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Les ma

Une représenta
Bibliothèque
Tang e
L'caventure nte&t:hé?ne&t:ique

Tangente Hor�s-série n° 44

Les matrices
une représenta1tion du monde

ËDiTiONS
POLE

© Éditions POLE - Paris - Août 2012 -


Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tout procédé, sur
quelque support que ce soit, en tout pays, faites sans autorisation préalable, est illicite et exposerait
le contrevenant à des poursuites judiciaires (loi du 1] mars 1957).
ISBN: 9782848841458 ISSN: 0987-0806 Commission paritaire: 1011K80883
ProchaineJ Dent
dans la Bibliothèq ue Tangente

~r r, ,rrrrrr r ~

~DITIONS.
POLE
les Matrices
Sommaire
Matrix
L'histoire des matrices

Systèmes linéaires et
DOSSIER transformations géométriques
Les matrices, ce sont ces tableaux de nombres sur lesquels
on peut définir des opérations naturelles. Ces objets algé-
briques permettent de modéliser naturellement les sys-
tèmes d'équations linéaires. Plus surprenant est leur rôle
dans la description des transformations géométriques : les
matrices leur ouvrent des horizons inattendus !

Espaces vectoriels : l'algèbre à l'assaut de la géométrie


Des matrices pour transformer
Le sens du déterminant
Transformations affines et points invariants
Systèmes linéaires et matrices
Comment rentrer dans le rang
Les nombres complexes comme ensemble de matrices
Le théorème de Cayley-Hamilton
Les fonctions homograph iqu es

Réduction de matrices
~·X·ti1i:J,I -
ne matrice existe généralement sous différentes formes,
ou plusieurs déguisements. Ainsi, pour pouvoir « lire »
directement les propriétés d 'une matrice, il est utile de
chercher la forme« la plus simple » qu'elle peut revêtir. Le
pivot de Gauss en est un bon exemple : la nouvelle forme de
la matrice (triangulaire) permet une résolution immédiate
d'un système linéaire.

Diagonaliser pour calculer les puissances d'une matrice


Le pivot de Gauss
Similitude et diagonalisation
Diagonalisation, géométrie et algèbre
La trigonalisation
Manipuler des matrices avec un tableur

Hors série n°44 Les matrices


l·X·f}1iM;I Les matrices sont partout !
Que l'on soit ou non mathématicien, les matrices nous envi-
ronnent. La planète Neptune a d 'abord été découverte sur
le papier, grâce à un proto-calcul matriciel, avant d'être effec-
tivement observée. L'économie, l'actuariat et la finance sont
friandes de matrices. L'électronique, l'informatique et toutes
les sciences ne peuvent s'en passer. Il est temps d'apprendre
à reconnaître ces objets !

Agrandir les images sans perdre en qualité


Partout en physique, des matrices
La trilatération
Les matrices actuarielles
Les tableaux entrées - sorties en économie
Matrices élémentaires en économie
Matrices et codes secrets
Les hommes préfèrent les grosses ... matrices
Calculs matriciels en statistique multivariée
Les matrices d'Hadamard
Problèmes de géo-matrices

l •X•f}1 iM;I Des matrices et des jeux


Un grand nombre de jeux font intervenir des tableaux de
nombres. Ainsi, derrière chaque jeu de grille logique,
chaque Sudoku, chaque carré magique se cache une
matrice, souvent utile dans sa résolution. Mais les
matrices se nichent parfois là où on ne les attend pas :
dans les jeux littéraires, l'écriture sous contraintes les a
depuis longtemps déjà mises à contribution.

Les carrés magiques : des matrices comme les autres


Divertissements littéraires
Les matrices Sudokus
Les matrices lumineuses du Lights Out
Problèmes
Les carrés magiques
Solutions

En bref

Tangente - Hors série n°44 Les matrices


ar Bertrand Hauchecorne EN BREF

De l'utérus
à la matrice
Du conducteur On doit à James Sylvester l'introduction en mathé-

au uecteur matique du mot matrice, ou plus exactement, en


anglais, matrix. Ce terme, formé sur la latin mater
signifiant « mère », désigne dès le XIIIe siècle
Les Romains possédaient déjà le mot vector. Issu l'utérus. Cependant, comme on enregistrait les
du verbe vehere signifiant « transporter », il dési- enfants à la naissance, il désigne bientôt aussi le
gnait aussi bien le passager que le conducteur d'un registre sur lequel on les inscrit. Ceci explique
bateau ou d'un chariot. Les mots français « véhi- aussi les mots matricule, cher à l'armée, et imma-
cule », « voiture » mais aussi « invective » proviennent triculation, rendu populaire grâce à l'automobile.
de cette même racine latine.
Avec les débuts de l'imprimerie, « matrice » désigne
Au Moyen Âge et jusqu'à la Renaissance , le vec- aussi le moule à imprimer sur lequel on place les
teur est le conducteur d'un bateau ou d'un véhicule, caractères. On voit la ressemblance entre un tableau
mais ce mot tombe alors en désuétude. Il est repris de nombres et une tablette de caractères. Cepen-
au milieu du XVIIIe siècle par les astronomes sous dant, en introduisant ce terme , Sylvester joue sur
forme d'adjectif. Ainsi, le tourbillon vecteur désigne les mots, puisqu'il use de cette ressemblance tout
le mouvement d'une planète et le rayon vecteur en se rattachant à l'étymologie du mot, comme
joint le centre du soleil à un point de l'orbite . en témoigne cette phrase écrite en 1851 : "/ have
in a previous paper defined a « Matrix » as a rec-
En 1844 , William Hamilton reprend ce mot pour tangular array of terms, out of which differenl
désigner le vecteur (au sens actuel) joignant deux systems of determinants may be engendered, as
points . La formalisation des espaces vectoriels from the womb of a common parent" (« J'ai défini
arrive à la fin du XIXe siècle avec Peano. Un vec- dans un précédent article une matrice comme un
teur devient un élément de cette structure nouvelle. tableau rectangulaire de termes , duquel peuvent être
Ver 1900, « vecteur » apparaît parallèlement en engendrés différents systèmes de déterminants
médecine. Prenant un sens figuré du mot latin, il comme sortis du ventre de la même mère »).
désigne les agents infec-
tieux qui transmettent une
maladie. On a pu entendre
il y a peu que les oiseaux
migrateurs sont le vecteur
de la grippe aviaire .

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 5


PASSERELLES par Jean-Jacques Dupas

Dans un monde futur, des machines élèvent des humains afin


de capter leur énergie vitale. Elles soutirent un maximum
d'énergie si les humains sont actifs plutôt que végétatifs. Alors
elles les plongent dans un environnement simulé. Bienvenue
dans la Matrice.

es habitants de la Terre croient veur), il mêle également plusieurs

L vivre des vies normales. En fait,


ils sont tous con nectés à des
machines. L'histoire du blockbuster
thèmes classiques des religions : le
bouddhisme (avec Néo en Éveillé), le
christianisme (avec Trinity et
The Matrix (Andy et Larry Anderson, littéralement « le fils de
Wachowski, 1999, produit par Warner l' homme »), le judaïsme (avec le
Bros. Pi ctures) raconte le combat thème messianique), la mythologie
d'une poignée d'humains déconnectés grecque (le personnage de Morpheus
contre ces machines qui ont asserv i les fait référence à Morphée, dieu des
humains. Mais pourquoi ce nom de songes, un des mille fils du Sommeil,
Matrix ? En anglais comme en fran- Hypnos), etc.
çais, le terme désigne aussi bien ('uté-
rus féminin que l'objet mathématique De morphée à Platon
(voir en pages précédentes). Dans le
film, les humains vivent leur vie dans Cette référence expl icite au sommeil
un utérus artificiel. En outre, toute nous renvoie à la question : qu ' est ce
simulation consiste essentiellement en qui différentie un rêve de la réalité ?
des manipulations de matrices. Enfin, Comment notre cerveau s'y prend-il
si le film est à la cro isée de plusieurs pour produire nos rêves et déconnecter
thèmes classiques de la sc ience-fiction nos muscles ?
(le combat contre les machines, le sau- The Matrix est donc matriciel en diable.
li tisse également plusieurs autres
thèmes philosophiques ou scientifiques.
Discrétisations et équations
Par exemp le, celui des grandes
dijférentielles se traduisent généralement simu lations numériques, ou encore
par des manipulations de matrices. celui du mythe de la caverne de Platon.

6 Tangente Hors-série n° 44. Les matrices


The Matrix (ou tout
simplement Matrix
dans les salles
françaises) est truffé
de références au
monde imaginaire de
Lewis Carroll.

Dans celui-ci, des humains sont pratiquer des tests in situ. Mais cette
enchaînés dans une caverne, de telle démarche a un coût ! L'idée alors est
sorte qu ' ils ne peuvent voir que la de le reconstituer sur une maquette
paroi de leur antre. Sur celle-ci, ils numérique. On le discrétise (on le
n'aperçoivent que l'ombre du monde, « découpe en petits morceaux » et on
qu'ils prennent pour le monde réel. On applique les lois de la physique sur ces
peut interpréter ce mythe en science petits morceaux, en résolvant la plupart
par l' utilisation du modèle. Un modèle, du temps des équations différentielles).
c'est une vision réduite du monde réel , Discrétisations et équations différen-
une projection. Il est régi par les lois de tielles se traduisent généralement par
la physique, il permet d'expliquer, et il des manipulations de matrices. Par
do it être prédictif. Les ingénieurs, les exemple, au lieu de crasher un avion, il
scientifiques contemplent les parois de est moins dangereux (et surtout moins
leur caverne ! Mais le monde réel est coûteux) de réaliser une simulation.
souvent trop complexe pour être ainsi Mais attention : une simulation, ce
appréhendé. n'est pas si facile ! La discrétisation,
Un mathématicien peut aussi déjà, n'est pas toujours simple (un
interpréter ce mythe par ! 'abstraction : avion possède des milliers de
croyant contempler des objets, il ne pièces ... ). Ensuite, il faut maîtriser les
contemple que l'ombre d'objets plus modèles physiques (mission quasi
abstraits. Cette montée en abstraction impossible en physique nucléaire ou en
s'avè re souvent riche . Dans The physique des plasmas). li faut enfin
Matrix, le mythe de la caverne maîtriser les mathématiques du calcul
s' incarne grâce à une simulation. matriciel , du calcul numérique et
L' idée de simulation numérique n' a pu disposer de pui ssances de calcul
prendre corps qu 'avec la montée en impressionnantes.
puissance des ordinateurs. Avant Dans un modèle discrétisé, plus le
l'avènement de ces machines, pour découpage est fin, plus la simulation
tester un objet, il fallait le construire et sera précise. Mais découper les

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente


PASSERELLES Matrix

longueurs par un facteur dix, c'est miroirs : on nous présente la vie réelle
multiplier le nombre de mailles comme une simulation, mais c'est bien
volumiques par mille. Et après tout ce le film qui est une simulation ! The
travail, il faudra quand même disposer Matrix est d'ailleurs truffé de
d'expériences physiques pour recaler références à Lewis Carroll : le lapin
les modèles. Une simulation blanc tatoué sur l'épaule de Trinity, la
numérique s'appuie donc sur un chute interminable dans un tuyau, la
triptyque ( on retrouve Trinity) : des traversée du miroir. .. li est amusant de
modèles physiques, des moyens de se rappeler que, dans son traité sur les
calculs (aussi bien matériels que déterminants ( datant de 1867), le
logiciels) et des expériences physiques mathématicien Charles Dodgson (alias
pour recaler les modèles. Lewis Carroll) récusait ! 'utilisation du
terme « matrice », qui pour lui avait
De l'autre côté du miroir plutôt la signification d'un moule ; il
lui préférait le terme « bloc ».

Dans tout programme informatique


digne de ce nom, il reste des bugs.
Éditer des programmes sans bug (ou
tout au moins avec le moins de bugs
possible) est le défi de l' industrie
Les simulations sont extrêmement logicielle actuelle. Les mathématiques
utiles dès qu ' il est impossible de faire se sont emparées de ces sujets bien
des expenences grandeur nature avant que les ordinateurs existent (voir
(tremblements de terre, tsunamis, par exemple les travaux de Church,
crashs d'avions ... ). Un cas typique est Godel ou Turing). C'est en partie à
la cosmologie : comme il est assez cause des bugs de la Matrice que le
difftci le d'aller sonder ('espace héros se doute que quelque chose
intersidéral, les cosmologistes font des cloche dans son monde.
simulations ils font The Matrix est donc bien une matrice
évoluer un univers, de nombre ux thèmes classiques. li
Références simplifié, de milliards de possède la vertu de fournir des images
• Dictionnaire de la particules en jouant avec aux idées abstraites, comme la
111ythologie grecque et les lois de la physique pour simulation numé rique (dont l' image
ro111aine. Pierre Grima l. voir s'ils obtiennent un restera sans doute associée à un fond
Presses Unive rs itaires univers « proche » du vert avec un défilement de chiffres). Le
de France, 1999. nôtre. lis peuvent ainsi film met en avant la culture
• SF : la science 111ène tester la validité de informatique (le héros est informati-
l 'enquête. Roland nouvelles théories. cien le jour et hacker la nuit). Les
Lehoucq, le Pommier, Une des industries qui matrices, au sens mathématique, sont
2007. consomment également certes moins connues du grand public,
beaucoup de temps de mais omniprésentes : elle mériteraient
calcul est le cinéma. Et d 'être plus connues que le film !
justement, dans le film, de nombreuses
scènes sont issues de simulations J.J.D.
numériques. li y a donc un jeu de

8 Tangente Hors-série n° 44. Les matrices


par B. Hauchecorne et É. Thomas EN BREF

Hlgebre matrices rudimentaires


li , .
Le mot « linéaire » En tant que tableau de nombres, il est aisé de comprendre
est l'adjectif asso- qu ' une matrice M peut posséder un nombre quelconque de
cié à « ligne », sous- lignes (disons n) et un nombre tout aussi arbitraire de colonnes
e n tendu « ligne (par exemple p). M sera complètement définie dès lors que les
droite ». Les lignes n x p éléments (ou coefficients) si tués à l'intersection de cha-
droites sont en effet cune des lignes avec chacune des colonnes seront précisés.
les sous-ensembles On note généralement ( a,.;),.,_••
l s;sp
les coefficients d'une matrice
privilégiés des M quelconque , où chacun des n x p coefficients est un scalaire.
espaces vectoriels.
Le mot « algèbre », quant à lui, provient • Dans le cas où n = p, la forme géométrique que prend la
du titre d'un ouvrage d 'al-Khwarizmi, représentation de M fait que la matrice M est dite carrée ; elle
dans lequel le savant arabe du IX0 siècle possède alors n2 coefficients (dans le cas général, on parle de
résout les équations de degré 2. On lui matrice rectangulaire).
doit également un ouvrage, De numero • Dans le cas où n = 1, M est une matrice ligne. Dans le cas
lndorum , dans lequel il explique le où p = 1 , M est une matrice colonne. Dans le cas très parti-
maniement des chiffres dits arabes culier où n = p = l , M peut être assimilée à un scalaire .
inconnus en Occident à) 'époque et la
numération de position qui permet Les matrices les plus utilisées en mathématiques sont les
d'avoir des algorithmes simples pour =
matrices carrées (n p). Les n éléments a;,; situés sur la dia-
effectuer des opérations. Lors de l'adop- gonale principale sont appelés, justement, les éléments dia-
tion de cette numération en Occident gonaux (les autres étant les éléments extra-diagonaux).
vers le XYI0 siècle, l'étude et le manie- Si tous les éléments extra-diagonaux de M sont nuls, la matrice
ment des nombres entiers s'appelle est dite diagonale. C'est le cas particulier de la matrice nulle,
toujours arithmétique alors que l' al- dont tous les éléments aij sont égaux à zéro, ou de la matrice
gèbre désigne sa généralisation aux identité, dont les éléments diagonaux sont tous égaux à 1 (et
nombres négatifs , à l'introduction de tous les autres sont nuls).
paramètres. Les nouveaux ensembles Enfin, l' utilisation des matrices pour la résolution des systèmes
de nombres , les complexes, les qua- linéaires fait intervenir des matrices carrées dont tous les élé-
ternions et les espaces multidimen- ments situés strictement sous la diagonale principale sont
sionnels, entrent de fait dans le domaine nuls. Ces matrices sont appelées matrices triangulaires supé-
de )'a lgèbre . Aussi parle-t-on aussi rieures. Plus précisément, une matrice M est triangulaire
d'algèbre linéaire ... supérieure si ses coefficients vérifient aij = 0 dès que i <j.

0 0 0 1 0 0 5
0 0 0
0 0 0

La matrice nulle.
0
0 0
1 0
1

La matrice identité.
Gn 2
0

Une matrice triangulaire


supérieure.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 9


HISTOIRES par Bertrand Hauchecorne

'
La genèse de la théorie des matrices est confuse, et passe par
la Grande-Bretagne, par la France, l'Allemagne, et même ... la
Chine ! De simples outils permettant de simplifier les
notations, les matrices deviennent ensuite un outil
incontournable pour l'algèbre linéaire.
' tème; c'est en quelque sorte une matri-

L
histoire de France commen-
ce-t-elle avec les Gaulois, le ce. Privilégiant l'aspect pragmatique de
baptême de Clovis ou l'ac- la résolution, on a d'abord introduit le
cession sur le trône d'Hugues Capet? calcul de déterminant, notion nécessaire
Les historiens ne sont pas tous d'ac- à justifier l'existence de solutions. Cet
cord. Pour les matrices, c'est un peu outil est apparu avec Gottfried Wilhelm
pareil : doit-on parler de matrices dès Leibniz dès la fin du xv11° siècle, cent
que certains e urent l'idée d'extraire un cinquante ans avant une définition for-
tableau de nombres d ' un système melle de la notion de matrice par James
d'équations linéaires, doit-on attendre Joseph Sylvester et Arthur Cayley.
que Cauchy note en tableau des déter-
minants, ou faut-il que Sylvester leur Des Han à Hanovre
donne un nom et Cayley définisse des-
sus des opérations, les traitant comme Les Neuf chapitres sur ! 'art mathéma-
des nombres munis d'une structure? tique sont un ouvrage compi lant les
principales méthodes mathématiques
Historiquement, la résolution de systè- connues dans l 'Antiqu ité chinoise. Il
me d'équations linéaires est très ancien- apparaît sous la dynastie des Han, au
ne. La donnée des coefficients devant tout début de notre ère. Le titre du hui-
chaque inconnue suffit à définir ce sys- tième chapitre, Fang sheng, signifie
« comparaison des dispositions». Il
présente des problèmes résolus par des
systèmes d'équations linéaires à deux
Du tableau de nombres à un outil ou trois inconnues. On disposait les
essentiel de l'algèbre linéaire. coefficients du système en tableau, en

10 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


William Hamilton
Bien que connu pour ses travaux en mathé-
matiques et en physique, Sir William Rowan
Hamilton (1805-1865) est avant tout un ...
astronome. D'une précocité stupéfiante, on
dit qu'à 5 ans, il lisait déjà le latin, le grec et
l'hébreu. Il quitte son Irlande natale en 1823
pour aller étudier au Trinity College de
Cambridge. Il obtient à 22 ans le poste très
prisé d'astronome royal d'Irlande et passe le
reste de sa vie à Dunsink, à proximité de l'ob-
servatoire de Dublin.
Sa rédaction, dans les années 1830, d'une
théorie rigoureuse des nombres complexes
qu'il assimile à des « nombres de
dimension 2 » est un prélude à une base axio-
matique des structures algébriques. Ceci le
mettant autant de baguettes que le pro- conduit à chercher vainement des « nombres de
blème présentait: c ' était, pourrait-on dimension 3 », puis à introduire en 1843 les qua-
dire, l'apparition des premières ternions. Il pense avoir trouvé un outil essentiel
matrices, tout en baguettes . On résol- pour l'étude de la physique, mais le développe-
vait alors le système, en maniant ces ment de l'analyse vectorielle par Willard Gibbs et
baguettes, par une méthode rappelant Oliver Heaviside amènera des notations plus
le pivot de Gauss. simples.
S ' intéressant, à la fin du xv11• siècle, à Souvent inspiré par des problèmes venus de la
un système de trois équations linéaires physique, comme l'optique ou la dynamique,
à trois inconnues, Leibniz, alors au ser- Hamilton étudie les équations différentielles. Il
vice de la maison de Hanovre, en introduit en 1835 les fonctions hamiltoniennes,
extrait les coefficients ; le terme que qui expriment la variation dans le temps d'un sys-
nous notons aujourd'hui a, ,2 est pour tème physique dynamique, le hamiltonien repré-
lui soit 12 (il y a donc confusion avec sentant son énergie totale.
l'entier 12), soit 12 . Tl se rend compte
que le tableau représenté par les coeffi-
cients est ('élément essentiel qui résoudre un système. Dans son
indique s'il y a une solution, plusieurs Mémoire sur la résolution des équa-
solutions ou aucune solution . Tl expri- tions, publié en 1771, le mathématicien
me en outre le déterminant en fonction français Alexandre-Théophile Vander-
des coefficients. monde est le premier à s'intéresser aux
Tout au long du xv111• siècle, l'étude propriétés des déterminants et aux
des systèmes se focalise sur la notion méthodes pour les calculer en se déta-
de déterminant. Plusieurs mathémati- chant du système lui-même. Dans ses
ciens, comme le Suisse Gabriel Cramer travaux sur la mécanique céleste,
ou le Français Étienne Bézout, Pierre-Simon de Laplace développe un
empruntent la démarche du philosophe embryon de calcul matriciel et utilise
allemand en étudiant les déterminants la méthode de développement d'un
de manière utilitaire dans le seul but de déterminant par rapport à une colonne.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 11


HISTOIRES L'histoire des matrices

De Cauchy à Cayley coniques revient en fait à annuler


simultanément deux polynômes en x et
Au XIXe siècle, le mathématicien fran- y. Cependant, le mathématicien britan-
çais Augustin Louis Cauchy construit nique, influencé par son ami Arthur
une théorie des déterminants presque Cayley, aborde ce problème par les
moderne. Il introduit la notation en déterminants. Il est amené à calculer
tableau et la double indexation des certains déterminants, qui sont tous
composantes. Il définit ce qu ' il appelle issus d' un tableau de nombres qu'il
le produit de deux déterminants: c'est nomme matrice, les déterminants ini-
en fait le produit des deux matrices
associées. Lagrange l'avait déjà défini
avant Cauchy pour les matrices carrées
de taille n = 3. Le Britannique James
Sylvester, quant à lui, reprend en 1850
des travaux du mathématicien alle-
mand Julius Plücker publiés en 1828
sur les intersections de coniques. Ce
dernier avait en fait résolu le problème
géométrique, mais grâce à des
méthodes purement analytiques et
assez lourdes. Cette étude se plaçait
dans le cadre de la géométrie algé-
brique, où une courbe est définie par
une équation de la forme f (x, y) = O.
Ainsi, déterminer des intersections de

Ta.ngente Hors-série n°44. Les matrices


tiaux étant des mineurs. L' année sui- linéaire. Il démontre le théorème de
vante, Sylvester généralise ses travaux Cayley-Hamilton en 1878 et dévelop-
aux quadriques, c'est à dire aux sur- pe la théorie des formes bilinéaires. À
faces d'équation f(x, y, z) = 0, où f cette même époque a été perçue l' im-
désigne une fonction polynomiale de portance de ces fonctions dans diffé-
degré 2. rentes branches des mathématiques
Au début des années l 850, Cayley et ( espaces euclidiens, systèmes diffé-
Sylvester, tous deux membres du bar- rentiels de second ordre, théorie des
reau, échangent sur leurs passions nombres . . . ). Pourtant, bien que très
communes. Cayley comprend alors au courant des travaux de Cayley,
toute l' importance en algèbre des Frobenius s'obstine dans ses travaux à
tableaux de nombres utilisés par éviter l'emploi des matrices!
Sylvester. Dans un article publié en Dans les années 1890, ! ' usage des
français en 185 5, il parle des matrices matrices se développe brusquement.
comme une « notation commode » Le mathématicien pragois Eduard
pour re présenter les systèmes Weyr étend le champ des matrices en
linéai res. Il explique ! 'i ntérêt de la les utilisant pour étudier les formes
notion matricielle pour étudier les bilinéaires (qui sont des fonctions de
« fonctions linéaires». deux vecteurs x et y, linéaire en x lors-
Trois ans plus tard, Cayley élabore une qu 'on fixe y et linéaire en y lorsqu ' on
véritable théorie des matrices dans son fixe x) . En passant aux coordonnées de
nouvel article A Memoir on the Theory ces vecteurs, l'expression de la forme
of Matrices. S'inspirant sans doute du bilinéaire se reformule en une somme
mémoire d' Augustus de Morgan, On de termes de la forme ai,J X; yJ"
the Foundation of Algebra, publié en Réc iproquement, la donnée de la
1841, il défi nit sur les matrices des matrice des coefficients (a;);J suffit à
opérations d'addition et de multiplica- déterminer une forme bilinéaire.
tion, les considérant de ce fait comme Dès lors, ! ' usage des matrices se
des sortes de nombres (des éléments répand inexorablement. Elles ne sont
mathématiques à part entière, et non de plus vues comme des éléments indé-
simp les commod ités d 'éc riture). pendants, mais à chacune d 'elles est
Cayley en est bien consc ient lorsqu 'i l associé un certain nombre de proprié-
les désigne par le terme de « single tés, de potentialités. Le mathématicien
quantity » (quantité simp le). li s'émer- allemand Leopold Kronecker com-
veille du « remarkable theorem » lors- prend par exempl e l'importance de
qu'il énonce le résultat con nu sous le l'entier r correspondant à la taille
nom de théorème de maximale d ' un système linéairement
Cayley- Hamilton. Certains voient en indépendant que l'on peut en extraire;
lui l' inspirateur de la notion d'hyper- il l'appelle rang de la matrice. De nos
nombre et de la théorie des algèbres. jours, les matrices sont utilisées dans
de nombreux domaines, très divers,
Les matrices franchissent la manche bien au-delà du champ mathématique !

Introduites par des Britanniques, les B.H.


matrices peinent à s'implanter sur le
continent. Georg Frobenius approfon-
dit les différentes notions d'algèbre

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 13


EN BREF par B. Hauchecorne et H. Lehning

Scalaire
La racine indo-euro péenne skand signifi ait « lever
le pied ». On la retrouve dans le grec skandalon , qui fldditionner
désignait un di spos itif fa isant trébucher, un piège.
Les Pères de l'Ég li se l' utili sent dans le sens d' in- des matrices
c itati on au péché. Devenu scandalum en latin , il
fo urnit à notre lang ue les mots « scanda le » e t Les tableaux de nombres, com me le tableau à deux
« escl andre ». 1 4 -2
lignes et tro is colonnes , sont fréquemment
Le latin scandere, « monter », est de même ori- 0 3 5
g ine . On le retrou ve dans les mots français « des- manipulés dans divers domaines (la co mptabil ité par
cendre», « ascension » et bien sûr « transcendant ». exemple), surtout depuis l' util isation des tab leurs. On
Par déri vati on , les Roma in s appe ll ent scala une peut e n parti c uli e r dé finir des opérati ons dess us.
marche, pui s par ex tension un escalier. Ce dernier L' usage es t alors, po ur les mathé mati c iens, de les
mot en provient par l' intermédi aire du provençal. représenter entre parenthèses, le tablea u précédent
Le mot « échelle » est de même 1 4 2
devenant ( - ).
racine. L'ajout du « é » initial est 0 3 5
un phénomène linguistique cou- L'addition de deux matrices de mêmes dimensions, c'est-
ra nt pour fac iliter la prononc ia- à-dire ayant le même nombre de lignes et de colonnes
tion d' un « s » initial devant une se fa it élément par élément. Ainsi :
consonne : penser à « éco le » et
« sco la ire », « étude » et « stu- 1 4 -2) + ( 2 - 1 3) = ( 3 3 16) .
dieux». (0 3 5 -3 5 1 -3 8

Le mot scalaris ex iste déjà en latin Muni de l'additi on, l' ense mbl e des matrices 2 x 3 a
et signifie « relatif à l'échelle ». Les déjà une structure intéressante , c'est un groupe com-
naturali stes l' utili sent au xrxe mutatif.
siècle pour désigner un poi sson. Si on y ajoute la multiplicati on par un scalaire, défi-
ni e de même é lément par élé ment :
Son e mploi en mathématiques
_ _,.,.,
,,, - ..... vi ent de l'a nalog ie e ntre les 2.(10 43 -2)5 = (20 86 -4)
10 '
nombres entiers et les barreaux
d ' une éche lle. Pour mesurer,
en effet, on utili se une gra- cet e nse mbl e pe ut a lors être considé ré comme un
'""t1-11"--......,,i.1 duati on que l' on rapporte à espace vectoriel.
des no mbres. L e m o t Sa dimension est égale au produi t du nombre de lignes
dev ient un substantif et se par le nombre de colonnes. Pour le prouver, il suffi t
gé né r a li se à t o u s les de re marquer qu' une base sera fo rmée , par exemple
r --.,_-JI no mbres réels . dans le cas des matrices 2 x 3 , des six matri ces pos-
sibles formées d' un « 1 » et de c inq « 0 ».
Une autre faço n de l'exprimer consiste à compter le
nombre de paramètres nécessaires à définir une matrice !
Le mot scalaris existe en latin Merveille de l'abstracti on, cette structure nous auto-
et signifie « relatif à l'échelle » . ri se à appeler « vecteur » ... un e matrice.

14 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par~.BusseretG.Cohen

Espaces uectoriels
l'algèbre à l'assaut de la géométrie
La géométrie, longtemps considérée comme une science à
part, a subi deux assauts qui ont eu raison de son autonomie
par rapport aux autres domaines des mathématiques :
l'introduction par Descartes de la géométrie analytique et
l'apparition de l'algèbre linéaire.
eprésenter tous les points du plan À chaque bipoint, on associe un vecteur,

R par des couples de réels, et assi-


miler le plan à IR 2 , voilà le pro-
fond chambardement dont Descartes fut
être abstrait qui se reconnaît dans tous les
bipoints équipollents (associés à des seg-
ments parallèles, de mê me sens et de
à l'origine (c'est le cas de le dire, puisque même longueur).
tout revient à choisir un repère : deux Mais voilà, ces vecteurs, on peut opé-
axes gradués passant par une origine). rer dessus : les additionner, les multi-
Après Descartes, faire de la géométrie ne plier par un réel (on dit un scalaire).
fut plus la même chose. Le mathématicien, c'est connu , est un
Une fois le repère choisi, un calcul peut générali seur fou. Il a inventé la notion
représenter n'importe quel résultat géo- d'espace vectoriel, structure algébrique
métrique . Pour montrer qu'un point du munie de deux opérations, l' une interne
plan appartient à une droite, il suffit que (la somme), l'autre externe (la multi-
ses coordonnées vérifient l'équation de plication par un sca laire), qui vérifient
cette droite ; pour montrer que le qua- quelques propriétés directement ins-
drilatère ABCD est un parallélogramme, pirées de ce lles des vecteurs associés
il suffit que les bipoints (couples ordon- à un plan.
nés de points) AB et CD soient équi-
pollents , c'est-à-dire que les différences L'addition est une loi de groupe com-
entre les coordonnées des extrém ités et mutatif, la multiplication par un scalaire
celles des origines soient identiques. (souvent notée par un point) vérifie
quelques propriétés supplémentaires :
nla base de l'algèbre linéaire :
l'espace uectoriel 1. û = û
a.(b. ü) =(ab). ü
De là à définir les vecteurs, il n'y avait (a+ b). ü =a. ü + b. û
qu'un pas , et il fut rapidement franchi. a. (ü + v) = a . ü + a. v

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

C'est Grass mann (voir encadré) qui, le


premier, a imaginé cette structure , pré-
c isée ensuite plus rigoureusement par
Peano (vo ir encadré en page 18) .
Une combinaison finie de sommes et de
produits par un scalaire s'appelle com-
binaison lin éa ire. Les combinaisons
linéaires jouent un rôle fondamental dans
la structure d'espace vectoriel.

Cette structure s'applique aux vecteurs


associés au plan ou à l'es pace de la
géométrie classique, dont le modèle est
respectivement IR 2 ou IR 3 , mais se géné-
ralise à des espaces beaucoup plus com-
plexes, comme des es paces de suites ,
de fonctions ...
Hennann Grassmann, l'incompris
Elle s'étend même à des corps de scalaires Après des études de théologie à Berlin, Hermann Grass-
différents de IR. mann (1809-1877) enseigne les mathématiques à l'Univer-
sité de Berlin puis dans un lycée à Stettin. Il publie en 1844
Uers de nouuelles dimensions Ausdehnungslehre, c'est-à-dire enseignement des étendues.
Cet ouvrage contient en germe les notions fondamentales
Pour se repé rer facilement dans l'en- de l'algèbre linéaire: combinaisons linéaires, indépendance,
semble des vecteurs d ' un espace vecto- bases, dimension et produit extérieur. L'exposé de Grass-
riel , on cherche ce qu 'o n appelle une mann est confus et même opaque et sa théorie ne sera vrai-
base: c'est une famille libre (on dit aussi ment comprise que bien plus tard, par Peano. Pourtant, il
qu 'elle est formée de vecteurs indépen- avait bâti une définition intrinsèque des espaces vectoriels
dants : aucune combinaison linéaire de alors que Cayley n'avait fait que du calcul dans IK!". Devant
ces vecteurs ne peut s'annuler, hormjs la l'incompréhension de ses pairs, Grassmann abandonne la
combinaison nulle) , et c'est une famille recherche en mathématiques pour se consacrer à l'étude
génératrice : tout vecteurs' écrit de façon des textes védiques, en particulier la traduction du Rig-
unique comme combinaison linéaire des Veda. Il brille également en linguistique puisque son nom
vecteurs de cette famille. a été donné à une loi concernant la dissimilation des consonnes
On montre alors un résultat très impor- aspirées en Sanskrit et en grec. B.H.
tant : si un espace vectoriel E admet
une base finie comportant n éléments, M
toute autre base de E compte aussi n
éléments.
On dit que l'espace vectoriel E est de
dimension n.
Dans le cas d ' un plan, une base est un
couple (Ï ,1) de deux vecteurs ni nuls
ni de même direction. Tout vecteur ü
peut alors s'écrire de manière unique
sous la forme ü = xT + YJ 0 ~ xi
où (x,y), couple de réels , sont les coor- Le vecteur û =OM et ses coordonnées
données du vecteur en question. dans la base (Ï ,T).

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 17


SAVOIRS Espaces vectoriels

Ainsi, une fois une base choisie , on peut


assimiler un espace vectoriel de dimen-
sion 2 à l'ensemble des couples de réels
(x, y), autrement dit à IR 2 . On dit que
les de ux espaces sont isomorphes . De
même , un espace vectoriel de dimen-
sion n sera isomorphe à IR".
La notion d 'espace vectoriel s'applique
à notre espace environnant de dimen-
sion 3, el le permet aussi d ' imaginer des
espaces qui échappent à notre percep-
tion. L' espace-temps de dimension 4 ,
mai s aussi, pourquoi pas, des univers de
dimensions supérieures ...

Transformer,
mais en conservant les propriétés

Les vecteurs, du pl an, de l'espace ou


d ' un espace Ede dimension supérieure,
on sait les ajouter et les retrancher, les
multiplier par un rée l quelconque . On
vas' intéresser à agir dessus en les trans-
formant , c'est-à-dire assoc ier à chaque

Giuseppe Peano, le théoricien


Giuseppe Peano (1868-1932) est l'un des plus brillants mathématiciens italiens des deux cents der-
nières années. Homme d'une curiosité et d'une inventivité prodigieuses, il fut pionnier dans de nom-
breux domaines des mathématiques. Son esprit critique, rigoureux et peut-être aussi son éloignement
des pôles mathématiques les plus en vue à l'époque lui ont permis de considérer avec un regard neuf
l'évolution des mathématiques et d'oser bousculer des idées reçues.
Ses premiers travaux concernent le calcul infinitésimal et en particulier les fonctions de plusieurs
variables et l'étude des courbes. Dans ce domaine, on lui doit plusieurs contre-exemples qui ont per-
mis de contredire des thèses affirmées par des mathématiciens reconnus.
Le fil conducteur de ce savant a toujours été la clarification et la diffusion des mathématiques. Il le fait
de souvent de manière très maladroite. Ainsi il crée le Latine sine fiexione appelé aussi Interlingua,
langue universelle, dans laquelle il publie en 1908 un monumental formulaire expliquant toutes les mathé-
matiques de son temps.
Avec la même motivation, Peano introduit de nombreux symboles dans la toute naissante théorie des
ensembles et se penche vers l'axiomatique ; celle des entiers naturels l'a rendu célèbre. On sait moins
l'importance de son travail pour la vulgarisation de la théorie des espaces vectoriels. Il comprend leur
introduction très confuse par Grassmann dans son ouvrageAusdehnungslehre. Il publie, en 1888, Cal-
colo geometrico, ouvrage dans lequel il clarifie les notions introduites par le mathématicien allemand.
Il y donne une définition axiomatique des espaces vectoriels, introduit les applications linéaires et montre,
en donnant l'exemple des polynômes, que cette théorie ne se réduit pas à la dimension finie. B. H.

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

vecteur ü le vecteurv de l'espace vec-


tori e l F, défini pa r v = f(ü) ; v es t
la relation de Chasles
l'image de ü par une certaine applica- Dans un espace affine (par exemple de dimension 2), associé
tion f de E dans F. à l'espace vectoriel E, si (el' e~ est une base de E et (0 , ei, e~
Mai s on ne s' intéresse pas à n' importe un repère de l'espace affine, alors:
-+ ,
qu e lle app licat io n ! Il fa udra que f • un vecteur AB a pour coordonnees, dans la base (ei, e2 ),
conserve les opérations sur les vecteurs, (b 1 - al' b2 - a 2), différence des coordonnées (bi, b 2) de B et
c'es t- à-d ire q ue l' image par f d ' une (ai, a~ de A dans le repère (0 , e" e2) ;
somme de vecteurs so it la somme des • additionner deux vecteurs revient à ajouter leurs coordon-
images et celle du produit d ' un vecteur nées dans la base (el' e~ .
par un réel soit le produit par ce nombre Il s'ensuit que BA= -AB,ainsi qu'une interprétation géométrique
de l' image de ce vecteur. extrêmement pratique de la somme de deux vecteurs associés
Plus généralement , l' image d' une com- à des bipoints dont l'extrémité du premier est l'origine du
binaison linéaire de vecteurs est la même second:
combinaison li néa ire des images de ces Aii +Bê=Aê.
vecteurs. Ce résultat, appelé relation de Chasles , du nom du mathé-
On dit alors que f est une application maticien Michel Chasles, qui l'a exprimée le premier, est
(ou un opérateur) linéaire, ce qui s'écrit extrêmement simple à démontrer à l'aide des coordonnées
encore : des points :
f(ü + v) =f(ü) + f(v) (b 1 -a" b2 - a~ + (c 1 - b 1, c2 -b2) = (c1 -a" c2 -a2).
et, pour tout réel a,
!(a. ü) =af(ü) . Cette relation se généralise à un nombre quelconque de
points et à toutes les dimensions. En voici une expression
Par exemple, l'application de E dans E classique pour quatre points :
--+ ;:-;:t --+ --+
qui à tout vecteur ü fait correspondre AB + BL + CD+ DA= O.
son double 2ü, est linéa ire, a lors que
ce lle qui à ü associe 2ü + V où V est
un vecteur fixe , ne l'est pas. Mais pas seulement : elles se compose-
Ces applications jouissent de proprié- ront également entre elles, conférant à leur
tés particulières: l' image du vecteurnul e nse mb le , dan s le cas des endomor-
est le vecteur nul , cell e d'un opposé est phjsmes d' un espace vectoriel, une struc-
l'opposé de l'i mage, et surtout , e lles ture d 'anneau (non commutatif) , qui ,
co nse rvent le para ll é li sme : s i v es t s'ajoutant à celle d 'espace vectoriel, est
multiple de w, l'image de v est aussi affublée du joli nom ... d'algèbre!
multiple de ce lle de w. Et les matrices dans tout cela ? Elles vont
être omniprésentes dan s les espaces
Parmi les applications linéaires, les endo- vectorie ls de dimension finie . Les o pé-
morphismes de E, applications linéaires rations qui vont être défi ni es dessus
de E dans lui -même, jouent un rôle vont servi r à la plupart des calcul s dont
important. Citons les plus s impl es : on aura beso in : ex prime r les com po-
l' identité Id E, qui à un vecteur ü de E santes d'un vecteur après un changement
associe le même vecteur ü ; les endo- de base, mais surto ut re prése nter les
morphismes scalaires k IdE, qui à ü fo nt applications linéaires, dont e lles expri-
correspondre k ü, k étant un réel fixé. meront les effets au moyen de calcul s
Et les applications linéaires de E dans numériq ues simples et pratiques.
F forment elles-mêmes ... un espace
vectorie l. É.B . & G.C.

Hors-série n• 44. Les matrices Ta.n9ente


SAVOIRS par É. Busser et G. Cohen


es ma r1ces
pour transformer
L'algèbre linéaire s'est fixé pour mission de théoriser les
transformations affines du plan et de l'espace. Les matrices
constituent l'indispensable outil qui permet de les mettre en
œuvre de manière pratique.

F
aire tourner un objet, en théorie
ou sur un écran, étirer une image,
la dépl acer, l' incli ner, la retour-
ner comme dans un mi roi r, autant d'ac-
tions usuelles en géométrie et aujourd ' hui Supposons maintenant que nous cho i-
en info rmatique graphique, derrière les- siss ions une autre base de E :
quelles il y a ... un endomorphi sme (voir B' =(e' 1, e' 2 , ... , e ',,) .
pages 16 à 19). Le même vecteur se décompose (toujours
de manière unique) dans la base B' :
Pour représenter ces endomorphi smes, et v = x' 1 e' 1 + x\ e' 2 +... + x' 11 e' 11 •
do nc les tra nsformati ons assoc iées du On le représente cette fois par une matrice
pl an ou de l'espace, on va se servir de colonne V':
matrices.
v· = li ;;\I
Des matrices colonnes
pour représenter des uecteurs .,\ ,,

Il reste une question, et de tai lle, à régler!


Co mmençons par le co mme ncement. Quelle re lation ex iste entre les matrices
Dans un espace vectorie l E de dime n- colonnes V et V'? C'est une opérati on
sion fi ni e n, o n cho is ir une base B = matricielle qui va nous donner le rés ul -
(ei, e 2 , . . . , e 11 ). To ut vecteur de E peut ta t : V = A V ' où A est une matrice car-
alors s'écrire de faço n unique rée n x n a p pe lée la m a tri ce d e
v = x 1 e 1 + x2 e2 +... + x11 e11 • changeme nt de base. Chac une de ses
On le représente par une matrice colonne n co lonnes est fo rmée des coordonnées,
V, c'est-à-dire formée d' une seule colonne dans la base B , des vecte urs de la base
(et de n lignes). B' (vo ir encadré).

20 T4n9ent:e Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

Des matrices pour transformer Matrices de changement de base


li reste à voir comment les matrices per- Le même vecteur, exprimé dans deux bases différentes
mettent de représenter les transforma- B et B', s'écrit de deux façons:
tions du plan ou de l'espace . Dans un V= X1 el + X2 e2 + ... + xn en et
premier temps , on va s'intéresser aux =
v x' 1 e' 1 + x' 2 e' 2 +...+x\ e\.
endomorphismes associés à ces trans-
formations. Ces applications linéaires Pour exprimer les coordonnées dans l'une des bases en
transforment un vecteur ü e n un vec- fonction des coordonnées dans l'autre base, on va
teur v =f(ü). construire la matrice de changement de base. Voici un
Quand une base B de l'espace vectoriel exemple en dimension 3.
E a été choisie, il suffit, pour définir f, On exprime les éléments de la base B' dans la base B:
de savoir comment cette base est trans- =
e' 1 au el + a21 e2 + a31 e3
formée par f. Dans la mesure où tout =
e' 2 a12 e1 + a22 e2 + a32 e3
vecteur de E est une combinaison linéaire e' 3 =a13 e1 + a23 e2 + a33 e3
des vecteurs de B , et où une application
linéaire co nserve les combinaisons La matrice de changement de base associée est :
linéaires, il suffit de connaître les images
( ail lli2 a,J \
des éléments de la base B pour connaître
l' image par f de n'importe quel vecteur
A= la2, a22 a23J.
aJ, a32 a33
de E.
On représente alors cette app li cation Exprimons alors le vecteur v =x' 1 e' 1 + x'2 e' 2 + x'3 e' 3.
linéaire! par une matrice A, qui dépend
de la base B choisie dans E . Chaque v =x'1 (au el+ a21 e2 + a31 e3)
colonne de A est la décomposition dans + x' 2 (a12 el + a22 e2 + a32 e3)
la base B de l'image des éléments de B. + x' 3 (a13 el + a23 e2 + a33 e3)
Ains i, en dimension 2, tout vecteur v v =(aux' 1 + a12 x' 2 + a13 x' 3) el
peut s'écrire de manière unique sous la + (a21 x' 1 + a22 x' 2 + a23 x'3) e2
forme v = xT + YJ où B = (î,T) est la + (a31 x' 1 + a32 x' 2 + a33 x' 3) e3
base choisie et le couple de réels (x, y)
les coordonnées du vecteur v dans la Cette dernière expression est à comparer à :
base B. =
v x 1 e 1 + x 2 e2 + x 3 e3.
La linéarité de l'app li cation f permet La décomposition dans la base B étant unique, on peut
d'écrire: identifier les coefficients.
f(v) =xj(T) + yf(T). On reconnaît le produit matriciel :
Ce vecteur est connu dès lors que sont
connus par leurs coordonnées dans la base
( x, \ ( ail a 12 a. 3 \ { x; \

(î,T) les vecteurs j(T) et.f(T).


Sif(T) =aï+ hT etf(T) = cT + dT,
V= l::J l::: :::
= ::Jl:tJ.
alors.f(ïï) = x(aT + bT) + y(cT + dT)
= (ax + cy)T + (bx + dy)T. L' usage d'une telle matrice va simplifier
La matrice de f dans la base B est considérablement le calcul des coor-
A= (: ;) , dont les vecteurs colonnes
données de l'i mage du vecteur par f. v
Si on représente le vecte ur v
sont bien les vecteursj(T) etf(T) repré-
sentés par leurs coordo nnées dans la
sous forme d'une matrice-colonne C) ,
base B. alors la matrice co lonne représentant le

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente


SAVOIRS Des matrices pour transformer

vecteur n 'est autre que le produ it, au la matrice associée à la composée gof
se ns d es p ro duit s d e m a tri ces , sera le produit des matri ces defet de g .

(: ;)(:)=(:;:~)· Plus concrètement :


MatB.D(go!)= Matc.o (g) MatB.C (j) .
Une fo is c ho is ie un e base s ur l' e n- Dans le cas des endomorphismes , le pro-
semble des vecte urs , la matrice A pe r- duit de matrices carrées s' écrit :
me t do nc e nt ière ment de déte rmine r MatB(go!)= MatB(g) MatB(j).
l' applicati o n f.
In verse me nt , une base étant do nnée , Les propriétés de la compos iti on d 'en-
toute matrice 2 x 2, A = (: : ) peut être do morphi smes se transmettent au pro-
duit de matri ces carrées d'ordre n , dont
considérée comme la matrice d' un endo- l'ensemble, muni de cette multi plica-
morphi sme de l' ensemble des vecteurs. tio n, for me un anneau. De même que
Chaque colonne de A correspond à un ! 'élé me nt ne utre pour la compos iti on
vecteur : k pour la pre mière, T pour la des endomorph ismes est l' identi té, I ' ap-
seconde, et! 'application qui au vecteur plication « qui ne change rien », c'est-
v de coordonnées (x, y) associe le vec- à-dire qui , à tout vecteur, associe lui-même,
w
teur = xk + y T est linéaire. celui de la multiplication des matrices
Au couple (ï ,T) de la base, e lle assoc ie carrées est la matrice associée, qui est
le couple (k , Î ). Voil à donc une faço n la matrice identité. Ell e comporte des
simple et de déterminer la matrice asso- « 1 » s ur la di ago na le e t des « 0 »
ciée à un endomorphisme et d ' identifier
ailleurs. En dimension 2, c'est 12 = ( ~ ~) .
une application linéaire grâce à sa matrice.
Ces résultats se généralisent. Non seu- D 'autres endomorphi smes sont extrê-
le ment à d 'autres dimension s d 'endo- mement simples. C itons parmi eux !'en-
morphismes, mais aussi à des applications do morphi sme sca laire o u ho mothétie
linéa ires e ntre espaces vectori e ls de de rapport k, qui à tout vecteur v d ' un
dimensions différentes. Ainsi, une appli- espace vectoriel de dimension n, asso-
cation linéaire l d ' un espace vectoriel cie k v. Sa matri ce assoc iée ne co m-
E de dimension n vers un espace vec- porte que la va leur k sur la diagonale et
toriel F de dimension p pourra être repré- des « 0 » ailleurs.C'est kl ,,.
sentée, dès lors qu 'on connaît une base Saurez-vous maintenant reconnaître ce
B de E e t une base C de F, par une que fait sur les coordonnées des vecteurs
matrice à p lignes et n colonnes, dont la tra nsfo rmati o n do nt la matri ce est
les colonnes sont les décomposition s ( ~ ~) ? Elle échange tout simplement
dans la base C des images des éléments
de la base B. Cette matrice sera notée abscisse et ordonnée !
Mat 8 ,c(l) .
Mais trava iller sur des vecteurs est un
matrices et composition conte, traduire ce qui se passe géomé-
d'applications linéaires triquement en est un autre.

On peut composer des applications! et É. B. & G. C.


g, qu 'e lles so ie nt linéa ires ou non , à
condition que l'ensemble d 'arri vée de
l'une soit l'ensemble de départ de l' autre.
Lorsqu ' il s'agit d'applications linéaires,

Tc:1.n9ente Hors-série n°44. Les matrices


par Hervé Lehning EN BREF

multiplier des matrices On définit alors plus généralement la multiplicati on de


deux matrices de cette manière. Elle sera défini e dès lors
que le nombre de colonnes de la première est égal au
La multiplicati on des matrices est plus dé licate à définir. nombre de lignes de la seconde. Et le résultat aura le
Pour cette ra ison, nous com mençons par un exemple très nombre de lignes de la première et le nombre de colonnes
particulier, la multiplication d' une matrice ligne (formée de la deuxième ! En voici un exemple :
d ' un e ligne) par une mat ri ce colo nn e (fo rm ée d ' un e
colonne) :

(a c)tJ
b
( x\
=ax +by + cz.
l
(- 1 2 -3 -4 \
(31 -2-1 5)4 . 5 6 0 1
3 4 -5 -6
J = (4 10 -28
4 16
- 36)·
- 29 -37

Cette multiplication n'est possible que si le nombre de Comment l'avons-nous effectué? Tout simplement en mul-
lignes de la deuxième est égal au nombre de colonnes de tipli ant chaque ligne de la première matri ce par chaque
la première. Cette condition dev ra être vérifiée dans tous colonne de la seconde. L'élément obtenu dans la matri ce
les cas de multiplicati ons de matrices . résultat correspond à la ligne de la première et la colonne
Autre exe mple, numérique cette fo is : ( 1 2)(;) = 14. de la seconde. Ainsi, l'élément de la première ligne et la
troisième colonne du résultat est le produit de
En effet, 1 x 4 + 2x5 = 14.

Ai nsi, chaque ligne d' une matrice peut être multipliée par
chaque colonne d' une autre, à la condition qu 'elles aient
le même nombre d'éléments. soit I x (-3) + (-2) x O + 5 x (-5) = -28.

Opérations sur les matrices carrées


Cette multiplication des matrices est rarement utilisée dans toute sa généralité. Le plus courant est de se
limiter à l' espace des matrices carrées de dimension donnée, par exemple à deux lignes et deux colonnes
ou trois lignes et trois colonnes , dans lesquels la multiplication est une opération interne. Ains i, l'espace
vectoriel des matrices carrées d ' ordre deux , par exemple, se trouve muni d ' une structure englobant celle
d 'espace vectoriel et d ' anneau , la structure d'algèbre.
Cela signifie que la multiplication matricielle a quelques-unes des propriétés de la multiplication usuelle
des nombres . .. mais pas toutes . Elle est associative , c 'est-à-dire que A (B C) =(AB) C, et distributive à gauche
et à droite par rapport à l'addition , c ' est-à-dire que A(B + C) =AB +AC et (B + C)A= BA+ CA.
Ces égalités résultent de calculs faciles , mais pénibles à effectuer.
En revanche , la multiplication n' est pas commutative: il peut arriver que AB*- BA. ) et ( ) ·.
0
Un exemple simple de non-commutativité est obtenu en multipliant entre elles les matrices ( 01 00 01
1

En revanche , la multiplication possède un élément neutre , la matrice identité 1.


Tous les éléments de cette matrice sont nuls sauf ceux de sa diagonale, égaux à 1.

Ainsi, ( : !){~ ~) = (~ ~) .(: !) = (: !) .


Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 23
SAVOIRS par Hervé Lehning

e sens
Le déterminant est souvent présenté à travers des formules ou
axiomes abstraits, qui semblent sans lien avec aucune réalité.
Pourtant, la question est très concrète : le déterminant mesure
une surface, un volume, ou un objet de dimension supérieure.

vecteurs V et V du pl a n Comme les parallélogrammes détermi-


déterminent un p ara ll é lo - nés par (U, V) et (V, V+ À.V) ont même
gramme . Le déterminant, noté base U et même hauteur (voir la figure
de t (V, V), de ces deux vecteurs es t les parallélogrammes) , pour tout À.,
l'aire de ce parallélogramme , affectée det (V, V+ À.V)= det (V, V).
du signe - si le trajet de U à V se fait De même, si on remplace V par À. V, on
dans le sens des aiguilles d ' une montre . remplace la hauteur h par À.h et donc on
Si V a pour coordonnées (a, b) et V a multiplie le déterminant par À.. A priori ,
pour coordonnées (c, d), on note

J: :J = det(U ,V).

Les propriétés de l'aire

L'aire d ' un parallélogramme est égale


à sa base multipliée par sa ha ute ur. a

V + À.U Si le vecteur U a pour coordonnées (a, 0)


et le vecteur V, (c, d),
alors le parallélogramme a pour base a
et pour hauteur d.
Son aire est donc égale à ad.
Le même calcul d 'aire permet
u
Les parallélogrammes vert et orange ont même aire
d 'affirmer que I~ ;J = ad, que ad

car ils ont même base et même hauteur. soit positif ou négatif.

24 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

Détermination du déterminant
La propriété d'alternance du déterminant vient du fait que (U, V) et (V, U) sont de sens oppo-
sés. L'additivité de l'aire implique la linéarité par rapport à l'un des vecteurs.
En notant I et J les vecteurs de coor-
données (1, 0) et (0, 1), il vient :
1: :1 = det(al + bJ ,cl+ dJ).

On en déduit alors :
det (al+ bJ, cl+ dJ) det (al+ bJ, cl)
L' additivité de l'aire implique =
det (U, V+ W) = + det (al+ bJ,dJ)
det (U , V) + del (U, W). et, en utilisant la linéarité par rapport
au second vecteur :
u det (al+ bJ, cl+ dJ) =
c det (al+ bJ, 1) + d det (al+ bJ, J).
=
On obtient ensuite : det (al+ bJ, cl+ dJ) ac det (1, 1) + be det (J, 1) + ad det (1, J) + bd det (J, J).
De la propriété d'alternance, on déduit det (U, U) =0, d'où:
det (al+ bJ, cl+ dJ) = be det (J, 1) + ad det (1, J). Or, det (J, 1) =- det(I, J) d'après (1)

et det (1, J) =1, d'où le résultat: 1: :1 =ad-be.

ce raisonnement n'est valable que si la


constante À. est positive mais on démontre
fac il e me nt que, si e ll e est néga tive ,
l' orientation des vecteurs est modifiée , V
et donc le signe aussi.
det(U,V)
D'après la définiti on , det (U , V) = 0 si,
et se ul e me nt s i , l'a ire du para ll é lo -
gramme construit sur U et V est nulle,
ce qui équi va ut à dire que U et V sont Le déterminant de deux vecteurs U et V est l' aire du parallélo-
colinéaires. On en déduit une condition gramme qu' ils déterminent, affectée du signe - si l' angle
pour que deux droites soient concou- (U, V) est orienté dans le sens des aiguilles d'une montre.
rantes, à travers le déterminant de leurs Ainsi, det (V, U) = - det (U, V), puisq ue (U, V) et (V, U)
vecteur directeurs ou de leurs vecteurs sont de sens opposés.
normaux.
Enfi n , le déte rmin a nt j o uit d e no m- On en déduit la fo rmule suivante, utile
breuses propriétés calcul ato ires, parmi
lesque lles les troi s sui vantes :
en pratique : 1: :1
=ad-be. Elle conduit
à généraliser la notion de déterminant
• alternance: det (V, U) =- det (U , V) ,
• linéarité par rapport au second vecteur

aux matnces : det b d ra e1 ad - be, et meme
= A

(À et µ sont des constantes) : aux systè mes linéa ires via la matrice
det (U,}.. V + µ W ) = À. det ( U , V) du systè me. Ain si , le détermin ant du
+ µ det (U , W), 4 1
système d 'équations { x - Y = est
4
_ 2x + 3y =5
11 soit 14.
12 3

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 25


Le sens du déterminant

On retrouve en particulier que le déter-


min ant de la matri ce ide ntité est bien Gabriel Cramer
égal à l.
En utili sant la propriété d 'alternance,
on montre que la linéarité par ra pport
au second vecteur est valable également
sur le pre mie r vecte ur. Pour résumer
ces deux propriétés, on dit que le déter-
minant est bilinéaire.
La caractéri sation de la colinéarité est
importante dans l'étude des systè mes
de deux équations du pre mier degré à
deux inconnues. Pre nons un exempl e
pour voir pourquo i.
Cons1'deron
, s le syste, me : { 4x - y = 1 .
2x + 3y = 5
Gabriel Cramer (1704--1752).
Comme nt déte rminer s' il a des so lu-

:: : ·:::~:r~r
tion s ou non ? La question est liée au Le mathématicien suisse Gabriel Cra-
mer était spécialiste des courbes algé-
briques, c'est-à-dire ayant une
équation polynomiale, comme le
cercle et les coniques.
Chacune des deux équations représente C'est en étudiant le problème de l'exis-
une droite dans le pl an. Plu s préc isé- tence de courbes passant par des
ment , l'ensemble des points M de coor- points donnés qu'il introduisit la
données (x, y) vérifiant 4x - y = 1 est notion de déterminant (voir le dos-
une droite. sier « Mathématiques suisses » dans
Tangente 136).

Une équation du premier degré,


telle que 4x - y =1, représente une Nous en dédui sons un résultat qualita-
droite. Ici, un vecteur directeur tif : un système de deux équati ons du
de cette droite a pour coordonnées pre mie r degré à de ux inconnues pos-
(1, 4), et un vecteur normal a pour sède une et une seule solution si et seu-
coordonnées (4,-1). lement les deux droites assoc iées sont
concourantes. En hommage à Gabriel
Cramer, on dit alors que le système est
de Cramer.
Si un couple (x, y) vérifie le systè me ci- D 'après la condition de co linéarité de
dessus, le point de coordonnées (x, y) deux vecte urs, la condition pour qu ' un
appartient aux deux droites, et récipro- sys tè me so it de Crame r est que so n
quement. Un système de deux équations détermin ant so it non nul.
du premier degré à deux inconnues repré- 4x- y= 1
Le système est donc de
sente donc un problè me géométrique { 2x + 3y = 5
simple: la détermination de l' intersec-
tion de deux droites.
Cramer, pui sque 1: ~,, = 14,. O.

26 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

les formules de Cramer


X=-
10, 'I
2- = -
111
2-
111
ety=-
lm.1 0'I
2- =-
2-
-1
·
Notons (x, y) la so luti on unique du 111-l m.- 1 m-l m-l
4x- y= 1
système .
{ 2x + 3y=5 Dan s le s deux cas restant , il suffit
Une interprétation vector ie ll e du d 'écrire le système pour voir qu'il est
vecteur (x,y) peut être donnée , à condi- incompatible.
tion de considérer U le vecteur de coor- 1
Par exemple, pour m = l : {x +Y= .
données (4, 2), V le vecteur de x + y=O
coordonnées (- 1, 3) et B le vecteur de Trois vecteurs U, V et W de ! 'espace
coordonnées (l, 5). Les deux éga lités déterminent un parallélépipède. Le
du sys tè me se ré s ument alors à déterminant , noté det (U, V, W) , de ces
xU+yV=B. trois vecteurs est le volume de ce paral-
Appliquons la fonction déterminant. lé lépipède . Toutefois , il est affecté du
La linéarité par rapport à la première signe - si (U, V, W) n'est pas dans le
colonne donne sens (majeur, index , pouce) de la main
det (8, V ) = det (xU + y V, V) gauche.
= x det (U, V) + y det (V, V).
Comme det (V, V)= 0 , nous en
'd . I ,, I det(B, V)
de u1sons a 1ormu e : x = .
det(U, V)
Une formule identique existe pour

det(U B)
y : y= ' . Ces deux formu les
det(U, V )
constituent les formules de Cramer.
Dans notre exemple :
1
I~ 1
-3 4 9
X = - - = - ety=--=-.
1: ~I u
14 7 14 7
La résolution des systèmes numériques Le déterminant de trois vecteurs U, V et West le volume
ne requiert pas vraiment la méthode de du parallélépipède qu'ils déterminent, affecté du signe -
Cramer. En effet, les méthodes consis- si (U, V, W) n'est pas dans le sens (majeur, index, pouce)
tant à combiner des équations (comme de la main gauche. Ainsi, le déterminant est changé
la méthode de Gauss) sont préférables. en son opposé si l'on échange deux des vecteurs U, V
La raison d 'ê tre de la méthode de et W.ont même base et même hauteur.
Cramer se trouve dans la discussion des
pouce
systèmes paramétriques , comme
m.x+y=l
. En fait, le problème est
{ x + my = 0
index
réso lu par le calcu l du déterminant :

17 ~11 m =
2
- 1.

Le système a donc une solution unique


si et seulement si m est différent de I et sont dans le sens (majeur, index, pouce)
de - l. de la main gauche, alors leur
La solution est alors : déterminant est positif.

Hors-série n° 44. Les matrices Ta.ngente 27


Le sens du déterminant

Si U a po ur co ord o nn ées (a, b, c), Les résultats concernant les systèmes se


V (a', b', c') et W (a", b" , c"), on note générali sent de même. Appliquons- les
ainsi le déterminant de au cas du système
a a' a" 2x + y- z = 1
U , Y etW :b
c
b'
c'
b " =det(U , Y, W).
c"

D 'après la définiti on, det (U, V, W) =0


lx - 2y + 3z =0, so n dé ter min a nt se
3x + Sy - z= 2
calcule grâce à la règle de Sarrus, ce qui
donne :4 - 5 + 9 - 6 - 30 + 1 =- 27, qui
si, et seulement si, le volume du paral- est non nul , donc le système a une et une
lé lépipède construit sur U , V et W est seule so lution. Elle vaut
nul , donc si U , V et W sont coplanaires 1 1 -1 2 1 -1
(c'est-à-dire dans un même pl an). On en 0 -2 3 1 0 3
déduit une condition pour que trois plans 2 5 -1 11 3 2 -1 4
soient concourants, à travers le déter- X= = 27' y = -27
=-
-27 27
minant de leurs vecteurs directeurs ou 2 1 1
de leurs vecteurs normaux. 1 -2 0
De même qu 'en dimension deux, les pre- 3 5 2 -1
mières propriétés calculatoires des déter- et z =
-27 27
minants peuvent être résumées par les
trois règles sui vantes : La question se complique un peu avec le
• alternance : le déterminant est changé système
x+y +z =I

l
en son opposé si l' on échange deux des
vecteurs, x - 3y + 2z = 0 car son déterminant est
• tri linéarité: le détermjnant est linéaire 2x - 2y + 3z =2
par rapport à chacun des vecteurs, nul. S ' il a une solution, elle n'est donc
l O O pas uruque. En frut, ce système est incom-
• 0 1 0 = 1. patible car, si (x, y, z) est une solution,
0 0 en ajoutant les deux premjères équations,
on obtient 2x- 2y + 3z = 1, ce qui contre-
On en déduit une formule dit la troi sième équation !
de calcul des déterminants
a a' d'ordre troi s appelée règle D1mens1ons superi ures
de Sarrus en hommage à
Pierre Sarrus ( 1798-1861 ). La noti on de détermin ant se généralise
b b' b" aux dimension s 4 et sui vantes. Sa défi-
Règle de Sarrus : nitio n comme mesure de mande cepen-
on recopie les deux dant de généra li ser les noti ons d 'a ire
c' c'' premières lignes du déter- et de volume , ce qui est pour le moin s
minant sous celui-ci, dé licat. C'est sans doute l' une des rai-
puis on additionne les fac- sons pour lesquelles on préfère une défi-
a a' a" teurs verts et soustrait les niti o n plus abstra ite, sui vant les tro is
facteurs rouges. propriétés que no us avons rencontrées
Autrement dit, le détermi- précéde mme nt. Malheure usement , la
b b' b" nant est égal à : règle de Sarru s n'y a pas d 'équi valent
ab' c" + be' a" + ca' b" - assez simple pour être utili sée dans ces
ch' a" + ac' b" + ha' c" . dimensions !
H.L.

28 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par Gilles Cohen EN BREF

an ments d matrices rectangulaires


Des matrices distinctes peuuent représenter la même équiualentes
application linéaire. On considère cette fo is une app lication linéaire
Elles ont alors en commun certaines propriétés I d ' un espace vectoriel Ede dimension n dans

issues de l'application linéaire qu'elles représentent. un espace vectoriel F de dimens ion p.


Si B est une base de E et C une base de F, la
matrice M représentant l dans les bases B et C
sera un e matrice rectangulaire à p lignes et n
colonnes, chacu ne des n colonnes représentant
matrices carrées semblables l' image des vecteurs successifs de la base B expri-
mée dans la base C.
Si le même vecteur v del 'espace vectoriel Ede dimension Pour un vecteur v de Ede colonne V dans B ,
exprimé dans deux bases différentes , B = (e I' e 2 , ... , e,,) et
11 , w = l(v) aura dans la base C la matrice colonne
B' = (e' 1, e' 2 •••. , e',,), s'écrit à )' aide des matrices colonnes W=MV .

V= l~
( x ,\

x,,
2
J pour exprimer que v = x 1e 1 + x2 e2 + ...+ x,, e,, et
On co ns idère alors une nouvelle base B' de E et
une nouvelle base C' de F. La matrice M', elle aussi
rectangul aire à p lignes et n colonnes, représen-
tera l dans les bases B' et C'.
( x, \ Le vecteur v de E de colonne V' dans B' a pour

Y= l]' J pour exprimer que v =x ' 1e' 1 + x '2 e' 2 +... + x ',,e',, ,
image w= l(v) qui, dans la base C, sera représenté
par la matrice colonne W' = M' V' .
, ,.
alors on aura la relation : V = P V' , où P, matrice carrée Si Pest la matrice de passage de B à B' (matrice
d' ordre n , est la matrice de changement de base, dont les carrée invers ible d'ordre n) et Q la matrice de
colonnes sont les coordonnées des vecteurs de B' exprimés passage de Cà C' (matrice carrée inversible d'ordre
dans la base B. p ),on aura les relations : V= PV' et W=QW'.
Si maintenant u est un endomorphi sme de E qui admet la W = MY s' écritdoncQW ' = MPY 'soit ,en mul-
matrice M dans la base B et la matrice M' dans la base B', tipliant à gauche par Q- 1, W ' = Q- 1 M P V', à com-
quelle relation ex iste-t-il entre M et M '? Pour un vecteur v parer avec la relation W ' = M' V'.
de E, iv = u(v) aura pour matrice colonne W dans la base B Le fait que l'égalité soit vraie pour toute colonne
et W' dans la base B' , avec W = PW '. La définition de M V' entraîne la relation suivante : M' = Q- 1MP .
cond uit aux relations W = M V et W ' = M' V'. La première Deux matrices rectangulaires de mê mes dimen-
relation s'écrit aussi : P W' = M P V' , soit , en multipliant à sions Met M ' sont dites équivalentes quand elles
gauche par p- 1 , l' inverse de P, W ' = p- 1 M PY ' , à comparer représentent la même application linéaire dans
avec la relation W' = M ' V' . des bases différentes.
Le fai t que l'égalité soit vraie pour toute colonne V' entraîne Deux matrices rectangulaires Met M' de mêmes
la relation sui vante: M' = P- 1 M P. dimensions sont équivalentes si et seulement s' il
Deux matrices carrées M et M ' so nt dites semblables quand existe deux matrices carrées P et Q inversibles
elles représentent le même endomorphisme dans des bases telle que M ' = Q- 1 M P.
différentes.
Deux matrices carrées d' ordre II M et M ' sont semblables si Évidemment, deux matrices semblables sont en
et seu lement s' il ex iste une matrice carrée Pd 'ordre n inver- particulier équivalentes. Pour des matrices rec-
sible telle que M' = P- 1 M P. tangulaires de mêmes dimensions, « être équiva-
Pour des matrices carrées d' ordre n, « être semblables » est lentes » est une relation d'équivalence.
une relation d'équivalence.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 29


SAVOIRS par Gilles Cohen

Transformations affines
et points inuariants
L'application des théories de l'algèbre linéaire et de leur mise
en pratique via le calcul matriciel apporte à la géométrie un
outil puissant dont quelques applications sont entrevues ici.

a géométrie a pour champ d 'ac- les translations


L tion un ensemble de points, appelé
espace affine, dont les plus usuels
sont le plan ou l'espace. Comme on l'a
L'endomorphi sme le plus élémentaire
de l'espace vectoriel E est l' identité .
vu dans les articles précédents, cet espace On peut donc s' intéresser aux transfor-
affine A est associé à un espace vecto- mations affines qui lui sont associées.
riel E dont les é léments, appelés vec- En remplaçant u par ldE dans la re la-
teurs, sont en correspondance avec les tion (*), on parvi ent à f(O)f(M) = OM,
bipoints de l'espaces affine. qui s'écrit e ncore Mf(M) = Of(O).
Une transformation géométrique de Ainsi, on passe d' un point M à son
l'espace affine A sera appelée transfor- image fiM ) en opérant une translation
mation affine si deux bipoints équipol- de vecteur constant v = Of(O).
lents sont toujours tran sformés en deux Réc iproqueme nt , toute translation
bipoints équipollents, ou encore si un es t une appli cation affi ne assoc iée à
parall é logra mme est transformé e n l' ide ntité, pui sq u 'e ll e transforme
parallé logramme. Ce qui est intéres- tout bipo int e n un bipoint éq uipo l-
sant , c'est qu ' une te lle transformation le nt. Et co mme il y a auta nt de choix
défi nit a lors un endomorphi sme de de vecteurs v que d 'é lé me nts de E,
l'es pace vectorie l assoc ié E. on peut ai ns i mettre e n évidence une
Réc iproquement, à tout endomorphi s- bijection e ntre les translations et les
me u de l'espace vectoriel E, on peut vecteurs de E.
associer des transformations affines f
de l'espace affine. Mais la connaissan- La correspondance ne s'arrête pas là :
ce de l' image d'un point Ode A par f lorsq ue l'on compose une translation
suffit à définir entièrement! à l'aide de de vecteur v et une tran slation de vec-
la relation( *) f(O)f(M) = u(OM), teur w, on trouve toujours une tran sla-
ou e ncore OJ(M) = OJ(O) + u(OM). tion (son endomorphisme associé est le

30 Tc:in9ente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

composé de l' identité de E par elle- homothéties vectorielles, qui à un vec-


même) , et le vecteur x de la translation teur ïï font correspondre le vecteur k ïï,
est la somme vectorielle x =ïï + w. k étant un réel. Il est intéressant de
regarder les transformations affines qui
leur sont associées.
Soit k un réel non nul différent de 1, et
définissons u = k Id 6 l'endomorphisme
scalaire de E correspondant. Soit f une
transformation affine associée à u. Le
nombre k étant différent de l ,f n'est
pas une translation .

Pour en savoir plus sur sa nature , on va


s' intéresser dans un premier temps à la
recherche d ' un point invariant par f.
Soit P un point quelconque, etj(P) son
image par f. Si j(P) = P, on est tombé
sur un point invariant (c'est un cas
miraculeux !) . Dans le cas général, Pet
j(P) définissent une droite (0), sur
La composition de deux translations laquelle on va mettre en évidence un
est commutative. point invariant.
Supposons qu ' il existe O tel que
Et l'on pourrait même définir la multi- j(O) = O. Alors(*) s'écrit
plication d'une translation f de vecteur f(P)f(O) = u(PO), soit f( P )O = kPO.
ïï par un scalaire À, le résultat étant la On applique la relation de Chasles :
translation de vecteur Àïï. Ainsi, l'en- f( P )P +PO= kPO, et on en déduit:
semb le des translations de l'espace - 1 - -
PO= k _ I f( P )P.
affine A est isomorphe à l'espace vec-
toriel assoc ié à A : c'est le même é lé- Cette suite de calculs se remonte.
ment algébrique , au nom près des é lé- 1
Le point O défini par PO= - -J(P)P
ments et des opérations. k-1
Les points invariants sont une caracté- est l' unique point invariant par f. Alors,
ristique très recherchée des transfor- pour tout point M de l'espace affine A,
mations géo métriques, et plus particu- la relation (*) f(O)f(M) = kOM s'écrit
lièrement des transformations affi nes. Of(M) = kOM. Ainsif est l' homothétie
En dehors de l' ide ntité de A, transla- de centre O et de rapport k. En conclu-
tion de vecteur nul , pour laq ue lle tou s sion, toute transformation affine asso-
les points sont invariants, une transla- ciée à un endomorphi sme scalaire est
tion n' admet pas de point invariant. une homothétie !

Le groupe En utili sant le fait que l'endomorphi s-


des homothéties-translations me assoc ié à la composée de deux
transformations est le composé des
Après l'identité, les endomorphi smes endomorphi smes associés à ces trans-
les plus é lémentaires sont les endomor- formatio ns, on obtient de nouveaux
phismes scalaires , encore appe lés résultats spectacul aires, qui n'ont

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 31


Transformations affines ...

besoin d'aucune autre démonstration. •Sile produit kk' est éga l à 1, ce sera
Ainsi, la composée de l'homothétie h une translation dont on trouvera le
de centre O et de rapport k ::f. 1 et de la vecteur en cherchant le transformé
translation t de vecteur v a pour endo- de n ' importe quel point. Ainsi, la
morphisme associé le composé de k IdE composée de deux symétries-points
et de ldE , soit k ldE. C'est donc une (une symétrie-point est une homo-
homothétie de rapport k. Le seul calcul thétie de rapport -1) est une transla-
consiste à trouver le centre de cette tion, dont nous vous laissons trou-
homothétie , à l'aide de sa caractérisa- ver le vecteur en fonction des
tion comme unique point invariant. centres de symétrie O et O'.
Ainsi, l'ensemble des homothéties-
Le centre de ! ' homothétie t o h est le translations d'un espace affine est
1 stable par la composition des applica-
point O' défini par OO' = - -~.
1- k tions, ce qui lui confère une structure
De même, le centre de l'homothétie hot de groupe.
est le point O " défini par OO" = __!5___ ~-
1- k Plus d'un point inuariant
La composée de deux homothéties h et
h ' de rapports k et k' aura pour endo- Si deux points distincts P et Q sont
morphisme associé ! 'endomorphisme invariants par une transformation f ,
scala ire k k' IdE. c'est que le vecteur V= PQ est inva-
riant par l'endomorphisme associé u.
• Si le produit kk' est différent de l, ce On dit aussi que V est un vecteur
sera une homothétie de rapport kk' propre pour la valeur propre À= 1, pour
dont on trouvera le centre en c her- exprimer que u(V) = ÀV. Mais alors,
chant le point invariant (sur la droite tout point M de la droite (PQ) vérifie
des centres d'homothéties de h et h '). une relation du type PM= kPQ. On en
déduit:
M, f(P)f(M) = u(PM) = ku(PQ) = kPQ,
soit :
Pf(M) = kPQ =PM, puisflM) = M.
Et donc tout point de la droite (PQ) est
M,
invariant.
Tout ce qui vient d'être dit sur les
homothéties, les translations et les
points invaria nts est valable dans toute
dimension. Par exemple, en dimension
2, l'espace affine A est un plan.
M
S'il y a, e n plus des points de la droite
O' (PQ), un autre point invariant (noté R),

O" 0 on montre a lors que tout point du plan


est invariant. En effet, les vecte urs PR
Le centre 0" de l'homothétie h" = h'o h est à l'intersection de et PQ, invariants, forment une base
la droite (MM 2), qui joint M et son image M 2 par h' o h, et de de l'espace vectoriel E associé au plan
la droite (00') qui joint 0, centre de l'homothétie h à son A (i l est de dimension 2). Donc tout
image par h' o h , qui est aussi son image par h', et se trouve vecteur de E, combi na ison de deux
donc sur la droite (00') . vecteurs invariants par u, est invariant

32 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

f
P" u.u est don, r;dent;té, et comme
la transformation f assoc iée admet au
Projecteurs et projections
moi ns un po int in vari ant , c'est l' iden- Un endomorphisme p est appelé projecteur s'il vérifie la
ti té de A. relation p op = p. Pour tout vecteur Ü , p(p(Ü)I = p(Ü).
Dans le cas où les points de la dro ite Ainsi, tout élément de l'image de p est invariant par p.
(PQ) sont les seul s po ints invari ants de Si p n'est pas l'endomorphisme nul, il existe donc un vecteur
f , on peut montrer que l'endomorphi s- V non nul tel que p(V) =V.
me u admet une deuxiè me va le ur Sip n'est pas l'endomorphisme identité, il existe un vecteur
propre À, associée à un vecteur propre W non nul tel quep(W) # W.
W. Cela permet de défi nir complète- Alors, Ü = p(W)- W # 0
ment la tra nsformation/ de A , qui porte etp(Ü) =p(p(W)-W] =p(W)-p(W) = O.
le nom d'affinité. Ainsi, en dimension 2, la matrice P dans la base (Ü, V) d ' un
li suffit de se pl acer dans le repère projecteur p différent de l'identité et de l'endomorphisme
(P,V,W).
nul est de la forme P = (~ ~).
Pour tout point M , le vecteur PM peut
alors s'écri ra PM= av+ bW, et alors On peut alors se poser la question de savoir quelles sont
Pf(M) = f(P)f(M) = u( PM) les transformations affines/ associées à un projecteur p. Si
= au(V) + blt(W) =av+ bÀW. p est l'endomorphisme nul, ce n'est pas très intéressant:
L' image.f{M) est parfa itement défini e. f associe un point unique à tout point de l'espace de départ.
Sip est l'endomorphisme identique, on a vu que/est une
translation.
Mais dans le cas général ?
•Si/admet un point invariant 0 , pour tout point M, on peut
•M
poser OM = xÜ + yV. Alors j(O)j(M) = xj(Ü) + yf(V),
R
soit 0/(M) = yV. Ainsi,/ est la projection parallèlement à
, M'
Ü sur la droite (D) passant par O et de direction V.
(D)
p
Q
M'

M' est l'image de M par l'affinité d'axe


(PQ), de direction (PR) et de rapport !-î .
--
V

Dans le cas où À= 0, la tra nsformation


f est appelée projection sur (PQ) paral-
0
--
u
lèlement à W. Dans le cas où À =- 1, la • Si f n'admet pas de point invariant, on prend l'image
transformation f est appelée symétrie A'= j(A) d' un point A. Pour tout point M, on peut poser
par rapport à (PQ) parallèlement à W. AM = xÜ + yV. Alors /(A)/ (M) = xf (Ü) + yf (V),
L'endomorphisme associé à une pro- soit A'f(M) = yV.Ainsi, toutes les images de/sont situées
jection vérifie la re lation u o u = u. sur la droite (D') passant par Met de direction V.
C'est un projecteur (voir encadré). Si on appelle A 1 la projection de A sur (D') parallèlement
L'endomorphisme associé à une symé- à Ü (on a donc AA1 = xÜ), on constate que la composée de
trie vérifie la relation u ou= ldE . C'est f par la translation de vecteur A'A1 admet p pour endo-
une symétrie vectorielle. Les transfor- morphisme associé et laisse A 1 invariant. D'après ce qui a
mations affines qu i lui sont assoc iées été vu plus haut, c'est la projection sur (D') parallèlement
sont-elles toujours des symétries ? à Ü .fest donc la composée de cette projection et de la trans-
Non , mais c'est une autre histoire ... lation de vecteur A1A'.
G. C.

Hors-série n ° 44. Les matrices Ta.ngente 33


SAVOIRS par Hervé Lehning

Systèmes linéaires

Les systèmes d'équations linéaires sont liés aux matrices et à


leur inversion ... ce qui ne signifie pas que la résolution d'un
système exige d'inverser une matrice ! Au contraire,
l'inversion d'une matrice passe souvent par la résolution d'un
système d'équations linéaires.
n grand nombre de problèmes

U se résolvent au moyen de sys-


tèmes d'équations linéaires.
En voici un exemple : z

x- y +2 z = 2,
2x+ y +3z = O.

!5x-y+6z = 6.
où il s'agit de trouver toutes les valeurs
y

des triplets (x, y, z) vérifiant simultané-


ment ces trois équations. L'exemple le
plus simple et le plus intuitif de problè-
me menant à la résolution d' un tel sys-
tème est la détermination de l'intersec-
tion de trois plans.

L'ensemble des points de coordon- L'ensemble des points de coordonnées


nées (x, y, z) vérifiant l'équation x, y et z vérifiant l'équation
x - y + 2z = 2 est un plan P. De même, x - y + 2z = 2 définit un plan P.
On vérifie immédiatement que ce plan
P passe par les trois points (2, 0, 0),
(0, - 2, 0) et (0, 0, 1) sur les axes de
La résolution d'un système ne passe pas coordonnées, ce qui permet de le
nécessairement par les formules de représenter facilement.
Cramer.
34 Ta.n9ent:e Hors-série n° 44. Les matrices
DOSSIER: SYSTÈMES LINÉAIRES
l'équation 2x + y + 3z = 0 définit un ainsi que les deux matrices colonnes
plan Q, et 5x - y+ 6z = 6 correspond à
un plan R. Résoudre le système propo-
sé ci-dessus équivaut à trouver les
x-Oet B-m
points communs à ces trois plans P, Q
et R. On en déduit qu'en général , un tel En appliquant les règles de multiplica-
système a une solution unique (voir la tion des matrices vues précédemment
figure ci-après). dans ce numéro, nous obtenons :

X- y + 2z)
AxX = 2x+ y +3z .
(
5x - y +6z

Le système de trois équations à trois


inconnues proposé équivaut donc à une
seule équation matricielle : A X = B.
Cette équation a une solution unique, à
la seule condition que la matrice A soit
inversible (voir l'encadré consacré à
l' inversion et à la résolution). La solu-
tion est alors X = A- 1 B, en notant A- 1
la matrice inverse de la matrice A.
Deux plans Pet Q se coupent selon
une droite, à la condition qu'ils ne Nous disposons ainsi de deux méthodes
soient pas parallèles. Si la droite de résolution. Pourquoi alors en
d'intersection de Pet Q n'est pas
parallèle au plan R, elle le coupe en
un unique point. Ainsi, en général,
Inversion et résolution
trois plans se coupent en un point. Considérons l'équation A X= B, où A est une matri-
ce carrée donnée, à n lignes et n colonnes ; B est une
L'article consacré au sens du déterrni- matrice colonne à n lignes (connue également) ; et
nant dans ce même dossier fournit une X est une matrice colonne inconnue à n lignes.
méthode systématique de résolution Supposons qu'une solution X existe, donc que
d ' un tel système et donne une condi- A X = B. En multipliant cette égalité à gauche par
tion numérique pour qu'il ait effective- l'inverse de A, nous obtenons : A- 1 (A X) = A- 1 B.
ment une (et une seule) solution. D'après l'associativité de la multiplication des
matrices, nous en déduisons : (A- 1 A) X = A- 1 B. Or
A- 1 A= I Oa matrice identité), donc IX = A- 1 B, soit
le lien auec les matrices encore X = A- 1 B. Ainsi, si l'équation A X = B a une
solution, cette solution est précisément la matrice
En utilisant les opérations s ur les
colonne X = A- 1 B.
matrices, notre système peut être
Réciproquement, considérons la matrice X= A- 1 B.
interprété différemment. Pour cela,
Cette matrice colonne vérifie : A X = A ( A- 1 B) qui,
considérons la matrice carrée A
par associativité, vaut (A A- 1) B, soit I B, donc B.
suivante :
Ainsi, X est bien solution de l'équation. Nous en
-1 2) déduisons que l'équation matricielle A X= Ba une
A-(1 1 3
-1 6
et une seule solution, à savoir X = A- 1 B.

Tangente Hors-série n° 44. Les matrices 35


SAVOIRS Systèmes linéaires ...
nons 2z = - 1, d'où z = - 1 / 2. En por-
tant cette valeur dans la première équa-
tion ci-dessus, on en déduit x = 3 / 2.
L'utilisation de la première équation du
système de départ fournit alors la
valeur de la dernière inconnue :
y= - 3 / 2.
Ainsi, si le système admet une solu-
tion, il ne peut avoir qu ' une seule solu-
tion, à savoir : x = 3 / 2, y= - 3 / 2 et
z = - 1 / 2. Une réciproque est néces-
saire pour affirmer que ces valeurs
chercher une autre ? Eh bien par fournissent bien une solution du systè-
exemple parce que ces deux méthodes me initial. Pour cela, il s'agit simple-
sont souvent lourdes, voire impos- ment de vérifier que les valeurs trou-
sibles, à mettre en place. Nous reve- vées vérifient le système (ce qui est
nons donc à la méthode classique de bien le cas dans notre exemple).
résolution des équations, qui consiste à
procéder par analyse et synthèse, sans Systématisation
s'encombrer de théorie. Même si cette
théorie a ! 'avantage de nous apprendre La théorie permet de se passer de cette
qu'en général un tel système a une et réciproque. En interprétant notre résul-
une seule solution ; la condition pour tat de manière matricielle, nous avons
8
f2)
cela est que la matrice de ce système 1
soit inversible, autre-
ment dit que son déter-
qu: ~,'.g:~
~::l::~:é X : , ~(~:

minant soit non nul. -1 / 2


On reprend donc notre
système de trois équa- En d 'autres termes, l'équation matri-
tions linéaires, et on cielle A (X - X 0) = 0 implique que
suppose qu'une solution X = X 0 . Ceci permet de prouver que la
existe. On note (x, y, z) matrice A est inversible, et donc que X 0
cette solution, et on est bien la seu le solution. Dans la
combine les trois équa- pratique, faire une réciproque est tout à
tions données pour en la fois plus rapide et plus prudent, car
déduire x, y et z. Par elle constitue éga lement une vérifica-
exemple, en ajoutant les tion du résultat. Une erreur de calcul
deux premières éq ua- est toujours possible, en particulier
tions (d'une part) puis dans ce domaine.
en retranchant la première à la troisiè- La méthode qui a été exposée peut être
me (d'autre part), nous obtenons les systématisée. Voyons comment procé-
deux équations en x et z suivantes der sur un exemple générique, dont les
3x+ 5z = 2, inconnues sont notées x, y , z, t ... Il suf-
{ X+ fit par exemp le d'échanger les équa-
Z = 1.
tions de façon à placer en première
En retranchant alors trois fois la secon- ligne une équation comportant la pre-
de équation à la première, nous obte- mière inconnue, x. S'il n'en existe pas,

36 Tangente Hors-série n° 44. Les matrices


DOSSIER: SYSTÈMES LINÉAIRES
l'inconnue peut tout simplement être
supprimée, puisqu 'e lle n'intervient pas
dans le système ! Le coefficient de x
dans la première équation est alors uti-
lisé comme « pivot » pour détruire les
coefficients de x dans les autres équa-
tions, au moyen de combinaisons
linéaires. Sur l'exemple précédent,
cela revient à retrancher deux fois la
première équation à la deuxième, et
cinq fois à la troisième, ce qui donne :
x - y + 2z = 2. l'équation matricielle suivante :
3y-z=-4.

l 4y -4z=-4.
Considérons à présent les équations à Cette équation s'écrit sous la forme du
partir de la deuxième. Elles ne contien- système de deux équations à deux
nent plus de termes en x, puisque les
X+ 2y = X,
opérations précédentes étaient desti- inconnues : y
{ 3 x +4y = .
nées à les supprimer. On recommence
sur elles, avec la deuxième inconnue. En retranchant deux fois la première
Ici , cela donne : équation à la seconde, nous obtenons
X- y + 2z = 2, x = Y - 2X. Il vient alors, en reportant
dans la première équation, 2y = 3X - Y.
3y-z=-4.

! -8z = 4.
Ce résultat s'écrit, sous forme matri-
cielle, de la manière suivante :

Ce système linéaire triangulaire se


résout petit à petit en commençant par
la dernière équation, ce qui fournit les Nous en déduisons facilement que la
mêmes valeurs que précédemment. On matrice M associée au système est
démontre de plus que le système obte- inversible, et que
nu est toujours équivalent au système
de départ, ce qui dispense de vérifier la
M-
1
=
(•
3 4
2)-l (-2 l)
3/ 2 - l / 2 .
=
propriété réciproque (qui reste cepen-
dant toujours recommandée, ne serait-
ce que pour s'assurer qu'aucune erreur Les calculs précédents permettent de le
de calcul n' est venue se glisser dans le prouver rigoureusement. Une façon
processus). plus simple et plus rapide de procéder
est d'effectuer simplement le produit
Loin d 'être la méthode idéale de réso-
lution des systèmes, l'inversion des
l
(3 4
2)(-2
31 2
_1
1 ) , et de constater
12
matrices s'effectue souvent en ré-
so lvant un système. Par exemple, qu 'i l est égal à la matrice identité

pour inverser la matrice M = G!) .


une idée simple consiste à résoudre
H.L.

Tangente Hors-série n° 44. Les matrices 37


SAVOIRS par Hervé Lehning

Comment rentrer dans


e ran
La notion de rang est au centre de l'algèbre linéaire. Simple et
complex e à la fois , elle commande les questions de résolution
des systèmes d'équations linéaires comme celles d'inversion
de matrices. À l'origine de toutes ces notions de rang, on
trouve celle d'un système de vecteurs.
o mme nço ns géométriquement exceptionne l o ù les deux vecteurs sont

C en nous donnant deux vecteurs


du plan . Trois possibilités se pré-
sentent. Si nou s les avons choisis au
nul s, le systè me est dit de rang O car,
par combinaisons linéaires, il n 'en-
gendre que le vecteur nul. Cette défi-
hasard, il est probable qu'il s forment nition se générali se à l' espace et aux
une base du plan. espaces vectoriels abstraits : le rang
d ' un système de vecteurs est la dimen-
sion de l'espace qu ' il s engendrent par
combinaisons linéaires. Dans l'article
consacré au pivot de G auss, nous
voyons une méthode concrète de cal-
cul du rang d ' un système de vecteurs .

Rang d'une application, d'une matrice


Deux vecteurs du plan formant une
base, donc un système de rang 2. Si f est une application linéaire , son
rang est la dimens ion de l' es pace
Autrement dit , tout vecteur du plan est image. En gui se d 'exempl es, exami-
combinaison linéa ire de ce système. nons le cas des applicati ons géomé-
Pour cette raison, il est dit de rang 2, triques c lass iques dans le pl an. Les
qui est la dimension du plan. Si les rotations transforment le plan en lui-
deux vecteurs sont colinéaires, il s même, e lles sont donc de rang 2, de
engendrent seulement une droite. Le mê me que les tran slation s ou les
systè me est alors dit de rang 1, la symétries, mai s les projections sur des
dimension d'une droite. Dans le cas droites sont de rang 1.

38 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

Quand l'application est définie ainsi


de façon concrète, il est facile de
Rentrer dans le ranu...
déterminer so n rang. On examine
comment se transforme l'espace , ou Lycéens s' entraînant
une base de l' espace si l' on préfère. à rentrer dans le rang
L' exercice se complique si la défini- à lrkousk en Sibérie.
tion est abstraite . On peut alors se Cl Hervé Lehni ng.

ramener au cas du rang d ' un système


de vecteurs : le rang d ' une application
linéaire est le rang du système image
d'une base . Pour préciser la question,
examinon s le cas de l' application Quel est le lien entre l'expression très militaire de
( 1 0 2\ « rang » et la notion mathématique ? Sans doute
linéaire de matricel-1 I 'J dans une celui de classement : chacun son rang ... Un soldat
0 1 3 du rang est celui de plus bas niveau, les officiers sont
base de l'espace. L' image de la base de rang supérieur. Il en est de même des systèmes de
canonique est formée des troi s vecteurs vecteurs et des matrices.
colonnes , soit des vecteurs de coor-
données ( l , -1, 0), (0, 1, l)et(2 , 1, 3).
Les deux premiers vecteurs engendrent Cette remarque conduit à définir le rang
un plan puisqu ' ils ne sont pas coli- d ' une matrice comme celui de ses vec-
néaires. Le troisième est combinaison teurs colonnes. On démontre qu ' il s'agit
linéaire des deux premiers puisque : aussi du rang de ses vecteurs lignes
(2, 1, 3) = 2 X (1,-1,Ü) + 3 X (Ü, 1, 1). (une démonstration est proposée en fin
li s'ensuit que l' image de l'application d 'article). On en déduit que le rang
linéaire considérée est un plan (engen- d ' une application linéaire est le rang
dré par les deux premiers vecteurs de la matrice associée. De même , on
colonnes) , elle est donc de rang 2. peut alors définir le rang d ' un système
d ' équations linéaires comme le rang
de la matrice associée.

le théorème du rang
Une notion n'a guère d'intérêt quand
elle n' est pas au centre d ' un théorème
fondamental, aux applications nom-
breuses. Dans le cas du rang , le théorème
porte tout simplement le nom de ... théo-
rème du rang . Le voici : « Le noyau
Une symétrie par rapport à un plan, d 'une application linéaire est égal à la
comme suggérée sur cette photographie dimension de l'espace de départ dimi-
de colverts, transforme l'espace nuée de son rang. »
en lui-même ; elle est donc de rang 3. Par définition , le noyau est l'ensemble
En revanche, la photographie des vecteurs que l'application annule.
elle-même réalise une projection En particulier, il s'agit d'un sous-espace
de l'espace sur un plan. vectoriel de l 'es pace de départ .
Elle est donc de rang 2. Examinons la question dans le cas de

Hors-série n° 44. Les matrices Ta.ngent:e 39


SAVOIRS Comment rentrer dans le rang

l'application Linéaire associée à la matrice no n nul. En utili sant la méthode de


1 2 3 Sarru s, on mo ntre qu 'au contra ire ce
A =( ) . Son espace de départ est
2 4 6 déterminant est nul. Les tro is vecteurs
de dimension 3 et celui d 'arri vée de colonnes sont donc liés. Les deux pre-
dimension 2. D 'après la définition ci- miers ne sont pas co linéaires , donc
dessus, son noyau est constitué des vec- l' espace image est de dimension 2. Le
teurs de coordonnées (x, y, z) te ls que rang de la matrice est égal à 2 . On en
A 1 (x y z) = 0 ce qui conduit à deux foi s déduit que l' ensembl e des solutions
la même équation , soit x + 2y + 3z =0 . est un espace de dime nsion 1, c ' est-à-
C'est l'équation d' un pl an, qui est donc dire une droite.
de dimen sion 2 . L' image de l' appli ca- Ce renseignement permet une vérifica-
tion est l' en semble des vecteurs de la tion après réso luti o n du système. On
forme peut également l' utili ser pour conclu re

1 2 3)(x\ l (1)
(2 4 6 :Jsoit (x+ 2y + 3z) 2 ,
si l'on remarque que le vecteur de coor-
données (1 , - 2, 1) est so lution. En effet,
un te l vecteur constitue alors une base
ce qui correspond à la droite de vec- de la droite des so luti ons. Les autres
teur directeur de coordonnées ( 1, 2), solutions sont les vecteurs de la for me
qui est donc de dimension l , qui est t x ( 1, -2, 1), soit : x = t , y = -2t, z = t
ain si le rang de l'application . Sur cet où t est une con stante arbitraire .
exemple , la relation annoncée est bi en De façon générale, si un système homo-
vé rifi ée pui sque le noy au est de gène à n inconnues est de ra ng r , l' en-
dimension 2 , égal à la dimension de se mbl e des soluti o ns est un es pace
l'espace de départ (3) moin s le rang vectoriel de dimension n - r.
de l' application (1 ) (voir l'encadré
Démonstration du théorème du rang Équiualence des matrices
pour une démonstration générale).
Con sidéron s un systè me d 'équation s L'équi valence des matrices concerne des
homogènes, comme matrices de mê mes dimensions. Consi-
dérons A et B des matrices à deux lignes
x + y + z = O, et troi s colonnes pour fi xer les idées.

l x + 2y + 3z =0 ,
3x +4y +5 z = 0.

Son ense mbl e de solution s est le


Elles sont dites équivalentes s' il ex iste
une matrice carrée P d ' ordre 3 in ver-
sibl e et une matri ce carrée Q d ' ord re
2 inversibl e te lles que A x P = Q x B .
noyau de l' application linéaire de Les formul es de c hangements de base

matrice lI 2 3J .
(1

3 4
1 1\

5
Il s' agit donc d ' un
montrent que deux matrices sont équi -
vale ntes si e lles représente nt la mê me
applicati on linéa ire.
espace vectorie l dont la dimension est
égale à 3 moins le rang de cette matri - Éc lairons la défi niti on et sa caractéri -
ce . Pour le calculer, on peut utili ser la sation par un exemple .
méthode de Gau ss ; on peut auss i opé- 1 2 3 1 0
Soient A= ( ) et B = ( O ).
rer directement sur les li gnes ou les 2 4 6 0 0 0
colonnes. Le rang est égal à 3 si les
vecteurs colonnes sont libres , c'est-à-
dire si le déterminant de la matrice est
Les matrices P= l
( 1
l
-1 0
o
1 0\
3 J et Q =
-2
( ~ ~)

40 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

sont bien inversibles, comme le montre


le calcul de leurs déterm inants. D'autre
Démonstration du théorème du rang
part , e ll es vé ri fie nt bi e n la re la ti o n Considérons une application linéaire! d'un espace de
de mandée . Ces matri ces P et Q pe u- dimension 3 dans un espace de dimension 2 , pour fixer
vent être trouvées directement, ou en uti- les idées. Le noyau F def est de dimension o, 1, 2 ou 3.
lisant la caractéri sati on qui précède . S'il est de dimension 3, cela signifie que f est nulle,
l'image de f est de dimension o. Le théorème est donc
L'équi va le nce des matri ces possède vérifié. Si le noyau Fest de dimension 2 , il s'agit d'un
une caractérisati on très simple: l'éga- plan. On considère alors une droite Gnon incluse dans
lité du ra ng . Da ns un sens, le rés ultat F et H l'image de f.
est fac ile : deux matri ces équi vale ntes
o nt mê me ra ng . Ma is la réc iproqu e
est dé li cate. X
Décri vons le ra isonneme nt général sur 1
1
le cas des matrices A et 8 , qui ont bien
le même ra ng 1. Co nsidérons l'appli-
cati on linéa ire! assoc iée à A dans une 1
1
base donnée de l'espace de départ. li
y
s'ag it de trouver une autre base dans
laq ue lle la matrice defest B. Le noyau F
de f est de dime nsio n de ux . Nous e n I
considérons une base {i , k} . Ces deux Si Fest un plan de l'espace et G une droite

l l~
(2\
vecteurs peuvent être ~ I J et
(3\
J , par
1
non incluse dans F, tout vecteur x de l'espace
=
se décompose en x y + z où y est sa projection
sur F parallèlement à G et z sa projection sur G
exemple, car il s sont indé pend ants et parallèlement à F.
é léments du noyau, puisqu ' il s vérifient
l'équati o n x + 2y + 3z = O. On choisi t On définit une application g de G dans H en posant
a lo rs un vec te ur j te l q ue {i , j, k} g (x ) = J(x) pour tout x appartenant à G. Cette applica-
so it une base de l'es pace de dé part. tion est linéaire car f l'est. Si g (x) = o, alors J(x) = o
donc x appartient à F, le noyau def. Comme x appar-
Ce vecteur peut être l~J
( 1\
par exe mple tient aussi à G, on en déduit que x = o, ce qui prouve
que l'application linéaire! est injective. Elle est d'autre
pu isque le détermin ant du systè me est part naturellement surjective puisque, si h est un vec-
2 1 3 teur de l'image H, il existe x dans l'espace de départ tel
alors -1 0 0 , qui vaut - 1 et est donc quef (x ) = h. En décomposant x sous la forme x = y+ z
0 0 -1 où y est dans F et z dans G et en appliquant!, on obtient
non nul. Dans cette base {i, j , k}, la f(x ) = j(y) + f(z) , donc g (z) = h puisquef(y) = o et
matrice de J est do nnée par les com- g (z) = f(z). L'application g est donc surjective, ce qui
posantes def(i),f(j) et f(k) écrite dans implique qu'elle est bijective. Ceci prouve que G et Hont
un e base de l'espace d 'a rri vée qu ' il même dimension 1. Le théorème est vérifié.
nous reste à cho isir. Les vecteurs f(i) Dans le cas où F est de dimension 1, on recommence en
et f(k) sont nul s. Il suffit de c ho is ir considérant G un plan ne contenant pas F. Le cas F de
dimension o est impossible car il signifierait que l'es-
1 2 3)( I\ = (1) comme
l~J
u=f(j),soit 2 4 6( 2
pace d'arrivée a même dimension que celui de départ,
ce qui est faux.
premier vecteur de base, et de compléter

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 41


SAVOIRS Comment rentrer dans le rang

Rang et zéros d'un déterminant par un vecteur v tel que {u, v} so it une
base de l'espace d'arrivée. Le vecteur
2
X X
2
(~)convie nt.Dans la base {i,j, k} de
Prenons l'exemple du déterminant D(x) = x x
l'espace de départ et la base {u, v} de
On peut facilement le calculer en utilisant la règle de Sar- l'espace d'arrivée, la matrice def est donc

(0o 0I o)0 ,ce qui.prouve que A et Bsont


rus, ce qui ne montre pas comment il se factorise. On peut
également remarquer que D(l) est nul car ses trois lignes
sont égales, et il en est de même de D(-1). Comme D(x) éq ui va lentes. Le raiso nnement appli-
est manifestement un polynôme de degré 4 , on en déduit qué dans ce cas particulier est général ,
qu 'i l est multiple de (x- l)(x + 1) . Un calcul plus préci s ce qui prouve le rés ultat.
montre que D(x) = (x - 1) 3 (x + 1). Nous e n déduisons que s i une matrice
Une question se pose alors : pouvait-on prévoir ces expo- est de rang 1, e lle est éq ui valente à la
sants ? Pas totalement , mais la réponse est liée au rang des matrice dont la première co lonne est le
matrices sous-jacentes. Prenons le cas de A(l), la matrice vecteur de coordonnées ( 1, 0 ... 0) et les
correspondant à D(l ). A(l) est de rang l pui sque toutes autres nulles puisque celles-ci est mani-
ses lignes sont égales. A( l) est donc équivalente à la matrice festement de rang 1. Si une matrice est
( 1 0 o, de rang 2, e ll e est équiva le nte à la
0) .
l O O
0 0 0
Ceci signifie qu ' il existe deux matrices inver-

sibles P et Q telles que A(l) = PBQ . Considérons alors


matrice dont les deux premières colonnes
sont les vecteurs de coordonnées
( 1, 0, 0, ... , 0) et (0, 1, 0, ... , 0) et les
B(x) = p- 1 A(x) Q- 1, soit A(x) = P B(x) Q . En passant aux autres nulles, et a in si de su ite pour les
déterminants, il vient: D(x) =det(P) det[B(x)] det(Q). Les matr ices de rang 3, 4, etc. Une telle
règles de calcul des déterminants montrent que les coeffi- matrice a la parti c ul a rité d'avoir le
cients de B(x) sont des polynômes en x. Comme ils s'an- même ra ng que sa transposée.
nulent tous en 1,
sauf celui en pre- Cette propriété se transporte ai ns i à
mière ligne et pre- toute matrice. Soit A une matrice, e lle
mière colonne, il s es t éq ui va le nte à une matrice B du
sont tous multiples type précédent : A x P = Q x B . En
de x - l , ce qui transposant cette éga lité, o n obt ient :
1
prou ve que x - 1 P x 1A = 18 x 1Q, ce qui prouve que les
peut être mis en fac- transposées de A et B so nt équiva-
teur des deuxièmes lentes. Or B et 1B o nt même rang, donc
et troisièmes lignes A et 1A auss i. Toute matri ce a le même
de det[B(x)]. Autre- rang que sa transposée , donc le rang
ment dit , ce déter- des vecteurs li g nes est cel ui des vec-
minant , e t don c te urs co lo nnes.
D(x), est multiple H.L.
de (x - 1)2 . Ainsi,
un simple calcul de
rang permet de pré-
voir qu e D (x) est
Rangs de bambous à la multiple de
bambouseraie d' Anduze. (x- 1)2 (x + 1).

42 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par Jean-Alain Roddier EN BREF

Petits problèmes liés à l'inuersion Permuter les éléments


d'une matrice carrée d'une matrice
l'inuersion d'une matrice carrée permet de résoudre
de nombrem1 problèmes, acommencer par les systèmes A est la matrice (: !) .
« de Cramer » de néquations indépendantesaninconnues.
Par quelle matrice devons-nous la multiplier
pour obtenir une permutation circulaire de
le calcul de l'inuerse ses éléments dans le sens des aiguilles d 'une
montre ?
Soit A une matrice carrée d'ordre n. In verser A, c'est trouver
une matriceA· 1 telle que: A"1A = AA-1 = I,,où 111 est la matrice Le problème consiste à trouver une matrice
identité d 'ordre n, qui comporte des « 1 » sur la diagonale et X (si elle existe), telle que :
des « 0 » partout ai lleurs. On sait déjà que A-1 ex iste si et seu-
lement si le déterminant de A, noté Det(A), est non nul.
Dans ce cas , cet inve rse est unique , et on peut l'exprimer à
l'aide de ce qu ' on appelle les « déterminants partiels » . Pour On peut considérer l'égalité précédente comme
A matrice carrée, o n appell e déterminant partiel de rang une équation, d'inconnue X.
(i,J) , noté Du, le déterminant de la matrice d'ordre (n - 1) obte-
nue en supprimant de la matrice A la ligne i et la colonne). • Si A est inversible, il suffit de multiplier
Alors , l'inverse de A est la matrice B d'ordre n dont l'élément chaque membre (à gauche) par A-1, ce qui
bu, itué à l'intersection de la i-ème ligne etde laj-ème colonne donne :
est: (- Jy+ i D ..
b = '} .
1
' Det(A)
Dans le cas n = 2 o u 3, o n reconnaît, pour les solutions du
système d'équations AX = B , les formules , dites de Cramer, Le calcul de l'inverse donne
en posant X =A- 18.
1 (
A"'=---
ad-be - c
d -b)
a ·
Trouuer l'inuerse Tous calculs faits , on trouve :
â e a Cayley-Hami ton 1 ( de - bd
2
da - b 2 \
X= ad - be~ ad - c ab - ea) ·
Le théorème de Cayley- Hamilton établit que si PA(X) est le poly-
nôme caractéristiq ue d'une matrice A d'ordre n, alors Remarque :on peut, de même , trouver une
PA(A) = 0 , où PA(A) est la matrice obtenue e n remplaçant X 1
unique matrice Y= (: :) A· (différente de
par la matrice A et la consta nte e par cl,, dans le po lynôme
X) telle que :
caractéristiq ue de A.
Si A est inversible , on montre que cette constante e est non
nulle. Ceci nous permet , à partir de l'éga lité P A(A) = 0, de
l'isoler dans un des membres et d'en déduire l'inverse de A en • Si A n'est pas inversible, c'est que les deux
fonction de A. lignes sont proportionnelles.
Ainsi, si le polynôme caractéristiq ue d'une matrice carrée A s'écrit par exemple: ( a b),
d 'ordre 2 est P(X) = X 2 + SX + 7 , le théorème de Cayley- '*
avec k O. ka kb
Hamilton affirme que A2 +SA+ 712 = O.
On )'écrit : A2 +SA= - 71 2 ou encore A (A + 512) = - 712 . On montre alors que la matrice X existe si
b =ka . Nou vous laissons poursuivre .. .
-1
L' inverse de A est donc la matrice (A+ 512).
7
Hors-série n• 44. Les matrices Tcingente 43
SAVOIRS par Bertrand Hauchecorne

les nombres comple,ces


comme ensemble de matrices
Au début des années 1970, les mathématiques modernes
faisaient rage : dans le programme de terminale C, o n
définissait les nombres complexes à l'aide des matrices. De
nos jours, elles ne sont abordées que dans l'enseignement
supérieur. Comment une telle idée a-t-elle pu venir à des
pédagogues, voici quarante ans ?

i la méthode prônée par les complexe z correspond un élément et

S « mathématiques modernes »
n ' est pas pédagogique , elle est
pourtant très séduisante. Présentons-
un seu l de G),f transporte les opéra-
tions de IC sur ce lles de G. On appelle
ce phénomène un isomorphisme. Mathé-
la avant de réfléchir à sa philosophie . matiquement , les deux ensembles ont
Considérons les matrices carrées sui- exactement les mêmes propriétés. On
vantes d ' ordre 2 : peut donc les identifier. Il reste à com-
prendre pourquoi ceci « marche » bien .
M •.b = (: -:) , où a et b désignent des

nombres réels. Il est clair que cet ensemble les complexes et les rotations
G de matrices définit un sous-groupe
additif de l'ensemble Mi (!RI) des matrices On doit à Jean-Robert Argand la confi-
carrées à coefficients réels. Le produit guration plane des nombres complexes ,
des deux matrices Ma ,b et M c,d de ce mais cette vision s'est développée après
type est la matrice M ac-bd,ad+bc · 1820 (voir en encadré). L' un des inté-
On remarque l'analogie avec les com- rêts de cette représentation est de voir
plexes , pu isque le produit quel 'on peut assimi ler le plan euclidien ,
(a+ ib)(c +id)= ac - bd+ i(ad + be). muni d ' un repère orthonormé, à l'en-
C'est pourquoi, si l'on définit l'application semble des nombres complexes. Ainsi,
f de IC dans G par f(a + ib) = M a,b et si au point M de coordonnées (a, b) dans
l'on note z = a + ib et z' = c + id , on ce repère , on associe le nombre com-
obtientf(z + z') =f(z) + f(z') et plexe z = a+ ib appelé affixe de M. De
f( zz') = f(z)f(z'). Comme, de plus,f est nombreu ses propriétés en découlent.
bijective (c'est-à-dire qu 'à chaque nombre Ainsi, si z et z' sont les affixes de M et

44 Tcingente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

M', z + z' est celle du point N tel que


OM + OM ' =ON. Par ailleurs, le module
la vision plane des complexes :
de z correspond à la norme (c'est-à-dire toute une histoire I
à la longueur) de OM . On transforme
ai nsi les opérations vectorielles en opé- Si, de nos jours, les nombres complexes nous sem-
rations dans un ensemble de nombres. blent attachés au plan, il fallut deux siècles pour
Cependant, l'addition dans les complexes introduire cette vision géométrique. John Wallis en
est la même que celle dans IR 2 , et ce que avait bien eu l'idée sans toutefois faire le lien entre
nous venons d 'énoncer n'a rien de sur- les opérations sur les complexes et les transforma-
prenant. Le plus intéressant concerne la tions géométriques.
multiplication par un nombre complexe. Le Danois Caspar Wessel est le premier en 1797 à
S ' il est de module 1, on sait qu ' il peut écrire un essai sur ce thème. Publié deux ans plus
s'écrire u =e;o_ Multiplier un complexe tard dans son pays, son article passe totalement
z, affixe du point M , correspond à appli- inaperçu. Il faut attendre 1897 pour que Sophus Lie
quer à M une rotation de centre O et le retrouve et le fasse publier en français.
d'a ngle e. Ainsi, la multiplication par Entre temps, Jean-Robert Argand publie à compte
i =é 712 n'est autre qu ' une rotation d'angle d'auteur, sans mentionner son nom, un Essai sur la
:n:/2 ou, si l'on préfère, de 90° . Prenons manière de représenter les quantités imaginaires
un autre exemple avec dans des constructions géométriques. Il l'envoie à
Jï /2 + iJï / 2 = eird4 Legendre, qui le transmet au mathématicien Fran-
et M d 'affixe z = 1 + i. Considérons N çois Français. Celui-ci meurt peu après. Par chance,
d 'affixe z ' =eird4 z = iFz. son frère le trouve et le fait publier dans le Journal
C'est bien l' image de M par la rotation de Gergonne, en précisant que l'auteur en est inconnu.
de centre O et d'angle :n:/ 4. Argand dévoile alors sa paternité.
De la même faço n, il est clair que mul-
tiplier un nom bre comp lexe z par un
réel positif correspond géométrique- unique , notée Su, de telle sorte que l 'af-
ment à opérer une homothétie de rapport fixe de l' image d ' un point M par Su so it
r. Plus généralement , la multiplication le produit de u par l'affixe de M . On
de z par un nombre u = re;o induit une retrouve un phénomène d ' isomorphisme .
similitude de rapport r et d'angle e, c'est- On peut donc identifier les deux ensembles
à-dire la composée d ' une rotation d 'angle IC et G. Non seulement ils sont en bijec-
e et d ' une homothétie de rapport r tion , mais les opérations sur l' un et sur
(ou inversement) . l'autre se correspondent. On a ai nsi trans-
formé un problème de géométrie en des
Regardons ce qu'il se passe au niveau opérations élémentaires sur un ensemble
matriciel. Si u = re;o =a+ ib, la rotation algébrique.
d 'angle ea pour matrice (cose
.
-sine) ;
sine cose
Poursuivant cette idée, William Hamil-
ton a longtemps cherché un ensemb le
quant à la similitude de même angle et de nombres qui puisse de la même façon
de rapport r, sa matrice est représenter les rotations de l'espace par
M . -rsine) , donc de la forme
= ( rcose
rsine rcose
une multiplication. Il a ai nsi introduit
les quaternions. Cet ensemble n'est pas

( ab -b). Ainsi nous voyons qu 'à chaque


(I
commutatif: rien d ' étonnant , le produit
de deux rotations de l'espace ne com-
complexe non nul u = re;o =a+ ib cor- mute pas en général !
respond une simili tud e de centre 0 , B.H.

Hors-série n° 44. Les matrices Tc:ingent:e 45


par Bertr h cor

Propriétés affines
et propriétés métriques
En géométrie, les notion s de droites, de plans, de
parall é li sme , d'intersection , peuvent se défi nir
sans faire appel à des longueurs ou à des angles :
on parle de propriétés affines. Lorsqu'on ajoute la
notion de di stance , qui entraîne celle d 'angles, on
traite de propriétés métriques.
Ainsi, la définition d ' un parallélogramme , obtenu
comme intersection de deux couples de parallèles,
André-Louis Cholesky
relève de l'affine . Celles de rectangle ou de carré
est du ressort de la métrique , pui squ 'on doit intro-
duire la notion d 'angle droit ou d 'égalité des côtés. Oui était CholeskY ?
La théorie des espaces vectoriels formalise la géo- Durant de nombreuses années, le monde mathéma-
métrie affine. Pour introduire les propriétés métriques, tique ignorait à qui l'on devait le nom de la « décom-
il faut lui ajouter la notion de produit scalaire. position de Cholesky » (voi r dans le dossier sui vant).
Au lycée, on définit le produit scalaire de deux Lors d ' un congrès mathématique au Japon , l' un des
vecteurs comme un nombre réel correspondant au participants s'écri a « Mais qui est donc Cholesky? »
produit de la longueur de l' un d 'entre eux par celle Personne ne sut lui répondre ...
de la projection orthogonale de l'autre si les deux Le compte rendu de la séance tomba sous les yeux
sont de même sens, par son opposé sinon. Réci- d ' un étudiant de l'Université de Bordeaux . Il recon-
proquement, si on connaît le produit scalaire, on nut le nom des voisins de ses parents à Montguyon ,
récupère la notion de longueur en prenant la racine en Charente-Maritime. Après une enquête, il décou-
carrée du produit scalaire par lui-même et le cosi- vrit que Pierre-Loui s Cholesky éta it bien en famille
nu s d ' un angle en divi sant le produit scalaire des avec ces gens- là.
deux vecteurs par le produit de leur longueur.
Fils de restaurateurs , Cholesky est entré à !' Éco le
Dans le cadre axiomatique de la théorie des espaces polytechnique en 1895 . À sa sortie, il intègre l'armée.
vectoriels introduite par Peano , on appelle produit Affecté à la section géodés ique du service géogra-
scalaire une fonction bilinéa ire f, qui associe à phique, ses aptitudes théoriques sont vite remarquées
deux vecteurs ü et v un nombre réel, de telle sorte et ses idées nouvell es très appréc iées. Pour amélio-
que s i le vecteur ü n'est pas nul,f(ü, ü) > O. rer les méthodes dans cette branche, il est amené à
On en déduit les notions d 'ang les et de longueur étudier des systèmes d 'équations linéa ires. Il met au
(on parle de norme d ' un vecteur) comme expliqué point un procédé de résolution, qui nécessite la décom-
précédemment. position matricielle qui porte désormais son nom. Il
On peut ainsi intégrer la géométrie métrique dans poursuit ses activités en Crète , en Afrique du Nord
le cadre des espaces vectoriels , qui , s' il s sont de pui s en Roumani e durant la Première Guerre mon-
dimen sion finie, sont alors bapti sés euclidiens en diale. Revenu en France, on l' envoie sur le front, où
l' honneur d 'Euclide qui , le premier, avait défini , il tombe deux mois avant l'armistice à l'âge de 43
troi s siècles avant Jésus Chri st , une axiomatique ans . Ses travaux sont publiés de manière posthume,
de la géométrie associant tant les propriétés affines en 1924, dans le Bulletin géodésique, sous le titre
que métriques. de Procédé du commandant Cholesky.

46 Tangente Hors-serie n°44. Les matrices


par Bertrand Hauchecorne EN BREF

Transposée Matrices symétriques


d'une matri,e et antisymétriques
La transposée 'M d'une matrice M ayantp lignes On appelle matrice symétrique une matrice
et n colonnes s'obtient e n échangea nt ses lignes carrée égale à sa transposée . Elle est donc
et ses colonnes. Ainsi 'M possède n li gnes et p invariante par sy métrie par rapport à la dia-
colonnes et le terme de la /me li gne et la /-me go nale , ce qui explique bien sûr son nom .
colonne de M devient celui de la/-me ligne et la Les matrices diagonales sont des cas particuliers
/me colonne de 'M . de matrices symétriques .

4 5\
Exemple: si M = ( ~ ! !) , ! ~J
(l 4\ est une matrice symétrique .
alors 'M = l ~ ~ J.
Le théorème spectral affirme que toute
matrice symétrique est diagonalisable, et, qui
Si la matrice est carrée, la transposition corres- plus est, à l'aide d ' une matrice de passage
pond à intervertir les termes symétriques par orthogonale.
rapport à la diagonale. L'opération qui trans- On peut l'exprimer matriciellement : étant
forme Men 'M est involutive, c ' est à dire que donné une matrice symétrique S , il existe une
la transposée de 'M n'est autre que ... M ! matrice orthogonale P et une matrice diago-
nale D telles que S = P D 'P, où 'P = P- 1.
Diverses propriétés se conservent par transposition ;
c'est le cas du rang pour toutes les matrices, On appelle matrice antisymétrique une matrice
rectangu laires ou carrées : rappelons que le rang carrée égale à l'opposée de sa transposée.
d'une matrice est la dimension de l'espace vec- Une conséquence est qu'elle ne comporte que
toriel engendré par les colon nes de la matrice, des « 0 » sur la diagonale.
c ' est-à-dire le nombre maximum de vecteurs
libres que l'on peut trouver parmi ces co lonnes. ( 0 4 -5\

Pour les matrices carrées , le déterminant , le


Ainsi,A=l-4 ~
5 6
~J
polynôme caractéristique, les valeurs propres, est une matrice antisymétrique.
sont conservés par transposition. De plus une
matrice est semblable à sa transposée; en d' autres Pour toute matrice carrée M, (M + 'M) / 2 est
termes , si M est la matrice d'une application une matrice symétrique tandis que (M - 'M) / 2
linéaire u dans une base , il existe une autre base est antisymétrique. On en déduit que toute
dans laquelle sa matrice est 'M. matrice carrée M se décompose de manière
unique en la somme d'une matrice symétrique
et d'une matrice anti symétrique .
Il suffit d'écrire:

M = (M + 'M)/2 + (M-'M)/2.

Hors-série n• 44. Les matrices Ta.n9ent:e 47


SAVOIRS par Bertrand Hauchecorne

le théorème de
Cayley-Hamilton
Pivot de la réduction des endomorphismes, le théorème de
Cayley-Hamilton porte le nom de l'astronome et mathématicien
William Hamilton et de l'algébriste Arthur Cayley. Pourtant, la
première démonstration générale est due à l'Allemand Georg
Frobenius en 1878.
n endomorphisme est une appli- où P désigne le plan de la sy métrie et D

U cation linéaire d' un espace vec-


torie l dans lui-m ê me . Son
expression dan s une base, ou la donnée
la droite parallèlement à laquelle on effec-
tue la sy métrie, la restriction de s à P est
l' identité et celle des à D est l'opposé
de sa matrice, ne permet en général pas de l' identité. L'endomorphi sme se paraît
de le « visualiser » simplement , a for- dès lors d ' une expression très si mpl e
tiori de ('étudier.La réduction des endo- dans cette décomposition : en choi sis-
morphi sme s consiste à déco mpo ser sa nt une base dont les deux premiers
l'espace en sous-espaces vectoriels en vecteurs sont dans P et le troi sième dans
sommes directes, sur lesquel s l'endo- D, la matrice des est di agonale avec res-
morphi sme est le plus « simple » pos- pectivement 1, 1, - 1 sur la diagonale.
sible (vo ir la partie suivante de ce hors On est ainsi amenés à rechercher les vec-
série). La matrice de l'endomorphi sme teurs u colinéaires à leur image, c'est-à-
dans une base respectant ces sous-espaces dire vérifiant! (u) = Àu où À désigne un
vectoriels est alors très « simple » ; au nombre réel. Un te l vecteur s'appelle un
mie ux e lle est di ago nal e (c'est-à-d ire vecteur propre et À une valeur propre. Pour
aya nt des O en dehors de la diagonale), trouver cette dernière , il suffit de cher-
sinon e ll e contient beaucoup de O e n cher les réels À pour lesq ue ls f- ÀldE
dehors de la diago nale . s'annule pour des vecteurs non nul s. On
calcule alors le déterminant de f- ÀldE
Une uue géométrique en considérant À comme une inconnue.
Le polynôme en À obtenu s'appelle le
Prenons l'exemple d' une symétries par polynôme carac1éris1ique de f. Son degré
rapport à un plan P de l'espace (noté E). est éga l à la dimension de l'espace, et
Si on décompose E en la somme P + D, ses racines sont les valeurs propres. Dans

48 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

la pratique, o n calcule le déterminant en


utilisant une matrice M représentantf. Ce
Georg Frobenius,
polynô me s'appe lle do nc aussi le poly- un mathématicien II normal II
nôme caractéristique de M . On en déduit
d'autre part que ce polynôme ne dépe nd Georg Frobenius est fils de pasteur. Il étudie dans
pas de la base da ns laque lle o n ex prime les universités de Gêittingen et Berlin où il suit les
la matrice def. En d'a utres termes, deux cours de Kronecker, Kummer et Weierstrass. Son
matrices semblables o nt le mê me po ly- doctorat en poche, il enseigne d'abord en lycée puis
nôme caractéristique ! à l'Université de Berlin et enfin à l'École polytechnique
de Zurich. Il s'intéresse à la théorie des groupes, consi-
Donnons un exemple: considé rons !'en- dérée en elle-même et non comme un outil. Dans ce
domorphisme f de IR 2 défi ni par cadre, il démontre en 1874 les théorèmes de Sylow puis,
f(x,y) = (2x +y; x + 2y) . La matrice de se tournant vers l'algèbre linéaire, celui de Cayley-
f da ns la base usue lle de IR 2 est do nc Hamilton en 1878.
Par la suite, il s'intéresse à la théorie des corps et à
M = (~ ~). La matricedef-À.l~ , s'écrit
celle des algèbres. Il démontre dans ce domaine plu-
~ ). ~ ).) , donc son po lynô me carac- sieurs résultats importants, parmi lesquels le théo-
2
(
2 rème qui porte désormais son nom : toute algèbre de
téristique est À. 2 - 4À. +3. Les rac ines e n dimension finie sur IR, sans diviseur de zéro, est iso-
sont 3 et 1 ; ce sont les vale urs pro pres. morphe à IR, à C ou au corps non commutatif des
O n remarque a lors que u = ( 1, 1) vé ri- quaternions d'Hamilton.
fie f(u) =3u et que v =(1, - 1) satisfait
àf(v) = v. Les vecte urs u et v sont de ux
vecteurs propres . Le couple (u , v) fo rme Hamilton et ses quaternions
une base dans laque lle la matrice de f
s'écnt N = . (30 0)
1

A u dé but du XIXe s iècle, Arga nd pro-
pose de représenter les nombres complexes
C'est une matrice diago na le. sur un plan muni d ' un repère orthonormé
(0 , u , v) . Ainsi on assoc ie au point M de
Po int d 'orgue de cette théorie, le théo- coordonnées (x, y) dan s ce repè re le
rè m e d e C ay ley- H a milton a ffirm e nombre complexe z = x + iy, que l' on
qu 'étant do nnée une matrice carrée M , a ppe lle l'affixe de M . La mu ltip licatio n
s i l'o n re mpl ace À. pa r M da ns l'ex- pa r le compl exe z = e;;, correspond à
press io n de son po lynô me carac té ri s- opé re r une rota tion d 'ang le À.. A stro-
tique, o n o btie nt O. Da ns ce calc ul , le nome et mathématicien William Hamil -
terme consta nt (no té a) du po lynô me ton cherche à généra li ser cette propriété
es t re mpl acé pa r al , o ù l dés ig ne la pour les rotations de l'espace . Il écho ue
matrice ide ntité. On dit que le po ly- d 'abord e n c he rc ha nt à con struire un
nô me caracté ri stique de M est un poly- e nsemble de nombres de dimens ion 3,
nôme annulateur po ur M . comme celui des complexes est de dimen-
Vé rifi ons ce calc ul sur no tre exemple: s io n 2. Souda in il a l' idée d ' introduire
un espace de nombres de dime nsion 4 .
M 2 - 4M + 31 = Il re ma rque e n effet qu ' il fa ut qua tre

(! :)-4(~ ~)+3(~ ~)=o pa ra mè tres pour dé finir une rota ti o n


d 'axe passant par l' origine: trois po ur
définir un vecte ur de l ' axe, et un dernie r
Le théorè me est vé ri fié ! pour l'angle. Se promenant tranquillement

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 49


SAVOIRS Cayley-Hamilton

Démonstration du théorème nion , qu ' il dé montre que ces tran sfor-


mation s et leurs itérées vérifient une
Pour démontrer le théorème de Cayley-Hamilton, il équation. Cependant, il n'énonce aucun
suffit de montrer que le polynôme caractéristique théorème général.
d'une matrice est annulateur pour celle-ci. Plaçons-
nous sur le corps des nombres complexes. Nous savons Cayley et les matrices
alors que toute matrice est semblable à une matrice
triangulaire supérieure. Il suffit donc de montrer le Après avoir utili sé les matrices comme
résultat pour une telle matrice (notée M) et d'ordre des tableaux de nombres pratiques à
n. Supposons d'abord que M possède une valeur manier pour l'étude des systèmes linéaires,
propre unique, notée À.. Alors M - À.In est triangulaire Arthur Cayley se rend compte que l'on
supérieure avec des zéros sur la diagonale. Elle est peut les sortir de le ur contexte et les
nilpotente d'ordre n, donc (À.I - M)" est la matrice appréhender comme des é léments d ' un
nulle, ce qui montre le résultat pour cette matrice. ensemb le. On peut alors les manier en
Prenons maintenant M triangulaire quelconque. quelque sorte comme des nombres, en défi-
Notons\, À. 2 , • •• , À.P les termes diagonaux distincts et ni ssant dessus des opérations de somme
µ 1 , µ 2 , • •• ,µ/leurs nombres d'apparitions respectifs ; et de produit. En 1858 , il publie cette
appelons un endomorphisme de matrice M dans nouvelle approche dans un article inti -
une base. Le polynôme caractéristique de M est clai- tulé A Memoir on the Theory of Matrices.
rement P = (\ - X)µ ,(À. 2 - X)µ2 • •• (À.P - XYP. Par le Il s'aperçoit que chaq ue matrice « véri-
théorème de décomposition des noyaux, on sait que fie une équation algébrique de son propre
le noyau Ker(P(f)) est la somme directe des espaces ordre » (c'est bien sûr le polynôme carac-
F; = Ker (À.; - JYi et que ces espaces sont stables par téristique) et s'émerveille alors d 'avo ir
f En choisissant une base adaptée aux sous-espaces trouvé un « remarkable theorem » , qu ' il
F;, la matrice N def dans cette base est composée de considère comme le point central de sa
blocs, à cheval sur la diagonale, de matrices N; tri- théorie et qu ' il énonce ainsi:
angulaires supérieures d'ordre µi avec un même terme
À; sur la diagonale. Par ce qui précède, on déduit que « The determ inant, having for its matrix a
(À; - NiYi est la matrice nulle. Il est clair alors que given matrix less the same matrix consid-
(\ - N)'', (À. 2 - NY 2 ••• (À.P - N)µP est nulle également. ered as a single quantity in volving th e
Comme M et N sont semblables, P(M) est nul aussi, matrix unity, is equal ta zero. »
ce qui achève la démonstration. Une matrice réelle pou- Le déterminant dont la matrice est une
vant être considérée comme complexe, le théorème matri ce donn ée moins la même matri ce
est prouvé pour ces matrices. considérée co mme un e simple quantité
associée à la matri ce unité est égal à zéro .

avec son épouse ce 16 octobre 1843 , il On sent bien Cayley mal à l'aise pour
court soudain graver sur le Brougham énoncer ce résu ltat. En effet , au lieu de
Bridge la notion de produit qu ' il vient ca lculer le déterminant de M -À. I , pui s
d ' inventer : les quaternions étaient nés ! de remplacer À. par M , comme nous le
Dix ans plus tard, Hamilton fait paraître faisons de nos jours, il pl ace directe-
un ouvrage, Lectures on Quaternions, dans ment M dans la matrice en la considé-
lequel il étudie les propri étés de ces rant comme une « quantité si mple » (« a
nombres et leur utili sation pour la des- single quantity ») c ' est-à-d ire comme
cription des transformations de l'espace. un nombre .
C'est dans ce cadre, e n recherchant Dans son énoncé , Cayley ne fai t auc une
l'ex press ion de l' inverse d ' un quater- référence à la taille n de la matrice. Pour

50 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES
1

la démo nstration, il se place avec une Un exemple explicite


matrice M =(: ;) d 'ordre n =2. Il cal-
Considérons l'endomorphisme f de défini par
cule le déterminant de (
0
- M c ),
J(x, y , z) =(2X + y + z, x + 2y + z, x + y + 2Z).
b d-M
so it M 2 - (a+ d)M + (ad - bc)M 0 . En Un calcul facile montre que le polynôme caractéris-
posant M 0 = 12 , on vérifie aisément par tique est P = (1 - X) 2 (4 - X).
le calcul que l'on obtient la matrice nulle . Les valeurs propres sont donc 1 et 4.
Cay ley affirme alors avo ir montré ce L'image du vecteur u 1 = (1, 1, 1) est (4, 4, 4) = 4(1, 1, 1),
résultat pour n = 3 et soutient enfin qu ' iI ce qui montre que u 1 est un vecteur propre associé à la
n'est pas nécessa ire de le prouver dans valeur propre 4.
le cas général. Par ailleurs, six+ y+ z = o, alorsf (x, y, z) = (x, y, z)
donc l'espace propre associé à la valeur propre 1 est
le plan d'équation x + y + z = o.
En choisissant une base (u 2 , u 3) de ce plan, on obtient
une base (ui> u2 , u3) de l'espace, dans laquelle la matrice
N de f est diagonale avec respectivement 4, 1 et 1 sur
la diagonale.
Il est immédiat de constater que (41 3 - N)(I 3 - N) est
nul. Ainsi le polynôme minimal (1- X)(4 - X) divise
le polynôme caractéristique (1 - X)2(4 - X), comme
l'avait démontré Frobenius.

en 1878 la première démonstration


rigo ureuse du théorème de Cayley-
Hamilton dans le cas général.

En fait, le polynôme caractéristique n'est


pas le seul polynôme an nul ate ur d ' un
Ferdinand Georg Frobenius endomorphi sme ou d ' une matrice . On
(1849-1917). montre qu ' il existe un polynôme uni-
taire unique annu lateur de degré mini-
Georg Frobenius mal. Alors les polynômes ann ul ateurs
et la rigueur allemande sont exactement les multiples de ce poly-
nôme, appelé polynôme minimal. Le
Moins conn u que les deux mathémati- théorème de Cayley-Hamilton revient
ciens précédents, moins original et alors à dire que le polynôme minimal
moins excentrique aussi, l 'A llemand d ' un endomorphisme (ou d'une matrice)
Georg Frobenius est un mathématicien divise so n polynôme caractéristique.
conscienc ieux qui s'attac he à déve- Frobenius démontre que ces deux poly-
lopper des théories rigoureuses. Il est nômes possèdent en fait les mêmes fac-
amené à reprendre la théorie de Cayley teurs irréd uctibles, ceux-ci pouvant
dans le cadre de l'étude des formes bi li- apparaître avec un exposant inférie ur
néaires symétriq ues . Il justifie et com- dans le polynôme minimal que dans le
plète les résultats é noncés par son polynôme caractéristique .
prédécesseur. C'est ains i qu'il fournit B.H.

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 51


SAVOIRS par François Lavallou

les fonctions
homographiques
Fonction clef de la géométrie projective, la fonction
homographique reste étudiée au lycée sous une forme
cachée, sans jamais en montrer le lien avec les matrices.
Elle suscite pourtant un intérêt nouveau et est au cœur de
recherches mathématiques modernes.

e la désintégration des pro- second degré ax2 + b.xy + cy2, qui sont

D grammes scola ires, due a u


souc i de ne pas confro nte r
notre progéniture à la traumatisante
vite pré pondérants dans l' équatio n de
la conique, do ivent être de somme
null e . Pui sque ax 2 + bxy + cy2
expé rie nce d ' un effort inte llectue l, ne = (a + bp + cp2)x , avec p = y/ x, la
2

subsiste nt que des notio ns parcella ires directio n p dans laque lle un po int peut
de constructio ns mathé matiques cl as- « partir à l' infini » do it alors être solu-
siques. Des ruines de ces monume nts tio n de l' équati on du second degré
é merge la fo nction homographique , o u a + bp + cp 2 = O. Son di scrimina nt
fo nction de Mobius, qui n 'est rie n ~ = b2 - 4ac caracté ri se le type de
d 'a utre , d ans la m ajorité des cas , conique:
qu ' une .. . hyperbo le camo uflée . • si~ < 0 , pas de d irection à l' infi ni, la
conique est une e llipse ;
Hyperboles cachées • s i~= 0 une seule d irectio n à l' infi ni,
la conique est une parabole d ' axe
Rappe lo ns que lques propriétés ana ly- parallè le à cette direction ;
tiques des équation s de coniques. Une • s i ~ > 0 de ux directi o ns sont pos-
co nique est une courbe pla ne do nt s ibl es à l' in fi ni , qui re prése nte nt
l'équatio n générale , dans un repè re ce ll es des asy mpto tes d ' une hy per-
R(O , x , y ), est du second degré: bo le .
a x 2 + b x y + c y2 + d x + e y + f = 0 . Cons idérons la plus simple des équa-
Si un po int (x, y) de cette courbe peut ti o ns d ' une hy pe rbo le , celle d ' une
s'élo ig ne r à l' infini , les te rmes du hy pe rb o le équil atè re : x y = 1. Ses

52 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

asymptotes sont les axes du repère.


Ell e est souvent présentée sous la Composition de fonctions
fo rme fo nctionnelle y= f (x) = 1 / x.
Les mathématiques sont l'art du di s-
homographiques
cernement et s'attachent au fo nd plutôt
qu'à la forme. Si nous effectuons une Calculons la composition des deux fonctions homogra-
translation de vecteur (a, ~) et une
homothétie de rapport 1 / k sur notre phiques J( x )= ax+b et g (x )= a 'x +b ' Par défini-
cx +d c 'x +d '
hyperbole équil atère, sa fo rme ne sera
pas changée, contrairement à son équa-
tion , nous avons (Jog)( x )= ag( x )+b , et le calcul
. .d . R kz , cg( x )+d
twn, qui ev1ent y = JJ + - - , c est- donne :
x- a
, d'1re y = Bx + k2 - aB . L e cas gene-
a- , , a' x +b'
x- a = a c 'x+d'+b = (aa '+bc')x+(ab'+bd ')
ra i des courbes d'équation y= ax + b.
(! og )( X ) ca x+ b ' +d
I
( ca '+dc' ) x+ ( cb '+dd' ) '
cx + d c' x +d '
représente donc des hyperboles équil a- Le premier constat est que la composition de deux
tères, auxquelles sont ajoutées des homographies est une homographie. Cette propriété fut
droites (pour c = 0). Depui s Michel découverte par Carnot en 1803, en étudiant le problème
Chasles ( 1793- 1880), ces fo ncti ons de Castillon . L'ensemble des homographies est donc
so nt dé nommées homographies, du stable par la composition des fonction s.
grec homos ( « semblable ») et grafein
(« écri re, dessiner »), car l'hyperbole
admet une symétrie centrale et possède
Si on associe naturellement la matrice A = ( : !) à

deux branches identiques. 1

l' homographie f et la matrice B = ( a' b \) à l' homo-


Il est mani fes te que la fo nction homo- \ c' d '
graphie g , on constate que la matrice associée à la com-
graphique f (x) = ax + b est entière- position f O g des homographies est le produit A X B des
cx + d matrices. Voir l'article en pages 132 à 134.
ment déterminée par les coeffi cients a,
b, cet d. La compos ition des homogra-
phies, effectuée en encadré, justifie la
près. Ainsi, pour tout nombre réel non
notati on matricielle de y = ax + b par nul a, les matrices a A défini ssent la
cx +d mê me homographie que la matrice
( a b \
y=~ c d ) x.Composer deux fo nc-
. ax +b
A. L' homographie y = - - peut
cx + d
tions homographiques rev ient alors à
calculer un produit de matrices. Mais si s'écrire y = !:!. _ ad - be x - - -
2
à chaque matrice correspond une fonc- c C X+d f C
tion homographique unique, à une Elle apparait ainsi cl airement comme
homographie est associée ... une infini- la composition d ' une translation, d ' une
té de matrices ! Pui sque une homogra- inversion, d ' une homothétie et enfin
phie est un rapport de fo nction linéaire, d' une dernière translation. Pui sque la
les coeffic ients sont défi ni s à un fac teur translation x ~ x + a est représentée

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 53


Les fonctions homographiques

no us avo ns la confirmati on que no us


sommes e n présence d ' une invo lutio n,
Utilisons la coordonnée non homogène z =x / y, définie la fo nctio n f é tant sa propre inverse :
(f oj)(x) = x.
' . ., ,
dans I art1c 1e, comme assoc1ee a un vecteur
( ax \
ay ) . l En utili sant la re présentatio n matri ciel-
le, no us po uvons déterminer rapide-
Nous noterons pour simplifier z= [ ; ]· me nt )'ensemble des homographies
involutives. Pui sque:
Avec cette notation (qui fait intervenir des crochets et 2
A2 (l a + be b(a +b) \) ,

l(
=
que nous allons retrouver dans l' article), nous avons:
e(a +d) d 2 + be
Y a b \ ( x \ [ ax+b ] ax+b po ur tr(A) = a + d = 0, no us obte no ns:
y= [ 1 =~ e d Hl)= ex+d =ex+d ·
A2) 2
a +be O \
Nous allégeons encore cette écriture en assimilant y et
l O 2
a + be ) '

[~ l , de sorte que nous pouvons écrire :

y= a b ] X=
ax+b
--
qui est bie n une matrice associée à
l' ide ntité! Po ur qu ' une ho mographie
so it son pro pre inverse, il suffit do nc
[ e d ex+d·
que la trace de sa re présentation matri-

2 x --3
c1.e Il e so .it nu Il e. A 'ms,,
. s,. y = - ,
Sx-2
par la matrice ( l a \ et l' inve r- no us po uvons directe ment écrire:
O ) l
x =
2Y - 3 ! Si jamais les te rmes dia-
s ion x ~ l / x par J = ( O ~ ). 5y - 2
go naux sont égaux, le calcul pe ut aussi
l'écriture matricielle de cette homogra- être s implifié. Par exemple, si
phie est alors :
2x-3 . .
2
y = - - , no us po uvons ecnre
( 1 a/e \ 0 \ Sx - 2
y =~ 0 ,r (l -( ad - be)/ e
a ) -2x + 3 . . .
( - y ) = - - - , qu, est mvo 1ut, ve ,
Sx + 2
( 0 1 \ ( 1 d ie\ et do nc x = - 2(-y)x + 3 = - 2Y+ 3 _
X~ )
a r ~a 1 J 5(- y) + 2 Sy - 2
1( a b \
= ~~ e d r· Pour a ll éger les calcul s, pre no ns
que lques exemples avec des matrices

( 0 -1 \
L' ide ntité est associée aux matrices a l , de la fo rme A= ~ a ) . Cette
1
multipl es de la ma tri ce ide ntité
matrice e t ses pui ssances sont de déter-
I = ( ~ ~ ) , et l' hyperbole équilatè re minant égal à 1. No us allo ns étudie r les
n - 1 vale urs du para mètre a telles que
d 'équation y = f (x) =1/ x est liée à la A" = 1 po ur diffé re ntes vale urs e ntières
den .
. J ( 0 1 \ p . 2 I
matnce = ~ ) . UISque 1 = ,
1 0

54 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

, ( _,
Pour n = 2, A- = l a
-a
a 2 -1 ) '
\
venons de le montrer, est d ' ordre 5 ,
c' est-à-dire telle que h 5(x) = x . Si on
a = 0 et y = - 1 / x. Pour 11 = 3, note M; = h (M; _ 1) l' image du point
M ; _ 1, nous constatons que M 5 = M 0 ,
-a quel que so it le point de départ M 0 .
a 2 -I Si on veut établir une bijection , c'est-à-

a 2 = 1 et y = --=..!___ Pour 11 = 4,
X ± J

l- a 2 - a (a 2 - 2) \ Fraction continue
2 4 2
a(a - 2) a - 3a + 1 ) ' Utilisons le nombre d ' or pour illustrer le lien entre les
fractions continues et les homographjes (donc les
Œ
2
=2 et y = --- 1-
x ± .fi.
matrices). Rappelons que la décomposition en fraction
continue du nombre x est la détermination des entiers X ;
Nous avons exclu la valeur a = 0 , qui tels que
n' est pas caractéri stique de la pui ssan- X= X1 + 1 .
ce qu atri è me . Pui sque A2"=(A2 )", X2 + - -
X3 + ...
toutes les pui ssances paires accepte-
ro nt év idemment a= 0 comme solu- On note x = [x 1, x2 ••• x,, .. . ] et x(n) = [x 1, x 2 • • •x,,] la rédui-
tion. Enfin , pour n = 5, te d ' ordre n de x , c' est-à-dire la fraction obtenue en pre-
nant les n premiers termes de la décomposition de x en
( - a (a 2 - 2) - (a 4 - 3a 2 + 1) \
fraction continue. Si h/x) = a + 1 / x est
As=l a 4
- 3a 2 +1 a (a 2 - 1)(a 2 -3) J·
l' homographje de matrice ( ~ ~ ) , le calcul de la
et les quatre so luti ons sont a = ± <!> ± 1
où <!> = ( 1 + Js) /2 est le nombre d 'or. réduite d'ordre n est facilité, avec les notations de l'en-
cadré Notation, en utilisant l' expression matricielle:
Nous avons représenté, sur le schéma
ci-dessous! la fo ncti on homographique
h( x )=--- qui , comme nou s
x (n) = l( x1
1
1 \
0 ) X •• • X l( x.1 1 \
0 ) X 1.
x +<j>
Puisque <!> = 1 + 1 / <!> , on en déduit que
1 <!> = {l, 1... 1...}. Une réduite d'ordre n du

!~ r
h(x)=---
! x+ </J
1
1
nombre d'or est donc <l>(n) = ( .1, c'est-à-dire:
1

1
- · - · - · - · - · - • . • . .l . • . • . •.• . • .

où u11 est le énième terme de la suite de Fibonacci. Nous


venons de démontrer que le rapport de deux termes
consécutifs de la suite de Léonard de Pise converge vers
le nombre d'or.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 55


SAVOIRS Les fonctions homographiques

dire une correspondance unique, entre points de coordonnées (x , 0).

l'homographie f (x) = ax + b et la Nou s ap pe ll erons droite projective


cx +d P 1(IR) cette droite (L\), complétée par
. A(ab\ . son point à l' infini. Nous venons d'éta-
matnce = ~ c d ) on peut aJouter
blir une bijection entre cette droite pro-
la contrainte det(A) = ad - b c = l. On jective P 1(IR) et les droites vectorielles
exclut alors les fonctions constantes du plan , qui dépend bien sûr du repère
j(x) =a / c = b / d, qui sont associées à choi si. Les coordonnées (x, y) d ' un
une matrice de déterminant nul. point de P 1(IR) sont appelées coordon·
L'ensemble des homographies de nées homogènes et z = x / y est sa coor·
déterminant égal à 1 constitue donc un donnée non homogène , qui appartient à
groupe , un groupe projectif. iR u {oo}.
Une application linéaire du plan fa it
Géométrie projectiue correspondre une droite vectorielle à
une droite vectorielle. Ainsi , l'applica-
Considérons dan s le plan réel les
droites passant par l' origine. Un vec-
teur non nul (x, y) détermine une
tion linéaire f de matrice ( : !)
unique droite vectorielle constituée de transforme le vecteur (x, y ) en le vec-
l'ensemble des multiples de ce teur (a x + b y, c x + d y) . En utilisant
vecteur: {(k.x, ky), k E IR} Pour tout la coordonnée non homogène z =x / y,
vecteur de cette droite , le rapport abs- l'application correspondante f de
cisse / ordonnée est constant et égal à P 1(IR) dans P 1(IR) est telle que :
z = x / y. Cette droite (l'.\z) coupe donc f (z) = ax + by = az + b
la droite (L\) d ' équation y = l en un ex + dy cz + d
point unique d 'abscisse z (voir la figu-
re) . Pour être complet, il faut accepter avec J(oo)=a l c si c 1:- 0 , et
la valeur z = oo qui correspond à l'axe J( oo) = oosinon. Les homographies ne
des x, c' est-à-dire à l'ensemble des sont donc rien d' autres que les applica-

M(x,y)

Droite 1
projective.

z=x/y

Ta.ngente Hors-série n°44. Les matrices


SYSTÈMES LINÉAIRES

tions de P 1(IR) correspondant aux appli-


1
cations linéaires dans IR 2 . Deux applica- ou v,, = -- pour un point fixe
tions multiples l' une de l'autre définis- u,, -a
sent sur P 1(1R) la même application, unique. On se ramène ainsi à étud ier le
puisque la multiplication par une cas classique d'une suite géométrique ,
constante (non nulle) laisse les droites pour deux points fixes, ou arithmé-
vectorielles invariantes. On retrouve tique, pour un seul point fixe.
ainsi l' idée que les nombres (a , b, c, d)
définissant une homographie sont déter- Nous venons , très rapidement, de mon-
minés à un facteur multiplicatif commun trer les coulisses du camouflage d' une
près. Il y a donc trois degrés de libertés hyperbole en fonction homographique
pour les déterminer, ce qui signifie que par un changement de repère et de
trois points non alignés définjssent entiè- l'étude des suites récurrentes données
rement une homographie . par une fonction homographjque. Nous
Un vecteur propre d ' une application n'avons présenté ici qu ' une légère
linéaire est, par définition , proportion- introduction à la géométrie projective,
nel à son image. Son point correspon- dans le cas bien particulier de la droite
dant sur la droite projective est donc projective réelle. Derrière ces
invariant par l' homographie associée. méthodes classiques, enseignées
Rechercher les vecteurs propres d ' une comme des « recettes » à nombre
application linéaire revient à recher- d 'étudiants , se cachent de nombreux
cher les points invariants d'une homo- prolongements mathématiques.
graphie. Pour le vecteur propre (x, y), Poincaré et Klein ont ainsi introduit en
de coordonnée non homogène z =x / y, géométrie non-euclidienne, dans un
tel que f(x , y) = (A.x, Ày), nous avons espace hyperbolique , la notion de fonc-
tion s automorphes, utilisées par
.
e ffect1vement f () ax+by
z =- -- = -
Âx = z. Andrew Wiles pour la démonstration
cx +dy Ây du célèbre théorème de Fermat. Or,
On montre, en jouant sur les propriétés une fonction automorphe f est invarian-
des homographies ou par un calcul te sous l'action d'un groupe d'auto-
courageux , que , dans le cas où une morphismes, comme celui constitué
homographie h admet deux points fixes des fonctions homographiques :
a et 13 , il existe une constante C
!(az+b) =J( z).
telle que h( z)-a =C z -a cz +d
h( z)-/3 z -{3· On retrouve une relation semblable
Dans le cas d ' un seul point fixe , cette avec les formes modulaires qui véri-
relation devient : fient l' équation fonctionnelle

1
= -
1
-+ C' Si nous avons f ( az + b) = ( cz + dYf (z),
h( z)-a z -{3 · cz +d
à étudier une suite récurrente du type pour des coefficients entiers et la condi-
= h(u 11 ), une méthode « astu-
u11 + 1 tion ad - b c = 1. Mais là , nous sortons
cieuse» consiste alors à utiliser la suite de notre domaine de compétence !

u,, -a
la suite intermédiaire V=-- F.L.
II un - /3 '

Hors-série n°44. Les matrices Tangente


par Bertrand Hauchecorne

matrices
orthogonales
En omorphismes On appe ll e orthogonales les matrices in versibles
te lles que le ur transposée est égale à leur in verse.
Elles vé rifie nt donc 'M = M-1 ou , si l' on préfère,
orthogonauK 'M M = l o ù 1 dés ig ne la matri ce identité. Les
col onnes de ces matrices form ent une base ortho-
Les isométries, c'est à dire les transforma- normée. Ell es sont do nc les matri ces de passage
tions de l'espace affine euclidien A qui conser- d ' une base orthonormée à une autre; ma is e ll es
vent les distances, sont fondamentales, représentent donc auss i les endomorphismes ortho-
puisqu'elles peuvent décrire les transforma- gonaux, ce qui ex plique leur importance. Comme
tions d'un solide indéformable. On peut citer on l'a vu, o n peut affirm er que le ur déterminant
parmi elles les translations, les rotations, les vaut so it 1, so it - 1.
symétries orthogonales ...
Les endomorphismes associés à ces isomé- L'ensemble des matrices orthogonales étant stable
tries, qui agissent sur l'espace vectoriel eucli- par produit et par in verse, il fo rme un groupe pour
dien E associé à A, sont caractérisés par le fait la multipli cati on : c'est le groupe orthogonal.
qu'ils conservent les longueurs (les normes)
des vecteurs. En dime ns ion 2, une matrice o rthogonale est
C'est ce qu'on appelle des endomorphismes soit de la form e
orthogonaux. Ils sont aussi caractérisés par le
cosa - sin a)
fait de conserver les bases orthonormées. On
( sma cos a
montre que la matrice dans une base ortho-
normée d'un endomorphisme orthogonal est auque l cas e lle re présente la rotati on d 'a ngle a,
une matrice orthogonale (voir dans cette page).
Réciproquement, toute transformation de l'es- soit de la forme
pace affine A associée à un endomorphisme
c~sa sin a )
orthogonal est une isométrie. Certaines iso- ( sma - cos a
métries, comme les rotations ou les symétries
orthogonales, possèdent un (ou plusieurs) point où elle est associée à une symétrie orthogonale par
fixes. Toute isométrie peut se décomposer en rapport à une droite.
une transformation qui laisse un point fixe et
une translation. Dans une base bien choi sie, la matrice d ' une te ll e
symétri e sera (
1 O).
Le déterminant d'un endomorphisme ortho- 0 -1
gonal (ou de sa matrice) vaut 1 s'il conserve
l'orientation ou -1 dans le cas contraire. En En dimension 3, une matrice orthogonale est sem-
effet, c'est le coefficient multiplicateur de l'aire blable à l' une des deux matri ces
orientée d'un parallélogramme (ou du volume
orienté d'un parallélépipède en dimension 3)
lorsqu'on applique cet endomorphisme.
(l

l o c~sa
O sma
O O \
-sin a J ou
ca sa
l
(- 1
O
O
0
cos a
sin a
0 \
- sin a J .
cos a

58 Tangente Hors-serie n°44. Les matrices


SAVOIRS par Norbert Verdier

Diagonaliser
pour calculer les puissances d'une matrice
Une matrice peut souvent être « réduite » , c'est-à-dire être
exprimée sous la forme , plus simple, d 'une matrice diagonale
ou d'une matrice triangulaire. Cette propriété permet alors de
réaliser de nombreux calculs, parmi lesquels celui des
puissances successives de la matrice.

A étant donnée, com- matrice et« deviner» la formule géné-


ment calculer la puissance rale de A") n'est pas appropriée !
énième de A , à savoir A"? Dans Il faut passer par un changement de base,
certains cas, c'est simple! Par exemple, et donc revenir intrinsèquement à ce
si A est diagonale ou triangulaire (voir qu 'est une matrice : la représentation
en encadré) . Dans le cas général, le pro- d'une app lication linéaire. Autrement
blème devient difficile et la méthode d it, A représente une application linéaire
« frontale » (multipl ier par elle-même la u, et c'est u qu ' il faut étudier.
S 'i l existe une base dans laquelle la
matrice de u est diagonale , c'est gagné !
Puissance d'une matrice diagonale En effet, si Pest la matrice de passage
dans cette base (elle comporte les vec-
teurs de la base en colonnes), alors on
Partons une matrice diagonale A = (: :) •
peut écrire D = p- 1 A P, où D , matrice
En la multipliant par elle-même, on obtient A2 = ( ~ ;
2
) •
de u dans la« nouvelle» base , est dia-
gonale. Cela revient à chercher une
En re-multipliant par A, il vient Al= ( a l O'J. matrice diagonale D semblable à A.

Cela suggère fortement que A" =


{ a"
1\ 0
0,
\ 0 dl

).
Par itération immédiate, il en résulte que
A" = PD" P- 1• Or, on sait calculer D".
d" Ainsi, si nous sommes capables de trou-
De fait, cette formule est correcte et se démontre faci- ver une base de diagonalisation , alors
lement par r écurrence. É lever à la puissance n une de facto nous serons capables de calcu-
matrice diagonale revient à élever à la puissance n ler A" . C'est encore le cas si la matrice
chaque élément de la diagonale. semblable est triangulaire, sous forme de
Jordan (voir en encadré).

60 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES

Ualeurs propres simples Le tour est joué : nous avons diagona-


el diagonalisation li sé la matrice ! Il est ensuite aisé de
calculer D" (voir en encadré), puis
Comment diagonali ser ou trigonaliser A"= PD" p- 1 •
une matrice? Pour ce faire, il faut intro-
duire la notion de valeur propre.
Application à la matrice
(-21 -12).
Pour diagonaliser la matrice A, il faut
trouver des vecteur X (non nuls) tels
det(A - Àl) = Il-
-2
À -
1-À
2
1

que AX =À.X.Par linéarité, tous les = ( 1- À )2 - 4 = (À+ 1)( À - 3) .


vecteurs multiples de X vérifient le sys- Ce polynôme de degré 2 possède deux
tème : le système a donc une infinité racines, 3 et-1, qui sont les deux valeurs
de solutions, ce qui revient à dire (grâce propres de A. L'espace propre E3 asso-
à la notion de déterminant) que cié à 3 (et qui résulte de A X= 3X) se
det (A-À. I) = O. Cette quantité est appe- réduit à x + y = 0, c'est la deuxième bis-
lée polynôme caractéristique de A (c 'est sectrice du plan. Un vecteur directeur
bien un polynôme en À). en est îi = (1,-1). De même,E_1 se réduit
à x - y = 0, soit x = y .C'est la première
Étudions ce qui se passe pour les matrices bissectrice , dont un vecteur directeur est
carrées d ' ordre 2. La matrice A s'écrit ÏÏ=(l,l).
Dans la nouvelle base (îi, v) ,fest repré-
(: :). sentée par la matrice diagonale
Alors, det (A- ÀI) = 11.2 - À(a + b)
+ det A. C'est un polynôme du second D = (~ ~1).
degré. Ses racines réelles , si elles exis- La matrice de passage P de la base usuelle
tent, sont les valeurs propres de A . (ï ,T) à la nouvelle base (ü, v) est
On appelle sous-espace propre associé 1 1
P= ( ) . On inverse P (qui est néces-
à une valeur propre À l'ensemble des -1 1
vecteurs X du plan tels que A X = À X. sairement inversible, car les change-
On note traditionnellement cet espace ments de base sont des bijections !) et on
EÀ. Si À est une valeur propre simple en déduit A".
(c'est-à-dire une racine simple du poly-
nôme caractéristique), alors EÀ est tou- le cas d'une ualeur propre multiple
jours une droite. Si À est une valeur propre
double, alors E1,. est une droite ou le plan Quand la matrice admet une valeur
tout entier. Il en résulte qu'il faut disso- propre double À, alors EÀest soit une
cier le cas où il y a deux valeurs propres droite , soit un plan. Si c'est un plan, il
distinctes du cas où il n'a qu ' une valeur est aisé de démontrer que dans le cas
propre double. d ' une matrice carrée d'ordre 2, A= À I.
Quand la matrice admet deux valeurs L'endomorphisme associé est un endo-
propres simples distinctes, notées À etµ, morphisme scalaire. Et ses puissances
EÀest une droite, dont on note ü un vec- se calculent aisément : A"= À.11 I.
teur directeur. De même, E , est une Si E1,. est une droite de vecteur directeur
1
droite, dont on note v un vecteur direc- ü, On démontre quel 'on peut toujours
teur. Dans cette nouvelle base (ü, v), construire une base (ü, v), avec v tel que
l'application linéaire associée a f (v) = ü + Àv. Dans cette nouvelle
.
pour matrice D = (À
0
0)
µ . base , la matrice de f est J = ( ~ ~) .

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 61


SAVOIRS Diagonaliser...

Illustrons l' étude avec la matrice

Le mathématicien
Camille Jordan (1838-1922). 3-À -1 1
det(A-Àl) =
1
1 1-À
2
=(3-À)( t -À)+ 1=(À-2) •

Il y a une seule valeur propre, 2. L' es-


pace propre E 2 associé à 2 (et qui résulte
de A X= 2 X) se réduit à x =y . C'est la
première bissectrice du plan, dont un
vecteu r directeur est ü = ( 1, 1).
À la manière de Jordan, on cherche v
Puissance d'une matrice de Jordan tel que f (v) = ü + 2 v. Cela revient à
Une matrice de Jordan est une matrice triangulaire résoudre le système
simplifiée, dans la mesure où, en dehors des éléments
de la diagonale, elle contient des blocs ayant la même A(x)y 1I ) + 2 (x),
= (
y
soit {3x - Y = 1+ 2x
x+y= l+ 2y
valeur sur la diagonale, des « 1 » ou des « 0 » sur la « sur-
diagonale », et des « 0 » partout ailleurs. Ce qui est et donc x = l +y.On peut choisir y= 0
intéressant, c'est que toute matrice « trigonalisable » et x = 1, on obtient alors un vecteur v
se réduit à une forme de Jordan. qui conv ient. Ainsi, v =(~).Le couple
Pour ce qui est des matrices carrées d'ordre 2, (Ü, v) constitue une nouvelle base , dans
laquellef est représentée par la matrice
une matrice de Jordan sera de la forme A= (: :) .
. I.
tnangu aire J = (2 1) .
Pour calculer ses puissances, on procède comme dans 0 2
le cas précédent : La matrice de passage de la base cano-
nique (ï ,T) à la nouvelle base (ü , v) est
{a 2 2a\ . {a 3 3a 2 \
A2
l
= O az) ' pms A = O
3
l a J )"
P=(: ~)·
Cela conduit à proposer la formule On inverse P, et o n en déduit A".

n { a" na·-· \
A = 1\ 0 a" J· Et si le polynôme caractéristique n'ad-
met pas de racine réelle ? Il n' y a plus
Là encore, la formule se démontre par récurrence sur n. de diagonalisation ni de trigonalisation
dans IR , mais le passage aux complexes
permet de retrouver des formes plus
C'est une matrice triangulaire. On dit (de simples .
manière quelque peu familière) que l'on N.V.
a trigonalisé la matrice, sous une forme
particulière appelée forme (ou réduite)
de Jordan. Le calcul de J" ne pose pas
de problèmes (voir en encadré) . Le cal-
cul de A" se déduit ensuite de la for-
mule A" = P J" p- l .

62 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par François Lavallou EN BREF

matrices en décomposition :
la factorisation LU
La « décomposition LU » correspond à la décom-
position d ' une matrice inversible en produit d'une
matrice triangulaire inférieure 1 (ou L pour « Low »,
« bas» en anglais), et d' une matrice triangulaire supé-
rieure S (o u U pour « Up »,« haut ») . Cherchons
(1 2 31
à décomposer ainsi la matrice A= l2 8 14).
3 14 34
On soustrait un multiple de la première ligne aux
li gnes suivantes pour faire di sparaître le terme de
la première colonne.

On obtient la matrice A
11
' = l~ ;
( 1 2 31
s J.
25
Les coefficients multiplicateurs utilisés, 2 et 3 ici,
complètent la première colonne de la matrice L ,
la factorisation QU
sac hant que la diago nale de cette matrice n 'est
constituée que de chiffres 1 . On continue avec la La « décomposition QU » est de la forme
deuxième li gne , et un coefficient 2 pour obtenir la A = QU, où Q est une matrice orthogo-
(1 2 31 nale , ses vecteurs colonnes constituent
matrice Am = lo 8J =
4 u. une base orthonormée et donc 1QQ = 1,
0 0 9 et U est une matrice triangulaire supé-
Nous avons effectué la factorisation rieure . On note souvent cette décompo-
( 1 0 01( 1 2 31 sition QR . Il existe des décompositions

A=LxU=l! ~ ~Jl~ ~ :J
RQ, mais aussi QL et LQ, où Lest une
matrice triangulaire inférieure. Ces décom-
qui permet de résoudre « économiquement » un positions sont souvent utilisées pour déter-
système d 'équations linéaires où le second me mbre miner l' inverse généralisé d'une matrice
pe ut c hanger. rectangulaire (décomposition SVD , voir
en page 75) .
Soit par exemple à résoudre l'équation matriciel le
AX =LUX= B. Le vecteur Y= UX est solution du
système tri angul a ire infé rie ur LY = B , qui se résout
rapideme nt par récurre nce ascendante (o n calcule
les termes un par un ,« de y 1 à y 3 »). On détermine
alors X comme solution du systè me tri ang ulaire
supérieur UX = Y, qui se résout par récurrence des-
cendante(« de x 3 à x 1 »). La complex ité algorith-
mique de cette méthode, inqépendante du second
membre B, est inférieure à celle de l' inversion par
le pivot de Gauss.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangent:e 63


SAVOIRS par Hervé Lehning


e PIUO
auss
Pour résoudre de petits systèmes d'équations, la méthode de
Gauss a l'avantage d'être simple. Mais gare aux résultats
obtenus si le système contient des paramètres ! En fait, la
méthode du pivot présente surtout un intérêt historique.

~un système d 'équa- soit 4y + 3z = 2. Ces calculs montrent


tions d'inconnues x, y , z... Nous que si (x , y, z) est solution du système
échangeons les équations de {(I), (2), (3)}, alors il est aussi solution
façon à placer en tête une équation com- de {(I) , (2 ' ) , (3 ' )}. La réciproque est
portant la première inconnue (x). S'il vraie car (2) = 2 x ( 1) + (2 ' ) et
n'en ex iste pas, l'inconnue peut tout (3) =3 x (1) + (3') . En procédant ainsi ,
simplement être supprimée puisqu'elle ce résultat est toujours valable. Nous obte-
n'intervient pas dans le système. Le nons donc le système équivalent, c 'est-
coefficient de x dans la première équa- à-dire aya nt la (ou les) même solution:
tion est alors utilisé comme « pivot »

l
x + 2y +2z- 1,
pour détruire les coefficients de x dans 3y + 2z = 1,
les autres éq uations, au moyen de com- 4y +3z = 2.
binaisons linéaires. À partir de la deuxième, le équations ne
contiennent pas de termes en x . On
Déroulement des calculs recommence sur elles, avec la deuxième
inconnue, autrement dit on considère
Pour préciser le procédé, considérons le (3") = 3 x (3')- 4 x (2') , soit z = 2.
système su ivant : Nous obtenons un système triangulaire
équiva lent au précédent , donc au pre-

l
x+2y +2z = 1,
2x+ y + 2z = 1, mier également :
3x +2 y +3z = 1.

l
x + 2y + 2z =I ,
Nous notons les trois équations (1), (2) 3y +2 z =I ,
et (3) respectivement pour simp lifier == 2.
l' écriture. L'équation (2') =2 x (1 )-(2) , Ce système peut se résoudre en com-
soit 3y + 2z = 1, ne contient plus de terme mençant par la dernière équation et en
en xet de même pour (3') = 3 x (l)-(3), remontant jusqu'à la première. On peut

64 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


également reproduire la première série
d'opérations pour obte nir un systè me
Un nolvnôme annulateur
d iago nal. Les co mbin aisons linéaires Avec les notations de l'article, la matrice A peut
(2)-2 x (3) et ( l )-2 x (3) donnent : s 'écrire A = 2U - 1. En élevant U au carré, on
obtient : U2 = 3U. À partir de là, A2 = 4U2 + l - 4U,

l
x+ 2y = -3,
3y = -3, donc A2 = SU + l = 4A + 51. Cette égalité peut être
z = 2. écrite en mettant A en facteur: A(A- 41) = 51, c'est-
En div isant la deuxième équ ati on par à-dire AB= l où B = (1/ 5)(A- 41). On en déduit que
3 pui s en la combinant à la pre mière, A est inversible et que A- 1 = B, ce qui donne bien

;:l l
le rés ultat s'ex prim e so us la fo rme ( -3 2 2\
A- 1 = S
I 2 -3 2 . J
=:: qui est donc la so luti on du 2 2 -3
z = 2,
système in itial.
l'article Systèmes linéaires et matrices.
méthodes modernes Ce sys tè me pe ut ê tre réso lu pa r la
méthode de Gauss. Il est également pos-
Cette méthode n'a plus qu ' un intérêt sible de résoudre n systèmes do nt les
histori que. Elle n'est pas la plu s pra- seco nd s me mb res so nt nul s sauf un
tiq ue dans un usage « à la mai n » car elle terme qui est égal à 1. Précisons cela avec
peut int rod uire des coeffic ie nts plu s une matrice carrée d 'ordre 3.
compliqués que la méthode usuelle par ( 1 2 2\
comb inaisons linéa ires, vue dans l'ar- La matri ce A= l2 1 2J est in versibl e
ticle sur les systèmes linéa ires. D 'autre 2 2 1
part, elle n'est pas adaptée aux systèmes pui squ e, d 'a près la règ le de Sar ru s,
avec paramètres. Dans ce cas, mie ux son déterminant est égal à
vaut util iser la méthode de Cramer vue 1 + 8 + 8 - 4- 4- 4 = 5 ;t: O.
dans l'art icle sur le sens du détermi- Considérons le système d 'équatio n
nant , au moi ns pour savoir dans que ls
cas le système a une et une seule so lu-
tio n. En ce qui co ncerne l' utili sati o n
l; l
(x\ ( 1\
Ax J ~J. En multipliant à gauche par
=

d' un ordinate ur, e lle n'est efficace que A- 1, la matrice inverse de A ,


pour des systèmes d'au plus une centaine (x\ (1\
d'éq uations à autant d' inconnues . Cec i nous obtenons l:J=A- xl~J · ce qui
1

peut sembl er énorme, mais les appli -


cations des mathématiq ues comme la signifie que la soluti on est la pre mière
météorolog ie ou la phys ique nucléaire colonne de la matrice inverse A- 1• Nous
conduisent à des systèmes de plusieurs obtenons les autres co lonnes en utili-
mi ll iers d'équations. On préfère alors des
méthodes itérati ves co mme ce ll e de
Gauss-Seidel.
sant les seconds me mbres lJ lJ.
( 0\
~ et
( 0\
~
Les manipul atio ns pour résoud re ces
Le ca lcu l de l' in verse d'u ne matrice trois systè mes peuvent être regroupées.
carrée d'ord re n correspond à la réso- O n les repre nd do nc e n parall è le sur
lution d' un système linéaire avec n para- A et I j usqu 'à ce que A so it re mpl acé
mètres (les coefficients d u second par I. La matrice I sera alors re mpl acée
membre), comme nous l'avons dans par A- 1•

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 65


Le pivot de Gauss

On part donc de la matrice (A I) :

(1 2 2 1 0 0\

l~ 1 2
2 1 ~ ~ ~J
et, comme vu précédemment, on retranche
deux fois la première à la deuxiè me et
à la troi siè me .

(1 2 2 1 0 0\

On obtient l ~ =~ =~ -2
-2 0
1 oJ
1

pui s, à l'étape sui vante,


(1 2 2 1 0 O\

l o -3
0 0 -5/3
-2 -2
-2/ 3 -2/ 3
1 o,J· Portrait de Carl Friedrich Gauss
(1777-1855) réalisé en 1840
par Christian Albrecht Jensen
On multiplie alors la dernière ligne par (1792-1870).
-3/ 5, d ' où:
(1 2 2 1 0 0 \ La mê me méthode est utili sable pour

l o
0
-3 -2
0 1
-2 1
2/ 5 2/ 5 -3/5
0 J. calculer le rang d ' une matrice car les
opérations considérées conservent le
rang.
On reprend ensuite dans l'autre sens : ( 2 5 4\
on obtient Appliquons-le sur la matrice l }
2
! -52J.
(1 2 0 1/ 5 -4/5 6/5 \ ( 1 2 0 1/ 5 -4/ 5 6/5 \
-3 0 -6/5 9/ 5 -6/ 5J·l0 1 0 2/ 5 -3/ 5 2/ 5 J
l~ 0 1 2/5 2/5 -3/ 5 0 0 1 2/ 5 2/5 -3/ 5 La suite des transformations donne

(1 1 0 -3/ 5 2/ 5 2/ 5 \ (2 4\ (2 5 4\
et enfin l ~ 1 0 -~8 J pui s l ~
2/ 5 -3/5 2/ 5 J ,ce qui signifie que -18 - 18
-~8 J '
0 1 2/ 5 2/5 -3/ 5 l~ 9 0

(-3 2 2\ qui est de rang 2 pui sque les deux pre-


A - 1 =il~
-3 2 J. mières li gnes sont indépendantes.
2 -3
H.L.
Ce résultat est facile à vérifier en mul-
tipliant A par la matrice trouvée. La
forme de la matrice trouvée donne l'idée
d ' une autre méthode en introdui sant la
( 1 1 1\
matrice u=ll 1 'J (voirl 'encadréUn
1 1 1
polynôme annulateur).

66 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par François Lavallou EN BREF

Décomposition
de Crout-Cholesky lanczos
La « décomposition de Crout » complète la décom-
position LU (voir en page 63) pour le cas d ' une
matrice symétrique .
Considérons la décomposition LU de la matrice

2 3\
8 14J ,
14 34

et « divisons » la matrice U par sa diagonale

Cornélius Lanczos (1893-1974) est un


mathématicien et physicien hongrois
(1 0 o, (
1 2 3\ assez méconnu. Il découvrit une solu-
NousobtenonsU=l~ ~ ~Jl~ ~ !) tion exacte de la théorie de la relativité
générale, connue maintenant sous le nom
qui nous donne directement la décomposition de de poussières de Van Stockum, et il éta-
Crout A= LD 1L. blit les bases de la transformée de Fou-
Comme la matrice A est de plus définie positive rier rapide (FFT) vingt-trois ans avant
(et admet donc des valeurs propres réelles posi - James William Cooley et John Wilder
tives) , nous pouvon s extraire une « racine carrée » Tukey. On donna tout de même son nom
de la matrice diagonale D. à un potentiel tenseur en relativité et à
une approximation de la fonction gamma.
( 1 0 o, Il développa de nombreuses méthodes
En posant B =Lx Jo = l !: ~J , numériques, dont la célèbre méthode du
gradient conjugué (qui permet une réso-
lution itérative des systèmes d'équations
nous obtenons la décomposition dite de Cholesky linéaires) , l'approximation o (qui éli-
mine les phénomène de Gibbs, à savoir
les oscillations des méthodes de Fou-
rier) , et un algorithme (dit de Lanczos)
qui permet, itérativement, de détermi-
ner les valeurs propres et vecteurs propres
d ' une matrice carrée ou la décomposi-
tion SVD d' une matrice rectangulaire, par-
ticulièrement pratique pour les très
grandes matrices .

Hors-série n• 44. Les matrices Tc:a.ngente


SAVOIRS par Hervé Lehning

La relation de similitude est au centre de la réduction des


matrices, ce qui importe car deux objets similaires ont des
propriétés communes. Au premier abord, cette notion de
similitude semble se confondre avec la notion d'équivalence.
Elle est pourtant bien plus difficile à appréhender, et bien
plus riche.
les matrices A = (: :) et B = ( ~ ~)
a similitude des matrices concerne

L les matrices carrées de même


dimension . Elle a donc un champ
d'application plus restreint que I'équi-
sont équivalentes. Si elles sont sem-
blables, il existe une matrice inversible
valence, qui concerne les matrices de
même dimension en général (rectangu-
P= (: !) vérifiantAP= PB ,
laires ou carrées). Pour fixer les idées, 0
c'est-à-dire(a+ c b+d)=(a ),
considérons A et B des matrices carrées a+c b+d c 0
d'ordre trois . Elles sont dites semblables ce qui implique a= c =O ... et contre-
s'il existe une matrice carrée P d'ordre dit ainsi que P soit inversible. Les matrices
trois inversible telle que A P = PB. En A et B ne sont donc pas semblables.
algèbre linéaire, les formu les de chan- Les matrices considérées peuvent être
gement de base montrent que deux à coefficients rationnels, réels ou com-
matrices sont semblables si elles repré- plexes. Dans tous les cas, les matrices
sentent le même endomorphisme. La inversibles peuvent être considérées à
relation définissant la similitude peut coefficients dans le même corps. Plus
également s'écrire A= PB P- 1 , ce qui précisément, si deux matrices A et B à
implique que la seule matrice semblable coefficients rationnels sont semblables,
à la matrice identité est elle-même. il existe une matrice inversible à coef-
ficients rationnels P telle que A P =PB.
Similitude et équivalence De même, si elles sont réelles, la matrice
inversible P peut être considérée à coef-
La similitude implique l'équivalence , ficients réels (voir l'encadré Perma-
mais la réciproque est fausse. Par exemple, nence de la similitude pour une
puisqu'elles sont toutes deux de rang 1, démonstration).

68 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES

Oiagonalisation et similitude La notion de similitude dépasse le monde des matrices


et correspond plus généralement à un ensemble
La diagonalisation des matrices peut se de car actéristiques partagées, comme chez ce couple
lire en termes de simi litude: une matrice de martins-pêcheurs.
diagonalisable est une matrice semblable
à une matrice diagonale. On remarque de
suite que cette notion dépend du corps
Permanence de la similitude
dans lequel on se place . Une matrice Pour simplifier, considérons deux matrices carrées
réelle peut être diagonalisable dans le (a b\ (a' b'\
d'ordre deux, A= 1 ) et B = 1 ) , à coefficients
corps des complexes sans l'être dans \C d \C' d'
celui des réels . Pour s'en convaincre, il rationnels. On les suppose semblables en tant que
suffit de considérer la matrice ( O
1
),
matrices réelles, c'est-à-dire qu'il existe une matrice

dont le polynôme caractéristique


-1 0
P = (; ;) inversible (soit xt - yz * o ), à coefficients
-x
1
1 =x2 + 1 n'a pas de racines réelles. réels, telle que AP = PB.
-1
1
-X Un calcul matriciel fastidieux mais simple montre que
Elle n'est donc pas diagonalisable en tant l'existence de la matrice réelle P correspond à l'exis-
que matrice réelle . En revanche, le même *
tence d'une solution vérifiant xt - yz o à un sys-
polynôme a deux racines complexes dis- tème homogène de quatre équations à quatre inconnues
tinctes (± i), la matrice est donc diago- (x, y , z, t). Par hypothèse, ce système a des solutions
nalisable en tant que matrice complexe. non nulles, il est donc de rang au plus 3.
Combiné au résultat précédent, cette Les solutions s'expriment ainsi rationnellement en
remarque a un résultat inattendu. fonction des données, elles sont donc rationnelles, ce
1 qui prouve le résultat.
Considérons les deux matrices ( O )
-1 0

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 69


SAVOIRS Similitude et diagonalisation

1 2 simples. Considérons donc une matrice


et ( ) . Elles ont le même polynôme
-1 -1
caractéristique, qui possède deux racines
carrée complexe d'ordre deux A= (: !) ,
complexes distinctes (± i) ; ces matrices le discriminant de son polynôme carac-
sont donc diagonalisables en tant que téristique est alors
matrices complexes. Elles sont sem- ô =(a+ d) 2 - 4(ad - be).
blables à la même matrice diagonale Si cette quantité est non nulle, la matrice
0 A est diagonalisable en tant que matrice
(i .) , elles sont donc semblables entre
0 -1 complexe. Si elle est nulle , il suffit de
elles en tant que matrices complexes. La modifier l' un des paramètres a, b, cou
permanence de la similitude implique d de manière infinitésimale pour obte-
qu 'e lles sont semblables en tant que nir une quantité non nulle. Ainsi, en
matrices réelles. modifiant la matrice A de manière infi-
nitésimale, on obtient une matrice dia-
Nous avons ainsi démontré que les deux gonalisable. On résume ce résultat en
1 1 2 disant que 1'ensemble des matrices dia-
matrices ( O ) et ( ) sont sem-
-1 0 -1 -1 gonalisables est dense dans l'ensemble
blables comme matrices réelles, et même des matrices . De mê me , on démontre
comme matrices rationnelles en vertu que, si l'on choisit une matrice aléatoi-
du même théorème. rement , elle est presque sûrement dia-
gonalisable ... ce qui signifie que la
Un certain nombre de notions sont inva- probabilité qu 'elle soi t diagonalisab le
riantes si l'on passe d'une matrice à est égale à 1. Ces résultats permettent de
une matrice qui lui est semblable. Les généraliser des résultats vrais pour les
plus simples sont le rang, la trace, le déter- matrices diagonales à toutes les matrices,
minant et le polynôme caractéristique. par exemple, le théorème de Cayley-
Malheureusement , dans tous ces cas, Hamilton selon lequel toute matrice
la réciproque est fausse. Ces quatre annule son polynôme caractéristique.
notions sont donc seulement utiles pour Pour simplifier l'écriture , nou s consi-
montrer que deux matrices ne sont pas dérons des matrices carrées d'ordre trois
semblables. Par exemple, les deux matrices et une matrice diagonale D dont nou s

(~ :) et ( ~ ~) ont même rang (2), même


notons a, b etc les éléments de la dia-
gonale. Son polynôme caractéristique
trace (2), même déterminant (1), même est donc P(x) = (a - x)(b - x) (c - x).
polynôme caractéristique (x2 - 2x + 1) Un calcul simple montre alors que P(D)
mais ne sont pas semblables. En effet, la est la matrice diagonale dont les élé-
seule matrice semblable à la matrice ments de la diagonale sont P(a), P(b) et
identité est elle-même. P(c), qui sont tous nul s, donc P(D) est
la matrice nulle .
Densité des matrices diagonalisables
Nous opérons a lors deux généra li sa-
Comme il est établi dans l'artic le Dia- tions. La première générali sation est de
gonaliser pour calculer les puissances nature algébrique, elle permet d'établir
d'une matrice, le cas le plus simple où le théorème pour les matrices diagona-
l'on peut affirmer qu'une matrice est li sables. Si A est diagonalisable, il existe
diagonalisable est celui où son poly- une matrice inversib le Q et une matrice
nôme caractéristique n'a que des racines diagonale D telles que A= Q D Q- 1•

70 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES

Invariance de la trace
La trace d'une matrice carrée est la
somme des éléments de sa diagonale.

La trace de A = (: !)
est donc égale à tr(A) = a + d.

Considérons alors une autre matrice


P- ( a fJ\
-lr o)·
La trace de A Pest aa + by + c/3 + do.
En échangeant les lettres latines et les
lettres grecques, on remarque que
tr(A P) = tr(P A) . Cette égalité étant
vraie pour toute matrice A, on peut
l' appliquer à P- 1 A si Pest supposée
inversible . Cela donne :
tr[(P- 1 A) P] =tr[P (P- 1 A)],
qui implique qu ' une matrice a la
même trace que toute matrice qui lui
est semblable.

Une matrice diagonalisable


est une matrice semblable
à une matrice diagonale.

Les matrices A et D ont mê me pol y-


nôme caractéri stique P et
P(A) =Q P(D) Q- 1 = O.

La seconde générali sation est de nature


analytiqu e, e t utili se la de ns ité des
matrices di agonali sables . Si A est une
matrice non di ago nali sabl e, il ex iste
une suite (A),, de matrices di agonali -
sabl es de limite A. On démontre que la
suite de po lynômes caracté ri stiqu es
(P,,) 11 de A,, converge vers le polynôme Trace du passage de l'eau sur un rocher
caractéri stique P de A , pui s que P,,(A,,), à Capitol Reef (États-Unis).
qui est nul , converge vers P(A) ... qui
est donc nul égale ment.

H.L.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 71


SAVOIRS par Hervé Lehning

Diagonalisation,
géométrie et algèbre
Les matrices carrées peuvent être diagonalisables ou ne pas
l'être. La question est liée à la dimension des espaces propres,
une question de nature géométrique. Elle est également liée à
l'annulation de polynômes, une question de nature algébrique.

r A une matrice carrée Tout vecteur V de l'espace se décom-

C d ' ordre troi s, pour simplifi e r.


Dan s une base del 'espace , il lui
correspond un endomorphisme f. Si A
pose en V= xi+ yj + zk sur la base donc,
par linéarité:

est diagonalisable , c'est-à-dire semblable f( V) =xf(i) + yf(;) + zf(k)


à une matrice diagonale D , alorsf a pour =axi + byj + czk ,
matrice D dans une base (i,j, k). Soit, si
a, b et c sont les éléments de la diago- ce qui a une signification géométrique
nale de D :f(i) =ai,f(;) =bj etf(k) =ck. (voir la fi gure ci-contre).
Cela donne une caractérisation géomé-
trique de l'endomorphi sme f. Dimensions des espaces propres

Selon que les valeurs propres a, b et c sont


di stinctes ou pas , les espaces propres
sont de dimension 1, 2 ou 3. Dans tous
les cas, la somme de leurs dimensions est
éga le à 3, la dimension de l'espace. La
réciproque est vraie : si la somme des
dimensions des espaces propres d'une
matrice carrée est égale à sa dimension,
e lle est diagonali sable . On peut simpli -
fier cette caractéri sation géométrique en
introdui sa nt la noti o n de multiplicité
d ' une valeur propre, comme multipli-
Image d'un vecteur par un endomorphisme diagonalisable. cité en tant que zéro du po lynôme carac-

72 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES

téristique. On dé montre alors qu ' une


matrice est diagonalisable sur le corps des
Calcul d'un nolvnôme
complexes si les espaces propres asso- d'une mauice diagonale
ciés aux valeurs pro pres multiples sont
de dimensions éga les à cette mul tipli - Soit D une matrice diagonale dont les
cité . Pour qu 'elle soit di agonalisable sur éléments de la diagonale sont res-
le corps des réels, il suffit de plus que tous pectivement a , b ... Un calcul simple
les zéros du polynôme caractéri stique montre que D2 est encore diagonale et
so ient réels. que les éléments de sa diagonale sont
Pre nons l'exemple de la matrice respectivement a 2, b2 .• . Le raisonne-
ment peut être itéré, et on obtient de
(- 1 2 2\ façon générale (p est un entier) : IY' est
- 1
A=l~ 2 J. diagonale et les éléments de sa dia-
gonale sont respectivement aP, bP ...
2 - 1
Un polynôme Pest une combinaison
Il est possible de calculer son polynôme linaire de puissances x.P, donc P(D)
caracté ri stique pour la di ago na li ser, est la même combinaison linéaire de
mais on peut éga le ment s'en passer. En puissances IY'. La matrice P(D) est
effet, il suffit de changer les élé ments donc diagonale et les éléments de sa
de la di agonale (égaux à - 1) en 2 pour diagonale sont P(a), P(b) .. .
obtenir une matrice de rang 1. Autrement On en déduit que si P est un polynôme
dit , A + 31 est une matrice de ra ng l . Le annulant chacun des éléments de la
théorè me du ran g nous pe rme t alors diagonale de D, alors P(D) est la matrice
d'affirmer que son noyau est de dimen- nulle. Si A est une matrice diagonali-
sion 2, ce qu i signifi e que -3 est une sable, il existe une matrice inversible
valeur propre de A et que l'espace propre Q et une matrice diagonale D telles
associé est un plan . La trace de A est égale que A= Q DQ- 1. Le même type de rai-
à-3, on en conclut que 3 est également sonnement que précédemment per-
valeur propre, ce qu ' il est fac ile de véri- met de prouver successivement :
fie r en calcul ant le ra ng de A - 31, qui
est égal à 2. La matrice A est donc di a- A2 = QD2Q-1, A3 = QD3Q- 1...
gonalisable, semblable à la matrice dia- P(A) = QP(D)Q- 1,
gonale dont les éléments diagonaux sont
respecti veme nt -3, -3, 3. où P est un polynôme. Le résultat pré-
cédent se généralise donc aux matrices
Restons sur cet exemple. D'après le théo- diagonalisables.
rème de Cayley-Hamilton, A est annu-
lée par so n polynôme caracté ri stique
(3 + x)2(3-x). cadré Calcul d'un polynôme d'une mntrice
d iagonale). De façon plus étonnante, la
Autrement dit : (A + 31)2(A- 31) = O. réciproque est vraie : si une matrice est
En fa it , il est aisé de vérifier la relation annulée par un polynôme n'ayant que
plus forte (A + 3l)(A-31) =Ü. De manière des racines simples, alors elle est dia-
générale, si A est di agonalisable, elle est gonalisable. Ses vale urs propres fo nt
annulée par un polynôme n'ayant que alors partie des racines du polynôme.
des racines simples: les valeurs propres On peut en proposer une dé monstration
comptées chacune une seule fois (voir l'en- relati vement simple si le polynôme est

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 73


SAVOIRS Diagonalisation, géométrie ...

Polvnôme annulateur no us aj o uto ns la somme a + b + c à


chaque terme de la diagonale, nous obte-
et diagonalisation nons une matrice dont les é léments de
la première ligne sont tous égaux à 2a ,
Supposons que la matrice carrée A d' ordre 3 vérifie l'équa- ceux de la seconde, à 2b et ceux de la
tion (A - al)(A - bl) = 0 , où a"# b. D ' après cette relation , troi sième , à 2c . Autrement d it , chaque
l' image de A - bl est incluse dans le noyau de A - al. ligne est colinéaire au vecteur colonne
Or, le théorème du rang permet d ' affirmer que la dimen- ( 1 , 1, 1). L e ra ng d e la m a t rice
sion de l' image de A - bl est égale à 3 moins la dimension A+ (a + b + c) 1 est donc égal à 1, sauf
du noyau de A - bl. si a = b = c = 0 , auque l cas il est nul.

L' inclusion annoncée plus haut implique donc l' inégalité : Excluons donc ce dernier cas . Le nombre
3 - dim [Ker(A- hl)] ~ dim [Ker(A- al)], -(a + b + c) est valeur propre, et l'espace
que l' on peut écrire : propre qui lui est associé est un pl an. La
dim [Ker(A- al)]+ dim [Ker(A- hl)] i!:: 3. trace de A est égale à -(a + b + c), donc
a + b + c est auss i valeur propre .
Si a et b sont valeurs propres de A , les deux noyaux ci-
dessus sont les espaces propres associés. Pour conclure, il suffi t de calculer le pro-
La caractérisation géométrique vue plus haut implique alors duit [A+ (a + b + c) I] [A-(a + b + c) I],
que A est diagonalisable . c'est-à-dire A 2 .

Si a n' est pas valeur propre , alors dim [Ker(A - al)]= 0 et Nous tro uvons: A 2 =(a + b + c)2 l ,
donc dim [Ker(A - bl)] ~ 3, ce qui implique A= bl. A est
donc diagonalisable, et de même si b n'est pas valeur propre. ce qui montre que le produit ci-dessus est
nul. La matrice annule donc le polynôme
x2-(a + b + c) 2 , qui n'a que des raci nes
de degré 2 ( voi r l'encadré Polynôme simples à la cond ition que a + b + c so it
annulateur et diagonalisation). Dans le diffé rent de O. Dans ce cas, A est d iago-
cas de la matrice A précédente, le simple nalisable. Si a + b + c = 0, la seule valeur
constat (A+ 31) (A - 31) = 0 suffit donc propre de A est 0, A n'est donc diago-
pour affirmer qu 'elle est diagonali sable. na li sabl e qu 'au cas où e ll e est null e,
Considérons la matrice c'est-à-d ire si a= b = c = O.

l
(a-b-c 2a En résumé, la matri ce donnée est dia-
A= 2b b-a - c gonalisable si et seulement si a + b + c "# 0
2c 2c ou a = b = c =O.
H.L.
o ù les coeffic ie nts a , b e t c sont des
nombres réels. Est-elle di agonalisable?

Nous di sposons de deux méthodes pour


attaquer la question : géométrique ou
algébrique. La présence des trois para-
mètres rend le calcul du polynôme carac-
téristique délicat, il vaut mieux essayer
de jouer sur les particul arités de cette
matrice. Nous re marquons alors que, si

74 Ta.ngente Hors-série n°44. Les matrices


par François Lavallou EN BREF

La décomposition d'une matrice en valeurs singulières (ou SVD pour singular value
decomposition) est un outil de factorisation de matrices rectangulaires très utilisé en
théorie du signal.
Pour une matrice rectangulaire A possédant m lignes et n colonnes, la décomposition
en valeurs singulières correspond à la factorisation A= M X I X tN, où M est une
matrice carré de taille m, N est une matrice carrée de taille n, M et N sont unitaires
(M tM = l m et N tN = In) et I est une matrice rectangulaire (de même taille que A)
dont les seuls éléments non nuls sont « diagonaux » (à savoir les termes I; i pour
i = 1.. . min(m, n)) et positifs. Les valeurs « diagonales » de I sont appelées les
valeurs singulières.

Un problème récurent du traitement du signal est de déterminer n paramètres d'un


système linéaire, de matrice A, dont on effectue m mesures (avec m > n), dans l'espoir,
justifié, d'obtenir une meilleure précision. Nous avons alors à résoudre l'équation
Y = AX, avec Y carrée de taille m, X carrée de taille n, et A rectangulaire ayant m lignes
et n colonnes. Si la matrice A était carrée, tout « tournerait rond » et il suffirait d'en
calculer la matrice inverse. Alors rendons-la carrée en la multipliant par sa transpo-
sée ! Nous avons tA Y = (tA A)X, et par suite X = (tA A)- 1 tA Y, si la matrice B = tA A est
inversible. Dans ce cas, la matrice A* = (tA A)- 1 tA est l'inverse généralisé, ou pseudo-
inverse, de la matrice A.

Dans la pratique, les mesures sont bruitées : Y = AX + b. En cherchant un ensemble de


paramètres X qui minimise l'écart aux données, c'est-à-dire tel que IIY -AXII soit minimum,
on trouve la même solution ! La solution des moindres carrés est l'inverse généralisé.
En utilisant la décomposition SVD de la matrice A, on obtient une expression simple,
et surtout pratique, de cet inverse généralisé : A* = N x I,+ x tM, où I,+ correspond à
la transposée de I dans laquelle tous les coefficients non nuls sont remplacés par leur
inverse. Nous avons ainsi l'expression d'un inverse généralisé (non unique) dans le cas
où la matrice B = tA A est non inversible.

Il arrive souvent qu'un problème soit mal posé, c'est-à-dire que l'inverse, ou l'inverse
généralisé, même s'ils existent, amplifient le bruit. Ceci est dû à une valeur singulière
proche de zéro dont l'inverse devient très (trop) grand. Il suffit alors, dans I +, de
rendre nulle la valeur correspondante, ce qui revient à annuler cette valeur singulière
dans I. On pourrait aussi translater cette valeur d'une quantité qui rende son inverse
« acceptable » . Il s'agit là d'un filtrage , ce qui nous conduit à la théorie spectrale,
domaine bien trop vaste pour être abordé ici.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

la trigonalisation
Quand une matrice n'est pas diagonalisable, c'est-à-dire
semblable à une matrice diagonale, peut-on encore la réduire
à une matrice « simple » ? La réponse tient dans l'utilisation
du corps des complexes et dans la trigonalisation.
o ns idé ro ns une matrice com- du plan, association qui sera systémati-

C plexe. Si son polynôme caracté-


ri stiqu e n 'a que d es rac in es
simples, alors elle est diagonalisable. Si
quement fa ite dans la suite. Son poly-
nô me caractéristique est égal à
J- x
2
- 1 = x 2 - 2x + 1 , qui a une
ce n'est pas le cas, il se peut qu 'elle le I
2 - 1-x
soit quand même ... si l'espace propre racine double, 1. La seule valeur propre
correspondant à chaque valeur propre de A (et de f) est donc 1. S i A était dia-
multiple est de dimensio n égale à son gonalisable, elle serait semblable, donc
ordre de multipl icité. Dans la suite, nous égale, à l'identité, puisque p 1p- 1 = 1.
considérons donc les cas, relati vement Bien entendu, ce n'est pas le cas. L'es-
rares, où cette propriété est fa usse. pace propre associé à I est de dimen-
s io n 1, ce que l'on peut vérifier e n
Cas de non- diagonalisation .,
cons1derant le rang de A - I = (22 -2)
-2
,

Considérons la matrice A= ( ~ =~) etf qui est bien égal à 1. Cette matrice per-
met de trou ver un vecteur propre de/:
l'endomorphisme associé dans une base le vecteur i de coordonnées ( 1, 1). Autre-
ment dit,f(i) = i.
Considérons alors un vecteur j non coli-
néaire à i, celu i de coordonnées ( 1, 0)
Fleurs trigonales dans le po ur fi xer les idées. Le système (i, j)
désert du Namib. définit une base du plan. Pour détermi-
ner la matrice defdans cette base, il suf-
fit de calculer f(J) dans la base (i ,J). Dans
la base initiale, les coordonnées de f(J)

sont fournies par le produit A ( ~) = ( ~) .

Pour déterminer celles dans la base (i,j) ,

76 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


il suffit de résoudre l'équation Vecteur propre et plan stable
( ~) = x(:) + y(~) .. . ce qui est facile. On
Considérons une matrice A carrée d'ordre 3 et/ son endo-
trouve: x = 2 et y= l. La matrice def morphisme associé dans une base de l'espace. la matrice trans-
dans la base (i, j) est donc B = ( ~ ~) .
posée tA a au moins une valeur propre A, et donc un vecteur

La matrice B est trigonale, supérieure


en l' occurrence. Si on change l'ordre
(a\
l:
propre associé V= J :f:. o pour lequel tAV = AV soit,

des vecteurs, c'est-à-dire si on écrit la en transposant, tyA= Atv. Soit M un point de coordonnées
matrice de f dans la base U, i) , on obtient (x, y, z) appartenant au plan Q d'équation ax + by + cz = o,

la matrice B' = ( ~ ~) , qui est trigonale


ce que l'on peut écrire sous forme matricielle:

inférieure . Dans la suite de cet article,


on opte pour les matrices trigonales
tvx = o où X = l!
(x\
J. Le point/(M) correspond à la matrice

supérieures. colonne AX, et : tv(AX) = (tvA)X = (A tv)X = A(tvx) = o.


On peut penser que ces résultats tien- Ainsi, l'image parf de tout point de Q appartient à Q, ce qui
nent à un choix heureux du vecteur j. Il prouve l'existence d'un plan stable parf.
n ' en est rien : tout autre vecteur k non
colinéaire à i aurait donné une matrice
trigonale . En effet,f(k) s 'écrit sur la De même que la diagonalisation, la tri-
base (i, k), soitf(k) =ai+ bk . La matrice gonalisation permet de calculer des puis-

de f dans cette base est C = ( ~ :) .


sances de matrices. Pour le montrer,
prenons d'abord l' exemple de la matrice
En calculant le polynôme caractéris- A . Puisque A= PD p- l, il vient
tique de f , on trouve ( 1 - x)(b - x), soit A 2 = pop- l PDP- 1 = PD 2 p- 'car
x 2 - 2x + 1, d'où l'on déduit que b est p - l P = I. En itérant, on montre que
égal à 1. Le coefficient a est non nul, sinon A 3 = PD 3 P- 1 ••• et, de façon générale,
f serait diagonalisable . En remplaçant k An= ponp- 1 pour tout entier n. Un cal-
par k / a, on obtient une matrice plus cul simple fournit :

« simple » : D = ( ~ :) , qui est également 0 2=(~ ~),03=(~ ~), ... IY'=(~ ~)·
la matrice def dans la base (i,j/2). On en déduit que
Ce résultat se traduit de manière matri-
cielle par: A= PD P- 1, où Pest la matrice
An=('1 1/ 2)(1
0 0
n)(O
1 2 -2 'p
1)
uis ueAn=(2n+I
q 2n
-2n)
1- 2n ·
de passage de la base initiale à (i,j/2),
. :p=
soit (0 1) . La matnce
. .inverse est Considérons maintenant une matrice
2 -2 A carrée complexe d ' ordre 3 et f son
0 1 endomorphisme associé dans une base
P- 1 = ( ) , ce qui permet de vérifier
2 -2 de l' espace . En utilisant la notion de
l'égalité précédente. valeur propre sur la matrice transposée,
Ce cas est général. Autrement dit, toute on montre qu ' il existe un plan Q stable
matrice carrée d ' ordre deux non diago- par f, c'est-à-dire tel quef (Q) soit inclus
nalisable, de valeur propre À. , est semblable dans Q (voir l'encadré Vecteur propre

à la matrice ( ~ ~) . Cette forme est dite


et plan stable) . Grâce à ce résultat, on passe
de la dimension 2 à la dimension 3 et
de Jordan (voir l' encadré Trigonalisa- au-delà . On considère une base (i ,j) de
tion de Jordan). Q dans laquelle la matrice def(ou plus

Hors-série n• 44. Les matrices Ta.ngent:e


SAVOIRS La trigonalisation

Trigonalisation de Jordan exemp le. La valeur propre -2 et un vec-


teur propre associé i de coordonnées
On appelle bloc de Jordan une matrice dont tous les éléments (0, 0, 1) sont en évidence. L'autre valeur
sont nuls saufla diagonale principale, sur laquelle tous les propre est double , et égale à 1. L'espace
nombres sont égaux, et la diagonale immédiatement supé- propre associé est de dimension 1, engen-
rieure, sur laquelle tous les nombres sont égaux à 1. dré par j de coordonnées (3, -6, 20).
On démontre que toute matrice complexe peut être trigo- Il suffit de compléter par un vecteur k
nalisée sous la forme d'une matrice diagonale par blocs dont quelconque (mais indépendant dei et))
les blocs sont de Jordan. En dimension 2, cela donne une pour trigonaliser la matrice donnée. On
seule forme. En dimension 3, cela en donne deux : peut cependant s'inspirer de la forme de
o\ ().. o\
l~ ~ :J l~ ~ :J. Jordan (voir l'encadré) en cherchant k
()... 1 1

(où À etµ peuvent être égaux) et tel que f(k) = k + j , ce qui revient à
2x+ y= 3
résoudre le système .
{ 4x-8y-3z =20

précisément de la restriction de f à Q) On trouve le vecteur de coordonnées


est trigonale supérieure, soit de la forme (], 1, -8) . La matrice trigonale cherchée

( ~ :) . En complétant cette base par un

vecteur k n'appartenant pas à P, on obtient


est l
(-2 0 0\
O
0
1
0
1J.
1
une base (i,j, k) dans laquelle la matrice

Camille Jordan
de f est l

O µ
Ü
E

Ü
p\
aJ . En calculant son
V
Le second cas est plus délicat.
Prenons l'exemple de la matrice
( 2 0 1\
(1838-1922)
est à l'origine des
matrices portant
polynôme caractéristique, on montre que
les éléments de la diagonale sont les
valeurs propres de A comptées avec leurs
l-1 1-IJ .
1 2 0
La seule va leur propre est

1, d 'espace propre associé de dimension


son nom ..... mais ordres de multiplicité. Toute matrice car- 1, de vecteur propre de coordonnées
pas de la méthode rée d'ordre 3 est donc trigonalisable. (1,-1,-1). En s'inspirant de la forme
de Gauss-Jordan ( 1 1 0\
qui est due Pratique en dimension trois de Jordan lo 1 J , on cherche troi s
1
à un homonyme, 0 0 1
Wilhelm Jordan. La pratique de la trigonalisation en dimen- vecteurs i,jet k tels quef(i) = i,f(j) = i + j
sion 3 est plus compl iquée qu'en dimen- etf(k) =k + j. En lisant cette liste « à l'en-
s ion 2 car plusieurs cas peuvent se vers », on obtient) et i en fonction de k:
présenter, a priori : j = (f - id)(k) et i = (f - id)()), ce qui
• La matrice A peut avoir une valeur donne i = (f- id)2(k).
propre simple et une double, mais d 'es- La conditionf(i) =i devient if- id)3(k) =O.
pace propre associé de dimension 1 ; Or, un calcul simple montre que
• La matrice A peut avoir une valeur (f- id) 3 = O. Le choix de k est donc libre
propre triple, d'espace propre associé de de cette contrainte. En prenant k de coor-
dimension 1 ou 2. données ( 1, 0 , 0) , on trouve j de coor-
Le premier cas est similaire à celui des données ( 1, - 1, 1) et i de coordonnées
matrices d'ordre 2. (2, -2, -2). La matrice donnée est donc
( 3 1 bien semblable à la matrice de Jordan
La matrice l-4 4
-1
-8
en est un ci-dessus.
H . L.

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par Bertrand Hauchecorne EN BREF

e et produit de matrices diagonalisables


La somme de deux matrices diagonales est une matrice diagonale. Il en est de même du
produit. Cependant, ces propriétés deviennent fausses pour des matrices diagonalisables,
comme le montre les exemples suivants.
1 1
Posons A=( )et B= (-l O). Le polynôme caractéristique de A est PA(X) = (X - 1)(X - 2).
0 2 0 -2

Il possède deux racines distinctes, donc A est diagonalisable; B l'est aussi puisqu'elle est dia-
gonale!
C=A+B = (~ ~) n'admet que o pour valeur propre. Si elle était diagonalisable, elle serait

semblable à la matrice nulle, ce qui est clairement faux.

Posons maintenant A=(~ ~)et B= (~ ~).Le polynôme caractéristique de A est PA=X(X-1).


Il possède deux racines distinctes donc A est diagonalisable. B l'est aussi, puisqu'elle est

diagonale! Leur produit C = (~ ~) n'est, lui, pas diagonalisable.

Le théorème spectral affirme que toute matrice réelle symétrique est diagonalisable dans
une base orthonormée. Cette propriété est spécifique au corps des réels. Sur deux
exemples, nous allons voir que ceci devient faux si le corps de base est l'ensemble des
rationnels ou des complexes.
Le polynôme caractéristique de la matrice complexe A = G~)
est (X - 1)2. L'unique

valeur propre étant 1, si A était diagonalisable, elle serait semblable à la matrice unité et
représenterait donc l'identité. Ce n'est clairement pas le cas ...
1 1
Posons enfin B= ( ) considérée comme matrice à coefficients rationnels. Son polynô-
1 -1
me caractéristique, X2 - 2, ne possède aucune racine rationnelle. En effet, .Jiest un nombre
irrationnel, et donc B ne possède aucune valeur propre rationnelle.

contre-exemple à méditer
A et B étant deux matrices carrées de même taille, les produits AB et BA ont le même poly-
nôme caractéristique. Donc ces deux matrices ont les mêmes valeurs propres. Cependant,
leurs polynômes minimaux peuvent être distincts !

Posons A=(~ ~) et B= (~ ~) . Un calcul facile montre que AB est la matrice nulle et que

BA= B. Comme B2 est aussi la matrice nulle et que B n'est pas nulle, le polynôme minimal de
AB est X alors que celui de BA est X2 • Ainsi AB est diagonalisable, tandis que BA ne l'est pas.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente


ACTIONS par Philippe Langenaken

manipuler des matrices


auec un tableur
Les tableurs peuvent traiter rapidement des calculs
matriciels. Cet article présente quelques procédures simples
qui vous éviteront bien des calculs ! Microsoft Excel ( version
2010) est utilisé ici, mais Open Office Cale, par exemple, ferait
tout aussi bien l'affaire.
n tableur est simplement un pro- taille 3 encodée dans les cellules (B 1:D3)

U gramme informatique capable


de gérer les feuilles de calculs
(c'est-à-dire des tables contenant des
(voir la figure ci-dessous). Localisons par
exemple le calcul de son détemùnant en
cellule B5 . Il suffit d' utiliser la fonction
informations que l'on peut mathémati- prédéfinie Determat. Dans 85 , écrivons
quement modéli ser à l'aide de matrices) . =DETERMAT(BI :D3). Appuyer sur
Les pères fondateurs du tableur sont les Entrée permet de voir immédiatement le
Américains Robert Frankston et Daniel résultat s'afficher.
Bricklin , dans les années 1970 (voir par
exemple les Algorithmes, page 53, Biblio- A C D E
thèque Tangente 37, 2009). On utili se 1 ( 1 0 )
2 1 4 -5 7 1
généralement un tableur pour des cal-
l 1 -3,2 6 )
culs locaux , des simulations ou des pro- 4
jections, pour des fonctionnalités absentes
des logiciels de gestion et beaucoup plus
difficilement réalisables en recourant à Le calcul d'un déterminant d ' une
de la programmation . matrice de taille 3.
Abordons )' utilisation d' un tableur par
quelques exemples simples. L'un des Pour obtenir l'i nverse de cette matrice ,
exercices les plus courants, proposés aux par exemple en (H 1:13), il suffit d'uti-
élèves du secondaire, est le calcul du li ser la fonction In versemat : sélection-
détemùnant d'une matrice carrée. Voyons nons les cellules (H 1:13), qui contien-
comment on peut y arriver rapidement en dront la matrice résultat, tapons
utilisant un tableur (une liste des princi- =INVERSEMAT(BI :D3) et validons
pales fo nctions disponibles est proposée avec les touches Ctrl-Maj-Entrée. De
en encadré). Soit une matrice carrée de fait, les formu les qui renvoient des

TC1.ngente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES
'

matrices doivent être tapées sous Pour plus de clarté, il est souve nt utile
forme matric ie lle, en validant avec de nommer les cellules et les plages.
Ctrl- Maj-Entrée. Une fo is saisie, la Le calcul matriciel ne fait pas excep-
formule matricielle apparaît égale ment tion à cette règle . Attribuons le nom A
dans la barre de formule, encadrée par à la plage (B 1:D3), en cherchant dans
des accolades. l' onglet Formules la fo nction Définir
un nom .
. ( i •. )
:i i ~·- i1
. ,vtll\l.\UT,ll

~ l. ~ .;! l-1

'
',., Nom : Al Nommer un
Zont : ,@
o--.s-----__B-.-
-.. ..,..,
L'inverse de la même matrice. ensemble de
C&!rrmentaire :
cellules.
Multiplions à présent la matrice carrée
(H l:1 3) par la matrice colonne
(M 1:M3). Le résultat sera bien entendu F• n!f6rence à : -Feull 1$8$1 :$0$3
une matrice colonne, que nous faisons ()1( 1 [ Arruer
calculer en (Q 1:Q3) . Il suffit d ' utiliser
la fonction Produitmat, en procédant
comme suit : sélectionner la plage de Si l' on nomme successivement InvA la
cellules résultats (Q 1:Q3), tape r plage (HI:J3), B la plage (Ml:M3), M
=PRODUITMAT(H 1:J3 ;M 1:M3), puis la plage (B6:C8), N la plage (G6:H8)
valider. et k la cellule A 10, les formules ci-des-
sus deviennent respecti vement

f
0
" 1 •
r;.."ll tlC'n41.M'•
C:,C:l-C:.U"C ••t,
_. 1 , c;11; -e..-
l
C
=DETERMAT(A),
c:te._
=INVERSEMAT(A),
La multiplication de la matrice par =PRODUITMAT(InvA ;B),
un vecteur. =M+N , =3*M et =k*M.
Les possibilités d 'application des
On peut évidemment additionner deux tableurs sont nombreuses ! Outre les
matrices, pour autant qu 'elles soient de calculs de déterminants ou d ' inverses
tailles identiques. Sur l'exemple c i- de matrices, on peut effectuer des
dessous, on sélectionne la plage résul- simulations ou des calculs à la chaîne .
tat (L6: M8), on saisit la formule (ic i Voici deux idées d ' applications relati-
tout simplement =B6:C8+G6: H8), puis vement simples et utilisables dans un
on valide . cadre scolaire.
La résolution d ' un système de n équa-
tions linéaires à n inconnues se résout
'.
l .
' . l [. ... l [[G ]
• •
c~



~ '
z.
• aisément, pour autant que ce dernier soit
de Cramer (c'est-à-dire que le détermi-
L'addition de deux matrices nant de la matrice des coefficients est
rectangulaires. non nul). Regardons le système
3x, - 2x2 + x 4 + l ,4x5 = 3
Il est possible de multiplier une matri-
6x, + 2x2 + 0 ,5x3 + 3x4 + 2x5 = 2
ce par une constante, ou par la valeur
Sx, + 2x3 - x4 - x5 = 1
d' une cellule, en utilisant respective-
x, + 2x2 + 6x3 + 2x4 + 3x5 = -4
ment dans la cellule résultat =3*B6:C8
ou =A 10*B6:C8. - 3x2 + l,5x3 - x 4 + l,2x5 = 5

Hors-série n" 44. Les matrices Tangente 81


1
ACTIONS Manipuler des matrices...

Ce système pe ut s'exprimer sous la les commandes prédéfinies


forme du produit matriciel sui vant :
De nombreuses fonctions matricielles
(3 -2 0 1 1,4\(x,\ ( 3\ existent dans Openüffice Cale comme
6 2 0 ,5 3 2 X2 2 dans Excel.
5 0 2 - 1 -1 1 • Le produit de deux matrices Mt
1 2 6 2 3 -4 et M2 correspond à la commande
0 -3 1,5 -1 J,2 X 5 5 Produitmat(M1;M2),
~---~--~______..
A X • L'inverse d'une matrice
ou encore AX = B . On introduit les inversible M s'obtient à l'aide de
valeurs des différents coeffic ients dans lnversemat(M),
le tableur, et on vérifie que le détermi- • L'opération de transposition de
nant de A est non nul : la matrice M s'effectue grâce à
Transpose(M).
A B c 0 G H K M N • Le calcul du déterminant de M
( ·2 0 1,4 ) ( xl 3 ) s'obtient via Determat(M).
1 2 0,5 2 1 1 x2 2 1 Les commandes en version anglo-
1 ·l ·l 1 1 x3 l 1
4 1 3 1 1 x4 -4 1 saxonne sont respectivement
5 l -3 1,5 -1 1,2 J l x5 5 J Mmult(M1;M2), Minverse(M),
7 IAI = 311,4
Transpose(M) et Mdeterm(M)
En outre, il est possible d'extraire les
Le déterminant de A vaut 311,4 ; il est non nul. colonnes ou les lignes de la matrice M,
en utilisant les fonctions Colonnes(M) et
La cellule B7 contient la form ule Lignes(M) (ou Colurnns(M) et Rows(M)
= DETERMAT(A). La matrice A est dans la version anglo-saxonne).
donc inversible, le système proposé est Enfin, il faut faire attention aux sépara-
bien de Cramer. teurs d'arguments requis par les options
SiAX=B,alorsX=A- 1 B. régionales pour votre tableur préféré (en
La solution s' obtient ai nsi : général, point-virgule en version fran-
çaise et virgule en version anglaise) !
8
9 -0,l 0,155 0,091 -0,07 0,123 3 ) l )
10 ·O, 76 0,448 -0,05 -0,12 0,396 2 1 1 1 Calculs à la chaîne... de markou
11 0,385 -0,35 0,14 0,232 -0,33 1 -2 1
1,445 -0,81 0,025 0, 372 -1,25 1 1

"-•
12 -4 -5
13 -1,19 0,883 -0,29 -0,28 1,198 5 J 5 J Les procédures de simulation utilisent
"--- =INVERSEMAT(A)

=PRODUITMAT(B9 Fl3.19 113)


J souvent des matrices stochastiques.
L'exemple suivant va permettre d ' illus-
trer une suite de compositions de trans-
formations (constituant des chaînes de
La solution apparaît : Markov conve rgentes) ainsi que la
x. =1, notion de distribution stationnaire.
Xz =1, Au pays imag inaire du Mathe ndesh , on
x3 =-2, observe des mouve ments de popula-
x 4 =-5 tion e ntre zones urbaines (U) et zones
et x 5 =S. péri urbaines (P) : tous les ans, 12% des
habitants de la ville migre nt vers la
banlie ue et 8% des banlie usards vont

82 Tcingente Hors-série n°44. Les matrices


RÉDUCTION DE MATRICES

habiter en vi lle . Cette situation peut se


décrire par la transformation linéaire Recherche de valeurs propres
suivante: L'outil Valeur cible d'Excel permet de rechercher des
U;. 1 : 0,88U; + 0,08P;
valeurs propres approchées d'une matrice. Considérons par
{ P;. 1 - 0,l 2U; + 0,92P; exemple une matrice de taille 5 entrée dans une feuille de
calcul en (C1:G5). Appelons cette matrice A.
ou, sous forme matricielle : Un vecteur propre associé à A est une matrice colonne X
non nulle telle que AX = ÀX, où À est une valeur propre de
U;.,) = (0,88 0,08) (U ;) A. Pour une telle valeur propre À, le déterminant de la
( P;., 0,12 0,92 P;
matrice A - ÀI sera nul. En (L1:P5), encodons la matrice iden-
U; et P; désignent respectivement les tité 15. En C1, réservons une place pour la valeur propre À.
population s urbaine et rurale pour l'an- Nommons cette cellule Lambda. Le but est de faire recher-
née i. Imaginons une population urbai- cher par le programme les racines À du déterminant de
ne initiale de un mill ion d' habitants, A - ÀI. Calculons ce déterminant en A10 :
avec 500 000 habitants dans les zones • I[ C OI 1~ '., Gl M
l O
On reste posi-
1 12 o,
périurbaines. Introdu isons to utes ces 0 11 1 tionné sur A10,
J 1 11
valeurs dans une feui lle de calcu l : ~ 1-,1 et on fait appel
, à l'outil Valeur
~- '-""-"-' ~~~~~~~~ ~~~~~ c1.bl e ( avec
'~"-"""
Excel2010, cliquer dans l'onglet Données, sur le bouton
Analyse scénarios, puis sélectionner Valeur cible). Dans
L'évolution de la démogra phie au la boîte de dialogue Valeur cible, on entre les données
Mathendesh. utiles (Cellule à définir : A10, Valeur à atteindre : o, Cel-
lule à modifier: Lambda; en effet, la cellule à définir, A10,
Plaçons en B5 et B6 les populations contient le calcul du déterminant de A - ÀI, la valeur à
initiales. Nous avons pris soin de nom- atteindre est zéro, et la cellule à modifier pour atteindre
mer T la matrice de transformation en cette valeur cible est Lambda). Si une solution existe, Excel
(B 1:C2). Dans la colonne C , on calcu- la trouve : • 1
L MO'\ OO\ Q
l

le les effectifs des populations après un 1 0 0 0

an sur la base des taux de transfert [ l O


l
O
O
O
l

observés. Le résultat matriciel s 'ob-


tient grâce à la formule =PRODUIT-
MAT(T;B5:B6). Il suffit alors de tirer
la poignée de recopie vers la droite
pour obtenir les populations respec- 0 ,08 /(0 ,08 + 0 ,12) = 40% et La valeur
tives dans chaque milieu pour toutes 0,12/(0,08 + 0 ,12) = 60 % des >.. = -4,42562
les années suivantes. 1 500 000 habitants initiaux , lesquels fournit le résultat
o.aa o.oa
vont progressivement se di sperser vers 5 x 10-S pour le
0,12 0.92
600 000 en ville et 900 000 en ban- déterminant de

.S U
'
!120000 &)6000 804800 763840 731071 7t14151 68
S10000 644000 595200 736160 761921 79'14:Z Il

Évolution des bassins de population au


lieue. Cette répartition constitue alors
une distribution stationnaire. Certes ,
ces calculs success ifs ne constituent en
A-Â.I.

cours des années à venir. rien des démonstration s des propriétés


sous-jacentes. Mais e lles permettent
On observe la convergence de ces d ' illustrer efficacement plusieurs pro-
popu lations vers des valeurs corres- priétés . Bons calculs à tous !
pondant aux taux (théor iques) de P. L.

Hors-série n° 44. Les matrices TC1.n9ent:e 83


EN BREF par Bertrand Hauchecorne

l'exponenti lie d'une matrice


La fonction exponentielle est la réciproque du logarithme népérien. Par ailleurs, exp(x) est
aussi la limite, quand l'entier n tend vers l'infini, defn(x) = 1 + x + x:2/2! + ... + x'/n!. En utili-
sant cette formule, on peut définir l'exponentielle d'un nombre complexe quelconque.
Pourquoi ne pas aller plus loin ? La somme et le produit de matrices existent, peut-on donner
un sens à l'exponentielle d'une matrice? Soit A une matrice carrée d'ordre p ; notons IP la
matrice unité et Sn la matrice IP +A+ A2 /2! + ... + An/n!. Le problème est de donner un sens
à la limite de la suite (Sn\· Pour le faire, il faut définir une norme sur l'ensemble des matrices
carrées. On dit alors que la suite (Sn\ tend vers la matrice B si la norme de Sil - B tend vers
o. En l'occurrence, on montre que (Sil\ converge, quelle que soit la matrice A choisie. Sa limi-
te s'appelle l'exponentielle de A et se note exp(A). Mais comment la calculer? C'est là que l'on
voit l'intérêt de la diagonalisation ou de la trigonalisation !

Prenons une matrice diagonale D, avec A.1' A. 2 ... ÀP sur la diagonale. Notons
Qn = In + D + D2 /2! + ... + on/n!. Un calcul facile montre que le produit de deux matrices
diagonales l'est aussi, et qu'on l'obtient en multipliant les termes correspondants. On en
déduit que les termes diagonaux de Qn sont 1 + Ài + A.N2! + ... + A.tfn!, suite qui conver-
ge vers exp(A.J La matrice exp(D) est donc la matrice diagonale ayant, sur sa diagonale,
l'exponentielle des termes correspondants de D.
Si A est diagonalisable, il existe une matrice diagonale D et une matrice inversible P
telles que A= PD p- 1• Par distributivité du produit, on a encore Sn= P Qn p- 1 • Il est ten-
tant d'affirmer qu'à la limite on a encore exp(A) = P exp(D) p- 1 • Encore faut-il le justi-
fier. On utilise alors la notion de continuité, la norme jouant le rôle de la valeur absolue
dans la définition. On montre alors que la fonction tf, qui, à la matrice M, associe la
matrice PM p- 1, est continue (attention, la variable est une matrice, de même que son
image). On utilise une propriété classique des fonctions continues Oa limite de l'image
est l'image de la limite). Comme exp(D) est la limite de la suite (Qn)n, on en déduit que
tf,(Qn) = Sn tend vers tf,(exp(D)) = P exp(D) p- 1 •
Dans le cas où A est seulement trigonalisable, on opère de même. Le seul inconvénient pro-
vient de la difficulté de calculer la puissance d'une matrice triangulaire.
Les exponentielles de matrices sont d'une grande utilité. Considérons par exemple le systè-
me différentiel x = 2X + y, y' = x + 2y. Les solutions sont les fonctions de IR dans IR 2 de la

forme t H exp( tM) U où M= G~) désigne la matrice du système et U est un vecteur

de 1R2 • Ceci se généralise à tout système différentiel linéaire à coefficients constants en


dimension p.

Tangente Hors-série n °44. Les matrices


Hors-série n° 44. Les matrices Tcingente 85
ACTIONS par Élisabeth Busser

Hgrandir les images


sans perdre en qualité
Matrices et vecteurs sont certes avant tout les éléments d 'une
théorie algébrique. Mais ils sont devenus aujourd'hui des
outils mathématiques et informatiques incontournables pour
tout ce qui concerne le traitement numérique des images,
qu'elles soient matricielles ou vectorielles.

i la base de la représentation des

S images numé riques est la géo-


métrie ana lytique, celle où les
points aussi bien que les courbes sont
représentés par des données ou des for-
mules algébriques, il ex iste néanmoins
plusieurs formats pour les images que
nous voyons sur nos écrans. Sous cha-
c un d e ces formats se cac he nt des
concepts de calcul matric ie l : matrices
de grandes dimensions, opérations algé-
briques sur les matrices, transforma-
tions géométriques, expression matricielle
d ' une forme algébrique ... En ce qui
concerne la représentation des données
informatiques, là aussi, nombreux sont
les emprunts au vocabulaire des matrices
et des vecteurs : vecteur-ligne ou vec-
Georges Seurat teur-colonne pour représenter une suite
(1859-1891), La Seine à Courbevoie. de données, matrice pour représenter
les pixels de l'écran, matrices encore pour
représenter un volum e . L' un des
L'imagerie matricielle peut être traitée logiciels les plus connus de calcul scien-
par un calcul algébrique simple, tifique ne s'appe lle-t-il pas« Matlab »,
mais elle résiste mal au grossissement. comme « Matrix Laboratory » ?

86 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

Ev idemment , il ne fa it appe l qu 'à des Un exemple de nuancier RVB, ici, les composantes
matrices ! C'est cette om niprése nce de sont exprimées en pourcentage.
ces noti o ns algé bri q ues importa ntes Non,.

do nt no us do nn ero ns ic i qu e lqu es
exemples. Modèle . ~-~---==m
-~·
Images matricielles

À l' instar de certains procédés de bro- V• .,.,.---- ~

derie (co mme le point de cro ix), des • n.;;.-- ~

tec hniques de la mosaïque (q ui fo nt


d' une image une j uxtaposition de« tes-
selles ») ou du pointilli sme (tel celui de
la peinture de Seurat), l' image numé-
riq ue dite « bitm ap » est, comme son
Les formats d'image matricielle
nom l' indique, une « carte de points » . Les form ats d'images matricielles les plus répandus ont
Une tell e image n'est donc rien d'autre pour nom JPEG (Joint Photographie Exp erts Group),
qu' un ta bleau de va leurs dont les cases qui est le format de photo
son t les pixe ls (picture elements, ou « classique », GIF (Graphical Interchange) et son rem-
élément d ' image). De là à re présenter plaçant PNG (Portable Network Graphie).
cette im age so us fo rme d ' un tabl eau Les formats TIFF (Tagged Image File) ou PSD
den li gnes et p co lonnes, c'est-à-dire (Photoshop Document), pour la retouche d 'image, sont
une matrice n x p, il n'y a qu ' un pas, également très répandus.
que les in fo rm ati c ie ns ont très v ite
fra nchi . Il s ont ain si défi ni les images
matricielles. Chaque é lé me nt de cette à 256 intensités de rouge, autant de vert
matr ice, à savo ir c haque pi xe l déj à et autant de bleu. Ainsi, un pi xel de bleu
repé ré par ses coo rd onn ées géomé- pur sera codé (R, V, B) =(0, 0 , 255). Dans
triques, va e n plu s être caracté ri sé par la pratique, on utili se dans la matrice
une pondération représentant son inten- tro is octets (un par composante) pour
sité ou sa coule ur. code r la couleur de chaque pi xel.
La notation matri cie ll e joue donc un
Po ur une im age e n noir et bl anc, cette grand rôle dans le stockage des images
pondération va de O à 255, la valeur O numériques ; e lle va éga le ment jouer
étant pour le no ir, la va le ur 255 cor- un rô le primordi al dans la modifi ca-
res pondant au bl anc, les vale urs inter- ti on de ces im ages, autre me nt dit le
médi a ires éta nt attribu ées a ux 256 traitement d'images. Comme on peut
d iffére nts ni veaux de gri s, all ant du modi fie r les images coule ur e n appli-
plus sombre (noir) au plus clair (blanc). qu ant à chaque coul e ur (R , V, B) la
Les entiers étant stockés dans l'ordi - même méthode qu 'aux ni veaux de gri s,
nate ur en écritu re binaire, tout nombre il nous suffi ra de traiter les modifi ca-
entre O et 255 ne nécess itera pas plu s ti ons d ' im ages en ni veaux de gri s. Et
de huit caractères O ou 1, c'est-à-dire là encore, les opérations sur les matrices
huit bits, fo rm ant un octet. vont jouer un rô le important.
Pour une image e n coul eurs, selon le L' une des modifications les plus cou-
code RVB (rouge, vert, bleu), on réserve rantes pour améliorer la qualité d ' une
un octet par coule ur, ce qui correspond image est la création de filtres de trai-

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 87


ACTIONS Agrandir les images ...

tement. Les opérations sur les matrices raîtra avec un contraste accentué. Le
vont prendre place lors de l'opération calcul matriciel aura , là encore, prouvé
« convolution ». L'opération consiste à sa capacité d'économie opératoire lors
transformer les éléments de la matrice du traitement d' image.
d ' image A , généralement de très grand
format , par une matrice F dite de convo- Images uectorielles
lution, plus petite, appelée encore noyau.
On modifiera par exemple chaque pixel Image Image
de A grâce à ses huit voisins , par l' in- bitmap vectoriel le
termédiaire de la matrice F, qui sera
donc une matrice 3 x 3. Si vous voulez
par exemple renforcer la brillance d ' un
point sur un fond uniforme, comme celui
que décrit la matrice A, vous utiliserez
le noyau F ci-dessous :
(. .. ...\
rt Jt
Différence entre une image bitmap
50 50 50 50 50 et une image vectorielle.
50 50 50 50 50
L' imagerie matric ielle a certes l'avan-
A= 50 50 100 50 50
tage de pouvoir être traitée par un cal-
50 50 50 50 50
cul algébrique simple, mais e lle résiste
50 50 50 50 50
mal au grossissement , donnant très vite
un effet d 'escalier.
li ex iste une autre catégorie d ' images
numériques, plus « résistantes» au gros-
sissement, moins lourdes en taille, mais
pour la quelle le vocabulaire de
On calcule alors la valeur de chaque l'algèbre linéaire intervient encore: le
pixel de la matrice transformée A' en images vectorielles. Ce sont des repré-
multipliant sa valeur par celle du pixel sentations d'objets géométriques simples,
central du noyau et en additionnant la lignes, points , polygones , courbes défi-
valeur des produits des pixels environ- nis, selon des tableaux d' octets appelés
nants point par point. Le coefficient vecteurs, par leur forme, leur position , leur
« 1OO » central devient ainsi couleur. Un cercle sera par exemple défini
5 x IOO - 1 x 50 - 1 x 50 - 1 x 50 par son centre et son rayon, un carré par
- 1 x 50 =300, et la matrice image sera: deux sommets opposés, une courbe par
(.. . . . ·\ plusieurs points et son équation.
50 50 50 50 50 Décrites avec peu d'informations , les
50 50 0 50 50 do nnées, représentées par des entités
A' = 50 0 300 0 50 mathématiques, seront aussi moins sen-
50 50 0 50 50 sibles aux transformation , et le images
resteront nettes après grossissement.
50 50 50 50 50
Le mot « vecteur» intervient à double
titre dans ces images : dans la qualifi-
Il restera à multiplier tous les é léme nts cation « vectorielle », mais en plus dans
par un facteur convenable pour reste r le rôle important des tangentes aux points
entre Oet 255 , et le pixel central appa- d 'ancrage des courbes, autre ment dit

88 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

des vecteurs ta ngents , comme les uti -


li se l'outil « plume » du logic ie l de créa-
tion graphique Ulustrator (Adobe Systems). Pierre Bézier (1910-1999).
On veut par exemple, étant donnés quatre
po in ts A , B, C, D , trace r une co urbe
allant de A à D , la plus « li sse » pos-
sible, tout en restant contenue dans le plus
grand ensemble convexe contenant ces
q uatre po ints , que l'o n appe ll e en ve-
les formats d'image vectorielle
loppe convexe de ces po ints , et dont les Les formats d'image vectorielle les plus populaires se
vecteurs tangents en A et D sont AB et nomment PICT (Apple Picture), qui est un peu ancien,
CD. S i on part de A à l' instant 1 = 0 PDF (Portable Document Format), pour un affichage
pour arri ver en D à l' instant 1, comment efficace des documents, Postscript, intéressant pour
décrire l'end ro it où se tro uve, à chaque l'impression, SWF (Flash), pour des animations sur le
in stant I compri s entre O et 1, la po inte Web, SVG (Scalable Vector Graphie), permettant ani-
de la plume? mations et transparence.
C'es t Pi e rre Béz ie r, in gé ni e ur c hez
B C
Renaul t, qui , en 1962, a parfa ite ment ... D-···--·------···q....
transcrit la situation dans l' idée de conce-
voir des pièces auto mobiles sur ordina-
te ur. Po ur décrire un seg me nt [AB ],
.. ·········· .... _____ Courbe de Bézier
de A à D, avec B et C
comme points de contrôle .

pensa-t-il , on fa it occuper à la plume à
l' in stant Ile baryce ntre de A et B , avec
A D
pour coefficients I et 1 - 1, dont la somme
O P(t ) = ( 1 - t 3 )0 A + 31(1 - 1)2 08 + 312 ( 1 - t )OC + t 30 D,
est égale à 1. Pour tracer entre A et B une
co urbe li sse resta nt à l' intérie ur d ' un que l'on écrit pour simplifier:
certain tri angle ABC, on fa it de mê me:
P(t ) = (1- t 3 )A + 31( 1 - 1)2 8 + 312( 1 - t )C + t 3 D.
c'est ici le barycentre de tro is po ints qui
intervient. De même aussi avec les quatre Ici , en plu s des vecteurs, les matrices
points A, B , C, O. li s' ag it alors de déter- seront encore une fo is mises à contri-
miner les coeffic ients de somme 1, dont bution puisque l'écriture matric ielle ser-
ces quatre po ints seront affectés. L'as- vira à mettre cette équ ation sou s une
tuce est d'élever au cube 1 = 1 + ( 1 - 1) fo rme plu s condensée : ( 1 0 0
po ur tro uve r ces qu atre no mbres de
somme 1 : ( , , ,
P(I)= ( l-1 ), 31( 1- rf, 31 · (1-1) , 1 ')l-3 3
3
_
6
0
3
1 = t3 + 31( 1 - 1)2 + 312( 1 - 1) + ( 1 - 1) 3 . -1 3 -3
Vo il à quatre rée ls, t3, 31( 1 - 12 ),
312( 1 - 1) et ( 1 - 1) 3 , de somme 1, qui Les vecteurs et le calcul matric ie l sont
permettront de sui vre le chemin de l' ou- donc encore présents dans les fa meuses
til « plume » dans son tracé de courbe. cou rbes de Bézier , outil de base des
C'est une courbe de Bézier cubique qu ' il images vectori e lles, qui permettent de
parcou1Ta, allant A à D, avec B et C pour dess iner des courbes li sses et suppo r-
« po ints de contrô le » et surto ut AB tant le gross issement sans dégradatio n
co mm e vecte ur ta nge nt e n A et CD pui sque défini es exclusivement à l'aide
comme vecteur tangent en D. L'équation d 'é lé me nts mathé matiqu es indé pe n-
d' une telle courbe prend ra alors la fo rme dants des pi xe ls.
sui va nte : E.B.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 89


SAVOIRS par François Lavallou

Partout en physique,
des matrices
L'étude dynamique d 'un système physique consiste à
transcrire des relations entre forces en un système
d'équations. La résolution numérique amène à réécrire les
équations sous forme matricielle. De fait, plus de la moitié du
temps de calcul de tous les ordinateurs se passe à manipuler
des matrices !

es matrices sont partout ! Pe u tiques », do nt... les matrices. Ces

L de calcul s, di scréti sés pour être


traités par la pui ssance informa-
tique, le urs échappent. E lles pe uvent
tablea ux de no mbres re présenta ie nt
initi a le me nt des applicatio ns linéaires .
On les uti lise do nc nature lle ment pour
intervenir dans la formul atio n mê me to ut systè me phys ique décrit par des
du problè me, si celui -ci pe ut être vec- équatio ns linéaires. C'est a insi le cas
tori sé, ou dans la représentation d 'opé- e n é lectric ité o ù un coura nt é lectrique i
rate urs. Nous allons illu stre r que lques c rée aux bo rnes d ' un c irc uit passif de
cas classiques d ' utili satio n des résistance r une tension propo rtio nne l-
matrices, sans vo ulo ir pré tendre à l'ex- le u =ri (lo i d ' Ohm). Po ur un réseau
hausti vité pui sque la mise e n fo rme é lectrique constitué de n mailles , on
ma tric ie ll e est fréque nte da ns to ut attribue à c haque ma ille un courant de
do maine mathé matisé . maille (Ik)k = 1. .. 11 et une fo rce é lectro-
mo trice (FEM ) (Ek\= 1. .. n· Les re la-
matrices en physique tio ns e ntre les FEM et les courants de
ma illes sont sy nthéti sées par la lo i
Un calcu l n 'est qu ' une manipulatio n d ' Ohm matric ie lle E = R 1 (voi r e n
de règles préétablies . Et qu ' importe le e ncadré) . La matrice R , de dime nsio n
sens réel des mé thodes mi ses en jeu. n, est symétr ique. L'élé me nt R;, ; de la
C' est a in s i que l' on a inve nté les di ago na le princ ipa le est égal à la
nombres négatifs, les nombres com- somme des résistances de la maille i,
plexes et bie n d 'autres outils « pra- a lors que la quantité - R i.j correspond

90 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

à la somme des résistances communes


aux mailles i et j. Connaissant les Des mailles aux maths
fo rces électromotrices d ' un tel réseau , Si toutes les résistances sont identiques dans le schéma
nous obtenons les intensités de chaque
maille en inversant la matrice R : en
effet, I = R- 1 E. Dans le cas d ' un qua-
dripôle, la linéarité du réseau permet
d 'établir une relation matric ielle entre
courant et tension d 'entrée et de sortie:
[
E
0
0
l[
=r 2 -1
-1 -1 ][ 11,
3 -1
-1 -1 3 13
2
l
ci-dessous, le système à résoudre s'écrit matriciellement

( ~: )=(Q,)x( ~. l
Une mi se en série de n quadripô les de
Dans la « matrice résistance » , les éléments diagonaux
correspondent à la somme des résistances des mailles et
les autres éléments à l'opposé des résistances com-
munes à deux mailles. L'inversion de l'équation
matrice (Q); = 1.. . 11 est alors équi valen- (E) = (R) (1) nous donne :
te à un seul quad ripôle de matrice
(Q) = (Q 11 ) X (Q 11 _ 1) X ... X (Q 1), et
nous avons toujours :

( ~: )=(Q{ ~· l
Une méthode similaire est utili sée pour
On constate en particulier que 12 = 13 , et donc que
i = 13 - 12 = O. Ce résultat pouvait être établi par des
une success ion de systèmes optiques arguments de symétrie, en remarquant par exemple que
centrés. Dans le cas de fa ibles ang les le schéma proposé est topologiquement équivalent à un
avec l'axe optique, l' approx imation de tétraèdre.
Gauss linéari se la lo i de Descartes
n 1 sin (a 1) = n2 sin (a 2) , qu i re lie la
variation de direction d ' un rayon à la
variation de l' ind ice, pour la transfor- E

mer en une lo i de conservation de


l' angle optique na: n 1a 1 = n2a 2 . Au
passage d ' un pl an perpendicul aire à
l' axe optique, un rayo n est donc entiè- Problèmes équivalents.
rement caractéri sé par sa di stance à
l'axer et son angle optique , donc par le
Équations différentielles
vecteur
( nra J· C haque mili e u
En dynamique classique, le mouve-
homogène ou dioptre est représenté par ment d ' un po int matérie l est caractéri-
une matrice, et le calcul de la propaga- sé par une relation entre sa pos ition
tion, entièrement algébri sé, se ra mène x(t), sa vitesse (ou déri vée temporelle)
à un produit de matrices. i 1\t) = dx(t) / dt, et son accélération
Mais si les matrices sont incontour- x<2\t) = dx<1>(t) /dt= d 2x(t) / dt2, que
nab les en phys ique, c ' est que tout pro- l'on sait proportionnelle à la somme
blème se tradui t en équations diffé ren- des fo rces depuis Newton. La trajectoi-
tielles, qui nécess itent ! ' utilisation des re de ce po int , la courbe (t, x(t)), s'ob-
matrices pour leur résoluti on . tient en intégrant une équ ation diffé-
re ntie lle linéa ire à coeffi c ie nts

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 91


SAVOIRS Partout en physique

,i - 1
con stants d ' ordre 2 de la form e
m x< 2l(t) + f x(l >(t) + k x(t) = O. Pui sque
)"l + I, ak)kl
k=O
l'exponentielle est invariante par déri - = y(") + a11- I y(,,- 1) + • • • + a y (i) + a0 y= 0 '
vation, nous avons (eA1)<11> = A"eA 1• La 1

fonction x(t) = x(O)eAr est alors solution le po lynôme à résoudre est de degré n.
de cette équation , à la condition que A Ma is nous pouvons réduire l' ordre de
soit solution du pol ynô me du second cette équation au pri x d ' une augmenta-
degré mA 2 + JA + k = O. tion de dimension, en passa nt d' une
Dans le cas généra l d ' une équation di f- équati on différentie lle d ' ordre 11 sur un
férentie lle linéaire d ' ordre n, espace de dimension 1 (les réels) à une
équation di ffé rentielle d'ord re I sur un

Cette écriture facilite le calcul algébrique avec


Puissances des matrices les matrices. Puisque p- 1 A P = D , nous avons
A= PD P- 1, et donc :
Les vecteurs propres d'une application linéaire A 2 =(PD P- 1) (PD P- 1) = P 0 2 P- 1• Par récur-
a sont proportionnels à leur image: a( x ) = ,li , rence, nous obtenons A"= PD" p- 1 avec
avec X. pour valeur propre.
Pour l'application a de ~ 2 dans ~ 2 représentée

par la matrice A = ( : ~ ) , cette relation devient

l
En notant Ll 11 = </>" - ( - cp- 1)" , cette expression
(A - AI)X = O. La condition nécessaire pour
qu'il existe d'autres solutions que le vecteur nul .
devient A ,' = - J [ Ll,,+1 il,, et est encore
est det(A - AI)= O. Les solutions de cette équa- Lli li,, ll,,_1
tion polynomiale caractéristique sont les valeurs valable pour des valeurs négatives de l'expo-
propres. Pour norre exemple : sant.
det ( A - ÀI) = I - À I = À2 - À- 1 = 0. En appliquant l'écriture A"= P 0 11 P- 1 dans
1 -À 1
- 1
Ses solutions sont A1 = <1> et A2 = -1 / <J>, où l'expression exp(A)= I,-A" , nous pouvons
k=O n!

</) = Js + 1 est le nombre d'or. On en déduit les


2
vecteurs propres X 1 = (<j>,I) et X 2 = ( - 1,<j> ), et

la matrice de passage P = r </) ~I l·On véri- avec exp(D)=[ e q,


O
0
e - q,
_, l·
fie que , dans la base de vecteurs propres , la On vérifie au passage que les coefficients du
matrice de l' application a est diagonale: polynôme caractéristique d'une matrice sont

P'AP= dei(e)[ ~! ~ ]( : ~ l[ ~ ~! l indépendants de la base. En particulier,


det(D) = - 1 = det(A) et tr(D) = <p - 1 / <p
= 1 = tr(A). On en déduit la très belle relation
det(exp(A)) = ir(A), valable pour toute matrice
=(: _;, )=D carrée.

92 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

espace de dimension n. Le vecteur l'équation matricielle admet pour solu-


y (" - 1) tion Y(t) = exp(At).Y(O) avec :

t"
Y= de dimension n admet exp(At)=I,A"- (voirenencadré)
n~O n!
et Y(O) le vecteur des conditions ini-
tiales déterminé par n données.
pour dérivée y (i) = , et est
Prenons le cas de l'équation
y< 2l = y< 1l + y ,avec y(O) = 0 et
y<' l(O) = 1. Elle s'écrit y ( I ) = AY, en
donc solution de l'équation du premier
ordre y ( I l = AY, où la matrice A est la posaet Y=[ y:I } Y(O)=( ~) et
matrice compagnon de l'équation ini-
tiale:

A= [ T O -a, -f J
A=( : ~}

Sa résolution nécessite le calcul de


l'exponentiel le de A. Considérons
Par analogie avec l'équation scalaire maintenant la célèbre suite de
/'l = ay, de so lution y (t) = y(O) e'", Fibonacci , définie par la relation de

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 93


SAVOIRS Partout en physique

Ces exemples illustrent le fait que les


Maths·Tavlor is maths-riches suites récurrentes linéaires sont struc-
Toute fonction « bien gentille » (sans irrégularités, turellement liées aux équations diffé-
comme on en rencontre souvent en physique) admet un rentielles linéaires , et peuvent donc
développement de Taylor. Ce développement en un point être résolues avec les mêmes outils.
x est une série contenant les dérivées en x de tous les Ainsi, la recherche d'une solution
ordres de la fonction, à savoir : exponentielle eAr de l'équation diffé-
f (x + h) = f (x) + h/ 1l(x) + h2 / 2l(x) / 2 + . . . En notant rentielle ou d'une solution de la forme
!; = f (x;) , nous avons h+i = !; + hJ;(l ) + h2 J;<2l / 2 + .. . A" de la suite récurrente nous conduit à
Ces expressions peuvent nous fournir, par différentes résoudre la même équation
combinaisons linéaires, une estimation de n'importe X. 2 - X. - 1 = O, dont les solutions sont
quelle dérivée. Ainsi, de la partie paire de ce développe- les valeurs propres de la matrice A
ment, soit: commune aux deux problèmes. Si vous
if;+ 1 + J;_1) I 2=!;+h2 1;<2l / 2! + h4 1;<4l I 4! + ... , nous savez résoudre une équation différen-
pouvons obtenir une estimation d'ordre 2 de la dérivée tielle linéaire , vous savez résoudre la
seconde , avec l'expression : suite récurrente associée , et récipro-
quement!

Discrète dériue
La généralisation à deux dimensions est le laplacien
Tous les opérateurs intégro-différen-
N(x,y)= [ -il2 +a-2 ] J(x,y). En notantJ;J=f(x;,Y),
2
tiels linéaires sont représentés , après
âx ây discrétisation, par une matrice.
Prenons l' exemple de la dérivée .
nous avons '-'A..f.. -__
I .J h4[
2
J+:i.J-
. 1++: . 1++:1
Ji .J+
4
Ji -.). ++:1
J ;+ ,}.
t].l ,J
Comment exprimer la dérivée d ' une
fonction f dont on connaît les valeurs
Le laplacien mesure donc l'écart de la valeur en un point if;); =, ...11 en n points, régulièrement
à la moyenne des points environnants , ce qui justifie espacés, d' abscisses X;= h X i , pour i
qu'il soit l' opérateur fondamental des processus de dif- variant de l à n ? Nous noterons [!] le
fusion , qui tendent à uniformiser les densités des corps vecteur colonne constitué des valeurs
en présence ... if;);= 1. .. 11 • En prenant le cas particulier
d' une fonction nulle à l' origine , une
approximation de la dérivée est donnée
récurrence u,, = u,,_1 + u11 _ 2 avec u0 = 0 par df; = if; - J;_1) / h pour i > 1 et
df1 = f, / h. L'écriture matricielle de ce
et u 1 = 1. En posant U,, =( u,, ],
u,,_1 système est ( df) = D 1[!] = _!_ D[f]
avec u1 =( ~ } cette équation
0 0
h

0 0
s'écrit U ' 1 = AU IJ- 1 = A"- 1 U 1 • En utili- -1 0 0 0
sant la formulation de A" calculée en avec D = 0 -1
encadré, nous déduisons l'expression 0
du terme général de la suite de 0 0 -1
Fibonacci : u,, = 6.,, / 6. 1 avec :
matrice de dimension n . Remarquons
6.,, = <!>" - ( - <f,- 1t et </> = .Js + l . que nou s pouvon s écrire D = I - N, où
2

94 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

(1 - N)(I + N + ... + N"- 1) =1 - N" = 1.


Nous venons d'établir, sans trop de cal-
culs, que S = 1 + N + N2 + N3 , soit
0 0
0
S=
est une matrice nilpotente, que nous
0
avons prise d'ordre 4 pour l'exemple .
Dire que la matrice N est nilpotente
d'ordre 4 signifie simplement, par défi- L'équation différentielle F'(x) = f(x),
nition, que la matrice N4 est la matrice avec la condition initiale F(O) = 0 ,
nulle. La dérivée seconde étant la déri-
vée de la dérivée, la matrice associée à s'écrit matriciellement [!] = .!. D [F] .
cet opérateur doit h
etre D2 = 0 2
A .

1 = 2
1 0 2, avec Son inversion [F] = hD- [!] = hS[f] 1
h donne, en utilisant l'expression de la
0 2 = l-2N+N 2 ;

matrice S , F; = h Lfk, pour toute


1 0 0 0 0 k= I
-2 1 0 0 0
valeur i variant de I à n. Nous récupé-
1 -2
rons bien l'estimation des intégrales
0 0
-2
0 0 F (X;) = J:' f (t ')dt par les sommes de

En notant (d,j) = 0 2[!] , nous avons Riemann aux points (xk)k = 1. . .11 , espacés
2 d ' un pas constant h.
J/
(d2f ); = ~2(J;- 2.f -i + k 2) = ) -h.{;(J)
On retrouve abondamment la représen-
pour i > 1 (des développements sont tation matricielle de toutes sortes
proposés en encadré). Pour h suffisam- d ' opérateurs intégro-différentiels en
ment petit, nous obtenons bien une traitement d ' images ou de photos et
approx imation de la dérivée seconde . dans vos jeux vidéo. Alors , cher lec-
Bien sûr, les schémas numériques utili- teur, apprécie les matrices que les
sés dans les codes sont plus raffinés maths risquent et sache que celui qui
que ces exemples é lémenta ires ! dit faire des maths tristement avec les
D' une façon générale, en notant F et G matrices te ment !
les matrices associées respectivement
aux opérateurs f et g, la matrice F X G F.L.
correspond à la composition f O g.
Ainsi , si f et g sont des opérateurs
inver es l'un de l'autre, nous avons
f a g = id et les matrices associées sont
inverses l' une de l' autre : F=G- 1•
Vérifions que la matrice
S = 0 - 1 = (l - N) _ , correspond à
! ' opérateur d ' intégratio n. Pour une
matrice N nilpotente d'ordre n (c'est-à-
dire telle que N" = 0) , nous avons

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 95


ACTIONS par François Lavallou

La trilatération
La trilatération, technique courante pour les systèmes GPS,
en cinématique, cristallographie et robotique, donne la
localisation d'un point de l'espace en fonction de ses distances
à trois points fixes. Elle permet de s'affranchir de l'arbitraire
d'un repère.
de la tril atérati on p 2 ,p 3 et de rayons Xi, x 2 ,x 3 . La fig ure ci-
con s iste à locali ser un po int q après présente une construction géomé-
dans l'espace en fo nction de ses trique de la projection p du point q cherché
di stancesx 1,x2 et x 3 à troi s points fi xes dans le pl an du tri angle tlp 1piP 3 •
p 1, p 2 et p 3 . Les pre mi ers traiteme nts,
dans les années 1980 , simplifi aie nt les
calcul s e n utili sant des repères pri vi-
lég iés, ce qui rompait la sy métrie natu-
re lle du problè me. On développa alors,
à partir de techniques d'algèbre linéaire,
des fo rmul ations « sans coordonnées »
de ces systèmes vers la fin du siècle der-
ni er. Une technique récente utili se des
, ,,
coordonnées barycentriques e t fo urnit
, ,,
une fo rmule composée de déterminants ,,
de Cay ley-Me nger, qui o nt tou s une ,,
in te rprétati o n géo mé trique, e n terme
de lo ng ue urs, surfaces o u vo lum es .
Cette fo rmul ati o n a de plu s le mérite Trace de l' axe radical
de permettre, pour ce pro blè me d ' ori - de trois sphères.
gine phys ique, une plus simple ex pres-
sio n de l'erreur. Analytiqueme nt , le pro blème consiste
à résoudre un système de trois équa-
Les déterminants de Cayleq-menger ti ons quadratiques. Par si mples com-
binaisons de ces équations, on se
Le problè me peut être présenté comme ra mè ne à l'étude de l'i ntersecti on
la détermination de l' intersection de trois d' une sphè re et d ' une d ro ite, qui n' est
sphères, respecti vement de centres p 1 , autre que l' axe rad ica l des trois

96 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

sphères, perpendiculaire au point p au


plan de référence . Il exi ste alors de ux
le déterminant de cavlev-Menger
solutions, sy métriques par rapport à Considérons deux groupes de n points, les n-uplets
ce pl an. Néanmoins des singularités (p) = (p 1 •• •pn) et (q) = (q 1 ••• qn), de l'espace euclidien !Rm, et
appara issent quand le point à locali ser notons d; ,J la distance entre le point P; et le point qi"
est « proche » du pl an de référe nce . On définit le déterminant de Cayley-Menger de la façon
Nous allons donc utili ser les détermi- suivante : 0 1 1 1
nants de Cayley-Menger, qui présen- 1 d~, d~., d~.
tent l' intérêt de ne pas rompre la D ( ) - (-!)" 1 d;_ , dJ.2 dJ.• .
n p ,Q - 2•-I
symétrie du probl ème (voir des préc i-
sions en encadré). d;., d;_, d;_.
Pour deux groupes de points identiques, notons D"(p) le
Une application directe du détermi- nombre D)p , p). Ce déterminant d'une matrice symé-
nant de Cay ley-Menger concerne les trique et de trace nulle est très largement utilisé dans les
polytopes . Un polytope est la générali- problèmes géométriques traitant de distances dans les
sation à toutes dimensions de la notion espaces euclidiens. Ils possèdent, pour les ordres les plus
de polygone (2 0 ) et de polyèdre (30 ). usuels, les interprétations vectorielles suivantes :
Le « plus simple » polytope convexe
est nommé simplexe, terme in venté D, (p ,q ) = P,P2 ·q,q,,
par Pieter Schoute en 1902. li est r r
D3(p ,q ) = P,P, /\ P1P31 · q,q, /\ q,q3 l,
constitué de n sommets (p) = (p 1• • ·Pn) D.(p,q) = det(P,Pi ,P,P3, p 1p 4)ctet( q,q2,q,q3,q,q4).
dans un espace de dimension n - 1, et où ü · ii et ü A ii représentent respectivement le produit
~ D,. (p ) scalaire et le produit vectoriel des vecteurs ü et ii. Le vec-
son volume Y,. (p ) = - - - teur ü A ii a pour norme la surface du parallélogramme
(n - I)!
établi sur les vecteurs ü et ii, et la valeur absolue du déter-
s'ex prime en fon ction d ' un détermi- minant det{ ü,ii,w ) correspond au volume du parallélépi-
nant de Cay ley- Menger ! Le simplexe pède construit à partir des vecteurs ü, ii et w (comme le
est donc la générali sation du tri angle précise l'article le Sens du déterminant).
(2 0 ) et du tétraèdre (3 0 ) . Cette géné-
rali sati on s'étend à la notion de tri an- En notant SP (respectivement St) la surface et iip (respecti-
gul ati on. Tout pol ytope con vexe dans vement n.) une normale du triangle généré par les points
un espace de dimension n pe ut être (p) (respectivement (q)), nous avons en particulier
décomposé en somme de n-s impl exes D3 (p ,q) =4Sps. (n. ii.). Nous pouvons aussi écrire
dont les inte rsections de ux à deux D 3 (p,q) = 4S_a. , où a . = s.(n. ·n.) est la projection de la
sont l'e nsemble vide ou un s-s implexe surface Sq sur la surface SP.

-
(avec s < n). Le vo lume de tout poly-
tope convexe peut donc s'exprimer en
fo nction de la longueur de ses arêtes
et de ses di agonales !

Héron et tridngle
U ÂV
-
W
-- ,, ,
---- I

~:----.,!.-------------.,---
,
, ,,
--
,
__ .,,,.-;

,,,
'
,
,, ,,'
-+- ,' ,'
V, ,'
Voyons ce que donnent les fo rmules
vectorielles et matricielles données en
..;;;.________________
-'!'"~--,' ----
-------------;'----::~'
encadré pour les dimensions « cou-
ra ntes » . En dimension un , le simplexe
u
est un segment.

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 97


ACTIONS La trilatération

Nous avons D2 (p) = IIP,P,112 = d~2 , et par


suite V2 (p) = ~D 2 (p) = d1.2 , ce qui corres-
pond bien à la distance entre les points
P1 et P2·

Pour un triangle, n = 3
et D3(p) = IIP,P 2 "p,p31!2. La surface du
triangle S a donc pour expression
S = V3(p) = ~IIP,P2 "P,P311, qui est bien la

moitié de la surface du parallélogram-


me généré par les vecteurs P,Pi et p,p 3 •
Pour un tétraèdre, La trilatération.
r
0 4 (p ) = det(P,/J 2 ,/J,/J3,/J1/J• )f,
et la formule du simplexe nous donne le GPS
le volume v. (p) = ildet(p,p2 ,P,PJ> P,P. )I ·
Nous pouvons maintenant déterminer
Le volume d'un tétraèdre est le sixiè- la position d'un point q en fonction de
me du vo lume du parallélépipède ses distances à trois points de référence
engendré par trois côtés concourants p = (pl' p 2 , p 3 ) (voir la figure).
en un même sommet. Nous noterons classiquement a ; le côté
En prenant les expressions matricielles, du triangle b.p 1p,p 3 opposé au sommet
nous avons bien P;- Considérons le tétraèdre défini par
(0 1 1\ le quadruplet p' = (p 1, p 2 , p 3 , q). La
D2 (p )=~ll O d~J=d,\ .
2 position du point q est entièrement
0I d; 2 déterminée par sa projection p dan s le
Avec les notations de la figure donnée plan de référence, et par son altitude h ,
en encadré, hauteur du tétraèdre.
(0 1\
0 c2 Un tétraèdre est un cas particulier de

'l'
b'2J .
Dl p)=-
4 1 c2 0 a cône, ensemble de droites passant par
1 b2 ai 0 un point et s'appuyant sur une surfa-
Son développement donne ce . Son volume sera donc éga l au
( ai - b2 - c2 \ i tiers du produit de sa surface de base
D i (P) = b2c2 - l 2 ) . par sa hauteur. Si S est la surface du
triangle b.p 1p,p 3 , nous avon s alors
Puisque 4S2 = Dlp) nous obtenons , V4 (p') =.!. Sx h . En utili sant la formule
avec un peu de calcul élémentaire , la 3
célèbre formu le de Héron d'Alexandrie: du volume pour les simplexes p et p' ,
S2 = s (s - a) (s - b) (s - c) , 3V ( ')
nous obtenons h = _ . _P_ = ~ .
D ( ')
où s =(a+ b + c) / 2 est le demj-péri- S Dl p)
mètre du triangle. Le vecteur ;:;; = p1p2 "p ,p3 est perpendi-
La formule du simplexe nous donne culaire au plan de référence , est indé-
pour le volume d ' un tétraèdre pendant de l' origine choisie , et a pour
v. (p) = '·\10
~ .
(p) , express ton que nous norme 11;:;;II = ~0 3 ( ~_).
6 4
- w
En notant n = E ll;:;;II un vecteur normal
allons exploiter pour la géolocalisation.

98 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

au plan de référence, avec E. 2 = 1 (sui -


vant l'ori entati on choi sie du pl an),
Coordonnées barvcentriuues
- - ~ D, (p') - Dans le plan défini par le triangle 11p 1piP3, le point p a
nous avo ns pq = hn = f - - - w.
0 3(p) pour coordonnées barycentriques normalisées les rap-
Avec ]'ex pression vectorielle du proje- ports s; =S/ S, pour i valant l , 2 ou 3, avec s 1 + s2 + s3 = l,
té p donnée en encadré, nous obtenons puisque S =S 1 + S2 + S3 • Cela signifie que pout tout point w
fin alement du plan du triangle, nous avons la relation vectorielle
1
-[±
q= -D3(p) ,-1
0 3(p ,p
10
)J;; + c~D, (p') ·w ]. co p = s,co p , + s2 cop2 + s3 coPJ ,que l'on peut écrire
p= s, p,+ s2 --;i;_ + s3 A. Dans la suite, notons p<i) le triplet dans
La détermination du point q ne néces- lequel le point P; est remplacé par le point q. Il correspond
site que le calcul de quatre détermi- à la face du tétraèdre ayant pour sommet le point q et le
nants de type Cay ley-Menger (pui sque segment a ; pour côté. D'après les résultats présentés dans
3
l'autre encadré, nous avons Dl p , p<O) = 4S;S.
}: D 3(p ,p 1'>) = Dl p)), et est indépendante
,_, Nous en déduisons les coefficients barycentriques s; du
du repère choisi. Les expressions des projetép:
coordonnées barycentriques et de la 4SS, 0 3 (p ,pm)
s. = - -= .
hauteur du simplexe se générali sent à n ' 4S 2 0 3 (p )
d imensions !
Nous obtenons ainsi une expression du projeté p du point
Bien sûr, avec n points fi xes au lieu de q sur le plan de référence en conservant la symétrie des
trois, si poss ible dans des plans diffé- données:
rents, nou s avo ns n (n - 1) (n - 2) / 6 - ,{, - 1 ,{, (1) -

tri angles de références, ce qui permet p= L, s, p, = ~


( ) L,D 3 (p ,p )P;,
i•I 3 p i• I

d ' amé liorer la préc ision de la mesure .


Ce problème de loca li sation d ' un po int
en fo nctio n des di stances à un
ensemble de po ints fi xes est similaire à
des problèmes d ' ho lonomie et de cal-
cul de stabilité de systèmes articulés,
comme un échafa udage ou une tribune
de stade.

Soufflet sans jouer

Au XIXe s ièc le, les mathé mati c ie ns


Adrien-Marie Legendre et Joseph-Louis
Lagrange suggérèrent à Augustin Loui s
Cauchy d 'étudier la fl ex ibilité de po ly-
èdres à faces ri g ides . Il fut le pre mi er
à établir un théorè me sur le sujet : tout Un flexaèdre de Connelly.
polyèdre convexe est rigide. Si vo us
construi sez un po lyèdre convexe avec des octaèdres articulés en 1897 , mai s
des faces métalliques re li ées avec des des faces s' interpé nètre nt , ce qui en
charni ères , la structure de l'ensemble empêche une réalisation matérielle. Il fal-
e mpêc he ra to ute défo rm ati o n . Ma is lut attendre 1977 pour que le Can adien
ex iste-t-il des po lyèdres no n convexes Robert Connell y con strui se un poly -
flex ibles ? Rao ul Bri card trou va bie n èdre fle xible, ma is non con vexe bi en

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 99


ACTIONS La trilatération

s Gr. li exi ste un polyèdre flexibl e de


Kl aus Ste ffe n à neuf somme ts, e t on
sait qu ' un polyèdre ayant au plus sept
somme ts est ri g ide. Trouve r un po ly-
èdre flexible à huit sommets reste une
question ouverte !

Robe rt Conne ll y dé mo ntra que le


volume de son pol yèdre resta it
constant au cours de la déform ation et
supputa, sous le nom de conjecture du
soufflet , qu ' il e n était de mê me po ur
tout polyèdre fl ex ible. Idjad Sabitov
prou va e n 1996 une générali satio n de
la formu le de Héron . Il dé mo ntra que
le volume d ' un polyèdre à troi s dimen-
s ions est solutio n d ' une équation po ly-
nomia le dont les coefficie nts sont e ux-
mê mes des po lynômes des carrés des
longue urs des arêtes. Ce volume ne
pe ut do nc pre ndre qu ' un no mbre fi ni
de va le urs. Lo rs de la déform atio n
d ' un fl exaèdre, son volume ne pe ut
alors varie r continGme nt , car il pre n-
dra it nécessaire me nt une infinité de
vale urs . Le volume garde une va le ur
con sta nte, et la conjecture du soufflet
dev ie nt un théorè me !
F. L.

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


orn t oatt1

Hrthur Cayley a découuerte de neptune


(1821-1895) Urbain Le Verrier
(portrait par Henri
Giacomotti ; Versailles,
musée national des châteaux
Bie n qu e na ti f de Ri c h- de Versailles et de Trianon).
mond en Angleterre, Arthur
Cayley passe les hui t pre- Quelques années avant sa
miè res années de sa vie à .2
"' découverte de Neptune (en
Saint-Pétersbo urg où ses j 1846), J'astronome et mathé-
parents font du commerce. o maticien français Urbain
Il étudie les mathématiques Jean Joseph Le Verrier ( 1811-1877) publie en 1840, dans
et le droit au Trinity Col- le Journal de mathématiques pures et appliquées (ou
lege d e Ca mbrid ge . Il Journal de Liouville), des travaux mathématiques pré-
devient avocat en 1849, mais se livre à sa passion pour curseurs de ce qui deviendra la théorie des matrices. Posant
les maths à ses temps libres. En 1863, il pe ut tota- les équations différentielles des mouvements des sept
le ment s'y ado nner puisqu ' il obtie nt une chaire de planètes connues à cette époque, il introduit l'équiva-
mathématiques pures à Cambridge. lent des valeurs propres et de la diagonalisation d ' une
Cayley semble avoir obte nu toutes les vertus pos- matrice. Il relie ces notions à l'analyse astronomique
sibles : une gentillesse reconnue par tous, une mémoire du problème, distinguant les trois « grosses » planètes,
fa ntastique, sans o ublie r des do ns intellectuels et plus perturbatrices (Jupiter, Saturne, Uranus), et les
artistiques hors du commun . Il pe int des aquarelles ; quatre « petites » planètes (Mercure, Vénus, la Terre
passionné de romans, il en écrit quelques-uns et e n et Mars).
lit en anglais mais aussi en français, e n allemand et Ce faisant, il simplifie son système matriciel 7 x 7 en le
en italien . Sportif, féru d ' escalade, il venait séjour- décomposant en deux blocs de 4 et 3. Bref, il transforme
ner régulière me nt dans les Alpes pour s'adonner à un problème d'astronomie en un problème d ' algèbre!
son sport favo ri. C'est d'ailleurs cette dextérité et cette persévérance dans
Les travaux d ' Arthur Cay ley concerne nt to us les le maniement des systèmes différentiels et de leur réso-
domaines, ma is surtout l' algèbre linéaire et les fonc- Iution matricielle (avant la lettre) qui mèneront Le
tions elliptiques . On lui doit de nombreux résultats Verrier à la découverte de la huitième planète, Neptune.
sur les groupes, les matrices, les formes quadratiques. Elle était désignée comme planète « troublante » , au
li développe la théorie des inva ri ants ; ce te rme, sens mathématique, car elle modifiait la trajectoire de
inventé par Sylvester, recouvrait les propriétés des appli- sa voisine Uranus : les observations des positions de
cations linéaires ou multilinéaires (comme le déter- celle-ci ne correspondaient pas aux solutions approchées
minant) invariantes par changement de base . des systèmes différentiels.
C' est bien la trace des mathématiques qu'a suivie Le
,.-5,50!) e&.) ... . .s,o o8611' ........ !)08 •• ••••88,411·1
+ •,1,87r 1 N••+ e.Nlgo8lf0 + 01 oooe4SN°' :.-: n, Verrier pour découvrir Neptune, bien plus que celle
o,~7865N +(r - u ,8 u ~ )N"' .. 5,71 , ,._~·+tt,o.S8 7, ,
+•,1s8o&l~·· +.•,018;8tfl\ + 0,,.,o'l'l4N.,
0
·1- • - '
de l'observation astronomique (voir le texte d' Alain
•,..9099N + 4,:lo8o33N'+ (1 + •• ,97ofo8,) !<" + •,•'9 J:00• 1 Juhel sur le site www.bibnurn.education.fr). Le fameux
+ 1 ,Gtls,o87tc'"+ o,°"'J:$8oN"'+ o,... S9,4N•• =r o,
bon mot d ' Arago le confirmera : « Monsieur Le Ver-
•,eo6,351f + • .-.6g85,ll'+ ,,>p, 36sll"=( ,-,,.5g&..,)ll·i
+ S,Jo.4 e38 !C"'+e,1d&46~+ .... ,,s,N•• = • , ,4) rier vit le nouvel astre au bout de sa plume. »
•,OMo'l'ISt N+ •,0007.,,srr+ o,oo~ 1h 117W+ •,001 1S46-t ·1
+ (1 - 7,4'9•4•)11~ + 4,8, 54541" + o,ol$J,9-'I" = •,
o,... 001,45l'C + o,"""°e.45ntt'+o,uoe 13688 •+o,ooo oG56S
+ t1 ,893 M9N'''+ (1 - 1S,S8S 4,o) t{'+ tt,d s.,41 "
-i 1:
0

Le système 7x7 de Le Verrier, brut,
avant simplification. On remarquera la petitesse
+ o,)o) ~,gN" + o,83548,l<'+(K - ,,3,59'5) "
·1
o,HO oooo6Pf + o,000 0019-ir<'+o,tl09 oo519N"'4· • ,.,..eo, 73
"' •,
des quatre premiers coefficients
dans les trois dernières lignes.

en n 44. L m ne a.n9 nt 101


ACTIONS par Daniel Justens

les matrices
actuarielles
Les contrats d'assurance-vie peuvent garantir le paiement
d'un capital déterminé en cas de survie d'un assuré à un âge
donné (capital différé), ou le paiement de ce capital aux ayant-
droit au moment du décès de l'assuré (assurance décès).
L'actuariat, tant «vie» que « accident », a aussi recours au
calcul matriciel.

' l'actuariat uiager


L
actuariat recouvre l'en-
semble des méthodes mathé-
matiques utilisées dans le Les contrats d'assurances-vie sont de
monde des assurances. On parle d'ac- deux types : certains garantissent le
tuariat de premier type lorsque l'on paiement d'un capital déterminé en cas
traite d'assurances couvrant le risque de survie d'un assuré à un âge donné
de décès ou de survie d'un assuré, (le capital est différé) , d' autres garan-
d'actuariat de deuxième type pour qua- tissent le paiement de ce capital aux
lifier tous les contrats couvrant des ayant-droit au moment du décès de
risques accidentels, et, depuis quatre l'assuré (assurance décès). Le contex-
décennies, d'actuariat de troisième te de ces types de contrat est donc celui
type pour tous les modèles financiers , d'un système à deux états : vie ou
lesquels aujourd'hui se taillent la part mort. L' assuré vivant peut rester vivant
du lion étant donné l'importance et le ou passer à l'état« décédé» (n ' insis-
nombre de produits « étranges » (on dit tons pas sur la seule possibilité laissée
exotiques) qui inondent les marchés. à l'assuré mort ... ). On peut convenir
d'observer un assuré lors de ses anni-
versaires successifs et de noter systé-
On imagine mal une compagnie matiquement son état. Admettons que
l'on puisse déterminer la probabilité de
d'assurances exigeant la restitution survie d' un assuré pendant un an, notée
d'un capital invalidité p (0 < p < 1), que nou supposons dans
en cas de guérison miraculeuse ... un premier temps indépendante de son

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


âge. On peut noter les probabilités de
transition d'états vie- mort au moyen
de la matrice suivante :
M" =( ~· (1-i")" }

M=( ~ l~p J
On constate hélas que la limite pour n
tendant vers l' infini de cette matrice
prend la forme suivante :

=( ~ ~ J
La première ligne décrit les probabili-
tés de transition vers les deux états vie M-
et mort d ' un individu vivant. La secon-
de ligne correspond aux probabilités de qui exprime que le seul état final attei-
transition à partir de l'état décédé. Cet gnable, quel que soit l'état initial, est
état est qualifié d'absorbant pour des celui de décédé. Apparaît ici la notion
raisons évidente dans notre contexte très claire d'état transitoire (être
(voir l'encadré consacré aux chaînes vivant) et d'état persistant (être mort).
de Markov). On peut à présent s'inté- Toutes ces notions sont formalisées
resser à l'état de l'assuré après deux dans le cadre de la théorie des chaînes
ans. En supposant les transitions suc- de Markov.
cessives indépendantes, on sait que la
probabilité de survie après deux ans La réalité est un peu différente : les
doit valoir p2. La probabilité de décès, probabilités de transitions dépendent
complémentaire, doit être égale à de l'état du système (la probabilité de
1 - p 2. En effet, ce décès a pu survenir survie varie avec l'âge). Les matrices
pendant la première année (probabilité décrivant les probabilités de transition
1 - p), ou durant la seconde, auquel cas deviennent :
l' assuré a du survivre un an puis décé-
der l' année suivante. Ces événements
étant indépendants par hypothèse, leur
M
x=[~ 1-t-' }
probabilité de réalisation simultanée où x désigne l'âge de l'assuré. Après
est égale au produit des probabilités deux ans, on retrouve la multiplication
soit p X (! - p). Les deux événements matricielle classique :
(décès la première ou la seconde
année) étant disjoints, la probabilité de
MM
x x+ I
=( P.,
Û
1-p,
i
J( p_.. ,
Û
1-p_.. , )
i
réalisation de l'un ou l'autre des évé-
nements est la somme des probabilités,
soit [1 - p] + [p (1 - p)] = l - p 2 . On a
vérifié ainsi que la matrice de transi-
tion d 'états en deux ans correspondait avec les mêmes conclusions sinistres à
exactement à la matrice M 2, et égale- long terme ...
ment que la procédure de calcul mise
en place était celle du produit matri- maladie et inualidité
ciel:

M' =[ ~ (1-,p)' l Tournons-nous vers les contrats cou-


vrant les cas de maladie ou d ' invalidi-
té. Dans ce contexte, le système étudié
On généralise sans peine ce résultat () 'assuré) peut connaître quatre états :
pour obtenir la matrice de transition être vivant et actif, être vivant et inva-
d'états après n années : lide, être mort en tant qu 'actif ou être

Hors-série n°44. Les matrices Ta.ngent:e 103


ACTIONS Les matrices actuarielles

les chaines de Markov ser de l'état i à l'état} en exactement n transi-


tions. Eh bien, cette probabilité est fournie par
Considérons un système en évolution pouvant la puissance énième de la matrice P.
prendre un nombre fini ou dénombrable Un état} est accessible à partir d'un état i s'il
d'états notés Ei, E2 . .. et travaillons à temps existe un n tel que pJ" )> O. Les états i etj
discret en considérant des indices de temps communiquent s'ils sont accessibles l'un à
naturels 0, l, 2 ... Toutes les unités de temps, partir de l'autre. Si tous les états d'une chaî-
on postule que le système passe de l'état E; à ne communiquent, on dit que la chaîne est
l'état Ej avec une probabilité Pij· Ce processus irréductible.
n'a pas de mémoire: les probabilités de transi- Un état i est récurrent ou encore persistant si
tion dépendent uniquement de l'état du systè- la probabilité du système d'y retourner (en un
me avant sa transformation (E; ou plus simple- nombre quelconque de pas) est égale à 1. Dans
ment i) et de son état après (Ej ou j). Elles ne le cas contraire, l'état est transitoire. On dis-
dépendent pas des états antérieurs. Un proces- tingue encore les états persistants nuls ou non
sus markovien est un système évoluant de nuls elon que le temp moyen de retour est
manière aléatoire dans le temps tel que sa dis- infini ou fini.
tribution de probabilité conditionnelle des Supposons à présent que l'on observe un
états futurs, étant donné la connaissance de ses ensemble de systèmes évoluant selon la même
états passés et son état présent, ne dépend que dynamique, et que les fréquences de présence
de ce dernier. Pour de tels processus , la dans les différents états Ei de ces systèmes
meilleure prévision que l'on puisse faire du soient décrites par le vecteur a= (a 1, a 2, a3 ....
futur, à partir de son passé et de son présent, a.,) dont toutes les composantes sont positives
est identique à la meilleure prévision élaborée et de somme nulle. Après une transformation,
sur base de la seule connaissance de son état on s'attend à retrouver un ensemble caractéri-
actuel. sé par le vecteur aP. De même, après n pas, le
Dans le cas d'un nombre finis d'états , ces vecteur d'états de l'ensemble des systèmes
probabilités de transition peuvent se ranger sera aP'. Sous certaines conditions, cette pro-
dans une matrice P dite stochastique (ou cédure génère une « stabilité» : à long terme,
matrice de Markov), à savoir une matrice car- pour les chaines non périodiques constituées
rée s X s dont chaque élément est un réel posi- d'états persistants , le vecteur d'états tend vers
tif et pour laquelle la somme des éléments de une distribution dite stationnaire (c'est-à-dire
chaque ligne vaut 1 (et constitue donc une dis- globalement identique après chaque transfor-
tribution de probabilité discrète) . Ce type de mation individuelle des différents systèmes de
matrices permet d 'obtenir une classification l'ensemble). Des exemples d'ensembles de ce
des états du système. Par exemple, si pour l' un type se retrouvent en actuariat accident,
des états du système on a P;; = 1 (et donc lorsque l'on considère un portefeuille d'assu-
Pij =0 pour j '# i) , cet état i sera qualifié d 'ab- rés constitués de conducteurs tarifés indivi-
sorbant pour des raisons évidentes. Mais il y a duellement en fonction du nombre d'accidents
plus subtil ! Notons p/11l la probabilité de pas- dont ils sont responsables.

mort en tant qu ' invalide. Les deux der- re (qui survient après deux change-
niers états sont considérés comme dif- ments d' état et se traduit donc généra-
férents, les prestations de ('assureur lement par deux débours de la part de
étant le plus souvent significativement l'organisme assureur). Reprenons une
supérieures dans le second cas de figu- description des probabilités de transi-

~ 04 Tangente Hors-série n"44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

tion d'état indépendante de l'âge


comme plus haut :

p "j q(l,(l q"·i

l
[ p"'
p "' p jj q i.a q jj

0 0 1 0
0 0 0 1

Les exposants a et i font référence à


l'état initial (premier indice) et final
(second indice) de l'assuré, a signifiant
« actif» et i, « invalide». Les nota-
tions p se réfèrent au maintient dans
! ' état de vivant, les notations q quanti-
fient les probabilités de passage à l'état tions de probabilité pour lesquelles les
de décédé. Les sommes des éléments sommes de probabilités doivent être
de chaque ligne doivent évidemment égales à 1. Restent quatre degrés de
être égales à 1. liberté par matrice. En considérant des
Pour simplifier un peu cette matrice, catégories d ' âge de Oà 104 ans, ce sont
les assureurs font généralement ('hy- 420 paramètres que les assureurs sont
pothèse de non-retour à l' état d'activi- censés estimer ! On constate ici à quel
té en partant de l' état d'invalide. Cette point le processus de tarification de ce
hypothèse est réaliste : le passage à type de contrat est délicat. ..
l' état d'invalide se traduit générale-
ment par le versement d ' un capital. On Hctuariat accident
imagine mal une compagnie d ' assu-
rances exigeant la restitution de ce Nous sommes presque tous confrontés
capital en cas de guenson à l' obligation de souscrire une assuran-
miraculeuse ! Voici la matrice simpli- ce responsabilité civile. Celle-ci est
fiée avec suppression des doubles tarifée à partir d ' échelles de primes
indices inutiles : calculées selon deux modes complé-
mentaires : le mode a priori, en fonc-
p "j q l/JI q"j

l
tions de critères plus ou moins arbi-
qi
/ 0 traires, et le mode a posteriori, en
0 1 0 fonction du comportement de chaque
0 0 conducteur. Parmi les critères a priori
figurent le type de véhicule et sa puis-
Pour traduire cette hypothèse selon la sance, l'âge du conducteur, son lieu de
terminologie des chaînes de Markov, résidence, sa profession , la date
on dit que l' ensemble des états d'inva- d ' émission de son permis de condui-
lidité est un ensemble f ermé. re . .. Le critère a posteriori paraît plus
Il faut alors particulariser toutes ces objectif puisqu'il consiste à comptabi-
probabilités de transition en fonction liser chaque année le nombre d'acci-
de l' âge des assurés. Par matrice, donc dents en tort à mettre au crédit (ou plu-
par catégorie d'âge, on doit calibrer six tôt au débit !) de chaque assuré. Le
paramètres. Ces paramètres sont liés : nombre d'accidents en droit pourrait
les transitions d ' états sont des distribu- également être pris en compte, ce ren-

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 105


ACTIONS Les matrices actuarielles

seignement apportant des informations d'une distribution de Poisson de para-


sur le comportement du conducteur. . . mètre À qui quantifie le nombre moyen
Sur la base des critères a priori, l'or- d'accidents dont l'assuré est respon-
ganisme assureur détermine une pre- sable chaque année. Le problème
mière prime, qui pourra éventuelle- consiste à affecter à chaque assuré le
ment soit augmenter l'année suivante « bon » À. Pour arriver à une tarifica-
si l'assuré est responsable d ' accidents, tion sur base d'observations issues
soit diminuer s ' il n ' est responsable d'un portefeuille hétérogène, les
d'aucun. L' assureur doit établir une actuaires considèrent généralement ce
échelle de tarification définissant dif- paramètre comme une deuxième
férents niveaux de primes, notés de O à variable aléatoire. Ceci donne naissan-
s. Le niveau d'entrée q dans le système ce aux distributions Poisson-mélange.
(0 < q < s) doit aussi être détenniné.
Ces niveaux représentent les états du Regardons comment évolue un porte-
système. Des règles de passage d'un feuille de clients pour lequel les fré-
niveau de tarification à ! 'autre doivent quences d'assurés présents dans les
être définies par l'organisme assureur. cinq états ou niveaux de prime sont
Les probabilités de passage d'un état à représentées par le vecteur a = (a 0 , al>
! 'autre sont présentées dans une matri- a 2 , a 3 , a4 ), dont les composantes sont
ce, que l'on construit à partir des positives et de somme 1. Après un an,
règles de passage et des probabilités pk la compagnie d ' assurance se trouvera
d'observer k accidents dans l' année en présence d ' un portefeuille caractéri-
qui vient. sé par un vecteur de fréquences aP.
Supposons pour simplifier que le sys- Après deux ans, ce vecteur sera aP2 et,
tème compte cinq états correspondant après n années, aP''. Chaque compa-
à cinq niveaux de prime croissants, gnie peut ainsi déterminer le niveau
numérotés de O à 4, et que chaque total de ses encaissements, étant donné
accident en tort provoque le passage les primes initiales et la grille de taux
dans le niveau de tarification supérieur de primes choisie. Ceci est fondamen-
alors que l'absence d'accident permet tal pour une gestion réaliste. L'idéal est
de redescendre d'un cran. Sous ces évidemment la constitution d'un porte-
conditions simples (en fait, les sys- feuille rentable et stable ...
tèmes réels comportent plus d'états et Pour obtenir un tel portefeuille stable,
des règles de transition plus com- de composante b = (b 0 , bJ> b2, b3, b4 ) , ne
plexes), la matrice de probabilités de changeant pas au niveau des percep-
transition prend la forme suivante (la tions de primes, année après année, on
dernière colonne est construite pour doit avoir 8 = BP. Un tel portefeuille de
obtenir une distribution de probabilité composante 8 est appelé distribution
à chaque ligne) : stationnaire. Sous certaines conditions,
on peut démontrer que tout portefeuille
Po P, P, P, 1- Po - P, - P, - P,
tend naturellement vers cette distribu-
Po 0 P, P, 1- po- P, - p,
P= 0 Po 0 P, 1- po- P ,
tion stationnaire, ou encore
0 0 Po 0 1- po que lim AP" = B. Malheureusement,
0 0 0 Po 1- po cela nëgarantit aucunement la rentabili-
té de ce secteur d ' activité d' assurances !
La modélisation des probabilités d ' ac-
cident se fait théoriquement au moyen D.J.

ri 06 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


par B. Hauchecorne et N. Verdier EN BREF

Un peu d'histoire
En cherchant à résoudre les mouvements d' une corde
vibrante, d'Alembert se ramène à une équation
u
~
différentielle aux dérivées partielles . Pour la
go
:,: résoudre, Lagrange aboutit à un système avec des
Q
coefficients « en miroir » ; c'est en fait une matrice
L' IUT de Cachan fo rme des techniciens et ingénieurs
symétrique. Par une méthode fort habile il par-
électroniciens qui contribuent à concevoir le monde
de demai n, un monde qui se nourrit de matrices ... vient alors à un polynôme , en fait, le polynôme
caractéristique ; il sait résoudre l'équation de
électronique consomme ... départ si ses racines sont distinctes . Lagrange
généralise cette méthode pour étudier les pertur-
des matrices ! bations des trajectoires des planètes et la stabilité
du système solaire.
S' il est un secteur grand consommateur de matri ces, c'est
Dans les années 1820, en étudiant les quadriques,
bien l' électroniqu e . Les é lectro nic ie ns aiment à ex traire
surfaces d 'équationflx,y,z) = 0 oùf est une fonc-
de leurs montages de fi ls des opé rateurs leur perm ettant
tion polynomiale de degré 2, Cauchy annule les
d'a nalyser un circuit é lectrique. Il s servent à modéliser
dérivées partielles secondes de f et se retrouve
les relations uni ssant des grande urs de so rtie en fo nction devant le même problème que Lagrange. En termes
de gra nde urs d ' e ntrée (co urants, te nsions, intensités . .. ). modernes, il montre que les axes correspondent

-~
1
,, aux vecteurs propres de la matrice de la quadrique
::;:
+-- -::;: et que les valeurs propres sont les racines de ce
Sur ce quadripôle, qu'il appelle l'équation caractéristique. Il fait
v, les entrées et les sor ties v, alors le lien avec la recherche des axes d'inertie
sont des intensités. d'un solide en rotation .
-= -=
Pierre de Fermat avait au xvn• siècle posé le pro-
blème de la décomposition d'un entier en somme
Souvent, les grandeurs d'entrée, notées (x, y), et les gran -
de deux carrés, par exemple 13 = 32 + 22 . Ceci cor-
deurs de sorti e, notées (x', y'), sont liées par une relation
respond à chercher les valeurs entières de x2 + y2.
du type x' = a x + b y et y' = c x + d y, où a, b , c et d sont
Legendre généralise ce problème en l'étendant à la
des constantes. Le système pe ut alors être modélisé par recherche des valeurs entières prises par une forme
S = A x E, où S désigne le vecteur des sorties , E le vecteur quadratique. Gauss se retrouve devant le même
des entrées et A représente la matrice (: !) . problème, en introduisant la méthode des moindres
carrés pour trouver l'orbite de l'astéroïde Cérès. La
L'électroni cie n aime à ité rer. Si l'on acco le un deuxiè me solution revient à classifier les formes quadra-
quadripôle au pre mier, pui s un tro isiè me qu adripôle, et tiques, c'est-à-dire les exprimer comme combi-
plus, comment ex primer les « no uve lles» sorties en fo nc- naison linéaire de carrés des coordonnées après
tio ns des entrées initi ales ? La modélisati o n matri cielle avoir fait subir à celles-ci une transformation
linéaire. Gustav Jacobi démontre en 1841 qu ' une
saute aux ye ux ! En appelant E0 les e ntrées initiales et E,,
telle forme peut se mettre comme somme et diffé-
les e ntrées rés ultant de l'adj oncti o n de n qu adripô les,
rences de carrés. Ce résultat est connu sous le nom
nous auro ns simple ment E,, = A" E0 . Il suffit de savoir
de théorème d' inertie de Sylvester, le savant anglais
éleve r une mat ri ce à la pui ssance n pour avo ir immédi a- l'ayant démontré indépendamment peu après. En
teme nt les paramètres de so rti e e n fo ncti o n des para- 1858, Weierstrass aboutit au résultat en restant dans
mètres d'entrées . L' itérati on des qu adripôles se réduit à le cadre des bases orthonormées. Les matrices des
un calcul matri cie l ! Mais comme no us ! 'avons vu dans formes quadratiques étant symétriques, il démon-
l' arti cle précédent , élever une matri ce , c'est du trava il ... trait en fait le théorème spectral.

Hors-série n° 44. Les matrices Tc:ingeni:e 107


ACTIONS par J. Bair et A. Coolen

les tableaux entrées-sorties


I •

en econom1e
Wassily Leontief est un célèbre économiste américain, d'origine
russe. Il a reçu le prix Nobel d'économie en 1973. Il est
principalement connu pour des travaux qui portent sur des
tableaux d'échanges interindustriels, encore appelés tableaux
d'entrées-sorties (ou input-output).
Les biens produits par les différents sec-
teurs ne sont pas nécessairement homo-
gènes, de sorte que leurs quantités
physiques peuvent parfois ne pas être
comparab les. Comment , par exemple ,
additionner le nombre de tonnes de fruits
récoltés avec le nombre d ' heures récla-
mées par un service à la personne ? En
conséquence , en vue de calculer la pro-
duction globale et l'entrée globale d ' un
Wassily Leontief (1905-1999) . secteur, il faut être capable d ' exprimer
les X; J en valeurs monétaires , de manière
à pouvoir notamment les ajouter les uns
ne économie aujourd'hui com- aux autres . Par exemple , si le secteur S 1

U porte de nombreux secteurs S 1,


S2 . .. S11 , par exemple l'industrie,
l'agriculture , les services . . . Chacun de
désigne l'agriculture et le secteur S2 celui
des services , alors x 1,2 est la valeur, en
euros , de la production agricole néces-
ces secteurs produit un seul type de bien saire au fonctionnement du secteur des
ou de service, mais interagit avec les services. Mais les faits sont rarement
autres secteurs . La livraison intermé- aussi simples dans la vie : un tel choix
diaire représente la production (I 'out- peut poser des problèmes pour la com-
put, en anglais) du secteur S; à destination paraison de tableaux relatifs à des dates
du secteur SP et donc aussi l'entrée (I ' in- différentes , puisque les systèmes des prix
s
put, en anglais) du secteur 1 en prove- varient au cours du temps ! Le modèle
nance du secteur S;. Cette quantité sera que nous allons développer est donc
désignée x;J· valable uniquement dans le court terme .

108 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

Trauail et capital

Les secte urs effectue nt généraleme nt


des li vrai sons de produits fini s dans le
but de sati sfaire une de mande fin ale
(comme la consommation des ménages ,
les investissements des pouvoirs publics,
les exportations de biens et services à des-
tination de ('étranger. .. ) . Appelon s d;
la valeur (en unités monétaires) de la
demande final e adressée au secteur S;.
Les X;J et les d; peuvent être repri s sous
la forme d ' un tableau : Comment la production doit-elle varier lorsque la demande
change ? À l'origine, on a X = (I - A)- 1 D. Si les demandes
Secteurs Demandes D deviennent D +L:. D alors les productions X deviennent
consomm ateurs fi nales X +L:.Xavec
s, s2 .. . s,, X +l':.X = (I-Ar(D +L:. D)
,,,... = E(D +L:. D) = E X D +E X l':. D.
:::,
s, x1.1 x,.2 .. . x 1.11 d,
<) On en déduit que l':. X = E x l':. D
ü:::,
"Cl s2 X2.I x 2.2 .. . X 2,, c/2
ea. En considérant le cas où la demande finale du secteur} aug-
,,,... : : : : : :
:::, mente de 1 tandis que les autres demandes ne sont pas modi-
<)

ü<) s,, X n.l x n.2 ... X d,, fiées, on constate quel':. X correspond précisément à la/'me
[/'J "·" colonne de E.
Synthèse des livraisons intermédiaires Autrement dit, les éléments de la/'me colonne de
et des demandes finales, le tout étant E = (I - A)- 1 représentent les quantités supplémentaires que
exprimé en unités monétaires. les différents secteurs auront à produire pour répondre à un
accroissement d'une unité de la demande finale du secteur}.
La somme des éléments dans chacune
des li gnes donne la production globale Plus précisément, (L':. X); = e;J représente la quantité sup-
de chaque secteur (exprimée en unités plémentaire que doit produire le secteur S;lorsque la demande
monétaires) . Celle du secteur S; est dès finale du secteur s1 augmente d'une unité.
lors donnée par la somme
x ;, 1 + x;.2 + . ;, . + X ; 1, + d;, ce qui s'écrit
(somme des éléments de la colonne i du
égaleme nt 2:X;.j + d; et que l'on note
tableau des échanges), et augmente la
J-1
plus simple ment x, valeur des biens achetés par l' intermé-
La somme des éléments de chacune des diaire des facteurs « travail » et « capi -
co lonnes fo urnit l'entrée g lobale de tal » de manière à produire un bien de
chaque secteur (également exprimée en valeur X; (somme des éléments de la ligne
unités monétaires). Celle du secteur S; est i du tableau). La différence entre la valeur
donc donnée par x 1.,. + x2 .l. + .. . +" xll ,l·, de la production globale et la valeur de
l'entrée globale du secteur S; est appe-
soit , en notation plus condensée , 2 xj.;.
j-1 lée sa valeur ajoutée, notée v;. La valeur
Enfi n, chaque secteur S; consomn~.e des ajoutée V; vaut
n
biens intermédiaires à raison de 2x 1 .,. v, = x, - 2 xjJ'
j- 1 J-1

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 109


ACTIONS Les tableaux entrées-sorties ...

À court terme, il est permi s de supposer ou encore X = A X + D. Dans cette der-


que chaque secteur do it utili ser une pro- ni ère écriture , o n a noté X le vecteur
portion constante d 'entrée pour sa pro- des producti ons g lobales, A la matrice
duction finale. En d 'autres termes,xij' qui des coeffic ients techn iques (A est appe-
est la quantité produite par S; pour Sj , lée la matrice technologique), et D est
est proportionnelle à la production glo- le vecteur des demandes fi nales. Le rai-
bale xj du « secteur receveur » Sr E n sonnement c i-dessus peut aisément être
termes plus mathématiques, cette relation généralisé au cas d ' une économ ie à plus
s'écrit X;J = aiJ x xj , avec aiJ = x;/ xj le de deux secteurs.
coeffic ient de proportionnalité . La re lation matricielle X = A X + D peut
En conséquence, a;J représente la valeur aussi s 'écrire sous la fo rme (1 - A)X =
de la production du secteur S; que Sj doit D , où I désigne la matrice identité . La
acquérir pour produire (l a quantité cor- matrice 1 - A joue dès lors un rôle cap i-
respondant à) une unité monéta ire de tal ; elle est connue sous le nom de matrice
son propre bien. Les nombres aiJ sont de Leontief, e n l' honneur de l'écono-
appelés coefficients techniques, car il s mi ste améri ca in Wass il y Wassil yov itch
dépendent de la techno logie empl oyée. Leonti ef. Lorsque la matri ce de Leon-
tief est in versible, le ni veau de prod uc-
l'arriuée des matrices tion de chaque secteur s' obtient simplement
par la relati on X= (I - At 1 D .
Commençons avec l'exemple d ' une éco-
no mie à deux secteurs . Lorsque les conditi ons techno log iques
restent inchangées et que les dema ndes
fi na les adressées aux d iffére nts sec-
Secteurs Demandes
teurs se modi fie nt , D deve nant alors
consommateurs fin ales
D ' , il s'ensui t que les no uvell es pro-
s1 s2 duc ti o ns g lo ba les X ' sero nt don nées
par (1 - At 1 D'. Ain si, un seul calcul
"O s i x1. 1 x1.2 d l d ' in vers io n matric ie ll e est à réaliser,
0
.... celui de la matri ce de Leontief.
o..
(/)
s2 X 2. I x 2,2 d2
Voyo ns un exe mple co ncret, toujo urs
Une économie à deux secteurs. da ns le ca s d' un e éco no m ie à de ux
secteurs.
La production de Si, à savoir x 1 = x1.1 +
x 1.2 + di, peut également s' écrire sous Secte urs Demandes
la fo rme consommateurs fina les
X1= a1 ,1X1 + a1 ,2X2 + d 1. s, s2
De même, la production de S2 va ut
-ci s, 12 3 5
X2 = a 2,1X1 + a 2.2X2 + d2. eo.
Ces deux relations peuvent nature lle- Cil s2 4 6 5
ment s'écrire sous la fo rme matric ie lle
sui vante: Un exemple concret dans le cas
d ' une économie à deux secteurs.

Dans cette situati on initi ale , la produc-


tion du secteur I vaut 12 + 3 + 5 = 20 ,

110 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

et la production du secteur 2 est égal à À court terme, chaque secteur


4+6+5=15.
doit utiliser une proportion constante
Les relations a;J = X;) xj permettent
d'obtenir la matrice technologique asso- d'entrée pour sa production finale.
ciée à cet exemple :

a 1_1 = 12 / 20 = 0,6,
a 1,2 =3 / 15=0,2,
G1,3 = 4 / 20 = 0,2 et
a 1,4 = 6 I 15 = 0 ,4.

A .InSI. , A= (0,6
0,2
0,2)
0,4
.
Imaginons à présent que les demandes
finales deviennent 6 unités monétaires
(au lieu de 5) pour les deux secteurs.
5
Lor sque le vecteur D = ( ) devient
D'=(!), 5
X=(~~) devient
le vecteur
La part de la valeur ajoutée de l'agriculture ne cesse de décroître

X'={I-Af'D'=(~ ~)(!) =(~:). dans l'économie française.

d ' une unité également et la production


la uariation des demandes du secteur 2 doit augmenter de deux
unités (valeurs lues dans la deuxième
On peut montrer (voir l'encadré consa- colonne de E = (I-Af 1). Donc , lorsque
cré à l'évolution de la production) que les demandes finales des deux secteurs
les éléments e;J de la matrice augmentent chacune de I unité , la pro-
E = (l-Af I permettent de prévoir com- duction du secteur I doit augmenter de
ment doit varier la production lorsque quatre unités et la production du sec-
la demande évolue, « toutes choses égales teur 2 doit augmenter de trois unités.
par ailleurs » (cette expression, cou- En d ' autres termes ,
ramment utili sée par les économistes, x 1 = 20 devient x 1 + = 20 + 4 = 24,
signifie que les conditions de produc- etx2 = 15 devientx 2 + = 15 + 3 =18 .
tion , et donc ici le éléments de la matrice
technologique , restent inchangées). On voit ainsi qu ' il y a de nombreuses
façons d 'obtenir les résultats demandés
Lorsque la demande finale du secteur I pour satisfaire une évolution de la
augmente d ' une unité , la production du demande. L' avantage de la méthode
secteur I doit augmenter de troi s uni- matricielle est de pouvoir se généraliser
tés et la production du secteur 2 doit aisément à un nombre quelconque de
augmenter d ' une unité (valeurs lues secteurs d'activités, et de ne nécessiter
dans la première colonne de qu'une seule inversion de matrice.
E =(l-Af 1). Lorsque la demande finale
du secteur 2 augmente d ' une unité , la J.B.&A.C.
production du secteur I doit augmenter

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 111


ACTIONS par Jacques Bair

Exemples élémentaires de
matrices en économie
Les économistes sont souvent amenés à manipuler des
tableaux de nombres qui sont les résultats d'observations
empiriques ou qui sont construits à partir de règles précises .
Illustrons les opérations matricielles de base par des exemples
variés et très simples rencontrés dans l'univers économique.

orsque des clients ont la poss i- (5 2 4 1\

L bilité d'acheter plus ieurs pro-


duits, leurs commandes peuvent
être rassemblées dans un tableau dont
M=l~ ~ ! ~J·
les lignes se réfèrent aux acheteurs et matrices de commandes,
les colonnes aux biens . matrices de fabrication

Pour fixer les idées, considérons le cas Admettons que cette matrice M ras-
de trois clients, a, b etc, qui peuvent semble les commandes effectuées par
acheter quatre produits A , B , Cet D . Par nos clients au cours de de ux jours suc-
exemple, le premier c lient , a, com- cessifs. Au total sur ces deux journées,
mande cinq unités de A , deux unités les troi s personnes achèteront évide m-
de B, quatre unités de Cet une unité de ment les quatre produits conformément
D. Le d e uxiè me c lient , b, porte son à ces calculs simples :
choix sur trois unités de A, de ux uni-
tés de C et trois unités de D , mais ne
désire pas acquérir de produit B . Enfin ,
la troisième personne, c, souhaite obte-
nir deux unités de A et cinq unités de
C , et n 'est inté ressée par aucun des Ainsi, on a « ajouté» la matrice M à elle-
deux produits B et D . mê me, ce qui revient au même que de
Ces données, écrites sous forme d ' un l'avoir « multipliée» par le nombre 2.
tableau comprenant trois lignes et quatre Plus généralement , si E = (e;) est une
colonnes, forment une matrice M de matrice quelconque et a un scalaire, le
format 3 x 4, à savoir : produit aE est, par définition , la matrice

112 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

de même taille que E et dont l'élément F2 et six unités de F 3 , tandis que la pro-
situé sur la ième ligne et la /me colonne duction d ' une unité de S 2 fait appel à
vaut ae;J· Quant à la so mme de deux quinze unités de Fi, cinq unités de F 2
matrices E = (e;) et F =(!;)de même et quatre unités de F 3 .
tai lle , e lle n 'est autre que la matrice Par ailleurs, les deux produits semi-
obtenue en additionnant les éléments fini s S I et S 2 servent à leur tour pour
correspondants. fabriquer deux produits finis P 1 et P 2 •
Plu s préci sé ment , pour obtenir une
Nous allons considérer la fabrication unité du produit fini P;, il faut employer
de différents produits en admettant que : la quantité b ;J de SF Les nombres b;J
forment une nouvelle matrice N = (b;).
• la production de k unités d ' un pro- Par exemple, on di s pose des informa-
duit réc lame k fois les quantités de tions suivantes: il faut cinq unités de
facteurs utili sées pour une seule unité S I et s ix unités de S 2 pour produire
de ce produit ; une unité de P 1 et, de même , il faut
deux unités de S 1 et trois unités de S 2
• la production simultanée d ' une unité pour produire une unité de P 2 , ce qui
d'un produit A et d ' une unité d ' un fournit la matrice
produit B nécessite des quantités de
facteurs égales à la somme des quan- N = (~ ~) .
tités nécessa ires pour fabriquer une
unité de A et une unité de B. Les quantités de chaque facteur pri-
maire intervenant dans la fabrication
Ces deux hypothèses, somme toute de chaque produit fini peuvent être
assez naturelles, confèrent un carac- aisément calculées en utilisant nos
tère « linéaire » à la production et per- hypothèses initiales. Elles peuvent
mettent d ' illustrer aisément le produit être rassemblées dans une matrice P,
matriciel . En effet, en guise d'exemple de format 2 x 3, dont les lignes se rap-
élémentaire , intéressons-nous à la fabri- portent aux produits finis et les
cation de deux produits semi-finis S I et colonnes aux facteurs primaires. De
S 2 au moyen de trois facteurs primaires fait, on obtient sans peine :
de production , F 1 , F2 et F 3 (qui pour-
raient être, pour fixer les idées , le tra- P=(5x10+6x15 5x3+6x5 5x6+6x4)=(140 45 54)
vail, le capital et ('énergie) . La quantité 2 X JÜ + 3 X J 5 2 X 3 + 3 X 5 2 X6+3X4 65 2J 24
du facteur Fj nécessaire pour une unité
de produit S; est donnée par ('élément En réalité, la matrice Pest obtenue en
a1,1.. de la matrice M = (a,.J). Les élé- « multipliant » N par M, ce produit
ments de M seront supposés fixes, aussi s'effectuant « 1igne par colonne » et
lon gtemp s que la technique de pro- s'écrivant P = N M
duction reste inchangée .
Comme exemple numérique , considé- Plus généralement, le produit E F de
rons la matrice de fabrication suivante: deux matrices E et F ne peut être exé-
cuté que lorsque le nombre de colonnes
M = ( JO 3 6). de E est égal au nombre de lignes de F ,
15 5 4
comme le suggère l'exe mple ci-des-
Ainsi, la production d ' une unité de S 1 sus. Si donc E = (e;) est de format
réclame dix unités de F 1, trois unités de mxn et F =(!;)est de format nxp,

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente


ACTIONS Matrices en économie

le produit E Fest, par définition , la La balance des comptes s'effectue en


matrice Q = (q 1.J ), de format mxp, comparant les sommes des crédits et
telle que des débits. Or, le total des débits de
tous les comptes vaut
f e,.,J,, .J..
. . = e., . ,!,, .J. + e./ , ,f , ,}. + ... + e'·" f.fi.}. = ,.L.,,
qt.J ( l\

td,-(d d, ... d·tJ-('UM)U


k-l

le double classement en comptabilité

En comptabilité, on a quelquefois De même , le total des crédits de tous


recours à une méthode dite en partie les comptes est égal à
double, car elle consiste à enregistrer ( c, \
deux fois chaque opération : une pre-
mière fois au crédit d ' un compte , et i ,, -(1 1 ... t :J-'U (MU)
une deuxième fois au débit. Pour évi-
ter toute erreur éventuelle, il convient
de toujours vérifier l'égalité entre la L' égalité entre le total des débits et
somme des crédits et celle des débits. celui des crédits résulte de l' associati-
Ce double clas se ment peut avanta- vité du produit matriciel, puisque
geusement être réalisé sous forme matri-
cielle: dans ce cas, nous allons constater CUM)U = 1U(MU) = UMU 1

que les contrôles sont automatiques.


Construisons une matrice carrée d'ordre ce qui équivaut à
n, notée M = (a;), dont les indices des
lignes indiquent les numéros des comptes
crédités, tandis que ceux des colonnes
se réfèrent aux comptes débités. Ainsi, Plu s généralement , l'assoc iativité du
le nombre a;J désigne la somme débi- produit matriciel se traduit comme suit :
tée au compte d'indice jet créditée au pour des matrices Ede format m x n , F
compte d'indice i. de format n xp et G de format px q , on
Considérons à présent le vecteur colonne peut écrire
(c'est-à-dire une matrice comportant
une seule colonne) U composé den E(FG) =(EF)G = EFG ,
éléments égaux à 1. Le produit matri-
ciel MU définit un vecteur colonne le résultat final étant de format m x q.
dont tous les éléments c 1, c 2 , ••• , c11 sont
les sommes de s crédits relatifs aux J. B.
comptes qui correspondent aux indices
"
des lignes, puisque c, = ~ a,.r
J- 1
Par ailleurs, le produit tu M, où tu
désigne le vecteur transposé de U, donne
un vecteur ligne dont le s é léme nts
d 1, d 2 , .•• , d 11 représentent les sommes
des débits qui correspondent aux indices
"
des colonnes , car d j = ~ a,.r
i- 1

:114 Tcingente Hors-série n°44. Les matrices


ACTIONS par Hervé Lehning


a r1ces
et codes secrets
Tout ce qui se prête à des calculs compliqués peut être utilisé
pour coder, les matrices ne font pas exception. Ces codes,
nommés chiffres de Hill du nom de leur inventeur, ne sont
guère utilisés de nos jours. Pourquoi ? Tout simplement parce
qu'ils ont un talon d'Achille ... Dans cet article, nous montrons
lequel, et comment y remédier.
o mmençons en restant dans le Chiffrement par multiplication
C classicisme cryptographique. Les
messages sont co nstitués des
lettres de l' alphabet (de A à Z) , sans
Pour coder un tel message, il suffit de
savoir coder chaque nombre entre O et
espace ni accent ou signe de ponctua- 25. Une idée pour ce faire est d'utiliser
tion. Ainsi, le message « Tangente est la multiplication dans "1l../ 26"1l.. (l ' en-
mon magazine préféré » devient TANGE semble des nombres entre O et 25, voir
NTEES TMONM AGAZI NEPRE FERE l'encadré Calculs dans "1l.. /26"1l.. ), qui
où nous avons groupé les lettres par cinq consiste en la multiplication ordinaire
pour que cela reste lisib le. Ces vingt-six dont on ne garde que le reste dans la
lettres peuvent être codées numérique- division par 26. Ainsi , 12 fois 7 vaut 84
ment de Oà 25, par exemple en utilisant normalement , donc 6 dans "1l.. / 26"1l..
le tableau suivant : puisque 84 = 3 x 26 + 6.
Un tel multiplicande constitue la clef
ABCDEFGH I J KLM du chiffrement. Si nous utilisons 7
0 2 3 4 5 6 7 8 9101112 comme clef, notre message commence
par 19 fois 7, soit 3 puisque 19 fois 7
NO P Q R ST UV W X Y Z vaut 133 qui a pour reste 3 dans la divi-
13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 sion par 26. Nous continuons ainsi
pour obtenir: 3, 0, 13 , 16 , 2, 13 , 3, 2,
Codage des lettres de Notre message devient alors une suite 2,22,3,6,20, 13 , 6,0, 16,0, 19 , 4, 13 ,
l'alphabetpardes de chiffres: 19,0, 13,6,4, 13, 19,4,4, 2, 1, 15,2,9, 2, 15,2.Cettesuitepeut
nombres de0à25. 18, 19, 12, 14, 13, 12,0,6,0,25,8, 13, alors être convertie en lettres en utili-
4, 15, 17,4,5,4, 17,4. sant le tableau précédent à l'envers , ce

116 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

qui donne:
DANQC NDBBW DGUNG AQATE
Calculs dans z / 2&z
NCBPC JCPC . Traditionnellement, nous notons "l!../26"1!.. (ou "l!.. /26) l'en-
semble des nombres de O à 25. Les résultats des trois opé-
Déchiffrement, décryptement rations (addition , soustraction et multiplication) sont
ramenés à Z/26"1!.. en prenant leur reste dans la division
Pour déchi ffrer, nous de vons déte rmi- par 26. Ainsi , dans ce contexte, 13 + 14 = 1 puisque le
ner l'opération inverse du chiffrement. reste de 27 dans la division par 26 est 1. De même,
Po ur ce la, no us c he rc ho ns s i 7 a un 2 x 13 = 0 et 7 x 11 = 25. Le premier résultat montre que
inverse dans Z/26"1!... C'est bi en le cas 2 et 13 ne sont pas inversibles. De façon générale , un
et nous trouvons qu ' iI est égal à l 5 ( voir nombre non nul de Z/26"1!.. n'est pas forcément inversible.
l'encadré Calculs dans "l!../26"1!..) . Il est
diffic ile de trouver ce nombre ( 15) mais Claude Gaspard Bachet de
fac il e de vé rifi e r a p osterio ri qu ' il Méziriac (1581-1638) est l'au-
convient pui sque 7 fo is 15 vaut 105 , teur de la traduction latine de
dont le reste dans la divi sion par 26 est l'Arithmétique de Diophante
1... Il suffit donc de multipli er par 15 dans les marges de laquelle
pour déchiffrer. Remarquons à ce ni veau Fermat nota l'énoncé de son
qu e to ute clef ne do nne pas un code fameux théorème. On doit de
déchiffrable. Pour cela, il est nécessaire plus à Bachet la première preu-
d' utili se r un é lé me nt in ve rs ibl e de ve connue du théorème qui
"l!../26"1!..,c'est-à-dire un nombre premier porte aujourd'hui son nom.
avec 26 ( voir l'encadré).
Si on ne connaît pas la clef, nous disposons Le calcul des inverses dans un anneau modulaire comme
de deux méthodes pour casser le code. Z/26"1!.. est une application du théorème de Bachet selon
Premiè reme nt , nous pouvons essayer lequel l'équation au + bv = pgcd (a, b) où a et b sont
les onze clefs possibles. Deuxièmement, connus a toujours une solution en u, v. De plus, on peut
nous pouvons utili ser la méthode des en trouver une en utilisant l'algorithme d'Euclide .
fréquences pui sque notre méthode cor- À titre d ' exemple, appliquons-le aux nombres 26 et 7 en
respond à une simple substitution alpha- commençant par diviser 26 par 7. Le quotient est 3 et le
bétique. Nous ne rev iendrons pas sur la reste 5. Celui-ci peut donc être écrit sous la forme
question : e ll e est dévelo ppée dans le 26 u + 7 v, en l'occurrence : 5 = 26 - 3 x 7. Nous recom-
hors-série 26 de Tangente, Cryptogra- mençons avec 7 et 5, le reste (2) peut encore être écrit
phie et codes secrets. L'art de cacher , sous la forme 26 u + 7 v puisque 2 = 7 - 5 , soit :
comme dans notre li vre sur l 'Uni vers 2 = -26 + 4 x 7. Nous divisons alors 5 par 2 et il en est
des codes secrets. de même du reste (1) : 1 = 5 - 2 x 2, soit
l = 3 x 26 - 11 x 7 . Nous avons donc trouvé une solu-
lnteruention des matrices tion à l'équation de Bachet . .. et il en est toujours ainsi.
En remarquant que 11 + 15 = 26 , nous en déduisons :
En 1929, I'A méri ca in Lester Hill e ut 15 x 7 = 1 + 4 x 26. Donc, 7 est inversible dans "l!.. /26"1!..
l' idée de généraliser cette méthode en rem- et son inverse est égal à 15. Il en est de même de tous les
pl açant les éléments de "l!../26"1!.. par des nombres dont le pgcd avec 26 est égal à 1, c'est-à-dire des
matrices carrées d 'ordre 2 sur ce même nombres impairs non divisibles par 13.
ensembl e. Bien entendu , comme pré-
céde mment , les matrices do ivent être
in versibl es dans "l!../26"1!.., c'est-à-dire
Les codes de Hill sont attaquables
qu e le ur d é te rmin a nt d o it l 'ê tre . par la méthode du mot probable.

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 117


ACTIONS Matrices et codes secrets

lester Hill est bien la matrice ide ntité dans


"ll.. /26"ll.. . Nous codons alors le message
En 1929, Lester Hill a publié un article sur l'utilisa- en groupant les chiffres deux par deux.
tion des matrices pour chiffrer un message dans un Ainsi , le premier groupe est 19, O.
journal éducatif. Il s'agit donc plus d'un exemple Nous calcul ons le produit matric iel
d'utilisation des matrices que d'un chiffre destiné sui. vant : A x ( 19) ce qui. donne ( 38)
réellement à cacher. De fait, il demande des amélio- O 19
rations pour offrir une bonne sécurité. soit 12, 19. Le second groupe est 13 , 6,
1
ce qui donne A x ( :) , so it 4, 2 1.

Autrement dit, nous utilisons une matrice On continue a insi, mais comme le
(: !) où le nombre ad - be est impair nombre de chiffres est impair, on ajou-
te un O à la fi n . On obtient : 12, 19, 4 ,
et non multiple de 13. Cette matrice sera 21, 21, 4, 6, 7, 20, 2, 20, 9, 15 , 14, 24 ,
la clef de chiffrement. Un calcul fasticlieux 12, 12, 6, 12, 1 , 20, 1, 11 , 3, 7, 2, 15,
mais simple montre que le nombre de 18, 8, 4. En lettres, cela donne:
clefs possibles est égal à 157 248, ce qui MTEVV EGHUC UJPOY MMGMB
n'est guère important pour une attaque UBLDH CPS IE .
par fo rce brute, c'est-à-dire en essayant Pour déchiffrer, il suffit de multipl ier
toutes les possibilités. Cependant , il est par la matrice in verse. Comme le chif-
fac ile de généraliser la méthode à des fre ment se fa it par groupe de deux
matrices d'ordre 3, 4 ou 5. Le nombre de lettres, la méthode des fréquences ne
clefs y est autrement plus important , ce suffit plus pour décrypter, c'est-à-dire
qui la prémunit d ' une attaque par fo rce déchiffrer sans connaître la clef. En
brute. Cependant , même s' il vaut mieux effet, le nombre de digrammes est de
l' appliquer avec des matrices d 'ordre 5 , 26 x 26, soit 676. De ce point de vue ,
no us la décriron s compl ète ment uni- la méthode peut être rapprochée de
quement dans le cas d 'ordre 2 pour ne celle de Pl ayfair, rendue célèbre par
pas compliquer inutilement les calcul s. son utili sati on par John Fitzgerald
Kennedy pendant la Seconde Guerre
Prenons par exemple la matrice mo ndi ale . Co mme dans ce cas, la
méthode du mot probable reste adap-
A=( ~ } ), dont le déterminant vaut
0 tée. Pour montrer comment elle fo nc-
35 , qui est bien inversible. Son inverse tionne, imag inons un autre message
dans ~ se calcule fac ilement, il s'agit codé par la même méthode, mais en
de I._( 20 5
35 - 1
- ). Dans "ll../26"ll.., l' inverse
2
changeant la clef.
Supposons que nous interceptions un
de 35 est égal à 3 pui sque 3 fo is 35 message chi ffré de cette manière, donc
vaut 105 , dont le reste dans la di vision avec une matrice 2 X 2 : NCPDN
par 26 est 1. L' inverse de la matrice A IFMGD YWDKJ GZYGF TSGM , et
20 5 60 15 que nous soupçonnions qu ' il commen-
est donc 3 x ( - ) = ( - ),
-1 2 -3 6 ce par le mot « ordre » . Dans ce cas ,
. A- ' = ( 8
soit
23
11) . 0 n peut ven
6
, .f.1er ce notons A = (: !) la matrice de chif-
résultat en effectuant la multiplication frement. Dans celui -ci, OR dev ient NC
1
de A par A- 1 ; on trou ve 131 52) qui. donc A X ( )~) = ( :) et de même :
( 468 13 1

ri 18 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

1 suffi t pas d ' util iser des matrices


A x ( ~) = ( ;) (DR devient PD) . Cela
1 d 'ordres plus importants, même si cela
équi vaut à deux systèmes de deux est utile, il faut égale ment rendre diffi-
équations à deux inconnues : cile la reconnaissance de mots pro-
14a+ l7b= l3 {14c+ l7d=2 bables. Ceux-ci sont souvent légions,
et .
{ 3a + 17b = 15 3c + 17 d = 3 comme l'ont montré les erreurs alle-
Ces systèmes se résolvent comme dans mandes de la Seconde Guerre mondia-
le corps des réels, mais en prenant garde le dans l'emplo i de la machine
que les calculs se font dans "ll./26"11., où Enigma. Une idée simple est de com-
le calcul d' un inverse peut être délicat (voir mencer par coder en ASCII, ce qui
! 'encadré Résolution d'un système dans revient à travailler dans "ll./256"11., et
un anneau) . Nous trouvons : a= 2, b =3, d'appliquer une compression du texte
c = 7 et d = 2, et obtenons donc la clef par la méthode de Huffman , par
1 exemple . Celle-ci va en effet traduire le
de chiffrement : A= ( ; ~).
mot probable d ' une façon non « facile-
Pour décrypter le message, il reste à ment prévisible ». Le chiffre obtenu en
déterminer l' inverse de A. sera fortement amélioré.
4 7 H.L.
On trouve : A_, = ( ).
25 2
En appliquant cette matrice à la suite
13,2, 15,3, 13,8,5, 12,6,3,24,22,3,
Résolution d'un svstème dans un anneau
10,9,6,25,24,6,5, 19, 18,6, 12,on , {14a+l7b=l3
Pour resoudre , on retranche la seconde
obtient : 14, 17,3, 17,4,3,0, 19, 19, 0 , 3a+l7b-15
16,20,4, 17,0,3,8,23,7,4,20 , 17 ,4, équation à la première, on obtient 11 a= 24. Comme l' in-
18 soit : ORDRE D ATTAQ UER A verse de 11 est 19, puisque 11 multiplié par 19 vaut 209
DIX HEURES. Le fait que le message dont le reste dans la division par 26 est 1, a est égal à 24
ait un sens confirme que notre décryp- fois 19, soit 14. En remplaçant dans la seconde équation
tement est le bon. Le chiffre de Hill est =
et en utilisant l'inverse de 17, qui est 23, on trouve b 3.
donc fac ile me nt attaquable par la ' {14c +l7d=2 , d
L e second systeme se resout e meme, on
A

méthode du mot probable, même si 3c +l7d=3:


nous augmentons la taille de la matri- trouve c = 7 et d = 2.
ce. Autrement dit, sa sécurité repose
sur le secret, ce qui est toujours impru-
dent. Comme l'a éno ncé Claude Bibliographie
Shannon : dans un code secret, on do it • Cryptographie et codes secrets, l'art de
supposer que l'ennemi connaît le sys- cacher. Bibliothèque Tangente 26, 2006.
tème . .. la sécurité étant assurée par • L'univers des codes secrets de l'Antiquité
une clef (ici la matrice) que l'on chan- à Internet. Hervé Lehning, Ixelles, 20 12.
ge régul ièrement (voir le Principe de • The code Breakers . David Kahn , Scribner,
Kerckhoffs dans l'Univers des codes 1996.
secrets de ['Antiquité à Internet).

Renforcement du chiffre

Il est donc nécessaire de rendre le


chiffre de Hill résistant aux attaques
par mots probables. Pour ce faire, il ne

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente ~ 19


HISTOIRES par Jean-Jacques Dupas

les mathématiciens préfèrent les grosses...

matrices
Matrix computations: contrairement à ce que ce nom laisse
entendre, nous ne sommes pas en présence d'un nouvel opus
de la série Matrix. Il s'agit d'un ouvrage, d'ailleurs plus connu
pour les numériciens que le film ! L'histoire de l'analyse
numérique est indissociable de celle de l'un des auteurs de cet
ouvrage, Gene Golub.

i vous cherchez à inverser ou dia- ciel pratique. Car il ne fa ut pas s'y trom-

S gonaliser une matrice , vous avez


forcément une solution efficace
dans un livre, véritable bréviaire du cal-
per (et vo us l' ig noriez pe ut-être) : la
plupa rt des ordinateurs de la planète
passe nt le ur temp s à m a nipul er des
cu l numérique : Matrix computations, matrices. C'est bien pour cette raison que
qui est le vade-mecum du calcul matri- Matrix computations est un best-seller
(nou s en sommes à la troisième éd ition ,
plus de cinquante mille exemplaires ont
été vendus, et plu s de dix mill e réfé-
rences dans des artic les pointe nt sur cet
ouvrage). Ses auteurs sont Gene Howard
Golub ( 1932-2007) e t Charles Francis
Van Loan (né e n 1947). Comment ce
livre est-il né ?

L' Américain Roger Alan Horn (né en


1942) ava it fondé le département de
ma thé mat iqu es à l' univers ité Johns-
Hopkin s. Avec les John s H opkins
Press, il publiait des monographies
courtes re pre nant des cours. Il ava it
Blason de de la prestigieuse université inv ité Gene Golub à dispenser un de
de Standford (Californie, États-Unis) ses cours. Charlie Van Loan éta it pré-
où Gene Golub exerca à partir des sent et pensait que le cours de Go lu b
années soixante. ferait un livre excelle nt. Il s décidèrent

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

d'essayer d 'écrire cette monographie.


Selon Golub , toujour s mode s te ,
Charlie Van Loan es t le principal Gene Howard
auteur du livre, et son âme. L' hi stoire Golub
de Gen e Golub pe rmet e n fait de (1932-2007).
retracer une grande partie de l' histoire
de l'analyse numérique.

les débuts

Gene Howard Golub est né le 29


février 1932 de Bernice e t Nathan
Golub . Sa mère é tait originaire de
Lettonie et son père d 'Ukraine . Tous
les deux étaient arrivés indépendam-
ment aux États-Unis en 1923 et
s'étaient installés à Chicago , ayant
des pare nts déjà dan s la ville. Gene
naît au cœur de la grande dépress ion ,
trois ans après son frère ainée Alvin.
À 12 ans, il commence à travailler lui offre alors un poste d'assistant
dan s la pharmacie de so n cousin dan s le laboratoire d ' informatique ;
Sidney. Alors qu ' il est au lycée, ses nous so mmes en 1953. De la sorte,
parents divorcent et son père meurt Golub se familiarise avec les pro-
l'année suivante , en décembre 1948 . blèmes pratiques que les informati-
Au départ, Gene voulait devenir chi- ciens rencontrent.
miste. Pui s il découvrit la géométrie
analytique et le calcu l, et sa passion À l' université d'Illinois, Gene Golub
débuta. li suivit des cours de mathé- croise le Britannique David John
matiques à l'univers ité de Chicago , Wheeler (l 927-2004), qui développe
puis décida d'aller à l ' université les routines de base. Golub ne suivra
d ' Illinoi s à Urbana-Champaign pour jamais de cours d'analyse numérique ,
sa licence . Une déc ision qui changera mais apprendra en essayant de com-
sa vie, car parmi les cours qu'il sui - prendre les élégants programmes de
vra figure un cours sur les matrices Wheeler.11 rencontrera également l' in-
de Franz Edward Hohn . Licencié, formaticien britannique Stanley Gill
Golub suit les cours du fameux stati s- ( 1926-1975).
ticien Calyampudi Radhakri shna Rao . Bien plus tard, Golub travaillera pour
Pendant ce cours, il apprend plus sur l'accélération de l'algorithme PageRank
les matrices que sur les stati stiques ; de Google : sans le savoir, vous utili-
il devient vite familier de la manipu - sez tous le s jours les travaux de
lation des matrices. Golub ! Il recevra en échange un cer-
Gene Golub avait un travail à temps tain nombre d 'actions Google , qu'il
partiel chez un phy sicien travaillant donnera pour la plupart afin de fonder
sur un accélérateur. Il apprend à pro- la chaire Paul-et-Cindy-Saylor à l' uni-
grammer l' ILLIAC , l' un des premiers versité d ' Illinois . Il di sa it que ce
ordinateurs de l'époque. John Nash cadeau en disait long sur l' importance

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 121


HISTOIRES Les mathématiciens...

méthode de réduction cyclique pour la


résolution de certains systèmes
linéaires, permettant la construction
de solveurs de Poisson rapides. Mais
quand on demandait à Gene ce qui
définissait sa carrière, il ne mention-
nait pas telle contribution ou tel
artic le scientifique : il parlait des
gens. li louait ses étudiants et aimait à
répéter qu ' il avait eu de la chance de
les rencontrer.

Par ailleurs, Golub a rendu d 'énormes


Publications de SIAM. services à la communauté de l'infor-
www.siam.org matique scientifique. Il fut président
de la Society for Industrial and
Applied Mathematics (SIAM) et joua
qu'avait eue l'université d'Illinois un rôle central en fondant le Conseil
dans sa vie ... international pour l' industrie et les
Abraham « Abe » Haskel Taub ( 1911 - mathématiques app liquées. Il est le
1999) prend Golub comme étudiant. fondateur de deux journaux impor-
C'était un proche de John von tants du SIAM, le SIAM Journal on
Neumann et un spécialiste de mathé- Scientific Computing (le Journal du
matiques appliquées. Taub donne jus- SIAM de l' informatique scientifique)
tement à Golub un papier de von et le SIAM Journal on Matrix
Neumann, sur l'utilisation des poly- Analysis and Applications (le journal
nômes de Tchebychev dans la résolu- du SIAM de ! 'analyse matricielle et
tion des systèmes linéaires. Ce papier de ses applications). Il a enfin fondé
sera décisif dans la direction que pren- NA-NET et NA-Digest, des outils de
dront les recherches de Golub . Il travail et de réseaux indispensables
obtient ensuite une bourse et part à pour la communauté de l 'a lgè bre
Cambridge pour quinze mois, jusqu'à linéaire numérique.
l'été 1960. Après quelques mois pas- J.-J.D.
sés dans l'industrie, Golub accepte en
août 1962 un poste d 'ass istant au Références
département de mathématiques de • Matrix computations. Jean-Jacques
Stanford , qu ' il ne quittera plus. Dupas, Tangente 120, 2008.
• Gene H. Golub Biography. Chen
Une carrière bien remplie Greif, Oxford University Press,
2007, en anglais, disponible en ligne
Golub a écrit ou co-écrit autour de à l'adresse suivante:
deux cents articles dans les meilleurs http://fds .oup.com/www.oup.co .uk/
journaux. Sa contribution la plus pdf/0-19-92068 1-3 .pdf
conn ue est la décomposition en • Matrix Computations. Gene Golub
valeurs singulières (ou SVD, pour sin- et Charles van Loan, Johns Hopkins
gular value decomposition). On peut University Press, 1996 pour
éga lement citer l'invention de la la troisième édition.

~ 22 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


ACTIONS par Daniel Justens

Calculs matriciels
en statistique multiuariée
Les bases de données statistiques sont comme de grands
tableaux de nombres. L'usage des notations matricielles
simplifie alors le formalisme. La collecte des données se fait
progressivement, relativement à chaque unité statistique
interrogée, et en notant les observations ligne par ligne.
vations dans l'espace à k dimensions

L
'obs:rvati~n quan~ifiée de p~é-
nomenes econom1ques , soc10- (k > 3) sont en effet difficiles à visua-
log iques ou autres vise li ser par notre cerveau formaté pour un
essentiellement à la construction de espace à deux ou trois dimensions. Le
modèles uti lisables soit par leurs aspects cadre est ce lui de la construction de
prédictifs , soit en vertu de leur puis- composantes.
sance explicative. Deux optiques peu-
vent être développées . Collecte de l'information, régression
On peut s'intéresser à une variable par-
ticul ière, notée Y, que l'o n suppose La collecte d'observations statistiques
dépendante de k variables X 1, ~ , ••• , Xk multivariées se fait à partir d'indivi-
indépendantes entre elles et qualifiées dus, encore appelés unités statistiques
d'explicatives . La relation s'écrit for- et désignant toute entité abstraite ou
mellement Y= f(X 1 , X 2 , ... , Xk), et on concrète à laquelle ! 'observateur est
se place dans le cadre de la régression , susceptible d 'assoc ier une valeur à Y et
qu i tend à paramétrer « au mieux » un vecteur de valeurs à (X 1, X2 , •.. , Xk).
(dans un sens à définir) la fonction f Supposons que nous disposions de n
en tenant compte des observations. unités statistiques. Afin de particulari-
On peut aussi étudier directement les ser chaque observation du vecteur, on
k variables X" X 2 , ... , Xk en tentant utilise une notation doublement indicée.
de mesurer et d'utiliser « optimale- Le premier indice va être relatif à la
ment » leur niveau de dépendance . Le variable, le second au numéro de l' unité
but de la démarche consiste à donner statistique. Comme les observations
du système observé une représentation sont notées ligne par ligne (chaque ligne
conviviale et interprétable en réduisant correspondant aux valeurs associées
sa dimension à une ou deux : des obser- pour chaque variable à un individu) ,

ri 24 Tangente Hors-série n °44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

l'ord re des indi ces se ra « co lo nne-


ligne » : X;Jest do nc située à la li g~ej
de la co lo nne i e t re prése nte la /me
observatio n de la variab le X;. On se
tro uve do nc à l'opposé de la notati on
usuelle « ligne-colonne ». Dans la suite,
nous noto ns Y le vecte ur co lonne des
observati o ns de la variab le Y et X la
matrice des observat ions X;J·

Le cas le plu s s impl e est ce lui de la Karl Pearson


régress ion li néa ire. O n suppose q ue la (1857-1936).
variable dépendante Y pe ut s'ex primer
comme combinaison linéai re des valeurs
des k variab les ex pl icat ives X;. For-
mellement, si B est le vecteur co lo nne
des coeffic ients de cette combin a ison
linéa ire, notre modè le se no te par le Composantes principales
vecteur co lonne X B. O n note Y le vec-
teur colo nne des observatio ns, et l'on Considérons à prése nt la seule matrice
peut introd uire alors le vecteur colonne X. Ces observations constituent un nuage
E des écarts (erre urs) e ntre o bserva- de po ints da ns un es pace à k dime n-
tions et va leurs prévues par le modè le : sio ns. L' idée est de se représenter ce
E = Y - X B . La somme des carrée des nuage dans un pl an de façon à v isuali -
erreurs corres po nd à la fo rme 'Ex E, ser les proximités et les différences des
da ns laque ll e 'E représe nte le vecteur unités stati stiques.
ligne tra nsposé de E. La méthode cl as- Pour y arri ver, on propose
s iqu e LSS (least sum of squares, o u de re mpl acer les vecte urs
mo indre so mme des carrés) v isant à observés (qui constituent les ,,!
min imi ser 'Ex E va li vrer un systè me li gnes de la matri ce) par
de n équati ons à n inconnues qui per- une ou deux valeurs (repré-
met généra le ment de calibre r B. No us sentation dans le plan) qui
passons ic i sur les problè mes de co li - en sont des co mbina isons
néarité appara issant lo rsqu e deux ou linéa ires, tout en conser-
plu s ieurs va ri abl es ex pli cati ves so nt vant un max imum d ' in-
dépenda ntes en partie (corré lation signi- for mation .
ficat ivement d iffé re nte de 0) et que le Ce qui fa it le conte nu de
ca librage est fo rte ment affecté par les l'information,c'est la varia- j
observations. Cec i se comprend intui - bilité des observations. En
tive me nt : e n cas de dé pe nda nce, le économie ou en sociologie, Exemple type d ' une analyse
système à résoudre est proche d ' un sys- la co nsta nce d ' un para - en composante principale (ACP).
tè me indé terminé . .. mètre ne s ignifi e j ama is Le nuage de points est représenté
O n peut auss i adjoi ndre une constante que la no n-conn a issance dans un plan.
add iti ve au modè le e n y introdui sant d e sa va ri a b i lit é ! Il
une variable X0 prenant systématique- conv ient do nc de construire des co rn-
me nt la va le ur I e t e n aj o uta nt un e binaisons linéa ires des observatio ns de
colonne de « 1 » à X. variance max imale. Les ac tivités de ce

Hors-série n• 44. Les matrices Tangente 125


ACTIONS Statistique multivariée

En considérant le produit matric ie l


_!_, X, X, , on vérifie que ce dernier cor-
n
res pond , e n variables réd uites, à la
matrice variances-covariances (ou
matrice variances-corrélations), notée
R , qui comprend des I sur la di agonale
(variance d'une variable réduite) et les
corré lations entre X;,,. et Xj,,. aux empla-
cements (i,j) et U, i).
Notons enfin A= 1(a 1, ... , ak) la matrice
(o u le vecteur) co lonn e de l' une des
transformations lin éa ires c he rchées.
Cette dernière donne comme valeur le
vecteur colonne XrA, de variance:
_!_, A ' X X A=' ARA
n ' ' .
On sait que la matrice carrée R est symé-
trique (car la corrélation entre X; et Xj
est identique à la corré lation entre \
et XJ Cette propriété permet d'étendre
certa ines formules courantes de déri -
vation au calcul matriciel.

Joseph-Louis Lagrange (1736-1813). Il faut déjà se convaincre qu'il est impos-


s ible de max imi se r la variance sa ns
type portent le nom d 'anal yse en com- imposer de conditions aux éléments de
po sa nte s principa les (AC P) e t so nt A. En effet, si ses va le urs a 1 ... ak ne
issues des travaux du stati sticien contro- so nt pas bridées, alors e n les faisant
versé Karl Pearson (1857-1936), tri s- croître indéfiniment on peut faire tendre
tement célèbre par ai lleurs pour ses la variance de la combinaison linéaire
positions e ugéni stes. Xr A vers l'i nfini . Cette constatation se
Avant de co mmencer toute manipul a- voit confirmée par calcu l direct: le seul
tion , il fa ut pre ndre consc ie nce du fa it extremum libre de 1A RA est un mini-
que la variance d' une variable statistique mum constitué du vecteur ide ntique-
est dépe ndante du système d ' unités de ment nul (0, 0, ... , 0), leq ue l correspond
mesure choi si. Une unité di x fois plu s à une variance également nulle, toutes
petite li vre des observations dix fois les observat ions étant « résumées » par
plus grandes, de variance cent fois plus l'ori g ine. Le ca lcul des dérivées par-
é levée. Il convient de se débarrasser tielles relativement aux composantes
avant tout de cette influence en ne consi- de A peut être noté comme suit :
dérant que les variab les réduites :
a' ARA= 2RA
Va leur observée - Moyenne aA '
Écart type générali sant formellement la dérivation
inscrites dans la matrice (i ndicée par r) d' un carré . Le système obtenu par annu-
Xr. lation des dérivées partielles est donc

126 Tangente Hors-série n °44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

homogène. S'il n 'est pas indéterminé ,


ce qui est infiniment peu probable , il
n ' admet que la solution triviale A= 0 Siège de l'lnsee.
(abu s de notation).
Il faut donc se tourner vers la recherche
d'un maximum sous contra inte en uti -
li sant les multiplicateurs de Lagrange .
En choisissant d ' imposer la contrainte
I
A A = 1 aux éléments de A, on garan-
tit la conservation des di stances, refu-
sa nt toute homothétie et donc tout
gonflement des écarts.

Considérons à présent la fonction

et calculons ses dérivées partielles. L'an-


nulation des k premières conduit au sys- aux deux plus grandes valeurs de À pour
tème de k équation s être à même de transformer le nuage
de points en nuage planaire tout en
2RA-2À.A=0, conservant un maximum d ' information.
équivalent à (R - À l)A = 0 On peut même quantifier l'information
(où I désigne la matrice identité). disponible dans la réduction planaire
du nuage . En effet, les variances des k
L' annulation de la dernière dérivée , variables de départ sont toutes égales
relativement à À, redonne la contrainte. à 1. Si ces variables sont indépendantes
Pour sortir de la so lution triviale du (ce qui est le cas si on en fait une repré-
premier système , il faut imposer à celui- sentation dans un espace à k dimen-
c i d'être indéterminé. Son déterminant sions) , alors la variance associée à leur
doit être nul. Ceci revient à donner à À so mme sera égale à la somme de s
une valeur vérifiant det[R - À I] = O. variances, soit k. En retenant pour notre
Notre problème se résume finalement pl an les valeurs propres les plu s éle-
à la recherche des valeurs propres de vées, À. 1 et À. 2 , on conserve la fraction
la matrice R. Cette équation de degré (À 1 + À. 2) / k de l' information initiale .
k admet généra lement k so lutions . Cette façon de faire permet donc une
représe ntation efficace d ' une partie
Sous notre contrainte (1 A A = 1), on connue de l' information disponible
montre par s imple calcul direct que dan s la base de données initiale . On
chaq ue valeur propre À mes ure très peut aussi donner une interprétation
exacte me nt la variance de la combi- géo métrique de la démarche. Le p lan
naison linéa ire obtenue par résolution retenu est le plan contenu d ans l'es-
du système compl et obtenu pour cette pace initi al à k dimen sion s tel que la
valeur (k équations linéairement dé pen- projection orthogonale des observa-
dantes, donc k - 1 degrés de liberté, tions sur ce plan présente un max imum
plus la contrainte imposée) . Il s uffit de dispersion.
donc de retenir les solution s associées D.J.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente 127i


SAVOIRS par François Lavallou

les matrices de
La qualité des communications modernes repose sur la capacité
à s'affranchir du bruit et des interférences dans un signal.
Parmi les nombreuses structures mathématiques utilisées en
théorie des codes correcteurs d'erreurs apparaissent les
matrices de Hadamard.
es matrice~ de Hadamard pos-

L sèdent une structure des plus


simples : e lles sont carrées et
leurs vecteurs colonnes, constitués uni- Cette inégalité est connue sous le nom
quement de + l ou de - l , sont ortho- d'inégalité de Hadamard. Le détermi-
gonaux. Elles po1tent le nom de Jacques nant est la somme de tous les produits
Hadamard , mais James Joseph Syl- den termes , un par li gne et un par
vester, inventeur du terme « matrice » colonne, affectés par un coefficient
et pionnier de la théorie des déterminants , - 1 ou+ 1. Ces produits sont au nombre
fut sans doute le premier à les avoir den! . Si les termes de la matrice sont
étudi ées systématiq uement. Il mit au majorés en valeur absolue par le nombre
point, en 1867, une méthode de construc- positif M (c'est-à-dire si la;) :SM ),
tion de telles matrices d 'ordre 2", pour alors chaque produit de n termes est
toute valeur den. Objet d 'étude depuis majoré par M" et donc Idet(A) 1 :S n!M".
plus de cent quarante ans, les struc- L'inégalité d'Hadamard fournit la majo-
tures de ces matrices , aux multiples ration Idet (A) 1 :S n"12 M" , qui est bien
applications, renferment encore de nom- plus préci se. Cette relation a été conjec-
breux secrets. turée par Lord Kelvin (1824-1907) et
démontrée en 1885 par Thomas Muir
Inégalité de Hadamard (1844-1934) pour des nombres réels.
L' inégalité de Hadamard a une inter-
Considérons une matrice A de rang n prétation géométrique simple. En notant
uj = (a 1J ... a 11 ) les vecteurs co lonnes
et de terme général ( a ;.j ) 1.;_.,, • Hadamard
l,s;j:Sfl de la matrice A, elle s ' écrit
a établi en l 893 la majoration su ivante de
la valeur absolue du détermjnant de A : ldet(A)I :S ùllu,IJ.
128 Tangente Hors-série n°44. Les matrices
LES MATRICES SONT PARTOUT
1

Hadamard note que l'on a l'éga lité si,


et seul ement si, les termes Ia;) sont
constants et les vecteurs colonnes (u)i s_;,;,,
orthogonaux. Cette inéga lité signifi e
donc que le volume I det (A) 1 du paral-
lélép ipède co nstruit sur les vecteurs
(u)i sjs" est max im al qu and ces vec-
teurs so nt orthogonaux .

Le déterminant des matrices H11 d'ordre


n, constituées de coefficients réels égaux
à± 1 avec ses vecteurs co lonnes ortho-
gonaux, est donc extrémal. En effet,
nous avons H11 'H11 = n 111 , où 111 est la
matri ce unité , et la borne supéri eure de
l' inégalité de Hadamard est bien atteinte
puisque (det (H))2 = n" . Ces matrices
réelles, quand elles ex istent , sont nom-
Jacques Hadamard
mées matrices de Hadamard o u H- Mathématicien universel, Jacques Hadamard (1865-
matrices. Hadamard a dé montré qu e 1963) s'est intéressé principalement à la théorie des
les ordres poss ibles d ' une telle matrice nombres, à l'analyse mathématique et à la mécanique,
sont n = 1, n = 2 ou les multipl es de 4 mais aussi aux langues, à la musique et surtout à la bota-
(vo ir en encadré). Par un e méthode nique. Son résultat le plus célèbre est certainement la
récursive, Sylvester a construit de telles démonstration en 1896, conjointement avec Charles-Jean
matrices d'ordre n =2m. Dans ce qui suit, de La Vallée Poussin, du théorème des nombres premiers.
nous notero ns les va leurs + l ou - 1 Il a laissé son nom aux matrices éponymes utilisées en
simplement par leur signe. Les matrices traitement du signal, pour la compression des données et
de Hada mard sont g lobalement inva- dans des algorithmes quantiques. Il existe aussi une pseu-
riantes par permutation ou changement do-transformation de Hadamard en cryptographie. Très
de signe des vecteurs, lignes ou colonnes impliqué dans la vie politique et sociale, il écrira sur
les constitu ant. Nou s pouvons donc ne l'éducation et la psychologie de l'invention.
considérer que les matri ces possédant Georges Colomb (1856-1945), directeur du laboratoire
des va leurs pos iti ves sur leur première de botanique de la Sorbonne, était un ami de la famille
li gne et leur première co lonne. Hadamard. Il se considérait comme l'inventeur de la
La H-matrice d 'ordre deux est alors bande dessinée. Il créa, sous le nom de Christophe, le
personnage du savant Cosinus, dont on peut imaginer
H2 = (: :) .
qu'il fut inspiré par la grande distraction et l'excentricité
À partir de cette matrice , on construit du « petit père Hadamard », comme le nommait ses
des matrices de Sylvester-Hadamard contemporains.
d' ordre n = 2111 en utili sant la rel ation Jacques Hadamard, un mathématicien universel.
Vladimir Maz'ja et Tatyana Shaposhnikova , EDP sciences, 2005.

On multiplie chaque terme de la matrice


H 2 par la matri ce H 2., pour obtenir la
matri ce H 2 • . Par exe mpl e, on obtient
H4
= l(: : : :\!
+ + - -
.

de la sorte + +

Hors-série n° 44. Les matrices Ta.ngente 129


SAVOIRS Les matrices de Hadamard
m- 1
Hadamard a réussi à construire des décomposition binaire est i = }: i, x 2',
matrices d'ordre 12 et d'ordre 20, mais k·O

on ne sait toujours pas s'il en existe le vecteur (i 0 , i 1 , ••• , i,,,_1), possédant m


pour tous les multiples de 4. La conjec- composantes. Alors, le terme général de
ture d'Hadamard avance que c'est bien la matrice Hz. est
le cas. ( H,. ).. = (-1
- 1.;
r ··· .i• . ,>.u, . .. .i • . ,> '
m-1
La construction de ces matrices de Syl-
où (io, ... , im _,).<Jo, ... ,jm_ ,)= 2>, j, est
vester-Hadamard s'effectue de façon ité- k-0
rative , mais nous pouvons néanmoins le produit sca laire des deux vecteurs
accéder directement à la valeur d ' un (i 0 , ... , i,,,_1) et U0 , ... ,J,,,_1). Ces pro-
de ces termes. Associons à chaque priétés permettent de définir la trans-
nombre entier O ~ i ~ 2 111 - l , dont la formation de Wal sh- Hadamard (vo ir
en encadré), utili sée en traitement des
la transformation signaux , qui est l'équivalent d'une trans-
formée de Fourier discrète.
de Walsh-Hadamard
Imageries codées
Les fonctions de Walsh sont définies sur l'intervalle [0,
1]. Les fonctions d ' ordre 2n prennent les valeurs + 1 ou Les matrices de Hadamard trouvent par
- 1 sur des segments de longueur 2-n, et l'ensemble de exemple des applications en théorie du
ces valeurs constituent les lignes de la matrice de Hada- codage, en morphologie mathématique ,
mard Hz· · Elles forment donc une base orthogonale de en communications, en théorie des
l'intervalle [0, 1), semblable à la base de Haar utilisée réseaux et en statistique . La transfor-
pour les ondelettes. Elles jouent le rôle dans la trans- mation de Hadamard est un outil de
formée de Hadamard des fonctions sinusoïdales dans la traitement en imagerie , dans le cas par-
transformation de Fourier. La transformée de Hadamard ticulier de masques à ouvertures codées.
permet des algorithmes de calcul économiques. Le principe général d'une imagerie
Pour calculer directement l' image s'inspire des chambres noires. On perce
un trou dans un écran opaque au rayon-
nement et on récupère le signal sur un
w=H4l(:\J=l(~
c 1
-1
1
1
-1
~I\Jl(:\J=(l::::::~\J,
-1 c a+b-c-d
détecteur en face arrière. La netteté de
l'image est d'autant plus grande que le
d l -1 -1 l d a-b-c+d
trou est petit, ce qui induit un signal
douze additions et soustractions sont nécessaires. faible. On accroît alors la sensibilité
Dans le cas général d'une matrice d'ordre n, le nombre des di spositifs d'imagerie faible flux,
d'opérations est n(n - 1). comme l 'i mager ie gamma en astro-
Mais en calculant les variables intermédiaires physique, sans perdre en finesse en
perçant la face avant de nombreux

r::\J r l : : : \ J lr;::;:\J
c'
=
c+d
, on obtient notre résultat w' =
a' - c'
trous . Ces trous constituent un masque
codé dont la structure s'i nsp ire des
matrices de Hadamard . On obtient alors
ld' c-d b' -d' une image complexe constituée de la
en huit opérations seulement ! superposition de plusieurs images de
On montre qu 'en général n logz n opérations suffisent. la source , et un algorithme d 'i nver-
Le facteur de réduction est environ (l / n) logz n , soit 1 % sion, lié à la structure de l'ouverture
pour n = 2 10 = 1024. codée, est néces sai re pour extraire
l'i mage de l'objet observé.

Tangente Hors-série n°44. Les matrices


LES MATRICES SONT PARTOUT

la coniecture d'Hadamard Matrices à diagonale dominante


Les matrices d ' Hadamard con sidé- A est une matrice

l
rées dans l' article sont normalisées , ( 13 7 3\ à diagonale dominate car :
c'est-à-dire que le ur pre mière li gne - 11 1131?;;171+131,
et première colonne ne contie nne nt
que des + 1. En notant les valeurs
A= 5
-1 0 ~J l-111?;;151+121,
111?;;1-11+101.
par leur signe, pour n = 2, la seule
On assoc ie parfo is le nom d ' Hadamard à
H-matrice est H2 = (: : ) .
la c lasse des matrices qui ont la diagonale
Pour n supérieur à 3, prenon s le pre- princ ipa le stricte ment do minante, c'est-
mi er vecteur co lonne et deux autres à-dire te lles que la vale ur abso lue d ' un
que lconques . Nou s n'avons que les terme de la diagonale est strictement supé-
qu atre co mbina iso ns sui vantes de rieure à la somme des valeurs absolues des
signes poss ibles par li gne : aut res te rmes de sa li g ne : la; I> I laJ
a li gnes +++ Hadamard a effecti vement montré qu ' une
b lignes + + - telle matrice a un déterminant non nul , et
c lignes + - + est donc inversible .
d li gnes + - - So it A une matri ce te lle que chac un de
ses éléments diagon aux so it stricte me nt
où nous avons noté a, b, c, d le nombre do min ant dans sa lig ne : laJ > 4la;.J
de lignes de chaque combina ison . 1• 1

Le nombre total de lignes nous donne pour tout indice i. So it X un vecteur solu-
la re lation a + b + c + d = n, et l' o r- tion du systè me linéa ire A X = 0 et so it
thogonalité des vecteurs se traduit X; sa plu s grande composante en vale ur

par les re lati ons complé me ntaires : absolue : lx; 1~ lx) que l que so it l' indice
a + b - c + d = 0, j . Pui sque AX = 0 , nous avon s
a - b + c - d = 0,
a - b - c + d = O. "
~ a/,).x . = 0 et do nc - a .. x . = ~
LJ j 1,1LJ a1.J
1
.. x . j

~ I ~-
J .. I
L'additi o n de ces quatre éga lités No us en ti ro ns laull x;Is L ja;. l xIslx;I 2 la;J
1 1
donne 4a = n . L' ordre d ' une matr ice
de Hadamard est donc nécessa ire-
ment un multiple de 4 . La réciproque
est-elle vraie ?
que no us pouvon s éc rire laul- .l la;. 111x;IsO.
IS)'J.n
1
j .. 1

De no mbre use s rec he rc hes s ur le s Puisque la matrice A est à diagonale stric-


matri ces de Hadamard o nt été fa ites, te ment do minante , no us avon s
comme la constructi on de Paley et de
Williamson. La conjecture d ' Hadamard
la.·1-~1a.
LJ ,.,·I> 0,
1.1
J- 1
est po urtant to uj o urs d 'actu a lité . Le et la seule poss ibilité est X; = 0 ,
plus petit ordre multiple de quatre pour donc X= O.
lequel on n'a pas su construire de matrice L'équation A X = 0 admet donc pour unique
de Hadamard est. depui s 2004 , l'ordre solution le vecteur nul X= 0 , ce qui signi-
668. Av is aux amateurs ! fi e que la matrice A est inversible .
F.L.

Hors-série n° 44. Les matrices Tangente


ACTIONS par François Lavallou

'
I
emes •

eo ma r1ces
De nombreux problèmes de géométrie font appel à des
transformations admettant une représentation matricielle.
Nous allons donner pour illustration deux problèmes de
géométrie classique dont la résolution est simplifiée par
l'utilisation de matrices associées à des homographies.
a représentation matricielle des A , B, C choisis quelconques dans le

L fonctions homographiques
(décrite dans l'article les Fonc-
tions homographiq ues dans le dos-
plan : « Dans ma jeunesse, un vieux
géomètre, pour essayer mes forces en
ce genre, me proposa le problème que
sier précédent) peut être exploitée je vous proposai ; tente z de le
pour résoudre une généralisation du résoudre et vous verrez combien il est
problème de Pappus, puis, e n consé- difficile. » Tous les mathématiciens de
quence directe , un problème ... de l 'époque, dont Leonhard Euler, s'y
bi ll ard e lliptique . intéressent. C'est ]'Italien Giovanni
Francesco Salvemini da Castiglione
Problème de Castillon (1704--1791), dont le nom est francisé
en Casti llon, qui résout le problème en
Le problème de Cramer-Castillon 1776. Il raconte que, le lendemain de
s'énonce ainsi : « Étant donnés un cer- la lecture de sa solution à l'Académie
cle et trois points A, B et C, construire des sciences, il reçut une solution ana-
à la règle et au compas un triangle lytique de Lagrange !
inscrit dans le cercle dont les côtés Pierre-Simon de Laplace ( 1749-
passent respectivement par les points 1827) s'intéresse au problème dans sa
A, B et C. » Au quatrième siècle de généralité, avec n points et un n-
notre ère, Pappus d'Alexandrie avait gone. Et Lazare Carnot (17 5 3-1823)
déjà résolu le prob lème dans le cas trouve en 1803 la solution particuliè-
particulier où les trois points A , B et C rement élégante que nous allons pré-
sont alignés. En 1742, Gabriel Cramer senter. Elle s'effectue à l' aide des
(1704--1752) propose de généraliser la transformations homographiques, ou
construction en supposant les points transformations de Mi:ibius.

132 Tcingente Hors-série n°44. Les matrices


En considérant un cercle de rayon notations des transformations de Mobius ,
unité , les coordonnées d ' un point M du 1
z2 ] = M, [z, ] avec M, = ( Y, x, - ) .
cercle sont (cosa, sina) . En utilisant [1 1 x, + 1 - y,
pour paramètre la tangente de la moitié On constate que la trace de cette
de l'angle polaire, z = tan(a /2), nous matrice est nulle , car cette transforma-
obtenons une nouvelle expression pour tion est involutive , et que son détermi-
les coordonnées de M : nant det(M 1) = 1 - (~+y~) s'annule
( 1- z
2
2z \ C . . s i le point A 1(x 1, y 1) appartient au
Mi - - , , - -
2 ). e point se construit
\ l+ z l+ z cercle. En itérant le calcul sur le péri-
comme étant le second point d ' inter- mètre du n-gone, le paramètre du point
section du cercle et de la droite passant B 1(z 1) vérifie la relation
par les points D(-l , 0) et P(O , z). C ' est az, + f3
z•• , = z, = y z, + ô '
la projection de pô le D du cercle sur
l' axe des ordonnées. Le point M par-
court le cercle dans le sens trigonomé-
avec(; !)=M.x...xM,.
trique quand le paramètre z varie de Cette équation quadratique possède en
- OO à + OO, général deux solutions . Nous en pré-
Notre problème général est de déter- sentons un exemple dans le cas d ' une
miner un polygone à n côtés, ou n- configuration de Pappus .
go ne, B 1 , B 2 .. . Bn in sc rit dan s le
cercle unité dont les côtés passent res-
pectivement par les points Ai, A 2 ...
A,,. En partant d ' un point (quel-
conque) B 1 du cercle, on construit le
point B 2 comme sa projection sur le
cercle par le point A 1 •

Double solution du problème


0 de Pappus.
0
Paramétrage du cercle. Billard elliptique

On construit de la même façon tous les Considérons maintenant une table de


points B ;, avec la contrainte finale billard elliptique . Il est connu que la
B,,+ 1 = B 1• La procéd ure étant itérati- trajectoire d'une bille passant par un
ve, il importe donc de savoir détermi- foyer passera, après réflexion élastique
ner le point B2 de paramètre z2 à partir sur le bord , par l'autre foyer. De même
des points A 1(xi, y 1) et B 1(z 1). La coli- que nou s avons cherché la relation
néarité de ces troi s points se traduit , entre les paramètres z 1 et z2 dan s le
après quelques calculs , par la relation : problème de Castillon , établissons une
z, =
yz + x -1
' ' ' ou, pour reprendre les relation entre les angles el et e2de la
(1 + x,)z, - y, figure ci-dessous.

Hors-série n° 44. Les matrices Ta.ngente 133


ACTIONS Problèmes de géo-matrices

les cosinus des angles devient


T=-'-( . 1
cosa -sina
-sina) et nou s avons
I
cose, - sin a
cos e = - ~ - - -
2 1- sinacose,
Nous pouvons maintenant établir une
démonstration d'un théorème dû au
mathématicien austra li en Malcolm
Livingstone Urquhart (1902-1966),
qui stipule que si les points A, B , P, Q,
R, S sont disposés comme sur la figure
suivante, alors
Q AP+ PB =AQ +QB =>AS+ SB =AR+ RB.
Billard elliptique.

Rappelons qu'une ellipse de demi


grand axe a et demi petit axe b a pour
excentricité e = c/a,
où c =axe= '10 2 - b 2 , et pour équation
b2
polaire r = . En prenant les
a - ccose
axes de l'ellipse pour repère et en
notant x l'abscisse du point P sur le
grand axe, nous avons :
b2 x+c
lj= =--.
a - ccose, cose, Un théorème d'Urquhart.

'd . x+c • x- c
N ous en de u1sons: cos 8, = - - . Oe meme, cose2 = --. Pour une telle disposition de points, si
a+ex a-ex
les points P et Q appartiennent à une
Il s'agit de deux transformations de ellipse de foyers A et B, alors il en est
Mobius, ce qui nous permet d'éliminer de même des points R et S. Une bille
fac ilement la variab le x entre ces deux doit donc pouvoir suivre la trajectoire
expressions. APBRA ou la trajectoire ASBQA avec
les mêmes ang les . En notant T(a) et
T(/3) les matrices assoc iées à chaque
ellipse, T(a)T(/3) = ( 1+ P -S )
-S 1+ P
avec S = sin a+ si n/3 et P = sin a si nf3.
-2e / (1 + e2 )\
Ces deux matrices commutent donc, et
)"
la matrice de la transformation reliant
Nous constatons fort heureusement les angles 8 1 et 8 3 est bien la même
que la solution ne dépend que de la pour les deux trajectoires !
nature de l'ellipse , à savoir son excen- F.L.
tricité e. Poson s e = tan(a /2). Pour
une ellipse, nous avons O :S e < 1,
c'est-à-dire aE [O, .n/2[. La matrice de
la transformation de Mobius qui relie

134 Tc:ingent:e Hors-série n°44. Les matrices


SAVOIRS par Michel Criton

Les carrés magiques:


des matrices comme les autres
Une matrice est un tableau de nombres. Un carré magique est
également un tableau de nombres, qui satisfait à certaines
propriétés. Même si on ne s 'intéresse généralement pas aux
applications linéaires aux quels ils sont liés , les carrés
magiques sont des matrices comme les autres.
ue ll es o pérati ons peut-o n

Q p
effectue r avec des carrés
mag iques ? Avant de tenter de
à cette question, il fa ut don-
ner une définiti on de ce que l'on appel-
le un « carré mag ique ».
Déj à, un carré semi-magique est une
matrice carrée de dimension n telle que
la somme des termes d ' une ligne et la
somme des termes d' une co lonne soit
toujours la même (on appe lle générale-
ment cette somme la somme magique).
Si , de plus, les sommes des termes de
chacune des deux grandes diagonales
sont aussi égales à la somme magique,
le carré est dit magique. Ensuite, si la
somme des termes de n' importe quelle
di agonale bri sée (le tabl eau étant
considéré comme un tore) vaut égale-
ment la somme magique, on dit que le
carré est pandiagonal. Dans la littéra-
ture anglo-saxonne, les carrés
mag iques pandi ago naux sont parfois
dés ig nés sous l'appe ll ati on nasik-
squares. Ce nom leur a été donné par le

136 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


1
DES MATRICES ET DES JEUX

la multiplication
des carrés magiques
Le produit matriciel appliqué aux carrés magiques ne
conserve évidemment pas la magie arithmétique (le pro-
duit tensoriel la conserve, mais il ne conserve pas le
caractère normal). Des mathématiciens ont néanmoins
essayé de définir une « multiplication » des carrés
magiques.
Le premier à tenter une telle opération a été le mathé-
le révérend maticien belge Maurice Kraitchik (1882-1957) dans son
Andrew Hollingsworth Frost. livre la Mathématique des jeux (1930). Cette multiplica-
tion permet de former un carré magique normal de
révérend Andrew Hollingsworth Frost dimension m X n à partir de deux carrés magiques nor-
( 18 19- 1907) , pass ionné de mag ie maux, le premier de dimension met le second de dimen-
arithmétique, qui fut missionnaire dans sion n.
la ville indienne de Nasik. Enfin , si les
2
11 te rmes d ' un carré mag ique de
Le produit de deux carrés magiques selon Maurice
dimension n sont tous les entiers de I à
Kraitchik. Les n 2 termes du second carré sont rempla-
n 2 , on dit que le carré est normal.
cés par n 2 blocs images du premier carré. À chaque
Des espaces uectoriels bloc image, on a ajouté (k - 1) m2 , où k est la valeur
correspondant au bloc dans le second carré.
Imaginons que l'on n' impose pas que
8 1 6 107 100 105 625560 125 118 123
les carrés magiques soient normaux. 3 5 7 102 104 10657596 1120 122 124
Les carrés magiques d 'ordre n compo- 4 9 2 !03 108 101 58 63 56 121126 119
7 1 6469 116109114 17 10 15 98 9 1 96
sés de nombres réels, munis de l'addi- 66 68 70 11 1113 115 12 14 16 93 95 97
1 12 7 14)
tion vectorielle et de la multiplication 8 13 2 11 677265 112 117 110 1318 11 949992

par un réel, forment un espace vectoriel ( 10 3 16 5 89 82 87 26 19 24 1431361414437 42


15 6 9 4 848688 2 1 2325 138 140 142 3941 43
sur IR. Cet espace vectoriel est en fait 85 90 83 22 27 20 139 144137 40 45 38
un sous-espace vectoriel de l'espace 134 127 132 53465 1 807378 352833
129 1311 33 48 50 52 75 77 79 30 32 34
des matrices carrées à coefficients réels
130 135 128 495447 768174 3 1 3629
d 'ordre n. En effet, l' addition de deux
matrices carrées magiques d'ordre n est On vérifie que cette multiplication est bien associative.
encore une matrice carrée magique En revanche, elle n' est évidemment pas commutative.
d'ordre n , et le produit par un réel d' une
matrice carrée magique d ' ordre n est
également une matrice carrée magique
d'ordre n (ce n'est évidemment pas vrai
pour les carrés magiques normaux !). Il a été démontré que l'espace vectoriel
Dans ce qui précède , on pourrait re m- des carrés magiques d ' ordre 3 est un
pl acer « magique » par « semi- espace vectoriel de dimension 3 . Les
magique » ou par « pandiagonal » sans trois carrés sui vants constituent une
altérer la propriété. base de cet espace vectoriel :

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 137


SAVOIRS Les carrés magiques ...

magiques normaux. Dans ce qui suit ,


les carrés magiques seront tous suppo-
sés normaux.
Le déterminant de l' unique carré
magique d'ordre 3 (aux rotations et
symétries près) est égal à 360 (ou
- 360). Pour les carrés mag iques
d 'ordre 4, il a d 'a bord fallu les
dénombrer ! Dès le xv11 e s iècle ,
Par exemple, le carré magique : Bernard Frénicle de Bessy (vers
1605- 1675) a répondu à cette ques-

[!H]
(qui en outre est normal) peut écrire
tion, en prouvant que les carrés
magiques d'ordre 4 sont au nombre de
880 (hors rotations et sy métries). Plus
tard , le ludologue britannique Henry
51 + 3J - K. Ernest Dudeney classa ces carrés en
On montre plus généralement que l'es- douze types, selon leur configuration
pace des carrés magiques d 'ordre n est par paires complémentaires de somme
un espace vectoriel de dimension 17 (la moitié de la somme magique,
n(n - 2). Des auteurs se sont également égale à 34) .
intéressés aux déterminants des carrés Dans un article de 1948 , le mathémati-

Les douze types de carrés magiques répertoriés 1>ar Dudeney :


deux cases reliées portent des nombres dont la somme vaut 17.

Type I Type II Type Ill Type IV

Type V Type VI Type VII Type VIII

Type IX Type X Type XI Type XII

138 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


DES MATRICES ET DES JEUX

Type Propriétés Déterminant


Pandi agonal 0
II Semi -nas ik 0
Ill Semi -nas ik 0
IV Sem i- nas ik 0
V Semi -nas ik 0
VI Semi -nas ik o u simpl e 0
VII S imple - 136 (A - 1) (B - J) (C - F)

VIII S imple - 136 (A - E) (B - F) (C - N)


IX S imple - 136 (A - l ) (B - J) (C - N)

X S imple 136 (A - E) (B - F) (C - J)

XI S imple 136 (A - 1) (B - D) (C - A)
XII S imple 136 (A - E) (B - A) (C - D)

c ien amé rica in Charles Wilderm an valeurs de ce tableau s'appliqueraie nt


Trigg ( 1898- 1989) étudie les détermi- de même à des carrés mag iques qui ne
nants de ces douze types de carrés seraient pas normaux mai s constitués
mag iques. Si les nombres d ' un carré de nombre en progress ion arithmétique
sont dés ignés par les lettre A , B ... Q, (il fa udrait alors remplacer le facteur
correspondant au schéma c i-contre, 136 par 4S , où S serait égal à la somme
A B C D magique).
E F G H Po ur les carrés magiques normaux
J K L d 'ordre 4 , on obtient dou ze valeurs
M N P Q absolues différentes pour ces détermi-
alors on obtient les déterminants du nants: 0 , 2 176 , 3 264 , 4 352, 5 440 ,
tableau (voir c i-dessus). 6 528, 7 616 , 8 704 , 9 792, 10 880 ,
Dans ce tableau, un carré est dit semi- 13 056 et 17 408.
nasik s' il est magique et si les sommes
E + B + L + P et 1 + N + C + H sont M.C.
auss i égales à la somme mag ique . Les

R ÉFÉ R ENCES
• A11111se111e11ts i11 Mathematics. Henri Ernest Dudcncy, 1917.
• Detem1i11m1ts of Fourth Order Magic Squares. Charles W. Trigg, The
American Mathcmatical Monthly, novembre 1948.
• Les carrés magiques. l3crnar<l Belouzc, Maurice Glaymann. Paul-Jean
Haug et Jean-Claude Herz, APMEP, 1975.
• L 'a/gèhre des rnrrés magique. Jean-Michel Groizard. APMEP, 1984.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 139


PASSERELLES par B. Hauchecorne, D. Nordon et A. Zalmanski

Diuertissements
littéraires
Les matrices se trouvent tout naturellement en littérature,
dans l'écriture sous contraintes. Les diagonnets , par
exemple, sont des poèmes oulipiens de n vers ( chacun de n
syllabes) phonétiquement symétriques en suivant une
diagonale.

es adeptes de l'écriture sous

L contrainte (et notamment les


assidus del 'Ouvroir de littératu-
re potentielle, ou Oulipo) connaissent
les diagonnets, qui sont des poèmes qui
se lisent, syllabe par syllabe, aussi bien
horizontalement que verticalement. Par
exemple, si on lit verticalement la pre-
mière syl labe de chaque vers, on
retrouve exactement le premier vers. Si
on lit verticalement la deuxième sylla-
be de chaque vers, on retrouve exacte- Si l' on dispose les syllabes de ce
ment le deuxième vers . Et ainsi de suite poème sous la forme d'une matrice, on
jusqu ' au dernier vers .. . Voici déjà un trouve une matrice symétrique de
premier diagonnet de taille 6 (six vers taille 6. Cette structure rappelle celle
de six syllabes). que l'on trouve sur la figure ci-dessus
(on la retrouve dans plusieurs inscrip-
Ha letant sur les .flots, tions, la plus ancienne étant datée de
Le tronc du pin sourit, l'an 79 à Pompéi). Les lettres de cette
Tendu d'un sombre sang ... phrase en latin (sémantiquement diffi-
Sûrs pinçons rhapsodiques, cile à interpréter) peuvent être lues de
l es soubresauts haineux haut en bas, de bas en haut, de gauche
Florissant d'ichneumons. à droite et de droite à gauche. En fait,
cette propriété est possible car chacun

140 TC1.n9ente Hors-série n°44. Les matrices


DES MATRICES ET DES JEUX

des mots de la phrase est lui-même est Lorsque la netteté fr êle quimpe,
lui-même un acrostiche et un palindro- excédée,
me vertical et horizontal. Une traduc- Que cryptent dans le tas mille
tion possible est « le laboureur Arepo opportuns rameaux,
utilise une charrue comme force de Lattes-tu leur hublot, soûl de harpe
travail ». Mai s ce carré de taille 5 accordée,
nous éloigne du diagonnet. N'a idant le rainé gris d'indices
lacrymaux ?
Le poète Robert Rapilly, compagnon Te leurre une aigre faune, et l 'eau
de route de l'Oulipo, a lui aussi com- les vaut, codée,
posé des diagonnets, comme Qui Tes tableaux griffonnés : korê par
s'étonne?. animaux!
Frémit soudain Écho, parallèle,
Quis 'étonne ? Ouverts s'ennuient entraidée,
Sept paravents qui volaient. Le lot de dits laurés, ramollis, tout
primaux.
Ô rage, ô dent ! L'eau bout froide. Qu 'importe, harcelé par les lyriques
Nous vendangeons mes tricots. mandchoues,
Et qu 'un pâle avocat hante ou que
Vert kilomètre et pot vide, tu échoues
Sans vos bourricots on part. Ces raccords, cris honnis,
réprimandés, guindés,
Nuit ... L 'effroi d 'Ovide arrive! Démodés : Maud aime ode et mots
chouchous des bardes.
Un autre ami de l' Oulipo, l'astrophysi- L 'or scripturaire n'est pas mort !
cien Gilles Esposito-Farèse, a rédigé le Ris-tu, guimbarde,
diagonnet suivant, intitulé Hommage à Des rapaces locaux, colosses
Borgès (bien évidemment, la com- paradés?
plexité de ! 'exercice croît avec le
nombre de vers) : Le lecteur pourra avec intérêt placer
chaque syllabe dans une matrice pour
Lentement la couleur pâlit vérifier la qualité de la composition.
Te plongeant dans la cécité Enfin, Robert Rapilly a composé un
Mangeant tout ce palais floral texte sur-contraint, dans une matrice à
La danse des ombres d 'effroi vingt et une lignes et seize colonnes,
Coule à pas ondulant d'oubli contenant donc trois cent trente-six
Leur célèbre langueur sans art lettres. Se lisant indifféremment dans
Passif lot des doux sanglots d'or les deux sens, le « poème matriciel »
Littéral froid blizzard dormant. révèle deux poèmes, Ô banalité (lectu-
re horizontale) et Orage désiré (lecture
Il a également écrit le sonnet sui vant, verticale). Ce dernier poème alterne en
qui n 'est pas exactement un diagonnet outre de manière systématique
(quatorze vers de douze syll abes 1' in- voyelles et consonnes. Un travail
terdisent !), mai s presque : monstrueux !

Hors-série n°44. Les matrices Tc::a.ngente 141


PASSERELLES Divertissements littéraires

O B A N A L I T E D E P A L E G
R A V U R E ~ A N A L A L O C E
ANENO D 1E CANE .MONO R
G A N E M U R I R A S A T Y P E
EMILECUSENOS.AVEC
DARI DITE LEC O L OM U
E T E X O D E .L A M I R E L A P
S U N I R A ~ A R A D O X A L A
I R E R I L A S U .L E C A L E R
REPAGAYERAMEMORU
E GAG AL A F A ' Y OTE PEN
·s IVE~ EDE LA LU NI PO
ETE.DA Z URE LED IN ER
LADOS A.NA LAVE LER I
EN ORIN ADAM AS .ALI G
NERÀLEDEMIGALET.A
E D E H E L I C E L I B I T UM
LECUMERABATETANI
E .LEM UV ET U FUT AL AB
R E G E .T E T I R E M A S O .D E
U X I R J S O R I T E F I N A L

HORIZONTALEMENT
-" VERTICALEMENT
Q banalité de pâle g ra vure I

Fa11al à l 'océan en ode cané O rage désiré sélè11e le ru ban


Mon organe mûrira sa typ ée A mâture g itane de / 'ex-avenir
Mil écus en os En épave doré ce g in un élixir
Avec d 'aridité / 'écolo muet exode Âge d 'Or à humer arôme d'o rigan

L 'ami relaps unira


Asile mutilé du Cid à / 'a /e:an
Paradoxal - airer il a su -
Élève si fër u te paya du nadir
L e cal erre, pagaye, ram e morue
Et ôta , cisela, se f era décatir
Gaga la fàyote pensive
En are la rurale lame Buridan
Né de / 'aluni poète
D 'azuré le dîn er la dosa Âne ma!ay alam il a fêté le soc
N'a la vé le rien orin à damas Idem olé vagi tu me pâmas ô roc !
Alig nera le demi galet Études â bêta .falot ô l 'examen
Aède hélice libitum
L'écume rab à tétanie Il alita si l '0 11 y vola / 'opine/
Le mû vêtu Jutai abrège Étalon écopé mâle re-périt un
T 'étire maso deux iris Adage reçu par un origami hel

Ô rite final I

Ta.ngente Hors-série n°44. Les matrices


par Michel Criton EN BREF

3 5 4 7 1
2 4 5 7 8 1 2 5
5 2 3 5 6 4 7 8
4 4 9 7 8 1 2 3
8 1 2 3 5 6 4
5 6 9 8
9 3

Rentrer dans le rang


Une autre question de nature matricielle se pose concernant les Sudokus. Quel est le leur rang?
On rappelle que le rang d'un matrice carrée est la plus grande taille d'une sous-matrice extraite
de cette matrice dont le déterminant est non nul.
La grille de Sudoku 4 X 4 ci-dessus a un rang égal à 3, la grille 6 X 6 a un rang égal à 4 et la grille
9 X 9 un rang égal à 7. Pour chacune de ces tailles de grilles, peut-on trouver un rang strictement
inférieur?
Références :
• A Sudoku Matrix Study, Merciadri Luca,
http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/ 2268 / 19649/ 1/sudoku. pdf
• http://www.mathkb.com/Uwe/Forum.aspx/recreational/3261/Rank-of-Sudoku-matrices

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 143


;rn-:,»-.:;Ji'H;f?F'I' · : i . ·1··' ~ 1 T:f'l''fl;-,~,··
lJP,ASSEREL·L.ES ,',
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! ·. · ·
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.t i · 1
! )11 I iH _
T 11 : ! ! • , : 'I t; J. { 1; 'i ! J; I. I ' j li: [ 1i.i J
rJ

les matrices lumineuses



1
De nombreuxjeux se présentent sous forme de matrices, mais
faut-il utiliser des matrices pour les résoudre? Nous allons
analyser le cas du jeu Lights Out, ce qui permettra par ailleurs
d'illustrer certaines notions abstraites utilisées en algèbre
linéaire et rencontrées dans ce hors série.
e Li ghts Out (que l'on pourrait repérer les bouton s par leurs numéros ,

L traduire « Éteindre les lumières »)


est un jeu électronique produit
par la société Tiger Toys en 1995 . Il se
comme sur la fi gure ci-dessous, plutôt
que par un repérage matriciel .

présente sous la forme d ' une matrice


d 'ordre 5 de boutons poussoirs:

lîJ lw wl lw wl 1

w w[w w w
~ wwww
rw w w w w
w wIW w w Numérotation des cases de la matrice
(cas où les vingt-cinq boutons
sont tous éteints).
Présentation du Lights Out.
Une configuration de jeu devient alors
Chaqu e bouton possède deux é tats, une matrice co lo nn e : 1(a 1 , a 2 , a 3 ...
allumé ou éteint , que l'on peut modéli - a24 , a 25 ), où le symbo le I désigne la
se r pa r O (éte int) et 1 (a llumé) . Au transposition. Par convent ion, dans le
début du jeu , un motif de boutons allu- Lights Out, les touches enfoncées sont
més est choi si par la machine. On peut dessinées en ro uge , et les touche s

144
- ~ ..,. T •

DES MATRICES ET DES· JEUX

allumées sont en jaune. Par exemple, Le but du jeu est d 'éteindre tous les
la configuration de la figure suivante boutons (lights out) en un minimum
(à gauche) est : de coups. Face à un tel problème, plu-
c 1 = 1( 1, 1,0,0,0, ],0,0,0,0,0,0,0, sieurs questions sont naturelles : Est-
0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0), ce toujours possible ? Si oui, y-a-t-il
alors que la configuration de la figure une seule solution ? Si oui, comment
de droite est : l'obtenir ?
c 13 =1(0,0,0,0,0,0,0, 1,0,0,0, 1, l ,
1,0,0,0, l ,0,0,0,0,0,0,0). Déjà, point beso in de s'acharner sur
En appuyant sur l' un quelconque des chaque bouton, il suffit d'appuyer zéro
boutons, on modifie l'état de ce bou- ou une fois au plus sur chaque bouton.
ton et celui de ses voisins, suivant une Car deux appuis correspondent à pas
règ le du jeu fixe. Ici, cet effet est de d'appui du tout , un appui annulant
basculer l'état du bouton choisi et des l'effet du précédent. Cette remarque
ses voisins hori zontaux et verticaux va nous permettre de raisonner sur
immédiats, si ceux-ci existent. l 'e nse mble {O, l} pour chacun des
vingt-cinq boutons. Ensuite, l 'éta t
d'un bouton ne résultant que du
nombre d'appuis sur ce bouton ou sur
ses voisins horizontaux et verticaux
immédiats, il ne dépend pas de l'ordre
d 'ac tivation de ces boutons. On en
déduit que l'on peut modéliser une
séquence d 'appuis par une matrice
colonne. Par définition, on appellera
stratégie cette suite finie. Par exemple ,
les stratégies impliquant uniquement
un bouton s'expriment par les vingt-
cinq matrices colonnes suivantes :
bi = 1(1 , 0 , 0 , 0,0,0 , 0,0 , 0 , 0,0,0,0,
0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0),
1
b2 = (0, 1, 0 , 0, 0, 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0, 0 , 0 ,
0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0,0 , 0 , 0 , 0,0,0),

b25 = (0, 0 , 0, 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0, 0 , 0, 0 , 0 ,
1

0, 0, 0 , 0 , 0, 0 , 0 , 0 , 0 , 0, 0, 1).

Un peu d'algèbre linéaire

Nous pouvons décrire le comporte-


ment du jeu grâce aux matrices .
En haut, l'effet de l'appui Dé s ignons par J la matrice carrée
sur le bouton 1 depuis la configuration d'ordre 25 synthétisant le jeu . Cette
« tous boutons éteints ». matrice vérifie, par définition :
En bas, l'effet de l'appui J b1= Ci, J b2= C2··· J b 25 = C25"
sur le bouton 13 en repartant de la On peut donc la construire de proche
configuration « tous boutons éteints ». en proche : la i-ème ligne et la i-ème

n 4. 1ce a 9 n 145
colonne sont les configurations matrices colonnes, qui sont les vingt-
induites par l'appui sur le bouton i, ce cinq configurations C; ré s ultats des
qui fournit donc J. La matrice J peut vingt-cinq s tratég ies n ' impliquant
s'exprimer de façon condensée à l'ai- qu ' un bouton (à savoi r le bouton
de de matrices blocs : numéro i). Dire que le déterminant est
nul , c'est dire qu ' il existe au moin s
( K5 15 0 5 0 5 0 5' (1 0 0 o,
une colonne qui est une combinaison
1, K5 15 0 5 0 5 1 0 0
linéaire de s autres colonnes ; en
l= 0 5 15 K5 15 05 avec K 5 = 0 1 0
d'autres termes, toutes les colonnes ne
o, o, 1, K, 1, 0 0 1
sont pas linéairement indépendantes. Il
05 05 o, l5 K5 0 0 0
se trouve que la colonne numéro 24
(1 0 0 0 o, (0 0 0 0 o, est la somme des co lonnes numéros 2,
0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 3, 4, 6, 8, 10 , 11 , 12 , 14, 15 , 16 , 18 ,
1, = 0 0 1 0 0 et 1, = 0 0 0 0 0 20, 22, 23 modulo 2, alors que la
0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 colonne 25 est la somme des colonnes
0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 , 3, 5, 6, 8, 10 , 16 18 , 20, 21, 23
modulo 2.
La matrice carrée symétrique J est la Par définition , le rang d ' une matrice
matrice caractéristique du jeu Lights carrée est le nombre de colonnes
Out. indépendante s. Dan s notre cas, le
Dire qu'une stratégie donne la confi- rang de la matrice caractéristique du
guration c, c'est dire que J b = c. Lights Out est 23 (merci aux logiciel s
Voyons maintenant le problème de calcul formel ... ). L'es pace de s
inverse : dire qu'une configuration configurations que l'on peut obtenir
donnée c est réalisée par une stratégie est donc une combinaison linéaire de
b , c'est toujours écrire J b = c. Si la vingt-trois éléments, so it un espace
matrice J était invers ible , il suffirait qui contient 2 23 co nfi g uration s. Ce
de multiplier à gauche par r' : nous jeu fourni donc 2 23 probl è mes qu e
aurions b = r' c et l 'affa ire serai t ! 'o n peut réso udre , c'est-à-dire
entendue (en outre, pui sque nou s 8 388 608 problèmes. Mê me si c'est
aurions une méthode explicite pour quatre fois moin s (2 25 ) que l 'e n-
calculer b , nou s pourrion s même semble des configurations poss ibles,
affirmer que la solution serait unique , cela devrait occuper quelques-unes de
e t un bon logiciel de calcul formel vos long ues soirées d ' hiver ... En pas-
nou s la trouverait). sant , nous venons de calculer que, si
Mais.. . La m a trice J est-elle l 'o n affiche une configuration au
invers ible ? Nous savo n s qu ' une hasard , il y a une chance sur quatre
matrice est inversible si, et seulement qu'elle soit résoluble.
s i, so n déterminant est non nul .
Calculons le déterminant de J (à la Le noyau, ou l'ensemble
main pour les courageux, avec un logi- des stratégies silencieuses
ciel de calcul formel pour les autres).
Le résultat est sans appel : det(J) = O. Nous venons de découvrir la notion
d'image de A: lm(A) est l'espace vec-
Quelle est la signification profonde de toriel des configurat ions que l'on peut
la nullité d'un déterminant? La matri- obtenir. Un autre espace est souvent
ce J est constituée de v in gt-cinq rencontré en a lgèbre linéaire : le

146 a.ngen e Hor · ene n 44 L matr c


noyau. Par définition , le noyau Ker(A) Quelle est la signification pratique des
est l'es pace de s stratégies qui ne stratégies silencieuses (en dehors de
modifient pas la configuration du jeu : la stratégie nulle) ? Si nou s avons
sis est une telle stratégie, alors J s = 0 5 , identifié une stratégie gagnante s,
où 0 5 dé signe une matrice colonne alors la stratégie gagnante « la plus
contenant cinq zéros. Ces stratégies courte » (celle qui contient le moins
qui ne modifient pas la configuration d 'appuis, donc de 1) sera l' une des
du jeu sont parfois appelées stratégies stratégies s, s + s 1, s + s 2 , s + s 1 + s 2 •
silencieuses. Ce théorème est dû à Marlow
Un théorème d'algèbre linéaire nous Anderson et Todd Feil.
dit que la dimension du noyau plus la Comment savoir facilement si notre
dimension de l'image égale la dimen- configuration de départ appartient à
sion de la matrice J, soit 25. Nous en Im(A), c'est-à-dire est soluble ?
déduisons que la dimension de l'espa- L'espace vectoriel Im(A) est engen-
ce des stratégies silencieuses est 2 ; cet drée par vingt-trois configurations. Le
espace est engendré par les stratégies noyau Ker(A) est engendré par deux
s I et s2 • Cet espace contient donc o (la configurations, s I et s 2 . Comme la
stratégie nulle) , s 1, s 2 , et s 1 + s2 . matrice A est symétrique, on montre

<r i ~ ~ I [<i)J (<i)


~ ,<, j) x [î
<r <r x <i) <i)
(,> <r ~ <r <i)
(,>-
~ ~ <i) <i)]

Les quatre stratégies silencieuses (de haut en bas) :


la stratégie nulle, s 1, s2 , s 1 + s2•

or cri n 44. Les matrice Tangent 147


(par un résultat d'algèbre linéaire) que l'algorithme du repoussage
toute configuration de ! ' image de A, de la lumière
donc soluble, doit être orthogona le à
s I et à s2 ( ce théorème est également Avec cette méthode , on se débrouille
dû à Marlow Anderson et Todd Feil). pour éteindre la ligne du haut , pui s on
Pour mémoire , avec nos notations : éteint la deuxième ligne sans rallumer
s 1 = 1(1,0 , 1,0, 1, l,O , 1,0, 1,0,0,0, un seul bouton de la ligne du haut, et
0,0, l,O, 1,0, l, 1,0, l,O, 1), ainsi de suite. On « repousse » ainsi la
lumière vers le bas. Arriver là , so it la
s 2 = 1(0, J, l, 1, 0, 1, 0, 1, 0, 1, l, 1, 0 , dernière ligne est éteinte et on a
1, 1, 1, 0 , 1, 0, 1,0, 1, l , 1,0). gagné, soit la ligne du bas exhibe
l'une de s sept configurations du
Et comment sait-on que deux configu- tableau ci-contre.
rations sont orthogonales ? Tous sim-
plement si leur produit scalaire est On enfonce a lors les bouton s de la
nul ! Voyons un exemple pratique. ligne du haut correspondant à la ligne
Nous savons que c I est résoluble . du bas obtenue, et on recommence
! 'a lgorithme du repoussage de la
c1 = (11 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0) lumière. Normalement, tout s'éteint !
s1 = (1 0 1 0 1 1 0 1 0 1 0 0 0 0 0 1 0 l O 11 0 1 0 1) Nous avons ainsi obtenu une solution,
CI .SI = 1+O+O+O+O+ 1+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O =0 mais pas forcement la plus courte.

C1 = (110 0 0 10 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0) Nous savons maintenant déterminer


s2 = (0 1 1 1 0 1 0 1 0 1 1 1 0 1 1 1 0 1 0 1 0 1 1 1 0) si une configuration est soluble, nous
C 1.s2 = O+ 1+O+O+O+ 1+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O+O =0 avons trouvé plusieurs méthodes
pour trouver une so lution , et enfin
Pour effectuer ce calcul , il faut évide- nous avons vu , à partir de cette solu-
ment app liquer les tables d'addition et tion, comment trouver la so luti on la
de multiplication binaires : plus courte. Nous avons également
constaté que ! 'assistance d'un logi-
+ 0 1 X 0 1 ciel de calcu l formel pouvait nous
0 0 1 0 0 0 éviter nombre de calculs pénibles.
1 0 1 0 Par ai ll eurs, la co nn aissance de
quelques résultats d'algèbre linéaire
Maintenant que nous savo ns si une trouve avec le Lights Out des appli-
configuration est sol uble, il ne nous cations pratiques . Forts de cette
reste plus qu 'à trouver une méthode expérience, nous pouvons modifier à
pour trouver une solution. Là encore, l' infini le jeu , changer la taille de la
l'algèbre linéaire peut nous offrir de matrice (avec une matrice d 'ordre 3,
puissants moyens, mais qui dépassent d'ordre 6, d 'o rdre 7 , d 'o rdre 8 ou
le cadre de cet article. Nous pouvons d 'ordre 10, il y a toujours une solu-
par contre toujours recourir à un logi- tion unique), modifier les règles (la
ciel de calcul formel (résoudre un matrice pourrait représenter un tore ,
système avec une matrice d ' ordre 25 un app ui pourrait basculer toute la
est un peu fastidieux ... ). Une métho- ligne et toute la co lonne du bou-
de moins calculatoire est l'algorithme ton ... ), ajouter des états (couleurs)
du repoussage de la lumière. aux boutons . . . Les lecteurs les plus

148 q n n 4
Boutons à enfoncer
Configuration de la dernière ligne
sur la ligne du haut

~~~~Il~~
~~. . . . . . . .11~~
~---...a.li~-
~~~Il~
~~~ll~w~
~:w>~II~_
~~1!~
~-~~
courageux pourront implémenter ces Références
variations en programmant un micro- • Turning Lights Out with Linear Algebra .
contrôleur et ainsi vérifier que l'al- Marlow Anderson et Todd Feil, Mathematics Magazine 71
gèbre linéaire est source de nom- (4), 1998.
breuses applications ludiques ! • Pour une analyse beaucoup plus rigoureuse
et théorique du jeu :
J.-J. D. Jeux d'ampoules ou comment év iter la crise de nerfs
à un é lectric ien dépressif à coup d'algèbre linéaire sur F2 .
Grégory Berhuy, Quadrature 79, 2011.

149
JEUX & PROBLÈMES ..
Niveau de difficullé
i) très facile
Il facile
IIV pas facile
111111 difficile

Problèmes
t.1111111 très difficile

HS4401 - Les dominos HS4403 - Les parquets


Placez les dominos de façon à former anallagmatiques de Lucas 1111
un carré magique, c'est-à-dire un Un carré anallagmatique est un carré
carré ayant le même nombre de formé de cases colorées et de cases
points dans chaque ligne, dans blanches, en nombre égal ou inégal , de
chaque colonne et dans chacune telle sorte que, pour deux lignes ou
....···
•·1 des deux grandes diagonales .
Trois dominos sont déjà en place.
deux colonnes quelconques, le nombre
des variations de couleurs soit toujours
égal au nombre des permanences.
HS4402 - Séance de photos II Quatre exemples vous sont proposés
Neuf amis qui se retrouvent décident ci-dessus.
de faire des photos en respectant les Existe-t-il des carrés anallagma-
conditions suivantes : tiques de 4 cases sur 4 présentant un
• sur chaque photo figurent exactement nombre impair de cases colorées ?
trois personnes du groupe,
• chacun devra choisir exclusivement HS4404 - Les demoiselles
des photos où il ne figure pas, mais de de llirkman vvv
façon à pouvoir néanmoins retrouver Le révérend Thomas Penyngton
les visages de ses huit amis. Kirkman ( 1806- 1895) proposa ce pro-
blème en 1850 dans le Ladys and
Quel est le Gentlemans Diary.
nombre Quinze écolières sortent chaque jour
minimum de en promenade, réparties en cinq
prises de vues groupes de trois.
nécessaires ? Comment constituer ces groupes
Note: une chaque jour de la semaine pour que
prise de vue chaque jeune fille ne marche qu ' une
peut donner seule fois en compagne de chacune
lieu à plusieurs des autres?
tirages. On pourra représenter les quinze éco-
lières par les nombres de 1 à 15.

~ 50 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


JEUX & PROBLÈMES

HS4405 - Un carré bien naturel vv HS4408 - Le mathématicien


Pour 11 entier naturel non nul , que vaut et le bouffon vvvv
le déterminant d(n) suivant ?

2 3
11+1 11+ 2 n+3
c!(n)= 2n+I 211+ 2 2n+3

(n - 1)11+1 (11 - 1)11+2

HS4406 - Une suite bien naturelle vv


On considère la suite de matrices car-
rées suivante :

M(l)=[I] , M(2)=[ ! ~ l M(3)·[ I~ ::


HS4407 - Sens uniques
généralisés vvv
La ville de Strategy-City possède six Le mathématicien officiel de la cour
places, reliées par des boulevards reçut son salaire de l'année en une
comme l'indique le plan ci-contre. seule fois, en pièces d'argent. Il devait
Afin de faciliter une circulation deve- placer les pièces en neuf piles inégales
nue apoplectique, le conseil municipal formant un carré magique. Le roi exa-
décide de mettre toutes les rues en sens mina l'arrangement et déplora qu'au-
unique, de telle sorte que l'on puisse cun des nombres de pièces du carré ne
arriver à chaque place par deux boule- soit un nombre premier.
vards, et en repartir par deux autres. Le « Si j'avais neuf pièces de plus, dit le
schéma indique l' un des projets. mathématicien, je pourrais ajouter une
Le maire souhaite faire réaliser tous les pièce à chaque pile et faire en sorte que
schémas possibles . chaque pile contienne un nombre de
Mais ... combien en existe-t-il ? pièces qui soit un nombre premier. » Ils
On pourra représenter chaque plan réa- vérifièrent et constatèrent que c'était
lisable par une matrice antisymétrique exact. Le roi s'apprêtait à donner les
6 X 6. neuf pièces, lorsque son bouffon remar-
qua : « Attendez, si au lieu d 'ajouter
Pl . des Dames une pièce, on en enlève une de chaque
pile, alors on obtient aussi des nombres
de pièces qui sont tous des nombres
premiers. » Alors le bouffon ôta une
pièce de chaque pile, empocha les neuf
pièces, et ils vérifièrent que les
nombres étaient tous premiers.
Quel était le salaire annuel du
mathématicien ?

Hors-série n°44. Les matrices Ta.ngente 151


JEUX & PROBLÈMES

HS4409 - Triplets de nombres HS4412 - Déterminant d'un carré


triangulaires vvv pandiagonal (1 J v v v
On appell e trip let triang ulaire un tri- Montrez que le déterminant d ' un
plet d'entiers (a , b, c) tels que les carré magique normal pandiagonal
nombres triangulaires T 0 , T6 et T c véri- d ' ordre 4 est nul.
fi ent T 0 + T 6 = T c (on rappelle que On rappelle qu ' un carré magique nor-
T11 = n (n + 1) / 2). mal d 'ordre n est un carré magique
Étant donné un entier k, montrez qu ' il constitué des enti ers de 1 à n2, et qu ' il
existe une infinité de triplets triangu- est pandiagonal si les sommes des élé-
laires distincts (a;, b;, c;) pour i = 1, 2, 3, ments de chaque ligne, de chaque
colonne et de chaque di agonale, princi-
a, b, c, pale ou bri sée, sont toutes égales.
tels que a2 h2 C2 =k .
aJ b3 C3
HS4413 - Déterminant d'un carré
pandiagonal (2) vv
Tous les carrés magiques normaux
HS441 O- Une matrice aléatoire vvv pandiagonaux d ' ordre 5 ont-ils un
Quelle est la probabilité pour qu ' une déterminant nul ? Si oui, le démon-
matrice 3 X 3, dont les termes sont des trer. Si non, trouver un contre-
entiers choisis au hasard, ait un déter- exemple.
minant qui soit divisible par 7 ?

S4411 - Un déterminant multiple


de la somme v v
Soit S la somme des nombres consti -
tuant un carré magique d' entiers quel-
conques d ' ordre 3 (un carré magique
quelconque est un carré magique dont
les termes ne sont pas fo rcément des
entiers consécutifs) et soit D le déter-
minant de ce carré considéré comme
une matrice.
Montrez que D / S est un nombre
entier.

• Revue Spécial Logique (HS4401)


• Championnat des jeux mathématiques et logiques (HS4402, HS4407)
• Récréations mathématiques. Édouard Lucas, réédition Blanchard,
1992 (HS4403)
• D'après la revue Lady 's and Gentleman 's Diary (HS4404)
• D'après la revue The Pentagon (HS4405)
• D ' après la revue Math Magazine (HS4406, HS4409, HS4410)
• D ' après la revue American Mathematical Monthly (HS4408)
• D ' après la revue American Mathematica/ Monthly (HS4411 , HS4412,
HS4413)

152 Ta.ngente Hors-série n°44. Les matrices


par P. Boulanger et M. Criton EN BREF
1

Ci-dessous figure le plus petit des carrés magiques, le carré magique de taille 3 : la somme
des trois chiffres de chaque ligne, de chaque colonne et des deux diagonales est égale à
une constante, 15.
Imaginons que des équipes d'échecs à trois joueurs s'opposent
et que l'on évalue la force des joueurs par le nombre inscrit dans
6 1 8 une case. La première équipe est celle de la première colonne,
avec des joueurs de forces respectives 6, 1, 8. La deuxième équi-
pe a des joueurs de forces 7, 5 et 3, et la troisième les forces 2, 9
et 4. La « force moyenne » des trois équipes est la même : 5.
7 5 3 Et pourtant, la première équipe est battue par la deuxième par
deux matchs à 1, la deuxième par la troisième (deux victoires à
une), mais la troisième est battue par la première deux victoires
2 9 4 à une. La non transitivité est toujours étonnante ...
Il a par ailleurs été démontré que ce type de scores intransi-
tifs par deux victoires à une est un maximum.

Tangente a déjà évoqué le site Internet http://www.multimagie.com/fr.htm tenu par


Christian Boyer et dédié aux carrés magiques. Il propose plusieurs problèmes non réso-
lus à ce jour. Chacun de ces défis est doté d'un prix (voir Tangente 134, page 9). Voici
quelques-unes des énigmes proposées et toujours sans solution.

• Un carré semi-magique est un carré dans lequel il n'y a pas de condition sur les diago-
nales (seules les lignes et les colonnes doivent présenter des sommes égales) . On connaît
un carré semi-magique de taille 4 constitué de nombres élevés au cube (voir ci-dessous).
Ce carré a été trouvé en 2006 par Lee Morgenstern.
Construire un carré semi-magique de taille 3 consti-
163 20 3 18 3 192 3 tué de nombres entiers positifs distincts élevés au
cube, ou prouver qu'il n'en existe pas. Mise à prix :
180 3 81 3 903 153 1 ooo euros et une bouteille de champagne.
• Ce défi porte sur les carrés magiques additifs-
108 3 135 3 150 3 93 multiplicatifs, qui présentent à la fois des sommes
égales et des produits égaux (sur les lignes, les
23 160 3 144 3 24 3 colonnes et les diagonales). Le plus petit exemple
connu d'un tel carré est de taille 8. Il a été trouvé
en 1955 par Walter Homer. Le défi consiste à construire un carré magique additif-multi-
plicatif de taille 5 utilisant des entiers distincts, ou à prouver que c'est impossible. Mise à
prix : 1000 euros et une bouteille de champagne.
Construire un carré magique additif-multiplicatif de taille 6 utilisant des entiers distincts, ou
prouver que c'est impossible. Mise à prix: 500 euros et une bouteille de champagne.
Construire un carré magique additif-multiplicatif de taille 7 utilisant des entiers distincts, ou
prouver que c'est impossible. Mise à prix: 200 euros et une bouteille de champagne.

Hors-série n°44. Les matrices Tangente


par Michel Criton

••• • • ·t·•• à multiplier ce contenu deux fois par - 1. Or,


• ••• multiplier deux fois par - 1 laisse le produit de
••• • • 1
I ~ 1-
· ••
• • • ••• tous les nombres de la ligne inchangé. Toutes
• •• • • • • • les lignes doivent donc avoir le même produit,
• • •• •• •
• ·t··· . • • et il en est de même de toutes les colonnes
• ••••• • (mais il est possible que les deux diffèrent,
HS4402 • Si n amis réalisent p prises de vue de comme le montre l' uQ des carrés ci-dessous).
trois personnes chacune, de telle façon que s· toutes les !jgnes résentent le même pro-
tout participant puisse avoir chacun de ses duit, comme le carré co pte un nombre pair
amis en photo mais jamais lui-même, alors de lignes, le produit de tous les nombres du
chacun de ces n amis doit apparaître au moins carré est égal à+ 1, ce qui entraîne que le carré
sur deux photos, accompagné d 'amis diffé- doit nécessairement contenir un nombre pair
rents, afin que ceux-ci puissent avoir sa photo de cases colorées.
sans figurer eux-mêmes sur cette même photo.
Le nombre d'individus photographiés est égal -]
à 3p (ce nombre comprenant les répétitions - 1
correspondant à un même individu photogra- -l
phié plusieurs fois). On doit alors avoir l' in- - 1
égalité 3p ;3 2n, donc, dans le cas du problè-
me, 3p ;3 18, d'oùp ;3 6.
Or, on peut affirmer que p = 6 est réalisable. Il
suffit en effet de ranger les neuf amis en matri- HS4404 · Voici une solution du problème.
ce 3 X 3, et de prendre comme triplets les Lundi Mardi Mercredi Jeudi
lignes et les colonnes de cette matrice. Cette 1, 6, 11 1, 2, 5 2, 3, 6 5,6,9
solution est optimale, tout participant appa- 2, 7, 12 3, 4, 7 4,5, 8 7, 8, 11
raissant exactement deux fois , et elle est 3, 8, 13 8, 9, 12 9, 10, 13 12, 13 , 1
unique, à l' ordre du numérotage près.
4, 9, 14 10, 11 , 14 11 , 12, 15 14, 15, 3
Chacun des neuf amis devra donc prendre 5, 10, 15 13 , 15, 6 14, 1, 7 2, 4, 10
quatre photos, qui sont celles sur lesquelles il
ne figure pas. Le nombre minimum de prises Vendredi Samedi Dimanche
de vue nécessaires est donc égal à 6. 3, 5, 11 5, 7, 13 11 , 13 , 4
4, 6, 12 6, 8, 14 12, 14, 5
HS4403 · Pour répondre à cette question, adop- 7, 9, 15 9, 11 , 2 15, 2, 8
tons le codage suivant : un carré coloré est 8, 10, 1 LO, 12, 3 1, 3, 9
codé par le nombre relatif - 1, et un carré blanc 13, 14, 2 6, 7, 10
15, 1, 4
est codé par + 1. Les matrices obtenues sont
analogues aux matrices d' Hadamard. Nous
pouvons calculer le produit des nombres conte- HS4405 · On a d(I) = 1 et d(2) = - 2.
nus dans chaque ligne et dans chaque colonne; Pour tout n 2'.: 3, on aura d(n) = O.
ce produit est égal à - 1 si la ligne ou la colon- En effet, on vérifie que la troisième ligne de la
ne contient un nombre impair de cases colo- matrice est combinaison linéai re des deux pre-
rées, et à + 1 si elle en contient un nombre pair. mières (elle est toujours égale à deux fois la
Lorsque nous passons d'une ligne (ou d' une deuxième ligne moins une fois la première).
colonne) à une autre, nous changeons exacte- On en déduit que, pour n 2'.: 3, le déterminant
ment le contenu de deux cases ce qui revient est nul.

~ 54 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


SOLUTIONS

HS4406 • l1:e premier terme de la matrice M(n) comme ci-contre. Des valeurs peuvent être
est égal à la somme des n - 1 premiers carrés attribuées à a , [3, 'Y, ô, de six façons diffé-
des entiers non nuls augmentée de 1, à savoir rentes, et dans chaque cas, les deux valeurs
l + 11(11 - 1)(211 - 1) / 6. Les termes de la dia- possibles pour e donnent deux matrices. On
gonale principale de M(n) forment une pro- obtient ainsi 6 X 2 = 12 autres matrices.
gression arithmétique de raison 11 + 1. La Troisième cas : les lignes a et A ne sont ni
somme demandée est donc : égales, ni opposées.
n (n + 1)(2n 2 - 2n + 3) / 6. On peut remplir la ligne a de six façons, et la
ligne A de quatre façons (puisque l'on a exclu
HS4407 · Désignons les places par A, B, C, a, b, les deux cas précédents). On obtient ainsi
et c, deux lettres associées (majuscule et vingt-quatre combinaisons, et chacune conduit
i:ninuscule) correspondant à deux places qui ne à une solution unique. Le nombre total de
sont pas directement reliées. plans réalisables est donc égal à
Dans cette matrice, aiJ = 0 s'il n'existe pas de 2 + 12 + 24 = 38 plans différents.
route reliant i àj (c ' est notamment le cas si i = j),
aiJ = l si la route reliant i àj est orientée dei vers HS4408 • On cherche un carré de la forme
j , et aiJ = - 1 si la route reliant i àj est orientée
de) vers i. D'après les conditions imposées par
l'énoncé, chaque ligne et chaque colonne de
cette matrice doit compter exactement deux fois
le nombre l et deux fois le nombre - 1.
Pour remplir cette matrice, on peut distinguer tel que a, b, c, d, e,f, g, h, i, a + 2, b + 2, c + 2,
trois cas: d + 2, e + 2, f + 2, g + 2, h + 2 et i + 2 soient
Premier cas : ligne a = ligne A. tous des nombres premiers. Ceci implique que
A B c a b c Ce cas est celui de la les chiffres des unités des nombres a, b, c, d, e,
A o -a -~ O -'Y -li matrice correspondant f, g, h eti appartiennent à l'ensemble {1 ; 7 ; 9}.
B a O -a a O -a au dessin de l'énoncé. Soit ces chiffres des unités sont tous identiques,
c ~ -~ o ~ -~ O Remplissons les soit ils sont dans la configuration suivante,
a o -a -~ o -y -li colonnes A et a avec à une rotation ou à une réflexion près :
b y o -y y o -y les nombres a, p, y, ô,
c li -li o li -li o puis complétons les
lignes en fonction de ces nombres. L'examen [; ~ !]
l[ l
des colonnes et l'antisymétrie imposent alors
a = - p= y = - ô. On n'obtient donc que deux La plus petite solution est la suivante :
matrices de ce type, avec a = l, p = - 1, y = 1,
191 17 239 193 19 241
ô = - 1, ou bien a = - l, p = 1, y = - 1, ô = 1. 197 149 101 , 199 151 103 .
Deux ièmc cas : ligne a = opposé de la ligne A . [
59 281 107 61 283 109
A B C a b c En respectant les
A 0 -a -~ 0 -y -ô conditions de l'énoncé
B a 0 - E -a 0 E (antisymétrie, deux
C ~ E 0 -~ - E 0 nombres 1 et deux
a 0 a ~ 0 y ô nombres - 1 par ligne
b y 0 E - y 0 -E et par colonne , la
ô - E 0 - ô E 0 matrice se remplit

Hors-série n°44. Les matrices Tangente 155


SOLUTIONS par Michel Criton

HS4409 • T 3"' + z + T4111 + 2 = T 5m + 3 pour tout m


a b c a b c
entier naturel . T 3n + 1J4n + 1 = T 511 + 1 pour tout n
D= d e f d e f
entier naturel non nul.
, . ,lo g h 3e 3e 3
.. 1 • • ·~ ... • • 1
' '\ • • 1 1{ l· ~
, '
2 2 2 L•~' ...:. .. a b 3e a b e
t1• lt >::f,
\. • • 4

On a 3m+1 4m+1 5m+1 =m


3n 4n+ 1 5n+l ·,~·~•t
1··t d
3e
e '3e
3e 9e
d e e xs.

our tout m et pour tout n, strictement positifs. La conclusion en découle directement.

2 2 3
On a aussi 5 6 8 =0 HS4412 • Selon la notation A B c D
3m+2 4m+2 5m+3 de Maurice Kraitchik, on E F G H
peut noter un tel carré de I J K L
pour tout m supérieur ou égal à 2. la façon suivante : M N 0 p

HS4410 • On suppose que les entiers sont choi- Désignons par S la somme magique. On a :
sis de façon que leurs résidus modulo 7 soient ~+B+C+D=E+F+G+H=I+J+K+
équirépartis. L = M + N + O + P =A+E+ I + M = B + F
On remplace alors les entiers choisis par leurs + J +N=C+ G + K + O = D + H +L+ P =
résidus modulo 7. Le déterminant de la matri- M + B + G + L = I + N +C+ H =E+ J + O +
ce obtenue est divisible par 7 si, et seulement D = A + F + K + P = A + N + K + H =E+ B
si, cette matrice n'est pas inversible. Le + 0 + L = 1 + + C + P = M + J + G + D = S.
nombre de matrices non 3 X 3 inversibles sur Ces égalités entraînent que l'on peut écrire ce
le corps des entiers modulo 7 est égal à carré sous la forme suivan e :
(7 3 - 1) (7 3 - 7) (7 3 - 7 2) , sur un total de 79
A B c S - A-B-C
matrices . La probabilité demandée est donc E S-A-B-E A-C+E B+ C-E
égale à: S / 2-C A+ B+C -S / 2 S/2-A S / 2-B
S/2-A+C-E S/2-B-C+E S/2-E A+B+E - S / 2

En soustrayant la première colonne de la


troisième et la deuxième de la quatri èQ1e,
on obtient deux colonnes linéairemen
dépendantes .
On en déduit que le déterminant est nul.

HS4411 · Soit
[
dag b: 1c. J un carré magique HS4413 · Contre-exemple :
1
10 18 14 22

,~
4 12 25 8 16
quelconque. On a alors S = 9e et la somme
magique est égale à S / 3, soit à 3e. 23 6 19 2 =-4680000.
En additionnant lignes et colonnes, on 5 13 21
obtient: 24 7 20
,;/
·r ••

156 Tangente Hors-série n°44. Les matrices


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Ta.ngente Hors-série n° 44
Les matrices

Ta.ngent e
Publié par les Éditions POLE
SHS au capital de 42 000 euros
Siège social
80 bd Saint-michel - 75006 Paris
Commission paritaire : 1011 K 80883
Dépôt légal à parution
Directeur de Publication et de la Rédaction
Gilles COHEn
Rédacteur en chef adjoint
Herué LEHnmG
Secrétaire de rédaction
Édouard THOmHS
Ont collaboré à ce numéro
Jacques BHIR, Philippe BOULHnGER, Élisabeth BUSSER,
michel CRITOn, Jean-Jacques DUPHS,
Bertrand HHUCHECORnE, Daniel JUSTEns,
Philippe LHnGEnHKEn, François LHUHLLOU,
Herué LEHnmG, Hlexandre moHTTI, Jean-Hlain RODDIER,
norbert UERDIER, Hlain ZHLmHnSKI
maquette
Thibaud Dl DOmEmco, Guillaume GHIDOT,
natacha LHUGIER, Claude lUCCHlnl
Photos : droits réserués
Photo couverture : Édouard Thomas
[exposition mathématiques, un dépaysement soudain
à la fondation Cartier pour l'art contemporain)
Publicité, abonnements
marie DURHnD md@poleditions.com
01 47 07 51 15 - fax : 01 47 07 88 13
Achevé d'imprimer
pour le compte des Éditions POLE
sur les presses de l'imprimerie SPEI à Pulnoy
Imprimé en France
Dépôt légal - Août 2012

Ta.ngent:e Hors-série n°44. Les matrices


-
r1ces
ation du monde

Les matrices sont, à la base, de


simples tableaux de nombres. Il
y a moins de deux siècles, on a
défini des opérations pour
manipuler ces tableaux, ce qui a
bouleversé l'approche de
plusieurs objets ou notions
mathématiques.
Les transformations
géométriques, notamment,
s'étudient plus aisément avec les
outils matriciels. Plus
généralement, tout ce qui est de
dimension finie dans le monde
qui nous entoure, et tout ce qui
peut être modélisé, tombe sous
leur influence.
Cette caractéristique a trouvé
sa pleine expression avec
l'avènement de l'informatique.
L'économie, l'actuariat et
la finance en sont friandes.
L'électronique et toutes les
sciences de l'ingénieur ne
peuvent plus s'en passer.
Même le grand public est
directement concerné : derrière
chaque Sudoku, chaque grille
logique, chaque carré magique
se cache une matrice, souvent
utile dans sa résolution.

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