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LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES

HISPANIQUES

Contribution à l' histoire économique


de la Péninsule Ibérique sous l'Empire Romain

A Paul MAYET, mon père


A Robert ÉTIENNE, mon maUre
1

PUBLICATIONS DU CENTRE PIERRE PARIS (E.R.A. 522)


ISSN 0339-1736

1. F. MAYET, Les céramiques à parois fines dans la Péninsule Ibérique, Paris, 1975.
2. A propos des céramiques de Con imbriga (Table ronde tenue à Conimbriga, Portugal, les 25, 26 et 27 mars 1975)
(Extrait de Conimbriga, XIV, 1975), Paris, 1976.
3. F. ARIAS VILAS, P. LE Roux et A. TRANov, Inscriptions romaines de la province de Lugo, Paris, 1979.
4. J.-O. GORGES, Les villas hispano-romaines. Inventaire et Problématique archéologiques, Paris, 1979.
5. P. PARIS, L'Espagne de 1895 et/897. Journal de voyage, Paris, 1979.
6. M.H. QUET, La mosalque cosmologique de Mérida. Propositions de lecture (Extrait de Conimbriga, XVIII, 1979 et
XIX, 1980), Paris, 1981.
7. A. TRANOY, La Galice romaine. Recherches sur le nord-ouest de la Péninsule Ibérique dans l'Antiquité, Paris, 1981.
8. P. LE Roux, L'armée romaine et l'organisation des provinces ibériques d'Auguste à l'invasion de 409, Paris, 1982.
9. C. DOMERGUE, La mine antique d'Aijustrel (Portugal) et les Tables de bronze de Vipasca (Extrait de Conimbriga,
XXII, 1983), Paris, 1983.
10. Épigraphie hispanique. Problèmes de méthode et d'édition (Table ronde internationale du CNRS, tenue les
8-10 décembre 1981, à l'Université de Bordeaux Ill), Paris, 1984.
11. A. COFFYN, Le bronze final atlantique dans la Péninsule Ibérique, Paris, 1984.

Directeur des Publications : R. ÉTIENNE


Secrétaire de rédaction : F. MAYET
Université de Bordeaux III
33405 TALENCE
.. . .
CEDEX
~
(France.)
PUBLICATIONS DU CENTRE PIERRE PARIS (E.R.A. 522)
12
COLLECTION DE LA MAISON DES PAYS IBÉRIQUES (G.I.S. 35)
21

Françoise MAYET
Chargé de recherche au CNRS

LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES


HISPANIQUES

Contribution à l'histoire économique


de la Péninsule Ibérique sous l'Empire Romain

I . - TEXTE

Avec la collaboration de M. PICON et A. TAVARES.

Ouvrage publié avec le concours


du Centre National de la Recherche Scientifique (Paris)
et de la Casa de Ve/Qzquez (Madrid)

DIFFUSION DE BOCCARD
11, rue de Médicis, PARIS (VIe)
1984
APPENDICES 303

APPENDICE Il

RECHERCHES SUR LES COMPOSITIONS DES SIGILLÉES HISPANIQUES


TECHNIQUES DE FABRICATION ET GROUPES DE PRODUCTION*

1. - LES TECHNIQUES DE FABRICATION

Il ne s'agit pas ici de reprendre, à propos des céramiques sigillées hispaniques, tous les chapitres que pourrait comporter
une étude technique de la terre sigillée. Dans ce domaine les fabrications hispaniques ne se distinguent guère, à leur apogée du
moins, de l'ensemble des productions méditerranéennes de céramiques sigillées. Or, si bien des points demeurent encore hypo-
thétiques dans la fabrication de cette catégorie de céramiques, il ne semble pas que le matériel hispanique ait fourni l'occasion
de nouvelles observations permettant de réduire ces incertitudes. Aussi l'étude proprement technique des productions hispani-
ques nous retiendra-t-elle moins que certains aspects particuliers de leur technologie dont la connaissance est précieuse pour
comprendre les relations qui ont pu exister entre les ateliers hispaniques et les autres ateliers de céramiques sigillées, italiques ou
sud-galliques principalement.
C'est ainsi que des caractér istiques techniques traditionnelles, et parfois même essentielles pour la fabrication des vérita-
bles sigillées, peuvent faire défaut à certaines époques. Lorsque c'est le cas au début de la production sigillée d'un atelier, cela
signifie qu'on se trouve en présence d'imitations qui sont le plus souvent l'œuvre de potiers locaux, et certainement pas l'œuvre
de potiers venant d'ateliers plus évolués, italiques ou sud-galliques par exemple. De même on peut déceler parfois dans l'aban-
don de certaines pratiques, caractéristiques des véritables sigillées, un retour à des traditions locales, ou l'adoption de procédés
venant de régions qui ont développé des fabrications où la romanisation des techniques céramiques se fait peu sentir, comme
c'est le cas, entre autres, des sigillées africaines.
Deux points de la technique de fabrication des céramiques sigillées paraissent particulièrement favorables à de telles inves-
tigations. L'un concerne la composition des céramiques sigillées, ou si l'on préfère le choix des argiles utilisées pour leur fabri-
cation, et, plus précisément encore, l'emploi préférentiel des argiles calcaires. L'autre est celui de la cuisson des céramiques
sigillées qui est très étroitement liée aux caractéristiques des vernis argileux des productions sigillées ou de leurs imitations.
Nous examinerons successivement ces deux aspects majeurs de la technologie des fabrications hispaniques de céramiques
sigillées. Toutefois nous n'évoquerons ici que les problèmes généraux relatifs aux compositions et aux cuissons des sigillées his-
paniques, espérant surtout convaincre de l'intérêt d'effectuer des observations plus précises à mesure que se développeront les
recherches et d'abord les fouilles d'ateliers. C'est seulement lorsqu'on sera parvenu à rassembler suffisamment d'observations
de ce genre qu'il sera possible de les utiliser en toute objectivité : elles pourront alors contribuer efficacement à démêler le jeu
des innuences et des transferts qui sont à l'origine des productions hispaniques de céramiques sigillées. Nous évoquerons cepen-
dant brièvement ces problèmes d'innuence lorsque nous traiterons des différents ateliers hispaniques.

1. COMPOSITION DES SIGILLÉES HISPANIQUES

Les sigillées hispaniques sont dans leur très grande majorité des céramiques calcaires, comme le sont toutes les sigillées de
tradition méditerranéenne 1 • C'est ce qu'on peut voir sur le tablea u ci-dessous où l'on a rassemblé les valeurs moyennes (et les

• Il est prévu de reprendre ce texte dans une publication séparée en complétant l'exposé des recherches effectuées en laboratoire et en
regroupant tous les résultats d'analyses ainsi que le catalogue des céramiques étudiées (à paraître dans Documents du Laboratoire de céramolo-
gie de Lyon).
1. Précisons tout de suite que le calcium (Ca) qui apparaît sous forme d'oxyde, ou chaux (CaO) dans les résu ltats d'analyse d'une cérami-
que, provient le plus souvent du carbonate de calcium, calcite, ou calcaire (CaC03) qui se trouvait en mélange dans l'argile, avant cuisson.
Dans fa céramique, le calcium peut rester sous forme de carbonate si la cuisson a eu lieu à basse température; on parle alors de calcite primaire
ou originelle. A température un peu plus élevée le carbonate se décomposera en chaux, puis retournera progressivement à l'état de carbonate
par fixation du gaz carbonique (C02) de l'air, une fois la céramique refroidie; on parle alors de calcite secondaire ou de néo-formation. Enfin,
à température encore plus élevée, la chaux provenant de la décomposition du carbonate se combinera aux autres constituants de l'argile pour
donner les silicates de néo-formation que l'on peut observer dans de nombreuses céramiques. Ainsi, lorsqu'on parle des pourcentages de chaux
d'une céramique ou d'une argile, c'est une manière de mesurer sa plus ou moins grande richesse en calcium, étant entendu que le calcium ne s'y
trouve jamais sous forme de chaux libre. Dans le langage courant on parle de céramiques calcaires, ou de céramiques riches en chaux, pour
désigner toutes les céramiques qui sont faites avec des argiles calcaires ; cela ne signifie nullement que le calcium contenu dans les céramiques
s'y trouve réellement sous forme de calcaire ou de chaux. On notera enfin que les pourcentages donnés ici correspondent toujours à des cérami-
ques ou à des argiles qui auraient perdu tout leur gaz carbonique (et leurs autres constituants volatils).
304 LES CÉRA MIQUES SIG ILLÉES HISPANIQUES

dispersions correspondantes) des pourcentages de chaux (CaO) relatifs aux céramiques sigillées des principaux ateliers de tradi-
tion méditerranéenne, et, en regard, ces mêmes grandeurs pour les différents ateliers connus de sigillées hispaniques 2 •

Sigillées de tradition Sigillées hispaniques


méditerranéenne
Arezzo 12, 1 ± 1,8 Tricio . . .................. . .............. . 8,8 ± 1,4
Pise .... . ........... . .................... . 10,3± 1,3 Andujar ....... ............ .... .......... . 11,4 ± 4,0
Pouzzoles ........... • ..... _.............. . 14,6 ± 1,6 Abella ..............•..................... 14,1 ±2,8
La Graufesenque ............. .... ......... . 10,8± 1,4 Grenade ................................. . 11,1±2,1
Montans ................................. . 12,6± 1,8 Bronchales ............................... . 0,7±0,2
Lezoux 11• siècle ............... .. .......... . 9,5± 1,8

On a de fortes raisons de penser que les potiers ont sélectionné des argiles calcaires pour la fabrication des céramiques sigil-
lées de tradition méditerranéenne, étant entendu qu'un tel choix ne concerne pas directement les pourcentages de chaux dans les
argiles, ignorés comme tels des potiers, mais uniquement certaines propriétés particulières, caractéristiques des argiles calcai-
res. Peut-on dans ces conditions penser que les potiers hispaniques ont eux aussi sélectionné des argiles calcaires pour la fabri-
cation des céramiques sigillées? Différents indices permettent de le croire, bien qu'aucun d'entre eux ne paraisse tout à fait
déterminant. L'incertitude qui demeure s'explique par le fait que les premières phases d'activité des ateliers hispaniques sont
encore peu connues ; elle résulte aussi des caractéristiques particulières de la production hispanique ancienne, ainsi que nous le
verrons.
Établir l'existence d'une relation qui ne soit pas accidentelle, entre argiles calcaires et céramiques sigillées, est assez faci le
lorsqu'on peut observer l'implantation des techniques de la céramique sigillée sur des ateliers qui n'utilisaient pas auparavant
ce type d'argile. Encore faut-il pour qu'on puisse être certain de l'interprétation à donner à l'apparition des argiles calcaires sur
ces ateliers, que les céramiques fabriquées antérieurement aux sigillées soient aussi des céramiques à pâte ri ne. Plus déterminant
encore serait que les argiles utilisées pour ces productions anciennes, continuent à l'être pour différentes productions non sigil-
lées, prolongeant des traditions locales, tandis que les argiles calcaires seraient réservées aux productions sigillées, éventuelle-
ment aussi à des productions qui leur sont traditionnellement liées.
L'extinction, sur un atelier, de la production des céramiques sigillées, ou sa transformation en des fabrications technique-
ment différentes, permet également des observations qui peuvent confirmer l'éventualité d'une liaison entre céramiques sigil-
lées et argiles calcaires. C'est notamment le cas lorsqu'on observe l'abandon des argiles calcaires au moment où les techniques
de la sigillée se transforment ou disparaissent sur l'atelier, l'argument étant d'autant plus fort que les transformations ne tou-
chent que les techniques caractéristiques de la sigillée, laissant presque inchangés les formes et les procédés décoratifs.
Sur l'atelier de Tricio il faut attendre le développement des fouilles pour savoir si l'implantation des techniques de lacéra-
mique sigillée peut donner lieu à des observations révélant la volonté des potiers d'utiliser des pâtes calcaires pour cette fabrica-
tion. Ce n'est pas le cas pour l'atelier d' Andujar qui est actuellement le seul atelier hispanique permettant de suivre les phases
du développement prog ressif d'une production sigillée. Malheureusement, les traditions céramiques locales n'autorisent pas
d'observations déterminantes. En effet, la sigillée s'implante à Andujar dans un atelier qui a une tradition ancienne de pâtes
calcaires; elles y sont utilisées pour la fabrication des céramiques peintes de type ibérique. Ces dernières exigent un fond de
pâte clair sur lequel le décor peut se détacher d'une manière particulièrement heureuse. Or c'est justement là l'une des caracté-
ristiques majeures des pâtes calcaires; elles s'éclaircissent à la cuisson, et cette caractéristique est sans aucun doute celle qui a
permis aux potiers de les reconnaître et de les sélectionner. On notera que l'éclaircissement des pâtes calcaires à la cuisson est
important, surtout lorsque la cuisson a lieu selon le mode A, c'est-à-dire comme les céramiques communes non enfumées (cuis-
son proprement dite à dominante réductrice ct refroidissement oxydant). En mode de cuisson C (cuisson proprement dite et
refroidissement, tous deux oxydants) qui est le mode de cuisson de la céramique sigillée, cette décoloration se produit beaucoup
plus difficilement, ce qui rend compte du fait que les céramiques sigillées, bien qu'en pâte calcaire, conservent une coloration
interne rouge. Ces remarques nous seront utiles pour suivre l'apparition et le développement des fours de sigillées vraies.
Sur l'atelier d'Andûjar, on peut observer que les céramiques sigillées ont des pâtes différentes de celles des céramiques
communes. Ces dernières sont de type non calcaire (OJo CaO = 2,7 ± 1,8), mais ceci ne constitue pas un argument déterminant
en faveur du choix des argiles calcaires pour la fabrication des céramiques sigillées locales. Les potiers avaient certes la possibi-
lité d'employer pour les sigillées les mêmes argiles que celles qu'ils utilisaient pour la fabrication des céramiques communes, au
lieu de choisir celles des céramiques peintes de type ibérique. Mais l'argument eût été bien meilleur s'il n'y avait pas eu sur place
une large utilisation des argiles calcaires avant le développement des productions de céramiques sigillées.

2. Les céramiques d'un melier qui n'aurait utilisé qu'une seule argile n'ont pas des compositions identiques pour autant. Si l'on considère
un cons!ituant quelconque, ses pourcentages mesurés sur un grand nombre de céramiques forment un ensemble de valeurs qui s'écartent peu
d'une valeur moyenne même si la dispersion de ce constituant est faible pour l'atelier considéré; elles s'en écartent au contraire beaucoup si la
dispersion est forte. La plus ou moins grande dispersion des pourcentages d'un constituant autour de la moyenne est mesurée par l'écart-type o
ou écart quadratique moyen. Dans le cas d'une dispersion théorique, dite normale ou de Laplace-Gauss, dispersion qui représente assez
bien celles que l'on peut observer sur les ateliers, 68 OJo des céramiques auront, pour le constituant considéré, des pourcentages qui
se ront compris entre rn - u et iii + o, 95,5 % des céramiques auront des pourcentages compris entre iii - 2 u ct
m + 2 u, enfin 99,7 % d'entre elles seront entre rn - 3 u et iii + 3 u.
Le tableau des pourcentages de chaux qui figure un peu plus loin dans le texte indique donc que 68 Ofo des céramiques sigillées d'Arezzo ont
des pourcentages de chaux qui sont compris entre 10,3 et 13,9 (12,1 - 1,8 et 12,1 + 1,8) et qu'à Bronchales 95,5 OJo des exemplaires sont censés
avoir des pourcentages compris entre 0,3 et 1,1.
APPENDICES 305

A défaut de pouvoir observer ce qui se passe tout au début des productions de l'atelier de Tricia, on dispose pour cet atelier
de quelques éléments permettant d'entrevoir comment évoluent les fabrications vers la fin de la production des céramiques
sigillées. Les séries tardives de l 'atelier de Tricio conservent les techniques décoratives précédemment en usage, comme le décor
moulé, mais il ne s'agit plus, du strict point de vue technique, de véritables sigillées selon le modèle itaEque ou sud-gallique. En
effet, le revêtement de ces productions tardives n'est plus le revêtement semi-vitrifié caractéristique des véritables sigillées, mais
un revêtement orangé, très poreux. On ne dispose pas de suffisamment d'exemplaires de ces fabrications pour pouvoir affirmer
que leur cuisson n'est plus effectuée selon le mode C, spécifique des sigillées véritables, mais selon de mode A qui est celui des
céramiques communes à pâte non enfumée. Cela paraît toutefois très vraisemblable. Quoi qu'il en soit, le fait important c'est
que l'abandon de certaines techniques caractéristiques de la production des céramiques sigillées vraies s'accompagne à Tricio
de l'abandon des argiles calcaires. Les pourcentages de chaux (CaO) de ces productions tardives ne sont plus en effet que de
5,1 ± 1,5, ce qui est nettement en dessous de la limite à partir de laquelle les potiers ont la possibilité de distinguer les argiles cal-
caires de celles qui ne le sont pas (ou le sont peu comme ici).
C'est une tendance générale des productions tardives de céramiques sigillées que d'abandonner l'usage des pâtes calcaires
en même temps qu'elles perdent les caractéristiques techniques essentielles des véritables sigillées. C'est ainsi qu'on peut noter
le pourcentage de chaux, 4,8 ± 1,3, d'un groupe tardif d'origine encore inconnue mais certainement hispanique, numérique-
ment important sur plusieurs sites de la Pérunsule Ibérique, dont celui de Conimbriga 3 • A Andujar même il n'est pas sans in té-
rêt de suivre l'évolution des compositions des céramiques sigillées au cours du temps. Les sigillées les plus anciennes ont un
pourcentage de chaux particulièrement élevé, 19,0 ± 3 ,5, qui est celui des productions de cérarruques peintes de type ibérique.
En réalité nous verrons qu'il ne s'agit pas alors de sigillées véritables, mais d'imitations. Assez rapidement, les taux de calcium
des céramiques sigillées d' Andujar reviennent à des valeurs comparables à celles de la plupart des ateliers méditerranéens de
cérarruques sigillées, soit dans le cas présent : 11,8 ± 2, 7 ; en même temps disparaissent les imitations au profit des techniques
plus affirmées de la période d'apogée de l'atelier. Enfin, les productions tardives, qui montrent une nette détérioration de
1'aspect des pâtes et des vernis, ont des pourcentages de chaux plus faibles, 7,4 ± 1,6, auxquels correspondent des caractéristi-
ques d'argile tout juste perceptibles pour les potiers. Tout se passe ici comme si la dégradation des techniques entraînait l'aban-
don des normes de composition italiques ou sud-galliques.
S'il n'y a rien à dire de particulier, du point de vue qui nous occupe, des ateliers d'Abel/a et de Grenade qui restent dans les
limites habituelles de composition des céramiques sigillées, le cas de l'atelier de Broncha/es qui utilise des pâtes non calcaires
mérite au contraire quelque attention. On peut se demander en effet si l'on ne serait pas en présence d'un atelier qui aurait tenté
d'imiter les productions italiques ou sud-galliques avec les argiles qui étaient employées localement pour des fabrications non
sigillées plus anciennes. Le développement de cette expérience serait resté limité, par suite du caractère peu approprié des argiles
locales, sans qu'on puisse dire tou tefois s'il s'agit de difficultés réelles ou simplement dues au non-respect d'une tradition que
les potiers souhaitaient conserver, bien que sans raisons techruques évidentes. Peut-être ces deux causes sont-elles intervenues
simultanément. Une situation comparable pourrait avoir existé pour de petits ateliers de céramiques sigillées dont les produc-
tions se rencontrent sur les sites de la région de Clunia 4 •

2. CUISSON DES SIGILLÉES HISPANIQUES

L'étude des procédés de cuisson est certainement le domaine où peuvent s'effectuer les observations les plus intéressantes
sur l'évolution technique des ateliers de céramiques sigillées. Les procédés de cuisson constituent en effet la partie la plus origi-
nale, et la plus délicate aussi, de la technologie des fabrications sigillées, celle où des modifications essentielles apparaissent
entre les véritables sigillées et leurs imitations. Le revêtement rouge d'une céramique peut en effet s'obtenir de deux manières
différentes. La plus simple, et donc la plus ancienne, consiste à utiliser un vernis argileux dans des conditions où son grésage ne
puisse se produire, soit que la température de cuisson demeure trop basse, soit, plus simplement encore, que la préparation du
vernis soit insuffisamment élaborée, consistant par exemple en une très banale suspension argileuse (plutôt riche en fer et pau-
vre en calcium, pour que sa teinte soit très rouge). En l'absence de grésage le revêtement de la céramique reste poreux, mais son
mode de cuisson peut être particulièrement simple. C'est celui des céramiques communes non enfumées (mode A), lequel
s'accommode de fours du type le plus commun où les flammes traversent librement la chambre de cuisson. Si l'on désire au
contraire obtenir un revêtement grésé, relativement imperméable, comme l'est celui des véritables sigillées, la cuisson ne peut
s'effectuer dans un tel four. Le grésage du vernis y développerait une coloration noire conduisant à des revêtements compara-
bles aux vernis attiques ou campaniens. Pour obtenir un vernis qui reste rouge, tout en étant grésé (ou plus précisément semi-
vitrifié) comme le sont les vernis des véritables sigillées, il faut modifier le four, de telle sorte que les flammes et les fumées
soient complètement séparées de la chambre de cuisson où se trouvent les céramiques à cuire. Dans ces conditions l'atmosphère
de cuisson des céramiques demeure constamment oxydante (mode C), et le vernis reste rouge même après grésage.
Entre une céramique dont le vernis est poreux, non grésé, et une céramique sigillée à vernis semi-vitrifié, imperméable, la
différence est considérable sur le plan technique. La fabrication des sigillées vraies suppose que le potier sache préparer un ver-
nis argileux susceptible de gréser, qu'il sache également construire un four à tubulures où la cuisson se fera entièrement en
atmosphère oxydante, à l'abri des flammes et des fumées. La réalisation de tels fours pose de multiples problèmes, étant donné
la difficulté d'assurer leur étanchéité et d'atteindre les températures élevées nécessaires au grésage en atmosphère oxydante.
Aussi admet-on généralement, comme hypothèse de travail, qu'un atelier qui se serait mis tout à coup à fabriquer de véritables
sigillées, sans que cette fabrication ait été précédée d'une période de tâtonnements divers, a dû bénéficier de l'arrivée de potiers
ayant pratiqué ailleurs les techniques de la céramique sigillée.

3. Cf. p. 314.
4. Cf. p. 308.

.··
. :~
306 LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

Sur l'atelier d'Andujar, l'observation des niveaux les plus profonds montre que les premières céramiques à vernis rouge ne
sont certainement pas l'œuvre de potiers venant d'ateliers italiques ou sud•galliques, puisqu'il ne s'agit pas de véritables sigil-
lées. Elles ont en effet un vernis poreux non grésé, et les exemplaires les plus cuits ont une pâte claire, de teinte jaunâtre, qui
suggère un mode de cuisson A plutôt que C. Des expérimentations complémentaires en laboratoire permettraient sans doute de
décider sur ce dernier point. Mais les observations archéologiques devraient suffire ici, pourvu que l'on ait la possibilité d'exa-
miner attentivement l'ensemble du matériel de ces premiers niveaux, ou qu'on soit réellement en mesure de conclure à l'absence
de tuyaux de chaleur dans les dépotoirs des ateliers de cette première période. Quoi qu'il en soit, il demeure d'un grand intérêt
d'étudier avec un soin particulier les formes et les décors des moules et des céramiques qui proviennent des niveaux où apparais-
sent pour la première fois les vernis grésés et les conduits de chaleur. Toute innovation importante dans le répertoire des formes
et des décors pouvant alors être soupçonnée de relever du même courant d'influences que les innovations techniques. Dans
cette perspective il convient de porter une attention toute spéciale à l'origine des moules, puisqu'on connaît des exemples où les
influences venues d'un atelier donné s'accompagnent de transferts de moules, liés, très probablement, à des déplacements de
potiers.
Dans le cas d' Andùjar il n'est toutefois pas certain que des influences aussi directes se soient jamais manifestées. Il semble
en effet que les niveaux où apparaissent les premières sigillées vraies comportent à Andujar de très nombreuses céramiques
ayant subi des accidents de cuisson dus sans aucun doute à des défauts d'étanchéité sur les conduits de chaleur. Cela se traduit
par des vernis aux couleurs variables, allant du rouge au noir. Aussi peut-on penser qu'une période de tâtonnements fut néces-
saire entre les imitations de sigillées du début et les sigillées vraies de la période d'apogée. Dans la mesure où une telle observa-
tion serait confirmée par les découvertes à venir, elle suggérerait le travail de potiers locaux plutôt que celui des potiers venus de
l'extérieur pour implanter sur l'atelier d' Andujar les techniques de la céramique sigillée.
Sur les autres ateliers de sigillées hispaniques aucune observation n'est actuellement possible par suite du caractère trop
ponctuel des découvertes ou de l'absence de fouilles intéressant les niveaux les plus anciens. Tout au plus peut-on signaler que
rien ne semble distinguer, du point de vue des cuissons, les productions de Tricio, A bella et Grenade, de leurs modèles italiques
ou sud-galliques. 11 en est de même à Andùjar après les périodes d'imitations et de tâtonnements signalées précédemment.
L'atelier de Broncha/es, quant à lui, pose un problème particulier ; les vernis des céramiques que nous avons pu étudier présen-
taient des variations de teinte considérables, suggérant là encore une période d'essais et de tâtonnements, ce que tendraient à
confirmer les observations effectuées sur cet atelier à propos des compositions de pâte.
L'importance des problèmes de cuisson est grande également lorsqu'on étudie les productions tardi ves. On a déjà signalé
que ces productions paraissent se caractériser par l'abandon progressif des pâtes calcaires et sans doute aussi par le retour à des
modes de cuisson moins élaborés, du genre de ceux qui sont employés pour les céramiques communes non enfumées (mode A).
Cela implique que soit évité le grésage du vernis afin de ne pas obtenir de revêtement à dominante noire. Cette absence de gré-
sage est responsable de la coloration orangée caractérisant la plupart de ces productions tardives. Mais l'interprétation des
diverses transformations affectant les sigillées du Bas-Empire n'est pas évidente. Peut-être s'agit-il simplement d'une dégrada-
tion affectant une technique particulièrement complexe, celle des véritables sigillées, qui revient alors à des procédés plus sim-
ples et plus économiques. C'est en tout cas l'hypothèse la plus probable. Toutefois on ne saurait écarter, en l'absence d'études
effectuées sur les ateliers, l'influence qu'ont pu avoir sur la technologie des productions hispaniques tardives les sigillées claires
gauloises ou africaines.

II. - LES SIGILLÉES DU HAUT-EMPIRE

Les recherches effectuées en laboratoire sur les céramiques sigillées hispaniques n'avaient pas pour objectif principal
l'étude technique de ces fabrications. li s'agissait en réalité de caractériser les différents ateliers, connus ou inconnus, afin
d'être en mesure d'identifier leurs productions sur les sites d'habitats. Toutefois, avant de parvenir à leur point d'achèvement,
ces recherches donnent lieu à de nombreuses vérifications qui fournissent souvent des indications intéressantes sur les ateliers
producteurs. C'est ainsi qu'on peut être amené à recouper des classifications fondées sur d'autres critères que les critères de
pâte, à comparer les compositions des sigillées avec celles d'autres céramiques, différentes sur le plan de la technique, de la date
ou du lieu de fabrication, à vérifier l'homogénéité de certains groupes, à retrouver des origines, à observer les relations des ate-
liers avec leur environnement géologique ... Mais les particularités de chacun des ateliers étudiés, et s1,1rtout le degré plus ou
moins avancé des investigations archéologiques, font que les résultats sont d'un intérêt fort inégal selon l'atelier considéré, et
souvent même sans correspondance aucune d'un site à l'autre. C'est dire qu'on ne saurait envisager actuellement d'écrire une
série cohérente de monographies sur les différents ateliers de sigillées hispaniques. On se contentera de présenter à propos de
chacun d'eux les observations et renseignements divers que les recherches en laboratoire (recherches poursuivies très souvent
sur le terrain) ont permis de rassembler.

1. PRODUCTIONS DE L'ATELIER DE TRICIO

L'atelier de Tricio, tel que nous l'entendons ici, recouvre J'ensemble des officines de Tritium Magallum. Lorsqu'il sera
nécessaire de désigner les centres de production situés aux abords immédiats du village actuel de Tricio, on utilisera les lieux-
dits, ou l'on précisera qu'il s'agit des officines proches du village.
APPENDICES 307

Les analyses de laboratoire ont porté sur 124 exemplaires de céramiques et d'argiles. Un premier lot de 47 fragments (son-
dages inédits de J .C. Elorza) comprenait 32 sigillées lisses ou décorées et 15 moules. Un second lot était constitué de 38 frag-
ments de Bezares (fouilles M.A. Mezquiriz de Catalan) et comprenait 31 céramiques sigillées et 7 moules. Les exemplaires res-
tants provenaient de ramassages de surface sur les sites suivants : El Quemao, 10 exemplaires dont 7 sigillées, 2 moules et
J céramique vernissée ; Las Tejeras (partie proche du village), 9 exemplaires dont 3 sigillées, 1 moule et 4 céramiques vernis-
sées; Las Tejeras (partie éloignée du village), 4 exemplaires dont 3 sigillées et 1 céramique vernissée; Ermita N.S. de Arcos,
5 exemplaires de sigillées ; Baron de Mahave, 3 exemplaires de briques ; Navarrete, 8 exemplaires dont 5 céramiques modernes
et 3 argiles; Hornos de Moncalvillo, 1 exemplaire d'argile. Précisons que les céramiques vernissées qui apparaissent sur cet
inventaire sont revêtues d'un vernis plombifère; leur ancienneté ne paraît pas pouvoir remonter à plus d'un siècle ou deux. Par
contre les briques semblent être d'époque romaine; elles proviennent de ramassages au voisinage d'un four antique.
La récapitulation par catégories des 124 exemplaires analysés fait apparaître 81 sigillées, 25 moules, 3 briques, Il cérami-
ques modernes et 4 argiles.
L'analyse et la classirication s des 124 céramiques et argiles précédentes révèle l'existence d'un groupe comprenant
94 exemplaires dont les compositions présentent entre elles de fortes ressemblances. C'est ce groupe qui constitue le groupe de
référence principal de l'atelier de Tricio. Les valeurs moyennes et les dispersions de ce groupe sont les suivantes :

K20 = 3,82 ± 0,43 Si02 = 56,0 ± 1,85


MgO = 3,64 ± 0,78 Ti0 2 = 0,836 ± O,û20
CaO= 8,81 ± 1,41 Al 20 3 = 20,3 ± 1,05
MnO = 0,052 ± 0,010 Fe20 1 = 6,47 ± 0,33

Les exemplaires qui ne figurent pas dans ce groupe principal sont d'abord un certain nombre de céramiques sigillées du
Bas-Empire qui diffèrent de l'ensemble des céramiques de Tricio par des pourcentages de chaux (CaO) nettement inférieurs (les
productions du Bas-Empire de Tricio feront l'objet d'une étude particulière, avec les autres productions hispaniques de cette
période).
Manquent également dans le groupe de référence quelques exemplaires de céramiques sigillées qui ne semblent avoir en
commun aucune particularité autre que des pourcentages de potasse (K20) très in férieurs à la moyenne des céramiques de Tri-
cio. 11 est actuellement difficile de dire si l'on se trouve en présence d'altérations ou d'une variété d'argile peu représentée.
Les autres exemplaires à n'avoir pas été conservés dans le groupe de référence sont, outre quelques rares céramiques aux
compositions aberrantes, dépourvues d'intérêt, une fraction importante des céramiques modernes et des argiles. Les unes et les
autres avaient été analysées pour tenter de savoir si les caractéristiques de composition du groupe de Tri cio pouvaient se retrou-
ver à d'autres époques ou en d'autres lieux. Il ne s'agit cependant que d'une toute première approche de ces problèmes.
Sur les 6 exemplaires de céramiques vernissées recueillies sur les sites proches du village de Tricio, 3 entrent sans problème
dans le groupe de référence principal. Les 3 autres n'en sont pas très éloignés, leurs compositions étant toutefois un peu mar-
ginales. On peut donc penser que des ateliers ont fonctionné à l'époque moderne en Rioja, et peut-être même à Tricio, utilisant
des argi les t irées des mêmes formations géologiques que celles qui furent exploitées à l'époque romaine. Aussi peut-on escomp-
ter qu'une même continuité existe pour les productions médiévales dont plusieurs indices permeuent de supposer la fabrication
en Rioja. Mais ce qui fait difriculté, c'est moins la continuité dans le temps que la continuité dans l'espace ; jusqu'où peut-on
s'attendre à retrouver des caractéristiques semblables à celles des céramiques de Tricio?
Les formations argileuses miocènes du Bassin de l'Èbre sur lesquelles sont implantés les ateliers de Tritium Magallum ont
une puissance et une étendue considérables ne permettant pas d'exclure à priori, malgré l'existence de nombreuses variations de
faciès, que l'on puisse retrouver les mêmes compositions en des points éloignés les uns des autres. En l'absence d'une campagne
systématique de prélèvements et d'analyses d'argiles, on peut aborder ces questions par le biais des résultats obtenus sur les
divers ateliers de la région. Ainsi peut-on noter que l'atelier de Bezares qui se trouve à environ 4 kilomètres du village de Tricio
présente des compositions légèrement différentes de celles des officines proches du village, les deux groupes se séparant avec un
taux de recou vrement inférieur à 10 fiJo. La séparation est plus nette encore pour les céramiques et les argiles de Navarrete, gros
centre de poterie traditionnelle situé à 15 kilomètres de Tricio. Par contre, les différences paraissent peu marquées entre les
officines proches du village de Tricio et celle de Bar6n de Mahavc qui est à 5 kilomètres des précédentes .
Il semblerait donc, sous réserve de vérifications ultérieures, que les variations de faciès des formations miocènes de la
Rioja deviennent perceptibles, pour les argiles à poterie, dès lors qu'on se déplace de 5 à 10 kilomètres. Cela signirie que si
d'autres officines existent dans un rayon d'une dizaine de kilomètres autour du village de Tricio, il sera sans doute très difficile,
voire impossible, d'en distinguer les productions d'après la composition des pâtes. Mais cela signifie aussi que le groupe de
référence de l'atelier de Tricio ne doit pas pouvoir être gravement mis en défaut par suite de l'existence d'officines encore

5. Les analyses ont été faites par fluorescence X sur échantillon en dilution solide dans un fondant. Huit constituants principaux de la
céramique ont été déterminés, l'expérience montrant que cela suffit pour traiter la plupart des problèmes de classification des céramiques.
L'opération de classification consiste ici à regrouper les céra miques dont les compositions se ressemblent. La méthode la plus utilisée est
l'analyse des grappes, après avoir calculé les ressemblances des céramiques ent re elles, on transcrit ces calculs sous forme d 'un diagramme
arborescent, ou dendrogramme (cf. fig. 21 et 22), sur lequel les traits verticaux panant de la base représentent autant de céramiques différen-
tes. Le diagramme matérialise l'existence de groupes constitués par les céramiques qui sont situées aux extrémités d'une même branche. Les
céramiques d'un même groupe (el les groupes eux-mêmes) se ressemblent d'autant plus que la branche dont elles sont issues est située à moindre
hauteur de la base du diagramme.
308 LES CéRAMIQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

inconnues dans cene zone. D' ailleurs les résultats des études effectuées sur les sites d'habitats confirment l'aptitude du groupe
de référence ainsi constitué à représenter l'ensemble des productions de céramiques sigillées de Tritium Magallum.
L 'identification en laboratoire des productions de l'atelier de Tricio présentes sur les sites d 'habitats n'a donné lieu qu'à
d es recherches limitées, à Mérida, Castulo, Bilbilis et Clunia. Bien que peu représentatives statistiquement, ces recherches illus-
trent l'extension considérable de ces productions puisqu'on compte à Mérida, parmi les 44 exemplaires du Haut-Empire analy-
sés, 43 céramiques de Tricio et une céramique de la Graufesenque, et à Castulo, encore 7 exemplaires de T ricio pour 3 exem-
plaires d'Andujar. Plus inattendus sont les résultats obtenus à Bilbilis et à Clunia où les céramiques de Tricio ne représentent
que 4 exemplaires sur 7 pour le premier-site et 8 exemplaires sur 12 pour le second. Sur l'un et l'autre site les exemplaires qui ne
peuvent être attribués à l'atelier de Tricio ne se rattachent à aucun atelier connu, hispanique ou gaulois. Sans doute s'agit-il de
céramiques issues de petits ateliers locaux dont l'étude nécessiterait l'analyse d'un beaucoup plus grand nombre de céramiques
provenant de divers sites régionaux.
n n'est pas inutile de rappeler en terminant que les remarques les plus intéressantes sur les ateliers de Tritium Magallum ne
pourront être faites que lorsqu'on sera en mesure d'en observer les phases les plus anciennes et les plus récentes aussi. Durant
leur période d'apogée ces ateliers donnent l'impression d'une spécialisation et d ' une uniformité qui n'appellent guère de com-
mentaires, mais évoquent la situation des ateliers gaulois très spécialisés dont l'exemple le plus achevé demeure celui de La
Graufesenque.

2. PRODUCTIONS DE L'ATELIER D'ABELLA

Les sites étudiés ici sont ceux de Pla d'A bella à Navès et de Sototerra à Solsona. On considère généralement qu'il s'agit de
deux ateliers : Abella et Solsona, selon l'habitude qui a prévalu pour leur dénomination. Ces deux sites sont à environ 12 kilo-
mètres l'un de l'autre.
Les analyses de laboratoire ont porté sur 31 exemplaires de céramiques et d'argiles. De Pla d 'A bella proviennent 16 frag-
ments de céramiques sigillées tandis que 8 autres proviennent des découvertes de Sototerra où ont été recueillies par ailleurs
4 argiles et une céramique peinte de type ibérique ; enfin 2 argiles viennent de la tuilerie de Guingueta à environ 2 kilomètres de
Solsona sur la route de Manresa.
Les résultats des analyses montrent d 'abord que la céramique ibérique semble n'avoir aucun lien avec le reste de l'échantil-
lonnage. Ensuite que les argiles correspondant à des points de prélèvement qui sont proches les uns des autres présentent des
affinités marquées, tandis que leurs caractéristiques moyennes semblent évoluer d 'une manière sensible entre Solsona et
Abella. Cette évolution paraît normale, puisqu'on se déplace en même temps à l'intérieur de la série sédimentaire (il s'agit ici
des formations tertiaires, et plus précisément oligocènes, de la partie du bassin de I'Èbre qui est limitée vers le Nord par la Cer-
dagne). Dans ces conditions il est assez surprenant de constater que les céramiques sigillées de Solsona ont des caractéristiques
d e composition qui ressemblent à s'y méprendre à celles des productions d ' A bella . On perçoit déjà cette ressemblance en com-
parant les compositions moyennes et les dispersions des céramiques sigillées de ces deux sites :

A bella So/sona
n = 16 n = 8

K20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3,36 ± 0,95 KlO ..................... 3,27 ±0,89


MgO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4,23 ± 1,02 4,32 ± 0,88
MgO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
CaO ..... . .. . . . .... ..... . 14,3 ± 2,90 CaO ............... ...... 13 ,7 ±2,66
MnO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0,089±0,018 0,086 ± 0,008
MnO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Si0 2 ••••••••••••••••••••• 49,4 ± 1,28 Si0 2 ••••••••••••••••••••• 49,3 ± 1,57
Ti0 2 • . • . . • • . . • . ••.•• . ••.• 0,814±0,041 Ti0 2 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
0,836 ± 0,028
AJ20 3 • . . . . . • . . . . . . . .. . • . . 20,9 ± 1,24 Al 20 ' ................ .. ...21,3 ±0,92
Fe20 3 • ••• •. • •. . ••. •. • ••• • 6,90 ± 0,31 Fe20 ' ................ . .... 7, 16 ±0,17
Les petites différences qui subsistent paraissent dues à la faiblesse de l'échantillonnage plus qu'à des écarts réels entre les
caractéristiques de ces deux groupes. C 'est ce qu'illustre l'analyse de grappes des 31 exemplaires étudiés (fig. 21) 6 . On n'y
observe en effet nulle tendance à la marginalisation de l'un des groupes par rapport à l'autre. Au contraire chaque sous-groupe
rassemble des exemplaires d'Abella et des exemplaires de Solsona d'une manière qui semble tout à fait aléatoire.
Ainsi, qu'il s'agisse de la similitude des moyennes ou de l'interpénétration des exemplaires d'Abella et de Solsona en
analyse de grappes, les deux groupes se révèlent extrêmement proches. Dès lors se pose la question de savoir si l'on a vraiment
affaire à deux ateliers distincts. Les données archéologiques ne sont en effet pas très déterminantes sur ce point, du moins pour
Solsona où l'on a conclu à l'existence d ' un atelier à la suite de la d écouverte de quelques moules sur le site de Sototerra. Pour
Abella, au contraire, les trouvailles sont suffisamment nombreuses pour que ne subsiste aucun doute.
Les résultats d'analyse semblent en fait impossibles à expliquer en dehors de l'hypothèse selon laquelle les céramiques étu-
diées, provenant de Sototerra, seraient toutes originaires d'A bella. Ce qui paraît déterminant ici, ce sont les caractéristiques
particulières des argiles de l'atelier d' Abella qui présentent au moins trois variantes de composition que l'on retrouve toutes
trois à Solsona (ce qui rend possible l'interpénétration déjà signalée des deux catégories de céramiques en analyse de grappes).

6. cr. note 5.
APPENDICES 309

1
l

[
t [
.L

01 0 0 1 000 0 0 0 000 0 00 0 000 0

FIG. 21.- Dendrogramme de l'analyse de grappes des céramiques sigillées de Pla d'Abella (ronds blancs) et de Sototerra à Solsona (ronds
noirs). Figurent également les prélèvements d'argile et la céramique ibérique de Sototerra (dernière à droite du diagramme). Analyse de
grappes en affinité moyenne pondérée sur variables centrées réduites.

Il semble impossible que les potiers aient pu retomber à plus d'une dizaine de kilomètres d'A bella, sur les mêmes variantes de
composition, alors qu'on ne se situe plus dans les mêmes niveaux sédimentaires, et que les quelques analyses d'argile effectuées
dans la région de Solsona ne montrent rien de semblable. Un tel hasard ne peut raisonnablement être pris en compte, et l'on
doit donc admettre que tous les exemplaires de Solsona étudiés au laboratoire viennent d'A bella.
Dans ces conditions on peut compléter le groupe de référence d'A bella en y adjoignant les exemplaires de Solsona. Les
compositions moyennes et les dispersions du groupe de référence sont alors les suivantes :

K20 = 3,33 ± 0,91 Si02 = 49,4 ± 1,35


MgO = 4,26 ± 0,96 Ti0 2 = 0,822 ± O,Q38
CaO= 14,1 ± 2,78 Al20 3 = 21,0 ± 1,14
MnO = 0,088 ± 0,015 Fe20 3 = 6,99 ± 0,29

Il reste peu de chose à dire de ces compositions qui sont tout à fait dans la norme des sigillées de tradition méditerranéen-
ne, italiques et sud-galliques. Il s'agit toujours de céramiques calcaires qu'il serait intéressant de comparer sur ce point aux
compositjons des fabrications régionales plus anciennes, mais également aux productions contemporaines de traditions et de
technologies diverses. Cependant le travail le plus intéressant qu'autorise dorénavant la constitution du groupe de référence
d' Abella serait d'observer la part qui revient à cet atelier parmi le matériel des sites d'habitat régionaux et l'évolution quantita-
tive de cette production au cours du temps.

3. PRODUCfJONS DE L'ATELIER DE BRONCHALES

Les analyses de laboratoire portèrent sur 24 exemplaires : 6 moules et 18 céramiques sigillées. Parmi ces dernières, nom-
breuses sont celles qui présentent des variations considérables dans la couleur des vernis, ce qui pose d'entrée le problème de la
définition de ces productions : véritables sigillées ou imitations?
Les résultats d'analyse montrent que si l'on excepte deux moules dont les caractéristiques diffèrent de l'ensemble, les
22 exemplaires restants forment un groupe homogène ~ont les compositions moyennes et les dispersions sont les suivantes :
Kzo = 4,27 ± 0,17 Si0 2 = 58,1 ± 0,92
MgO = 0,94 ± 0,29 Ti02 = 1,213 ± 0,043
CaO = 0,75 ± 0,22 Al 20 3 = 28, 1 ± 0,65
MnO = 0,004 ± 0,002 Fe20 3 = 6,56 ± 0,53
310 LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

On a affaire à un type d'argile qui sort des normes habituelles des céramiques sigillées italiques et sud-galliques. Il s'agit en
effet d'argile non calcaire, et ce fait, joint à l'existence d'un vernis rappelant ceux de la pré-arétine par ses variations de cou-
leur, suggère qu'on pourrait se trouver en présence d'une tentative originale des potiers locaux pour produire des céramiques
imitant la terre sigillée. Pour des raisons de disponibilités dans les approvisionnements d'argile, ou par suite de la persistance de
traditions artisanales anciennes, on aurait essayé de reproduire la fabrication des céramiques sigillées en utilisant des argiles qui
ne convenaient guère à cette production ; elles présentaient peut-être de réelles difficultés d'emploi que nous percevons mal, ou
des difficultés dues simplement aux différences qui subsistent entre ces productions et leurs modèles italiques ou sud-galliques.
Quant aux techniques de cuisson, elles pourraient ne pas avoir été celles des véritables sigillées, si l'on en juge par la couleur des
vernis, l'échantillonnage étudié se révélant toutefois insuffisant pour avancer sur ce point autre chose que des hypothèses.
Quoi qu'il en soit, il serait sans doute plus conforme à la réalité de parler ici d'imitations plutôt que de sigillées véritables.
Les investigations qu'il serait souhaitable de conduire sur les céramiques de Bronchales devraient certes concerner l'envi-
ronnement géologique et artisanal au sein duquel cette tentative de production a pu se développer. Mais c'est la question de son
devenir qui mériterait surtout que l'on entreprenne des recherches, particulièrement sur les sites d'habitats, afin de pouvoir
déterminer s'il y eût disparition progressive de ces fabrications, ou renouvellement par un retour aux procédés traditionnels de
la céramique sigillée. Il n'est pas impossible d'ailleurs que la situation locale se révèle d'une plus grande complexité que prévue;
c'est ce que suggère notamment la présence parmi les moules de Bronchales de deux exemplaires qui se distinguent du reste de
l'atelier par des compositions ne se rattachant à aucun centre connu.

4. PRODUCTIONS DE L'ATELIER DE GRENADE

L'atelier de Grenade doit être rangé aux côtés des ateliers d •A bella et de Bronchaies parmi ceux dont la diffusion est restée
régionale. Toutefois l'intérêt présenté par cet atelier doit beaucoup aux productions médiévales et modernes dont les ateliers
ont occupé et occupent encore un même secteur, à la sortie de la ville moderne où se trouvent également les restes des ateliers
antiques.
Pour constituer le groupe de référence de Grenade, 48 prélèvements de céramiques et d'argiles ont été analysés en labora-
toire. De l'atelier antique viennent 28 exemplaires, tandis que 15 céramiques médiévales provenant des fouilles de l'Alhambra 7
et 5 argiles complètent l'échantillonnage. Les céramiques antiques de l'atelier de Grenade comprennent 7 céramiques sigillées,
5 parois fines, 13 céramiques communes et 3 tuiles. Quant aux argiles, 2 d'entre elles proviennent de niveaux intercalés dans
les conglomérats quaternaires qui sont entaillés par Je Beiro dans les faubourgs nord de la ville. Ces gisements d'argile furent
exploités jusqu'à une date récente par les potiers de Grenade; ceux-ci se fournissent actuellement dans une zone, plus éloignée
de la ville, d'où provient également la troisième argile étudiée. Les deux dernières argiles ont été prélevées dans les vastes carriè-
res ouvertes dans les dépôts tertiaires que traverse la route de Grenade à Alfacar.
L'analyse et la classification des 48 prélèyements de céramiques et d'argiles conduisent à éliminer du groupe de référence
de Grenade 5 exemplaires dont les compositions diffèrent trop des autres; il s'agit principalement de céramiques à pâte gros-
sière, ce qui ne saurait surprendre, et de l'argile utilisée actuellement par les potiers, laquelle provient d'une zone relativement
éloignée de Grenade.
Les compositions moyennes et les dispersions des 43 exemplaires restants sont les suivants :

K20 = 3,27 ± 0,4 1 Si02 = 54,0 ± 2,06


MgO= 4,16 ± 0,38 Ti0 2 = 0,860 ± O,ü38
CaO= 11,1 ± 2,05 Al 20 3 = 19,6 ± 1,50
MnO = 0,094 ± 0,014 Fe2Q3 = 6,89 ± 0,56
Les compositions des céramiques sigillées de Grenade ne se différencient en rien de celles des autres productions de l'ate-
lier : céramiques à parois fines, cuites en mode A et en mode C, céramiques communes fines à pâte claire, presque blanche, cui-
tes en mode A . Il s'agit de pâtes calcaires, du genre de celles qui servent un peu partout dans les pays méditerranéens à la fabri-
cation des céramiques sigillées. Sur l'atelier, les c.é ramiques culinaires qui doivent aller au feu sont en pâte non calcaire, ce qui
est également traditionnel pour ce type de fabrication. Ainsi l'atelier de Grenade n'offre aucune particularité technique
notable. Cependant il pourrait être intéressant de rechercher, parmi le matériel d'habitat de la région de Grenade, les produc-
tions les plus anciennes de cet atelier, désormais facilement identifiables en laboratoire, et peut-être aussi de contrôler J'origine
des moules les plus anciens recueillis sur l'atel.ier.

5. PRODUCTIONS DE L'ATELIER D'ANDÛJAR

L'atelier d' Andujar est actuellement, de tous les ateliers hispaniques, celui qui permet les observations les plus complètes
sur les modifications des approvisionnements en argile et les transformations des procédés de fabrication. Il s'en faut de beau-
coup cependant que l'étude technique de cet atelier soit achevée. Mais il semble possible d'esquisser dès à présent les grandes
lignes de son évolution technologique.

7. Le choix de ces 15 exemplaires résultait de la classification d'une importante série d'analyses de céramiques médiévales trouvées à Gre-
nade. La classification et les recherches typologiques avaient permis d'éliminer les importations qui se trouvaient en grand nombre dans ce
matériel.
APPENDICES 31 1

Les analyses de laboratoire ont porté sur 120 prélèvements de céramiques et 5 argiles. Parmi les céramiques on compte
64 sigillées et 1 moule, 15 céramiques communes, 12 céramiques peintes de type ibérique, 12 céramiques à parois fines et
2 lampes, enfin 14 céramiques diverses parmi lesquelles on peur signaler quelques parois fines et formes fermées qui seraient ici
les premières à posséder un revêtement rouge imitant les sigillées. Sur ces 120 exemplaires de céramiques, une vingtaine seule-
ment peut être rattachée à une séquence stratigraphique précise (celle-ci concerne les niveaux anciens de l'atelier). Une
bonne partie des exemplaires restants peut toutefois être attribuée soit à une phase ancienne de l'atelier, soit à une phase
récente, permettant ainsi une première approche de l'évolution des compositions dans le temps. Quant aux prélèvements
d'argile, 2 proviennent des abords immédiats de l'atelier, 2 autres des carrières d'Arjonilla, 10 kilomètres plus au sud, où les
potiers d' Andujar se fournissent actuellement, enfin un dernier prélèvement vient des exploitations d'argile de Bailen, 25 kilo-
mètres environ à l'est d'Andujar.
L'analyse et la classification des 120 prélèvements de céramiques permettent d'abord l'élimination d'un petit nombre d'exem-
plaires dont les compositions sont aberrantes. li doit s'agir de céramiques étrangères à l'atelier; en tout cas cela est certain pour
quelques céramiques sigillées dont les compositions démontrent l'origine sud-gallique. Les exemplaires restants se répartissent
entre 4 groupes de composition que nous numéroterons de 1 à 4 selon les pourcentages moyens décroissants de la chaux. Les
compositions moyennes et les dispersions de chacun des groupes sont les suivants :

Groupe/, n = JO
K20= 2,84 ± 0,33 Si02 = 55,0 ± 3,34
MgO = 2,70 ± 0,26 Ti02 = 0,732 ± 0,033
CaO = 19,0 ± 3,49 Al 20 3 = 14,5 ± 0,78
MnO = 0,068 ± 0,008 Fe20 3 = 5,28 ± 0,42
Groupe 2, n = 67
K 20 = 3,13 ± 0,25 Si02 = 59,5 ± 2,81
MgO = 2,68 ± 0,57 Ti0 2 = 0,845 ± 0,061
CaO = Il ,8 ± 2,70 Al 20 3 = 16,1 ± 0,84
MnO = 0,096 ± 0,018 Felü 3 = 5,81 ± 0,33
Groupe 3, n = 26
K 20 = 2,81 ± 0,17 Si02 = 68,3 ± 1,54
MgO ·= 1,89 ± 0,28 Ti02 = 0,935 ± 0,052
CaO = 7,35 ± 1,57 Al 20 3 = 13,7 ± 0,74
MnO = 0,097 ± 0,006 Felü 3 = 4,88 ± 0,27
Groupe 4, n = 12
K20 = 2,50 ± 0,19 Si0 2 = 68,9 ± 2,65
MgO = 1,35 ± 0,20 T i0 2 = 0,834 ± 0,021
CaO = 2,74 ± 1,84 Al20 3 = 17,3 ± 1,39
MnO = 0,056 ± 0,004 Felü 3 = 6,32 ± 0,34

On étudiera d'abord le groupe 4 qui est un peu à part des trois autres. Ce groupe ne comprend en effet que des céramiques
communes dont la plupart semblent destinées à aller au feu. On sait que les argiles calcaires sont impropres à cet usage, résis-
tant mal aux chocs thermiques. De ce point de vue l'argile utilisée à Andujar convient tout à fait avec ses faibles pourcentages
de chaux qui laissent aux céramiques du groupe 4 les caractéristiques des céramiques non calcaires. On remarquera également
que les pourcentages des autres constituants ne s'opposent pas à ce que les céramiques du groupe 4 soient utilisées pour la cuis-
son. En effet, pour qu'une céramique résiste bien aux brusques changements de température qui se produisent toujours à quel-
que moment de la cuisson des aliments, il faut que sa texture soit lâche, et qu'en particulier les constituants susceptibles de
développer une abondante phase vitreuse lors de la cuisson de l'argile s'y trouvent à des pourcentages modérés. Parmi ces élé-
ments le calcium a le premier rôle ; viennent ensuite le potassium et le magnésium qui sont ici en faibles proportions. La pré-
sence de dégraissant sableux de granulométrie moyenne (0, 1 à 0,5 mm) constitue un facteur supplémentaire de résistance aux
êhocs thermiques que l'on retrouve également dans les céramiques culinaires d' Andujar. Si l'on tient compte enfin de la réalisa-
tion de parois qui sont généralement très minces, celles-ci résistant mieux que les parois épaisses aux chocs thermiques, on doit
conclure que les potiers d' Andujar ava ient une connaissance empirique très satisfaisante de leurs argiles. On aurait donc affaire
à des potiers ayant une réelle maîtrise de leur art, et cela dès les phases les plus anciennes de l'atelier puisqu'une fraction impor-
tante des exemplaires du groupe 4 vient des niveaux stratigraphiques les plus profonds. Les autres productions qui se rencon-
trent dans ces niveaux anciens, et qui seront étudiées plus loin, confirment cette impression.
On notera que la cuisson des céramiques culinaires d' Andujar fut effectuée le plus souvent en mode B (cuisson à domi-
nante réductrice, refroidissement réducteur), ce qui est fréquent pour cette catégorie de céramiques, l'enfumage contribuant à
l'imperméabilisation de la pâte.
Concernant l'origine des argiles utilisées pour la fabrication des céramiques communes d' Andujar, on doit se contenter de quel-
ques brèves observations, en attendant qu'une étude un peu approfondie de l'environnement géologique de l'atelier soit réalisée. On
peut notèr que deux sones de terrains existent au voisinage immédiat de l'atelier : les terrains teniaires de la vallée du Guadalquivir
qui forment le remplissage principal de la vallée, et les épandages alluvionnaires récents des terrasses du fleuve qui recouvrent les pré-
\.:·

312 LES CtRAM IQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

cédents. Les argiles des formations tertiaires semblent être dans la région d'Andujar des argiles calcaires; elles furent largement utili-
sées sur l'atelier, mais pour d'autres fabrications. On peut donc penser, sous réserve de vérifications ultérieures, que ce sont les argiles
associées aux épandages alluvionnaires des terrasses du Guadalquivir qui servirent à la fabrication des céramiques du groupe 4.
Il importe enfin'de noter qu'à Andujar, comme sur bien d'autres ateHers, toutes les céramiques communes ne sont pas en
pâte siliceuse (ou non calcaire). Il existe un ensemble de céramiques communes plus ou moins fines qui ne sont pas destinées à
aller au feu, et qui peuvent donc être en pâte calcaire. Ce sont fréquemment des cruches, des coupes et diverses sortes de plats.
Des céramiques communes de ce type existent bien sûr à Andujar, une petite fraction d'entre elles s'y trouvant cuite en mode B.
On obtient dans ces conditions des teintes grises plutôt que noires, par suite de la température élevée nécessaire à la cuisson des
pâtes calcaires. Cependant le plus grand nombre est cuit en mode A, ce qui donne, suivant la température de cuisson, des tein-
tes allant du rose au jaune en passant par des nuances crèmes, toutes très claires, comme il est normal pour des pâtes calcaires
cuites en mode A.
Il semble normal d'étudier les céramiques du groupe 1, les plus riches en calcaire (OJo CaO = 19,0), immédiatement après
celles du groupe 4 qui en sont presque dépourvues. Les unes et les autres proviennent en majorité des mêmes niveaux anciens.
Encore faut-il préciser que si tous les exemplaires du gro upe 1 sont dans ce cas, cela ne concerne qu'une partie des exemplaires
du groupe 4. En effet, les argiles non calcaires du groupe 4 continueront à être utilisées à des périodes plus récentes pour la
fabrication des céramiques culinaires, tandis que des modifications importantes survenues dans la production de l'atelier
d' Andujar amèneront la disparition rapide des compositions du groupe 1.
Les céramiques qui appartiennent au groupe 1 semblent être principalement des céramiques peintes de type ibérique prove-
nant des niveaux anciens de l'atelier. Pour ces fabrications, les argiles très calcaires du groupe 1 conviennent parfaitement car
elles fournissent un fond très clair qui met en relief les décors peints. On sait que cet éclaircissement des pâtes résulte de la pré-
sence de calcaire dans l'argile, et qu'il se développe particulièrement bien en mode A qui est le mode de cuisson utilisé pour la
fabrication des céramiques peintes de type ibérique. L'éclaircissement des pâtes étant d'autant plus marqué que l'argile con-
tient plus de calcaire, cela explique les pourcentages élevés de la chaux dans ce groupe.
De forts pourcentages de calcaire dans une argile ne sont toutefois pas dépourvus d'inconvénients. Il est en effet absolu-
ment nécessaire que la température de cuisson des céramiques soit suffisamment élevée pour qu'une fraction importante de la
chaux (produite par la décomposition du calcaire) se combine avec les autres constituants de l'argile. S'il en était différemment,
la quasi-totalité de la chaux restant alors non combinée et celle-ci retournant au contact du gaz carbonique de l'air à l'état de
carbonate, il se produirait une désagrégation plus ou moins complète de la céramique. La fixation du gaz carbonique provoque
en effet un gonnement des particules de chaux qui, selon leur nombre et leur taille, rompent et fragmentent la céramique en peu
de temps, après que celle-ci eût été refroidie. Mais dans le cas des céramiques peintes de type ibérique ces difficultés onL été très
bien surmontées, grâce à des températures de cuisson suffisamment élevées, et peut-être aussi grâce à un long travail d'homogé-
néisation des pâtes qui a pour effet de réduire la taille des nodules calcaires éventuellement présents dans l'argile. Dans le
domaine des céramiques peintes comme dans celui des céramiques culinaires, les potiers d' Andujar semblent donc maîtriser
pleinement leur art.
La belle harmonie que l'on vient de constater à And(Jjar, pour les périodes anciennes, entre les qualités d'argile et les exi-
gences de la technologie se trouva en défaut lorsqu'on s'imagina d'imiter les céramiques sigillées. En effet les productions les
plus anciennes en vernis rouge qui apparaissent sur l'atelier (parois fines et formes fermées) ne semblent pas être de véritables
sigillées, cuites en mode C, mais des imitations, cuites en mode A comme les céramiques peintes de type ibérique. Or dans les
conditions habituelles de cuisson des céramiques ibériques, les vernis rouges ont tendance à prendre une teinte sombre, marron
ou noir, qui n'évoque en rien le vernis de la céramique sigillée. Pour obtenir qu'un vernis reste rouge en mode de cuisson A, il
faut diminuer sa température de cuisson pour faciliter sa réoxydation lors du refroidissement. Mais on tombe alors sur d'autres
inconvénients, évoqués précédemment, qui sont ceux des pâtes très calcaires insuffisamment cuites. La difficulté du compromis
qu'il aurait fallu réaliser entre la température élevée nécessitée par les forts pourcentages de chaux et la température plus réduite
exigée par les vernis, explique que les potiers se soient tournés vers des argiles moins riches en calcaire. Celles-ci pouvant alors
être cuites sans inconvénient majeur à des températures plus basses que les céramiques peintes ibériques. On passe ainsi aux
argiles du groupe 2 (o/o CaO = Il ,8) dont les gisements devaient être importants puisque cette catégorie d'argile paraît avoir
totalement supplanté la catégorie 1 plus riche en calcaire. On la trouve employée pour la fabrication des céramiques peintes
elles-mêmes, ses pourcentages de chaux, bien qu'en nette diminution, étant cependant suffisants pour provoquer l'éclaircisse-
ment de la pâte en mode de cuisson A. Cette argile est évidemment employée pour les imitations de céramiques sigillées : parois
fines et formes fermées. Elle continue à l'être lors des tentatives de réalisation des premières sigillées vraies. Enfin c'est elle qui
sera utilisée pour toute la production de céramiques sigillées marquam l'apogée de l'atelier d' And(Jjar.
Les véritables sigillées étant cuites en mode Cet pouvant donc supporter des températures élevées sans risque de noircisse-
ment pour leur vernis, on aurait sans doute pu revenir pour leur fabrication aux argiles très calcaires du groupe 1. Manifeste-
ment ce ne fut pas le cas. Quelque raison, technique ou autre, nous échappe probablement, qui dut maintenir sur l'atelier
d' Andujar l'usage des argiles du groupe 2 pour la fabrication des véritables sigillées. Il est vrai qu'en mode de cuisson C la
combinaison de la chaux avec les autres constituants de l'argile s'opère plus difficilement qu'en mode A, ce qui tendrait à favo-
riser l'usage d'argiles moyennement calcaires comme celles du groupe 2. Quoi qu'il en soit, il se trouve que ·les argiles du
groupe 2 sont bien plus dans la norme des productions italiques et sud-galliques que celles du groupe 1.
Après la période d'apogée de l'atelier d' And(Jjar durant laquelle les techniques et les argiles sont une seconde fois en har-
monie, on assiste à une dernière transformation qui voit le remplacement des argiles du groupe 2 par celles du groupe 3, faible-
ment calcaires (o/o CaO = 7,4). L'explication de ce changement est probablement d'ordre technique car il s'accompagne de
profondes modifications dans l'aspect du vernis et dans la température de cuisson. La température paraît s'abaisser d'une cen-
APPENDICES 313

taine de degrés, ce qui constituerait un écart important dans le domaine des températures élevées qui sont celles de la cuisson
des céramiques sigillées 8 • Les vernis prennent un aspect plus sombre et mat qui s'écarte sensiblement des normes de la terre
sigillée. Les propriétés de la pâte sont également différentes, non seulement par la couleur, mais par un manque certain de
cohésion et une plus grande fragilité, ces deux derniers défauts paraissant être le fait de la nature extrêmement sableuse des
argiles du groupe 3, plus que de la diminution des températures.
Les raisons qui ont pu conduire les potiers vers cette dernière évolution nous échappent encore. Certes, la nouvelle argile.
pouvait présenter différents avantages : les risques devaient être moindres pour les surcuits, l'argile étant plus réfractaire,
moindres également pour les incuits, l'argile étant peu calcaire. Il est probable qu'elle était aussi de préparation plus aisée,
n'exigeant pas un travail d'homogénéisation aussi poussé que des argiles fortement calcaires. Mais ces raisons ne sont pas très
convaincantes, aussi peut-on se demander si les véritables raisons ne devraient pas être recherchées dans ce domaine très mal
connu de la technologie des céramiques sigillées, qui concerne l'adhérence des vernis sur les pâtes. On perçoit mal l'importance
des risques que pouvait entrainer pour cette adhérence une diminution de la température de cuisson des argiles du groupe 2 ; il
serait en tout cas possible d'en aborder l'étude par le biais d'observations portant sur un nombre suffisant d'incuits apparte-
nant à ce groupe. Mais, quelle que soit la raison de cette ultime transformation des approvisionnements en argile, il s'agit d'un
changement qui s'inscrit dans une évolution générale voulant que les potiers reviennent à des argiles non calcaires ou faible-
ment calcaires, lorsqu'ils renoncent à des secteurs importants de la technologie des véritables sigillées. C'est ce qu'on observe,
plus nettement encore, avec les productions hispaniques du Bas-Empire.
L'origine des argiles des groupes 1, 2 et 3 ne peut que faire l'objet d'hypothèses, en auendant que des recherches soient
effectuées sur l'environnement géologique de l'atelier, comme cela avait été signalé à propos des argiles du groupe 4. Cepen-
dant il ne semble pas y avoir beaucoup de problèmes pour le groupe 1, Je plus ancien, dont les compositions ressemblent à celles
des argiles des niveaux tertiaires qui affleurent dans le voisinage immédiat de l'atelier. Les formations tertiaires ont également
dû fournir les argiles du groupe 2 dont on retrouve des compositions semblables parmi les argiles des exploitations modernes
d' Arjonilla. Seul le groupe 3 pose un réel problème car on ne possède actuellement aucun argument permettant d 'attribuer ces
argiles aux formations tertiaires plutôt qu'aux formations alluviales récentes du Guadalquivir. Quant aux argiles utilisées pour
la confection des vernis, peut-être n'est-il pas inutile de rappeler qu'elles n'ont le plus souvent aucun rapport avec les argiles qui
ont servi à la fabrication du corps des vases, ces dernières étant les seules dont il ait été question jusqu'ici.
D e nombreux autres prélèvements d'argile seraient nécessaires pour pouvoir apprécier l'étendue des zones où l'on risque-
rait de retrouver des argiles ayant des caractéristiques identiques à celles de l'un ou l'autre des groupes de composition
d' Andujar. Si l'on examine les quelques données actuellement disponibles pour la région dont un certain nombre de données
médiévales, on aurait l'impression que les compositions évoluent peu, même sur des distances de plusieurs dizaines de kilomè-
tres. Bien que ce résultat soit encore très incertain, il est préférable d'admettre, en attendant de pouvoir disposer de renseigne-
ments plus nombreux, que les mêmes compositions puissent se retrouver dans la vallée du Guadalquivir sur d'assez grandes dis-
tances. On devra en tenir compte lors des attributions fondées sur des critères de composition, qui pourraient êt re faites à l'ate-
lier d' Andujar; au cas où existeraient des officines satellites, celles-ci pourraient bien ne pas être différenciables à l'analyse. De
même les ressemblances de composition que présentent les sigillées de la période d'apogée d' Andujar et les parois fines de Béti-
que ne signifient pas nécessairement que ces deux productions soient issues d'ateliers voisins, mais seulement qu'elles ont pro-
bablement utilisé les mêmes formations sédimentaires 9 •
L'existence pour la céramique sigillée d' Andujar des groupes de composition 2 et 3 correspond assez bien aux deux carac-
térist iques de pâte relevées par les a rchéologues. C'est le groupe tardif qui présente l'aspect le plus typique. Le fond de la pâte
est sombre, parce que faiblement calcaire, avec de nombreux points et vacuoles jaunes qui tiennent la place d'autant de petits
nodules calcaires initialement présents dans la pâte. Ces nodules existent également dans les céramiques du groupe 2 et s'y trou-
vent même en bien plus grand nombre, mais le fond de la pâte étant plus calcaire et donc plus clair, ils sont moins visib les que
dans le groupe 3. On retiendra que les critères distinctifs des pâtes du groupe 3 peuvent s'atténuer par une meilleure homogé-
néisation ou une cuisson à température plus élevée, et que certaines céramiques du groupe 2, mal homogénéisées ou peu cuites,
ont des pâtes qui se rapprochent visuellement de l'aspect de celles du groupe 3.
Rappelons en terminant qu'une étude technique de l'atelier d ' Andujar devra it normalement associer des examens de labo-
ratoire portant sur l'évolution des cuissons et des vernis, à des observations archéologiques précises sur l'apparition des con-
duits de chaleur :elle pourrait être éventuellement complétée par un contrôle de l'origine des plus anciens moules de l'atelier.
Ce contrôle se justifie dans la mesure où l'on peut imaginer que les acquis technologiques nécessaires pour pouvoir fabriquer de
véritables sigillées ont pu résulter de la venue de potiers extérieurs, lesquels auraient également pu transporter quelques-uns de

8. Une certaine prudence s'impose concernant ces résuhats. En effet le matériel d'ateliers ne constitue pas un matériel idéal pour étudier
les températures de cuisson, puisqu'une partie des déchets de fabrication a justement été rejetée parce que les potiers estimaient que ces exem-
plaires étaient ou trop cuits ou insuffisamment cuits. Il n'est pas certain que les critères dont nous nous sommes servi pour choisir les échantil-
lons sur lesquels ont été effectuées les mesures de température coïncident avec ceux des potiers d' Andûjar ! De ce point de vue les matériaux
venant d'habitats sont très supérieurs, mais nous n'en disposons pas. Une autre difficulté tient à la définition même de la température de cuis-
son qui est loin d'avoir la signification précise qu'on pourrait être tenté de lui attribuer. En effet le degré de cuisson d'une céramique ne dépend
pas seulement de la température à laquelle cette céramique a été cuite, il dépend aussi de l'allure et de la durée de la cuisson (montée en tempéra-
ture, palier et refroidissement). Même si l'on utilise les températures de cuisson équivalentes qui s'efforcent de normaliser des conditions théo-
riques de cuisson, on ne fait pas disparaître toutes les difficuhés que soulève la comparaison de deux températures de cuisson. A cela s'ajoutent
encore, dans le cas des céramiqÙes calcaires, des difficultés de mesure lorsqu'on opère par dilatométrie, comme c'est ici le cas. Aussi doit-on
considérer ces premières indications sur les températures de cuisson comme des hypothèses de travail demandant à être vérifiées sur d'autres
matériaux et par d'autres méthodes.
9. En tout cas cela confirme les données archéologiques qui suggèrent d'y voir une production régionale.
314 LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

leurs moules, comme on le constate sur d'autres ateliers. Toutefois, bien que cette hypothèse ne puisse en aucun cas être totale-
ment exclue, elle semble peu probable dans le cas d' Andujar par suite de l'existence des nombreux essais qui ont précédé La
fabrication des véritables sigillées.

III. - LES SIGILLÉES DU BAS-EMPIRE

Avec les sigillées du Bas-Empire on se trouve dans une situation très différente de celle que nous avons rencontrée pour le
Haut-Empire. Alors qu'on pouvait estimer connaître au moins les plus importants des ateliers du Haut-Empire, la localisation
des officines tardives de céramiques sigillées demeu re largement hypothétique, malgré quelques découvertes ponctuelles à Tri-
cio et à Clunia. Aussi le premier travail de laboratoire concernant ces productions devait-il consister à effectuer une classifica-
tion préliminaire - fondée sur les caractéristiques de composition des pâtes - qui intéresse le plus grand nombre possible
d'exemplaires du Bas-Empire, recueillis sur des sites d'habitat 10 • On pouvait espérer déterminer ainsi à combien de groupes de
composition on avait affaire et, à partir de là, parvenir à une estimation du nombre des ateliers importants, tout en procédant à
un premier inventaire des productions de chacun d'eux. On pouvait envisager enfin, dans une seconde phase du travail, de
comparer les caractéristiques de composition de chacun des groupes à diverses références (argiles ou céramiques) dont la locali-
sation serait connue, et de parvenir ainsi à l'identification des lieux de production.
Les analyses de laboratoire ont porté sur 106 exemplaires de céramiques, toutes du Bas-Empire à l'exception au plus d'une
demi-douzaine d'entre elles. Ces dernières ont été volontairement associées au lot parce qu'elles complétaient des groupes de
composition insuffisamment représentés, ou qu'elles avaient des caractéristiques typologiques ou stylistiques qui suggéraient
de les rapprocher des productions tardives. On retrouve parmi les sigillées du Bas-Empire analysées au laboratoire les trois caté-
gories décrites à Conimbriga : céramiques sigillées hispaniques tardives du premier et du second style, et sigillées dites tardives
régionales. C'est d'ailleurs le matériel de Conimbriga qui se trouve le mieux représenté avec 66 exemplaires, contre 15 de
Mérida, 14 de Clunia, 10 de Tricia et 1 dernier de Torre de Palma.
Le résultat de la classification préliminaire par analyse de grappes des 106 exemplaires apparaît sur le dendrogramme de la
figure 22. Le matériel étudié s'y répartit en 6 groupes principaux (pouvant eux-mêmes se scinder en sous-groupes) auxquels
s'ajoutent 2 exemplaires isolés à l'extrémité droite du diagramme. L'examen des compositions montre q ue les groupes 1 et 2
présentent des affinités marquées, et que c'est le cas également des groupes 3, 4, 5 et 6. On a donc deux ensembles de sigillées
du Bas-Empire, q ui seront étudiés séparément. Un premier ensemble, situé dans la partie gauche du dendrogramme, est désigné
pour cela par la lettre G ; il est formé des groupes l et 2. Le second ensemble désigné par la lettre D est dans la partie droite et
est formé des groupes 3, 4, 5 et 6.

2 3 4 5 6
FIG. 22. - Dendrogramme de l'analyse de grappes des échantillons de céramiques sigillées hispaniques du Bas-Empire, eL de quelques cérami-
ques associées. Analyse de grappes en affinité moyenne pondérée sur variables centrées réduites.

10. Cf. note 5.


APPENDICES 315

1. PRODUCTIONS DE L'ENSEMBLE G

Dans l'ensemble G on notera d'abord l'opposition qui existe entre le groupe 1, formé de céramiques qui se ressemblent
beaucoup 11 , et le groupe 2 qui ne constitue pas à proprement parler un véritable groupe de composition mais est formé de
petits groupes qui se rattachent, les uns après les autres, au groupe 1. Il en résulte que le groupe 1 présente une probabilité plus
grande que le groupe 2 de n'être constitué que de céramiques originaires d'un même atelier, le groupe 2 assez hétérogène ayant
au contraire une plus grande probabilité de comprendre des céramiques venant de plusieurs ateliers.
De fait, les ressemblances de composition qui existent entre les céramiques du groupe 1 sont très fortes, comparables non
seulement à celles que l'on rencontre pour des céramiques issues d'un même atelier, mais à celles qui existent à l'intérieur d'un
atelier dont les caractéristiques de composition auraient une faible dispersion. Les conclusions tirées de l'aspect des pâtes et des
vernis vont elles aussi dans le sens de l'homogénéité du groupe 1. Quant aux observations typologiques et stylistiques, sur les-
quelles nous reviendrons, elles s'accordent à une exception près- en réalité plus marginale que contradictoire -avec l'hypo-
thèse selon laquelle les céramiques du groupe 1 proviendraient d'un même atelier.
On doit toutefois noter que près de la moitié des exemplaires du groupe 2 n'auraient certainement pas été disjoints de ceux
du groupe 1 si l'on n'avait tenu compte que de leur aspect extérieur et des données typologiques et stylistiques les concernant.
On peut donc supposer, étant donné le caractère hétérogène déjà signalé du groupe 2, que ce groupe doit être constitué, pour
partie, de céramiques qui ont la même origine que les céramiques du groupe 1. Devraient en principe se trouver dans ce cas les
exemplaires du groupe 2 dont les compositions ressemblent le plus à celles des céramiques du groupe 1. Or l'analyse de grappes
permet difficilement de sélectionner parmi les céramiques du groupe 2 celles qui sont les plus proches du groupe 1. On utilisera
donc une autre méthode 12 ; elle permettra de montrer que 10 exemplaires sur les 25 que comporte le groupe 2 présentent des
ressemblances suffisamment fortes avec le groupe 1 pour qu'on soit en droit de les y rattacher. Les données typologiques et
stylistiques, autant que l'aspect des pâtes et des vernis, s'accordent sur ce rattachement. On définit ainsi un groupe de 51 exem-
plaires dont les caractéristiques de composition sont les suivantes :

K 2 0 = 2,32 ± 0,18 Si02 = 64,0 ± 2,37


MgO = 0,61 ± 0,30 Ti02 = 1,005 ± 0,033
CaO = 4,79 ± 1,28 Al 20 3 = 20,6 ± 1,70
MnO = 0,033 ± 0,010 Fe20 3 = 6,54 ± 0,53

Nous étudierons d'abord ce groupe, puis nous évoquerons le cas des 15 exemplaires du groupe 2 qui n'ont pas été rattachés
au groupe 1. P our la commodité de l'exposé nous désignerons comme groupe 1 bis l'ensemble constitué par les 51 exemplaires
précédents.
L'examen de ces 51 exemplaires montre que le lot est très homogène, à un exemplaire près, déjà signalé, qui est isolé sur le
plan typologique. On ne trouve dans ce lot que des exemplaires appartenant aux deux catégories suivantes : sigillées hispani-
ques lisses (ex-tardives régionales) et sigillées hispaniques tardives décorées du second style 13 • Le groupe rassemble les exem-
plaires les plus typiques de ces deux catégories (seuls deux d'entre eux demeurent parmi les 15 exemplaires du groupe 2 qui ne
font pas partie du gro upe 1 bis). Étant donné que les compositions des exemplaires de sigillées tardives régionales et de sigillées
hispaniques tardives sont étroitement mêlées à l'intérieur du groupe 1 bis, on doit nécessairement en conclure que ces deux
catégories proviennent du même centre de production. Accessoirement est confirmée l'origine hispanique des sigiUées dites tar-
dives régionales que rien ne distingue donc, du point de vue des compositions, des sigillées hispaniques tardives du second style
dont l'origine hispanique semble bien établie.
Parmi les 51 exemplaires du groupe 1 bis, 43 proviennent de Conimbriga, 8 de Mérida ct 1 de Torre de Palma. On notera
la situation particulière de Clunia (déjà singulière pour les sigillées du Haut-Empire) 14 dont aucun exemplaire ne figure dans le
groupe 1 bis, alors que 8 des 14 sigillées tardives recueillies à Clunia se retrouvent parmi les 15 céramiques du groupe 2 qui
n'ont pas été réunies au groupe 1. L'intérêt de cette remarque découle de la découverte qui aurait été faite à Clunia d'un atelier
de sigillées du Bas-Empire. N'ayant pu avoi r accès à ce matér iel, on se contentera d'indiquer que si quelques-uns au moins des
fragments recueillis à Clunia, en surface, proviennent de cet atelier local, ceci tendrait à prouver que le groupe 1 bis n'est pas
originaire de Clunia. Vont également dans ce sens les observations selon lesquelles le matériel tardif de Clunia aurait des origi-
nes assez diverses 15 , ce qui s'accorde mal avec l'hypothèse d'un atelier important produisant sur place.
Les compositions des 15 céramiques du groupe 2 qui demeurent extérieures au groupe 1 bis posent un problème. En effet,
si l'on excepte les exemplaires de C lunia, trop fragmentaires pour une étude typologique, on constate que les autres appartien-

Il. Comme en témoigne la faible hauteur, par rapport à la base du diagramme, de la branche qui réunit l'ensemble des céramiques du
groupe 1. Cf. note 5.
12. On a déterminé la plus ou moins grande dissemblance de chacun des exemplaires du groupe 2 par rapport au groupe 1, en calculant les
distances de Mahalanobis entre le groupe 1 et chacune des céramiques du groupe 2. Plus ceue distance est grande, plus est faible la ressem-
blance existant entre le groupe et la céramique.
13. On notera parmi les 51 exemplaires constituant le groupe 1 bis un certain nombre de céramiques qui ont été décrites dans la publica-
tion des fouilles de Conimbriga. Ce sont les suivantes :
- sigillée hispanique tardive lisse (ex. tardive régionale) publiée dans Fouilles de Conimbriga IV, livre V, n°5 9, 13, 15, 19, 21, 25, 28, 30, 31,
32, 34, 40, 43, 45, 46, 47, 49 et 56;
-sigillée hispanique tardive décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV,Iivre Ill , n05 176, 177, 178, 179, 180, 181 , 182, 183, 186 et 190.
14. Cf. p. 314.
15. En effet 6 exemplaires tardifs de Clunia figurent dans l'ensemble D qui sera étudié plus loin, les 8 autres vont dans l'ensemble G. De
plus leurs compositions ne sont guère homogènes, en D comme en G.

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316 LES CÉRAMIQUES SIGILLÉES HISPANIQUES

nent sans aucun doute à la même famille que les céramiques du groupe 1 bis, tout en étant quelque peu marginaux 16 • Or ce qui
pourrait surprendre c'est que ces exemplaires, typologiquemem proches de ceux du groupe 1 bis, n'en soient pas très éloignés
non plus sur le plan des compositions. A moins d'un hasard fort surprenant, cette double ressemblance implique des relations
de voisinage entre l'atelier du groupe 1 bis et les lieux de production des exemplaires du groupe 2 qui n'appartiennent pas à ce
groupe 1 bis. En effet, si les ressemblances typologiques entre ateliers peuvent s'expliquer facilement par une 'volonté d'imita-
tion dont on connaît d'innombrables exemples dans le domaine des céramiques antiques, il n'y a aucune raison à priori pour
qu'un atelier imitant les productions du groupe 1 bis le fasse avec des argiles dont les compositions soient elles-mêmes ressem-
blantes. Sauf bien entendu si cet atelier ne se trouve pas très éloigné du premier et s'il est implanté dans le même contexte géolo-
gique. C'est là sans doute l'explication de ces ressemblances, explication d'autant plus probable qu'elle correspond à un
schéma particulièrement répandu pour les céramiques sigillées; le développement d'un atelier important s'y accompagne très
souvent de la création d'officines satellites. Or si l'on était assuré d'avoir parmi les céramiques de Clunia étudiées ici une majo-
rité d'exemplaires provenant de l'atelier local, ce pourrait être une indication intéressante en vue de la localisation de l'atelier
producteur du groupe 1 bis, il faudrait alors le rechercher prioritairement parmi les officines implantées dans le bassin tertiaire
du Duero.
Sur le plan des techniques on se contentera de rappeler que les céramiques étudiées ici sont toutes des céramiques non cal-
caires, et que cette caractéristique les oppose aux véritables sigillées de tradition méditerranéenne. Cependant, s'agissant de
céramiques qui, selon toutes les apparences, sont cuites en mode A (comme les céramiques communes) et qui sont recouvertes
d'un vernis non grésé, on ne saurait être surpris de l'utilisation d'argiles non calcaires. On a déjà signalé en effet que l'abandon
des pâtes calcaires va presque toujours de pair, dans les ateliers de céramiques sigillées, avec la simplification des techniques de
cuisson (passage du mode C au mode A) et avec celle des techniques de revêtement (passage des vernis grésés aux vernis non
grésés). Toutefois il n'est pas certain qu'on soit en droit de parler ici d'abandon car nous ignorons presque tout des influences
et des filiations qui sont à l'origine des sigillées tardives régionales et hispaniques tardives du second style. De même que nous
ignorons si elles ont été précédées, sur place, par d'autres fabrications (qu'il serait désormais possible de rechercher). Enfin il
faut se souvenir que ces techniques simplifiées ne résultent pas nécessairement de l'abandon de procédés spécifiques, utilisés
pour la fabrication des véritables sigillées, et qu'elles ont toujours été par exemple celles des sigillées claires africaines.

2. PRODUCTIONS DE L'ENSEMBLE D

L'ensemble D est constitué des groupes 3, 4, 5 et 6. Pour l'étude de ces groupes on a d'abo rd procédé à des comparaisons
avec tous les ateliers connus de céramiques sigillées, afin de vérifier si l'un ou l'autre d'entre eux n'aurait pas continué à pro-
duire au Bas-Empire, et ne pourrait pas être le lieu d'origine de tel exemplaire ou de tel groupe 17• Ces comparaisons ne s'impo-
saient pas pour l'ensemble G dont les compositions étaient fort éloignées de celles de tous les ateliers hispaniques connus. Pour
l'ensemble D, au contraire, des affinités marquées semblaient exister avec les productions de Tritium Magallum. Les calculs
devaient le confirmer, plusieurs exemplaires se rattachant alors indiscutablement aux argiles employées à Tricio durantie Haut-
Empire, tandis que les autres étaient en position plus ou moins marginale par rapport à ce groupe de composition ; ils étaient
toutefois plus proches de ce groupe que de tout autre. Parmi les groupes de l'ensemble D, c'est le groupe 5 dont les composi-
tions ressemblent le plus à celles des argiles employées à Tricia durant le Haut-Empire, le groupe 3 venant ensuite, puis le
groupe 6 et enfin le 4. Nous étudierons d'abord les groupes 5 et 3, et terminerons donc par les groupes 6 et 4.
Des 9 exemplaires qui forment le groupe 5, il faut en retirer 3 qui renforcent le groupe et améliorent la classification, mais
ne sont pas d'époque tardive. Sur les 6 exemplaires restants, 2 proviennent de Conimbriga, 2 autres de Clunia, 1 de Mérida et 1
de Tricia même (il s'agit pour ce dernier exemplaire d'un fragment de moule) 18 • Les formes décorées sont au nombre de
3 parmi lesquelles 2 relèvent du premier style de la sigillée hispanique tardive, le troisième exemplaire étant peu caractéristique
d'un style particulier. Peu caractéristiques également sont les fragments de formes lisses.
Des 14 exemplaires qui forment le groupe 3 il faut en retirer 1 qui n'est probablement pas du Bas-Empire. Sur les 13 exem-
plaires restants, 8 proviennent de Tricio (parmi lesquels 2 fragments de moule), 3 de Conimbriga, 1 de Mérida et 1 de Clunia 19•
Les formes décorées sont au nombre de 12 (en y comprenant les 2 moules); elles appartiennent toutes au premier style de la
sigillée hispanique tardive.
L'attribution à l'atelier de Tricio des deux groupes précédents ne pose aucun problème.
On a déjà signalé que les compositions du groupe 5 coïncident avec celles des céramiques sigillées du Haut-Empire produi-
tes sur cet atelier. Or on sait, à la suite des découvertes faites à Tricio, que le premier style de la sigillée hispanique tardive y est
effectivement représenté, ce qui rend l'attribution proposée plus évidente encore, même si les découvertes de Tricia concernent

16. On notera parmi les exemplaires du groupe 2 qui n'appartiennent pas au groupe 1 bis:
- sigiUée hispanique tardive lisse (ex tardive régionale), publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre V, nos 33 et 42.
- sigiUée hispanique tardive décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre I ll , nos 184, 19 1.
17. Pour comparer les compositions des différentes céramiques tardives de l'ensemble D avec les groupes de composition qui caractérisent
chacun des ateliers du Haut-Empire, on a utilisé l'analyse discriminante quadratique. Elle consiste à calculer, à partir de l'expression de la
distance de Mahalanobis (cf. note 12), une probabilité inter-groupes qui permet de sélectionner, parmi tous les groupes en présence, celui
auquel la céramique tardive considérée ressemble le plus. Ce premier calcul est complété par l'évaluation d'une probabilité intra-groupe qui
permet de savoir si la céramique tardive considérée a beaucoup de chance, peu de chance, voire aucune chance, d'appartenir réellement au
groupe précédemment sélectionné.
18. On notera parmi les exemplaires du groupe 5 :
-sigillée hispanique tardive, décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre Ill, n°5 169 et 170.
19. On notera parmi les exemplaires du groupe 3 :
-sigillée hispanique tardive décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre Ill, n05 168 et 172.
APPENDICES 317

les compositions du groupe 3 plus que celles du groupe 5. Quant à l'origi ne du groupe 3, elle ne fait pas plus de doute, puisque
ce groupe, très homogène, comprend 9 exemplaires (dont plusieurs moules) qui proviennent des fouilles exécutées à Tricio
même.
Les groupes 3 et 5 se ressemblent d'ailleurs beaucoup. Le groupe 3 qui est un peu marginal par rapport aux compositions
des sigillées du Haut-Empire représente en fait une variante non calcaire des argiles locales. La séparation des groupes 3 et 5 est
de ce fait assez imprécise, les limites des deux groupes pouvant varier quelque peu suivant la méthode de classification
employée.
Les caractéristiques de composition des 14 exemplaires du groupe 3 sont les suivantes :
K 20 = 4,05 ± 0,32 Si0 2 = 60,7 ± 1,62
MgO = 3,07 ± 0,45 Ti0 2 = 0,844 ± 0,033
CaO = 4,85 ± 1,46 AI 20 3 = 20, 1 ± 1,31
MnO = 0,045 ± 0,009 Fe20 3 = 6,35 ± 0,32
P our le groupe 5 il n'y a, au stade actuel des recherches, aucun inconvénient à utiliser le groupe de référence qui a été cons-
titué avec les sigillées du Haut-Empire de l'atelier de Tricio. On a plusieurs fois signalé que les compositions du groupe 5 ne se
distinguent pas de celles des argiles calcaires qui furent employées durant le Haur-Empire. Rappelons que leur pourcentage de
chaux était de 8,8 ± 1,4.
Il est intéressant de constater que les productions tardives de l'atelier de Tricio ont continué à utiliser, au moins pendant un
certain temps, les argiles calcaires employées pour la fabrication des véritables sigillées. C'est une situation fréquente, car les
changements d'argile suivent et ne précèdent pas les autres transformations caractéristiques de ces productions tardives : pas-
sage du mode de cuisson C au mode A, passage des vernis grésés aux vernis non grésés. On devrait normalement en conclure
que les céramiques tardi ves de Tricio qui som en pâte calcaire som les plus anciennes. Ce qui pourra être vérifié lorsque le déve-
loppement des fouilles permettra des observations chronologiques complémentaires. 11 serait d'ailleurs souhaitable, si l'occa-
sion se présente, de suivre attentivement l'évolution des caractéristiques techniques et l'évolution des compositions; peut-être
parviendra-t-on ainsi à mieux appréhender les motivations profondes qui conduisirent les potiers de Tritium Maga/lum à chan-
ger d'argile. En attendant on pourra se ré férer aux remarques faites sur le s ujet dans l'étude consacrée à l'atelier d ' Andujar.
Des deux groupes restants, les groupes 4 et 6, c'est le groupe 6 dom les compositions présentent le plus d'affinité avec cel-
les de la période d 'apogée des ateliers de la Rioja. On serait donc tenté d'appliquer au groupe 6 un raisonnement comparable à
celui dont on a fait état pour le groupe 2 de l'ensemble G. Il n 'existe en effet qu 'une faible probabilité pour qu' un atelier
implanté dans un contexte géologique éloigné de celui de la Rioja soit à la fois ressemblant sur le plan typologique et ressem-
blant sur le plan des compositions. On serait donc porté à voir dans le gro upe 6 un atelier inconnu de la Rioja, si les caractéristi-
ques typologiques et stylistiques des céramiques qui le constituent 20 n'étaient pas aussi marginales par rapport à celles des grou-
pes tardifs 3 et 5, tous deux originair es de la région de Tricio. De plus il s'agit de céramiques calcaires, et à la différence de cel-
les du groupe 5, on n'en connaît pas d 'équivalentes parmi les productions du Haut-Empire. Enfin le groupe 6 n'a qu'un effec-
tif très réduit et il est de surcroît peu homogène. Aussi convient-il, en attendant que de nouvelles analyses permettent de cerner
les caractéristiques exactes de ce groupe, de n'accepter qu'avec une très grande prudence la suggestion précédente selon laquelle
le groupe 6 pourrait venir d'un atelier inconnu de la Rioja. Les mêmes raisons valent pour le groupe 4 d ont les caractéristiques
de composition sont cependant plus homogènes, et plus conformes aux habitudes techniques des ateliers producteurs de sigil-
lées tardives 21 • Les céramiques du groupe 4 sont certainement issues d'un même atelier; les 9 exemplaires analysés présentent
les caractéristiques suivantes :

K 20 = 3,81 ± 0,40 Si0 2 = 62,3 ± 0,66


MgO = 1,36 ± 0,28 Ti02 = 0,923 ± 0,052
CaO = 2,93 ± 0,70 AI 20l = 22,3 ± 0,66
MnO = 0,039 ± 0,006 Fe20 3 = 6,36 ± 0,43
La localisation des centres de production des groupes 4 et 6 passe d'abord par une meilleure connaissance des argiles de la
Rioja dont on a, par ailleurs, so uligné la nécessité. U importe, avant d' étendre au loin les in vestigations, d'évaluer la probabi-
lité qu'il y a de pouvoir rencontrer de telles compositions en Rioja. A cet égard les d écouvertes récentes de Najera demande-
raient à être examinées en priorité.
Dans I' incenitude où l'on est de l'origine des groupes 4 ct 6, on ne saurait donc conclure que les sigillées hispaniques tardi-
ves du premier style sont toutes originaires du bassin supér ieur de l'Èbre. Environ la moitié des exemplaires de ce style ont été
produits en Rioja, mais il en existe presque autant parmi les céramiques des groupes 4 et 6. Cependant les ressemblances déjà
signalées, jointes au fait que les exemplaires des groupes 3 et 5 de Tricio apparaissent sur les mêmes sites d'habitat et dans les
mêmes régions que ceux des groupes 4 à 6, permettent quand même de poser, au moins comme hypothèse de travail, que les
ateliers correspondants pourraient ne pas être très éloignés les uns des autres.
M. P tCON.
Laboratoire de céramologie de Lyon .
20. On notera parmi les exemplaires du groupe 6 :
- sigillée hispanique tardive lisse (ex tardive régiona le) publiée dans Fouilles de Conimbriga, l.V, livre V, n°5 26 et 60.
- sigillée hispanique tardive décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre 111 , n°5 170, 173, 174 et 175.
21. On notera parmi les exemplaires du groupe 4 :
-sigillée hispanique tardive lisse (ex tardive régionale), publiée dans Fouilles de Conimbriga IV, livre V, n• Il.
-sigillée hispanique tardive décorée, publiée dans Fouilles de Conimbriga, IV, livre Ill, n• 189.

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