour, sur ces captives qui ne le seront jamais, le
23. Le mot est utilisé une fois par Howell (1954 : 56), qui par ailleurs se sépare très peu d'Evans-
Pritchard, uniquement pour dire que les Dinka capturés n'étaient pas des esclaves au sens courant du S2
terme parce qu'ils étaient rapidement assimilés à la société nuer. 5
24. La distinction est beaucoup plus clairement exposée dans le second livre d'Evans-Pritchard, Parenté 2
et mariage chez les Nuer (1973 : 17-18), que dans Les Nuer. Il y a intérêt à relire tous les passages sur les ^
captifs dinka à la lumière de cette distinction. v>
25. Bien qu'on leur permette de « recevoir » la compensation matrimoniale, ce dont elles ne bénéficient pas q
elles-mêmes, bien sûr, puisque cette compensation n'est jamais destinée à l'épouse mais à ses parents. Ce p
sont ses maîtres qui en bénéficient. Il en va de même pour la compensation pour le meurtre d'un captif. >íu
26. Inférieure à peu près de moitié, ce qui rappelle fort la législation musulmane sur le prix de l'esclave, estimé
à la moitié d'un homme libre ; c'est évidemment, comme chez les Nuer, le maître qui en reçoit le prix.
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45
esclaves
libres
temps d'assimilation i
27. Pour ces estimations, voir Meillassoux (1975a : 17) et Kopytoff& Miers (1977 : 60).
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aussi extrême que dans l'Antiquité méditerranéenne, la différence
principale résidant dans ce statut évolutif, présent dans presque toutes ces
sociétés, et qui faisait du fils d'esclave un dépendant, mais avec des droits et une
amélioration sensible de son statut par comparaison avec celui de son père.
On peut y voir comme l'écho affaibli de la vieille conception des sociétés
lignagères selon laquelle l'esclave devait finalement être intégré au lignage.
On décèle aussi dans maints exemples de ces sociétés l'influence du
modèle islamique, beaucoup plus clément vis-à-vis des esclaves que le
modèle romain ou grec. Néanmoins ces esclaves contribuent à la
production, ils alimentent la traite négrière et forment une couche importante
et permanente de la société. À l'autre extrême, des populations vaincues,
dominées, ou encore installées dans une relative marginalité, certains
peuples de la forêt atlantique, d'autres plus guerriers ou plus épris
d'égalité, n'avaient-ils tout au plus que quelques esclaves.
Par delà ces différences très apparentes, qui ne retiendront pas plus
longtemps notre attention, il y a bien, partout, une société à deux niveaux,
différenciant deux statuts, celui d'homme libre et celui d'esclave. C'est ce
phénomène minimal qui définit la société à esclavage.
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femmes esclaves en Afrique peuvent être épousées par le maître ou
n'importe quel membre de son lignage, et cela constitue même un des plus
puissants motifs à l'acquisition de femmes esclaves : cette possibilité vient de ce
qu'elles n'ont plus d'identité lignagère — elles ont perdu leur identité, sont
exclues de la parenté. Or toutes nos sources l'indiquent : la femme
australienne capturée au cours d'un affrontement armé ne perd pas sa position
dans le système de parenté ni dans l'organisation sociale (sections ou
moitiés), car il est toujours précisé que les guerriers ne peuvent emmener (et
épouser) que celles qui sont dans des catégories compatibles (épousables)
avec les leurs. Perte ou conservation d'une identité - toujours stipulée dans
les termes de la parenté dans ces sociétés —, tel est le critère qui permet de
distinguer l'esclave du non-esclave. On pourrait dire encore qu'en Australie
il n'y a pas d'esclavage et qu'il ne peut y en avoir dans la mesure où les
catégories de la parenté sont immuables, intangibles et inaliénables. C'est ce qui
définit le statut de la liberté aborigène tout aussi bien que la déclaration des
droits de l'homme. Chacun y naît parent et demeure parent. Dans une
société où la parenté est dominante, l'esclavage ne peut prendre que la
forme d'une exclusion de la parenté ; quand, de plus, la non-parenté n'y est
pas concevable, l'esclavage y est également inconcevable.
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où sa condition risque d'être vue comme participant de l'esclavage. La
remarque en a été maintes fois faite par les spécialistes de l'Antiquité30.
Notre langage en témoigne dans son ambiguïté : être au service de
quelqu'un ou être en service, ce n'est pas être en servitude, ce n'est pas être servus
(esclave), mais toutes ces situations que nous distinguons sont néanmoins
désignées à partir de la même racine. À cela s'ajoutent des conditions
juridiques incompatibles avec notre conception du contrat, des engagements à
très long terme, des dispositions qui défavorisent systématiquement
l'engagé, une soumission de fait et une dépendance d'autant plus accentuée
que le salarié vit chez son patron et le sert tout comme les esclaves servent
leur maître. Néanmoins, il est clair que ces gens ne sont pas des esclaves.
Mettons encore de côté le gagé31 (en anglais pawn), le placé en gage
pour dette, institution bien connue, tout au moins bien repérée dans les
travaux africanistes. Le gagé doit tout son temps de travail ou presque au
créancier gagiste chez lequel il est placé ; sa force de travail revient de
plein droit à ce créancier tant que la dette n'est pas payée ; enfin, et c'est
le plus important, le travail fourni ne vient pas en déduction du montant
de la dette. C'est donc une forme de dépendance forte, particulièrement
forte, d'autant plus que dans de nombreuses sociétés la dette ne sera
jamais remboursée, la dette (et donc la condition de gagé) sera transmise
à ses héritiers, et enfin, le gagé sera, au bout d'un certain temps, lorsqu'il
paraîtra évident à tous qu'il n'y a aucune chance que la dette soit un jour
remboursée, purement et simplement assimilé à un esclave. Le gagé est
donc comme un esclave et a bien souvent l'esclavage comme destinée,
mais il n'est pas un esclave. Partout où nous avons des informations
suffisantes, les informateurs sont formels : le gagé, désigné par un terme
distinct de celui d'esclave, reste, tout le temps où il est considéré comme tel,
un homme rattaché à sa parenté, un homme qui a des droits puisque le
créancier gagiste ne peut ni attenter à ses jours ni le vendre. Concluons
en disant que le gagé est un homme dont on peut largement tirer profit,
et s'il est comme un esclave quant à sa condition matérielle, il ne l'est pas
quant à son statut juridique32. Il n'est pas un esclave parce qu'il n'est pas
un exclu, et ne l'a jamais été.
30. Par exemple Veyne (1991 : 260 sq.) à propos des domestiques dans l'empire romain.
31. Sur ce sujet, nous nous permettons de renvoyer à notre article (Testart 1997).
32. La façon la plus concise d'exprimer ces différences serait de dire qu'il est en servitude mais qu'il n'est Í2
pas en esclavage. On parlerait ainsi de « servitude pour dette ». C'est ce que propose Finley dans son JJ
article « La servitude pour dette » (1965). Toutefois, la distinction est beaucoup plus claire en anglais qui JQ
dispose de deux termes, slave et bondsman. Ce dernier terme, largement utilisé pour désigner les diffé- <yj
rentes sortes d'engagés pour dettes {debt bondsmen « ceux qui sont liés par la dette »), est tout à fait intra- t/i
duisible en français. Il n'est certainement pas d'une grande précision, les auteurs d'expression q
anglo-saxonne l'utilisant pour désigner des catégories juridiques différentes, mais il a le mérite de souli- p
gner la différence avec l'esclavage : il indique au moins qu'il existe un problème. *Uj
33. Par exemple chez les Lakher (groupe méridional de la famille Chin) où l'opposition établi/non établi
est bien rendue par la dualité des termes saiza et sei (Parry 1932 : 224). J'interpréterai de la même façon
l'opposition entre ngong mayam et tinung mayam chez les Kachin (Green cité in Leach 1972 : 344 sq.).
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Une autre étape vers la liberté, c'est l'affranchissement. Je le décris comme
« une étape vers... » et non comme l'acquisition de la liberté car il est bien
rare que l'affranchi soit libéré de toute sujétion. C'est le moment de
rappeler le cas de l'affranchi romain34 : la manumissio (littéralement
l'enlèvement de la main sur l'esclave) libère l'esclave de la tare servile (il est
désormais de statut libre), il prend le nom (nomen) de son ancien maître,
mais il n'en devient pas pour autant un citoyen romain à part entière. Il
reste sous la dépendance de son maître, une dépendance forte, une
dépendance de droit, codifiée et reconnue par le droit romain : il doit X obse-
quium, c'est-à-dire le respect à son ancien maître, a également l'obligation
de continuer à lui rendre des services, etc. Il est une sorte de client, terme
très général que les Romains appliquaient à quantité de relations sociales
différentes et qui en général ne fait pas l'objet d'une codification dans le
droit romain, tandis que c'est le cas pour l'affranchi. Autre différence, les
clients, à ce qu'il semble, entrent librement en relation de clientèle vis-à-
vis d'un patron tandis que, pour l'affranchi, cette relation est imposée.
Tous les observateurs le notent : il y a peu de différence entre l'esclave et
l'affranchi, sinon celle-ci, mais qui paraît toute nominale, qu'il est
désormais dit « libre ». Même la langue est ambiguë : il est liber certes, mais pas
ingenuus « ingénu », c'est-à-dire pas libre de naissance (naissance au sein
d'une gens) ; il est seulement libertus, « nouveau libre » pourrait-on dire,
avec cette nuance péjorative que la nouveauté peut avoir comme lorsqu'on
parle de « nouveau riche ». Classé dans la grande catégorie des libres, il ne
l'est toutefois que dans une de ses sous-catégories, celle qui marque encore
la trace de ses origines serviles.
Une ambiguïté analogue se retrouve en Afrique, chez les Soninké par
exemple35. Un esclave, kome, qui vient d'être acquis, acheté ou capturé,
travaille aux champs sous la direction de son maître et sert dans sa
maison ; établi, au sens où nous avons pris ce terme, il est alors woroso ; il peut
ensuite se racheter, et il devient alors kome xoore, condition adéquatement
rendue par Meillassoux lorsqu'il en parle comme d'un « client », analogue
en effet au client romain dans la mesure où il continue à rendre de
multiples services à son ancien maître mais possède des droits, patrimoniaux
et familiaux, dans la mesure encore où il peut posséder des esclaves. Mais
cet affranchi36, la langue soninké l'appelle kome xoore et non hoore, elle le
range encore dans la grande catégorie des komo (par opposition aux hooro), </>
34. Encore une fois il faut se garder de généraliser, ne serait-ce qu'à l'Antiquité classique, le cas athénien {J
étant notoirement différent du cas romain. ^
35. D'après Meillassoux 1975b : 236-242. </>
36. Meillassoux {ibid. : 241, n.l) parle à ce propos d'émancipation (pour l'opposer à une libération plus q
authentique) là où je parle d'affranchissement (pour souligner le parallèle avec Rome), mais c'est là une S
simple divergence de mots qui ne tire pas à conséquence. mj
37. Cette inversion montre aussi par parenthèse qu'il ne saurait y avoir de correspondance stricte entre
la terminologie latine et celle des Soninké : servus ne traduit pas kome. C'est d'ailleurs ce que notait
Meillassoux {ibid. : 226 ; mes italiques) : « Au sens général, kome désigne tout individu assujetti, quel que
soit son statut social, dépendant ou inférieur, homme libre ou esclave. » Bref, le terme kome ne peut être
rendu par « esclave » qu'en toute première approximation. Ni les kome xooro, ni a fortiori les kome gallu
{ibid. : 243, n. 64, réfugiés dont nous reparlerons), ne sont sociologiquement des esclaves.
38. La différence entre les deux concepts est parfaitement explicite dans le monde de la cité et de toute
façon assurée par la très large catégorie des étrangers (peregrins à Rome, métèques à Athènes) qui ont un
statut propre, n'étant ni esclaves ni citoyens.
39. Tout comme le pérégrin ou le métèque, non en tant que citoyen mais en tant qu'il est placé sous la
protection de la cité.
Alain Testart
dans leur société, exilés, poursuivis par la menace d'une vengeance de
sang, endettés, ou encore anciens esclaves en cavale, aventuriers, ambitieux
ayant échoué, tous ces gens peuvent venir se jeter aux pieds de quelque
personnage puissant, roi ou chef de lignage, demander asile et protection.
Ils deviennent des dépendants, sans être des esclaves et bien que leur
condition les en rapproche.
D'abord, dans la mesure où ils viennent seuls et coupés de leur société
d'origine, ils se présentent comme les esclaves, sans parenté. À vrai dire,
ils pourraient être réduits en esclavage si ce n'était, d'une part, une
certaine tradition d'hospitalité et, d'autre part, l'intérêt même des chefs qui
y voient une occasion favorable de grossir le nombre de leurs dépendants.
Buxton (1967) a décrit en détail le phénomène, qu'elle propose
d'appeler « clientèle », chez les Mandari. Je ne sais s'il existe dans cette
population quelque chose que l'on serait en droit d'appeler esclavage mais
je suis néanmoins frappé par le parallèle évident qui existe entre le destin
de ces réfugiés et celui des esclaves ailleurs. Le statut de ces clients, timit,
« implique la perte de la parenté » ; chaque timit prend le nom de lignage
de son patron, ses enfants auront le même, et ce n'est qu'après des
générations qu'il aura un nom en propre. Tout se passe comme si, après avoir
perdu son nom, son identité et sa parenté — ce en quoi nous voyons le
phénomène générateur de l'esclavage —, il avait été réintégré dans le
lignage de son patron mais plus vite qu'un esclave dans la logique ligna-
gère. Beaucoup plus vite en fait puisqu'il n'a jamais été esclave à
proprement parler, tout se passant comme s'il avait été admis directement, en
sautant les étapes, au niveau de l'affranchi. Quelles sont les raisons de
cette promotion particulièrement rapide ? C'est un engagé volontaire, à
la différence des esclaves achetés ou capturés ; sa bonne volonté est
assurée et sa fidélité probable. On le fait accéder directement à un niveau où
l'esclave acquis contre son gré ne pourra parvenir qu'une fois que ses
maîtres auront pu vérifier sa fidélité. Il nous semble ainsi être comme un
affranchi, à cette différence près qu'il n'a jamais été esclave. Les
obligations qui pèsent sur lui et les avantages qu'il retire de sa situation sont
comparables à ceux qui touchent le kome xoore des Soninké ou le libertus
des Romains : il assiste son patron, joue vis-à-vis de lui le rôle de garde,
de portier, de messager, ou encore cultive à l'occasion ses champs, et
reçoit de lui protection, aide financière ou militaire si besoin est. Mais il g
est de plus grevé d'une dette : après avoir reçu de son patron une épouse, 5
pour laquelle celui-ci a dû payer le prix de la fiancée, il lui remettra la plus |*j
grande part du paiement reçu à l'occasion du mariage de ses propres filles. jjj
On le voit, tout cela ne nous fait pas sortir du cercle de la dépendance qui §
caractérise l'affranchi. 43
Alain Testart
Ce que l'on a moins vu, semble-t-il, c'est que cette stratégie supposait un
changement de statut. Le roi ne peut faire un fidèle, c'est-à-dire un
dépendant personnel, d'un simple esclave, d'un homme exclu de tout. Il faut qu'il
l'attache à sa personne et le moyen symbolique de cet attachement, la
métaphore générale du lien social, c'est — tout au moins dans les sociétés
africaines auxquelles nous limitons notre analyse — la parenté. Chez les Mossi,
le captif royal reçoit le nom patronymique du roi42 ; même chose chez les
Saman où le captif royal est « mis dans la main » du clan Kampo (le clan
attaché au service de l'autel royal), « reçoit un prénom qui confirme son
appropriation par le clan royal et prend le patronyme Kampo »43. Parent en
quelque sorte du roi qui est lui-même en quelque sorte sans parents. Une
parenté métaphorique, une parenté fictive, un lien conçu sur le modèle de
la parenté. Ce n'est pas la parenté au sens du lignage, mais peu importe, le
roi finalement n'applique dans cette affaire rien d'autre que la stratégie ligna-
gère : là-bas l'esclave était intégré au lignage comme nouveau parent d'un
lignage parmi d'autres, ici il l'est au lignage royal. Si ce n'était la spécificité
de ce lignage et le pouvoir du roi, on pourrait se contenter de dire que le
captif royal n'est pas plus esclave que celui qui a été adopté dans une société
lignagère : il a été esclave, il ne l'est plus. Mais il est trop évident que le
captif royal n'est pas comme un homme libre ordinaire dans une société
lignagère : le lien avec la royauté l'élève au-dessus des hommes du commun tout
en resserrant son asservissement car la proximité du pouvoir implique des
contraintes qui ne valent pas pour le commun. C'est un statut spécifique, et,
encore une fois, qui ne peut être résumé par le seul fait qu'il soit un ancien
esclave44. Les éléments de ce statut ce sont : la parenté putative avec le
roi, l'existence d'un lien personnel avec ce même roi, l'aptitude à remplir
diverses fonctions de l'appareil d'État dont certaines lui sont réservées, et
enfin le caractère irréversible de ce statut, l'affranchissement étant exclu.
Quelques mots encore sur une certaine catégorie de serviteurs ou de
domestiques du royaume moundang, les iiey-(z) atalê, bien décrits par
Adler (1969). Par leur origine ils sont rien moins que des captifs, étant
des engagés volontaires, des hommes libres du royaume qui ont été
offerts par leur père, ou encore de ces réfugiés que nous évoquions
précédemment : ils n'ont jamais été capturés45. Mais par leur statut, son
42. D'autres éléments militent en faveur de cette interprétation, rapprochent et opposent les captifs et i2
les nakombse, les membres du lignage royal : « On est tenté d'assimiler le groupe des captifs à une famille 3>
utérine du roi, les nakombse formant sa famille agnatique » (Izard 1975 : 294). Par ailleurs il est clair que [Q
le captif a perdu son nom, son identité et n'a plus ni ascendants ni descendants {ibid. : 289, 292, 294). ^J
43. Holder 1998: 101.
44. Izard (1987 : 91) parle du monde des captifs comme d'un « ordre ». q
f/j
45. Dans un article subséquent, toutefois, Adler (1987 : 148) indique que tout jeune captif peut être p
intégré à ce groupe. Cela ne fait qu'atténuer encore l'opposition que nous établissons. Hj4
Introduction/problématique
L'esclave est marqué par l'existence d'un statut, terme que nous
employons, rappelons-le, exclusivement dans le sens juridique. Il faut
le préciser contre certaines thèses qui soutiennent ou laissent entendre
le contraire. Henri Lévy-Bruhl (1934), par exemple, dans un article
célèbre, soutient l'identité foncière de l'esclave et de l'étranger : tout
esclave à Rome est un étranger et réciproquement tout étranger serait un
esclave. La première proposition est peut-être vraie, mais pas la seconde.
46. Les témoignages historiques montrent qu'encore au XVe ou au XVIII' siècle ils peuvent être aliénés,
donnés ou vendus (Lewis 1982 : 80, 82). Il est vrai que ces faits ne concernent que les 'abd, terme qui,
au sens restreint, s'applique aux Noirs, et non les mamluks, esclaves blancs, le plus souvent d'origine
turque ou circassienne, qui ont fondé en Egypte la dynastie du même nom.
Alain Testart
Un précepte bien connu, qui dit qu'un Romain peut s'emparer de tout
étranger (non lié à Rome par un traité de paix ni d'amitié) et en faire son
esclave, est mal interprété par Lévy-Bruhl {ibid. : 26-27). Il signifie que
tout étranger sans protection peut légitimement être réduit en esclavage :
il peut l'être, il ne l'est pas. La différence entre l'esclavage et la qualité
d'étranger vient de ce que le premier est un statut reconnu à Rome
tandis que le second n'en est pas un47. On dirait de même pour l'homme
sacer, sorte de hors-la-loi qui peut être tué par tout un chacun, qui peut
aussi être réduit en esclavage, mais n'a pas le statut d'esclave ; on dirait
de même du déditice48. Les parallèles africains ne manquent pas. Les
réfugiés, avant d'être agréés comme tels, ne sont que des hors-la-loi,
nullement des esclaves et en général ils ne le deviendront pas ; tout comme
les vagabonds ou les hommes errants en territoire samo seront quant à
eux réduits en esclavage49 mais, avant de l'être, ils n'étaient que des
vagabonds, nullement des esclaves.
Un raisonnement sociologique élémentaire aboutirait à la même
conclusion. On entre en esclavage par des rituels appropriés (le rasage de
la tête ou l'absorption d'une drogue étant les plus courants en Afrique) ;
on en sort par d'autres rituels (celui de l'adoption) ou par des procédures
publiques à Rome. L'esclave en tant que dépendant est intégré à la société,
nous l'avons dit : à Rome il fait partie de la familia, partout ailleurs il fait
partie d'une unité politique, résidentielle, productive, etc. Être exclu d'une
des dimensions fondamentales par laquelle se définit et se conçoit la
communauté, ce n'est pas être exclu de la société. L'esclave a une place dans la
société, comme tout dépendant d'ailleurs (sinon il ne serait pas
dépendant), mais pas le vagabond, l'étranger, V homo sacer. Cette place dans la
société, c'est, traduite en termes de droit, le statut.
Les éléments de ce statut sont extrêmement variables d'une société à
l'autre. Nous en avons déjà touché un mot. Voici plus généralement quels
sont les principales questions qui se posent :
— le maître a-t-il un droit absolu de vie et de mort sur son esclave ? Nous
entendons par droit absolu un droit qui peut s'exercer quelle qu'en soit la
motivation et qui napas besoin d'être justifié, à distinguer soigneusement du
droit de punir (donc seulement en cas de faute), punition qui
éventuellement peut entraîner la mort de l'esclave ;
47- Je ne parle pas bien sûr des peregrins, cas particulier d'étrangers protégés par Rome, qui ont un statut. 55
48. Le dediticius, c'est celui qui s'est rendu sans condition, qui s'est livré à la merci de Rome, ayant com- 2
battu Rome et ayant été défait : il n'est pas esclave, il peut être réduit en esclavage par les Romains, il ^J
peut être tué, il peut aussi avoir un statut différent, tout cela au bon plaisir du vainqueur. La différence «/>
entre le déditice et l'esclave est que le premier n'a pas de statut : il n'y a pas de statut de déditice, car c'est Q
seulement en étant transformé en esclave, en allié, etc., qu'il acquiert un statut. P
49. Héritier 1975 : 487 sq. s3
50. Les deux ouvrages de références restent ceux de Meillassoux (1975, éd.) et de Miers & Kopytoff, eds.
(1977). Sans vouloir faire justice d'une documentation abondante mais fort inégale, signalons les
contributions importantes de Rattray (1929), remarquable par sa précision toute juridique, et celle de Smith
et Dale (1920) qui consacrent chacun un chapitre entier à la question de l'esclavage. Le livre de Nieboer
(1900), en dépit de son ancienneté, fournit un aperçu toujours valable sur la répartition du phénomène
esclavagiste en Afrique. Enfin, il convient de ne pas négliger les codes de Y Ethnographie Atlas de Murdock
qui, relativement à l'esclavage, au moins en ce qui concerne l'Afrique, fournit des indications correctes.
Reportés sur une carte, ils permettent de visualiser aisément la répartition de l'esclavage. Cette carte étant
en cours de révision, nous ne l'avons pas reproduite ici.
5 1 • Ni non plus chez les Khoisan et autres chasseurs-cueilleurs.
52. Y compris dans des sociétés où on l'attend le moins : chez les Samo, ainsi que le montre F. Héritier
(1975), chez les Dogons pour lesquels il était noté par D. Paulme (1940 : 107-109), mais on peut
désormais lire les informations fournies par Holder (1998), non pas chez les Fang pour lesquels il n'a pas été,
du moins à ma connaissance, signalé mais chez les Beti au Cameroun (Laburthe-Tolra 1981 : 343-344,
363-364). Nous ne pouvons néanmoins exclure que quelques sociétés aient pu faire exception.
Alain Testart
autres sociétés africaines ; à noter qu'il est quelquefois fait mention de
condamnation à l'esclavage pour crime, mais c'est alors là l'effet d'une
condamnation par les autorités politiques53 ;
- le maître dispose certes d'un droit de punition quasiment illimité en
lui infligeant au besoin des châtiments si sévères que la mort puisse
s'ensuivre pourvu qu'elle n'ait pas été préméditée54 ; mais il n'a pas un droit
absolu de vie et de mort sur l'esclave55 ;
- il existe certaines prescriptions en faveur d'une esclave prise comme
concubine par son maître et pour ses enfants56 ;
- en revanche, l'esclave n'a jamais droit au patrimoine57, et en
conséquence ne peut tester ;
- il ne peut témoigner dans un procès ni poursuivre son maître en justice.
Tous ces traits correspondent à la législation islamique. Ils concernent
d'ailleurs la région des royaumes anciennement islamisés (ancien Ghana,
Mali, empire des Songhay, cités hausa), les Peuls du Fouta-Djalon, les
Wolof et les Sereer, etc. ; nous ne pouvons exclure bien entendu que
ce modèle ait pu avoir une influence très au-delà de l'aire d'extension
proprement dite de l'islam.
Hormis ces vastes régions dans lesquelles l'influence islamique se fait
sentir, le reste de l'Afrique semble fortement homogène : partout où nous
avons des données suffisantes il existe un esclavage interne. D'abord, un
esclavage pour dettes, éventuellement à la suite d'une mise en gage.
Presque partout la possibilité pour les parents, père ou oncle maternel
selon les cas, de vendre en esclavage (ou mettre en gage) un parent.
Par ailleurs, nous enregistrons une distinction tout à fait nette entre :
1) le statut de l'esclave au sein de puissants États où le roi dispose d'un
pouvoir absolu : le maître n'y a en général pas le droit de vie ou de mort sur
53. Pour le sultanat de Damagaram (confins des actuels États du Nigeria et du Niger), Dunbar (1977 :
162) indique très nettement ce contraste : « aucun individu ne peut réduire un autre en esclavage pour
dettes » (entendons : aucun particulier) mais le vol (toujours très fortement réprimé en Afrique de
l'Ouest) peut être puni par la réduction en esclavage (et c'est alors une punition infligée par les autorités
publiques). Fisher & Fisher (1970) qui commentent le journal de voyage de Nachtigal font également
mention de punition de crime par la réduction en esclavage.
54. Chez les Peuls du Fouta-Jalon, le maître ne peut tuer « délibérément » son esclave ; mais si un
fugitif repris et puni pour sa tentative de fuite (fouet et supplice des fers) mourait à la suite de ces sévices,
« son maître ne faisait l'objet d'aucune poursuite » (Baldé 1975 : 199-200). Législation analogue dans la
loi hébraïque (Ex. 21, 20-21) : lorsqu'un maître frappe un esclave et qu'il meurt sous sa main, il répond
de ce meurtre, mais si l'esclave ne meurt que le lendemain, le maître est réputé innocent - probablement
parce qu'il n'a pas eu l'intention de le tuer. 52
55. L'absence de sacrifice des esclaves en pays musulman est un fait noté par tous. v\
56. Chez les Wolof et les Sereer, la concubine qui a des enfants du maître est libre (Klein 1977 : 347). uj
Au Fouta-Jalon, les enfants d'une concubine sont libres (Baldé 1975 : 206). Ici encore, ces prescriptions ^J
rappellent celles du droit hébreu : une esclave d'origine étrangère prise comme concubine ne peut plus {O
être vendue (Dt. 21 10-14). Q
57. Et donc le rachat de sa liberté par l'esclave ne peut intervenir que grâce à une fiction juridique : le ?
maître laisse l'esclave accumuler une somme d'argent qu'il remettra à un tiers qui effectuera le rachat. ^Ui
58. En tout premier lieu chez les Ashanti et dans les autres royaumes du monde akan : l'esclave acheté
sur un marché extérieur peut être tué sur le chemin mais pas une fois arrivé dans le royaume ; seuls les
grands chefs ont le droit d'exiger que leurs esclaves les accompagnent dans la mort, les hommes du
commun devant, s'ils veulent jouir du même privilège, en demander la permission aux autorités légales ; de
même, si le maître veut punir son esclave, il doit demander la permission à ces mêmes autorités qui
enverront leurs bourreaux ; l'esclave dispose du droit de propriété, peut se marier, agir en justice, etc.
(Rattray 1929 : 35 sq. ; Terray 1975 : 406-407). Même monopole royal de la mise à mort chez les Margi
(Vaughan 1977 : 98) ou dans le puissant royaume des Bamoum (Tardits 1980 : 468, 469, 525-526, le
maître n'ayant pas le droit de tuer un esclave mais celui de le faire suivre dans sa tombe). En revanche,
le maître, semble-t-il, conserve son droit de vie et de mort dans le royaume Nupe (Nadel 1971 : 171) et
chez les Bambara (Aubert 1939 : 37) : notons que ces populations ne pratiquent pas - sauf cas
exceptionnel - le sacrifice humain ni la mise à mort lors du décès du maître et que l'esclave ne peut donc être
tué qu'au titre de punition pour faute grave.
59. Chez les Vai, aux confins du Sierra Leone et du Libéria (Holsoe 1977 : 291 ; tandis que chez les
Sherbro, l'esclave ne peut être mis à mort parce que le sang souillerait la terre (MacCormack 1977 : 188) ;
chez les Yoruba (Talbot 1926, III : 699 ; Forde 1951 : 26) ; chez les Ibo (Forde & Jones 1950 : 23) ; chez
les Douala au Cameroun (Austeen 1977 : 315-316) ; chez les Beti (Laburthe-Tolra 1981 : 343, 363-
364) ; chez les BaCongo (MacGaffey 1977 : 241-242) ; chez les Kukuya (BaTéké) (Bonnafé 1975 :
550) ; chez les Baila (Tuden 1970 : 54), etc.
60. Comme on sait par ailleurs qu'une des stratégies typiques des sociétés lignagères est l'intégration à
plus ou moins long terme des esclaves au lignage, il en résulte une curieuse ambiguïté. Elle se traduit par
ces divergences d'opinion relevées par Laburthe-Tolra (1981 : 364 et n. 10) à propos des Beti : les uns
prétendent que l'esclave ne doit pas survivre au maître, doit être exécuté le jour où meurt son patron pour
le suivre dans sa tombe et un chef s'indigne même qu'il puisse en aller autrement ; les autres pensent tout
naturel que les bons esclaves soient adoptés.
61. Les premières lois de protection de l'esclave datent du tout début de l'empire : interdiction de livrer
l'esclave aux bêtes dès 19 ap. J.-C, puis défense faite à un maître d'abandonner un esclave vieux et
malade, assimilation du meurtre de l'esclave à un homicide, etc.
Alain Testart
en Chine, etc. Nous montrerons ailleurs62 toute la généralité de ce phénomène
et en rendrons compte.
Pour le moment, il nous suffira d'expliquer pourquoi c'est au sein des
sociétés lignagères (ou du moins celles qui ne connaissent pas d'États forts
de type despotique) que l'institution esclavagiste prit des formes qui
ressemblent fort à celles qui prévalaient dans l'Antiquité classique, c'est-à-
dire dans le monde des cités.
66. Girard (1929, 1 : 104-105) qui mentionne ces données, si fiable par ailleurs, y voit à tort des indices
de reconnaissance de la personnalité de l'esclave. Mais c'est confondre personnalité et humanité : ces
deux notions sont certes indissociables dans le droit moderne mais pas dans le droit romain. L'esclave
romain n'a pas de personnalité (juridique) mais c'est un être humain (qualité à la fois biologique et
ontologique, avec toutes les conséquences religieuses que cette qualité implique).
67. L'exclusion de l'esclave du droit implique pour le maître le droit de vie et de mort sur son esclave,
mais l'absence de ce droit pour le maître n'implique pas la reconnaissance de droit pour l'esclave. Auguste
put très bien interdire aux propriétaires d'esclaves de les livrer aux bêtes sans pour autant reconnaître à
l'esclave aucun droit. La reconnaissance de la personnalité juridique de l'esclave devra à Rome attendre
plus longtemps et se fera essentiellement pour d'autres raisons que celles de l'intérêt de l'esclave.
68. De Rep. XXVII, Cicerón 1965 : 31-32 (mes italiques).
Alain Testart
Les sociétés lignagères ne se conçoivent certainement pas de cette façon.
Elles pensent parenté. Corrélativement elles pensent l'esclave comme étant
65
exclu de l'ordre de la parenté. Dans de telles sociétés, qui sont en même
temps des sociétés sans État, il n'existe de droit que garanti par ceux qui
sont solidaires, c'est-à-dire par le lignage, par les parents. Ne pas avoir de
parents, c'est ne pas avoir de droit. Un homme sans parent, c'est un homme
sans personne pour le défendre, c'est un homme sans droit. Et un homme
sans parents ou sans droit, on peut toujours le tuer impunément 69.
Avec l'État, les données du problème se trouvent profondément
modifiées. Non pas n'importe quel type d'État, non pas un État conçu, ainsi
qu'il en va dans le cas des cités antiques, comme l'ensemble même des
citoyens, non pas un État qui s'identifie à la communauté politique. Mais
avec un État qui s'incarne dans la personne du souverain, lequel est au-
dessus de la communauté. C'est désormais un jeu à trois, entre le roi,
l'esclave et son maître70. L'esclave peut bien être exclu de la communauté des
hommes (que l'on appellera « libres » ou au contraire « sujets » selon les
goûts) et en même temps être protégé par le roi contre son maître.
D'une société à l'autre, change le statut (juridique) de l'esclave ; change
aussi, d'un type de société à l'autre, la forme ou la nature (sociale) de
l'exclusion par laquelle se définit l'esclave. C'est la forme de l'exclusion et,
plus généralement, le type de société qui commandent le statut.
RÉFÉRENCES Aubert, A.
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69. « Ce qui caractérise les hommes en servitude par opposition à ceux qui sont libres, c'est l'absence de
parents susceptibles de les soutenir — « ils n'ont personne dans leur dos », comme diraient les Tonga des
lacs (Van Velsen 1964 : 262, n. 2) —, personne qui pourrait défendre leurs droits ou appuyer leur action. I
Et la sanction ultime qu'un maître avait sur ses dépendants était sa liberté de les tuer sans risquer des
représailles de la part de ses parents » (Mitchell 1970 : 308).
70. Toute cette problématique n'ayant bien sûr de sens que lorsque le maître est distinct du roi, dans le cas de
l'esclavage « privé », pourrait-on dire en reprenant le titre de l'ouvrage déjà commenté de Lingat. Nous avons tu
8
3
noté comment les dits « esclaves royaux » relevaient, au moins dans certains cas, d'un statut spécial.
Alain Testart
Howell, P. P. Lingat, R.
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Alain Testart
RÉSUMÉ/ABSTRACT
Alain Testart, L'esclavage comme institution. — Alain Testart, Slavery as an Institution. —
Cet article s'inscrit dans une recherche plus Corning out of a broader research project on 69
vaste sur les formes de dépendance. Son forms of dependence, this methodological
propos est méthodologique ; il s'attache avant tout article primarily seeks to provide a
à fournir une définition de l'esclave sufficiently general definition of slaves so as to
suffisamment générale qui permette de différencier differentiate slavery from other forms of
cette forme de dépendance d'autres formes dependence with which it is often confused.
avec lesquelles elle est souvent confondue. Il On the basis of data mostly from precolonial
s'achève sur des considérations comparatives black Africa and ancient Greece and Rome,
concernant la façon dont le statut juridique comparative considerations are brought to
de l'esclave varie en fonction du type de bear about how the legal status of slaves
société. Les principales données utilisées sont varies as a function of the type of society.
celles de l'Afrique noire précoloniale et celles
de l'Antiquité classique.