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Bulletin de la Société d'histoire de

la pharmacie

Docteur H. Sulblé, Quelques charlatans célèbres au XVIe siècle


Charles Buchet

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Buchet Charles. Docteur H. Sulblé, Quelques charlatans célèbres au XVIe siècle . In: Bulletin de la Société d'histoire de la
pharmacie, 10ᵉ année, n°36, 1922. pp. 111-113.

http://www.persee.fr/doc/pharm_0995-838x_1922_num_10_36_2321

Document généré le 29/09/2015


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il est une chose qui s'appelle arsenic sublimât. Si un


homme en mangeoit aussi gros cfu'un poiz, jamais ne
vivroit. Tu en trouveras à Pampelune, à Rordeaux, à
Rayonne et par toutes les bonnes villes où tu passeras
hostels des apothicaires. Prends de cela et fais-én de la
poudre, et quand tu seras dans la maison du Roy, du
comte de Valois son frère, des ducs de Rerry, Rourgo-
gne et Rourbon, tiens-toi près de la cuisine, du
dressoir ou de quelques autres lieux où tu verras mieux
ton point, et de cette poudre mets es potages, viandes et
vins, au cas que tu pourrois le faire pour ta sûreté;
autrement ne le fais point » (i).
Jusqu'à la fin du xve siècle, les empoisonneurs sont
punis de mort en vertu du droit commun, mais la loi
établit parfois des différences entre ceux qui vendent
le poison et ceux qui l'administrent. Cela ne veut pas
dire qu'il existe à cette époque une législation spéciale
pour ce crime car, jusqu'au début du xvie siècle, aucune
mesure officielle n'est prise pour préserver le public
contre ceux qui propagent les substances vénéneuses.
(A suivre).
Charles Buchet.

Le Mouvement Historique

REVUE DES LIVRES

Docteur H. Sulblé : Quelques charlatans célèbres au xvir9 siècle.


Toulouse, Librairie Marqueste, 1922, gr. in-8°, i45 p., 10 pi. hors
texte (5 francs).
Jamais on ne s'était occupé si sérieusement d'un sujet aussi peu
sérieux. MM. les Charlatans, qui sont universellement réputés
pour la légèreté de leur conscience, provoquent depuis quelques

(1) Mémoires de Pecoiisse sur Charles le Mauvais^ in Dupré et


Charpentier : Les empoisonneurs, p. 13.
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temps des travaux on ne jpeut plus consciencieux. L'étude que


vient de publier M. Sulblé, docteur en pharmacie, pourra servir
de modèle, car malgré son titre modeste et limitatif, « Quelques
charlatans », elle constitue une petite encyclopédie du
charlatanisme au xvne siècle. Elle a aussi ie mérite d'avoir été en grande
partie composée avec des documents de l'époque. Que d'autres
chercheurs de ce genre s'occupent des charlatans du moyen âge,
du xvie et du xviii6 siècles (arrêtons-nous ici !) et il ne restera
plus grand chose à dire sur la question.
- Après quelques considérations générales sur l'empirisme et un
bref historique du mot « charlatan », dérivé du terme italien ciar-
lare, qui signifie circuler, touner autour, M. Sulblé passe en revue
dans un historique succinct du charlatanisme depuis l'antiquité
jusqu'au xvne siècle, les traces laissées par l'empirisme dans
l'histoire médicale des peuples. Nous y voyons qu'Hippoerate se
plaignait déjà de cette plaie de la médecine, que chez les Gaulois les
charlatans s'appelaient Agyrles, et que pendant le moyen âge le
roi et les seigneurs ne firent qu'encourager et protéger les porteurs
de recettes excentriques et les vendeurs d'orviétans. ,
Au xvie siècle, sorcières, magiciens, alchimistes recherchent la
pierre philosophale et le moyen de liquéfier l'or pomr obtenir une
panacée universelle qui donnera santé et force et guérira toutes les
maladies. La charlatanerie va trouver, dans cette société qui
accepte toutes les superstitions, le terrain le plus favorable à ses
entreprises.
Dès le début du xvue siècle, les médecins s'émeuvent des progrès
des « thériacleurs » et des ravages causés par leurt produits. Les
satires se multiplient contre eux sans les effrayer et sans
convaincre le peuple de leur ignorance; ils arrivent en nombre d'Italie
ou de province et vont se fixer à Paris, où, dans la grande et « pc-
cunieuse » cité ils exploitent sans danger la crédulité publique.
La cour de Louis XIV donne le mauvais exemple, grandes dames et
seigneurs achètent leurs remèdes, le roi lui-même les accueille à
Versailles.
Ils appartiennent à toutes sortes de classes sociales et ont fait
pour la plupart les métiers les plus divers avant de s'arrêter à leur
criminelle profession. Beaucoup d'entre eux ont été de vrais
médecins, puis ont cherché de plus gros revenus dans la vente des
drogues secrètes. Un grand nombre portent la robe des- religieux,
malgré les défenses faites par l'Eglise et les sentences rendues
« contre ceux qui soignaient le corps en même temps que l'âme ».
La noblesse fournit aussi quelques types de seigneurs ruinés,
cherchant fortune dans l'art de guérir; d'autres venus de plus bas sont
d'anciens valets; enfin quelques femmes complètent la glorieuse
liste des soixante-cinq individus à la biographie desquels est
consacré le deuxième chapitre du volume de M. Sulblé.
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Parmi ces personnages, quelques-uns sont particulièrement...


attachants : Barbereau, qui vend-ait à prix d'or l'eau de rivière
sous étiquette d'eau minérale, et qu'une gravure de l'époque
représente sous le nom de « médecin d'eau douce », administrant
sa panacée; Biégny, le célèbre auteur du Livre commode des
adresses, le premier essai d'annuaire qui ait été tenté et cela dans
le but de publier et de vanter les découvertes et les remèdes dudit
Blégny; les Capucins du Louvre, ces hôtes de Louis XIV, qui
composèrent, sous la protection royale, une foule de préparations; le
prieur de Cabrières, appelé à la cour pour son secret concernant
la guérison des hernies, et qui avait toute la confiance de Louvois,
de Mme de Montespan et de Mme de Maintenon, etc., etc.
Le chapitre III est consacré aux remèdes secrets et aux
publications qui les accompagnaient. Nous y trouvons d'abord des
considérations sur le rôle important joué par le mystère et le
merveilleux dans le succès d'un médicament qui aurait sans doute bien
moins, de vogue de sa simple autorité. Ce malheureux sentiment,
qu'on observe dans tous les lieux et à toutes les époques, a atteint
son maximum de développement au xvne siècle. Sous les noms
les plus cachés paraissent toutes sortes de panacées mystérieuses :
Le Souverain remède naturel du sel de Sapience, la poudre des
Tribus, l'hydromel de rosée, la Boule minérale, le baume
Tranquille, l'eau de Babel, etc., etc., et la fameuse poudre des
Jésuites, qui n'était autre que le quinquina et qu'un empirique seul
devait arriver à vulgariser, malgré l'opposition et les répugnances
de la Faculté.
Si la plupart de ces « spécialités » produisaient de déplorables
ou d'impondérables résultats, quelques-unes avaient une réelle
valeur thérapeutique. Les premières ont complètement disparu de
notre pharmacopée; les secondes, après avoir évolué et progressé,
ont pris une place prépondérante et définitive dans la pharmacie
actuelle, c'est ce que nous démontrent les conclusions générales,
dernier chapitre de cette longue étude, qui se termine par la
reproduction intégrale de plusieurs prospectus charlatanesqucs
publiés vers i65o dont le style n'est guère différent de celui qui
favorise l'écoulement de certains produits de notre siècle.
L'étude à la fois très documentée et nettement amusante de
M. H. Sulblé est accompagnée d'une dizaine de belles planches
reproduisant de jolis tableaux ou des gravures anciennes. Feuilletez-
la et vous serez entraîné à la lire d'un bout à l'autre. Cette brève
analyse ne peut qu'évoquer bien mal le charme d'un livre si riche
en enseignements inédits et en détails anecdotiques.
Nos» bien sincères compliments à notre confrère de Sées,
M. Sulblé, pour l'uvre à la fois historique, scientifique et
littéraire qu'il offre aux gens de goût.
Ch. B.

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