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Le Philosophe dans la Cité

Société pour l’innovation philosophique

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LA BIBLIOTHÈQUE DU PHILOSOPHE DANS LA CITÉ

Julien Rajaoson

La présence chinoise en Algérie

Octobre 2010
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« La solidarité nationale ne doit pas constituer une autre forme d’expression de l’Etat
providence. Elle doit être conçue comme système de rééquilibrage des chances,
compatible avec la dignité des citoyens et tendre en tout état de cause à une
intégration des bénéficiaires dans la sphère d’activités et ne pas se limiter à une
redistribution de la rente en vue de la simple satisfaction des besoins, même
conjoncturellement exprimés (…). L’économie de marché est une option de raison,
mais c’est un système sans merci et dur pour les défavorisés. Cela implique qu’il faille
concevoir un dispositif social s’appuyant sur tous les moyens internes et externes,
gouvernementaux et non-gouvernementaux (…) Les jeunes, les couches sociales
défavorisées, doivent retrouver des opportunités réelles pour s’intégrer efficacement
dans une dynamique d’avenir, leur assurant la pérennité de leur revenu et
contribuant, dans le même temps, à la création de la richesse nationale. »

Abdelaziz Bouteflika

Environ un milliard d’hommes vivent avec moins d’un dollar par jour,
notamment sur le continent africain, la pauvreté à proprement parler a fait
environ 270 millions de morts entre 1990 et 20051.

La « présence chinoise » en Afrique est devenue une réalité


démographique incontournable, elle a pris de l’ampleur au cours des
dernières années ; la diaspora chinoise sur le territoire africain représente
à présent pas moins d’un million de personnes, contre moins de 100 000
en 2001. Afin d’appréhender notre objet de recherche, et saisir les

1
Séance I, du séminaire de Philosophie Morale et Politique de Mr Alain Renaut dans le cadre du Master, 16/10 :
INTRODUCTION GENERALE : DEVELOPPEMENT ET JUSTICE. LA QUESTION DE LA PAUVRETÉ
MONDIALE 1. Egalités et inégalités, justice et équité 2. Transformations des politiques du développement
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mécanismes économiques intrinsèques aux sociétés africaines, nous


adopterons une approche « par le bas »2, car l’échelon local semble plus
approprié pour comprendre les ressorts de la croissance. La « trajectoire
économique »3 est ce qui met en mouvement une société civile, l’activité
des acteurs locaux ainsi que les différentes décisions gouvernementales
l’influencent sans embrasser les conditions de son évolution. Même si les
acteurs étatiques et non-étatiques sont à l’origine du mouvement de leur
société, en tant que phénomène global, la mondialisation interfère
également dans le champ socio-économique des Etats. En somme, le
contexte économique et le système politique en vigueur orientent la
« trajectoire économique » d’une société sans peser pour autant sur
l’ensemble de la réalité sociale. En effet, les phénomènes migratoires qui
vont de l’Afrique vers l’Europe résultent de la pauvreté et d’une croissance
insuffisante devant lesquelles les régimes africains semblent impuissants.
Or, « la présence chinoise » a nécessairement un impact sur le tissu
économique et social des sociétés africaines que nous devons déterminer :
favorise-t-elle une « économie de la rente » ou une « économie de
production »4 ? Engendre-t-elle une concurrence entre les producteurs
locaux et les nouveaux arrivants chinois ou conduit-elle les acteurs à fuir
leur société civile ?

Approche socio-historique

2
Jean-François Bayart, Achille Mbembé et Comi Toubalor, Le politique par le bas en Afrique noire.
Contributions à une problématique de la démocratie, éd. Karthala, Paris 1992, p. 10 : « Nous espérions plutôt
saisir le jeu intime des relations entre différents acteurs subordonnés plutôt que de celui du pouvoir. »
3
Philippe Hugon (1993), L’économie de l’Afrique, Paris, éd. La Découverte, 2001, p. 88 au chapitre 8 dans La
diversité des trajectoires : « Il faut, dès lors, ouvrir la boite noire des structures sociales, intégrer les
comportements microéconomiques et resituer ces politiques macroéconomiques en liaison avec l’histoire
longue.»
4
Politique Africaine n°39, L’Afrique autrement, Paris, éd. Karthala, septembre 1990 à la page 11 dans l’article
d’Achille Mbembé intitulé : Pouvoir, violence et accumulation. Selon Achille Mbembé, le sous-développement
et la pauvreté peuvent autant être imputés à des faits d’ordre anthropologique (L’historicité propre des sociétés
africaines), politique (La violence internationale) et économique (la dimension structurelle des inégalités entre le
Nord et le Sud).
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Dès les années 1950, la Chine a soutenu de nombreux pays africains


notamment par la vente d’armes, dans le but de contester l’hégémonie
revendiquée des deux blocs et de contrecarrer leurs projets d’expansion
idéologique sur le sol africain. « Si, après Bandung, le régime communiste
chinois renoue, en quelque sorte, avec une tradition ancienne d’influence
en Asie, la conférence afro-asiatique marque au Moyen-Orient et en
Afrique noire, le début d’une ère sans précédent. (…) A cette conférence,
Zhou Enlai prend ses premiers contacts avec les délégations de dix pays
arabes et du FLN algérien. »5 Ces liens étroits entre l’Afrique et la Chine
semblent aller de pair avec la volonté de se positionner en tant
qu’antagonistes de l’Occident : les relations diplomatiques entre la Chine
et l’Algérie d’Ahmed Ben Bella, qui prévoyaient une forme de coopération
bilatérale sur le plan économique, militaire et sanitaire, ont débuté le 20
décembre 1958. « Quand, à l’automne 1963, Algériens et Marocains
s’opposent par les armes, Pékin se range aux côtés des premiers. Cette
démarche, en dépit du manque d’affinités idéologiques, n’étonne
personne, puisqu’il y a longtemps que l’Algérie fait figure de pivot de la
politique chinoise au Maghreb. »6 Lorsque le régime socialiste de Houari
Boumédiene a apporté son soutien à la République Populaire de Chine,
afin que celle-ci retrouve sa place à l’ONU en 1971, aux dépens de Taïwan
qui a dû s’incliner et céder son siège, les ambitions de la Chine furent
dévoilées. Actuellement, Pékin déploie sa stratégie sur la scène
internationale et supplante les gouvernements occidentaux en Afrique,
d’autant que les accords de coopération entre les anciens pays
colonisateurs avec leurs ex-colonies ont été calamiteux7. Ce lourd passif a
permis à la Chine de s’imposer comme un partenaire commercial de

5
Philippe Richer et Jean-Luc Domenach, Le Chine 1949-1985, coll. Notre Siècle, Imprimerie Nationale, Paris,
1987, p. 203 dans Le Moyen-Orient et l’Afrique : l’élargissement.
6
ib idem
7
Jean-Luc Domenach, Où va la Chine ?, éd. Fayard, Paris, 2002, p. 123dans L’usage de la politique extérieure :
« Fort intelligemment, cette stratégie accorde une grande importance à la politique étrangère, domaine dans
lequel la Chine dispose de cartes solides qu’elle pourra échanger contre des facilités économiques. Pour la
déployer, et marquer une continuité qui satisfait ses collègues, Deng s’appuie sur la théorie échafaudée dans les
années 1974-1975 d’un monde divisé en trois : les super-puissances, les pays développés qu’elles oppriment et
les pays en voie de développement, dont la Chine. Se posant en défenseur du tiers-monde, Pékin peut abriter
sous de grands principes des échanges commerciaux qui, dans les faits, se concentrent sur les pays riches. »
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premier plan aux côtés de pays occidentaux en perte d’influence, elle


apporte de facto une option supplémentaire à des pays africains en voie
de développement, peu enclins à respecter les conditionnalités
démocratiques. En Afrique, les représentants du régime de Pékin
négocient avec les élites locales en partant du principe d’un partenariat
Gagnant/Gagnant : ils le présentent comme étant plus équitable comparé
au type de partenariat qui avait lieu avec les pays occidentaux. Il est plus
aisé pour la Chine de s’adresser aux Etats africains « d’égal à égal », en se
définissant soi-même en tant que pays du sud, or cette rhétorique
emprunt de fausse modestie voile à peine un dessein d’expansion
économique tout aussi cynique que les précédents. Dans les faits la Chine,
l’Inde et le Brésil sont de nouvelles puissances économiques qui ont
dorénavant les moyens de se comporter comme telles face aux pays en
voie de développement. Mais sur le plan symbolique, il serait contre
productif de cultiver cette suprématie durant les négociations, a fortiori
s’ils envisagent un partenariat sur le long terme. En jouant ainsi la carte
de la démagogie, ils flattent l’image peu reluisante des élites africaines
avec lesquelles elles sont amenées à négocier et ce, afin d’obtenir un
accès privilégié aux ressources. C’est une approche de la diplomatie que
les pays occidentaux ne peuvent littéralement pas assumer compte tenu
du poids de l’Histoire et du joug colonial. Lors des négociations, pouvons-
nous dire qu’il y a effectivement une logique d’accord et non une politique
d’ingérence analogue à celle que les régimes africains ont connu sous la
domination occidentale ? Qu’en sera-t-il si une force politique africaine
hostile à la présence chinoise, se retrouve au gouvernement ? De même,
est-ce qu’une opposition réticente à la politique économique chinoise en
Afrique et, par ailleurs ouvertement pro-occidentale devra être inquiétée ?
Toutes ces questions peuvent se résumer en une seule interrogation, celle
de la souveraineté.

La compréhension du degré de développement économique d’un régime


politique implique que l’on prenne en compte son inscription au sein d’un
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système interétatique et de l’impact que cela peut avoir sur sa politique


intérieure, d’où cette restitution préalable du contexte historique des
rapports sino-africains. La République algérienne Démocratique et
Populaire fait partie de 6 organisations régionales arabes8 ainsi que deux
organisations internationales, à savoir l’Union africaine et l’Union pour la
Méditerranée : tous ces réseaux constituent un certain nombre de facteurs
susceptibles d’influencer ou non la « trajectoire économique » algérienne.
« Les réformes de Deng XiaoPing en Chine, à partir de 1976,
l’effondrement de l’Empire soviétique dans la foulée de la chute du Mur de
Berlin, en 1989, et leur onde de choc dans les autres pays socialistes
asiatiques, africains ou latino-américains, voire arabo-musulmans, ont
créé une nouvelle catégorie de situations politiques que caractérisent à la
fois leur historicité propre et leur rencontre, plus ou moins brutale, avec
les impératifs de la démocratie de marché »9. La notion de « situation
politique » employée par Guy Hermet peut servir notre réflexion sur l’état
des relations entre l’Algérie et la Chine qui, entre temps, est passé du
stade de NPI à celui de puissance économique mondiale. En 2000,
Abdelaziz Bouteflika s’est rendu en Chine pour la cérémonie d’ouverture
de la première conférence ministérielle du forum sur la coopération sino-
africaine ; par la suite, Li Peng, le Président de l’assemblée populaire de
Chine, ainsi que Zhu Rongji, le Premier Ministre, ont respectivement visité
l’Algérie en 2001 et en 2002. Ces relations ne semblent guères identiques
depuis que la Chine a vécu un miracle économique qu’Alain Peyrefitte
qualifie de « Grand bon avant »10 : en ayant accès depuis le 11 décembre
2001 à l’Organisation Mondiale du Commerce, Pékin s’est offert la
possibilité de contribuer au développement des pays du Sud. La Chine a

8
La Revue d’Etudes du 5 mai 2006, L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient 2000-2006, éd. Presses Revue
d’Etudes, 32 rue Delizy, Pantin, 2006, p. 45 dans le dossier du mois où l’auteur fait mention de l’appartenance
de l’Algérie à La Ligue des Etats arabes, à l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP), au
Fond arabe pour le développement économique et social, au Fond monétaire arabe, au Conseil de Coopération
du Golfe (CCG) ainsi qu’à l’Union du Maghreb arabe (UMA).
9
http://www.ceri-sciencespo.com/publica/question/qdr24.pdf p. 5 consulté en 2009-09-29
10
Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera. Regards sur la voie chinoise, éd. Fayard,
Paris, 1974, p. 450 dans la partie F, intitulée Phase d’accélération et d’incertitudes économiques (1958-1965).
L’expression de « Grand bon en avant » désigne les années fastes de la Chine lors desquelles les objectifs
économiques prévues par le Plan ont été atteints en deux ans au lieu de cinq ans.
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fait un don de 200 000 dollars destiné au programme de formation de


l’OMC en faveur des pays en développement11. D’après Pékin, cette
mesure s’inscrit dans la continuité d’une coopération sud/sud qui, comme
on l’a vue, repose sur une forme de connivence diplomatique avec les
pays en voie de développement. Cette adhésion à l’OMC accroit la
légitimité de la Chine auprès des 53 pays africains dont l’Algérie.
D’ailleurs, en février 2004 c’est Hu Jin Tao lui-même qui s’est déplacé pour
définir les termes de la coopération bilatérale avec l’Algérie, ce qui a accru
le volume des échanges (qui a atteint 1,77 milliards de dollars). Cette
« présence chinoise » au sein de 48 pays d’Afrique a donné lieu à une
importante politique économique, le Plan d’Action de Beijing de 2007-2009
qui a la particularité d’être multisectorielle et d’engendrer de nouvelles
« situations ».

Etat des lieux de la question

Pour alimenter sa croissance, Pékin organise sa politique extérieure en


s’insérant dans la « trajectoire économique » des pays en voie de
développement, a fortiori lorsqu’ils possèdent des réserves pétrolières ou
gazières susceptibles de répondre aux besoins de l’économie chinoise.
Comme cette insertion économique ne peut pas se suffire à elle-même, il
a bien fallu que la Chine se rende indispensable auprès du régime
concerné. De plus, Abdelaziz Bouteflika et Hu Jintao sont respectivement
en quête d’une stabilité politique qui sera synonyme de consolidation de la
croissance. Or, depuis 1999, la conjoncture économique algérienne étant
favorable à une augmentation du prix du pétrole, tous les éléments
semblaient réunis pour amorcer une politique de grands travaux visant à
reconstruire et moderniser l’Algérie. Ce plan d’investissement public,
11
http://www.wto.org/french/ le 30/08/2008
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estimé à environ 120 milliard de dollars, attire un bon nombre


d’entreprises étrangères spécialisées dans le BTP (tel que Vinci
Construction) et parmi elles, les grands groupes chinois (China State
Construction ENGRG Corp). Près de 80 % des appels d’offres sont
remportés par les asiatiques qui proposent un rendement maximum, des
coûts minimes et des délais d’exécution défiant toutes concurrences.
Cette « présence économique chinoise » représente une opportunité sans
équivalent pour le Ministre des Investissements Hamid Temmar, en charge
du budget de reconstruction, qui fait jouer la concurrence internationale
afin de saisir l’offre la plus intéressante en sachant qu’il est difficile de
s’aligner sur celle des groupes chinois. Il semblerait qu’ils aient obtenu 9
milliards de dollars pour bâtir l’autoroute située au nord de l’Algérie qui
reliera la Tunisie et le Maroc. Ces travaux s’étendent sur 1200 km, de
Tlemcen à El Tarf, et pourtant les chinois s’engagent à construire cette
autoroute en moins de quarante mois. Par ailleurs, le groupe China
Petroleum Engineering & Construction (CPECC), qui représente une filiale
de China National Petroleum Corporation (CNPC), a eu l’autorisation de
s’implanter sur la côte Est de l’Algérie à Skikda, afin de participer à la
raffinerie du pétrole. En conséquence, la « présence économique
chinoise » en Algérie traduit une forme d’interdépendance économique
même si dans les faits le rapport de force n’est pas équitable.

Si cette « présence économique chinoise » permet au gouvernement


d’Ahmed Ouyahia de respecter ses objectifs, à savoir la création d’un
million de logement d’ici à la fin du mandat présidentiel, elle génère
également un sentiment de mécontentement général auprès de la
population locale qui se trouve littéralement exclue de ce projet de
modernisation nationale. La croissance économique algérienne qui s’élève
à 5% attire en premier lieu les immigrants chinois aux dépens d’une main
d’œuvre locale peu qualifiée mais, elle engendre par ailleurs un certain
nombre d’externalités négatives telles que le chômage qui viennent
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fragiliser ce dynamisme économique. Par voie de conséquence, la


compétition déloyale entre les ouvriers chinois et ceux d’Algérie fut
inévitable. De plus, certains des ouvriers locaux en provenance du Sud ou
des Hauts Plateaux ont le sentiment de se faire voler leurs emplois par ces
étrangers venus d’Asie. Un mouvement social pourrait facilement naitre à
la suite de cette vague de mécontentement et faire vibrer la fibre
populiste, ce qui fragilisera la politique économique du gouvernement.
Conformément au modèle issue des sciences politiques décrivant le
processus dit « Top-down », « Bottom-up », cette vague d’immigration
asiatique va faire l’objet d’une demande sociale « input » à laquelle le
gouvernement algérien se devra de répondre par une action positive
« output », sous peine de perdre la confiance de sa population qui, de
facto migrera en Europe. En quelque sorte, l’Etat algérien prendra en
charge une inégalité dont il est la cause. Pour Ahmed Ouyahia la
« présence chinoise » sur le territoire nationale place l’équipe
gouvernementale au devant d’un problème assez délicat, d’une part, elle
permet à l’Algérie d’exporter son pétrole malgré la hausse des prix mais
de l’autre, elle menace sa cohésion socio-économique interne à cause
d’une compétition devant laquelle les entrepreneurs et les ouvriers
paraissent désœuvrés. Etant donné qu’un ouvrier chinois accepte de
travailler près de douze heures par jour dans la précarité et que, ces
conditions de travail sont jugées inacceptables par les ouvriers algériens,
lorsque les entrepreneurs devront choisir entre l’un et l’autre, il est
évidemment plus rentable pour lui de favoriser le nouvel arrivant
asiatique. En raison de l’autre versant de cette « présence économique
chinoise » en Algérie, c’est l’entrepreneur qui va se trouver lésé à son
tour. En effet, celle-ci ne se limite pas uniquement aux secteurs du BTP ou
de l’exploitation de l’hydrocarbure, elle se diversifie également en fonction
de la demande locale et ce, notamment dans le commerce de proximité :

Graphique de l’Office National des Statistiques d’Algérie (note de


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bas de pages n°12)

Les principales caractéristiques de l’indice ci-dessus

- La population de référence est constituée de l’ensemble des


ménages d’Alger, de toutes tailles et toutes catégories
socioprofessionnelles.
- L’indice se compose de 260 articles représentés par 732 variétés
sélectionnées sur la base de critères tels que la dépense annuelle, la
fréquence de la dépense et l’utilité.
- La classification des biens et services consommés en groupes, sous
groupes, articles est proche de celle recommandée par l’ONU dans le
système de comptabilité nationale de 1970.
- L’indice national est élaboré selon la même démarche, c’est-à-dire à
partir de l’observation des prix auprès d’un échantillon de 17 villes et
villages représentatifs du territoire national et répartis d’après les
strates géographiques de l’enquête sur les dépenses de
consommation.
- Les relevés de prix sont effectués périodiquement auprès d’un
échantillon de points de vente selon un programme d’enquêtes fixé

12
http://www.ons.dz/IMG/pdf/TABLEAU6-8.pdf consulté 2009-09-30. (Cette description succincte de la
méthodologie adoptée par l’Office National des Statistiques d’Algérie sert bien entendu notre argumentation,
mais sa mise en lumière laisse également la place aux critiques éventuelles.)
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pour chaque groupe de sous produits.


A première vue ce qui ressort du graphique ici présent, c’est la baisse
significative de l’indice générale des prix qui a débuté au mois de Mai et
s’est achevée au mois de Septembre. Il semblerait que nous pouvons
partiellement attribuer cette baisse des prix à la « présence économique
chinoise » en Algérie car, les commerçants locaux auraient probablement
eût tendance à augmenter les prix de vente plutôt que de les baisser, et
ce, afin de pallier au ralentissement de la consommation a fortiori en
période d’inflation. Or, conformément à notre hypothèse cette « présence
chinoise » en Algérie, qui a la particularité d’être protéiforme et de
s’adapter à la « trajectoire économique » où elle se situe, a répondu à la
poussée inflationniste algérienne en se lançant dans le commerce de
proximité. Les acteurs chinois ont réorganisé leurs stratégies en fonction
du contexte économique algérien en revoyant leurs prix de vente à la
baisse. Cela a donc faussé la concurrence avec les commerçants locaux
qui ont dû tenter de s’aligner sur les prix des acteurs chinois afin de ne
pas perdre leurs clients ; en sachant que, les revendeurs algériens ne
peuvent aller au delà d’un certain seuil sans encourir de risques et
déposer le bilan. Progressivement, les commerçants chinois avaient toute
la latitude pour instaurer de facto une situation de monopole et à terme,
de rehausser les prix de vente comme l’indique l’évolution des prix depuis
le mois de Septembre 2008 jusqu’au mois de Janvier 2009. Cette baisse
provisoire des prix à la consommation, que nous avons attribuée en partie
à la « présence économique chinoise » en Algérie, indique que les acteurs
chinois ont engendré une « économie de la rente » que Jean-François
Bayart nomme : « politique du ventre ». En effet, ces derniers semblent
avoir répondu à un besoin ponctuel des ménages en matière de pouvoir
d’achat en atténuant par ailleurs les effets de l’inflation sans l’endiguer
pour autant :

Graphique du Ministère de l’Economie et des Finances (note de bas


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de pages n°13)

13

Si nous effectuons une comparaison entre ce graphique (élaboré par le


Ministre des Finances Djoudi Karim) et celui de l’Office Nationale des
Statistiques d’Algérie, on peut tout aussi bien affirmer que cette inflation
est d’ordre conjoncturel compte tenu de l’évolution des prix à la
consommation depuis 1999. En effet, le graphique met en perspective
cette évolution sur une période plus étendue que celle que nous avons
étudié précédemment, et il apparait assez distinctement que
d’importantes baisses de prix sont observables durant les années 2000,
2002 et 2005. Cela signifie que ces baisses de prix ont également eu lieu
bien avant que les acteurs asiatiques n’interviennent dans le champ
économique algérien et ne fassent à leur tour baisser les prix comme nous
pouvons le constater actuellement. Rappelons qu’avant la mise en œuvre
du Plan d’Action de Beijing de 2007-2009 en Algérie, la stratégie adoptée
par Pékin était basée sur la prospection économique et l’observation
scrupuleuse du contexte national algérien. Toutefois, il y a un point sur
lequel les deux graphiques se rejoignent, notamment au sujet de l’année
2008 et concernant l’analyse du plan national, ils s’accordent sur l’idée
selon laquelle les conséquences négatives de l’inflation ont pu être

13
http://www.mf.gov.dz/ consulté le 06/10/2009. Voir dans « Situation économique » à la rubrique sur les
indicateurs.
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relativement endiguées par rapport aux années précédentes. Notons que


ces indicateurs reflètent la réalité économique algérienne à l’échelon
wilayal (ce terme désigne l’échelle nationale) et en particulier celle des
villes du nord telles que Sétif, Alger, Constantine, Sidi Bel Abès qui ne sont
pas représentatives de l’ensemble du territoire mais, en raison de leur
attractivité, elles drainent les capitaux étrangers et de nouveaux arrivants
chinois : en somme, cette analyse appréhende une zone très restreinte du
pays qui concentre l’essentiel des externalités positives, à savoir le
maillage infrastructurel, les réseaux de villes, les équipements de
formation ainsi que de nombreux autres facteurs qui facilitent l’inscription
du Nord de l’Algérie dans la mondialisation. Quant au reste du territoire,
les Hauts Plateaux et le Sud qui cumulent des désavantages
géographiques et climatiques, ils demeurent littéralement exclus du
dynamisme économique algérien et ignorés par la politique africaine de
Pékin. L’étude de la « trajectoire économique » algérienne présente une
caractéristique assez singulière qu’il semble important de relever avant
d’aborder l’aspect identitaire de notre sujet : si les acteurs étatiques et
non-étatiques d’un pays donné ne sont pas les principaux artisans du
mouvement de leur société civile, alors on peut affirmer que le politique
est « absent » de sa « trajectoire économique ». Enfin, la formation de
pôles de compétitivité (comme au Nord de l’Algérie) ne saurait être un
critère suffisant pour estimer que la croissance d’un pays en voie de
développement sera durable.

L’enjeu identitaire et religieux

Les relations entre chinois et algériens auraient probablement été plus


apaisées si le taux de chômage n’était pas aussi important 14 et, si les
14
http://www.ons.dz/EMPLOI-ET-CHOMAGE-2008.html consulté le 19 septembre 2009. D’après l’Office
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ressortissants asiatiques avaient réellement l’intention de s’intégrer à la


société civile en respectant les mœurs et les coutumes locales. Or, il ne
semble pas que ce soit le cas au vu de l’incident qui a eu lieu à Bab
Ezzouar le 3 août dernier15. Selon la presse, Jiang Yu, le porte parole du
Ministère des Affaires Etrangères de Chine, a exhorté le gouvernement
algérien à prendre des mesures et calmer le jeu entre les différents
protagonistes. De son côté, l’ambassade chinoise en Algérie a envoyé un
représentant sur les lieux des affrontements afin d’apaiser la situation 16,
en insistant auprès des immigrants chinois sur la nécessité de respecter
les us et coutumes du pays dans lequel ils résident. D’ailleurs dans une
lettre ouverte adressée aux citoyens algériens17, les commerçants chinois
de Bab Ezzouar ont tenu à mettre en évidence la longue amitié qui lie les
deux peuples et que l’altercation du 3 août entre deux groupes d’individus
ne devait nullement aller à l’encontre des relations sino-algériennes. En
somme, Pékin perçoit cet incident comme un fait isolé et tente de
minimiser l’importance des évènements. On peut comprendre que le
régime chinois veuille apaiser ses rapports avec l’Algérie et d’autres pays
arabes de l’OPEP car, « Il n’est pas inutile de se souvenir ici des traditions
politiques du Dar el Islam qui sont celles d’un monde solidaire, d’une
maison unique qui abrite l’ensemble des croyants. Bien que répartis entre
des Etats, les Arabes ont le sentiment, profondément enraciné,
d’appartenir à une même nation, une nation qui est celle des Arabes, eux-
mêmes englobés dans la communauté plus large des musulmans »18. En
passant sous silence la dimension identitaire et religieuse liée à l’incident
de Bab Ezzouar, Pékin tente d’éviter l’érosion de ses réseaux arabo-
musulmans concernant l’importation d’hydrocarbure, et un boycott
généralisé qui serait préjudiciable pour son économie. A défaut d’être

National des Statistiques d’Algérie, le taux de chômage s’élève à 11, 3 %.


15
http://www.liberation.fr/monde/0101584631-les-chinois-un-casse-tete-algerien consulté le 2009-09-30
16
http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2009-08-06/incidents-a-alger-la-chine-appelle-l-algerie-a-prendre-des-
mesures/924/0/367209 consulté le 2009-10-12
17
http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/revolte/lettre_ouverte.htm consulté le 2009-10-12
18
Maurice Flory, Robert Mantran, Bahgat Korany, Michel Camau, Pierre Agate, Les régimes politiques arabes,
éd. PUF, collection THEMIS dirigée par Maurice Duverger, Paris, 1990 p. 98 dans La présence internationale du
monde arabe
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convaincante, la position de Pékin à propos du conflit à Bab Ezzouar a le


mérite d’être cohérente : la lettre ouverte à mis en évidence « l’âge
ingrat » des deux intéressés afin de mettre en avant l’aspect sociétal du
problème de la cohabitation entre ces cultures. « L’illusion d’une identité
unique, qui sert les desseins violents de ceux qui orchestrent ces
affrontements, est savamment cultivée et entretenue par ceux qui
ordonnent les persécutions et les carnages. Il n’est guère étonnant de
constater que l’illusion d’une identité unique, prête à être exploitée pour
servir les conflits, attire ceux qui font profession d’attiser les violences, et
c’est bien cette idéologie réductrice qui est recherchée. »19 Même si la
Chine est devenue une puissance économique, elle a tendance à négliger
ce que l’époque contemporaine considère comme le « quatrième
pouvoir » : la capacité de nuisance des médias et leur influence avérée,
peut fragiliser n’importe quelle politique extérieure en révélant ses failles
au grand public. Par exemple, la crise qui a éclaté dans la province
chinoise du Xinjiang au Nord-ouest le 5 juillet dernier, a été relatée par la
presse internationale de manière à ce que l’appartenance religieuse des
victimes soit précisée20, ce qui a suscité de vives réactions au sein du
monde musulman. Au vu de ces représailles perpétrées contre la minorité
Ouïgour à Urumqi21 et des violences entre chinois et algériens à Bab
Ezzouar qui ont eu lieu durant l’été, le risque d’effectuer un amalgame
sémantique et créer ainsi un malentendu entre la Chine et le monde
musulman était inévitable.

Comme l’a décrit le Figaro : la Chine s’est retrouvée au devant d’un « choc
des civilisations », alors qu’elle n’était que spectatrice des conflits entre
l’occident et le monde arabo-musulman. Le Premier Ministre turc Recep

19
Amartya Sen, traduit de l’anglais par Sylvie Kleiman-Lafon (2006), Identité et violence. L’illusion du destin,
éd. Odile Jacob, Paris, 2007, p. 239 dans Une violence cultivée
20
http://www.lefigaro.fr/international/2009/07/16/01003-20090716ARTFIG00222-al-qaida-cible-les-chinois-en-
afrique-du-nord-.php consulté le 2009-10-13
21
L’ethnie Ouïghours est une des nombreuses minorités chinoises mais elle a la particularité d’être de confession
musulmane.
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Tayyip Erdogan s’est dit prêt à accorder un visa à la dissidente ouïgoure


de 62 ans, Rebiya Kadeer qui vit en exil aux Etats-Unis, et que la Chine
accuse d’avoir fomenté les émeutes d’Uruqmi. A l’échelle supranationale,
l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) a déploré un usage
disproportionné de la force envers les musulmans du Xinjiang.
Conformément au processus « Bottom-up », que nous avons mentionné
auparavant, des faits locaux ont eu des répercussions effectives sur la
scène internationale. Ce qui nous intéresse ici ce ne sont pas tant, les
différentes réactions des acteurs officiels du monde musulman, qui
exigent de la Chine une réponse positive qu’elle est en mesure d’apporter
en matière de liberté de culte ; mais, il s’agit de porter le regard sur les
menaces de la branche maghrébine d’Al Qaeda (AQMI)22. Un rapport du
cabinet londonien « Stirling Assynt » spécialiste en analyse des risques,
dont une copie a été rendue publique par l’AFP, fait état de la
détermination d’Al Qaeda de s’en prendre aux ouvriers chinois en Algérie.
Il semblerait que ce bureau d’étude britannique se soit fondé sur le
contenu des forums de discussions islamistes – des milliers d’entre eux
sont créés par les services de renseignements pour sonder et identifier
des profils – dont le but est d’établir un diagnostique 23. Sana Harb, qui a
rédigé l’article intitulée « Al Qaïda du Maghreb contre une Chine
antimusulmane ? », rejoint visiblement notre hypothèse sur les
conséquences de l’impact médiatique sur la société. Selon elle,
l’emballement des journalistes au sujet d’une menace qui somme toute,
est encore non avérée, risque de devenir effective. En effet, les chinois ne
constituaient pas une cible intéressante pour les djihadistes dont le vœu
est de se faire entendre, car un attentat à l’encontre des acteurs chinois
en Algérie24 n’aurait pas donné lieu à un traitement médiatique important,
qu’en est-il aujourd’hui ? L’AQMI a-t-il fait perdre « l’avantage sécuritaire »
au chinois au profit des concurrents occidentaux ? Ce qui est dit en
substance à la fin de l’article, c’est que la réaction de l’AQMI fait le jeu des
22
http://actualite.el-annabi.com/article.php3?id_article=10099 consulté le 2009-10-15
23
http://www.algerie-focus.com/2009/07/19/al-qaida-du-maghreb-contre-une-chine-%C2%ABantimusulmane
%C2%BB/ consulté le 2009-10-15
24
Par ailleurs, dans son article Sana Harb précise que certains des expatriés en Algérie sont Ouïgours.
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occidentaux qui se réjouissent de percevoir l’unique faille d’une politique


africaine parfaite. Mais dans le fond, la situation en Afrique du Nord peut
devenir problématique pour la Chine, et y compris pour les pays
occidentaux : d’une part, les forces occidentales peuvent appuyer de
façon informelle les organisations terroristes et trouver un accord dans le
but de nuire aux intérêts chinois en Afrique. Mais, une fois que l’ennemi
commun sera écarté de la scène africaine et qu’une organisation terroriste
aura été renforcée, la situation s’enlisera comme en Afghanistan. D’autre
part, le régime de Pékin pourrait se déclarer en lutte contre le terrorisme
après avoir fournit les preuves d’un lien existant entre Al Qaeda et le
Congrès Mondial Ouïgour (CMO) de Rebiya Kadeer25. Par la suite, la Chine
sera contrainte de trouver une autre source d’approvisionnement en
hydrocarbure, en perdant au passage l’accès privilégié aux ressources et
le crédit qu’elle avait en Afrique. En conséquence, ces errances tactiques
laissent un espace vacant que l’Etat algérien peut utiliser afin de
développer une « stratégie d’extraversion »26.

Sur le plan de la « realpolitik », la politique africaine de Pékin semble


parfaite : concernant sa forme diplomatique, elle n’apparait pas comme
une ingérence. « Le fait est que, suivant les termes de l’article 2 du
paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies, rien n’interdit, en droit, une
ingérence, à la condition que celle-ci n’entraine pas une menace à
l’encontre de l’intégrité territoriale ou de l’indépendance du pays dans
laquelle cette dernière pourrait avoir lieu. »27 Elle semble éviter l’écueil de
25
Notons que ce lien n’irait pas de soi car Rebiya Kadeer a rejeté l’appel au djihad lancé par l’AQMI
http://www.france24.com/fr/20090715-dissidente-ouighoure-appel-violence-al-qaida-chine-xinjiang consulté le
2009-10-15
26
Jean-François Bayart, Achille Mbembé et Comi Toubalor, op. cit, p. 259 : l’extraversion est une stratégie
politique qui consiste à se soustraire d’une situation de dépendance afin d’en tirer avantage.
27
Sous la direction d’Alain Renaut , coordonné par Ludivine Thiaw Po Une, Encyclopédie de la culture politique
contemporaine Tome III sur les Théories, éd. Hermann, Paris, 2008, p. 429 dans le Droit d’ingérence
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l’impérialisme à l’occidentale en s’adressant aux pays en voie de


développement « d’égal à égal ». Pourtant, comme on a pu le constater, le
contenu de cette politique africaine possède toutes les caractéristiques
d’une ingérence d’ordre économique. Elle consolide indirectement un
« statut quo » en apportant son soutien à la majorité : d’une certaine
manière, elle pèse sur la vie politique sans nuire à la souveraineté, ce qui
prouve peut-être la caducité de cette notion. De plus, l’allégeance, la
loyauté et le dévouement des chinois expatriés vis-à-vis du pouvoir
central, apporte une consistance supplémentaire lors de la mise en œuvre
de cette politique extérieure en Afrique. Ce lien, qui assure la cohésion
entre la nation et sa diaspora à travers le monde, et ce, en dépit des
différences ethniques, les chinois l’appellent le « guanxi »28. C’est un
« nationalisme identitaire et déterritorialisé » qui semble rompre avec
l’idéologie nationaliste du XIXème siècle29 : d’ailleurs, « La théorie de
l’affiliation unique est en réalité difficilement justifiable si l’on a recours à
l’idée simpliste selon laquelle une personne appartient à un groupe donné
et à un seul. Il est évident que nous appartenons tous à de nombreux
groupes. On ne peut non plus justifier pareille théorie en affirmant qu’en
dépit de la diversité des groupes auxquels appartient un individu, il existe
toujours un groupe qui constitue pour cet individu l’entité collective
prééminente, et que l’individu en question n’a pas le pouvoir de décider
de la relative importance des groupes auxquels il appartient. »30 En
somme, la modernisation du nationalisme chinois apparait par le biais des
différentes ethnies qui composent la nation chinoise. On en dénombre
environ 56, cette multiplicité nuance la tendance nationaliste des Hans et
atténue l’impérialisme propre à toutes nations ayant la volonté de

28
Revue française d’études constitutionnelles et politiques, La Chine après Deng N°81, publiée avec le concours
du Centre National du Livre, éd. Seuil, Paris, 1997, p. 123 dans Les réseaux d’influence : « Depuis les années
1960, nombreux sont les chercheurs occidentaux ou chinois à avoir constaté l’influence, en Chine, des logiques
de réseaux de relations qui organisent l’échange social. Ces formes particulières de liens interpersonnels se
manifestent à travers un concept, qui est aussi un art, l’art des guanxi (relations) ou guanxixue. »
29
Jean-Luc Domenach, op. cit, p. 169 : « Le rôle nouveau du nationalisme présente cependant des inconvénients
qui pèsent sur la politique du pays. Ainsi, les promesses nationalistes exigent des résultats sensibles, et cela
d’autant plus que l’engagement économique dans le monde fait d’abord connaitre son coût à la majorité, quand
les privilégiés en profitent les premiers. »
30
Amartya Sen, op. cit, p. 51 dans Affiliations plurielles et contexte social
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s’imposer sur la scène internationale.

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