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philosophie de la puissance
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philosophie de la puissance …
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fred r i k a
spi ndler
Philosophie de la puissance
et détermination de l’homme chez
Spinoza et chez Nietzsche
g
glänta produktion
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philosophie de la puissance …
fredrika spindler
Philosophie de la puissance et détermination
de l’ homme chez Spinoza et chez Nietzsche
© fredrika spindler
Utgiven av glänta produktion
Graf isk form & sättning richard lindmark
Printed by munkreklam ab, munkedal 2005
isbn 91-974575-9-0
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Remerciements
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introduction
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introduction
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introduction
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i.
la condition
de l’homme et le monde
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chapitre i
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A) La condition existentielle
des modes chez Spinoza: la passion.
La détermination, chez Spinoza, comporte une signification
double : d’une part, le mode est une expression particulière
de la substance ce qui signifie qu’il doit, en raison de la né-
cessité substantielle de produire un nombre infini d’effets7,
exprimer d’une façon certaine et précise une variation d’in-
tensité particulière de la puissance de la substance (ce qu’il
fait doublement en tant que âme et corps). L’être du mode
consiste entièrement dans le fait d’exprimer ainsi une partie
de la substance, à produire des effets selon sa composition,
ce qui veut dire que sa détermination n’est pas quelque chose
d’annexe ou d’arbitraire qui s’ajouterait à son être, mais
qu’au contraire, elle le constitue. Ainsi, il n’y a rien dans le
mode qui pourrait le soustraire à sa détermination, ou qui
pourrait faire en sorte qu’il ne produise pas les effets qui lui
appartiennent, puisque premièrement, une telle indétermina-
tion impliquerait un changement de nature à l’intérieur du
mode, ce qui entraînerait nécessairement sa destruction8,
et, deuxièmement, la détermination du mode reposant sur
la nécessité de la substance, l’indétermination supposerait
qu’il y ait contradiction dans la substance, ce qui en raison
de sa positivité absolue serait absurde9. Nous pouvons alors
dès maintenant comprendre que la détermination spinoziste
ne présente aucun caractère finaliste, comme Nietzsche a pu
le croire10: la production des effets de la substance, que ce
soit par le fait que celle-ci s’exprime à travers ses modes, ou
que les modes à leur tour produisent des effets, ne comporte
aucune intentionnalité, et aucun effet n’est visé, comme un
but à atteindre: bien au contraire, la nécessité est une néces-
sité a priori, causale, autrement dit ce n’est qu’en raison de la
nature absolument infinie de la puissance substantielle11 que
des effets s’ensuivent. En effet, il apparaît bien que la nature
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B) La condition existentielle
de l’homme chez Nietzsche: apparence et évaluation.
Le principe du conatus, à savoir que l’essence de l’homme est
de persévérer dans son être, et que tout instant, toute action
de la vie humaine témoigne de cet effort, implique que, dans
la connaissance adéquate comme dans la connaissance inadé-
quate, l’homme est conscient de son effort44. Or, malgré cette
conscience, l’homme vit dans la passion, c’est-à-dire dans la
détermination extérieure, et nous avons montré l’irréductibi-
lité de cette détermination: l’homme, qui consiste en un corps
et une âme qui est l’idée de ce corps et rien d’autre, ne peut
rien percevoir ni de lui-même ni du monde extérieur sinon à
travers les affections du corps. Mais si chez Nietzsche nous
avons au préalable défini l’homme comme l’une des expres-
sions de la volonté de puissance45, celle-ci étant fondamenta-
lement un rapport variable entre des forces, des volontés dif-
férentes, et un désir interne d’accroissement de force46, il en
résulte une même détermination de l’homme par l’extérieur:
l’homme est corps et conscience du corps, et le corps est déjà
en soi, comme toute réalité physique, une coordination hié-
rarchique de forces de principe actif-réactif, qui à tout instant
au contact avec le monde (c’est-à-dire tout événement aussi
bien que la matière: l’air, la chaleur, etc.) se modifie, s’adapte,
s’imprègne. Sans pour l’instant approfondir les affinités de ces
principes de forces et du conatus spinoziste, nous nous per-
mettons néanmoins de suggérer que la volonté de puissance,
en tant que la force motrice de tout être, implique un effort
continu, le dynamisme interne déterminant tout phénomène,
autant dans l’activité que dans la passivité.
Nous avons vu que chez Spinoza, la connaissance résultait
immédiatement d’une relation entre deux ou plusieurs corps
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ii.
détermination intérieure:
conatus et volonté de puissance
1. Le problème du conatus,
le malentendu de Nietzsche
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chapitre ii
n’est pas que ce soit une projection subjectiviste (ce fait étant
au contraire nécessaire), mais que précisément l’on oublie
que ce soit une projection, et que les valeurs qui en découlent
soient élevées à un niveau supra-terrestre, divinisées. Bref, ce
que veut montrer Nietzsche, c’est comment l’homme, en éva-
luant sa condition de vie, transforme ses jugements subjectifs
en des valeurs absolues, faussant par là le sens même de la
vie. La transmutation des valeurs nietzschéenne consiste pré-
cisément dans la ré-évaluation de ces valeurs dites absolues83
— et non forcément leur destruction dans l’utilité pratique:
«je ne nie pas, cela va de soi, — dès lors que je ne suis pas in-
sensé — qu’il faille éviter et combattre de nombreuses actions
dites immorales; ni qu’il faille accomplir et encourager de
nombreuses actions dites morales, — mais je pense qu’il faut
faire l’un et l’autre pour d’autres raisons que jusqu’à présent.
Nous devons changer notre façon de juger, — afin de parve-
nir finalement, et peut être très tard, à mieux encore: changer
notre façon de sentir.»84
Pour changer les valeurs morales il faut comprendre ce qui
est à leur source. C’est pourquoi l’analyse de la morale devra
nécessairement commencer chez Nietzsche par l’analyse des
systèmes de valeurs les plus négatives, s’enracinant dans la
décadence et la dépréciation de la vie et qui s’oppose à une
morale autre, qui serait, elle, affirmative et forte. L’étude gé-
néalogique de la morale fait apparaître que le sens des valeurs
morales projetées par les hommes, tel que «bon» ou «mau-
vais», «bien» ou «mal», se différencie essentiellement selon
qu’elles sont créées de façon active ou de façon réactive;
autrement dit selon qu’elles soient créées par ceux que Nietzs-
che appelle «les maîtres», ou les «esclaves»: ainsi, dans un
passage devenu historique, il affirme: «Alors que toute mo-
rale aristocratique naît d’un oui triomphant adressé à soi-
même, de prime abord la morale des esclaves dit non à un
«dehors», à un «autre» à un «différent-de-soi-même» et ce
non est son acte créateur.»85 La distinction, qui y apparaît est
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esclaves ne s’en disent même pas les créateurs, mais les ren-
dent incréées, donc divines, transcendantes, absolument jus-
tes et donc supérieures à la vie comme à l’injustice qu’elle
présente. La projection subjectiviste est ainsi achevée: non
seulement le «faible» s’est posé en tant que victime, nommant
«méchante» la force qui s’est imposée à lui, mais de plus, de
cet événement occasionnel, il érige en loi son jugement: le
«fort» qui a exercé son action sur lui n’est pas seulement «un
homme méchant», mais il a fait «le mal», et du même coup,
celui qui a subi l’action représente «le bien»93. Or, il faut le
préciser; le glissement à la morale de l’éthique repose déjà sur
un renversement initial: c’est que ce qui était à l’origine nom-
mé «bon» ou «mauvais» par les forts est précisément ce qui
est appelé «méchant» ou «bon» par les faibles, qui à la suite
prend valeur absolue de mal et de bien94. En effet, cette réifi-
cation transcendante des valeurs ne peut avoir lieu dans la
morale aristocratique, puisque celle-ci appelle bon ou mau-
vais ce qui résulte d’une action: ce qui est bon ne peut être
autre que ce qui augmente la puissance d’agir, mauvais, ce qui
la diminue; or par là même, ce sont des valeurs qui changent
nécessairement d’après les circonstances. La morale aristo-
cratique comporte donc une affirmation générale de la vie, et,
non seulement accepte son changement incessant, mais en
plus, le célèbre par sa propre activité constante: «chez eux
être actif était nécessairement au compte du bonheur»95. C’est
pourquoi, pour Nietzsche, bon et mauvais sont en opposition
totale avec bien et mal: «Par-delà bien et mal… Ce qui du
moins ne veut pas dire «Par-delà bon et mauvais»»96. C’est
dans ce renversement initial que réside ce qui pour Nietzsche
doit être qualifié d’essentiellement négatif: en appelant «bon»
ce qui est passif, «méchant» ce qui est actif l’on nie que le
caractère principal de la vie réside justement dans le déploie-
ment de soi-même, et l’on opère une séparation abstraite et
fictive entre la force agissante et l’agent lui-même: le méchant,
c’est celui qui agit alors qu’il aurait pu ne pas agir; «la morale
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La fiction est une même chose aussi bien pour Spinoza que
pour Nietzsche, et réside en ce qu’on sépare la Nature de ses
propres pouvoirs, et qu’on falsifie ainsi la nature du désir101.
Or, juger la vie d’après les simples valeurs humaines, c’est la
plus haute forme de fiction, car c’est la rabaisser et la dénatu-
rer dans tout ce qu’elle comporte de déploiement non-inten-
tionnel de sa propre force. Mais par ceci nous pouvons aussi
comprendre dans quel sens Spinoza et Nietzsche dénoncent la
morale: certes, il s’agit de faire s’écrouler l’ancienne idéalité
de l’homme et les valeurs dont il était considéré comme le
porteur ou le témoin privilégié. Or, et c’est ce qui donne à la
philosophie spinoziste autant qu’à celle de Nietzsche un ca-
ractère irrémédiablement révolutionnaire102: la dénonciation,
loin de vouloir nier le comportement humain qu’est la cons-
truction morale, veut le mettre en lumière afin de permettre
un véritable repositionnement de l’homme dans la nature,
au sein du réel: il s’agit de redonner à l’homme une nouvelle
identité, une nouvelle valeur plus appropriée à la réalité, qui
est, nous l’avons vu, celle d’un être déterminé, conditionné
en grande partie par l’extérieur, et dont les relations avec le
reste du monde sont irréductibles à sa propre existence. Et
c’est précisément la détermination qui, contrairement à sa
négativité apparente, est à la base même de l’ouverture des
perspectives jusque là impensées quant à la puissance et à la
réalité de l’homme, et à son appartenance à la vie: par le fait
d’être déterminé par et dans la nature, l’homme se définira
par conséquent comme un individu — ou mieux encore, com-
me un degré d’intensité de force — dont la puissance réside
dans le déploiement de sa vie et dans son appartenance à la
nature, et non plus comme un sujet métaphysique dont le lot
était de souffrir la vie, en être une victime, et d’attendre une
récompense de sa patience dans une vie autrement juste et
vraie. Mais il faut encore préciser que cette nouvelle iden-
tité de l’homme n’implique pas un retour à un naturalisme
ou une sorte de panthéisme: pour Nietzsche autant que pour
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iii.
temps et éternité
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1.
A) Éternité et durée chez Spinoza:
deux registres ontologiques
Une lecture attentive de l’Éthique de Spinoza ne peut man-
quer de déceler la place primordiale que celui-ci accorde à
la problématique de la temporalité, et ceci malgré le fait que
Spinoza parle peu, et de façon extrêmement peu explicite, du
concept du temps lui-même. Le concept de l’éternité constitue
effectivement à lui tout seul en quelque sorte l’alpha et l’omé-
ga de l’Éthique: sa définition est placée au tout début du livre
I, et c’est à l’explicitation de son plein sens qu’est consacré le
livre V. Entre ces deux pôles qui fonctionnent, non comme un
développement au sens propre du terme, puisque la totalité du
sens de l’éternité est déjà donnée dans le livre I de l’Éthique1,
et que le livre V n’en reprend les termes que pour les faire
voir comme à travers une lunette qui permet d’en déceler la
pluridimensionnalité, se développe par contre proprement dit
la notion de la durée laquelle, au fil de l’analyse acquiert une
richesse et une densité toutes spécifiques et propres à Spinoza.
Il convient donc dès le départ de considérer ces deux notions
comme deux registres ontologiquement séparés (non pas, ce-
pendant de manière traditionnelle, comme nous allons le voir),
et ce en raison de leurs définitions et de ce qui en découle. En
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2.
A) Éternité et devenir chez Nietzsche.
a) Essence-existence: l’apparence et le vrai
Nous avons commencé ce chapitre en déterminant la diffé-
rence ontologique entre l’éternité et la durée, ce qui revient
à avoir posé en des termes très précis la différence ontologi-
que entre la substance et ses modes. Nous savons donc que
l’homme ne peut prétendre à une existence éternelle (seule la
substance le peut, puisqu’elle est puissance absolue d’exister,
non déterminée par autre chose), si bien que le concept même
d’immortalité dans le sens d’une vie après la vie présente de-
meure vide de sens. De même, nous avons déterminé que le
rapport de l’homme à l’éternité ne peut par définition être
investi que dans le plein épanouissement de la durée, puis-
que c’est dans et durant elle seule qu’il est capable d’action.
Nietzsche ne saurait de toute évidence jamais adopter cette
terminologie, puisque pour lui, la distinction entre la subs-
tance et son éternité avec le mode et sa durée semble rele-
ver du dualisme tant combattu par lui d’essence-existence44;
dualisme communément admis dans la philosophie depuis
Platon, et qui pour Nietzsche est signe de la plus haute déca-
dence qui dévalorise l’existence elle-même: «Diviser le monde
en un monde «vrai» et un monde «apparent», soit à la ma-
nière du christianisme, soit à la manière de Kant (…) cela ne
peut venir que d’une suggestion de la décadence, qu’être le
symptôme d’une vie déclinante»45. Impossible pour Nietzsche
d’admettre une essence au-delà de l’existence, ou, pour em-
ployer le terme plus précisément nietzschéen, de l’apparence:
le monde est tout entier donné dans ses apparences fluctuan-
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b) La notion de temporalité
La temporalité, comme l’ont montré tout particulièrement
les études de Heidegger, se situe au cœur même de la pensée
nietzschéenne57. Question essentielle et infiniment complexe,
elle est celle qui aura suscité les interprétations les plus radi-
cales, les plus positives et les plus négatives; étant tour à tour
qualifiée de pierre de touche de la pensée nietzschéenne, et
de fantasme absurde. Parmi les analyses les plus importan-
tes, la question est encore traitée avec ambivalence (c’est le
cas de E. Fink et de M. Haar) et une grande divergence: G.
Deleuze y voit l’affirmation suprême, l’abolition des forces
réactives ou leur conversion totale en forces actives58; tandis
que pour P. Klossowski, l’Éternel Retour en tant que Cercle
Vicieux signifie l’abolition absolue de l’individu59 La ques-
tion de l’éternité et de la temporalité peut ainsi être appelé
à très juste titre «l’étoile autour de laquelle gravitent les thè-
mes décisifs de la philosophie de Nietzsche. Mais il (le Retour
éternel,) est également le trou noir qui tient prisonnière la
lumière qui voudrait s’en échapper jusqu’à nous (…)»60 Pour
encore d’autres, l’expérience de l’éternité est une «fable exis-
tentielle»61, ou encore à la fois essentielle et contestable62.
L’étude qui a peut-être abordé la question avec la plus grande
rigueur et, à ce sujet précisément, une immense compréhen-
sion des textes nietzschéens, reste celle de Heidegger, pour
qui la problématique reste quelque chose d’énigmatique et
de non résolu, mais qui mérite que l’on s’interroge à son su-
jet63. La complexité vient de ce qui de prime abord semble
apparaître comme une contradiction. Dans la pensée nietzs-
chéenne, il y a, d’une part, un rétablissement fondamental de
la valeur du temps en tant qu’affirmation du devenir; dans le
fait de poser le devenir comme champ d’action de la volonté
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B) Introduction à l’éternité:
L’expérience du Retour Éternel.
L’expérience nietzschéenne du Retour éternel se présente
comme une vision éblouissante d’une toute nouvelle appar-
tenance des choses à l’éternité. Loin de présenter l’éternel
comme un au-delà figé et immobile, la vision de Nietzsche a
la valeur d’un mouvement perpétuel, éternellement régénéré
par sa propre force: le monde «devient, il passe, mais il n’a
jamais commencé à devenir, il n’a jamais cessé de passer, — il
se conserve sous ces deux formes… il vit sur lui-même: ses
excréments sont sa nourriture»69. Le premier aspect de cette
éternité est en effet celui du cycle: que tout revienne, encore et
encore, c’est ce qui demande à être affirmé afin que le monde
soit sauvé. Cette même vision, nous le savons, est dès lors em-
preinte d’une gravité sans pareille, où l’effroi devant la répéti-
tion supposée de toute chose s’abat sur Nietzsche-Zarathous-
tra comme «le poids le plus lourd»70, cette expression étant
même le titre du texte introduisant l’idée du Retour éternel.
Dans cette expression, «le poids le plus lourd», se concentre
la pensée de Nietzsche en trois questions essentielles, dont
une seule, curieusement, apparaît immédiatement, au détri-
ment des deux autres qui demeurent comme sous-jacentes.
Comment se définit exactement le poids le plus lourd ? C’est
le démon qui en donne la formulation: «cette existence, telle
que tu la mènes, et l’as menée jusqu’ici, il te faudra la recom-
mencer et la recommencer sans cesse; sans rien de nouveau,
tout au contraire! la moindre douleur, le moindre plaisir, la
moindre pensée, le moindre soupir, tout de ta vie reviendra
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posée. Zarathoustra est ici dans une démarche tout à fait con-
templative: il regarde, évalue, et juge la constitution du temps.
En cela, ce moment constitue un seuil, un de ceux dont parle
Nietzsche dans le texte cité ci-dessus notamment: le regard
rétrospectif et le regard prévoyant à la fois, comme le visage
de Janus capable de voir le passé et l’avenir en même temps81.
Il semblerait que pour Nietzsche ce moment exceptionnel,
qui survient un certain nombre de fois dans la vie lorsqu’il est
temps de faire un bilan, constater une fin et un commence-
ment, existe comme une suspension du temps: en dehors du
flux, le regard et l’évaluation sont possibles. Ainsi écrit
Nietzsche, lorsqu’il n’a que vingt-quatre ans, dans une lettre
à Erwin Rohde82: «A vrai dire, rien ne serait plus réconfor-
tant que de pouvoir à présent, du milieu de notre vie, jeter un
double regard et sur notre passé et sur notre avenir». Il est
certain que ce milieu de la vie n’est pas une arrivée à la moitié
de la vie biologique83, mais qu’il y est question du cœur de la
vie, un passage crucial. Ce désir d’évaluation n’est autre que
la tâche d’Ecce Homo, où il est explicitement question de
faire les vendanges, récolter ce qui a été semé (cf supra). Za-
rathoustra, il est certain, accomplit ce mouvement. Mais le
regard contemplatif se transforme immédiatement en un re-
gard impliqué, transgressant la distance, et cette transgression
enrichit infiniment le caractère de «seuil» ou limite qu’a ce
portique, et le rend tout à fait dynamique84. C’est devant
l’Instant que Zarathoustra pose sa question sur la réconcilia-
tion possible du temps et de l’éternité, et c’est cette contem-
plation de l’Instant qui lui confère toute sa portée: ou bien le
portique sera-t-il perçu comme un point-limite; une frontière
entre le passé et l’avenir de façon à ce qu’ils soient perpétuel-
lement sans rapport si ce n’est dans la résignation du nain
qui, accablé, affirme que leur cours est le même — ou bien, ne
faudra-t-il pas comprendre que ce portique, qui ne saurait
représenter simplement un instant en particulier85, mais com-
me la présence de tout instant, comme la jonction, le point de
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3.
A) Conséquences de l’analyse
pour la confrontation Spinoza-Nietzsche
Les conséquences de cette compréhension sont importantes.
1° elle nous permet de réfuter avec force les interprétations
qui qualifient la doctrine du retour éternel de «fable existen-
tielle», puisqu’il apparaît que Nietzsche, malgré un certain
nombre de textes apparemment contradictoires, est loin d’être
incohérent lorsqu’il affirme, d’une part, que tout revient, et
d’autre part, que tout est voué au passage et à la destruction.
Nous avons effectivement vu comment toutes choses revien-
nent — il est question d’une présence éternelle, non pas d’un
cycle circulaire où l’identique revient nécessairement pério-
diquement. Le passage, ou le passé n’a de son côté rien de
surprenant dès lors que nous savons que pour Nietzsche, le
jeu perpétuel des rapports de force de la volonté de puissance
empêche une constante de s’établir. En effet, dit-il, «le monde
des forces ne parvient jamais à un équilibre, il n’a jamais un
instant de repos, sa force et son mouvement sont d’une égale
grandeur en tout temps» 143. Si tout passe, c’est parce que les
forces — nos forces — sont en mouvance perpétuelle. C’est
aussi pour quoi, pour Nietzsche, le combat contre le dégoût et
l’immense fatigue existentielle, dont témoigne tout particuliè-
rement sa propre vie144 revient incessamment, et n’est jamais
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iv.
finitude, causalité et nécessité
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A) L’infini de Spinoza et le fini de Nietzsche
L’analyse que nous avons effectuée du concept d’éternité chez
Nietzsche montre que, contrairement à Spinoza, le déroule-
ment du temps, qui constitue l’éternité proprement dite, est
une infinitude absolue, qui s’inscrit dans quelque chose qui ne
peut se concevoir autrement que comme une finitude: le mon-
de, ou l’univers, pour Nietzsche, est quelque chose de fini. Ce
fait est primordial pour Nietzsche: «Notre univers tout entier
n’est que la cendre d’innombrables êtres vivants: et si minime
que soit le vivant comparé à la totalité: il reste que tout fut
déjà une fois converti en vie, et ainsi de suite. Admettons une
durée éternelle, par conséquent un éternel métabolisme» 1, et
la notion même d’ «infini» est qualifié par Nietzsche d’ «ex-
travagance»2. Le temps, pour Nietzsche, est un cercle dans le
sens qu’il n’est pas devenu; il n’y a pas de commencement, ni,
de toute évidence, une fin. Cette circularité, elle-même infinie,
est une nécessité pour Nietzsche, puisque toute autre concep-
tion du déroulement (linéaire ou répétitif-recommençant à
l’identique dans le sens du cycle régulier dont témoignent les
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B) Le problème de la mort.
La positivité absolue de Spinoza
Si l’analyse de l’éternité chez Spinoza montre clairement
qu’elle ne saurait en rien signifier une immortalité au sens
traditionnel d’une vie après la mort où l’âme rejoint son es-
sence ou être véritable après la destruction du corps, il est
cependant clair qu’il appartient à une certaine partie de l’âme,
à savoir l’entendement, d’être éternel. Or la pensée spinoziste
est ici très particulière. Spinoza reprend une idée largement
répandue dans la philosophie néoplatonicienne concernant
l’immortalité partielle de l’âme: Plotin, Léon l’Hébreu, Gior-
dano Bruno ont tous opposé l’âme immortelle à l’âme sensi-
ble; de même, Maïmonide affirme l’immortalité de l’entende-
ment actif. Mais la nature de ce qui est immortel, ou éternel,
chez Spinoza, lui est tout à fait spécifique: il ne s’agit pas d’af-
firmer l’éternité même d’une partie de l’âme en opposition à
la mortalité du corps26, car, ce qui est éternel dans l’âme, à
savoir l’entendement c’est-à-dire l’acte de concevoir, reste en
tout état de cause entendement ou idée du corps: ce qui reste
d’éternel de l’âme, c’est «un concept, ou une idée, {qui} est
nécessairement donné en Dieu, qui exprime l’essence du
Corps humain, et ce concept est, par suite, quelque chose qui
appartient nécessairement à l’essence de l’Âme humaine. 27
Ce qui est éternel, c’est donc très clairement l’idée de l’essence
d’un corps, tout comme, dans la substance, il y a l’idée de
l’essence de l’âme. Il y a donc un dédoublement de l’éternité:
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C) Nécessité et causalité
Nous savons que la nature de la substance infinie est cor-
rélative d’une nécessité absolue: chez elle, l’essence implique
l’existence, elle est cause de soi ce qui veut dire qu’il n’existe
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2.
A) Vie et mort: les deux versants de l’être.
Causalité et régularité.
La mort, comme nous l’avons vu, doit être qualifiée non pas
d’irréalité, mais plutôt d’idée inadéquate chez Spinoza. Dans
l’absolu, la finitude n’a pas de valeur: c’est pourquoi, pour le
sage, la vie est méditation non de la mort, mais de la vie elle-
même. Pour Nietzsche, une telle conception reste idéaliste,
non pas parce l’individu ne fait pas partie de la totalité et
ne se résorbe pas dans cette totalité, qu’il soit actuellement
existant ou non, bien au contraire. Or pour Nietzsche, la
mort existe parfaitement, au même titre que la destruction,
au sein même de l’être62: la vie, dit-il n’est qu’une variation
possible de l’être, non pas l’être elle-même63, ce qui veut dire
que la mort, ou la finitude, est parfaitement inhérente à toute
forme d’être. Cela signifie qu’il n’y a pas non plus de pri-
mordialité originelle accordée à la vie plutôt qu’à la non-vie
dans la nature: il n’y a dans la nature, dit Nietzsche, «aucune
«partialité» pour ce qui est vivant et contre ce qui est mort.
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chapitre iv
penser71; signe que la vie est, non pas plus forte que la mort,
ce qui serait absurde, mais qu’elle dépasse incessamment la
destruction par l’acte de création qui lui est immédiatement
conjoint.
Or dès lors que nous concevons le monde comme volonté
de puissance mouvante, rapports de force en construction et
en déconstruction perpétuelle, nous sommes certainement
très loin de la puissance de la substance spinoziste qui en tout
état de cause se définit par son unicité et son indivisibilité
absolues. La volonté de puissance de Nietzsche n’est pas une
substance, autrement dit, elle n’est pas une poussée ou un
mouvement unique qui renferme tout en elle, mais il s’agit
plutôt, comme le dira Nietzsche, des volontés de puissance:
elle est multiple en elle-même, elle enferme des mouvements
contraires, et cela, non pas de façon «extérieure» ou contin-
gente comme chez Spinoza, où il y a certes une diminution de
force correspondant à chaque augmentation, mais où cela est
dû aux rencontres et aux heurts des modes qui en eux-mêmes
ne font qu’exprimer une puissance unique, qui est celle de la
substance — mais où la volonté de puissance est de façon on
ne peut plus réelle une énergie au sein de laquelle s’expriment
des mouvements contraires, des forces actives et des forces
réactives. La positivité absolue72 du système spinoziste ne se
retrouve pas, tout au moins dans un premier sens, dans le sys-
tème de Nietzsche. La différence entre le mouvement unitaire
de la substance et le mouvement réfractaire d’une volonté de
puissance multiple est comme le deuxième indice du clivage
fondamental entre Spinoza et Nietzsche, mais cet indice ne
suffit pas, tout au moins présentement, pour en conclure toute
la portée. Pour le moment, nous devons poursuivre l’analyse
menée de la pensée de Nietzsche: la conception du monde
comme une multiplicité de volontés de puissance se caractéri-
sant par des rapports de force, implique un certain nombre de
conséquences qui doivent être mises au clair.
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v.
le déploiement
de la connaissance.
de la passion à l’action.
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chapitre v
1.
A) L’énonciation de la connaissance chez Spinoza: la
connaissance comme activité fondamentale de l’humain,
et la connaissance comme rapport essentiel au monde.
a) L’Âme et le Corps
Nous venons de définir de façon préliminaire l’activité spé-
cifiquement humaine comme étant la connaissance. Effec-
tivement, dès lors que nous savons comment se présente la
structure du monde spinoziste, nous nous apercevons que
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b) La connaissance inadéquate
Le corps humain est un assemblage complexe de parties dif-
férentes qui entretiennent une certaine proportion de mou-
vement et de repos: ces parties s’affectent, c’est-à-dire s’in-
fluencent continuellement entre elles dans l’effort de garder
la proportion ou le rapport qui les caractérise23. Or, de même
que ce corps est comme en état de tension perpétuelle inté-
rieure, il est en contact perpétuel et continu avec le monde
extérieur: l’air, la chaleur, le froid, les matières nous affectent
à tout moment, et contribuent continuellement à entretenir
le mouvement et le repos des parties nous constituant. Spi-
noza s’insère, avec cette réflexion, dans une tradition tout à
fait mécaniste: un corps, nous l’avons vu au cours du premier
chapitre, n’est pas capable de se mouvoir seul, or il est en
capacité de recevoir ou de propager un mouvement venant
de l’extérieur. Les textes entre les lemme III et VII du livre II
de l’Éthique établissent de quelles façons exactes un corps
se meut tout en conservant sa nature: 1° un corps ne saurait
se mettre en mouvement s’il n’était déterminé à le faire par
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l’action exercée par un autre corps sur lui 24 (ce qui signifie
que toute existence ne peut être conçue qu’au moyen d’une
interaction et d’une coexistence). 2° La façon dont un corps
est déterminé à bouger dépend à la fois de sa propre consti-
tution et de celle du corps qui l’affecte25, ce qui signifie pre-
mièrement qu’un même corps peut être mû d’une infinité de
façons par une infinité d’autres corps, et deuxièmement, que
la complexité d’un corps lui assure une plus grande capacité
d’affection puisqu’il pourra être mû de façons plus diverses
qu’un corps simple. 3° Tant que la proportion interne est gar-
dée, les composants d’un corps pourront largement s’altérer
et changer sans que l’individu constitué par ces parties soit
détruit: encore une fois, ce sont les corps les plus complexes
qui pourront varier le plus sans risque de décomposition 26.
Il s’ensuit deux conséquences fondamentales: première-
ment, la capacité vitale d’un corps dépend de sa complexité,
puisque c’est à proportion qu’un corps peut être affecté qu’il
peut entretenir un très haut degré de pouvoir de modification
sans être détruit (plus un corps est simple, plus il risque d’être
détruit par une quelconque puissance extérieure supérieure à
lui), et qu’il peut lui-même déterminer d’autres corps à son
tour: il peut donc non seulement «se défendre» ou plutôt ré-
sister à proportion de son pouvoir d’être affecté, mais encore,
provoquer lui-même des modifications sur les corps environ-
nants en fonction de ce qui lui convient, autrement dit en
fonction de ce qui lui est utile pour sa subsistance27. Deuxiè-
mement, il s’ensuit, de par la corrélation absolue entre le
corps et l’âme qui en est l’idée, une capacité mentale qui est
très exactement en relation avec la capacité physique du
corps: à mesure que le corps est complexe et composé de par-
ties multiples, l’âme le sera également au niveau de la puis-
sance d’idées28. Effectivement, l’âme doit former une idée de
toutes les affections du corps29; si donc le corps peut être af-
fecté de façons multiples, l’âme formera d’autant plus d’idées.
Il est donc clair que Spinoza se sépare de façon radicale d’une
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d) La nature de l’adéquation
Cette réflexion nous amène à considérer un point fondamen-
tal pour la compréhension de la problématique de la connais-
sance chez Spinoza. Nous avons vu comment la connaissance
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fie très précisément que, lorsque nous avons une idée adé-
quate d’un objet, celui-ci se présente à nous dans sa nécessité,
quelles que soient les circonstances où il se présente à nous:
c’est très précisément ce que Spinoza veut dire lorsqu’il nous
affirme qu’il est de la nature de la raison de concevoir les cho-
ses comme éternelles et nécessaires98. Elle les conçoit en tant
qu’ éternelles, puisqu’elles expriment la nécessité de la nature
éternelle de la substance99 et qu’en tant qu’elles expriment
l’idée de ces choses telle que l’idée en existe dans la substance,
la raison les perçoit sans relation au temps et à la durée, donc
d’une façon éternelle. De même, elle les voit comme nécessai-
res, parce qu’elles ne peuvent être autrement que ce qu’elles
sont en fonction de leur puissance d’être. L’adéquation est
ainsi un accord, non entre l’idée et son objet, mais entre l’idée
et sa constitution interne, entre l’objet et ses capacités réelles
à exister.
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2.
B) Nietzsche: Le problème de la connaissance
Dès le premier chapitre nous avons pu établir un certain nom-
bre de points fondamentaux concernant la problématique de
la connaissance chez Nietzsche, et dans quelle mesure elle était
liée à la même problématique chez Spinoza. Nous savons que,
comme chez Spinoza, la connaissance nietzschéenne est, dans
un premier temps, avant tout liée à une perception par le corps,
celui-ci étant non pas une entité mécanique reflétant de façon
plus ou moins fidèle une réalité extérieure fixe et certaine, mais
au contraire, la mesure dynamique de notre propre pouvoir
d’être affectés et par là même, de penser. La problématique de
l’homme au sein de l’immanence telle que nous l’analysons au
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b) Vouloir-connaître et vouloir-errer:
la structure fondamentale de la connaissance
Avant tout, le corps réagit et agit par rapport aux stimula-
tions extérieures en vue de se forger une situation correspon-
dant à ses besoins et à ses capacités d’endurance. La vision
physique est ainsi essentiellement perspectiviste: nous ne pou-
vons prendre en compte les choses de façon générale, si tant
est qu’une généralité quelconque puisse même être supposée,
mais seulement à partir de notre situation donnée: c’est bien
notre propre structure et notre propre capacité de perception
qui détermine ce que nous allons comprendre du monde,
ainsi, dit Nietzsche, «nous sommes dans notre toile comme
des araignées, et quoi que nous y prenions, nous ne pouvons
prendre que ce qui veut bien se laisser prendre dans notre
toile»191. Emprisonnés dans notre perspective, nous le som-
mes doublement: d’une part, parce qu’effectivement, nous ne
percevrons jamais les choses qu’à la mesure de nos propres
horizons, c’est-à-dire que notre opinion sur la vue changerait
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e) La connaissance affirmative
L’analyse de la critique nietzschéenne de la connaissance con-
tient tous les éléments qui nous permettent d’établir quel est
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vi.
spinoza et nietzsche:
la connaissance affirmative
1.
A) Les parallèles de la connaissance:
Raison, Imagination, Passion.
a) Le corps et la raison. Raison et société.
Les deux chapitres précédents ont été consacrés au dévelop-
pement de la théorie de la connaissance chez Spinoza et chez
Nietzsche. Les deux analyses sont, pour des raisons bien com-
préhensibles, très différentes, et semblent nous situer sur deux
plans difficiles à rapprocher. La structure de la théorie de la
connaissance spinoziste est d’ordre géométrique: la connais-
sance inadéquate forme une certaine figure avec des liaisons
bien précises: corporéité, imagination, affections extérieures,
passions; passions, idées inadéquates, passions redoublées. De
même, la connaissance adéquate constitue une constellation
très lisible: propriétés communes, convenances nécessaires,
affectivité du corps, passions joyeuses, notions communes;
notions communes, idées adéquates, joies actives, idées adé-
quates. Entre les deux structures, les liens sont également visi-
bles: positivité de l’idée, réévaluation de l’imagination, réalité
physique, puissance de l’esprit, différence entre l’adéquation
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a) Spinoza:
L’idée de Dieu selon la connaissance de deuxième genre
Nous ne saurions comprendre la connaissance du troisième
genre sans la connaissance du deuxième genre: Spinoza dit
expressément que ce n’est qu’à travers la deuxième que la
troisième peut se former77: il est d’autant plus nécessaire d’in-
sister sur cette liaison effective, que la tentation de compren-
dre la connaissance du troisième genre comme une révélation
peut être grande. Il n’en est rien, bien entendu: il s’agit bien
d’un approfondissement d’une connaissance qui est déjà adé-
quate par définition, et non pas d’une soudaine illumination.
Mais il faut y insister aussi pour une autre raison: c’est que,
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concepts formés par une âme pensante — ainsi, l’on peut dire
que les attributs nous sont d’abord connus comme des notions
communes, et des notions communes très spécifiques, puis-
qu’elles sont les plus universelles ou générales. Évidemment,
ce n’est pas en ce sens-là que nous allons les connaître selon
le troisième genre de la connaissance. Connaître l’essence
formelle de certains attributs de Dieu, cela signifie qu’il faut
les connaître en tant qu’ils constituent l’essence singulière de
la substance divine et, ce faisant, impliquent simultanément
toutes les essences particulières des choses individuelles. Cela
revient à dire: connaître selon le troisième genre de la con-
naissance, c’est connaître Dieu en tant qu’il implique, de par
sa propre définition, l’existence de toute essence particulière:
c’est connaître la relation réciproque et simultanée entre une
essence particulière et Dieu.
Dès lors, la question principale est de savoir comment nous
pouvons établir la relation entre la substance et notre essence.
Autrement dit, comment puis-je concevoir mon essence de
façon à ce que transparaisse sa relation incontournable et im-
muable à la substance ? L’essence d’un être n’est rien d’autre
que son conatus: la force avec laquelle il persévère dans son
être. Mon essence n’implique pas mon existence: nous savons
que celle-ci dépend d’un très grand nombre de facteurs qui
me sont extérieurs, et ce, non seulement pour occasionner ma
venue à l’existence, mais tout au long de celle-ci. Lorsque je
mourrai, ce sera également par une détermination extrinsè-
que99. Pourtant, sans être impliquée par l’essence, mon exis-
tence en dépend: en réalité, je ne fais rien, ne veux rien, n’ap-
pète rien sans que soient directement exprimés mon essence
ou mon conatus. Le désir au sens le plus fort, le persévérance
dans la vie et la tendance à augmenter continuellement la
puissance, c’est bien cela qui détermine chacun de mes mou-
vements et chacun de mes jugements, évaluations et volitions
particulières. De fait, je ne suis rien si ce n’est ce désir infini-
ment inclinable, infiniment persistant: mon corps lui-même
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envers une chose que nous imaginons qui est libre, doivent
tous deux être plus grands, à cause égale, qu’envers une chose
nécessaire»159. En d’autres termes, elle nous empêche de lui
attribuer une causalité absolue et libre, et nous y fait voir une
causalité circonstanciée et complexe — la chose est alors per-
çue en tant que «cause conjointement à d’autres causes»160.
Ainsi, le sentiment avec lequel nous envelopperons la chose
sera moins fort si nous savons qu’elle n’est pas la seule cause
de ce qui nous arrive, aussi serons-nous moins fortement ani-
més de sentiments vis-à-vis des autres hommes si nous savons
qu’ils expriment une nécessité et non une liberté absolue dans
leurs actions.
Cependant, il importe encore une fois d’insister ici particu-
lièrement sur la nature de la raison. Lorsque nous affirmons
que la plus grande partie de l’Éthique se présente comme une
analyse des affections humaines, il va de soi que la raison n’est
pas moins comprise comme une affection que les idées inadé-
quates ou l’imagination: cela, Spinoza le dit très clairement
dès le début du livre III, où il définit les affections comme
étant «les affections du Corps par lesquels la puissance d’agir
de ce Corps est accrue ou diminuée, secondée ou réduite, et
en même temps les idées de ces affections»161. La suite insiste
encore sur la nécessité de concevoir la raison comme une for-
me d’affection: ainsi, dit Spinoza, «Quand nous pouvons être
la cause adéquate de quelqu’une de ces affections, j’entends
donc par affection une action; dans les autres cas, une pas-
sion.» C’est donc parce que la raison (ou le raisonnement par
idées adéquates) est productrice d’affections qu’il est possible
qu’elle nous rende moins sensible aux affections qui nous
viennent du dehors: à aucun moment, nous ne devons com-
prendre la raison comme une faculté théorique qui apporte
un savoir objectif sur les choses, mais elle est au contraire une
faculté d’affections vivantes, intimement liée à la spécificité
qui nous constitue. Effectivement, dit Spinoza, «une affec-
tion ne peut être réduite ni ôtée sinon par une affection con-
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introduction
1 NIETZSCHE, FP XII, 6(25)
2 Cf. Morgenröthe, Die Fröhliche Wissenschaft, Die Geburt der
Tragödie, Götzen Dämmerung, Der Antichrist, Ecce Homo, Zur
Genealogie der Moral, Jenseits von Gut und Böse, Nachgelassene
Fragmente band IX, XII, XIII.
chapitre i
1 E I, Pr. 25, cor. «Res particulares nihil sunt, nisi Dei attributorum
affectiones, sive modi, quibus Dei attributa certo, & determinato
modo exprimuntur. «
2 E I, pr. 24, E II. ax. 1
3 Dans la nature, il n’y a que deux modalités de l’être: la substance et
les modes, (E I, pr 15, dém.) autrement dit ce qui est conçu par soi
(la substance) et ce qui est conçu par autre chose (les modes) et qui
est contenu dans la nature de la substance. Or, l’homme n’étant pas
une substance (E II pr. 10), il est forcément mode, c’est-à-dire conçu
par autre chose que lui-même.
4 EI, pr 28, dém.
5 TRE, § 53 «Toute définition doit être affirmative» et E III, pr. 4.
6 NIETZSCHE, cf. Premières Considérations Intempéstives, contre
Strauss. Le déterminisme comme une des «ombres de Dieu», Gai
Savoir, §109. cf. aussi
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1 Il y aurait ainsi une singulière antinomie au sein de l’essence de
l’homme: la valeur de la persévérance, qui implique l’idée d’un effort
indubitable et continu serait ainsi annulée en partie par l’idée de la
réactivité qui contredit l’effort. Ceci poserait également le problème
de la valeur de l’effet: si l’homme n’est considéré que comme con-
traint ou déterminé à produire des effets, comment concevrions-nous
la valeur des actions dont Spinoza affirme qu’il est capable?
2 FP XIV, 14(121) S.W. XIII, 14(121) «Der Satz des Spinoza»
3 Il nous semble qu’il serait fructueux d’analyser la relation qu’en-
tretiennent respectivement Spinoza et Nietzsche à la maladie, (ici,
nous nous le permettons à titre suggestif, mais il nous semble qu’une
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26 E III, pr. 28. Nous soulignons. «Id omne, quod ad Laetitiam condu-
cere imaginamur, conamur promovere, ad fiat.»
27 «Une Affection, dite Passion de l’Ame, est une idée confuse par
laquelle l’âme affirme une force d’exister de son Corps, ou d’une
partie d’icelui, plus grande ou moindre qu’auparavant, et par la
présence de laquelle l’Ame elle-même est déterminée à penser à telle
chose plutôt qu’à telle autre.» (E III, Def. gén. des affections)
28 Nous ne poursuivons pas les choses parce que nous les jugeons bon-
nes, mais au contraire, nous les jugeons bonnes parce que nous les
désirons. Nous reviendrons dans la partie suivante aux implications
fondamentales des la scolie de la pr. 9 de l’E II.
29 G. DELEUZE, Nietzsche et la philosophie, PUF, Paris 1962, p. 70
30 VP III, 297 et FP XIV, 14(79) S.W. XIII, 14(79) «(…) — Der Wille
zur Macht nicht ein Sein, nicht ein Werden, sondern ein Pathos ist
(…)»
31 Sur le dynamisme des affections, FP XII, 1(54)
32 VP II, 42, et FP XII, 2(147)
33 FP XII, 2(148) S.W. XII, 2(148) «Der Wille zur Macht interpretirt:
bei der Bildung eines Organs handelt es sich um eine Interpretation;
er grenzt ab, bestimmt Grade, Machtverschiedenheiten. Bloße
Machtverschiedenheiten könnten sich noch nicht als solche empfin-
den: es muß ein wachsen-wollendes Etwas da sein, das jedes andere
wachsen-wollende Etwas auf seinen Werth hin interpretirt. Darin
gleich — — In Wahrheit ist Interpretation ein Mittel Selbst,um Herr
über etwas zu werden. «Cf. aussi ibid, 2(145) «Die Auslegung eines
Geschehens als entwerden Thun oder Leiden — sagt: jede Verände-
rung, jedes Anderswerden setzt einen Urheber voraus und einen, an
dem «verändert» wird.»
34 «Si l’essence intime de l’être est volonté de puissance; si le plaisir
est l’augmentation de la puissance, le déplaisir le sentiment de ne
pas pouvoir résister et se rendre maître: ne nous est-il pas permis de
considérer le plaisir et le déplaisir comme des faits cardinaux.» VP
III, 297 et FP XIV, 14(80) Sur l’activité comme plaisir, aussi FP XII,
5 (65) 7(2), LP III §181.
35 Sur Zœllner, cf. Ch. ANDLER, Nietzsche t. I, pp. 456—467. Les
théories de Zœllner paraissent tout à fait importantes à l’égard du
système nietzschéen, notamment en ce qui concerne l’élaboration de
la morale comme instinct grégaire. Néanmoins, Nietzsche critiquera
vivement Zœllner puisque celui-ci omet toute considération de
l’importance artistique dans la perception du monde comme activité
métaphorique.
36 LP §98
37 Si l’augmentation de puissance se traduit effectivement en plaisir,
Nietzsche renoncera cependant dans l’élaboration de la théorie de
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62 E IV, déf. 1 et 2
63 Cf. Lettre XIX à Blyenbergh à propos d’Adam et du fruit «défendu».
64 E III, pr. 39, sc.
65 CT I, ch. X, §2 et E IV, pr. 45 et dém.
66 E IV, préf.
67 «Quilibet uniuscujusque individui affectus ab affectu alterius tantùm
discrepat, quantùm essentia nuius ab essentiâ alterius differt.» (E III,
pr. 57)
68 «Rien n’arrive dans la Nature qui puisse être attribué à un vice
existant en elle (…)». (E III, préf. )
69 Cf. CT, app, Lettre VI à Oldenburg ainsi que d’autres textes.
70 E I, pr. 18
71 Le «bien véritable» dont parle Spinoza au début de TRE ne peut, au
même titre que la bonté de Dieu, être un bien moral, mais un bien
essentiel: il réside dans la connaissance intuitive, c’est-à-dire connais-
sance d’essences singulières; donc connaissance de l’appartenance
substantielle de toute chose. Cf. ch. III, 3 et IV du plan
72 SPINOZA, PM I, ch. VI et E II, déf. 6
73 E I, pr. 33, sc. 2. Ajoutons que ces modèles, bien qu’idéaux, s’impo-
sent à nous comme des choses réelles: «Ces idées, prétendent-ils en
outre, seraient dans l’entendement de Dieu; ainsi que de nombreux
partisans de Platon ont dit que ces idées générales, comme Animal
raisonnable, etc, ont été créées par Dieu. Et, bien que les partisans
d’Aristote disent que ces choses ne sont pas des êtres réels, mais
seulement des êtres de raison, ils les considèrent néanmoins comme
des choses, puisqu’ils ont dit clairement que la protection divine
ne s’étendait pas sur les êtres particuliers, mais seulement sur les
espèces; Dieu, par exemple, n’a jamais étendu sa protection sur
Bucéphale, mais sur toute l’espèce cheval. Ils disent aussi que Dieu
n’a pas connaissance des choses particulières et passagères, mais
seulement les générales qui, selon eux, sont immuables.» (CT I, ch.
VI, §7) Pour Spinoza, c’est évidemment le contraire: Dieu connaît
les choses particulières, et les choses générales sont des fictions. (cf.
ibid.)
74 L’expression est d’A. MATHERON, op. cit. p. 124
75 E I, app.
76 Il convient de remarquer que la notion de perfection nécessite une
nuance selon que l’on parle de perfection au sens humain ou au sens
divin: si dans les deux cas la perfection est synonyme de réalité ou de
puissance, la perfection humaine implique cependant une possibilité
d’épanouissement selon certaines circonstances favorables, alors
que la perfection divine est naturellement exempte de toute sorte
d’altération: la perfection divine est absolue et immanente.
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philosophie de la puissance …
d’utile en soi); ce qui me nuit une ou plusieurs fois est hostile en soi
et foncièrement; ce qui m’est utile une ou plusieurs fois est amical en
soi et foncièrement». O pudenda origo! Cela ne revient-il pas à in-
terpréter la misérable relation occasionnelle et souvent fortuite d’un
autre à nous comme son essence la plus essentielle et à prétendre
qu’il n’est susceptible d’avoir avec le monde entier et avec lui-même
que des relations semblables à celles dont nous avons fait une ou
plusieurs fois l’expérience? Et cette vraie folie ne recouvre-t-elle pas
la moins modeste des arrière-pensées, l’idée que nous devons être le
principe du bien, puisque le bien et le mal se mesurent après nous?»
(§102)
94 Pour Nietzsche, c’est bien le platonisme qui est à l’origine de
l’instauration d’un bien et d’un mal métaphysique et universellement
valable, qui par là même déprécie le monde sensible et existant.
Cette analyse est développée par P. CHASSARD: «au-delà d’un
monde inauthentique se trouve l’»Etre» véritable; au-delà d’un
monde physique se dresse un monde métaphysique; au-delà d’un
monde inférieur existe un monde supérieur». Or, cette moralisation
métaphysique s’accompagne nécessairement d’une finalisation de
l’existence humaine (et toute autre également) dans la mesure où
l’existence terrestre a pour but unique le Bien sous la forme du
monde intelligible et intemporel: «l’Absolu supra-sensible n’est pas
dès lors uniquement le fondement de toute réalité et de toute valeur;
il est aussi puissance d’attraction et fin des choses. Puisque tout
individu doit tendre à la perfection intelligible en se détachant du
monde dans lequel il vit, une finalité universelle orientée vers l’ins-
tauration d’un règne moral unique caractérise l’univers platonicien.»
(CHASSARD, Nietzsche. Finalisme et histoire, Copernic, Paris 1977,
pp. 18—19) C’est par la suite cette séparation de deux mondes qui
sera explicitée par le christianisme et trouvera son apogée dans le
nihilisme.
95 GM. I, §10 «(…) das Thätigsein wird bei ihnen mit Nothwendigheit
ins Glück hineingerechnet (…)»
96 Ibid, §17 ««Jenseitz von Gut und Böse»… Dies heisst zum mindes-
ten nicht «Jenseits von Gut und Schlecht.» »
97 Ibid, §13 «(…) so trennt die Volks-Moral auch die Stärke von
Äusserungen der Stärke ab, wie als ob es hinter dem Starken ein
indifferentes Substrat gäbe, dem es freistünde, Stärke zu äussern
oder auch nicht.»
98 Ibid.
99 GS §115 FW, § 115: «(…) er sah sich erstens immer nur unvolls-
tändig, zweitens legte er sich erdichtete Eigenschaften bei, drittens
fülhte er sich in einer falschen Rangordnung zu Thier und Natur,
vierstens erfand er immer neue Gütertafeln und nahm sie eine Zeit
lang als ewig und unbedingt, sodass bald dieser, bald jener menschli-
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notes chapitre ii
che Trieb und Zustand an der ersten Stelle stand und in Folge dieser
Schätzung veredelt wurde.»
100 Cf. G. DELEUZE: «On neutralise la force, on en fait l’acte d’un
sujet qui pourrait aussi bien ne pas agir. Nietzsche ne cesse de
dénoncer dans «le sujet» une fiction ou une fonction grammaticale.
Que ce soit l’atome des épicuriens, la substance de Descartes, la
chose en soi de Kant, tous ces sujets sont la projection de «petits
incubes imaginaires» «. (op. cit. p. 141)
101 Les études de S. KOFMAN, soulignent ce point commun (op. cit. p.
110). L’auteur remarque justement que «pour Spinoza aussi les fic-
tions forgées par la connaissance du premier genre [c’est-à-dire toute
projection finaliste telle que nous l’avons traitée antérieurement
dans ce chapitre] sont des «suppléments» ajoutés à la Nature par
les insensés. Totalité pleine et infinie, la Nature ne manque de rien,
mais le délire des hommes dû à leur connaissance tronquée, mutilée,
lacunaire, fait également délirer la Nature: là encore il y a projection
à l’extérieur par les hommes de leur propre impuissance. La nature
apparaît alors comme une force aveugle pouvant s’opposer à l’occa-
sion aux lois divines et le miracle serait une intervention spéciale de
Dieu en faveur des hommes, empire dans un empire, pour combler
une déficience naturelle.» (ibid.)
102 Rappelons encore que la critique de la morale fut pour Spinoza
autant que pour Nietzsche l’une des raisons de leur exclusion sociale
respective, et leur valait d’être dénigrés comme «athée» ou «nihilis-
te» selon l’époque, et fuis comme scandaleusement immoraux. Pour-
tant, ils furent tous deux des philosophes profondément moraux, et
ceci, comme le dit Y. YOVEL, «non au sens où ils prescrivirent des
devoirs ou fondèrent des obligations morales, mais en établissant la
perspective d’une avancée et d’une perfectibilité humaine». (op. cit.
p. 404) Il nous semble aussi bien pouvoir retrouver l’amertume et
le chagrin de Spinoza, faisant de «caute» son devis, devant l’incom-
préhension de ses contemporains dans le texte suivant de Nietzsche:
«Il faut maintenant que les moralistes consentent à se laisser traiter
d’immoralistes, parce qu’ils dissèquent la morale. Cependant celui
qui veut disséquer est forcé de tuer: mais seulement pour que l’on
puisse mieux connaître et juger, et aussi vivre mieux; non point pour
que le monde entier se mette à disséquer.»(VO. §19)
103 Cf. E II, déf. 2: il y a une réciprocité entre la chose et l’essence: l’une
ne peut être posée sans l’autre.
104 NIETZSCHE, FP V, 11(7)
105 Cf. le désir d’harmonie et de concorde universel de Spinoza traité
par G. BRYKMAN, op. cit. Face à ce désir manifeste de paix,
Nietzsche s’exclamera de nombreuses fois plein de mépris, et
dénonce le désir de paix comme un désir de faible, propre au tempé-
rament de l’homme du ressentiment. Pourtant, et Ch. ANDLER, P.
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philosophie de la puissance …
notes
chapitre iii
1 L’Ethique de Spinoza, malgré son apparente linéarité, a au contraire
une structure «moléculaire» sans début et sans commencement réels.
L’ouvrage de P. MACHEREY, Introduction à l’Ethique de Spinoza.
La Ve partie: les voies de la libération (PUF, Paris 1994) souligne
cette conception. Aussi dit-il:»L’Ethique, comme tous les grands
livres de la philosophie, mais aussi d’une manière qui lui est tout
à fait propre, est un ouvrage qu’on doit relire, et qu’à la limite on
relit indéfiniment et dans tous les sens, précisément parce que toutes
ses parties s’appellent entre elles, en un système où, pour reprendre
la formule de Hegel, la fin coïncide d’une certaine manière avec le
commencement.» (p. 19). Il n’en reste pas moins, bien évidemment,
que les concepts centraux se transforment et s’épanouissent au sein
du cercle de l’Ethique: ainsi, la Raison n’a pas le même sens au livre
II qu’au livre IV, où elle n’est plus envisagée comme utilitaire mais
doit d’ores et déjà être salutaire.
2 E I, déf. 8: «Per æternitatem intelligo ipsam existentiam, quatenus
ex solâ rei æternæ definitione necessariò sequi concipitur.»
3 Lettre XII
4 E I, pr. 7, PM I, IV
5 E I, déf. 3
6 E I, pr. 6, Cor
7 E I, déf 8 et PM I, IV
8 Nous reprenons ici l’expression de M. Gueroult qui est particulière-
ment éclairante: «En effet, l’essence n’est rien d’autre que la nature
(ou la définition) d’une chose capable d’exister (soit nécessairement
par soi, lorsqu’il s’agit d’une chose éternelle, soit en vertu de l’ordre
commun de la Nature, lorsqu’il s’agit d’une chose existant dans la
durée). Une chose qui ne peut exister, n’étant qu’un néant, «une
chimère», n’a pas d’essence. De plus, l’essence de toutes choses
capables d’exister est éternelle, car, que la chose existe ou non
actuellement, sa nature, c’est-à-dire sa définition, reste la même, et,
par conséquent, est éternelle.» (Spinoza I, Dieu, Aubier, Montaigne,
Paris 1968, p. 68). cf également E II, déf. 2
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notes chapitre iii
9 Seul ce qui est cause de soi a une essence qui enveloppe l’existence (E
I, déf. 1), or, cela signifie l’existence nécessaire(E I, pr 7), ce qui à son
tour implique l’existence éternelle (E I déf. 8)
10 PM II, 1. La particularité de la définition spinoziste réside dans ce
choix explicite des termes: il ne peut y avoir, chez lui, une confusion
possible entre ce qu’il nomme ’éternité» et «durée», (même si les
définitions de la durée dans l’Ethique seront plus souples que dans
les Pensées métaphysiques) et l’on ne peut attribuer à la substance
la durée la plus indéfinie imaginable sous peine de la dénaturer.
Cette précision le distingue alors d’Aristote dont la définition de
Dieu semble pourtant très proche de Spinoza quant à l’identité
de l’essence et de l’existence: Aristote affirme ainsi, du «principe»
comme ce qui suit: «Sa vie, à lui, réalise la plus haute perfection,
[…], puisque sa jouissance, c’est son acte même». La vie aussi
appartient à Dieu, car l’acte de l’intelligence est vie, et Dieu est
cet acte même; cet acte subsistant en soi, telle est sa vie parfaite et
éternelle. Ainsi appellons-nous Dieu un Vivant éternel parfait; la vie
et la durée continue et éternelle appartient donc à Dieu, car c’est
cela même qui est Dieu».(Métaphysique, 7, 1072b, 15—30). Sur les
orginies aristoteliciennes de Spinoza, nous renvoyons à l’article de
O. HAMELIN («Sur une des origines du spinozisme» in L’Année
Philosophique 1900, t. XI, Paris, Alcan 1901): Spinoza, bien que
n’attachant pas une grande importance à l’école péripatéticienne, en
est pourtant en grande partie l’héritier, par ses lectures de Maïmo-
nide (ib, p. 25). Par contre, il apparaîtra dans l’Ethique ce qui peut
être qualifié de «temporalisation de l’éternité» (l’expression est de B.
ROUSSET, cf La perspective finale de l’Ethique, Vrin, Paris 1968, p.
73): La substance, conçu par ses attributs est éternelle et ne dure pas,
en revanche, les modes infinis, qui ne font pas partie de son essence
mais qui sont des propres de la substance, ont une éternité qualifiée
par le caractère illimitée de leur durée, (cf. EI, pr. 21). Cela fait dire à
F. ALQUIE, que «Spinoza professe, en ce qui concerne l’éternité de
Dieu, deux doctrines juxtaposés» (Le rationalisme de Spinoza, PUF,
Paris 1981, p. 172): en réalité, ce ne sont pas, nous semble-t-il, deux
doctrines juxtaposées, mais la véritable nature de l’éternité spinoziste
qui doit se comprendre parallèlement à la durée et qui à ce titre est
effectivement temporalisée: cela fait partie de notre développement
dans ce qui suit.
11 E I, pr 24
12 E II, Ax 1.
13 E I pr 16
14 E I, pr 24, Cor.
15 E I, pr. 28 et dém.
16 E II, pr 45
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52 E II, déf. 2: «Sine quo res, & vice versa quod sine re nec esse, nec
concipi potest.»
53 L’ «existence» de l’essence peut être conçue de deux façons: ou bien,
comme réalisé dans un corps à l’existence actuelle, ou bien comme
présence infinie en tant qu’expression de l’essence de la substance.
54 Un corps qui n’a plus d’appétit ne peut plus conserver les rapports
qui déterminent le bon fonctionnement de ses parties: ces rapports
décomposées, le corps ne peut plus être dit en vie.
55 E I, pr 24 et 28
56 Cf. E. FINK, La philosphie de Nietzsche, Minuit, Paris 1965, p. 23
57 «L’éternité (du Retour) non pas en tant qu’un maintenant (nunc)
demeuré en suspens, non plus en tant qu’un maintenant se succédant
à l’infini, mais en tant que le maintenant se rejetant en lui-même:
qu’est-ce alors, sinon l’essence cachée du Temps? Penser l’être, la
Volonté de Puissance, en tant qu’Eternel Retour, penser la pensée la
plus lourde de la philosophie, revient à penser l’Etre en tant que le
Temps. Nietzsche a pensé cette pensée, mais il ne la pensait pas en-
core en tant que question de l’Etre et le Temps.» M. HEIDEGGER,
Nietzsche I, Gallimard, Paris 1971 p. 26
58 G. DELEUZE, op. cit. pp.77—82
59 Ainsi dit Klossowski:»La haute tonalité d’âme, en laquelle Nietzsche
éprouva de vertige de l’Eternel Retour créa le signe du cercle vicieux
où se trouvèrent instantanément actualisées l’intensité la plus haute
de la pensée refermée sur elle-même dans sa propre cohérence et
l’absence d’intensité correspondante des désignations quotidiennes;
du même coup se vidait la désignation même du moi auxquelles
toutes se ramenaient jusqu’alors. (….)L’Eternel Retour supprime les
identités durables. Nietzsche sollicite de l’adepte du cercle vicieux
qu’il accepte la dissolution de son âme fortuite pour en recevoir une
autre foruite.» (Nietzsche et le cercle vicieux, Mercure de France,
Paris 1975, pp. 102 et 108) Certes, nous le savons, l’identité telle
que la conçoit Nietzsche abolit la notion du moi absolu, sujet uni et
retranché du monde. pourtant, il n’est pas de doute que l’individu en
tant qu’ensemble mouvant et multiforme existe; individualité que,
bon gré, mal gré, nous devons bien appeller «moi». Que l’expérience
de l’éternité concerne bien ce moi, les textes en témoignent: «Impri-
mons à notre vie l’image de l’éternité!» (FP V, 11(159)
60 Cf. Ph. GRANALORO, op. cit. p. 31
61 Y. YOVEL, Spinoza et autres hérétiques, Seuil, Paris 1991, p. 422.
Yovel emploie cette expression dans ce qui est l’une de très rares
études sur la relation entre Spinoza et Nietzsche: malgré la rigueur
d’analyse concernant l’immanence chez Spinoza mise en rapport
avec celle de Nietzsche, il semblerait que l’auteur ait négligé un
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222a) Pour Aristote, le temps n’est pas plus que pour Nietzsche
composé de points (cf ibid. 218a), or, la vision d’Aristote est tout
à fait linéaire: c’est la succession d’instants qui permet de mesurer
l’écoulement du temps. Cependant, pour Aristote, la division du
temps par l’instant est toujours de l’ordre d’un accident, c’est-à-dire
n’existe pas réellement: en effet, ce qu’il doit diviser (le passé et
l’avenir) n’existent pas actuellement. La division qu’opère l’Instant
est ainsi toujours en puissance. (cf. Commentaire du traité du
temps par C.COLLOBERT, Kimé, Paris 1994, p. 89) La vision de
Nietzsche est différente: pour lui, les instants ne sauraient se succé-
der même en puissance mais fonctionnent proprement comme un
rassemblement dynamique d’où est exclue toute vision même imagée
linéairement. Pour Aristote, il est au contraire exclu qu’il y ait un
rétour des choses: le temps est absolument irrémédiable.
89 L’instant «s’était déjà produit une fois et de nombreuses fois, et il
reviendra de même» (FP V, 11(148) cf. aussi 11(206))
90 Y. YOVEL, op. cit. p. 422
91 FP XII 7(54)
92 Ainsi la forte et en même temps douloureuse expérience de l’individu
qui se réalise:»Aber da entdeckt es, daß es selber etwas Wandelndes
ist und einen wechselnden Geschmack hat, mit seiner Feinheit
geräth es hinter das Geheinniß, daß es kein Individuum giebt, daß
im kleinsten Augenblick es etwas Anderes ist als im nächsten und
daß seine Existenzbedingungen die einer Unzahl Individuen sind: der
unendlich kleine Augenblick ist die höhere Realität und Wahrheit,
ein Blitzbild aus dem ewigen Flusse.» (S.W. IX, 11(156) Le poids le
plus lourd consiste à accepter d’être ce qui change à tout contact, où
tout instant est également vrai. Pour HEIDEGGER aussi, ce passer
est synonyme de changement plus que de disparition: «il nous faut
entendre «devenir» au sens tout à fait général de la transformation
ou — avec plus de prudence encore- au sens du changement» (op.
cit. p. 271) et en ce sens, la disparition ou la destruction est effective-
ment l’une des modalités du devenir, mais non son sens premier.
93 FP V, 11(167)
94 Les textes où Nietzsche parle de l’impossibilité d’un état d’équilibre
sont nombreux: citons à titre d’exemple FP V, 11(190), (233), (245),
(265).
95 FP V, 11(161)
96 Ce qui explique le ton apparemment désinvolte du fragment
suivant:»Du widersprichst heute dem, was du gestern gelehrt hast.
— Aber dafür ist gestern nicht heute, sagte Zarathustra.» (S.W. IX,
12(128))
97 VP III, 385
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philosophes, même ceux qui lui sont le plus proche, restent quelque
peu ambivalents à l’égard d’Héraclite: s’il est vrai que Nietzsche
l’a toujours reconnu comme son prédécesseur, il semble aussi avoir
réévalué son enseignement à plusieurs reprises.
112 EH, «La Naissance de la tragédie», §3, EH, «Die Geburt der
Tragödie» §3: «Die Lehre von der «ewigen Wiederkunft», das heißt
von unbedingten und unendlich wiederholten Kreislauf aller Dinge
— diese Lehre Zarathustras könnte zuletzt auch schon von Heraklit
gelehrt worden sein.»
113 NP, § 7, GTG, §7: «(…) seine ästhetische Grund perzeption vom
Spiel der Welt zu der gemeinen Rücksicht auf Zweckmäßigkeiten der
Welt, und zwar für die Vorteile der Menschen herabgezogen (…)»
114 Ibid.
115 Cf. Chrysippe: «la fin devient le fait de vivre selon la nature, la
nôtre et celle du tout, sans rien faire de ce qui est défendu par la loi
commune, la saine raison répandue partout, donnée aussi à Zeus,
qui dirige et organise le tout.» (DIOGENE LAERCE, Vie, doctrines
et sentences des philosophes illustres, t. II, Flammarion, Paris 1965,
p. 80). Cf aussi la définition du destin, ou de la nature: «l’enchaî-
nement des causes des choses, ou encore la raison qui gouverne
le monde. Au-dessus de tout il y a une divinité, sinon même une
providence.» (ibid, p. 101)
116 Sur l’influence sur Nietzsche des sources orientales, cf. Ch. AN-
DLER, op. cit. p. 412 sq.
117 Cf Brahmana des cent sentiers, cité par OLDENBERG in Buddha,
p. 35 (Ch. ANDLER, op. cit. p. 414)
118 Livres que Nietzsche aurait emprunté à la Bibiliothèque de Bâle le 25
octobre 1870.
119 Pour Nietzsche, de qui nous connaissons l’attention portée à la
généalogie, l’héritage génétique s’inscrit effectivement comme
notre destin: «Unsere Eltern wachsen noch in uns nach, ihre später
erworbenen Eigenschaften, die im Embryon auch vorhanden sind,
brauchen Zeit. Die Eigenschaften des Vaters damals als er Mann
war, lernen wir erst als Mann kennen.» (S.W. IX, 11(256)
120 ZTH, «Le Convalescent» § 2, «des Genesende»: «— Oh ihr Schalks-
Narren und Drehorgeln, so schweigt doch! (…) eine neue Leier!»
121 Nous choisissons de nommer la théorie de Nietzsche «le Retour
éternel» et non pas, comme dans de nombreuses traductions, «l’éter-
nel retour»: effectivement, ce dernier désigne davantage l’idée de
l’éternité du retour, c’es-à-dire de la répétition, alors que le Retour
éternel permet de mettre l’accent sur le contraire, à savoir l’éternité
qui revient à chaque instant. Tel est également l’avis de Granaloro:
«La pensée du retour éternel est pensée du retour éternel, c’est
l’éternité des deux routes du passé et de l’avenir, et par conséquent
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142 GS 341,
143 FP V, 11(148) S.W. IX, 11(148) «Die Welt der Kräfte erleidet
keinen Stillstand: denn sonst wäre er erreicht worden, und die Uhr
des Daseins stünde still. Die Welt der Kräfte kommt also nie in ein
Gleichgewicht, sie hat nie einen Augenblick der Ruhe, ihre Kraft und
ihre Bewegung sindg gleich groß für jede Zeit.»
144 La correspondance notamment de 1888 montre sa fatigue et sa soli-
tude, malgré l’écriture qui lui semble la plus réussie jusqu’à présent.
Pourtant, Nietzsche parle dans ses lettres de «marasme existentiel»,
et du vide qui se fait autour de lui. (cf. Lettre à M. von Meysenbug,
fin juillet 1888)
145 Y. YOVEL, op. cit. p. 546
146 SPINOZA, E V, sc. pr. 23
147 E II, cor. pr. 8
148 E V, pr. 21
149 E V, scol. pr. 23
150 Ce terme est de la plus haute importance: cf. E V, pr. 23, sc. L’éter-
nité n’est pas pressentie mais vraiment éprouvée.
151 Nous examinerons le double sens du mot «existence actuelle»: il y
a effectivement une existence actuelle enracinée dans le quotidien,
et une existence actuelle conçu comme présence, qui est directement
liée à l’éternité.
152 C’est l’une des conclusions de l’analyse de E. FINK: «Eternité et
temporalité ne sont pas différentes, elles ne sont en vérité qu’une
seule et même chose: en tant qu’éternel retour, le temps est éternel»
(op. cit. p. 113)
153 La Judéité de Spinoza, Vrin, Paris 1971. Dans un passage inté-
ressant, G. Brykman suggère que, pour Spinoza, le passé (au sens
général) est à rejeter (nous savons, à ce propos, que pour Spinoza,
l’enfance semble être l’image même de l’inadéquation et de l’impuis-
sance: l’opposition à Nietzsche serait sur ce plan manifeste, tout au
moins dans un premier temps) et le qualifie comme «un véritable
cauchemar»(op. cit. p. 39) en raison, bien particulièrement, de l’héri-
tage juif non résolu. Or il est certain, bien au-delà d’une pensée psy-
chologisante (et G. Brykman ne tente à aucun moment de faire une
psychanalyse de Spinoza, au contraire) que l’on ne trouve nulle part,
dans l’œuvre de Spinoza, une volonté d’affirmer le passé, si ce n’est
qu’en tant que nécessité. Qu’à ce titre, il est positif, nous le pensons
aussi. Mais il est également vrai que chez Nietzsche, l’affirmation du
passé va au-delà d’une affirmation de la nécessité.
154 Nous nous permettons de reprendre pour notre compte cette belle
phrase de M. GUEROULT: «Ainsi, tout instant de ma durée enve-
loppe, non l’infinité des moments passés et futurs de cette existence,
c’est-à-dire l’infinité de ses prédicats, mais seulement l’identité de la
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chapitre iv
1 NIETZSCHE, FP V, 11(84).
2 FP V, 11(202)
3 FP V, 11 (312) S.W.IX, 11(312): «Wer nicht an einen Kreisprozeß
des Alles glaubt, muß an den willkürlichen Gott glauben — so
bedingt sich meine betrachtung im Gegensatz zu allen bisherigen
theistischen!»
4 Effectivement, dit Heidegger, «le nombre des situations, des modi-
fications, des combinaisons et des développements de cette force est
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«tout ce qui est, est en Dieu et dépend de Dieu de telle sorte qu’il ne
puisse ni être, ni être conçu sans lui.»
46 M. GUEROULT, op. cit. p. 401
47 E I, pr. 17, sc.
48 E II, post. 1
49 Ibid. post. 4
50 Ibid; post. 6
51 Malgré ce vocabulaire qui semble péjoratif, la «faiblesse» de l’hom-
me ne constitue pas pour autant une imperfection, et Spinoza est
explicit à ce sujet dans l’Ethique I et IV: la perfection, comme nous
l’avons vu dans un chapitre précédent, doit soit être compris comme
une unité de mesure déterminée et entendue comme telle, c’est-à-dire
toute relative à la chose que l’on se propose d’évaluer selon un degré
de perfection convenu: c’est le cas où nous contruisons une maison
qui sera dite parfaite en comparaison avec l’idée de la maison que
nous nous sommes proposées; or, dans l’absolu, la perfection ne sau-
rait se mesurer autrement qu’en rapport avec l’essence ou le degré de
puissance de la chose en question. En cela, la «faiblesse» de l’homme
ne constitue aucunement une imperfection, puisque, relativement à
son essence, il n’est pas en son pouvoir d’embrasser la totalité de la
nature.
52 TRE, §100
53 TTP, ch IV, Pléiade p. 695
54 Ibid.
55 CT, ch XXIV, §4
56 TTP, ch IV
57 NIETZSCHE, FP XII, 5(71)7
58 SPINOZA, E II, pr. 13, ax. 1
59 E I, pr. 33, sc. 1
60 Ibid.
61 Ibid. cf. également TRE §53, définition d’»impossible, nécessaire et
possible».
62 Nous nous permettons d’employer ce mot, bien qu’il ne soit pas
très heureux dans ce contexte: pour Nietzsche, le concept même
d’»être» implique, dans notre vision, la vie. Ainsi, dit-il, quant à
l’»être», «nous n’en avons pas d’autre représentation que «vivre».
— Comment quelque chose de mort peut-il donc «être»?» (FP XII,
2,(172) (cf aussi ibid, 1, (24)) La terminologie est impropre en ce
qu’elle occulte, proprement dit, le caractère destructif du monde, où
la mort a une place en tant qu’il est l’autre, nécessaire face du vivant.
Il conviendrait alors mieux d’employer, comme le fait Nietzsche le
plus souvent, le mot «univers» ou «monde», qui mieux qu’»être»
permet cette dualité.
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91 FP XIV, 14, (79) S.W. XIII, 14(79): «Hier wird nicht gehorcht: denn
daß etwas so ist, wie es ist, so stark, so schwach, das ist nicht die
Folge eines Gehorchens oder einer Regel oder eines Zwanges …»
92 CI, «Les quatre grandes erreurs», §8
93 FP V, 11( 201), S.W. IX, 11(201): «Glauben wir an die absolute
Nothwendigkeit im All, aber hüten wir uns, von irgend einem
gesetz, sei es selbst ein primitiv mechanisches unserer Erfahrung, zu
behaupten, dies herrsche in ihm und sei eine ewige Eigenschaft.»
94 GS 109, FW, 109: «Der Gesammt-Charakter der Welt ist dagegen in
alle Ewigkeit Chaos, nicht im Sinne der fehlenden Nothwendigkeit,
sondern der fehlenden Ordnung, Gliederung, Form, Schönheit,
Weisheit, und wie alle unsere ästetischen Menschlichkeiten heissen.»
95 SPINOZA, E I, app.
96 Dans un très beau texte, Nietzsche dit la difficulté de ne pas succom-
ber à la tentation de croire à la providence: c’est au moment «où la
vie passe par un certain maximum», où tout se passe merveilleuse-
ment bien: «c’est à ce moment, en effet, que l’idée d’une providence
personnelle s’offre à nous le plus despotiquement et soutenu par le
meilleur des avocats, par l’apparence, car nous voyons alors que
tout ce qui nous touche tourne toujours à notre plus grand bien
(…). Tout est chargé d’un sens profond, d’une profonde utilité; et
ce précisément pour nous!» Mais c’est à ce moment précis qu’il faut
plus que jamais résister: «Quelqu’un vient, en effet, parfois, jouer
avec nous … le cher Hasard: il nous guide les doigts et la plus sage
providence ne saurait imaginer de plus belle musique que celle qui
naît alors sous notre folle main.» (GS 277)
97 GS 109.,FW, 109: «Wenn ihr wisst, dass es keine Zwecke giebt, so
wisst ihr auch, dass es keinen Zufall giebt: denn nur neben einer
Welt von Zwecken hat das Wort «Zufall» einen Sinn (…) «
98 SPINOZA, E I, pr. 17, cor. 2
99 Cf E V, pr. 10, sc.
100 NIETZSCHE, PBM 213 JGB, 213, «(…) sie, die nur zu gut wissen,
dass gerade dann, wo sie Nichts mehr «willkürlich» und Alles no-
thwendig machen, ihr Gefühl von Freiheit, Feinheit, Vollmacht, von
schöpferischen Setzen, Verfügen, Gestalten auf seine Höhe kommt.»
101 FP V 11(197)
102 Il nous semble que G. Deleuze garde précisément ce sens du chaos
nietschéen lorsqu’il détermine l’activité de la pensée comme conti-
nuellement menacée par les forces décomposantes du chaos: non
pas que les choses se dissolvent dans le néant, mais qu’elles perdent
leur propre trace, la pensée n’arrivant pas à se déterminer en phrases
distinctes. (cf Qu’est-ce que la philosophie, concl.)
103 Cf. M. HAAR, op. cit. p. 181
104 M. HEIDEGGER, Nietzsche I, p. 274
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1 E II, pr. 13
2 En effet, l’ordre et la connexion des idées est le même que l’ordre et
la connexion des choses (E II, pr. 7): il s’ensuit que l’idée d’une chose
de diffère de son objet qu’en tant qu’elle enveloppe un autre attribut.
Ce parallélisme est aussi rigoureux concernant les modes que con-
cernant la substance: c’est pourquoi celle-ci, en tant que substance
pensante, n’est pas différente de la substance étendue: aussi, dit
Spinoza, c’est ce que certains Hébreux «semblent avoir vu comme à
travers un nuage» (ibid, sc.) dès lors qu’ils admettent que Dieu, son
entendement et les choses dont il forme l’idée sont une seule et même
chose. Il est donc établi très tôt et de façon tout à fait incontestable
qu’il serait vain de vouloir attribuer plus de valeur à un genre (ou
un attribut) qu’à un autre: la perfection, nous le savons, ne doit se
mesurer que d’après le degré de réalité de la chose en question, or il
est absurde de supposer l’existence d’une idée sans objet (E II, pr.8,
cor.). Aussi, l’âme est elle bien l’idée d’un corps existant en acte
premièrement (E II, pr. 13).
3 «Corpus humanum componitur ex plurimis (diversæ naturæ) indivi-
duis, quorum unumquodque valdè compositum est.» (E II, post. 1)
4 E II, pr. 13, ax. 1
5 E II, lemme 3, définition. Remarquons que Spinoza donne ici la
définition de la nature en tant que coexistence où l’individu n’est
possible qu’en tant que le résultat d’un ensemble agissant perpétuel-
lement.
6 E II, pr. 15 et dém.
7 E I, pr. 16: «Ex necessitate divinæ naturæ, infinita infinitus modis
(…) sequi debent.»
8 E I, pr. 25, cor.
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9 E I, pr. 24
10 E I, pr. 16, cor. 1—3 et pr. 18
11 Afin d’éviter toute confusion concernant la finité du mode et
l’infinité de la substance, il convient de préciser que le mode découle
de la substance en tant que celle-ci est comprise comme affectée
par une modification infinie, et ainsi de suite: le mode ne découle
pas immédiatement de la substance en tant que celle-ci est pensée
en elle-même, mais en tant qu’elle peut s’expliquer par une essence
singulière. (E I, pr. 28 et dém.)
12 E I, pr. 28
13 Naturellement le mode n’est ni une partie de la substance (toute
substance est indivisible: E I, pr. 12), ni une substance en lui-même
(E I, pr. 14 et II, pr. 10) La dénomination de modification implique
qu’il exprime un degré d’intensité de la substance; qu’il en est une
modalité finie et précise.
14 E II, pr. 13
15 «per ideam intelligo Mentis conceptum, quem Mens format, propte-
rea quòd res est cogitans.» (E II, déf. 3)
16 E III, pr. 9: «Mens tam quatenus claras, & distinctas, quàm quatenus
confusas habet ideas, conatur in suo esse perseverare indefinità
quâdam duratione, & hujus sui conatus est conscia.»
17 E IV, pr. 24
18 Ibid.
19 E II, pr. 3
20 E II, pr. 12
21 E I, pr. 25
22 E II, pr. 29, sc.
23 E II, lemme 3, cor, et lemme 4—7, sc.
24 E II, lemme 3
25 E II, ax. 1
26 E II, lemme 4,5,6,7 et sc.
27 Le raisonnement mécaniste des textes cités ci-dessus pourrait faire
penser que Spinoza conçoit le corps humain comme un mécanisme
de résistance premièrement et donc de conservation de mouvement
plutôt qu’un corps dynamique et totalement expressif du conatus
où la persévérance ne saurait être pensée sans augmentation. Il n’en
est évidemment rien: même si le corps ne se meut qu’en fonction des
mouvements qui lui sont imprimés, la perpétuelle adaptation d’un
corps complexe aux situations extérieures diverses témoigne non
seulement d’une résistance mais aussi d’une certaine assimilation,
donc d’augmentation. De même, le bien-être du corps consiste très
précisément en une augmentation de la puissance, puisque la joie
que nous procure quelque chose que nous jugeons utile et bon est
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98 E II, pr. 44, cor. 2. Il faut bien noter qu’il y a une nuance sensible
dans la conception de l’éternité telle qu’elle apparaît dans le livre
II et telle qu’elle existe dans le livre V: lorsque la raison conçoit
naturellement les choses comme éternelles et nécessaires, c’est d’une
façon bien plus générale que lorsque nous les comprenons dans leur
nécessité éternelle selon la connaissance du troisième genre. Nous
reviendrons sur ce point.
99 E I, pr. 16
100 Cependant, tous les hommes n’ont pas accès aux notions communes
dans la même mesure: c’est pourquoi, dit Spinoza, qu’il faut établir
«quelles notions sont utiles par-dessus les autres, et quelles ne sont
presque d’aucun usage; quelles en outre, sont communes et quelles
claires et distinctes pour ceux-là seulement qui sont libres de préju-
gés.» (E II, pr. 40, sc.. 1)
101 E IV, ch. 32
102 Spinoza oppose les notions communes aux Transcendentaux et aux
Idées générales: par là, il s’oppose également à la classification aris-
totélicienne par genres puisqu’elle dépend des affections personnelles
(E II, pr. 40, sc. 1)
103 TTP, ch. VII, Pl, p. 712—713
104 Ibid. p. 717
105 E II, pr. 39 et dém.
106 E IV, pr. 7. Une affection ne peut être dépassée que par une affection
plus forte, plus vive: s’il est facile de se débarrasser d’une passion,
ce n’est pas parce que nous avons une grande force de caractère,
mais parce que l’affection dont elle dépend n’est pas très puissante:
«c’est pourquoi la plupart croient que notre liberté d’action existe
seulement à l’égard des choses où nous tendons légèrement, parce
que l’appétit peut en être aisément contraint par le souvenir de quel-
que autre chose fréquemment rappelée; tandis que nous ne sommes
pas du tout libres quand il s’agit de choses auxquelles nous tendons
avec une affection vive que le souvenir d’une autre chose ne peut
apaiser.» (E III, pr. 2, sc..)cf aussi E IV, pr. 15
107 E III, pr. 11 et sc. Rappelons que la notion de perfection est
corrélative au degré de puissance inhérent à l’âme: le passage vers
une perfection moindre signifie ainsi qu’elle est au plus bas de ses
propres capacités.
108 E IV, pr. 41
109 En effet, dit Spinoza, «Quand l’Ame imagine son impuissance, elle
est contristée par cela même.» (E IV, pr. 55)
110 E III, pr. 2 et sc.
111 E III, pr. 58 et dém., et IV, pr. 59, dém.
112 E V, pr. 3. cf aussi G. DELEUZE, op. cit. p. 253
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113 Cf. E IV, pr. 51, dém. Le contexte est différent mais le sens en est le
même.
114 E V, pr. 3 et 4, sc..
115 En effet, «La raison ne demande rien qui soit contre la Nature (…)»
(E IV, pr. 18, sc..) De même, dit Spinoza, «il est donc d’un homme
sage d’user des choses et d’y prendre plaisir autant qu’on le peut
(sans aller jusqu’au dégoût, ce qui n’est plus prendre plaisir). Il est
d’un homme sage dis-je de faire servir à sa réfection et à la répa-
ration de ses forces des aliments et des boissons agréables pris en
quantité modérée, comme aussi les parfums, l’agrément des plantes
verdoyantes, la parure, la musique, les jeux exerçant le Corps, les
spectacles et d’autres choses de même sorte dont chacun peut user
sans aucun dommage pour autrui. Le Corps humain en effet est
composé d’un très grand nombres de parties de nature différente qui
ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée,
pour que le Corps entier soit également apte à tout ce qui peut suivre
de sa nature et que l’Ame soit également apte à comprendre à la fois
plusieurs choses.» (E IV, pr. 45, cor. 2. sc.)
116 CT, II, 1, 1
117 Ibid., II, 2, 2
118 Ibid.
119 Ibid. II, 1, 3
120 Ibid. II, 2, 2
121 V. DELBOS, Le Spinozisme, p. 97
122 TRE, 10
123 Ibid., 13
124 Ibid. 24
125 Nous n’avons pas encore parlé proprement dit du rôle de l’ima-
gination et de la positivité qui lui est propre: nous le ferons ulté-
rieurement, de façon à pouvoir la mettre en rapport avec la notion
d’imagination chez Nietzsche, ce qui est de la plus haute importance
pour l’association que nous faisons.
126 Rappelons que ce n’est finalement qu’ au début du livre V de l’Éthi-
que (cf. pr. 3) que Spinoza énonce la possibilité pratique ou empiri-
que de progresser de la connaissance inadéquate à la connaissance
adéquate, ayant parlé précédemment des notions communes comme
des notions innées.
127 E II, pr. 38
128 E II, pr. 40, sc.. 2. c’est le genre de connaissance qui «procède de
l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu à
la connaissance adéquate de l’essence des choses.» (ibid.)
129 E IV, pr. 18, sc.
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130 Il n’y a pas de différence pour Spinoza entre l’idée vraie et l’idée
adéquate, si ce n’est que l’adéquation se définit intrinsèquement (E
II, déf. 4) et la véracité extrinsèquement par rapport à l’objet (E I,
ax. 6). Ainsi, écrit Spinoza à Tschirnaus, «Entre l’idée vraie et l’idée
adéquate, je ne reconnais aucune autre différence que celle-ci: le mot
«vraie» se rapporte uniquement à l’accord de l’idée et de son idéat
(ideatum), tandis que le mot «adéquate» concerne la nature de l’idée
en elle-même; il n’y a ainsi aucune différence de fait en ces deux
sortes d’idées, si ce n’est cette relation extrinsèque.» (Lettre LX, Pl.
p. 1256)
131 En tant que nous percevons les choses par la raison, c’est-à-dire en
raisonnant par notions communes, nous les comprenons dans leur
réalité propre, non soumis aux déterminations extérieures: ainsi,
nous les percevons, et nous nous percevons par là même, avec une
certaine sorte d’éternité (E II, pr. 44, cor. et dém.)
132 E V, pr. 31, sc.
133 Cf TRE, 31
134 E IV, préf.
135 Notre jugement raisonnable peut en beaucoup être perturbé par des
causes extérieures; en effet, nous pouvons voir le meilleur et faire le
pire (cf. E IV, 17, sc.), et, dit Spinoza, «le Désir qui naît de la con-
naissance du bon et du mauvais, en tant qu’elle est relative à l’avenir,
peut plus aisément être réduit ou éteint par le Désir des choses qui
sont présentement agréables.» (E IV, pr. 16)
136 E IV, pr. 41
137 E IV, pr. 43 et dém.
138 E IV, pr. 39
139 Cf «Finitude, causalité, nécessité»
140 E IV, pr. 45
141 E IV, pr. 50
142 E III, déf. des affections 27 et E IV, pr. 44
143 E IV, pr. 35. cf aussi E II, pr. 49, sc. (fin); E IV, pr. 18, sc. et E IV, pr.
37
144 E IV, pr. 31, cor
145 Cf. TTP XIV, XVII, XVIII Notre analyse est ici volontairement des
plus sommaires. Notons simplement qu’il va de soi qu’une telle con-
ception refuse une société où les règles seraient dictées uniquement
par une autorité religieuse: nous savons déjà comment il se trouve
souvent que les doctrines religieuses et morales sont basées non pas
sur une connaissance véritable de l’ordre des choses (cf TTP, ch.
7, de l’interprétation des écritures et à propos des miracles), mais
comporte des confusion graves au sujet de la nature de Dieu et des
hommes: une telle société se révèle très souvent extrêmement injuste
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oder sie verebt bekam, kämpfte seinen Kampf für sich und seinen
Nachwuchs mit grösseren Glücke. Solche irrthümliche Glaubens-
sätze, die immer weiter verebt und endlich fast zum menschlichen
Art — und Grundbestand wurden, sind zum Beispiel diese: dass
es deuernde Dinge gebe, dass es gleiche Dinge gebe, dass es Dinge,
Stoffe, Körper gebe, dass ein Ding Das sei, als was es erscheine, dass
unser Wollen frei sei, dass was für mich gut ist, auch an und für sich
gut sei. Sehr spät erst traten die leugner und Anzweifler solcher Sätze
auf, — sehr spät erst trot die Wahrheit auf, als die unkräftigste Form
der Erkenntniss.»
194 Faut-il en conclure que la survivance n’est pas la question véritable
du principe du vivant? Certainement, puisque Nietzsche affirmera
par ailleurs que l’instinct de conservation n’est rien: ce que veut la
volonté de puissance, c’est augmenter la puissance De même, nous
devons nous rappeler que la vie n’est que l’un des cas de figure de la
volonté de puissance: «La vie, étant la forme de l’être qui nous est
le plus connue, est spécifiquement une volonté d’accumuler la force:
-Tous les procès de la vie ont là leur levier; rien ne veut se conserver,
tout doit être additionné et accumulé.» (VP III, 296). Sur la concep-
tion nietzschéenne de la mort, cf. notre chapitre Finitude et causalité.
195 VP III, 285
196 »L’utilité de la conservation — et non point un besoin quelconque,
abstrait et théorique, de ne pas être trompé — se place comme motif
derrière l’évolution des organes de la connaissance …, ces organes
se développent de façon à ce que leur observation suffise à nous
conserver.» (VP II, 270)
197 GS, 355, FW 355: «etwas Fremdes soll auf etwas Bekanntes zurüc-
kgeführt werden.»
198 Notons ici que ce qu’exprime ainsi l’instinct de connaître n’est pas
pour autant une tendance simple, mais doit être, conformément à la
pensée de Nietzsche à l’époque de ce texte (1886), l’expression d’une
multiplicité de vouloir. En effet, Nietzsche traversera plusieurs étapes
successives dans l’élaboration de sa pensée concernant la connais-
sance. Si ses écrits de jeunesse (notamment Schopenhauer éducateur)
tendent à mettre en avant l’idée d’une force vitale, une énergie
inhérente à toute matière à s’approprier le monde extérieur, qu’il
traduira par la suite par le concept schopenhauerien de la volonté au
sens le plus général, ses recherches ultérieures le mèneront à réfuter
cette notion de volonté générale. Dès l’époque d’Aurore, il n’y a plus
une volonté qui veut pour tout ce qui est vivant, mais des volontés,
des mobiles de puissance qui nous meuvent, nous font agir et réagir.
Lorsque Nietzsche définira toute action comme une expression de la
volonté de puissance, dans ses formes les plus variables et multiples
(PBM 19, 36, VP III, 294), il ne pourra plus être question d’un
principe unitaire, mais de la complexité de l’ensemble des forces que
405
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philosophie de la puissance …
nous constituons, nous faisant agir par une variété de mobiles aussi
complexes que notre vécu.
199 VP III, 272
200 La mémoire est ainsi une faculté essentiellement sélective qui tisse
le trame du vécu — c’est aussi pour cela que toute temporalité est
achronologique.
201 Le retournement est total, car «Nicht die Natur täuscht uns, die
Individuen und fördert ihre Zwecke durch unsere Hintergehung:
sondern die Individuen legen sich alles Dasein nach individuellen
d.h. falschen Maaßen zurecht; wir wollen damit Recht haben und
folglich muß «die Natur» als Betrügerin erscheinen (…). Alles was
in uns vorgeht, ist an sich etwas Anderes, was wir nicht wissen: wir
legen die Absicht und die Hintergehung und die Moral erst in die
Natur hinein.» (S.W. IX, 11(7)
202 Cf. SPINOZA, E I, app.
203 FP V, 11(60), S.W. IX, 11(60): «Wir können eine Reihe von Nachei-
nander’s angeben, die zu einem Zwecke führer — aber 1) es ist nicht
die vollständige Reihe, sondern eine erbärmliche Auswahl 2) wir
können kein Glied der Reihe aus freien Stücken machen, wir wissen
nur mehr oder weniger, daß es sich machen wird.»
204 Ainsi, elle risque bien d’être «plate, amère, laide, répugnante, non
chrétienne, immorale … Car il y a de telles vérités.» (GM, I, 1)
205 GS, 110 (nous soulignons)
206 Pour Nietzsche, tout comme pour Spinoza, le traitement du monde
en tant qu’unité dénombrable est essentiellement faux: la nature
n’est pas constituée par des parties (cf. SPINOZA, Lettre XII)
207 PBM, 4, JGB, 4: «dass ohne ein Geltenlassen der logischen Fiktio-
nen, ohne ein Messen der Wirklichkeit an der rein erfunderen Welt
des Unbedingten, Sich-selbst — Gleichen, ohne eine beständige
Fälschung der Welt durch die Zahl der Mensch nicht leben könnte,
— dass Verzlichtleisten auf falsche Urtheile ein Verzlichtleisten auf
Leben, eine Verneinung des Lebens wäre.»
208 «Etwas dürfte wahr sein: ob es gleich im höchsten Grade schädlich
und gefährlich wäre: ja es könnte selbst zur Grundbeschaffenheit
des Daseins gehören, dass man an seiner völtigen Erkenntniss zu
Grunde gienge, — so dass sich die Stärke eines Geistes darnach
bemässe, wie viel er von der «Wahreheit» gerade noch aushielte,
dentlicher, bis zu welchen Grade es sie verdünnt, verhüllt, versüsst,
verdumpft, verfälscht nöthig hätte.».» (JGB, 39)
209 Il y a bien une «double falsification, à partir des sens et à partir
de l’esprit, pour maintenir un monde de l’étant, du permanent, de
l’équivalent etc.» (FP XII, 7(54)
210 EH, IV, 5
211 OP, 109
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möglich: aber diese selige Sicherheit fand ich an allen Dingen: dass
sie liber noch auf den Füssen des Zufalls — tanzen.» (ZTH, III, «Vor
der Sonnen-Aufgang»)
237 GS, 374, FW, 374: «Die Welt ist uns vielmehr noch einmal «unen-
dlich» geworden: insofern wir die Möglichkeit nicht abweisen
können, dass sie unendliche Interpretationen in sich schliesst. Noch
einmal fasst uns der grosse Schander (…)»
238 ZTH, IV, «Das Nachtwandler-Lied»§ 6: «die Welt ist tief und tiefer
als der Tag gedacht!»
239 J. GRANIER, op. cit. p. 312
240 Cf. PBM, 296
241 C’est l’objet de l’ensemble des textes des deux volumes de la Volonté
de Puissance.
242 PBM, 108
243 La relation de Nietzsche à Socrate est ambivalente et mériterait une
analyse propre afin d’en dégager correctement tous les aspects: nous
nous contenterons ici de dire que si par moments Nietzsche n’hésite
pas à rendre hommage à Socrate, il est bien plus courant de voir ses
textes lui adresser des critiques cinglantes. Cette dernière position
est très nette lorsqu’il s’agit de la problématique de la connaissance
et de la vérité: il fait partie des «grands Sages» qui portent le même
jugement sur la vie: «elle n’a aucune valeur» (CI, «Le problème
de Socrate», 1) Sa conception de la vie relève des symptômes de
dégénérescence profondément anti-hellénistes, symptômes qui à leur
tour révèlent une fatigue et une incapacité essentielle à se rapporter à
la vie: «Urteile, werturteile über das Leben, für oder wider, können
zuletzt niemals wahr sein: sie haben nur Wert als Symptome, sie
kommen nur als Symptome in Betracht, — an sich sind solche
Urteile Dummheiten. Man muß durchaus seine Finger danach
ausstrecken und den Versuch machen, diese erstaunliche Finesse zu
fassen, daß der Wert des Lebens nicht abgeschätzt werden kann.»
(GD, Das Problem des Sokrates, 2)
244 Il est à remarquer que le mot «faible» revêt un sens tout particulier
chez Nietzsche: la faiblesse ne signifie pas nécessairement «moins
fort» que le fort: plus qu’une estimation de forces, le «faible»
exprime un certaine type de forces qui sont réactives avant tout. La
faiblesse peut, dans sa réactivité, l’emporter de loin sur la «force:
d’où le mot célèbre de la Généalogie de la Morale: «on a toujours
à défendre les forts contre les faibles». La faiblesse réside dans la
perversion des forces, et sépare la puissance de ce qu’elle peut, se
prenant elle-même comme mesure. C’est que qui est illustré dans
la Généalogie de la Morale (I, 13) par l’exemple de l’agneau qui
voudrait que l’aigle n’use pas de sa force, et qui triomphe en se
déterminant comme «le bien» face à la «méchanceté» de l’aigle.
409
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notes
245 Il est simple de voir en quoi la connaissance exprime une vie réactive
— il suffit pour cela de se rapporter aux affinités typologiques
fondamentales de la figure du prêtre, de l’ascète et de l’esclave. Le
fonctionnement de la connaissance est essentiellement le même que
la création des valeurs morales: il consiste dans le retournement des
forces. Voir à ce sujet La généalogie de la Morale. G. Deleuze déve-
loppe également les affinités et les distinctions entre la connaissance,
la morale et la religion (op. cit. pp. 111—114)
246 G. DELEUZE, op. cit. p. 115
247 GS, 324, FW 324: «Und die Erkenntniss selber (…) für mich ist sie
eine Welt der Gefrahren und Siege, in der auch die heroischen Ge-
fühle ihre Tanz — und Tummelplätze haben. «Das leben ein Mittel
der Erkenntniss» — mit diesen Grundsatze im Herzen kann man
nicht nur tapfer, sondern sogar fröhlich leben und fröhlich lachen!»
248 Combien ces transcriptions multiples sont aléatoires, nous le savons:
entre l’excitation nerveuse et l’image, il y a une première métaphore.
Ensuite, une deuxième, lorsque l’image est transformée en son. Une
troisième, finalement, encore plus vague que les deux précédentes,
lorsque ces impressions se voient transformer en concepts: «Tout
concept surgit de la postulation de l’identité du non-identique.
De même qu’il est évident qu’une feuille n’est jamais tout à fait
identique à une autre, il est tout aussi évident que le concept feuille
a été formé à partir de l’abandon de ces caractéristiques particuliers
arbitraires, et de l’oubli de ce qui différencie un objet d’un autre. Il
fait naître l’idée qu’il y aurait dans la nature, indépendamment des
feuilles, quelque chose comme la «feuille», une forme en quelque
sorte originelle, d’après laquelle toutes les feuilles seraient tissées,
dessinées, découpées, colorées, plissées, peintes, mais par des mains
si malhabiles qu’aucun exemplaire n’en sortirait assez convenable
ni fidèle pour être une copie conforme à l’original.» (NP, «Vérité et
mensonge au sens extra-moral», p. 211) Il est remarquable de voir
ici combien Nietzsche est proche des théories spinozistes: en effet,
pour Spinoza, aussi, le langage est essentiellement critiquable parce
qu’il traite de généralités sans fondement commun. Mais de plus, la
connaissance la plus haute ne saurait jamais être au niveau des no-
tions communes qui sont très précisément des concepts traitant des
relations entre les choses: elles sont adéquates, mais ne constituent
pas pour autant l’essence d’aucune chose singulière. En d’autres
termes, la connaissance spinoziste tout comme la connaissance
nietzschéenne se fonde sur le savoir de la singularité ou, mieux,
sur le savoir de la différence originelle de chaque chose en tant que
singulière: nous y reviendrons dans le chapitre suivant.
249 La vérité, toute vérité, n’est rien d’autre qu’une métaphore qui s’est
oubliée en tant que telle: cf. LP, III.
250 OP, 261
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251 OP, 82
252 FP V, 11(80), S.W. IX, 11(80): «Die Erkenntniß hat den Werth 1)
die «absolute Erkenntniß» zu widerlegen 2) die objektive zählbare
Welt der nothwendigen Aufeinanderfolge zu entdecken.»
253 FP V, 11(65)
254 Pour Nietzsche, le «perspectivisme, condition fondamentale de toute
vie» (PBM, préf.)
255 Si l’être n’est autre que la volonté de puissance, toutes ses manifes-
tations lui sont également propres: «La fin et le moyen. -La cause
et l’effet. — Le sujet et l’objet. — Le faire et le pâtir. — La chose en
soi et le phénomène: Autant d’interprétations non pas des faits — et
dans quelle mesure peut-être des interprétation nécessaires (conser-
vatrices). Toutes allant dans le sens de la volonté de puissance.» (VP
I, 134 trad. Bianquis) cf. aussi PBM, 36.
256 Cf. NP, § 5. Nietzsche montre également que Schopenhauer a
maintenu cette conception de la nécessité des forces adverses, mais
en la rendant tragique, effroyable, ( cf. Le Monde comme volonté et
comme représentation, t. I, Livre II, 27) tandis que pour Héraclite
elle signifiait une assurance de l’éternelle justice fondatrice du deve-
nir: «Le dieu est jour nuit, hiver été, guerre paix, abondance famine.
Il change comme le feu mêlé d’aromates reçoit le nom de chaque
parfum.» (HERACLITE, frg. 71 (Diels-Kranz 67) trad. Y. Battistini
in Trois présocratiques, Gallimard, Tel 1988)
257 NIETZSCHE, VP III, 385
258 FP XII, 1(89), S.W. XII 1(89): «Wir gehören zum Charakter der
Welt, das ist kein Zweifel! Wir haben keinen Zugang zu ihrs als
durch uns: es muß alles Hohe und Niedrige an uns als nothwendig
ihrem Wesen zugehörig verstanden werden!»
259 VP, I, 168
260 VO, 21: «L’homme, celui qui mesure»
261 GM, II, 8, «der Mensch bezeichnete sich als das Wesen, welches
Werthe misst, werthet und misst, als das «abschätzende Thier an
sich».»
262 CI, 5
263 VP I, 29 tr. Bianquis
264 »Alle Geschehen aus Absichten ist reduzirbar auf die Absicht der
Mehrung von Macht.»» (S.W. XII, 2(88))
265 Cf. M. HEIDEGGER, Nietzsche, t. II, Pfullingen, Günter Neske,
1961 p. 106
266 VP I, 58, tr. Bianquis
267 OP, 304
268 »Das aufgeregte, lärmende ungleiche, nervöse Wesen macht den
Gegenstaz zur grossen leidenschaft: diese, wie eine stille düstere
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Gluth im Innern wohnend und dort alles Heisse und Hitzige sam-
melnd, lässt den Menschen nach Aussen hin kalt und gleichgültich
blicken und drückt den Zügen eine gewisse Impassibilität auf.»
(MR. 471)
269 OP, 111
270 Si l’objet de la connaissance est la vie, elle ne saurait être qu’impi-
toyable — ce pourquoi il est impossible de la concilier avec l’idée de
compassion (cf. PBM, 171)
271 OP, 113
272 OP, 114. cf. aussi FW 249: «Der Seufzer des Erkennenden; _ «Oh
über meine Habsucht! In dieser Seele wohnt keine Selbstlosigkeit,
— vielmehr ein Alles begehrendes Selbst, welches durch viele
Individuen wie durch seine Augen sehen und wie mit seinen Händen
greifen möchte, — ein auch die ganze Vergangenheit noch zurüc-
kholendes Selbst, welches Nichts verlieren will, was ihm überhaupt
gehören könnte! Oh über diese Flamme meiner Habsucht! Oh, dass
ich in hundert Wesen wiedergeboren würde!» — Wer diesen Seufzer
nicht aus Erfahrung kennt, kennt auch die Leidenschaft des Erken-
nenden nicht.»
273 En effet, dit Nietzsche, «Erklärung» nennen wir’s: aber, «Bes-
chreibung» ist es, was uns vor älteren Stufen der Erkenntniss und
Wissenschaft auszeichnet. Wir beschreiben besser, — wir erklären
ebenso wenig wie alle Früheren.»» (FW, 112) La science ne saurait
jamais être mieux qu’une description puisqu’elle opère par images
qui sont déjà faussées en tant que perspectives.
274 Entre l’imagination et la Raison il y a, chez Nietzsche comme chez
Spinoza, un travail de remise en perspective, de revalorisation d’ima-
ges données — non pas une suppression de notre faculté d’imaginer:
«Qu’est-ce que l’imagination, la fantaisie? Une sorte de raison plus
grossière, non encore raffinée, — une raison qui commet de grosses
erreurs dans la comparaison et la systématisation (…) «(OP, 256)
275 Nous reviendrons ultérieurement sur le rôle de l’imagination chez
Nietzsche.
276 A, 501, MR 501: «Jetzt darf die Menschheit warten, jetzt hat sie
nicht mehr nöthig, sich zu überstürzen und halbgeprüfte Gedanken
hinunterzuwürgen, wie sie ehedem musste. Denn damals hieng das
Heil der armen «ewigen Seele» von ihren Erkenntnissen während
des kurzen lebens ab, sie musste sich von heut zu morgen entschei-
den, — die «Erkenntniss» hatte eine entsetzliche Wichtigkeit! Wir
haben den guten Muth zum Irren, Versuchen, Vorlaüfzig — nehmen
wieder erobert — es ist Alles nicht so wichtig! — und gerade
desshalb können Indiviuduen und Geschlechter jetzt Aufgaben von
einer Grossartigkeit in’s Auge fassen, welche früheren Zeiten als Wa-
hnsinn und Spiel mit Himmel und Hölle erschienen sein würden.»
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285 PBM, 296, JGB, 296: «Ach, was seid ihr doch ihr meine geschrie-
benen und gemalten Gedanken! Es ist nicht lange her, da wart ihr
noch so bunt, jung und boshaft, voller Stacheln und geheimer Wür-
zen, dass ihr mich niesen und lacher machtet — und jetzt? Schon
habt ihr eure neuheit ausgezogen, und einige von euch sind, ich
fürchte es, bereit, zu Wahrheiten zu werden: so umsterlich sehn sie
bereits aus, so herzbrechend rechtschaffen, so langweilig! Und war
es jemals anders? Welche Sachen schreiben und malen wir denn ab,
wir Mandarinen mit chinesischen Pinsel, wir Verwiger der Dinge,
welche sich schreiben lassen, was vermögen wir denn allein abzuma-
len? Ach, immer nur Das, was eben welk werden will und anfängt,
sich zu verriechen! Ach, immer nuch abziehende und erschöpfte
Gewitter und gelbe, späte Gefühle! Ach, immer nur Vögel, die sich
müde flogen und verflogen und sich nun mit der Hand haschen
lassen — mit unserer Hand!»
286 La connaissance est la passion qui, par définition, ne saurait
atteindre son but et sa satisfaction: «Einen Berg hinuntersteigen, die
Gegend mit den Augen umarmen, eine ungestillte Begierde dabei.
Die leidenschaftlich Liebenden, welche die Vereinigung nicht zu
erreichen wissen (— bei Lucrez) Der Erkennende verlangt nach
Vereinigung mit den Dingen und sieht sich abgeschieden — dies ist
seine Leidenschaft.» (S.W. IX, 11(69))
287 Nietzsche adresse cette critique cinglante contre ceux qui, sans
savoir ce qu’est la science et ce qu’elle exige, se montrent «tolérants
«vis-à-vis d’elle: «il vous manque cette conscience rigoureuse de
ce qui est vrai et réel, cela ne vous tourmente ni ne vous torture de
trouver la science en contradiction avec vos sentiments, vous ne
connaissez pas l’avide nostalgie de connaissance comme une loi
s’imposant à vous, vous ne voyez pas un devoir partout où il y a de
la connaissance, de ne rien laisser échapper de ce qui devient objet
de connaissance.» (PBM, 270)
288 GS, 293, FW, 293: «für den hat die Strenge ihres Dienstes, diese
Unerbitterlichkeit im Kleiner wie im grossen, diese Schnelligkeit im
Wâgen, Urtheilen, Verurtheilen (…)»
289 OP, 109
290 GS, 301, FW 301: «Wir, die Denkend-Empfinderen, sind es, die
wirklich und immerfort Etwas machen, das noch nicht da ist: die
ganze ewig wachsende Welt von Schätzungen, Farben, Gewichten,
Perspectiven, Stufenleitern, Bejahungen und Verneinungen.»
291 ZTH, III, «Von den drei Bösen», § 1: «(…) — als ob ein voller Apfel
sich meiner Hand böte, ein reifer Goldapfel, mit kühl saufter sam-
mtener Haut: — so bot sich mir die Welt: — als ob ein Baum mir
wirke, ein breitästiger, starkwilliger, gekrümmt zur lehre und noch
zum Fussbrett für den Wegmüden: so stand die Welt auf meinen
Vorgebirge: — (…) — nicht Räthsel genug, um Menschen-Liebe
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1 NIETZSCHE, FP XIV, 16(58), AC, 18
2 Cf. lettre à Overbeck le 30 juillet 1881
3 FP V, 11(194)
4 GS, 372
5 Cf. SPINOZA, E II, pr. 40, sc. 1
6 NIETZSCHE, ZTH I, «Von den Verächtern des Leibes», ««Leib bin
ich und Seele» — so redet das Kind. Und warum sollte man nicht
wie die Kinder reden? Aber der Erwachte, des Wissende sagt: Leib
bin ich ganz und gar, und Nichts ausserdem; und Seele ist nur ein
Wort für ein Etwas am Leibe. Der Leib ist eine grosse Vernunft, eine
Vielheit mit Einen Sinne, ein Krieg und ein Frieden, eine Heerde und
ein Hirt.»
7 FP V, 11(132)
8 Cf. DESCARTES, Méditations III
9 Il y a quatre textes principaux où Nietzsche critique Descartes d’une
manière qui ne manque pas d’affinités avec la critique spinoziste:
il s’agit des paragraphes 16 et 17 dans le PBM, et des fragments
300 et 301 des OP: en effet, le Cogito cartésien ne saurait jamais
être une vérité ou une certitude immédiate puisque, loin de relever
de la raison pure, c’est déjà un assemblage complexe de plusieurs
suppositions et de croyances: «Dans le savoir, la «certitude» est-elle
possible? La certitude immédiate n’est-elle pas une contradictio in
adjecto?» (OP, 301) Pour Nietzsche, la prudence cartésienne vient
bien trop tard: il s’est déjà pris dans le piège qu’il pensait pouvoir
éviter, puisqu’il a négligé le caractère éminemment subjectif du
cogito. Sur la critique nietzschéenne de Descartes, cf. S. KOFMAN,
Nietzsche et la scène philosophique, pp. 195—224.
10 VP II, 272
11 A. BOYER, critiquant le pragmatisme nietzschéen par rapport au
concept de la vérité croit bon de rappeller à Nietzsche «ce que savait
Spinoza, à savoir que toute idée est affirmative, et par là prétend être
vraie»: ainsi, dit Boyer, l’affirmation nietzschéenne qu’il n’y a pas de
vérité réduit la pensée à un paradoxe inextricable («affirmer «il n’y
a pas de vérité» veut dire «Il est vrai que rien n’est vrai», c’est-à-dire
«si p est vraie, elle est fausse» (BOYER in Pourquoi nous ne sommes
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68 E IV, pr. 24: «Ex virtute absolutè agere nihil aliud in nobis est, quàm
ex ductu rationis agere, vivere, suum esse conservare (hæc tria idem
significant), idque ex fundamento proprium utile quaerendi.»
69 A, 481, MR 481: «ihre Gedanken machen nicht eine leidenschaftli-
che Seelen-Geschichte aus, es gibt da keinen Roman, keine Krisen,
Katastrophen und Todesstunden zu errathen, ihr Denken ist nicht
zugleich eine unwillkürliche Biographie einer Seele (…)»
70 Bien entendu, la science intuitive n’a rien d’un mysticisme (cf. Ph.
GRANALORO, op. cit. p. 149: Granaloro fait un rapprochement
très juste entre Spinoza et Nietzsche en partant de la lettre jubilatoire
de Nietzsche à Overbeck lorsqu’il a lu Spinoza pour la première fois
(cf. lettre du 30 juillet 1881): en effet, il y a tout lieu de rapprocher
l’amor fati de l’amor intellectualis dei spinoziste (nous y reviendrons
amplement), cependant, comme nous le montrerons, Nietzsche
n’a pas fait «l’économie» de l’ «intellectualis» à cause du langage
prétendu mystique de Spinoza, mais pour d’autres raisons très
différentes.) ni même d’une intuition au sens irrationnel du terme:
elle est toujours, même sous ce nom, une connaissance rationnelle,
non-imagée, concernant exclusivement des réalités singulières.
Si, effectivement, Spinoza maintient dans l’Ethique l’expression
d’»intuition», c’est pour signifier une compréhension totale et immé-
diate, non déductive: nous y reviendrons.
71 E IV, pr. 25
72 Cf. S. ZAC, L’idée de vie … p. 20 et sq. Est-il permis de faire ce
rapprochement? Il semble que Spinoza nous y autorise: en effet,
«deus sive natura», de même, dans le Court Traité et les Pensées
Métaphysiques, la providence n’est autre que «la vie»: La substance
est ce qui est nécessairement, dont l’essence coïncide avec l’existence.
Elle exclut toute idée de fin ou de mort, ainsi que nous l’avons vu au
cours d’un chapitre précédent. Dès lorsque nous savons qu’elle ne
saurait se transcender, qu’il n’y a en elle aucune finalité autre que la
sienne propre, nous pouvons bien la nommer «vie».
73 Cf. F. ALQUIE, op. cit. conclusion
74 SPINOZA, E II, pr. 13
75 E V, pr. 21
76 E V, pr. 23
77 E V, pr. 28
78 E II, pr. 40, sc. 2
79 Dans l’ouvrage cité de nombreuses fois, F. ALQUIE pose une
question (cf. les sections III et IV du chapitre intitulé «Le désir et
la connaissance», pp. 298—304) qui semblerait pouvoir trouver
aisément une réponse ici. Il est clair, dit-il, que Spinoza affirme que
nous sommes actifs dès lors que nous avons des idées adéquates:
l’action, par suite, ne se définit pas dans l’intensité ou la force de
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212 AC, vorrede: «man muss nie fragen, ob die Wahrheit nützt, ob sie
Einem Verhängniss wird..».
213 ZTH, «D’anciennes et de nouvelles tables», §2
214 Il importe de préciser que le concept de Surhomme fait pour Nietzs-
che objet d’un pressentiment, non pas d’une vision claire: en d’autres
termes, s’il a pu pressentir dans une transmutation de toutes les va-
leurs quelle serait l’identité humaine possible par la suite, rien, dans
ce qu’il a pu constater philosophiquement ni historiquement ne lui a
permis de voir le surhomme. En effet, il est significatif que les textes
de Zarathoustra parlent du surhomme en termes de pressentiment et
non de vision (contrairement à la vision du Retour éternel, cf. «De la
vision et de l’énigme): tout au plus, le surhomme est perçu en qualité
d’ombre: «Je veux achever mon œuvre, car une ombre de moi s’est
approchée — de toutes choses la plus tranquille et la plus légère, un
jour, de moi s’est approchée! C’est du Surhomme la beauté qui de
moi comme une ombre s’est approchée. Ah! mes frères, que m’im-
portent encore — les dieux!—» (Zth, II, «Aux îles Fortunées») Mais
en tant que pressentiment, à l’aube d’une transmutation de toutes
les valeurs, ne devons-nous pas comprendre le Surhomme comme
l’objet d’affirmation que nous devons appeller en nous-mêmes,
comme expression de toutes les forces créatrices dont nous dispo-
sons à condition de dépasser nos tendances réactives? Le surhomme
serait ainsi le pressentiment de notre propre puissance, et, en tant
que tel, doit être compris comme un appel d’amour dont nous
devons nous découvrir dignes: «qui veut se rendre léger, et qui se
veut oiseau, il faut que celui-là s’aime lui-même.» (Zth, «De l’esprit
de pesanteur», §2) Or, tout amour véritable demande un choix, une
séléction farouche: c’est pourqoui il faut consentir à laisser, à quitter,
pour parvenir à ce qui est précieux: «Ce qui chez l’homme est grand,
c’est d’être un pont et de ne pas être un but: ce qui chez l’homme on
peut aimer, c’est qu’il est un passage et un déclin. J’aime ceux, qui
seulement au-delà des astres, ne cherchent une raison de décliner et
e’être hostie mais ceux qui à la terre se sacrifient, pour que la terre
un jour devienne celle du Surhomme. J’aime celui qui pour connaître
vit et qui connaître veut afin qu’un jour vive le surhomme, et de la
sorte veut son propre déclin.» (Zth, prol. IV)
215 HTH, II, 292
216 L’analyse de Ph. GRANALORO met bien en lumière cette ambiva-
lence de la notion de surpassement: ainsi, dit Granaloro, ce «lassen»
dans le»über» pourrait aussi être un «nouveau voir, nouvel usage du
cerveau, nous permettant si nous sommes capables d’y parvenir, une
toute autre invention de la réalité.» (op. cit. p. 56. )
217 ZTH, «De la prodigue vertu», §2
218 L’acte d’affirmer constitue à lui tout seul l’acte de créer: ce qui est
créé, c’est le réel ou l’être. C’est ce qui explique que pour Nietzsche,
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l’être en tant que tel n’est rien (et bien évidemment, il en est de
même pour le néant): il n’est d’être que créé, et il n’est de création
que dans l’affirmation. Mais ce mouvement est nécessairement dou-
ble: affirmer le devenir, c’est affirmer la valeur de la terre, mais cette
valeur devra elle-même être affirmée pour que le devenir soit être
(cf. «Imprimer au devenir le caractère de l’Etre — c’est la surpême
volonté de puissance. (…) Que tout revienne, c’est le plus extrême
rapprochement d’un monde du devenir avec celui de l’être: sommet
de la contemplation.» (FP XII, 7(54)) Sur les différentes modalités de
la double affirmation (symbolisme des animaux: serpent et aigle, le
couple Dionysos-Ariane) cf. G. DELEUZE, op. cit. pp. 213—217.
219 NT, § 17, GTG, § 17: «Trotz Furcht und Mitleid sind wir die
glücklich-Lebendingen, nicht als Indivuduen, sondern als das Eine
Lebendige, mit dessen Zeugungslust wir verschmolzen sind.» L’affir-
mation demande ainsi un «acquièscement religieux à la vie, à la vie
entière, non reniée et amputée.» (FP XIV, 14(89)
220 ZTH, I, «Des contempteurs du corps»
221 L’expression est récurrente dans un grand nombre de textes, cf. à
titre d’exemple FP XIV, 14(61) «der große Styl»
222 ZTH, «Vom Geist der Schwere», § 2: «Wer die Menschen einst
fliegen lehrt, der hat alle Grenzsteine verrückt; alle Grenzsteine
selber werden ihm in die Luft fliegen, die Erde wird er neu taufen
— als, «die Lechte» «
223 C’est bien d’une montagne à une autre que les «géants s’interpel-
lent» (NP, § 1) c’est-à-dire les philosophes qui communiquent par-
delà l’histoire et le temps.
224 »L’on nomme cela connaître: en vérité l’homme qui aime marche …»
(FP V, 12(197)
225 Nietzsche contre Kant: contre le fait d’être «casanier [stubenhoc-
ken] comme Kant» (FP XIV, 14(83)
226 ZTH, prol. 5
227 ZTH, «Avant l’aurore»
228 La puissance du lion est affirmation et plaisir: ici, l’affirmation naît
en tant que rugissement, en tant que force qui balaie les esprits peu-
reux: ainsi, «connaître, c’est plaisir pour qui veut comme un lion.»
(ZTH, «D’anciennes et de nouvelles tables», § 16)
229 ZTH, «De l’esprit de pesanteur», § 2, «Vom geist der Schwere»:
«Allgenügsamkeit, die alles zu schmecken weiß: das ist nicht der
beste Geschmack! Ich ehre die widerspenstigen wählerischen Zun-
gen und Mägen, welche «Ich» und «Ja» und «Nein» sagen lernten.
Aber alles kauen und verdauen — das ist eine Rechte Schweine-Art!
Immer I-A sagen — das lernte allein der Esel, und wer seines Geistes
ist! —»
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244 Heidegger souligne avec raison le fait que l’art ne doit se com-
prendre qu’à partir de l’artiste, jamais à partir du spectateur ni de
l’œuvre d’art en tant que tel (op. cit. p. 70).
245 GS, 276, FW, 276: «Amor fati: das sei von nun an meine Liebe!
Ich will keinen Krieg gegen das Hässliche führen. Ich will nicht
anklagen, ich will nicht einmal die Ankläger anklagen. Wegsehen sei
meine einzige Verneinung! Und, Alles in Allem und Grossen: ich will
irgendwann einmal nur noch ein Ja-sagender sein! «
246 Cf. K. FISCHER, Geschichte der neueren Philosophie, Descartes’
Schule. Geulinx, Malebranche, Spinoza, Heidelberg, 1865
247 «Ce que Spinoza a laissé, l’amor intellectualis dei, n’est qu’un
cliquetis de squelette! Qu’est-ce qu’amor, qu’est-ce que deus, quand
ils n’ont plus une goutte de sang?» (GS, 372) 29. La supression de
l’intellectualis chez Nietzsche ne tient donc pas à une épuration
du langage prétendûment mystique chez Spinoza comme l’indique
Granaloro (op. cit. p. 149), mais cette dimension reste en réalité
inhérente à l’affirmation nietzschéenne.
248 Cf. notre chapitre «Versants de la connaissance adéquate: amor erga
Deum et amor intellectualis Dei».
249 NT, § 24
250 Cf. Ch. ANDLER, Nietzsche t. III, pp. 394—395. Plusieurs textes
mettent en évidence la critique nietzschéenne de Spinoza sur ce
point: cf. AC, §17, PBM § 212, GM III, § 12, GS§ 344. Il convient
également de citer le poème dédié à Spinoza dans les Dithyrambes de
Dionysos (Automne 1884):
«A Spinoza:
Tourné vers l’ «un en Tout»
un «amor dei» dans le bonheur que donne la raison —
Pieds nus! Terre trois fois bénie!
Pourtant, sous cet amour couvait
la braise d’un sinistre, ardent ressentiment:
— C’est la haine d’un Juif qui s’attaque au Dieu des Juifs!
— Grand solitaire, t’ai-je bien deviné?»
Ici, Nietzsche fait apparaître Spinoza comme étant plein de ressen-
timent envers une vie qu’il n’est pas en mesure d’affirmer, et qui,
comme acte de vengeance, aurait imaginé un dieu calculateur et logi-
cien que l’entendement pur seul parviendrait à aimer: ainsi, Spinoza
aurait façonné un dieu tout à fait à son image de rationaliste froid et
évidé. Cependant, une lecture attentive des textes de Spinoza suffit
à dénoncer cette interprétation qui revient sporadiquement chez
Nietzsche: en réalité, Nietzsche devait aussi bien avoir saisi le sens de
l’amor intellectualis Dei spinoziste dès lors qu’il affirme avoir trouvé
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437
références
philosophiebibliographiques
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abreviations
SPINOZA:
CORR: Correspondance
CT: Court Traité
E: Ethique
PM: Pensées Métaphysiques
TP: Traité Politique
TRE: Traité de la Réforme de l’Entendement
TTP: Traité Théologico-Politique
NIETZSCHE (traductions)
A: Aurore
AC: Antéchrist
CI: Crépuscule des Idoles
Cons. In.: Considérations Inactuelles
DD: Dithyrambes de Dionysos
EH: Ecce Homo
FP: Fragments Posthumes
GM: Généalogie de la Morale
GS: Gai Savoir
HTH: Humain Trop Humain
LP: Le Livre du Philosophe
NT: La Naissance de la Tragédie
OP: Œuvres Posthumes
PBM: Par-delà Bien et Mal
438
notes
(textes allemands)
S.W.: Sämtliche Werke, Kritische Studien-ausgaben DTV,
Gruyter, Dinndruck Ausgabe, München 1980
W: Werke, Kröner, Leipzig 1913
AC: Der Antichrist
EH: Ecce Homo
FW: Die Fröhliche Wissenschaft
GM: Zur Genealogie der Moral
GD: Götzen Dämmerung
GTG: Die Geburt des Tragödie der griechische Staat
GT: Die Geburt der Tragödie
JGB: Jenseits von Gut und Böse
MAM: Menschliches, Allzumenschliches, ein Buch für freie Geister
MR: Morgenröthe
NF: Nachgelassene fragmente
ZTH: Also sprach Zarathustra
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références
philosophiebibliographiques
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références bibliographiques
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références bibliographiques
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références
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références bibliographiques
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références bibliographiques
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références
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références bibliographiques
KANT, E.: Critique de la Raison Pure, tr. J. Barni, Ed. Flammarion, Paris
— Opuscules sur l’histoire, tr. S. Piobetta, Garnier Flammarion,
Paris 1990
447
références
philosophiebibliographiques
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448
références bibliographiques
PLOTIN, Ennéades, tr. E. Bréhier, Ed. Les Belles Lettres, Paris 1954
449
références
philosophiebibliographiques
de la puissance …
450
références bibliographiques
WURZER, S.: Nietzsche und Spinoza, Thèse lettres Fribourg/B. S.I. 1974
— «Mens and Corpus in Spinoza and Nietzsche: A propedeutic compari-
son.» in Dialogos, 16, No.81, pp. 81—92, Puerto Rico
451
philosophie de la puissance …
Introduction. 7
452
III. Temps et Éternité 54
1.
A) Éternité et durée chez Spinoza: les deux registres
ontologiques
B) L’impossibilité d’une éternité d’ordre transcendant
2.
A) Éternité et devenir chez Nietzsche
a) Essence-existence: l’apparence et le vrai
b) La notion de la temporalité
B) Introduction à l’éternité: l’expérience du Retour
Éternel
C) Le cyclique dans le Retour éternel
D) Le poids le plus lourd: la tâche de l’humain
3.
A) Conséquences de l’analyse pour la confrontation
Spinoza-Nietzsche.
B) La nature du temps: l’impossibilité chronologique.
Rupture avec le temps linéaire et philosophique.
453
philosophie de la puissance …
454
VI. Spinoza et Nietzsche: 232
la connaissance affirmative
1.
A) Les parallèles de la connaissance: Raison,
Imagination, Passion.
a) Le Corps et la Raison. Raison et société.
b) L’imagination et la passion. Les maîtres du ressentiment.
B) Vers la béatitude et l’amor fati: de l’action à
l’affirmation.
a) Spinoza: L’idée de Dieu selon la connaissance du deuxième
genre.
b) L’idée de Dieu selon la connaissance du troisième genre
c) Versants de la connaissance adéquate: Amor erga Deum
et amor intellectualis Dei
2. Nietzsche: Affirmation et rupture
A)La création: production et transfiguration du réel.
B) Typologie de la connaissance affirmative. Le dépas-
sement de la pesanteur et la nécessité de la négation.
C) Amor fati et Amor intellectualis Dei: la dissonance
affirmative.
Conclusion 328
Abréviations 438
Références Bibliographiques 440
455
philosophie de la puissance …
456