You are on page 1of 219
La Fabrique des images VISIONS DU MONDE ET FORMES DE LA REPRESENTATION sous la direction de Philippe Descola VILLE DE LYON BIBLIOTHEQUE i soMocy EDITIONS vusseduquaisranty DART 3.7001 03253231 4 Cet ouvrage est publié 4 occasion de exposition «La Fabrique des images» présentée au musée du quai Branly du 16 février 2010 aw 11 juillet 2011 Exposition Préteurs Commissariat Allemagne Philippe Descola Bein, Museum fir Vkerkunde Munich, Statiches Museum fir Vlkerkunde Scénegraphie Seutrgart, Linden Museum Pascal Rodriguee Brs-Unis Conception graphique ‘Cambridge, Peabody Museum, Harvard Marion Soivie Los Angels, Allen F Roberts ct Mary N. Roberts Concepion lumire los Angels, UCLA Fowler Museum of Cultural History Pascal Rodrigue Berkeley, Phoebe A. Hearst Museum of Anthropology, Berkeley University Production, Direction Sitka, Sheldon Jackson Museum dt développement culture! Helene Fulgence France direseur Paris, M. Maurice Bloch Coitena igs Paris, Collége de France ela production Pais, ENSBA omnes Paris, muse Marmottan des expositions 7 4 conservatoire national des Ars Bie tee et Mater, CNAM hag de production Pars, mange Guimet Patricia Morejon Paris, masée du Louvre coordination nial sonographic Roubaix, La Piscine - Musée d'Art et d'indstrie Delphine Davenicr Andeé Diigeot responsable de la ii des expositions “e i Mesigue Ciristine Moine-Paton “Mexico, Museo Nacional de Antropologi INAH giseur dures ‘Sebastien Priollet ot Mare Henry multiméia (Cline Martin-Raget responsable du pile image Mariel Rausch nsponsable di ple papier Sophie Chambonniére chargé d'éiton Lexposition a été réalisée grice au mécénat du CLUB ENTREPRISES Saison 2009-2010 rurogour —ocpate QE" Auteurs Philippe Descola fener a Callie de Foe distor dees 3 TEHESS, Pari Frangoie Dust meee dauhnpslge, Universi du Conmicat, Seon Dimitri Karadimas hecho au CNRS ot ‘drexcrabont du Labrie {Anopeloie Sie Paris Josiea De Langy Healy ‘henheafléa Labnaire 4Amrpoloie Sie, Pari Frédéric Lawgrand esr tide, diparcont ‘alropologi Quite Johannes Neurath dceur cn athrpoogie, Mineo Nacional de Anal, INAH, Meso Allen F Robers et Mary Nooter Roberts rose itis, pateren aes as ules du mond, Université de Californie (UCLA), Los Angeles Moni Sicant chargé de recherche au Charles Stépanoff atv de cones, Ele pique des hates ead, ars Anne-Christine Taylor diner du darter de fa here de ensignenent, used quai Branly Pais Michael Taylor iain ot tdectenr, Savignaclesklises ivesté Lav, NRS, Paris Remerciements du commissaire de Vexposition Je tiens 3 remercier tous ceux qui ont rendu cette exposition pos sible, et tout particuligrement le personnel du nunée du quai Branly et les préteurs. Parmi les premiers, ma reconnaissance va en premier liew i Téquipe de la direction du développement culture, cchangée de mener 3 bien exposition et le catalogue, qui Ia fait avec un enthousiasme de tous les insants et une compétence jamais prise en défaut; elle s'adrewe aussi 3 tous ceux qui, at rmusée, mont fait bénéficier de leurs conse, en particulier Christine Barthe, Daria Cevoli, Yves Le Fur, Constance de Monbrison, André Delpuech, Carine Peltier, Philippe Peltier et [Nanette Snoep. Parmi les préteurs, dont les noms sont mention je voudrais témoigner une gratitude toute particulgne Miller, directeur du Staatliches Museum fir Valkerkunde de Munich, et 3 Vincent Pomaréde, directeur du Adepartement des peintures du musée du Louvre, pour la généro- sité de leur accueil et Tampleur de leur collabora Personnes qui mont aidé 3 un n. Parmi les ire ou A um autre Hors de la prépa ration de cette exposition, je voudrais manifester une re sance particuliére 3 Aritoteles Barcelo Neto, Maurice Bloch, Julien Bonhomme, Sophie Bowser, Lucien Castaing- Taylor, Pierre Corvol, Jesiea De Largy Healy, Barbara Glowezewski, 1 Karadimas, Wazir-Jahan Karim, Alexandre Krainik, Marie Mauzé, Johannes Neurath, Patrick Pérez, Perig Ptrou, Allen F Roberts et Mary N. Roberts, Monique Sicard et Romain Simenel. Je sais gre 4 la Karl Friedrich von Siemens Stiftung et 4 som directeur Munich cen 2007-2008, me fournissant ainsi la tranquilité desprit néces- «fellows Heinrich Meier de m’avoir accueil co saire 4 Télaboration du projet de Vexposition. Je voudrais enfin remercier trés chalewreusen nt Anne-Christine Taylor qui accompagné pas 4 pas dans cette aventure et gui a quot -ment ceuvré pour qu'elle aboutise; sans elle «La Fabrique des images» Préface ‘Si mons powvons espérer donner un sens a la myriade de intiutions dont more plane ofre {e témoignage, c'est ala condition d’admetire notre dette di 'égard de celles qui nous distinguent et qui nous omt fer ete capacté unig de les consider toutes comme aunant de manifestations lgitimes d'une condition partage, PHLIPME DESCOLA, Les Lanes dt ripucle Apmis «Qu'estce qu'un corps?» et «Planéte Métis», toisitme exposition anthropologie du musée da «quai Branly ouvre ses porte. Je sis heureux que Philippe Descola soit le commisaine et maitre deeuvre de ce grand projet, qui met en images le travail de toute tne vie. Cet éminent anthropologue.éléve et succesweur de Claude Lévi-Strauss, s'est avant tout dstngué parses recherches sur les Indiens d’Amazonie, Cette exposition reflte son uve qui repose sur la fréquen- tation conjointe de lethnologie, de la philosophie et de "histoire de Fart. Elle capture la curiosit, celle li méme de ethnologue sur le terrain qu'il explore Corps parés, objets composites, miniatures, tiches, masques desprits animaux, peintures exprimant le temps du Rv... une palette iconographique slectionnée pour si charge symbolique et esthéxigue, en Provenance de cultures ausi variges qu’éloignées, donne i voir ce qui d'emblée n'est pas perceptible Philippe Descola reléve le défi avec autant de justesse que d'inelligence en mettant en ével les cing sens sans jugements de valeur ni discrimination, et en parcourant les cing continents. A partir du postulat sclon lequel il existe quatre grandes ontologies dans le monde, il se livre 3 un déeryp= tage des images fabriquées parla main ¢t Mesprit de Phomme. Si, par exemple, le naturalisme dans Europe de la Renaissance en appelle i Vidée de Beauté et de repro- duction du rée,'animisme des Inuit ou des Amazoniens, en harmonie avec la nature, vise plutst le prin- cipe de métamorphose Dans ces cultures marguées par «!'omniprésence du surnaturel» selon les termes de Claude Lévi-Strauss, ‘a beauté sera plutde éclat, mite, rythme, vibration, efficacit.. Le choix duu mor fabrique, du latin classique fabric, n'est ailleurs pas anodin, car il renvoie tout autant 4 Tidée d'ceuvre d'art, au métier artisan qu’a la notion d'atelier, en fonction des lieux. artiste, Partisan, le chamane ou le forgeron sont doués d'un soir etd’ ges ne se réduit pas 3 Pacte de eréer, mais asi & celui de t n sivoir-faire. La fabrique des ima- nsmettre une connaissance, une source d'infor- ‘mation inscrite dans la mémoire d'un peuple, de tsser les liens qui unissent les groupes humains entre eux. ‘La Fabrique des images» est une exposition pour laquelle Iexpression «prendre corps» a tout son sens. {La pensée se matérialse, le spirituels‘incarne, le singulier prend les dimensions de universe, le sauvage et le domestique se réconcilient par le biais des analogies, des rapports de correspondance, la peinture de ime se fond dans une «nacure en trompe lavls Jetiens a remercier chaleureusement les nombreux préteurs, qui ont accepté avec générosté de se séparee de leurs ceuvres durant plus d'une année pour révéler au visiteur du musée, par le bias de Var, les arcanes de cet univers de signes qui s‘ouvre sur une subtile inelligibilité des cultures. STEPHANE MARTIN Président ca muse dh ui Branly u 53 61 101 113, 214 220 Sommaire Introduction Maniéres de voir, maniéres de figurer PHILIPPE DESCOLA Un monde animé Présentation par Philippe Descola Voir comme un Autre : figurations amazoniennes de Vame et des corps ANNE-CHRISTINE TAYLOR Miniatures et variations d’échelle chez les Inuit FREDERIC LAUGRAND Corps et imes d’animaux cen Sibérie : de Amour animique a ’Altai analogique CHARLES STEPANOFF Un monde objectif Présentation par Philippe Descola Le peintre et le savant : la fabrique des images au sigcle d'or de la peinture hollandaise MICHAEL TAYLOR, La «photo-graphie», entre nature et artefact MONIQUE SICARD Bibliographie Liste des wuvres exposées 125 127 139 147 163 165 185 193, 203 Un monde subdivisé Présentation par Philippe Descola De la terre 8 la toile : peintures acryliques de ’Australie centrale FRANGOISE DUSSART Lart de la connexion : traditions figuratives et perception des images en terre d’Arnhem australienne JESSICA DE LARGY HEALY Un monde enchevétré Présentation par Philippe Descola Animaux imaginaires ct étres composites DIMITRI KARADIMAS. «La répétition pour elle-méme> : les arts itératifs au Sénégal ALLEN F ROBERTS ET MARY NOOTER RODERTS Simultanéité de visions : le nierika dans les rituels et l'art des Huichols i HANNES NEURATH. Manieéres de voir, maniéres de figurer PHILIPPE DESCOLA Les controverses quant la signification des peintures dans les grottes ornées dela préhistoire indiquent asez ‘qu’une image dont le sujet est pourtant tout 4 fait reconnaissable n'est pas immédiatement transparente, Se mammouth environné dvhumains,est-ce un épisode d'un récit de chasse qu'un conteur aurat dess pour appuyer son récit? Est-ce une séquence d'un mythe 3 jamais perdu évoquant une période it les hhumains et les animaux vivaient en bonne intelligence? Est-ce un élément dans un dispositifrituel destiné 4 assurer des prises abondantes? Est-ce une glorification d'un animal qui serait réputé étre i origine d'un ‘groupe humain? Personne ne peut le dire et il est hasanteux de conjecturer une réponse par analogic avec ‘ce que T'on sait des images faites par des populations de chasseurs contemporain, en Australie ou au Kalahari, tant est immense la distance temporelle qui sépare celles-ci des peintres de Lascaux ou de a grotte Chauvet. Les images ne parlent pas d’elles-mémes;soit parce que la connaissance des effets que ceux 4 cont créées cherchaient produire sur ceux 3 qui elles étaient destinges demeure impénétrable en raison de Trécart culture, soit parce que cette connaissance seffloche avec le temps i Tintéricur d'une méme tradi- tion iconologique, ce qu'une visite & a section médiévale de nos musées nous permet de vérifier sans peine arrive certes que des effets soient perceptibles par-deli les siécles et ln diversité des provenances. Pourvu que ce qu’ellesfigurent soit reconnaisable, des images trés anciennes ou trés lointaines peuvent éxeiller en nous le désir, la peur, le dégoai, la pitié, Famusement ou méme, pls simplement, la curiosité Il n'est pas sir ~il est mime peu probable — que les émotions par nous ressentes sient exactement iden~ tiques 3 celles qui donnaient i ces images la force d'expression et la causaité agisante dont elles Gaient innvesties par ceux pour qui elles avaient été faites. Mais, dans Ia majorité des cas, ces effets ne sont plus uére pergus, hormis un délicieux sentiment inguigude devant Péerangeté de certs images ou, a ‘contraite, cette satisfaction de reconnaitre quelque chose de familier que Yon éprouve devant un équilibre formel particuliérement réussi ou devant un témoignage évident de virtwosité dans lexécution. Les experts sauront sans doute nous éclarer sur tel ou tel type d'image qui reléve de leur compétence, de sorte qu'un amateur attentif pourra espérer sis quelque chose des intentions d'un sculpteur méanésien, d'un pein~ tre de Espagne du sigcle d’or ou d'un porteur de masque da Brésil central; mais il Tapprendra par bribes et morceau, en lsant des catalogues et des ouvrages savants, comme autant de coups de projecteur sur tune esthétique particule, et sans te en mesure de se repérer dans la forét des images qui peuple nos rmusées et notre vie quotidienne autrement qu'en se racerochant & des eatégories conventionnelles pure- iment descriptives. Celles-ci sont essenticllement de type historique et géographique :il ya des musées des beaux-arts qui abritent des collections d'art européen rangées par Gpoques, des musées dart aatique of reposent des objets que Ion a pris Fhabitade de considérer avec les méies ritéres que les objets dart foccidentaux, des musées ethnographiques oii Ton range les artefacts qui ne proviennent ni d'Asie ni de POecid ns large, les musées des sciences et des techniques oi 'on trouve des machines et des représentations en deux et trois dimensions qui tavaient pas de finalité artistique initiale, sans compter la masse immense des images de toutes sortes qui nous asallent sur les murs des villes, dans la presse et sur les divers écrans que nous fréquentons chaque jour. Mais ces subdivisions de pure commodité ne nous Eclairent guére sur les rapports et les contrastes entre les images :ai~deli des contextes toujours singuliers de leur production et de leur réception, au-deli des affinités de style, d'expression et de technique propres 4 des périodes historiques et des aites culturelles, au-deli de certaines fonctions communes qu'elles sont Menidtes de voit, manldves de figarer ddemander i un animal que l'on chasse de ne pas se venger, ou encore de faire fouctter une montagne pour l punir de s'@tre mal conduit, ainsi que le fit jadis un gouverneur en Mongolie, Malgré la grande diversté des qualités que 'on peut détecter dans les étres et les choses, ou que on. peut inférer partir d’indices offers pas leur apparence et leur comportement, i est plausible de penser que les systémes de qualités eux-mémes ne sont pas trés nombreux, ne serait-ce que pour des raisons économie cognitive; les ontologies guident nos inférences quant i la nature des choses, de sorte que le nombre de mondes au sein desquels nous pouvons vivre simultanément n’est pas illimité. De fait, il n'y a probablement pas plus de quatre ontologies, chacune organisée selon les continuités ou les discontinuités que les humains identifient entre eux et le reste des existants — congénéres, onganismes ‘ou artefacts ~ sur le double plan physique et moral’ ‘Au vu des indices qu'elle me livre, je peux estimer, par exemple, qu'une entité queleonque observa ble dans mon environnement posséde une intériorité semblable 3 la mienne : animal, artefact, plante ou simple «présence perceptible par ses effets, elle semble, tout comme moi, animée d'intentions propres, «capable dactions et de jugements autonomes. Par contre, Tapparence physique sous laquelle elle soffe 4 sma perception différe grandement de la micnne :couverte de phames, 'éailles ou de fells, dotée dale, de nageoites ou de racines, incapable de survivre hors de l'eau ou de se déplacer en plein jour, cette entité ext prédéterminge par son corps 4 occuper une niche écologique tout 3 fat particuliére ety mener en cconséquence une existence distinctive, Lunivers d'un insecte n'est pas celui d'un poisson, qui n’est pas non plus celui d'un humain ou d'un arbre, car chacun de ces univers ex Ja fois la condition et le résul~ tat de actualisation de fonctions organiques singuliéres que les autres espéces ne possédent pas. Bref, je peux penser que la plupart des existants qui menvironnent répondent 8 ces caractéristiques : eur inté- rior n'est guére différente de la mienne, mais il se dstinguent de moi par leur équipement physique, pat le ype d'opérations qu’ leur permet d'accomplir et par les points de vue contrastés que, de ce fait, il leur offre sur le monde, Lonqu’une telle attitude se généralise et se systématise parmiun groupe "humains, on peut parler animism, une ontologie commune parmi les Indiens d’Amazonie et du nord de ! Amérique da Nord, dans aire arctique et en Sibérie septentrionale comme parmi certaines populations d’Asie du Sud-Est et dde Mélanie. Les animaur, les plantes, les esprit, certains objets, y sont vus et traités comme des person nes, des agents intentionnels dont on dit qu'il ont une +Ame>, c'est-i-dire une faculté de discernement nitionnel, de communication et de jugement moral qui en fait des sujets de plein droit avec lesquels les humains peuvent entretenir des relations de toutes sortes. Du fait de cette position d’agent qui leur ct reconnue, a plupart des existants sont réputés storganiser selon des modalités analogues 3 celles des Fhumains : is ont leurs maisons, leurs chef et leurs chamanes, se marient selon les régles en vigueur et Sadonnent i des ritues. Et si, malgré Ia difference des formes physiques, la communication est possible ~ généralement dans les réves ~ entre les collectif "humains et de non-humains, c'est que les corps des tuns et des autres sont vus comme de simples vétements recouvrant des intériortéssimilaies,c‘est-i-dine capables d'échanger des messages significatifs avee d'autres enttés dotées des mimes facul (Crest exactement Finverse qui prévaut dans la maniére de voir qui nous est la plus familiére car elle domine en Occident depuis quelques siécles : pour les Modernes, les humains sont les seul 4 posséder tune intériorité — un esprit, une intentionnalité, une capacité de raisonnement ~, mais ils se rattachent 3u grand continuum des non-humains par leurs caractéristiques physiques; comme les nuages, les couteau ou les papillons, leur existence matérelle est régie par des lois dont aucun existant ne saurit s'exempter. On peut appeler natualisme cette fagon d'inférer des qualités dans les choses car elle a d'abord pour effet de nettement dissocier dans architecture du monde, et cela pour la premigre fois dans Vhistoire de Phu imanité, entre ce qui reléve de l nature, un domaine de régularités physiques prévisibles car gouvernées par des principes universel, et ce qui reléve de la société et de la culture, les conventions humaines dans toute leur diverstéinstituée. I en résulte une disociation entre la sphére des humains, seus capables de discernement rationnel, dactivité symbolique et de vie sociale, et la foule immense des non-humains, vouée & une existence machinale et non réflexive, dissociation inouile qu‘aucune autre civilisation n’avait su imaginer et systématiser. Bien qu'elle ait rendu possible un développement sans précédent des sciences et des techniques, cette ontologie a éyalement eu pour effet, non seulement de «désenchanter le monde, LA FABRIQUE DES IMAGES 2. Mare des igs de mes i mi-corp Ste Meine rage om Aone | Demme quar da x0 le ile wr boe Stx dem Par mnie ds Lou paemont des Pete 2186 mais aussi surtout de rendre difficilement compril les 1 bles des cultures qui n'étaient pas fondées sur 1s principes. Car bien des notions au moyen desquelles nous pensons la cosmologie moderne ~ nature, culture, société, histoire, progrés ~ sont en réalité aussi récentes que les réalités qu’elles dési- sgnent, forgées qu’elles furent 3 partir de la fin du xvur'sidcle pour rendre compte des bouleversements subis par les socigtés européennes; elles n'ont done aucune pertinence pour rendre compte de ci tions qui,nayant pas connu la méme trajectoire historique, ne font pas passer les frontiéres entre humains et non-humains Ii of1 nous les avons nous-mémes établies. ‘Une troisiéme formule, particuliérement bien ilustrée parle totmisme australe, contrast avec les deus ppremiéres en ce qu'elle choise d'ignorer les discontinuités entre humains et non-humains sur les plans tant ‘moral que physique en mettant plutt Faccent sur le partage, au sein d'une clase nommée, d'un ensemble ‘de qualités appliquant indifféremment a des humains et & des objets nature. Transmises par les semences d'espce comme les autres de méme qu'un Yerupoho peut enudoser Mhabit gui li pat de “habiller avec un masque afin de rendre présent un non-humain, incorporant ains de fagon effective le protorype réel ou imaginsre dont le masque est un avatar tlle espace animale 3 et 24), ique. Il est ’abord manifete bbumain pet ou tele ace d'esprit que Von pourra reconnaitre 3 un détal caractéristique il.2 La cosmologie waa je que | e un éelairage ressant sur la figuration ay natrice du visible les ou actuelle, ne sone que des instanciations, Chaque corps ou ¥ et actualistion d'un prototype précis isu d'un gigantesque répertoire mental de p mans puisent les éléments de leurs réalisations. Figuret, ce n'est dfone pas imiter le pls fidélement possible un objet déji i, mais bien objectiver une image en la rendant coneréte dans un corps-vérement ou dans un masque-costume. La physicalté n'est pas un donné de la is une présentification de invisible dans des A | limite, on pourrait dire que le monde wauja n'est qu'une forée d'images q cchamanes font advenir de fagon 4 entretenir la diversté des existants. En outre ice invisible d'une personne, et la physical regard d'aucr deux: plans, Pu jame. On comprend dis lors pourquoi les masques et les animaux sont des transformations et des variations les uns des autres :la difference entre ‘onganisme et artefact, toujours ténue dans Ua entre Himage et son réferent tielles au sein duquel les esprit et les ch nature € les esprits et les wtériorité, au sens de au sens de lenveloppe matérielle qu'elle prés sont ici extrémement dissociges, amplifiant ainsi au maximum T'indépe des caractéristiques: maje iste, disparait aussi complétement ici que la difference 2 Por aap dn No cart aration te chet Cony aren Se mens de Fee de corps yy Ae a 22 Viiéve ikio Ro Xing, Ea a Mato Gros, Br too-1972 Panes, plumes M2 Bandon rs mse du gua Bray fe 0208 1.44 Voir comme un Autre : Un monde anne figurations amazoniennes de l’éme et des corps' ANNE-CHRISTINE TAYLOR Les ontologies animistes de ' Amazonie se singula- risent par deux traits principaux : d’une part, Ie haut degré d'élaboration des pratiques et des conceptions relatives i la variation corporelle des sujet 'autre part, le rte prééminent accord la prédation en tant que modalité @ementaire de relation entre les étres. Ces deux orientations sont certes inscrites comme virtualité dans toutes les ontologies animistes, mais elles ne sactualisent sous une forme aussi marquée ni dans les cultures indigénes sibériennes ou nord-américaines, ni dans celles de I'Asie méridionale et de Tnsulinde, les autres grands archipels de Vanimisme. En postulant Phomogénéité des intériorités» (Descola, 2008), Fanimisme reporte vers la maté lisation physique des existants toutes les questions soulevées par le phénoméne des discontinuités offertes& la perception du ret : celles de leur ori- gine, celles de leurs implications pour les relations gu’on peut nouer avee les eréatures dur monde et peta la connatieance quion pexe’enancic’A lie verse dt mode didentification dit naturaliste.Pani- mime se soucie pew de la variabilité des «imess Dis lors qu'une entité est placée en position de sujet, Cext-i-dire dotée d'une intentionnalté pro- pre et d'une capacité d'action, elle est présumée pposséder, au moins virtuellement, les mémes désirs, les mémes dispositions gard Autru Jes mémes aptitudes i la communication et 4 Vinteraetion réglées — bref, 4 la culture ~ que les humains Crest bien pour cette raison que Fintériorité des animaux ou des esprit ext souvent figurée sous la forme d'un viuge humain 4 la fois stéréorypé ou générique et néanmoins expressif de sentiment, comme Fillustrent si bien les masques yupik. La corporété, par contraste, ese lieu d’expression par excellence de la difference ~ d'une difference in dluctble et non pas de surface comme c'est le cas en régime naturalist Quiestce que ¢a fait d’avoir wn comps de jaguar? Du point de vue animist, la variablité des formes corporlles renvoie en effet 3 des maniéres dstine- tes d’étre dans le monde : 4 chaque corps corres- pond une figon spécifique de sarticuler 4 env ronnement et de le percevoir, en somme une «nature» particuliére, composée 4 partir des élé- ments dun réel commun i cous. Ainsi, un jaguar appréhende comme de la biére de manioc le ang de ses proies,andis que pour un colibri cst le sue ddes fleurs qui occupe cette position, Dans cette combinatoire «multinaturaliste» selon le terme inventé par E.Viveiros de Castro (2005) pour ccaractériser le statut de la différence dans les mon des animistes, par contraste avec le multicultura~ lisme typique des sociétés occidentales naturlistes = chaque ément du cosmos change de place en fonction de sa valence pour une espéce donnée. Autant Fhomogénéité des intériorités, calquées sur celles des humains, prédispose a lexercice de Vempathie entre sujets ~ quelle que soit leur identité d'espace =, autant Thétérogéndité des corps oppose une barriére 3 la communication centre creatures différentes ait 103 la connais- sance des mondes dans lesquels elles déploient Teur existence. Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que dans toutes les sociétés animistes la spéculation intellectuelle et la pratique rituelle soient centsées sur exploration des ¢ ces de la diversité corporelle et sur les moyens de la surmonter. Cependant, parmi ces sociétés, ce sont certainement les peuples indigenes des bas- ses terres d’Amérique du Sud qui ont poussé le plus loin le souci d'expérimenter et dexploiter Vatérité associge 4 des corporalités non humai- nes; ceux, aussi, dont la mythologie interroge avec autant dardeur les origines et les consequences de la différenciation des corps d'espaces. Qu’est~ ce que ga fait d'avoir un corps de jaguar, ou anaconda, ou encore dara? Comment se fami- Tiariser avec, et 'approprir, les capacités d'autres conps et les perspectives qu’is induisent ~ qu'il Sragise de corps d’animaux, d'esprts, d’Ennemis, de Blanes, tous non humains dans la mesure of ils relevent de collecti& distnets de celui qui définie localement Phumanité? Voila ce qui focalise la réflexion et alimente la pratique quotidienne des Indiens d’Amazonie. | ‘Les usages alimentaires et les manigres de table ~ par- tout bandés de proscripeions et de prescriptions — en sont un premier symptme, dans Ii mesure oft le régime alimentaire ext index d'un type donné de corporalité, partant Pan des crtéres principaux de classification des étres duu monde, Manger de la viande crue, ou de la chair humaine, est une manire acquérir et de rendre manifeste une corporéite de Jaguar; Sabstenir de celle ou telle nourriture, une fagon de identifier 3 une espace clase d'esprits. Les rituels initiation illustrent éga- aTin- plus souvent axés sur Fexpérience subie d'une trans- formation corporelle, provoquée soit par la douleur ~ flgelltions, morsures insects... = soit par Vin= igstion de psychotopes soit par autres moyens de moduler le resenti de son corps et de son environ= rnement, Les pratiques associées au chamanisme en sont cependant expression la plus évidente. Le cha mane se définit en effet par sa eapucité i changer de corps pour prenatre Fapparence et 'identité des non hhumains qui agrestent les hommes afin de négocier avec eux. De fagon corolaire, les malades quill est appelé& guéri subissent eux aussi~ mais cette fois de rmaniéte involontaire — une transformation de leur corps susceptible de les fie basculer vers un statut de gibier au regard d'un autre collectif. Les corps indiens sont ainsi sujets 3 de constantes variations d'état, oseillant entre des conditions de fiagilté ou de faiblese d'étre. lorsque, malades ou infortunés, ils se sentent sous lemprise prédatrice d'une agence malveillante, ct des éats de puissance existentelle festés par une capacité excep- tionnelle 3 influ wer autrui et i agir sur le monde, Cette labilité corporelle des Indiens d’Amazonie (Wilaga, 1992 et 1995) est Tun des traits les plus caractéristiques de leur forme d’ alfecte toutes les classes dates. imisme, et elle Changer de corps apparent, comme on changerait d'habit, est une aptitude inhérente 3 coutes les espéces susceptibles de «faire sujet», Qu'elle soit cultivée, comme le sdevenir jaguar» du guerrier, ou qu'elle soit invo- lontairement subie, sous Ia forme d'une maladie fou d'une alignation mentale transformant le corps un individu en proie pour Autrui, la métamor- phose, c'est-i-dire lassomption d'une modalité corporelle propre Aun Autre, est une virtualieé toujours présente i Thorizon de indienne, un procés possible qu'il est essentiel de Effiges et enttés now humaines ‘Comment ces lignes de force de animisme amazo- nen sont-lles traduites en termes de figuration? De fagon générale, Punivers visuel des Indi d’Amazonie est un monde pauvre en objets, et «abort en objets qu’on serait spontanément porté a appréhender comme de Tart. Ges cultures ne pro duisent guére de peintures ou de compositions poly= chromes analogues 4 celles des Navajos, des Indiens des Phaines ou encore des Aborigines australiens; Jeurs habitations et leur mobilier sont d'une sobriété qui tranche avec Texubérance ornementale des pro- dduetions de nsulinde tibale ou de la Méla leur textiles, aux motifs géomeétriques et aux colo- ris termes, n’ont ni Flat ni la riches iconographi que des tisages andins ou méso-américains: leur céramique, d'uage domestique, ext souvent gros dre, sauf dans quelques groupes comme les Quichua Canelos de I'Equateur ou les Wauja du Xingu bréslien qui perpéwent une tradition de poterie polychrome certainement plus commune & Tépoque précolombienne; ent rudimentaire et du reste peu répandue dans les bas- ses terres, son excepte le fagonnage de taboures «en bois en forme animal stylisé sidges réservés aux chefs de famille et parfois aux chamanes. LAmazonie est pauyre non seulement en objets fart mais en objets tout court Les sociétés indien- nes faient Paccumition, Pencombrement et sur- charge décoraive. Elles produisent un éventail limite ustensiles permanents, chacun fbriquant par ses propres moyens ce dont ila besoin en fonction dune division sexuelle des tiches : aux hommes le travail du bois la fabrication d'armes, sénéralement Ja vannerie; aux ferumes la poterie et souvent le ie sage. Riches de svoitefaire techniques auxquels ne correspondent pas dobjets durables, ces. sociétés fabriquent en revanche nombre d'outils et de jours phéménes, rapidement fagonnés& partir de produits collects en forét et abandonnés apres un seul wage des pitges, des hottes pour transporter le_gibier abattu, des masses de péche, des abris, des radeaus... Les outils ciculent peu et ne se wansmettent pas. Is sont en effet liés 4 leur fabricant et usager habituel par une sorte d'apprivoisement réciprogue :les outs sréagissent» 3 la volonté taux pensées de leur pro- priétaire eta lui seul. Invests par une intentionnalité identique 3 celle qui part résider dans les mains dune personne, is sont comme un prolongement de son corps et sont le plus souvent détruits ou jetés 4 la mort de leur proprigtaire, Dine extrtme prodigalté dans Pattribution de la ‘qualité de «personne» tant i des exemplaires espe ces naturelles qu’ des productions artisnales, les ‘cultures indigines de TAmazonie accucillent bien plus de ssujets» que objets représentations figuratives humains y_ sont txés rares, Certes les «poupéese en terre cuite des Karaja du Bri es statuettes en bois grossigrement taille de certains groupes de la eBte pacifique, sans paler des visagessyisés modelés sur les poteries ou gravés sur des ustemiley ~ notamment les ar yertes. Pourtant, es = 3¢ distin- sguent par leur anthropomorphisme. Mais ces figures ne représentent qu’exceptionnellement des corps Fhumains + elles Evoquent plutot, par des taits éempruntés 4 Tapparence humaine, a qualité de per- sonne propre 4 des entités non humaines, qu’ Sagisee de mort, comme sur les urnes finéraires des anciens occupants de la base Amazonie, ou desprits auxilaies des chamanes, comme les fi bala des Kuna du Panami, des Embera ou des Cayapa des gions cétiéres du Pacifique, ou encore dles dies des temps niythiques, comme les effigies sw des Indiens du Xingu. Les particulaités for- imelles de ces figures ~ leur shémuatisme, leur aspect peu fini leur absence de décoration chromatique ou sgravée,rous ces tats quon prend pour un mangue fart se justfient par les exigences contradictoires auxquelles doivent répondre ces images : évoquer des intentional identiques 4 celles qui animent les hommes tout en les associant i des incarnations corporelles le plus dloignées possible d'une appa- rence humaine, Liesthtique des masques amazoniens De ce point de vue, ces représentations anthropo- rmorphes ne se distinguentguére des masques Lage de ceus-ci, em bois, en fibres diverses ou éventuellem nt en terre cu n'est pas répandu dans ‘en haute Amazonie et dns la région des Guyanes, par exemple, pew de ‘groupes en produisent. Les masques ont pour fonc~ tion, longus existent, de «présentitiers, dans le ‘cadre interactions fixées par un scénario rituel, des centités ontinairement invisbles, cest--die des spits. Dans le cadre des performances eérém les aurxquelles is sont toujours associé, Jes masques exhibés visent tout i la fois 4 évoquer un état du monde des temps mythiques avant ly diférencia- tion des corps d'espéces et & convier les esprits& se rméler aux humains vivans, en leur présentant, parle toute Paine amazor biais d'un costume approprié, une image de corps Un monde ented quill puissent identifier comme fimiliére. Les mas ques sont le plus souvent détruits ou cachés apres leur usage dans ces contextes rituck. Méme quand il n'est pas asocié 3 un costume en. fibres végétales qui dissimule ow recouvte tout le corps de son porteur, ce qui est assez fréquent, le «vice figuré par le masque représente un corps centier de non-humain, Autrement dit, es masques ment om cipalement leformées de visages, ne sont pas set des images plas ou moins mais plucot des condensés visuels de corps non Jhumains, des assemblages délémemts qui matéria- lisent des proprités conférées des formes corpo~ relles autres, en particulier les capacitéssensorelles extraordinaire qu'on leur préte. Si les: masques soulignent toujours Je regard, et souvent Toute (comme le font les inquigtantes «capuchess en Ecorce battue des Takano du Nord-Ouest amazo- nien), c'est qu’ils cherchent avant tout 4 tune autre modalité de perception du monde et de ses oceupants, une apprehension différente de celle propre aux humains. Cette diffrence sasortit dune predisposition a la prédation, signalée par tune bouche armée de dents; les esprits sont en effet des étres dévorateurs, portés 4 considéner les humains comme des ennemis on du gibi Laspect suggéré par des traits qui préservent le caracténe indéfini de leur apparence : une taille ~ dé ‘ou trés réduite ~ et une forme — sphérique, rectan- _gulaire ~ anormales (comme Tillustrent les grands rmasques angjuna des Wauj, il. 23 et 24), un étrange de locomotion évoqué par ondoiement des longues franges de fibres végétales souvent accrochées aux pices couvrant la tte, Les masques doivent toujours étre portés par un hhumain pour étre «actif», car ils de més, au sens propre du terme. Leurs «ats "ime sont signifiés par une gestuelle chorégraphique plus ou moins éaborée, par leurs «voix» musicales (chantées ou configes 4 des instruments 3 vent) ou encore par les énoncés qu’on tie qu'on leur attribue. Cependant, humain qui donne vie & un monie asque au cours d'une cé nest qu'un accessoire mécanique ;il n'est pas pos par esprit quill est amené & incarner, et s'il a tun rapport privilégié avec I'éere dont il anime le corps-masque, cst au titre de représentant éven~ tuel du clan, moitié ow groupe cérémoniel qui posséde le masque ou le droit de le fabriquer. Delle pa ree @geuhe) 23. Mae wn de pun ‘aman dre hal fence rac da Ma aman dtp Uhl ae ee Bon, conn, dens dep, cr a ance gus ra MaHNS 24.13, donee Radio France Tee dat oo daa annem, Egor fsliss tm mn Bens is 0126 Lesthétique des masques amazoniens est comman- dée en définitive par le souci de combiner en une image matérialisge Vévocation d'un corps anti~ hhurmain (doté cependane des organes sensoricls et d'un schéma aqui ali tent la proprioception humaine, forme prototypique de la subjectivté) et la représentation d'un riorité> parclle& celle des hu ble identique de dispositions affectives et de cap tis ns, soit un ensem= tions mentales et physiques. Par rapport aus: effigies satiques comme les statuettes kuna ov les figurines en terre cuite, les masques se distinguent par un degré plus élevé de particularisation ls nent des classes spécifiques de non-humains ~ esprits de telle sorte ¢’animaux ou de vege population surnaturelle aquatique ou terteste... =, nds que les statuettes, plus durables, sont aussi plas e, dans bt me receptacles 3 des entités dont Tidentité visuelle doit rester plus imprécise, soit parce quelle ext secréte ~ seul les chamanes «voient® ‘génériques dans leur apparen elles soffrent comm Tequel de leurs innombrables esprits ausiliaires se iche dans Pune ou Tautre de leurs figurines parce qu c celle des morts ou de certains étres des le ext imprévisible ou inconcevable, temps primordiaus. Les tétes-tophées des Jivaro et des Mundurucw Les tétes-trophées qui ont fait la notor de cer tains groupes amazoniens se situent 4 mi-chemin centre ces deux modalités de figuration comme les masques elles doivent tre portées (en sautoir ou | main) par u protagonist rituel pour prendre Hes représentent doit rester indéfinie en occurrence, elles sont le support provisoire d'un spectre de personnages surnaturels. Soit celles des Jivaro, soit momifiges comme celles des Mundurucu, ces tétes préservées, prises 3 Tocea- mtreprises guerrignes, mn pas une clase spécifique d'esprits mais plutot ‘une position bien particuliére celle attribue aux Ennemis, Elles prétent un visage et done une id tite eréels» A'En ni en tant que protagoniste cours de rituels centrés sur l'échange de rales ~ et de perspective ~ entre le guerrier homicide et sa vvietime, Cette dynamique, trés commune dans les wzoniens associés aux actes de guerre, repose sur un procts complexe 3 la fois ide cation et de différenciation entre les deux protago- nistes Te tu doivent étre semblables dy oii le recours 3 de vue de leur corporiit ments anatomiques humains, tout en ayant des visages dont T'identité visuelle soit nettement importance de cette igure de Ennemi dans les ontologies amazoniennes s‘explique par le fit au'elle est chargée d'énoncer ou de figurer un point de vue extérieur sur le collectf des preneurs de tte. En absence d'une perspective pos end ceapable de fixer som identté, celle attri- bbuge §"Ennensi consticue en effet ls méiation pri- Ge permettant de sabiliser les contours da tant qu'eespice® dist i apriori dans une relation de préda- groupe semblable tion par rapport au_collectif d’Ego, une position te. Tout non- estériorté est Squivalente en Toccurrence i une rnnemi, En mé position ¢ re temps, les trophées humains prétent leur visage 4 une succession dérox tante de protagonistesrituels autres que les et proprement dits. Chez les Jivaro, par exemple, «"ha bitant» de ta téte passe du starut d'adversare tue 3 celui d'enfane § nate, de celui d’homme & celui de femme-étoile, d'étre humain a celui de cochon a consommer... C'est que le trophée désige une action dextériori plutst qu'une catégorie qu'on sait exter et que le regard cherche, la variation dans la répétition ~ sorte de transposition en clé viuelle du procédé shétori- «que du panalléisme —, tous ces traits conférent aux compositions ggométriques un aspect byrinthigue ‘gui pide le regard. Ces précisément Meffetrecher- ch parle fabricant: en regardant ces entrelacements de mocif on doit commencer par sy pert puis les poursuivre en pensée bien au-deli de la surface qui les porte. DYoit Tabsence de frontires délimiant Faeuvre,comme om le voit souvent sur les textiles i= sé ow peints des sociétés de Amazone sud-occi- dentale (Gow, 1999). De fit, Peeuvre» veritable et celle que se représente le spectateur & partir de image matérille. Ces compositions amazoniennes sont des embrayeurs de process mentaux, destnés 4 activer une certaine forme d'imagination viel, des disposi pour faire voir plut6t que des images faites pour étre contemph Le corps Iumain, une production cuturlle A qucle visée cet arts résolument non figuratif or responubil? Couplge avec une tradition orale d rément pauvre en descriptions explicites des ées qui peuplent les mythes et les rituels, mais riche en allusions ax proprigés de leurs corps la technique de vision qu'il mobilise est destinée & former esprit 4 se représeter ce que Tart amazonien ne monte pss: des corps humains, plus exactement des comps de semblables tes uc les voient les non-hunains Pour les Indiens, Vhumanité ne consiue pas une ‘spice naturelle parmi d'autres, mais plutot un mode de relation & autri accessible & tous les res animes Est humaine la forme que prend un Autre & partir da LA FAMRIQUE DES IMAGES. 27 Pee file ving ore ponte de copied ‘ecole rags pour Kayap. ee groupe cérémoniel ou de «tribu» — et expression une chair fabri ale. Les par la soci ‘ornements sont 3 proprement parler de la substance corporelle, de la relation intersubjective sée;sans eux, le corps devient invisible & Autrui un eat qui du reste peut étre recherché en cas de mala- dlie ou dat rituel liming Mais alors, pourquoi les parures indiennes sont- elles fabriquées avec des morceaux de corps d’ res, de dents et de tous les eres maux? Pourquoi tant de plu sgriffes pour représenter lhumai humains», chacun apporte & animés peuvent Phumanité les ressources 1ura doté le processus de la spéciation. Or il ins animaux ont des Ja relation qui constin dont se trouve que les corps de cert propriétés qui les rendent spéci pratiques typiques de la sociabilité ow la culty went aptes a des hhumaines. C'est le cas de nombre d’espéces doi- 1ux, dont le comportement manifeste une capa- cité partculiére 3 «fire famille» D’aueres animaux, par exemple les grands f@ nnviable puissance dagression, gage di wurrir et défendre ses cont des corps habités par une vulnérabili de capacité 3 proces. En iff) et des plumes de ces animaux, les Indiens s'appro- des carmess (crOKs,g prient et exhibent les capacités culturelles attri- Dudes i ces & + (ill.26). Ils montrent qu'ls pos- dentln ne prédlisposition 3 la conjugalité que les aras, la méme surpuissance prédatrice que le ju Ja méme aptitude 3 lure, ou 4 voir en surplomb, gue tel corpore bie nsecte ou tel oiseau... Lorn spectaculaire des Amazoniens est done dembellisse- autre chose quiune technique qu'une héraldique affichane les attributs identitares d'une unité sociologique telle ¢ aussi tre cea. La parure forme tout 3 ba fois un vétement identitaite, un apparel de + animales ou fier les capacités corporelles d’un individu et une pha res, y-compris les peintures corporelle, incluent des ingrédients parfumés, astringents, vitalisants ou \copée portative, puisque nombre de paru- irritants censés moduler V'état des chairs et des pro- cessus physiologiques. Reste & souligner que Torneme idige sng sur le registre de la mi joue pas seul Elle 4 aussi une dimension iconique. Ainsi, Pusage de matériaus nacrés ou moirés, le port de grands dliadmes comme ceux des Kayapo du Brésil central placés comme des nimbes de re la tate, figurent Véclat d'un corps «surhumain » tel qu’ dans tun régime «autres de vision. Par ailleurs, la variété est produit ‘contexte rituel, et tel qu'il apparait dans de couleurs et les posibilités infinies dagence. ment qu’offent les plumes les prédisposent a ser~ vir de matériau élémentaire pour Vélaboration de codes symboliques, comme on le voit sur les coif- {es pariko des Bororo : chaque type de cette parure tun segment précis de organisation sociale trés complexe de ces groupes, et reléve d'un patrimoine dapparences virtuelles propre 3 ce seg 1997 ;Vidal, 1992), Ainsichaque collectifa son «habit d'espace cen dé dPhumani ‘uctualise sous forme d ment, de peintures corporlles et de parures singu- ki laquelle des étres se présentent reste, depuis Ia perte En temps normal, Tapparence hu dda monde mythique et de la transparence corporelle gui la caractérisit, invisible aux membres de collec ‘iB différents. Cependant, la connaivance de la forme humaine des autres espices est esenticlle pour interagir avec eux sans danger, quil Sagisse de plantes cultivées, 'animaux de chasse ou d'esprits portés 4 attaquer les hommes. Lacquisition de ce type de soir, par un travail in par des pratiques dascése «4 porelle, ex donc une condition indispensable 3 la plupart des actions caractéristiques d'un sujet accompli ~ et pas seule ‘ment des chamanes. Ceus-ci se distinguent certes dut reste de la population par une conmaisance plos approfondie de mais surtout par ws de fagon durable une id la face cachée des non-humains, ipacté spécifique & maintenit té didoublée, celle de leur collectif origine et celle de la société esprits animaux ou végétaux qui les a regus et adoptés comme congénéres, Les techniques du voir asociées a Tare que prennent tout leur sens dans ce contexte : elles dresent Vimagination 3 se repr sentet ba forme corporelle d'autres espices lorsque Soffrent 3 étre vues comme des humains, et de ce point de vue elles constituent de véritables outils de connaissance. Si est vai que Fart amazo- fait la reproduction mimétique du corps dl n'a de cesse, par ailleurs, de stimuler la 1 deb corporaité humaine, ou plusdt de corporaités imaginées. 1. Cone comin mye une rie mae comin som deep coe Sime Fer os pos kee ache ‘hole des Amaro: dam ua horde de Cuma de A ‘oma Tengo Le Bree ar 28, 82 en forme doen de er Miniatures et variations d’échelle chez les Inuit! FREDERIC LAUGRAND Introduction Chez es Inuit, comme dans les traditions modernes, Jes miniatures suscitent admiration et fascination. Les enfants et les adultes sintéresent depuis longtemps 3 ces représentations 3 échelle réduite dun objet ou «un dtr vivant. Dans Lat Pens sau, propos des euvres de Clouet, Claude Lévi-Strauss (1990 [1962], .37-38) rappelle la vocation esthétique duu mode réduit de méme que ses vertu «Elle résulte,semble~ til, d'une sorte de renversement du procés de la ‘connaisance :pour connaitre objet rél dans tta- lite, nous avons toujours tendance 3 opérer depuis ses partes. La résistance qu'il nous oppose est surmontée ‘en la divisant La réduction d'échelle renverse cette situation :plus petit, ba totalté de objet para moins redoutable; du fait d'étre quanttaivement diminuée, ‘lle nous semble qualitativement simplifige. Phas ‘exactement,cetetranspeition quantitative acer et diversfie notre pouvoir sur un homologue de la chose: 3 travers hui celle-ci peut tre ssi, soupesée dans la main, appréhendée d'un seul coup derl. La poupée de enfant n'est plus un adverse, un rival ‘ou méme un interlocuteur;en elle et par elle, la per~ sone se change en sujet. A Tiere de ce qui se pase quand nous cherchons 4 connaitre une chose ‘ou un étre en taille réelle, dans le modéle réduit la ‘onmaissance du tou pride cele des pats. Et méme si est B une illusion, raison du procédé ext de eréer ‘ou dlentetenir cette illusion, qui grate litell= gence et la sensbilité d'un phisir qui, sur cete seule base, peut da étre appeléesthétiqu Dans la miniature le tout Pemporte donc sur les parties. Limage est identique au mode réel, mais une autre échelle, Autrement dit, on ne demande plus aux parties de fonctionner, on attend qu’elles contribuent 4 fagonner image globale a une échelle réduite. En cela, la miniature fat toujours appel i Vimaginaire et 3 La fascination des Inuit pour les miniatures Sélaire 4 la lumiére d’un autre renversement de llusoire. perspective. Les Inuit ne fone plus de It miniature ‘un modéle second gui serait dérivé de objet rée, mais Torigine méme de cet objets matrice. Dela “Tehoukotka aux régions du Nunavut, dans Arctique ‘canadien, les miniatures jouent ainsi un r6le crucial dans de mombreux domaines : chase, éducation, chamanisme, art rites finéraires etc Des minuscules objets pour chasser les plus gros animaux Froelich G. Rainey rapporte «intéresants détails ethnographiques sur la fabrique des miniatures dans Je contexte de la chase j la baleine dns la comm nauté de Tigara (Tikigag), au nord de Abska. Rainey (1947, p.248) décrit d'abord les goloegolys, ces masques, petits bateaux et autres figurines ani- rmaux ou "humains que l'on suspendait jas & des laniéres dans les huttes cérémonielles :+Le matin of ‘on les suspendhit, tous les hommes qui souhaitaient faire bonne chasse nettoyaient chacun & leur tour ls figurines avec de urine [...J-A Quemaktoygle’ le plus important ensemble de golygoogs comprenait tune baleine en bois, deux petits umiaks [des embar- cations} avec leurs équipages, leur équipement de chasse et un oiseau, Toutes ces figurines sacrées étaient suspends en groupe a~dessus dela amp» 1 voque ensuite les pagoks une autre sorte de fig rines miniatures: « Pago est le nom que Yon donne aux nombreases figurines sculptées que Ton fabei~ ‘quait chaque année au moment du “rituel”; on Tes brit ensuite dans un endroit spécialement congu ppour ce, a la fin de la cérémonie. Ces figurines ‘taient généralement fabriquées en bois et représen- taient des phoques, des ours polaires, des caribous, des haleines, des morses des oteaux ou des animaux ythiques, ou encore d'autres figures humaines, par ‘exemple des chamanes entrain de faire leurs perfor~ ‘mances» (Rainey, 1947, p.269). ‘On suspendait les qologoglogs de maniére perma- niente dans les maisons alors que les pogoks étaient brilés apres usage. Selon Rainey, si lr distinction ‘entre ces deux catégoriesn’apparait pas toujours trés hire les miniatures sont essentelles pour le succés del chase I ajoute que lorsq’on célébrat le dees des chasers il fallait stuer* les pogoset les glo? logs aprés Vappel de chaque nom. Pendant que les -vieillandsréctaient le histones propres aux figurines cexposées, es hommes devaient les uns apris les LA FAMRIQUE DES IMAGES Ces de gece rte 29 Cnen Ae dev Tchoahtches, Ruse Come de bie ater Niobe Gombe, 38, Howton en fore de phage Alaka marion Inoue de mane SSa2x ison ar mnt do il Bent nau M.Schnir autres harponner chacune des figurines suspendies avec des armes nt congues i cet effet. Ces gestes Sorchestraient au son du tambour. Et, chaque fois qu'un umdlik, un capitaine wma, harponnait une figurine a la forme de baleine, i centamat son chant de chasse, le méme qu'il chante~ nit lorsqu'l harponnerait une vraie baleine. Le jour suivant, coutes es figurines étaient bres. Ensuite, chacune des femmes présentes vert un peu deat de son chaudron sur les cendres. C'est ans, dist utorisés 3 con, que les pogoks pouvaient étre ibéré prendre li mers. Les gologygloys, les figurines expo- sées de fagon permanente, se voyaient démantelées de toutes leurs parties mobiles, puis suspendu Vineérieur des qalegis, les maisons cérémonielles (Rainey, 1947, p.252). Ie, la tuerie des pogoks et des gologsgolys précéde la véritable chasse et détermine son succés, Comme Hans Himmelheber et Ann Fienup-Riordan ont noté dans leurs travis, ces objets sont & la fois rtuels et atistiques, et is préc dent les modéles qu‘ls représentent. Lethnologue Katrin ntaire congruent de David Boyscout, un ainé de la région de Chevak des chamanes de jadis. Les chama nes esayaient dagir sur le fitur en rendant la nour riure disponible aux humains, comme da poison ou , attrapent des thomumes avec leurs cannes a péche travers les mua~ {ges Les «gens» ou les emuitres de la mer» sont les forques, qui parfoisretrent leurs «coquilles» & Vabri des regards des Nivkhs pour jouer sur la plage sous forme dhumains vétus de blanc. Quant aux « gens de la montagne » (pal nih) principaux partenai- res d'échange des Nivkhs, ce sont les ours. Trés logiquement, les « gens de la montagne » appellent les Nivkhs « les gens de la base terre » (Krejnovic, 1973). Ces différents types de «gens» ne se distin agent les uns des autres que par un milieu typique, leur lieu de sociabilité, qui les positionne dans an espace commun 5 tous les étres. Des corps comtextels Ce bref apergu peut donner Fimpression une orthodoxie animiste un peu doctrinaire, En réalié, Jes Nivkhsfissient appel& des schemes interpréts- tif variables selon les situations pratiques. Les ours, appelés ordinairement yf, ntaient qualifies <'shommes de la montagne> que dans des contex- tes particles, comme le dscours rite! et les Kegen~ des. Dans ces demiers eas, Tours ext enviagé parm les siens dans son environnement propre, comme wn sujet dans une relation sociale du méme ordre que celle qui unit les hommes entre eux. Mas, selon les récitsnivkhhs, longu’il descend dans la forée pour se présenter aux chasseurs, ours «revét son manteatt de fourrure> — un théme clssique des animismes sibériens et amérindiens. La forme animale signale ainsi lx postion de gibier prise volontairement par Yours dans les environs des villages des Nivkhs. D'une manigre générale, les formes corporelles assumes par les étres dépendlent, non de perspecti- ‘ves fixées dans les corps des observateurs, mais de la position qu'il’ occupent dans ly mathémarique complexe du jeu des relations (Stépanoi, 2000) Un étre avee lequel vous établissez tune relation sociale vous apparait sous forme hum vous étes avec Iui dans une relation de violence et de prédation, il est pour vous, 3 la fois relationnel- Tement et visuellement, une béte. Dans les contes nivkhs, Vhomme apparait aux ours comme un homme ou comme un ours selon le lew oi se pro- duit la rencontre ct selon les intentions, hoses o8 bienvellantes, des protagonists. Si un homme fai ble et hargneux arrive 4 Vimproviste chez les ours, les shommes de la montagne» Tattachent 4 des poteaux et Iui font subir les étapes de la «fete de Tourse en vue de le mettre i mort. Cette dfinition contextuelle des corps a des consequences remat- ‘quables sur le mode de représentation des dere La fete de Vours :Vours donné a voir comme personne et comme giier La eféte de Yours» était le plus grand événement de la vie collective des Nivkhs. Aprés la mort d'un enfant, son pére capturait un ourson et T'levait dans une cage. Harrivait que la mée le noursit au sein, Au bout de trois ans, 'animal était mis 8 mort pendant un ritucl de plusicurs jours. Pari les d= rents représentations sculptées d'ours utilisées au cours de Ia fete, on peut distinguer deux styles qu'lvanov a appelés «animistes et «pictographi- que» ({vanox, 1937). Aprés lh mise 3 more de Tours, a téte et sa fourrure étaient disposées sur le bane d'honneur de Is maison 3 c6té d'une Figurine représentant Ime de animal, Au X1¥'siéele, cette sculpture de bois représentat selon les cas un ours ais & la fagon d'un dere humain et vétw habit Akhs Grenk, 1903, p.82), ou un personnage amthropomorphe sans membres, sculpté dans une section de branche (Sternberg, 1916, .185 et 187). Dans ce dernier cas la figurine était habillée de = sures de copeaux et conservée apris la Rte dans tune maisonnette, On déposat devant la figurine suere, tabac et nourriture comme pour un héte de manque, Au XX°siele, il semble qu'un autre mode de représentation de lime ait fat son apparition. Décrivant les parties de Yours descendies Tune aprés Fautre dans la maison par une corde 3 travers te trou i fimée, Krejnovi stue entre le pasage de 1a tte ct celui du coeur la descente d'un petit gat- gon 3 qui Vassistance s'adresse comme 3 Tours (Kreinovie, 1973, p. 219). Sachant que dans ce rituel aucune image sculptée de Mime de Tours n'est décrite et que la tte et le corur sont dea supports dime pour les Nivkhs, il est és vatem= blable que Tenfant figure ici comme une image nthropomorphe vivante de Time de animal, ‘Aw méme moment la chair de Tours Gait découpée ct préparée par les anciens avec des inseruments soerés, Certains pls fibriqués pour Toceaion portent des figures réalistes sculptées formant une sorte de chronique «pictographique» des événe hasé, Vitinéraire de sa poursuite est représenté par des empreintes. Si c'est un ours élevé qui a éeé te ‘on le voit dans certaines tapes du rituel, enchainé ‘ou déja dépecé. Vexemplaire du musée du quai Branly, avec ses deux ours su sposés, montre que ces deus animaux ont été tués ensemble (ill.36) La féte de Tours mobile done deux figurations concomitantes d'un méme étre, Mune en rapport avee Fame, l'autre avec la chair de Yours. Elles sont fen fait moins des réceptacles de deux substances ‘omposant animal que des matéralisations de deux aspects relationnels différents sous lesquel il est concu. Comme héte de lr «mo vent dans ka basse terres, ila sa place sur la banquette d honnew pour étre nour. Il est frappant de const que les Kets, peuple trés loigné des Nivkhs en Sibérie occi dentale qui connaissat aussi une fete de Tours labo: rée, fabriquaient également une image de Time de Tours défunt sous des traits anthropomorphes. De iméme que chee les Nivkhs, cette image placée dans la partie d'honneur de la tente recevait nourriture et ceadeaux (Alekseenko, 1968, p. 183-187) (ll 3 Mais ours n'est pas seulement nourri i st simulta nément mangé. C'est sous cet aspect de gibier que les plats nivkhs le représentent = y apparait dans sa position animal poursuivi et mis 2 mort par les hommes, dane sous des traits zoomorphes comme le veut la régle des corps contextuels, Ostrowski a fine crvé que les orelles de Tours sont généra Jement visibles dans la vaiselle sactée alors qu’elles sapparassent gure dans les images de Fours comme Je la montage chomme Aw contrair, les yeu sont le plus souvent marques sur ces dernigres tandis qu'on les observe peu sur les premiéres. Alors que les ochent Fhomme de Fanima, les orcilles ours, places sur le haut de a téte,signalent immé diatement un corps non humain (Ostrowski, 199 p.103-104) En termes relationnch, les orelles des ontour propre 3 une espece jon dénonce un regand de cha qui identifi et range dans une espace. Mais sous son aspect d'chomme de la sujet percevant et interagissant avec homme comme avee tn partenaie social :les yeux de la fig rine permettent un échange des regards, support dintersubjectivité re de la féte de l'ours, qui taite cet animal simultanément comme un hote de marque slinare, est résumé par ces deux styles de figuration, Dans un systéme anim le ne pas manger I'animal en tant que sujet est capi tal de suivre dures rituelles minutieuses ‘mais simplement comme viande prélevée. La figu- rine anthropomorphe montre que aspect sujet de ours est mis de e6té et taité avec Mhospitaité qui i est due. Les nes figurant sur les plats conte- ellent que c'est sous son aspect Jumeaus et noyés ‘Les jumeaux offrent un eas intéresant de pertur- bation du systme animique qui complexifie le schéma associant une intériorité humaine com- 4 une forme visible variable selon les espe ces. En effet les jumeaux sont qualifgs 3 leur nais- ‘comme si leur apparence humaine cachait une identté bestia. Cependant, on les nomme également, comme les oars, «gens de la montagne» (Krejnovic, 1973, 432-433), Les jameaux sont en effet regandés ‘comme le frit d'une relation entre une femme et tun ours, quis sont supposés rejoindre aprés leur ort en vertu du principe patrilinéaire. Le rite fianéraireréservé aux jumeaus est done particulier ‘on ne brie pas leurs corps comme on le fait pour les humains ordinaires, mais on les insalle ass dans une cage d'ours, Par ailleurs,on fabrique pour les jean ure avec des figuri- nes anthropomorphes identiques 3 celle que Ton fait lors du rituel de Fours. Les Nivkhs accomplisent hubitullement au prin- temps et Fautomne un rituel de enourrissement des crines d’ours» provenant des (tes de Fours passées du clan, Les familles ayant compté des jumeaure rngnent un rituel diffrent appelé pul!” Caw, senvoyer de ls nourriture [aux gens de} la monta- amie», A cete occasion, es jumeaur defines sont nnourris de deus manires:sous leur apect de fgu- rine anthropomorphe et d'autre part dans leur cage ‘ours avec des bulbs comestibles déposés sur un plat zoomorphe nommné antral pla del On leur demande de veiler sur leurs consangains vivants et demoyer du gibier. On sadresse égale- ment j eux en cas de maladie et on leur rife des chiens Stenberg, 1916; Krejnovie, 1973, p. 435). Nous retrouvons les principes de la représentation delle idensfés dans la fEte de Tours. Le jumeaus, ‘enfane Tours, pour miliew typique et espace social 1h montagne; ains lorsque son corps se trouve dans le terrtoire des humains il est, relaivement & ces demiers, une ebétes. Sa dépouille mise en cage ainsi aque le «plat de la bate représentent le jumeau-ours dans sa relation aux hommes, en tant que proie ani- sance d'sanimaux savages: male, Mais par rapport ses congénéres ours qu'il ya rejindre dans la montagne; le jumeau se trouve dans tune relation sociale c'est cet aspect de sa personne, intégré 4 un environnement familer, qui est repré par les figures anthropomorphes dans la m sonnette. opposition de Mime et du corps suffirait diffcilement i décrire ce contrage entre un aspect hhumain et un aspect animal des jumeau. Les figures anthropomorphes ne sont pas des supports de Time, car selon le témoignage d'un Nivkh, les ames des {jumeaus rejoignent les gens de la montagne préct ‘ment quand on leur fabrique des figurines et une ‘maison (Krejnovie, 1973, p. 433), Qu'est-ce qui autorise les humains & conserver dans leurs maisons de bi «basse terre» des représentations des jumeaus tels qu'ils sont dans la «montagne? Nes-ce pas contrevenir i a rile de définition positionnelle des corps? La gémellité constitue & vrai dire un coup de force, dont Vorigine est certes atri- Due aux ours, mais dont les hommes cherchent & tirer part, Le eretours des jumeaux, ila fois hom ‘mes et ours, dans la montagne inaugure une relation de consanguinité entre un groupe hommes et un groupe d’ours, qui, dit-on, forment dés lors «un méme clans, Cette relation permet aux humains d'étre en quelque sorte familiers des ours dans leur milieu typique, ce qui les autorise 3 les envisager dans leur aspect d'shommes de kt montagne tout cen restant dans la chasse terres. La dépouille des jumeaux elle-méme, abandonnée dans la «basse terres, est traitée comme un rebis vers leur aspect dchommes de la montagne». Cela explique que les familles de jumeaux décédés nomment «nourrisse- ment des gens de la montagnes ce qui pour les autres Nivkhs est un enourrissement des ours, Les noyades représentent pour les Nivkhs un détournement paralléle d'un des leurs par les «gens de la mers (Krejnovie, 1975, p. 395-426). Le noyé, supposé devenir un animal marin, onque, phoque ou poison, regoit deux types d'images funéraires. Dune part il ext figuré par une planche de bois anthropo- morphe instullée verticalement sur le rivage avec ‘une barque, des rames et des instruments de péche. Diautre part, kt famille du noyé fabrique un pla horizontal en forme de phoque pour porter Ie. offrandes qui seront jetées i la mer en son honneur (il 38). Dans cet objet, les deux cercles au centre des spirales représentent les yeux de animal; lors des rites annuels d'offrandes 4 la mer, les familles de noyés «activent> le plat en déposant sur ces cercles deux baies qui animent ains son regard. ee La planche anthropomorphe montre le noyé dans sa nouvelle condition Thomme de la mer péchant et chascant, maniant des outils en fonction dane inten: conde image «zoomorphe» Fenvisige comme support corporel de nouriture. A nouveau ame et le corps s‘opposent, mais en asociation éroite avec d'autres oppositions, celle d’humanité et animalité, celle de relation intentionnelle et de rela- tion dincorporation par lt consommation Figures de mattres et d’ausiliaires Les représentations des maitres d'un liew ou d'une espace sont un révélateur efficace des differences de nant les animaux & travers Asie septentrionale. Les espces animales ne sont pas seu lement congues en Sibérie comme des collections 1 individu partage tiels communs, A ce modele universel de la biol ge intuitive, les peuples de Sibérie ajoutent idee que Tespéce forme une totalité organisée, dans aquelle les individus occupent des positions relat ves particultres. Les peuples de Amour consid rent ainsi que les espices comptent en leur sein un ow plusieurs individus remarquables qualifés de samaitre ou de «chamane Les lidvres, les zibelines, les ours ont leurs maitres qui sont tous de taille supérieure ila norme de leur espace. Le maitre des ‘ours et celui des tigres sont également considérés comme maitres de Ia fordt et des animaux qui y cles représentations sculptées pout favoriser une guérison ou pour obtenir la chance la chasse, Les images di maitre des ours sont le plus souvent zoomorphes, mais elles peuvent aussi pren: dre Vaspect d'une figure anthropom phe entiére ment recouverte de fourrure d'outs. I est posible dans certains cas de montrer que ces apparences variables sont indexées 4 une relation Chez les Nivkhs et les Neghidals, une figurine anthropomorphe 3 tte conique teprésente un ours sous son aspect d’shomme de Ii montagne 123) protégeant les humains» (Ostrowski 199 Au contraire, un ours réalist, alongé au sol, les pattes étendues, est donné i voir comme proie des hommes, en position de corps préparé au dépegage avant d’tre consommé (Ostrovskij, 1997, p.135) De nombreuses figures zoomorphes d’ours étaient accompagnées de leurs rejetons sous forme d Jeux figurines anthropomorphes. Une telle Position montre Yours comme pére de jumeaux humains, done dans une relation de parenté ave les humains qui permet ices Iai quatre pattes av comps allongé et une gueule ouverte armée de crocs est en position de prédateur : on lui confie ba dévoration des maladies (comme pour l'exem- plaire du musée du quai Branly, inv.71.1962.11.9, publié dans Betfa et Delaby, 1999, p. 151) La posture assise définie animal comme syjet, sou: vent en position de pouvoir. La version neghidale ddu maitre de la tiga de Vllostration 39 représente, i partir d'une souche arbre, un_personnage anthropomorphe assis surmonté d'une téte de age de gc Reprise Ws mite deb gs Neg Diu die Bowe Sit-Pitentoure. Musée eogrphigue re, 2566-38 40. Denn de gre thropeague thrpormoephe ee our Ne Mics dx she tigre. Dans le bassin de "As Sakhal comme maitre de la forée lui aussi était déerit dans nour plus qu’a i, le tigre faisit concurrence 4 Tours certains contextes comme un homme recouvert de fourrure. Le nom indigne associé 4 cet objet, twyjtn, vraisemblabl mposé de uj, sterres, et byi@, shommes, signifierait done homme de la terres, Cette composi bige distingue deux aspects de anim. Le malade animalisé De nombreuses figures de bois fibriqui rituels thérapeutiques étaient composé comps anthropomorphe soulignant la localisation de 1h soufffance (ventre gonfé, charniére de bois en cas de douleur 4 un membre, rainure transversale pour une diarthée, cage thoracique ouverte pour la tuberculow) surmonté d'une téte d'ours (ill. 40) Linterprétation de ces images hybrides était varia- d'un ble : lle pouvaientreprésenter un esprit (partis un «hom malade ou ayant emporté som ame. Dans tous les cis Vaction rituelle amenait de fit le malade & regarder aussi objet comme ut méme. Pour guérir une diarrhée sanglane, ls Nanais bouchaient ouverture inférieure du sillon traverant une figure anthropomorphe 3 tite d'ani- smal (Stemberg, 1933, .517). Les mémes Nana explain partis es soufances du malade pa le fai qu'un ous (eo 1¢ de la foréts) installé dans le corps da image de Iui- le forestier») avait cap son ime et tena attache um arbre pour vor- turer Bimbevie, 1896, p. 39-40) Cette description wie manque pas dévoquer les tourments que ls peuples de la région faisiient subir 3 Tours attaché 3 des poteaux pendant la fete de ours. Il est done légitime de penser que Thybridation d’ééments humains e¢ animaux dans ces figures n’exprime pas seulement la justaposition du malade et d'un esprit rmalfaisant, mais aussi la superposition des relations dans lesquelles le malade est pris, homme par rap- port 3 ses proches, mais gibier animal relativement aux étres qui se sont emparés de lui Images analegiques En Sibérie du Sud, oi la steppe le dispute & la aga, Télevage pastoral conc rpport & environnement différent. Comme Ta souligné Roberte Hamayon, Tanimal domestiqn ‘st pas un «partenare d'échange* comme Pani BS ‘suvage, mais cun Gre infériewr que lon eet qui mort sur luis (Hamayon on posséle, avec droit de vie et de 1990, 614). Lesprit me, dont les traits sont putt zoomorphes chez les peuples chasseurs, mon- tre ici um visage humanisé (Hamayon, 1990, p 607) ‘Ces contrastes ont permis 4 Philippe Deseol de dis- ccemner en Sibérie méridionale des traits typiques dun systéme «analogique different des cosmologies ques» des peuples du Nord (Descola, 2005, chap. «Histoire de seructures). sdonneur de gibier» lui 4, Doin dv eibour de chaane hee Deer da ce Seti Mane de Minoo Les peuples res de i région de I'Alta-Satan, en Sibérie méridionae,attribuent leur suces jl chasse ila générosté desprit-maitres des montagnes ima- {ging comme des leveurs dont les animaux sauvages sont le bétil. Les Tozhu contemporain affirment ainsi que Mon peut entendre dans la fort les «mai- tress tate Is ennes auvages tout comme Tes Torhit traient leurs rennes domestiques. Dans TAlti, on raconte que les animaux doivent payer un tribut en fourrure aux maites, ce qui explique ta chute de Jeurs pols au printemps. Béuil docile ou sujets sou ‘nis, les animaux savages sont lig par une relation de protection» et de «propriété» (Descola, 2005, chap. «Les formes de Vattachement») 3 des esprit-maitres Gui n‘appartiennent pas 3 leur espéce mais leur son inrinséquemene supérieus. Les spécimens singulers ne sont pas regardés comme des chef: la fagon des peuples de TAmour, mais comme ks animaux domestiques prefers les talons des esprit Ainsi une tache dans le pelge d'un ours es tenue pour une marque de propriété posée par le maitre du few ou par la divinitéinfernale Erik, la fagon dont les ‘yeurs marquent la croupe de leurs chevau ‘On trouvera quelques apergus de cet univers loi~ sonné et higrarchisé dans les dessins complexes qui couvrsient les tambours des chamanes de VAli= Sian en Siberie méridionale, vant Pépoque sovieti- aque. Lexemphire khakawe reproduit en illusta- tion 41 est parttionné en deux moitis: le secteur supérieur contient des astres, des oiseaux: et autres {ares en rapport avec le ciel, tandis que dans la partic inférieure évoluent des Gees de la terre et du monde souterrain, La bande séparatrice figure une chaine de montagne, tands que Tare de cercleentourant Ie sec~ teur supérieur représente un arcen-ciel Les mates des montagnes® apparaissent sur ce tambour comme ds cavaliers et non sous des traits animaux comme dla la région de ' Amour. Leurs fils t leurs filles se tiennent en fle dans le secteur inféieur,environnés de chiens et de woupeaux de chevaux. On voit ainsi que Tékevage et la domination protectrice qu'il mplique structurent les rapports entre esprit et ani- ‘mau et plus généralement entre clases tes, “Tout en bas grouillent poisons, serpents et grenouil- les, qualifis de «serviteurse de empereur Erik divi- nité trop transcendante pour tre représentée, ours @ohie A leur e&té car il figure ici comme beta , Cela suit 2 justifer absence de débats sur le bien-fondé de la photo- graphie comme outil de la connaissance scientifi- ‘que. Il y cut, certes, des controverses: mais elles ‘concernérent l'antériorté de la découverte, mirent ‘en compétition la France et Angleterre. Bien avane les travaux rGalsés par Daguerre’ [Nicéphore Nigpce (il. 70 et 71) inssait sr le carac~ tire spontané de ses images photogéniques : «La découverte que jai fie et que je designe sous le nom thaliographie, conse 4 reproduirespontanément, par Vaetion de la lume, avec les dégradations de tenes du noir au blanc, les images reques dans la chambre ‘obscure... La humie, dans son état de composition ct de décompesition agit chimiquement sures corps Elle est absorbée, elle se combine avec eux et leur communique de nouvelles propriété...» La lithogeaphie, disci, a relégué au loin le geste ddu graveur,par la fixation de image se formant au foyer de la chambre obscure il sagit désormais de Saffianchir du geste du dessinateur. Giissé au sein de la correspondance de Vinventeur hore Niépce de Chalon-sur-Saéne, un brouillon sans date ni signature témoigne de la fascination exercée par le caractére 'auto-engendrement de la nouvelle image. Afin de la désigner précisément, lauteur propose une série de néologismes fondés sur des nes grec ques, pss, aut, eraphé, eke, pastas, aléthés : «On ferait Physautegraphic (tableau de la nature méme), Physautorype (type de la nature :méme), konawophyse (image de la nature méme) Parauophyse (représentation de ta nature mem), ‘Alévophyse (veritable nature), Phusléotype (vrai type de la nature)» Le 3 octobre 1832, Daguerre écrit 3 Niépee Je suis bien aise d'apprendre que vous et Monsieur votre fils physotoryper i force...» La naturalité de image mise en valeur par les phy- siciens, ces «philosophes de la nature», contribua 3 maintenir Técart entre les humains et le monde & ‘comprendre et maitriser,limitant en retour toute réflexion sur les effets sociaux des procédés et iéthodes d'ineerogation de la nature, «C'est la nature qui parle d'elle-méme!» se réjouisait ‘Turpin, Cette phrase méme excluait toute discus sion relative 4 la représentation, Pour Lorraine Daston (200),la référence aurait valeur morale, Elle fonctionne it comme justification scientifque. Le lésigmait au xvur sicle des propriété etn ce début de x1x sic parla contingence. Mh utilisé pour définir des éres ou des ‘outre, le mot enature> qui désgne, pour «du x0 sigcle, «ensemble des choses opposes au moral et au spiriuel, rend objets privikgiés de la photographie: ces coptibles dmerere ou de rtéchir amie Le rae joue par a lumiére rence le cacti de Vnwention. Sa structures «nature, estalon de vigoureux dats entre scientifiques Les pl Biot, Arago, Fizeau et Foucault (il. 72), quis paris de la mare ondulatoire ot Ja Iumiére, comptent parm es ps acti frangais de ceee aventure théorique de la hn sont en outre, tous es quatre, anders dfemeus nouvelle image photogénique. Dans le monde dental, a humigre reste un agent mystrien ct bonne, indspensble 3 la vie, Le mythe Inisé des traces non seulement cher Pon ou ‘Genése mais encore dans a science moxdeme etl Tosophie des Lumigres. La lumigre est ton ax sigele, source de vérité, métaphore dei Iité Elle est en outre le symbole di progés Ds 1b ephoto-graphies, inscription parla umiére.€6 situcrrésolument du c6té du bien, st fire seule ds trois grandes inventions du x0 sce — Valecericité etl vapeur ~ qui serait inotensve (Or. plaque photographique voit mieux le solaire que rl human :elle et sensible ses invisibles (73). En 1800-1801, on sit longtemps que le nitrate d'argent noircit sous fluence de bs Iumiére’”. En projetant sur une ainsi sensbillsée un spectre sore, om pergoit hoircisement au-deli de ses deux extrémités es parla luire visible. Ans farent déco cen moins de deux ans les rayons ulkraviokts rayon infrarouges. La foi dans le pouvoir surhum de la plaque photographique est tlle que dans ouvrage The Pencil of Nature, William a “Talbot, pionnier anghis de la photographie, de «séparer ces rayons invisibles des autres en es fi sant passer dans une pice attenante par une peti ouverture praiquée dans le mur ow un rand partition. Cette pidve se remplirit de rayons inv ‘les (nous ne pouvons pas dire qu'elle sécire {qui seraient diffasés dans toutes les directions p tune lenille convexe placée derrigre ouverture Léon Foo Si des gens se erouvaient dans cette pice ils ne se prononcent durant V'année 1839 devant les deux : verraient pas, et pourtant, si l'on pointait un appa- Chambres et l’Académie des sciences, ils pressen cil photographique dans la direction de n'imp. tent Paide qu'elle apportera dans le domaine de la . laquelle de ces personnes, il prendrait son portrait photométrie. Aprés un temps de pose phis ou et révélerait ce qu'elle ext en train de faire.» — moins long, la lumigre émise par les éeoiles modi 53315. Iajoute :«En effet, pour reprendre une métaphore fie les surfaces sensibles, observation de ces effets que nous avons déji utilisée, Veil de Tapparcil couplée i des analyses spectrales, permet de photographique verrait clairement li oi Teril déduire la distance et la nature méme de ces astres humain ne verrait que ténebres» (Talbot, 1844) inaccessibles. A Textréme fin du x1¥" sigele,la plaque photogra- Les démarches comparatives: deviennent possibles, phique sera Youtil de la découverte d'autres rayon-_méme pour des objets dont lintensité kumineus nnements invisibles i 'cil, méme muni de puissan-_trés diflrente. Les lumigres des rayons éblouissints du tes lentilles optiques : les rayons X. Soleil les étoiles, de la Lune si pile seront comparées La plaque photographique ne joue pas seulement —grice & leurs effets «en un méme tableau. Il suffira le réle d'un instrument de vision, au méme titre soit d'affiblir les plus fortes lumigres, soit de ne lis ue télescopes et microscopes, mais également ser agir les rayons ls plus brillants que pendant un celui d'un instrument de mesure; dans la série court lps de temps (une seconde), tout en lasant le discours que Gay-Lussac et Frangois Arago action des autres s‘effectuer durant une demi-heure 73, Abbé Nolet La rie time r Pas, CNUM. ime 12° 14 Sila botanique manifesta son intérét dés Pannonce de invention du daguerréotype, Vastronomie joua tun r6le de premier plan dans Thistoire de la pho- tographie. Elle fut Ia source tant des premigres interrogations que des premiers doutes. Les astres, inengendrés, incorruptibles, quasi inconnaissbles par experience, le toucher et la vue, comptent alors ~ si 'on excepte la supréme essence (ous) ~ parmi les principaux objets dont la contingence soit entigrement exclue. La photographie devait jouer 4 ce titre un réle privilégié. Loin de ne fonetionner qu’en simple prothise ocu- hire lls ouvrit un champ action sng, portour de connaissances 5p ies sSacerue brutalem Les figures de I objectivation liges i Varrivée de la photographie sont trop nombreuses pour étre recemsées, Remarquons simplement que les instru ‘ments d'optique tels le microscope ou le télescope possédent deux lentlles: un objectif situé du de objet, donnant une image de ce dernier: un oculaire sité dur cOté de Feel, avec lequel on regarde Vimage fournie par object. Uappareil photo, lui est démuni doculaire. Il est lui-méme cavls, erétine artficielle worte qu'un objectif. Le mot signifiat au xix siécle «ce qui appartient a Fobjet» et opposait au subjectifd gant tout attribut propre au sujet. Ainsi image photographique jouait le role de réalté objective. Elle semblait Iétre d'autant plas que la qualité et Vhomogénéité des lentilles optiques s’étaient averues nettement au cours du sigcle. Elles se devaient alors de fournir des images trés grossies aussi exactes que possible : les lignes droites devaient rester drotes, les contours des objets ne devaient pas apparaitre irisés, La maitrise de Taber ration de sphéricité et de Vachromatisme étaien au cerur méme des préoccupations des opticiens. Supprimer Vobservateur La légitimation de la valeur probatoire de la photo- ‘graphic saccompagna d'un rejet vigoureus, sinon violent, de ls part humaine. En 1864, Vastronome Auguste Faye dénonce les vereursphysiologiquess ki ‘individualité» de Tobservateur. Elles icient les observations, affirme-t-il, au point de rendre illusoire la haute précision qui leur est atri- buée. Le moyen radical de les faire disparaitre serait dle «supprimer observateur» en le remplagant par usage simulané de deux grandes découvertes récentes : a photographie et la téléyraphie, Auguste Faye argumente : Tel, Pouile possédent des limites au-deli desquelles ils se révélent moins performants mais si Von combine Mexercice des deux sens,on se trouve conduit 4 des erreurs telles que leur valuation provoque Vinerédulité. Or observation du passage des astres au méridien et fondée sur un tel exercice Il faut regarder un point brillant se déplacer dans le champ de la lunette fen traversant un réseau de films parallles. ‘Simulanément, i faut écouter le battement d'un pendule et noter. pour chaque fil, Pheure du pas sage du point lumineux. De ces mesures simulta- ment temporelles et spatales sont déduites les positions respectives des astres dans 'Univers Auguste Faye remarquera que Ia réalisation de V'expérience par plusieurs observateurs produit des résultats differents. Les astronomes constatant ee phénoméne ont eu de la peine 3 le crite. Is ont cherché 4 Véliminer en imposant Fobligation 4 chacun, dans tous les observatoires, de signer ses observations. Ils ont également vellé 3 permuter Jes observateurs ‘Auguste Faye en conclut qu'il ne faut pas compter sur la machine humaine. Les expériences de Ta ome italien Ignazio Porto avaient montré Vef- ficacité du remplacement de observateur par une plaque photographique. Pour Auguste Faye, il suf frait alors d'enregistrer électriquement I'instant od la lumiére est admise dans la chambre noire de bb Junette méridienne pour obtenir un résultat objec- tif, «indépendant des sens humains et du cerveau Faye avait déji utilisé le procédé pour Menregisre- ment d'une éclipse solaire. Ses arguments porté- rent leurs fruits. Dix ans plus tard,en 1874, 'atro- ‘nome Jules Janssen partait pour le Japon avec une @quipe de collaborateurs et son «revolver photo- graphique», combinaison d'horlogerie et denre- jstrement photographique, afin d’enregistrer image ct l'heure exacte du passage du petit dis que de Vénus devant la grande sphére sobire La mesure de ce epassge de Venus», obtenue en plusicurs points du globe, devait permettre dac- ceroitre la précision de la mesure de Ia distance Terre-Soleil. La réalsition d'une photographie séquentielle ouvrait la voie non seulement aux tra aux chronophotographiques du physiologist jules Marey, mais encore 3 la mise au point du cinématographe par les fréres Lumiére. Dans les années 1880, a mise en cause de Vinfailibi- licé des sens hurnains, eur Gloignement, trouve un aboutisement dans es travaux photographiques

You might also like