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L’AERODYNAMIQUE

DANS L’AUTOMOBILE

HT02 Histoire des sciences Florent MORTEL


Printemps 2002
L’aérodynamique dans l’automobile Florent MORTEL

SOMMAIRE
INTRODUCTION ........................................................................................................ 3
LA PORTANCE....................................................................................................... 3
LA TRAINEE ........................................................................................................... 4
LA NAISSANCE DE L’AUTOMOBILE....................................................................... 5
LES PREMIERES PREOCUPATIONS ...................................................................... 5
L’AGE D’OR DES INVENTIONS EN AERODYNAMIQUE : 1965-1981 .................... 6
L’APPARITION DES AILERONS ............................................................................ 6
LES VOITURES A VENTILATEUR......................................................................... 6
LES « WING-CARS » ............................................................................................. 7
FAVORISER L’EFFET DE SOL .............................................................................. 8
LES NOUVEAUX ELEMENTS AERODYNAMIQUES EN FORMULE 1: 1982-2002 9
LE DIFFUSEUR ...................................................................................................... 9
LE NEZ RELEVE .................................................................................................... 9
LES ECHAPPEMENTS HAUTS ............................................................................. 9
L’AILERON FOOTWORK ....................................................................................... 9
LA « BATMOBILE » .............................................................................................. 10
LES « MID-SHIP WING » ..................................................................................... 10
LES « PINGOUINS » ........................................................................................... 10
LE TUNNEL .......................................................................................................... 10
LES OUTILS DE L’AVANCEE TECHNOLOGIQUE EN AERODYNAMIQUE ......... 11
LES SOUFFLERIES ............................................................................................. 11
LE CALCUL NUMERIQUE.................................................................................... 12
CONCLUSION ......................................................................................................... 13
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 14

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L’aérodynamique dans l’automobile Florent MORTEL

INTRODUCTION

La Formule 1 est un sport particulier dans le sens où il dépend de nombreux


facteurs techniques. Passionné par cette discipline à partir de l’âge de 11 ans, je me
suis très vite intéressé à l’aérodynamique qui est devenue une activité prédominante
dans le sport automobile depuis les années 70.
Issu des classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieur, j’ai du préparé un
T.I.P.E. (Travaux d’initiative personnels encadrés) lors de ces études. Ayant choisi
un sujet traitant de l’aérodynamique, j’avais alors demandé des informations à
diverses personnes dont Loïc Bigeois, alors chef de projet chez Prost Grand Prix. Ce
dernier m’avait alors conseillé la lecture de son « livre de chevet » : Race Car
Aerodynamics, Designing for speed de Joseph Katz. Cependant, je n’avais pas pris
la peine de l’acquérir à l’époque et j’ai décidé de profiter de l’unité de valeur
« Histoire des sciences » pour motiver cette lecture qui est la principale source de
ma bibliographie.
Ce livre comporte une partie historique et une partie théorique qui est bien plus
importante. Cependant, on peut en la lisant, décrypter d’autres livres, illustrations ou
photos et ainsi situer dans le temps les créations ou les perfectionnements des
techniques aérodynamiques.

J’ai donc choisi de traiter l’évolution des techniques aérodynamiques dans


l’automobile depuis sa création, en 1889. La plupart de ces techniques sont issues
des voitures « à record » et du sport automobile qui, de part son statut de vitrine
économique pour les grands constructeurs (ce qui est plus vrai aujourd’hui qu’hier
grâce aux média), est toujours à la pointe dans la technologie étant donné ses
besoins en la matière. La partie concernant la seconde moitié du XX° siècle est donc
plus développée étant donné que la formule 1, apparue en 1946, sera la principale
utilisatrice et innovatrice des techniques aérodynamiques dans l’automobile.
En effet, le développement de l’aérodynamique était très faible avant l’explosion
de la discipline lors des trente dernières années du XX° siècle grâce notamment aux
moyens techniques et surtout financiers mis en œuvre (figure 1).

L’aérodynamique s’est développée grâce à l’aviation qui n’aurait pas lieu d’être
sans cette science contrairement à l’automobile qui l’utilise en tant que facteur
d’amélioration.

Les forces aérodynamiques ont donc été utilisés pour la première fois pour faire
voler des aérodynes plus lourds que l’air, l’exploit ayant déjà été accompli en ce qui
concerne les aérostats plus légers que l’air. C’était en 1783 avec Pilâtre de Rozier et
le marquis d’Arlandes dans un ballon.

LA PORTANCE
L’avion utilise les techniques aérodynamiques pour voler. Le but de la manœuvre
est de créer une force appelée « portance » qui s’oppose au poids de l’appareil et
permet sa sustentation. Pour créer la portance, on utilise une aile. Celle-ci est
légèrement courbée de façon à avoir l’extrados et l’intrados -qui sont les longueurs
reliant le bord d’attaque et le bord de fuite, respectivement par le dessus et par le
dessous- de longueur différente. Pour des raisons de continuité de masse d’air, les
particules d’air du bord d’attaque contournant le profil vont devoir se retrouver au

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bord de fuite. Ainsi, comme l’extrados est plus long, l’air va devoir accélérer et créer
une dépression selon le principe de Bernoulli. La résultante verticale de ces forces
de pression est la portance. Celle-ci est, quoiqu’il arrive, présente sur la quasi-totalité
des mobiles qui se déplacent : en effet, en automobile, la forme générale de la
carrosserie due principalement à l’habitacle crée une portance positive.
Pour une aile, divers facteurs influent sur la portance :
- l’incidence de l’aile (figure 2) : la portance augmente avec l’incidence de l’aile
(angle entre la corde du profil -ligne joignant le bord d’attaque et le bord de
fuite- et la direction de l’écoulement) jusqu’ à un angle où l’aile décroche. La
portance chute alors fortement.
- La forme de l’aile : sa courbure, son épaisseur…
- La vitesse du mobile : les forces aérodynamiques augmentent avec le carré
de la vitesse.

En automobile, le but est d’annuler la portance voire de générer une portance


négative : l’appui ou la déportance. L’objectif est d’augmenter la pression des pneus
sur le sol et ainsi d’élever les vitesses de passage en courbe. L’argument de la
sécurité peut aussi être émis : à vitesse très élevée, une automobile qui a un
coefficient de portance positif et trop important peut tout simplement, comme un
avion, s’envoler (voir figure 6). Cette mésaventure s’est d’ores et déjà déroulée en
course mais aussi durant l’essai de la Lamborghini Miura par une équipe de
journalistes de Sport-Auto.

LA TRAINEE
La traînée est la force exercée par le fluide qui s’oppose à l’avancement d’un
mobile. On peut la décliner en trois contributions :
- la traînée de forme qui dépend de la forme du mobile et notamment de son
maître couple.
- la traînée de frottement qui résulte du frottement du fluide sur les parois du
mobile.
- La traînée induite qui est due aux tourbillons créés par le contournement des
ailes par l’air.
Elle dépend aussi de la vitesse du mobile et, pour une aile, de son incidence. Il
faut être prudent quant à l’incidence choisie : quand l’aile décroche, la traînée
augmente fortement (figure 3).

L’objectif à atteindre pour l’automobile est de réduire la traînée qui induit une
augmentation de la consommation de carburant et une diminution des performances
en vitesse de pointe.
Cependant, le mariage entre les deux objectifs fixés (augmentation de la
déportance et diminution de la traînée) est plutôt incompatible. En effet, pour une
même configuration aérodynamique, une augmentation d’appui -par un braquage
d’aileron par exemple- entraîne une augmentation de la traînée. Il est donc
nécessaire de trouver le meilleur compromis entre les deux forces pour obtenir
l’automobile la plus performante. Tous les constructeurs s’y sont employés même si
les préoccupations concernant la déportance ont été bien plus tardives que celles
concernant la réduction de la traînée.

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LA NAISSANCE DE L’AUTOMOBILE

La première automobile est née en 1889 grâce à son premier moteur, un Daimler-
Maybach. Les premières préoccupations des constructeurs automobiles se tournent
vers la fiabilité mécanique et les performances des moteurs notamment. Mais
l’aérodynamique ne fait alors pas partie de leur inquiétude.
Cependant, les premières courses comme Paris-Bordeaux-Paris qui fut la
première digne de ce nom entre le 11 et le 15 juin 1895 vont permettre aux
constructeurs d’accumuler une expérience qui va rapidement les faire se soucier des
pertes engendrées par la traînée. Ils vont ainsi commencer à réduire le maître couple
de leur véhicule et à abaisser la garde au sol. Ces améliorations ne se réalisent
principalement que sur les voitures destinées à la course ou à records. En effet, les
préoccupations sont toutes autres pour les voitures de production puisque la raison
invoquée pour y diminuer la garde au sol est de faciliter la montée dans le véhicule !
Des améliorations sont toutefois présentées pour la clientèle mais elles sont très
limitées et se traduiront plus par de grandes différences de style entre la fin du
XIX°siècle et 1910 avec l’apparition des torpédo. On peut également noter
l’apparition du pare-brise au milieu de la première décennie.

LES PREMIERES PREOCUPATIONS

C’est en 1924 qu’un véhicule adopte une aérodynamique quasiment parfaite pour
réduire la traînée : la Tropfenwagen dessinée par E.Rumpler. Il s’agit d’un châssis en
forme de profil d’aile sans courbure (qui se rapproche de la forme d’une goutte d’eau)
dont le bord d’attaque est vertical (figure 4). Bien que ce modèle avait des
performances aérodynamiques comparables à celles des véhicules d’aujourd’hui en
ce qui concerne la traînée, ce véhicule était peut-être trop novateur : il ne remporta
pas un succès commercial et fut abandonné.
Dans les années 20, on sent chez les grands constructeurs la volonté de réduire
la traînée en inclinant les pare-brise, en carénant les roues et en effilant l’avant du
châssis.
Viennent ensuite les premiers designers aérodynamiciens comme Andreau qui, en
1936, conçoit la robe de la Peugeot 402 qui porte son nom, évolution non destinée
au grand public (5 exemplaires) du modèle 402 (figure 7).
Des améliorations apparaissent sur les véhicules de production :
- on observe des carénages autour des roues qui améliorent de flux l’air très
perturbé autour d’une roue en mouvement.
- L’arrière des voitures est effilé et la traditionnelle malle est incorporée dans le
design.
Dans les années 30, les progrès sont toujours et encore destinés à des voitures
d’exception, les constructeurs s’inquiétant plus de la tenue de route des véhicules.

Les évolutions vont se faire rares jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

Dans le sport-automobile, les véhicules sont constitués de châssis tubulaires avec


un moteur placé à l’avant. L’apparition des formule 1 en 1946 et de leur championnat
en 1950 va créer un véritable laboratoire pour les véhicules de production. Les
évolutions aérodynamiques sont pourtant inexistantes si l’on exclus les Mercedes

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avec une carrosserie parfaitement profilée qui dominent les championnats du monde
de 1954 et 1955.
En 1957, John Cooper décide, dans un souci d’équilibre de ses Cooper T43, de
placer son moteur en position centrale. Cette innovation va permettre d’améliorer
l’aérodynamique sur l’avant de ses automobiles.

L’AGE D’OR DES INVENTIONS EN AERODYNAMIQUE : 1965-1981

L’APPARITION DES AILERONS


C’est en 1965 qu’apparaît la voiture qui va révolutionner le sport automobile. Il
s’agit d’une Chaparral 2C qui, pour la première fois, arbore une aile inversée avec
succès. En effet, des premières tentatives avaient été menées dans les années 20
sur une Opel RAK2 qui était une voiture à record et sur une Porsche de l’ingénieur
Michael May en 1955. Sur la Chaparral, l’aile est fixée par deux dérives latérales et
peut faire varier son incidence.
L’amélioration qui en découle provient elle aussi de Chaparral avec le modèle 2E
qui court en Can-Am en 1966. La configuration adoptée est différente : alors que la
2C portait son aileron proche de la carrosserie, la 2E possède une aile inversée
portée par deux mats qui sont fixés directement sur les arbres de suspension afin de
transmettre le plus d’appui possible aux pneus.

En 1968, au grand prix de Monaco, les ailes inversées débarquent et envahissent


la formule 1 : c’est l’écurie Lotus qui ouvre la voie. Contrairement à la Can-Am, la
formule 1 oblige les écuries à construire des châssis avec des roues externes à
celui-ci. Ainsi, les constructeurs introduisirent des ailes inversées à l’arrière mais
également à l’avant.
Les constructeurs, pour améliorer l’efficacité des ailerons, les fixent sur les
moyeux des roues arrière pour la plupart et sur les moyeux avant également pour
d’autres comme Brabham. Mais les fixations à l’aide de simples mâts étaient trop
fragiles pour supporter les charges procurées par les ailerons ce qui s’avérait
dangereux lors de leur soudaine rupture (figure 8).
Le règlement n’ayant pas prévu l’arrivée de cette innovation technique, les écuries
allaient également donner la possibilité aux pilotes de modifier l’incidence de l’aileron
arrière pendant qu’il roule : pendant les phases de virage, le pilote donnait de
l’incidence à son aileron arrière et, en ligne droite, le pilote ramenait l’aile à plat.
Mais, en 1969, le C.S.I. (Comité Sportif International), dans un souci de limitation des
performances, modifia la réglementation et interdit toutes les parties de carrosserie
mobiles, limita la largeur des ailerons, la hauteur du châssis à un mètre et la fixation
des ailerons sur les suspensions ou moyeux de roue.

LES VOITURES A VENTILATEUR


Pendant ce temps là, en 1969, outre-atlantique, Chaparral continuait la course à
l’innovation : ils installèrent à l’arrière de leur Chaparral 2J à fond plat deux turbines.
Celles-ci étaient utilisées afin d’aspirer l’air sous la voiture et créaient ainsi une forte
dépression sous la voiture. Contrairement aux ailerons, l’avantage ici est que la
déportance ne dépend pas de la vitesse de la voiture mais de l’aspiration et donc de
la vitesse de rotation des turbines. De plus, bien que la garde au sol était déjà
réduite, Chaparral ajouta des jupes sur les bords latérales de la carrosserie afin de

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rendre le dessous du véhicule quasiment étanche. Cette technique avait également


l’avantage de souffler de l’air derrière la voiture et réduisait ainsi considérablement la
traînée.
Les années 70 voyaient donc le développement des ailes inversées. Mais, depuis
1969, rien ne vint révolutionner une nouvelle fois l’aérodynamique en Formule 1.

LES « WING-CARS »
Cette fois, c’est la formule 1 qui allait montrer la voie : en 1976, Colin Chapman
dessine la première « wing car » : la Lotus Type 78 qui, bien que prête dès mi-1976,
ne fut introduite en course qu’au début de l’année 1977 sur la demande de Colin
Chapman qui ne voulait pas se faire copier, conscient de la découverte qu’il venait
de faire (figure 10).
Le principe n’est pas vraiment différent des ailerons introduits dans la discipline
reine sept ans plus tôt : il s’agit cette fois de donner aux pontons du châssis une
forme d’aile inversée. Ainsi, la surface du véhicule subissant la déportance est
nettement accrue puisqu’elle concerne la quasi-totalité de ce dernier (excepté la
partie moteur et l’habitacle). Aussi, les pontons en forme d’aile inversée étant proche
du sol, le châssis bénéficie également de l’effet de sol. Pour améliorer l’efficacité de
ce dernier, Lotus additionna comme sur la Chaparral 2J des jupes. De plus, pour
accroître l’aspiration de l’air à l’arrière du véhicule, l’aileron arrière était placé plus
bas qu’à l’habitude pour aspirer (grâce à la dépression à l’extrados de l’aile) un peu
plus l’air sous le véhicule.
Pourtant, la Lotus 78 eut du mal à s’imposer : elle s’avéra efficace mais son
succès fut tardif à cause notamment d’un manque de puissance moteur. La Type 79
qui lui succéda était agrémentée de quelques améliorations avec notamment des
jupes latérales coulissantes (qui s’adaptaient à la hauteur de caisse). Elle domina
largement le championnat 1978 et permis à Mario Andretti de devenir champion du
monde.
C’est alors que Gordon Murray, pour contrer Lotus qui écrasait le championnat, fit
adopter à Brabham la turbine aspirante comme sur la Chaparral 2J sur sa BT46B
(figure 9). On se rendait aisément compte de l’efficacité de la turbine lorsque celle-ci
tournait, le véhicule étant à l’arrêt sur une flaque d’eau : on voyait alors l’eau
s’échapper du dessous de la formule 1 et la garde au sol de cette dernière
s’abaissait à vue d’œil, la pression s’exerçant sur les suspensions étant
considérable. Celle-ci remporta facilement sa première course mais le principe fut
interdit dès la course suivante, les turbines étant considérée comme des parties
aérodynamiques mobiles (qui avaient été bannies depuis 1969).

A noter qu’en 1979, la Busch HR-001 était la première voiture à carrosserie


fermée à adopter en Can-Am les innovations réalisées en formule 1 en introduisant
les jupes coulissantes et un diffuseur (partie arrière basse du châssis qui termine
l’écoulement sous la voiture) qui s’apparentait aux « wing cars » de formule 1.

En 1979, la concurrence a dû s’aligner mais Colin Chapman allait une fois de plus
apporter des modifications à sa formule 1. La Type 80 est l’évolution logique de la
Type 79. Le but ultime de l’effet de sol est de s’affranchir des ailerons qui génère trop
de traînée et ainsi d’augmenter la vitesse de pointe. Ainsi, Lotus présenta une Type
80 dépourvue d’aileron avant et qui possédait juste une lame (c’est-à-dire un profil
d’aile très fin) à l’arrière afin de stabiliser la monoplace, la résultante des forces

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aérodynamiques s’exerçant à un point située à une distance d’environ 25% de la


corde en partant du bord d’attaque. Cependant, Chapman avait voulu aller trop vite
et le fruit de sa réflexion n’allait pas fournir le rendement escompté.

La F.I.A. (Fédération Internationale de l’Automobile), pour limiter la vitesse de


passage en courbe, réduit l’efficacité de l’effet de sol d’abord en 1980 en interdisant
l’utilisation des jupes puis en 1981 en obligeant une garde au sol minimale de 6
centimètres et enfin en 1983 en introduisant un fond plat obligatoire qui empêchait
donc de donner une forme d’aile au châssis.

FAVORISER L’EFFET DE SOL


Cependant, Colin Chapman n’allait pas en rester là : pour rendre à ses
monoplaces l’efficacité perdue par la garde au sol minimale, il allait utiliser une
subtilité du règlement. En effet, la garde au sol minimale n’était obligatoire qu’à
l’arrêt. La genèse de son idée était née des vibrations qui torturaient les pilotes en
course. Pour résoudre ce problème, Chapman créa un double châssis :
- un châssis primaire qui comportait les pontons, la carrosserie et des ressorts
durs.
- un châssis secondaire, à l’intérieur du précédent, qui comprenait la coque, le
moteur, les trains roulants, l’habitacle et des ressorts souples.
Le châssis primaire venant facilement en butée, la coque pouvait ainsi monter et
descendre à son gré et générer un effet de sol plus important.
Malheureusement, tous les concurrents, face à l’efficacité de cette Lotus 88B,
étaient désarmés et demandèrent alors l’interdiction de la monoplace en course pour
cause de non-conformité. Chapman insista jusqu’au troisième grand prix de la saison
en se battant pour prouver la conformité de sa découverte, en vain. Le poids des
autres constructeurs était trop fort.

Dans le même souci de rapprocher la monoplace du sol pendant la course, en


1982, Peter Wright, poussé par Colin Chapman (qui allait disparaître à la fin de
l’année) et Gordon Murray chez Brabham, développèrent une suspension active sur
la Lotus. Il s’agissait d’équiper chaque roue d’un petit vérin hydraulique relié à une
pompe qui était entraînée par le moteur.
Cette technique fut à nouveau utilisée par l’écurie Williams et son concepteur
Patrick Head une première fois en 1987 puis de en 1992 et 1993 où une incroyable
suspension active fut instaurée sur les Williams FW14B et FW15 que Nigel Mansell
et Alain Prost vont mener au titre. Cette suspension était composée d’un circuit
hydraulique géré électroniquement qui permettait à la monoplace de conserver une
assiette constante et de pouvoir modifier la garde au sol. Cette technique qui
permettait une optimisation du fonctionnement des ailerons, fut interdite en 1994
suite aux drames d’Imola.

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LES NOUVEAUX ELEMENTS AERODYNAMIQUES EN FORMULE 1:


1982-2002

LE DIFFUSEUR
Après la disparition des wing-cars, il fallut essayer de retrouver d’une manière ou
d’une autre l’appui perdu. Ainsi, les écuries de formule 1, contrainte d’utiliser un fond
plat, développent depuis cette période des diffuseurs de plus en plus sophistiqués
malgré une diminution de leur dimension et donc de leur efficacité à partir de 1995.
Le diffuseur est un dispositif qui termine le fond plat et qui a pour objectif de faire
le lien entre la pression sous la voiture et la pression en aval de celle-ci (figure 5). De
part sa forme de venturi, le diffuseur sert également à aspirer de l’air provenant des
côtés de la monoplace sous le fond plat. Ainsi, l’effet de sol perdu après l’instauration
du fond plat est peu à peu retrouvé.

LE NEZ RELEVE
En 1990 apparaît sur les circuits une monoplace atypique : la Tyrrell 019 dessinée
par Jean-Claude Migeot et Harvey Postlethwaite (figure 11). Celle-ci présente,
contrairement à ses consœurs qui possèdent toutes un nez au ras du sol, un nez
relevé à une trentaine de centimètres de hauteur avec l’aileron avant qu’il n’est plus
un plan horizontal mais qui se présente plutôt sous la forme de deux moustaches. Le
but recherché est de canaliser l’air sous la voiture pour recréer l’effet de sol d’antan.
Cette nouvelle technique permet donc plus d’appui, d’où une moindre nécessité
de transporter des ailerons volumineux ce qui génère moins de traînée et accroît
donc la vitesse de pointe de la Tyrrell qui fait une bonne saison malgré un moteur
poussif. Ce nouveau concept révolutionne la formule 1 des années 90 : il s’agit de la
création d’un nouveau style, d’une nouvelle école. Toutes les formule 1 de la fin de la
décennie présentent ce type de nez.

LES ECHAPPEMENTS HAUTS


Introduit en 1999, les échappements hauts n’ont à priori rien à voir avec
l’aérodynamique. Pourtant, en soufflant de l’air chaud sous l’aileron, on augmente
sensiblement la dépression sous le profil de l’aileron arrière (figure 12).

Toutes les autres innovations des années 90 allaient pour la plupart résulter des
largesses laissées par la réglementation : les ingénieurs ont étudié cette dernière
pour mettre en évidence chaque centimètre cube où de l’appui pouvait être procuré à
la monoplace.

L’AILERON FOOTWORK
En 1993, l’écurie Footwork (Arrows) chercha la possibilité d’augmenter l’appui
procuré par l’aileron arrière sans augmenter le nombre de profils alignés
verticalement. En effet, l’accumulation de profils sur une même verticale réduit
l’efficacité de chacun d’eux. Ainsi, Footwork installa un profil en avant du profil
principal mais toujours maintenu par les mêmes dérives latérales.

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LA « BATMOBILE »
La traînée est accrue par les roues qui certes offrent un maître-couple important,
mais aussi à cause de leur rotation. Ainsi, les véhicules de sport prototype comme la
Peugeot 905 sont plus efficaces de ce point de vue comparativement à une formule
1.
Pour palier à ce problème, la naissante écurie Sauber allait prolonger les pontons
de sa C13 (1994) de manière à caréner la moitié de ses roues arrière (figure 13).
Cette solution sera impossible à mettre en œuvre à partir de l’année suivante, la
réglementation instaurant une « zone de non droit » précisément dimensionnée
autour des roues. Cependant, à partir de l’année suivante, les autres écuries vont
emboîter le pas en ajouter des miniprofils devant les roues arrière à l’extrémité des
pontons afin de procurer plus d’appui et de diffuser le flux d’air au dessus de la roue.

LES « MID-SHIP WING »


En 1995, Henri Durand, aérodynamicien chez McLaren, plaça sur la MP4/10 un
aileron placé sur le capot moteur appelé « mid-ship wing » (figure 14) qui était utilisé
sur les circuits sinueux où une vitesse de passage en courbe élevée est nécessaire.

LES « PINGOUINS »
Toujours à la recherche de plus en plus d’appui surtout sur les circuits tortueux,
Mike Gascoyne eut l’idée d’installer sur la Tyrrell 025 de 1997 des appendices
aérodynamiques positionnés sur chacun des pontons qui apportaient environ 70 kg
de charge supplémentaire chacun et qui furent rapidement appelé « pingouins » à
cause de la forme particulière qu’ils procuraient aux monoplaces (figure 15).

LE TUNNEL
Cette année, l’écurie Arrows a amélioré l’effet de sol sur ses monoplaces en
favorisant la canalisation du flux d’air sous le châssis. Cette solution se caractérise
par un tunnel qui se dessine sous le nez de la monoplace (figure 16).

Cette période est donc principalement marquée par la volonté de retrouver l’appui
généré par l’effet de sol des wing-cars. Cela se traduit généralement par la
multiplication des profils aérodynamiques là où le règlement le permet. On verra
d’ailleurs au grand prix de Monaco 2001 les écuries Arrows et Jordan amenant des
monoplaces (vite interdites par la F.I.A.) équipées d’ailerons situés 60 à 70
centimètres au dessus de l’aileron avant pour Arrows et devant le nez du pilote pour
Jordan (figures 17 et 18).
La principale innovation découlant de cette période est le nez relevé des formule 1
qui fait désormais l’unanimité dans la discipline reine.

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LES OUTILS DE L’AVANCEE TECHNOLOGIQUE EN


AERODYNAMIQUE

LES SOUFFLERIES
La première soufflerie fut dessinée et construite en 1871 par H. Wenham et fut
utilisée pour divers essais mais les scientifiques craignaient que leurs expériences
soient erronées car ils pratiquaient leurs tests sur des modèles réduits.
C’est alors que Osborne Reynolds (1842-1912) démontra la théorie de la
similitude en introduisant le nombre de Reynolds qui prouve que les caractéristiques
d’un modèle passée en soufflerie peuvent être appliquées à des appareils de
dimensions différentes.
La première soufflerie américaine fut créée en 1901 par Wilburg et Orville Wright
qui essayaient de vérifier expérimentalement les données sur lesquelles ils avaient
basé le dessin de leur aéronef. De conception rudimentaire, il était de taille réduite et
était composé d’une simple hélice et d’un tunnel (figure 20). Ils l’avaient également
muni d’un système de balance afin de mesurer la portance. Ces tests en soufflerie
ont permis aux frères d’améliorer les performances de leur appareil jusqu’au premier
vol de 1903.
La première soufflerie à retour de flux fut construite en 1916 à Göttingen par
Ludwig Prandtl. Elle était composée d’une turbine, d’une zone qui éliminait les
turbulences et était la première à utiliser un venturi qui accélérait l’air dans la zone de
test (figure 21).
En 1921, le comité exécutif de la NACA (aux Etats-Unis) décida de construire une
nouvelle soufflerie : le Langley Laboratory' s Variable Density Tunnel (VDT). La
pression de l’air pouvait y varier afin de pouvoir compenser les différences de
mesure dues aux échelles réduites des modèles à tester (en effet, il faut compenser
la masse volumique présente dans le nombre de Reynolds pour retrouver les
résultats de l’échelle 1).
Toutes les innovations suivantes vont principalement concerner l’augmentation de
la dimension des veines, l’instauration des souffleries à pression variable, à
conditions climatiques variables ou encore des souffleries supersoniques ou
hypersoniques mais ces deux dernières ne concernent pas les automobiles !
Les principales innovations concernant les souffleries automobiles vont concerner
les interactions entre la voiture testée et le sol de la soufflerie. En effet, le sol étant
fixe, il existe une couche limite sur le sol en plus de celle sous la voiture :
- la première solution consista à diminuer l’épaisseur de cette couche limite en
positionnant la voiture sur une plaque plane dont les bords d’attaque
coïncident, l’épaisseur de la couche limite augmentant avec la longueur du sol
ou de la plaque.
- ensuite, on essaya d’éliminer cette couche limite en aspirant le fluide léchant
le sol ou en positionnant le véhicule sur un sol troué.
- cependant, bien que ces solutions empêchaient ou réduisaient la présence
d’une couche limite entre le sol et le véhicule, elles ne satisfaisaient pas la
réalité puisque tout effet de sol était impossible à mettre en valeur. Il fallut
donc introduire des sols soufflants de l’air sous la voiture
- enfin, la solution ultime reproduisant la réalité fut réalisée en adaptant des
sols avançant avec l’air. Cependant, cette solution oblige le testeur à fixer son
modèle par l’arrière ou le dessus et pose des problèmes de mesure de charge
(qui se trouvaient auparavant dans le sol). De plus, les véhicules à effet de sol

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aspirent ce sol qui est souple étant donné qu’il doit tourner comme un tapis
roulant !
Toutes ces innovations de soufflerie automobile datent des années 70 puisque les
constructeurs découvraient l’effet de sol et voulaient pouvoir le simuler.

Au cours du XX° siècle, le facteur le plus impressionnant concernant les


souffleries est sans doute l’inflation du nombre d’heures passées par véhicule en
soufflerie : d’une estimation de 20 heures pour les frères Wright, on est passé à 100
heures pour le DC3 et à 1000 heures pour un Boeing 747 (figure 22). Aujourd’hui,
tous les constructeurs automobiles utilisent ce type de matériel, les constructeurs de
formule 1 faisant tourner les souffleries à longueur d’année (environ 12000 heures
pour un nouveau modèle).

LE CALCUL NUMERIQUE
(C.F.D. : Computional Fluid Dynamics (figure 19))
Le calcul numérique en aérodynamique et plus généralement en mécanique des
fluides s’est développé grâce aux avancées technologiques réalisées par les
ordinateurs. Son utilisation s’est développée à partir des années 70 mais était limitée
aux profils simples et aux méthodes de résolutions simples.
Ce n’est que dans les années 90 que la possibilité de résoudre des problèmes à
géométrie complexes a été permise avec de simples méthodes de résolution. En
effet, la résolution complète avec les équations de Navier-Stokes n’était réalisée que
pour des profils simples dans la dernière décennie du XX° siècle.
Cependant, le calcul se développe et devient un outil de plus en plus performant
pour concevoir un véhicule.

Malgré ses performances, le calcul numérique ne peut pas affranchir le


concepteur d’un passage en soufflerie pour confirmer ses résultats.

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L’aérodynamique dans l’automobile Florent MORTEL

CONCLUSION

Concernant les préoccupations aérodynamiques, on peut diviser le XX° siècle en


deux parties distinctes : durant la première moitié, les constructeurs automobile se
sont souciés de réduire la traînée de leur véhicule pour augmenter leur performances
en vitesse de pointe et durant la seconde moitié de ce siècle, bien qu’il continuaient
l’effort engagé précédemment, ils développèrent des véhicules toujours plus
innovants pour réduire, voire inverser la portance des automobiles afin d’augmenter
leur stabilité en roulis et leur vitesse de passage en virage.
Toutes les innovations ont été engagées dans le sport-automobile avant d’être
quelques fois adoptées par les voitures de série.
Ainsi, au cours du siècle, les véhicules n’ont pas eu tendance à diminuer leur
traînée mais plutôt à la conserver (voire à l’augmenter pour certains) à cause de
l’appui recherché. En effet, les derniers véhicules adoptent des bords de fuite
tronqués qui permettent de limiter la portance sur le train arrière et ainsi d’améliorer
la stabilité de la voiture mais qui génère également de la traînée.
Enfin, si l’allure de nos véhicules de demain sera décidé par les améliorations
faites dans le sport d’aujourd’hui, il faut aussi remarquer que l’explosion de
l’importance de l’aérodynamique dans le sport-automobile est certes due à
l’ingéniosité des concepteurs qui a souvent du être bridée par les réglementations
mais aussi aux moyens financiers engagés dans le sport par les sponsors, rendus
possible à partir du grand prix de Monaco 1968 grâce à l’autorisation du C.S.I..

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L’aérodynamique dans l’automobile Florent MORTEL

BIBLIOGRAPHIE
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1995, 270 pages
- Pierre Ménard, La grande encyclopédie de la formule 1, 1950-1999 : 50 ans
de Formule 1, Chronosports Editeur, 1999, 863 pages
- Roy Moyise, Michael Papadakis et Ismael Heron, Gurney flap exsperiments
on airfoils, wings, and reflection plane model, Journal of Aircraft Vol.35 No2
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- Antonio Filippone, The wind tunnel, http://aerodyn.org, 2002
- Andy Marson, F1mech.com, the ultimate formula one technical website…
http://wwwf1mech.com, 1998-2002
- Tom Benson, 1901 wind tunnel, http://www.grc.nasa.gov, 2002
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NASA, http://www.hq.nasa.gov/office/pao/History/SP-440/cover.htm, 1981
- Jean-Baptiste Garache,Le style automobile français de 1933 à 1954, Thèse à
l’université de Paris IV, 1984
- Renaud de Laborderie et Giorgio Piola, Revue de Détails, Sport-auto
(mensuel) de mars 1993 à juin 2002.

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Fig.1 : L’évolution de l’accélération latérale grâce à l’appui généré.

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Fig. 2 et 3 : Influence de l’incidence sur la portance et la traînée

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Fig.4 : La Tropfenwagen (1924)

Fig. 5 : Un diffuseur (Toyota IMSA 1992)

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Fig.6 : Une Porsche 911 GT1 (sport-prototype) qui s’envole

Fig.7 : La 402 Andreau

Fig.8 : Les casse d’ailerons en 1968

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Fig.9 : La Brabham BT46B à turbine (1976)

Fig.10 : Le profil du châssis de la Lotus 78 (1977)

Fig.11 : la Tyrrell 019 à nez relevé (1990)

Fig.12 : les échappements hauts de la Ferrari F2001

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Fig.13 : La Sauber C13 « Batmobile » (1994) à roues arrière carénées

Fig.14 : Le « mid-ship wing » sur la McLaren MP4/10 (1995)

Fig.15 : les « pingouins » des Tyrrell 025 (1997)

Fig.16 : L’amorce d’un véritable tunnel sur l’Arrows A23 (2002)

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L’aérodynamique dans l’automobile Florent MORTEL

Fig.17 : Le nouvel aileron des Arrows A22 (Monaco 2001)

Fig.18 : Le nouvel aileron des Jordan 201 (Monaco 2001)

Fig.19 : Exemple de répartition de pression autour d’un profil réalisé avec la C.F.D.

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Fig.20 : La soufflerie des frères Wright (1901)

Fig.21 : La soufflerie de Prandlt à Gottingen (1916)

Fig.22 : L’évolution du nombre d’heures passées en soufflerie au XX° siècle

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