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PETIT TRAITÉ
DE
DÉSINVOLTURE
Où il est question du
dilettantisme et de la
désinvolture, du temps et de la
vitesse, des îles et du bonheur, du
sport et de la mélancolie… mais
aussi des chats, des tortues et des
Chinois.
Léautaud :
Cependant il frappe la
balle avec un grand
mouvement tranquille,
comme quelqu’un qui du
fond de son sommeil
refermerait la main sur de
l’air, en tentant d’attraper les
fruits dont il rêve.
Hofmannsthal
« Avez-vous lu l’Iliade,
Mr. Hemingway ?
— Autrefois à l’université, grogna
Hemingway.
— Je m’en doutais, dit Lady Cunard.
Hélas, le croiriez-vous, je n’ai jamais été
à l’université.
— Il n’y a rien de mal à être un
autodidacte, dit Ernest Hemingway.
— Mais voilà justement le plus
affreux de l’histoire ! La malchance a
voulu que je ne sois pas « un »
autodidacte. Il est si navrant d’être une
dame ! Nous souffrons de tant
d’insuffisances ! Vous, en tant
qu’homme, et brave de surcroît, vous ne
souffrez pas de ces insuffisances.
Lady Cunard portait ses coups de
rapière à la vitesse de l’éclair. Tout était
si rapide et si délicat que la cruauté
passait presque inaperçue.
— … chez un homme, ajouta-t-elle,
l’insuffisance est plus visible que chez
une femme. Elle peut se mesurer, pour
ainsi dire. Longueur, profondeur,
caractère immédiat. Dans le cas d’une
femme, c’est moins facile. Moins
commode à mesurer. Il faut recourir à
l’intuition, mais l’intuition peut être
trompeuse. En ce qui concerne les
femmes, vous fiez-vous à vos intuitions,
Mr. Hemingway ?
— Mes intuitions ne sont pas aussi
malines que les vôtres, je suppose,
répliqua Hemingway Comme satisfait
de sa riposte, il eut un large sourire
enfantin. »
Or nous-mêmes aujourd’hui,
refermant le recueil des souvenirs de
Frederic Prokosch, un demi-sourire
nostalgique et songeur sur les lèvres, ne
sommes-nous pas gagnés d’un
enchantement comparable à celui qui
nous vient lorsqu’après avoir manié et
contemplé des collections de papillons
dans leurs boîtes vitrées, nous
découvrons soudain la fine poudre
multicolore déposée sur nos doigts ?…
Petite confrérie d’âmes
sensibles
Vendredi 17 juin
Toujours le même dilemme.
Se laisser bercer par le charme de
l’heure présente (ô combien profond ici
à Agios Matheos) ou bien en sacrifier
une partie au désir latent d’en rendre
compte ?
Dans les moments de bonheur
complet, l’effort d’écrire m’est
proprement impossible. J’aurais trop
peur de rompre le fragile équilibre. Je
me laisse alors balancer par les vagues de
la vie comme il y a quelques instants
encore, me baignant, je me laissais
balancer avec délices par les vagues de
l’Adriatique qui, d’ailleurs, pendant que
j’écris ces lignes (ce à quoi je me suis
résolu tout de même) tentent encore de
m’entraîner vers la bienheureuse
somnolence sans pensées de leur litanie
répétitive. Oui, appréhension
d’interrompre ce doux dévidement
soyeux des heures que le temps tire
facilement à lui dans un même rythme
régulier… Dégoût de venir trancher ce
fil magique avec le couperet de la
lucidité !… À ma droite, le chemin de
terre remonte en serpentant vers la
montagne couverte d’oliviers. Le soleil
rasant qui s’abaisse sur la mer vient
dorer cette muraille de verdure et nimbe
d’un rose-orangé d’aquarelle à la John
Singer Sargent les rochers qui saillent
parmi les frondaisons moutonnantes. À
mi-pente, une maison jaune-corfiote
resplendit dans la lumière, jouissant de
cette apothéose vespérale en solitaire : les
volets sont fermés et rien qu’elle sur le
versant. Dans son dos, sur le chemin
caillouteux, les fils électriques, tendus
entre les poteaux de bois qui remontent
en zigzags, semblent inscrire sur le
paysage une suite de portées musicales
dédiées au ressac qui ânonne son
antienne en contrebas. Loin vers l’ouest,
le soleil achève sa descente vers
l’horizon… et soudain, tandis que le
jaune de la maison s’éteint aussi
rapidement qu’une lampe qu’on vient
de souffler, que les rochers tournent au
gris et que les oliviers se creusent
d’ombres plus denses, la surface de la
mer étincelle. Vaste surface de mercure
vibratile où plonge silencieusement, au
bord d’éclater, l’astre dilaté et
incandescent : anodine catastrophe
quotidienne…
Assez rapidement alors, à sa manière
furtive, la nuit commence à sourdre des
moindres interstices, des plus infimes
replis, pour s’épandre en se glissant
langoureusement sous les feuillages des
arbres, le long de la coque des bateaux, à
l’aplomb des murets, sous les chaises et
les tables de la terrasse, jusque dans les
plissures innombrables des flots et
derrière les plus petits galets dont elle
allonge les formes sur le sable
alentour…
Bientôt, c’est la pénombre
luminescente du crépuscule
méditerranéen et tandis que la mer étire
longuement sur son dos poli le peu de
lumière solaire qui déborde encore la
ligne d’horizon, qu’un grand oiseau
solitaire plane longuement dans l’espace
entre les deux versants de la montagne,
nous nous attablons devant la nappe
blanche sous l’auvent de bambou et
commençons d’honorer comme il se
doit la confortable cuisine grecque :
Tatzikis, Horiatikis, Moussaka et
Patatès, et ce n’est plus une image
d’affirmer qu’à cet instant « tout baigne
dans l’huile ». Bien entendu, nous
arrosons le tout d’un bon « kilo » de
Krassi local : vin jaune d’or, très épais,
très savoureux et peu alcoolisé – nectar
provenant sans doute directement de ces
petits carrés de vignes accrochés aux
pentes parmi les oliviers, juste en
surplomb de la mer et bercés par elle…
et où, quand je passe dans l’ombre
étonnamment fraîche de ces arbres si
vieux et si tourmentés dans leurs formes
noueuses – surtout ici, dans cette île de
Kerkyra – je m’attends toujours à voir
pointer deux courtes cornes sur la
chevelure frisée d’un satyre en train de
grappiller du raisin…
Petit à petit, assez insensiblement,
malgré le peu d’alcool mais sans doute
grâce à cette lumière solaire recueillie au
long des jours par les pulpeuses
rotondités des raisins, nos yeux
commencent à briller et notre
conversation semble se pénétrer de cette
lente sagesse infusée dans les grappes :
nous parlons à voix basse, doucement,
comme les vagues, comme les oliviers
légèrement balancés par la brise, comme
les rayons du soleil de l’après-midi…
Nous évoquons une vieille rencontrée
dans l’oliveraie, toute vêtue de noir et
solitaire qui, assise immobile sur un
rocher, nous a longuement scrutés de
ses yeux aigus – non loin de son unique
chèvre, à l’expression identique,
mâchonnant quelques brindilles sous un
monumental figuier de barbarie aux
fleurs jaunes à peine écloses – on eût dit
une composition allégorique se
matérialisant soudain au détour du
chemin.
Puis, notre conversation de plus en
plus lâche et confuse finit par se fondre
dans le bruit du ressac en contrebas, nos
yeux commencent à cligner doucement
comme le phare là-bas dont l’éclat
s’estompe dans la brume et tout
s’ensomnole lentement…
Nous réintégrons notre minuscule
chambre d’hôtel : cabine du long
paquebot du sommeil qui, dès que nous
serons allongés côte à côte dans
l’obscurité, appareillera vers cette île
nouvelle – dans l’océan du temps –
qu’est la journée de demain…
Samedi 18 juin
Ce matin au réveil : bain de mer.
D’un songe à un autre ! mais plus facile
celui-ci : effervescent et sonore – rempli
de cette alacrité qui manque aux
péripéties du sommeil…
Puis, une fois séchés et dispos : le goût
du thé, des œufs grecs, du pain et du
beurre sur la langue encore salée par le
bain !
Au-delà de la verrière et au-dessus des
bambous, le vent et le soleil se mêlent
dans un enthousiasme juvénile qui fait
exulter les enfants sautant dans les
vagues…
Le patron de l’hôtel et son fils, montés
sur un pédalo rouge et blanc sont partis
à quelques centaines de mètres pour
relever les filets qu’ils avaient posés la
veille. À leur retour, nous restons
fascinés par les formes étranges des
poissons qu’ils ont étalé sur la plage.
L’un d’entre eux est grand, plat,
triangulaire, avec des yeux globuleux
extrêmement proéminents enchâssés
dans un corps luisant légèrement renflé ;
très vivace, il gigote désespérément sur le
sable. Des êtres aussi singuliers vivent
donc habituellement à nos côtés ? En
voilà un, en tout cas, tiré brutalement à
la lumière et qui nous fait douter de
nous être entièrement réveillés !…
Sur la terrasse du restaurant qui
surplombe la mer, avec le haut soleil
dans toute sa puissance, un petit vent
tournoyant dans les cheveux, coulissant
sous les pans de nos chemises ouvertes,
le bruit sempiternel et sommeilleux des
vagues, la souveraine et placide présence
des montagnes dans notre dos, les cris
des enfants, les jappements des chiens,
les voix sonores des mâles grecs
discutant politique à perdre haleine et, à
notre gauche, un peuplier bruissant
pour parfaire l’impression de nous être
enfoncés profondément dans le
bonheur de l’été, nous n’avons envie de
rien d’autre, nous non plus, que de
rester là à seulement exister, en pleine
vie, comme ces oliviers silencieux tout
là-bas, ces bambous feuillus qui se
balancent dans le vent, ces carrés de
vigne entrevus hier qui maturent en
toute sérénité dans le soleil au-dessus
des flots, comme ces vieux à casquette
assis on ne sait pourquoi en pleine
solitude au pied d’un olivier distordu et
qui, leur canne entre les jambes, ne font
rien d’autre que de regarder devant eux,
indéfiniment…
Dimanche 19 juin
Vent tiède, peupliers frissonnants,
mer étincelante et funèbre en vérité qui,
dans son inlassable et lourd manège,
tourne – comme le dit la poétesse
américaine2 – « ses sombres pages, ses
sombres pages »… Les criquets perpétuant
sans trêve, eux aussi, leur haute clameur
lyrique… le soleil s’appesantissant
lourdement sur les toits, sur la
végétation immobile – annihilée – sur la
surface entière de la mer qui, de tous ses
reflets, lui oppose la sourde masse de
son invincible inertie… le peu de
fraîcheur éventuelle s’étant réfugiée sous
les hautes voûtes verdâtres des
immenses oliveraies, labyrinthiques et
désertes…
Dans cette pénombre, je descends
l’étroit sentier broussailleux qui mène
vers la mer, enivré par les multiples
fragrances méditerranéennes (avec la
chaleur d’aujourd’hui, elles s’exhalent
puissamment, s’infusent, pourrait-on
dire, dans l’atmosphère…). Parvenu à la
crique déserte, je cours pieds nus sur les
galets brûlants et plonge enfin ! L’eau
fraîche et pure me caresse
voluptueusement de ses ondoyants
courants soyeux… exquis délice
seulement comparable au coït en
compagnie d’une femme aimée !…
Enthousiasme intime d’être enfin
« appréhendé » par le monde comme il se
doit, comme il aurait toujours fallu !…
Lundi 20 juin
Aujourd’hui encore – longues heures
langoureuses dans le bruit des vagues
mêlé aux cris d’enfants sur la plage, aux
conversations grecques sempiternelles
sur la terrasse du café… Demi-
somnolences et songes diffus… – nous
nous sommes laissés couler à fond dans
cette atmosphère de bord de mer
méditerranéen.
Puis, vers le soir tout de même,
s’éveille notre anxieuse condition
occidentale : nous décidons de nous
secouer pour aller explorer les alentours.
(Un peu plus loin… toujours un peu
plus loin, bien sûr… êtres faustiens que
nous sommes : jamais entièrement
satisfaits du présent ni du lieu. Et nous
sommes partis – en mobylettes d’abord,
à pied ensuite – repérer le bord de mer
vers le sud de l’île.)
Chemins caillouteux d’une blancheur
éblouissante sous le soleil.
Immense oliveraie d’un seul tenant
couvrant la pente de la montagne
jusqu’à la mer et dans l’ombre dense de
laquelle nous avançons comme au sein
d’une vaste grotte de verdure où les
rayons solaires, qui pénètrent
difficilement, créent une lumière
d’aquarium.
De temps à autre dans la pénombre se
dresse une cabane environnée, comme
partout en Grèce, de son lot
d’immondices : bouteilles de bières,
boîtes de conserves rouillées, sacs en
plastique terreux, etc.
Tapis de feuilles d’olivier desséchées
sur le sol, qui interdit toute autre
végétation et accentue l’aspect luxueux
de ces lieux déserts ; mais un luxe
réservé à qui ? Aux promeneurs solitaires
de notre sorte ? Aux paysans qui
viennent y ramasser les olives, dans ces
grands filets noirs en plastique qu’ils
étendent sur le sol et qui sont
actuellement repliés entre les branches
des arbres, attendant la saison
prochaine ? Luxe gratuit peut-être,
comme tant de choses en ce monde !…
Quelques-uns de ces filets demeurent
tendus à terre avec leur maigre récolte de
petites concrétions noirâtres, semblables
à des crottes de chèvre. Au travers de
leur mailles poussent de minuscules
fleurs bleues…
De loin en loin, des groupes de
cyprès, semblables à des flammes
végétales, jaillissent de l’entrelacs des
branches d’oliviers tandis que plus bas,
le long des rochers ou des petites
criques, le rivage est comme panaché de
bambouseraies très denses qui ondulent
au vent de mer.
Avisant un sentier perpendiculaire au
nôtre qui paraît mener vers le rivage,
nous le suivons jusqu’à une maison
abandonnée (une de ces bâtisses de
béton inachevée comme il y en a tant
dans toute la Grèce, nantie de ses
tubulures métalliques rouillées
dépassant du toit dans l’attente d’un
hypothétique deuxième étage…) puis,
au détour du chemin, nous débouchons
sur le bord de la falaise et dégringolons
jusqu’à une crique de galets solitaire,
face à deux îlots jumeaux entre lesquels,
amarré par de longues cordes, se
dandine un joli petit caïque bleu et
blanc, désert !… Sur ces îlots, une
colonie d’oiseaux s’est réfugiée dans les
buissons ; nous les entendons piailler
comme des perdus tandis que nous
approchons à la nage, dans l’eau calme
du soir…
Un instant, me retournant sur le dos,
je peux apercevoir, à bonne distance de
la rive, la face velue de la montagne qui
s’incurve doucement jusqu’aux
sommets dégarnis, abrupts, dentelés, à
la vibrante couleur mauve.
Puis, plongeant les yeux ouverts,
j’aperçois les ondulations formées par la
houle sur le sable. Ces striures
tremblantes dans l’eau bleue, ajoutées à
la pression des oreilles qui bourdonnent,
me procure une sensation tellement
proche des premières images flottantes
du sommeil que je suis saisi d’un
vertige : « m’endormir au fond de la
mer ? Oh, non ! Pas maintenant ! Pas
tout de suite !… » D’un coup de rein, je
remonte rapidement à la surface !
Le ciel s’est progressivement couvert
de nuages venus de la terre qui
assombrissent soudain les montagnes, la
surface de l’eau devient légèrement
houleuse nous procurant un avant-goût
de la mélancolie des îles une fois privées
de leur élément dionysiaque majeur : le
soleil païen !
Nous revenons au rivage dans « notre
plus simple appareil » et je songe alors que
cette plage est peut-être celle-là même
où Ulysse aborda après son naufrage, de
même que la lande au-dessus de la
falaise : celle où il rencontra la fille du
roi jouant à la balle avec ses
compagnes…
Revenant par un chemin différent de
celui emprunté à l’aller, nous suivons un
sentier qui serpente entre des vergers et
aboutit à une sorte de clairière ménagée
au sein de l’oliveraie où se dresse,
entouré de jardins potagers, un groupe
de cabanes en planches. Dans l’un de
ces potagers – à moitié plongé dans
l’ombre, parmi une incroyable
imbrication de légumes poussant dans
des bacs (qui ne sont autres que de la
terre rassemblée au milieu de vieux
pneus), de fils à sécher le linge où
pendent d’étranges chiffons, de hautes
herbes mêlées de ronces en fleurs
perçant au travers du volant et du pare-
brise crevé d’une carcasse automobile
rouillée, non loin d’un petit bassin
aménagé dans une vieille baignoire où,
au milieu de plantes aquatiques,
paressent quelques grenouilles… – se
dressent quatre mannequins, ayant sans
doute fonction d’épouvantails, qui sont
de parfaits exemples d’art brut : l’un
d’eux est une vieille fille enjuponnée
munie d’une ombrelle, qui fait des
grâces, le visage fendu (c’est le cas de le
dire) d’un sourire incoercible ; un autre
figure une sorte de mécanicien en
salopette coiffé d’un chapeau à la
Sherlock Holmes, qui fume la pipe et
porte à la main un panier rempli
d’œufs, tandis que le troisième est un
soldat casqué, en costume kaki, tenant
par la main une petite fille en nattes,
bien proprette, avec sa jolie robe du
dimanche – on croit presque la voir
sautiller !… Or ce dernier présente, au
travers de son maquillage peinturluré
rouge et bleu, un visage tout à fait
débonnaire !
Tandis que Judith règle son appareil
pour saisir cette image, un vieil homme
édenté sort de la cabane et vient nous
saluer, nous indiquant au moyen de
signes et de grognements – c’est un
sourd-muet – qu’il est le créateur de ce
décor. Après moult démonstrations
d’admiration qui paraissent enchanter le
bonhomme – lequel, vêtu d’antiques
pantalons bouffants et d’un gilet brodé
datant sans doute de l’occupation
turque, présente un aspect tout aussi
pittoresque que ses créatures –, nous
faisons nos adieux.
Retrouvant là où nous les avions
laissées – telles deux fidèles petites sœurs
jumelles – nos mobylettes dociles, nous
redescendons le chemin caillouteux et
cabossé jusqu’à l’hôtel qui, sur l’extrême
bord du rivage, est resté, lui aussi, à
nous attendre gentiment pour le dîner
du soir.
Un ciel rose bonbon, à peine
supportable à vrai dire, déploie son
délayage de peinture à l’eau puéril au-
dessus de la mer… laquelle, pour son
compte, s’est brusquement foncé d’un
vert sombre menaçant – le vert profond
et glauque de l’oubli, ce lent poison
insidieux qui, jusqu’au creux des
meilleures heures de notre vie, vient,
malgré tout, distiller son amertume dans
nos cœurs et qui confère à la fois une
telle futilité et un tel prix à nos « chers
souvenirs »… Ces futurs chers souvenirs
que ce soir même, sous la lampe, telle
une anxieuse fourmi zélée courant
éperdument sur la page, ma petite
plume cherchera coûte que coûte à
rassembler…
L’Hellade !
« Il y a la sagesse de l’insensé
Il y a la grâce de celui qui est lent
La subtilité de la stupidité
L’avantage d’une position basse. »
9 Paul Bowles, Autobiographie, p. 225.
10 On pourrait parfois se demander si ce n’est pas
précisément la croissante disproportion des
vitesses naturelles et artificielles qui génèrent
l’étonnante recrudescence (s’il faut en croire les
médecins) des maladies cardio-vasculaires dans le
monde actuel.
11 Charles Baudouin, Le mythe du Moderne,
p. 154. Celui-ci poursuit plus loin, citant au
début ces vers remarquables d’un poète inconnu,
lesquels auraient pu servir d’exergue à cet essai :