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Annuaire français de droit

international

Le développement progressif du droit commercial international. Un


nouveau programme juridique de 1'O.N.U
Ambassadeur Endre Ustor

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Ustor Endre. Le développement progressif du droit commercial international. Un nouveau programme juridique de 1'O.N.U. In:
Annuaire français de droit international, volume 13, 1967. pp. 289-306;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1967.1933

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1967_num_13_1_1933

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ORGANISATIONS INTERNATIONALES UNIVERSELLES

DEVELOPPEMENT PROGRESSIF
DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL :
UN NOUVEAU PROGRAMME JURIDIQUE DE L'ONU

Endre USTOR (*)

L'Assemblée générale des Nations Unies, sur la recommandation unanime


de la Sixième Commission, a décidé, également à l'unanimité (1) , d'établir
une nouvelle commission permanente, la Commission des Nations Unies pour
le développement du droit commercial international (CNUDCI). Cet
organisme a pour tâche d'encourager l'unification et l'harmonisation progressives
du droit commercial international, notamment :
a) En coordonnant les activités des organisations qui s'occupent de ces
questions et en les encourageant à coopérer entre elles;
b)1 En favorisant une participation plus large aux conventions
internationales existantes et une acceptation plus générale des lois-types et lois
uniformes existantes;
c) En préparant de nouvelles conventions internationales et des lois-
types et lois uniformes nouvelles ou en encourageant l'adoption de tels
instruments, ainsi qu'en encourageant la codification et une acceptation plus

(*) Endre Ustor, Docteur en droit, Ambassadeur, jurisconsulte en chef du Ministère


hongrois des Affaires étrangères, membre de la Commission du droit international,
associé de l'Institut de droit international, représentant de la Hongrie à la Sixième
Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies, 1957-1966. - Publications
principales récentes : Le Droit des relations diplomatiques, Budapest 1965 (en hongrois);
Progressive Development of International Law and the United Nations, dans : The
Indian Journal of International Law, Vol. VI, n° 3, 1966.
(1) Résolution 2205 (XXI) adoptée le 17 décembre 1966. Sur les origines de cette
résolution, cf. Raton, A.F.D.I., 1965, pp. 613-616 et 1966, pp. 322-327.

20
290 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

générale des termes, règles, usages et pratiques du commerce international,


en collaboration chaque fois que cela est approprié avec les organisations
qui s'occupent de ces questions;
d) En recherchant les moyens d'assurer l'interprétation et l'application
uniformes des conventions internationales et des lois uniformes dans le
domaine du droit commercial international;
e) En rassemblant et en diffusant des informations sur les législations
nationales et sur l'évolution juridique moderne, y compris celle de la
jurisprudence, dans le domaine du droit commercial international;
/) En établissant et en maintenant une étroite collaboration avec la
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement;
g) En assurant la liaison avec d'autres organes des Nations Unies et
des institutions spécialisées qui s'intéressent au commerce international;
h) En prenant toutes autres mesures qu'il juge utiles à
l'accomplissement de ses fonctions.
Le lancement d'un programme juridique tout à fait nouveau et d'une
haute portée est un événement peu banal dans l'histoire mouvementée de
l'ONU. C'est une décision importante de l'Assemblée générale, décision
à laquelle ne peuvent qu'applaudir ceux qui croient que les juristes doivent
eux aussi assumer un rôle dans l'organisation meilleure du monde, que les
efforts de ce genre sont nécessaires et même promettent de ne pas rester
sans résultat, pour le moins, dans le domaine du commerce international.
Adoptée sur initiative de la délégation hongroise, la résolution répondait
aux aspirations d'un grand nombre. Comme le représentant de la Hongrie
l'a fait remarquer à la Sixième Commission de l'Assemblée générale (894e
séance) : II est paradoxal que le commerce international qui tend à
l'universalité soit régi par des législations dont la diversité est extrême. Cette
situation devenue anachronique doit être changée ou du moins améliorée.
Le changement de l'infrastructure économique exige forcément le
changement de la superstructure juridique pour que celle-ci ne devienne pas
un obstacle au progrès ultérieur. Cette vérité se fait jour particulièrement
en matière de commerce international. Le changement des conditions
économiques ne consiste pas seulement, par suite du développement technique,
à relier les Etats les uns aux autres par un réseau de plus en plus épais
et serré du commerce mondial, mais il se manifeste aussi dans le fait que
de nombreux nouveaux Etats économiquement sous- développés ont joint
la communauté des nations indépendantes.
C'est dans l'intérêt de ces nations que l'UNCTAD a énoncé son sixième
principe général : « Le commerce international est l'un des facteurs les plus
importants du développement économique. Il doit être régi par des principes
compatibles avec la réalisation du progrès économique et social et ne doit
pas être entravé par des mesures incompatibles avec cet objectif... ■».
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 291

La nécessité de procéder à des changements, à l'unification et à


l'harmonisation du droit commercial, a depuis longtemps été reconnue par les
milieux scientifiques, et de plus en plus nombreux sont ceux qui, dans la
littérature comme dans les organisations internationales, insistent pour
concentrer les efforts scientifiques et les faire progresser vers des réalisations
pratiques (2) .
L'initiative a été bien reçue par l'Institut international pour l'unification
du droit privé de Rome, tout comme par la Conférence de La Haye de droit
international privé. Les deux institutions internationales ont exposé par
écrit leurs points de vue (3) et se sont fait représenter aux délibérations de
la Sixième Commission par leurs secrétaires généraux respectifs. Prenant
la parole à la Commission, tant M. Matteucci (UNIDROIT) que M. Hoogstra-
ten (Conférence de La Haye) se sont prononcés en faveur d'une action des
Nations Unies (4). L'initiative a eu une répercussion favorable dans les
milieux commerciaux, ce qui a amené la Chambre de commerce
internationale de Paris à s'y associer par une résolution adoptée à l'unanimité (5) .
Un autre signe de l'accueil prompt et favorable a été la suite que le
Secrétariat de l'ONU a donnée à l'appel contenu dans la résolution 2102 (XX)
par laquelle l'Assemblée générale a prié le Secrétaire général de lui
soumettre :
a) Un exposé des travaux accomplis dans le domaine de l'unification
et de l'harmonisation du droit commercial international;
b) Une analyse des méthodes et moyens propres à assurer l'unification
et l'harmonisation des diverses matières, notamment de la question de savoir
si certaines matières se prêtent mieux à une action régionale, interrégionale
ou mondiale;
c)1 Une indication des organes de l'Organisation des Nations Unies et
des autres organismes auxquels on pourrait confier des responsabilités en
vue d'encourager la coopération dans le domaine du développement du droit
commercial international et de favoriser l'unification et l'harmonisation
progressives de ce droit.
Le rapport du Secrétaire général, intitulé « Le développement progressif
du droit commercial international» (6), a été préparé par le Service juridique
du Secrétariat de l'ONU sur la base d'une étude préliminaire de M. Clive M.

(2) Entre autres, le professeur Romachkine (Union Soviétique) , A. Goldstajn (Yougoslavie)


et E. Boka (Côte d'Ivoire) dans Schmitthof : The Sources of the Law of International Trade,
Londres 1964; Arthur A. Dean (Etats-Unis) dans International Law in a Changing World,
New York, 1963; le professeur Matteucci (Italie) à la IIIe Rencontre des organisations
s'occupant de l'unification du droit (Annuaire de l'UNIDROIT pour l'année 1963, p. 216); le
professeur Yasseen (Irak) dans le Recueil des cours de l'Académie de droit international, 116
(1965, III), p. 389; le professeur Limpens (Belgique) au Congrès de l'Académie internationale
de droit comparé, tenu à Upsala en 1966, etc.
(3) A/6396/Add.l.
(4) 946° séance.
(5) A/6396/Add.2.
(6) A/6396, A/6396/Add.l et Add.2.
292 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Schmitthof, professeur au City of London College, dont le Secrétaire général


s'était assuré le concours à cette fin. Les experts suivants ont également été
consultés : Mme Margarita Arguas (Argentine), M. Taslim O. Elias (Nigeria),
M. Gyula Eôrsi (Hongrie), M. Willis L. Reese (Etats-Unis d'Amérique) et M.
Moustafa Kamil Yasseen (Irak).
Les limites de cet article ne permettent pas de donner une analyse
détaillée du rapport comprenant quatre-vingt-une pages et complété par dix
annexes qui remplissent à peu près le même nombre de pages. Toutefois, un
résumé en peut être donné sur la base du rapport de la Sixième
Commission (7) :
- Le chapitre premier du rapport du Secrétaire général analyse la notion de
« droit commercial international » et expose les deux techniques juridiques
utilisées pour réduire les conflits de lois et les divergences qui résultent de la
diversité des législations nationales régissant les questions relatives au
commerce international, à savoir l'établissement de règles en matière de conflits
de lois et l'harmonisation des règles normatives. Le chapitre II passe en revue
les travaux effectués, dans le domaine de l'harmonisation et de l'unification du
droit commercial international, par des organisations intergouvernementales,
des organisations et groupements intergouvernementaux régionaux et par des
organisations non gouvernementales. Le chapitre III contient une analyse
des techniques et des méthodes d'unification et d'harmonisation du droit
commercial international ainsi que des matières à unifier et à harmoniser. Au
chapitre IV du rapport qui étudie le rôle que pourraient jouer les Nations
Unies en la matière, le Secrétaire général donne un tableau des progrès
accomplis et des obstacles rencontrés au cours des travaux effectués et
recommande des mesures pour remédier aux déficiences actuelles. Il prévoit
notamment la possibilité pour l'Assemblée générale de créer une nouvelle
commission, qui pourrait être désignée sous le nom de Commission des Nations Unies
pour le droit commercial international et qui serait chargée de favoriser le
développement progressif du droit commercial international.
Au cours des délibérations de la Sixième Commission tous les orateurs ont
approuvé le rapport du Secrétaire général et félicité le professeur Schmitthof
et les autres experts de leur contribution à son élaboration.
L'auteur du présent article, délégué de la Hongrie a, dans son intervention,
comparé le rapport au document que le Secrétariat avait élaboré en vertu
de la résolution 175 (II) de l'Assemblée générale en date du 21 novembre 1947.
Par cette résolution, l'Assemblée générale avait chargé le Secrétaire général
de faire le travail préparatoire nécessaire pour le commencement de l'activité
de la Commission du droit international, après quoi le Secrétaire général
a sollicité le concours du professeur Hersch Lauterpacht. C'est de cela qu'a
résulté l'étude intitulée « Examen d'ensemble du droit international en vue
des travaux de codification de la Commission du droit international », une
œuvre qui est depuis devenue classique et qui a donné un essor décisif au
commencement de l'activité de la CDI.

(7) A/6594, par 8.


LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 293

Au cours des débats à la Sixième Commission, on a exprimé l'opinion que


les pays en voie de développement avaient particulièrement besoin d'un droit
commercial approprié et moderne en vue de s'assurer l'égalité en droits dans
le commerce international. La Conférence de La Haye de droit international
privé, dans ses observations faites par écrit, a souligné que l'action envisagée
avait une actualité particulière pour les pays en voie de développement, qui,
en participant pleinement aux activités proposées au lieu de faire des
dispositions législatives par voie autonome, pourraient devenir les principaux
bénéficiaires de l'action, grâce au processus d'harmonisation de grande envergure
de leurs systèmes juridiques respectifs.
Le délégué hongrois a cependant fait remarquer aussi que l'unification
et l'harmonisation du droit commercial profiterait aux Etats développés
également par l'élimination du gaspillage d'efforts causé par la diversité des
législations nationales. Pour illustrer la situation peu satisfaisante qui existe,
il s'est référé au livre d'un savant soviétique (8) , qui, dans une annexe,
énumère les lois de prescription de cinquante deux Etats. L'énumération remplit
trente pages et s'accompagne de classifications avec références à près de mille
sources juridiques. En ce qui concerne la question principale posée par le
rapport du Secrétaire général, notamment celle de savoir s'il y a une chance
réelle de succès ou si la tâche est trop difficile pour donner des résultats
concrets, le délégué hongrois a rappelé les doutes similaires qui avaient dû
s'emparer de ceux qui, en 1946 et 1947, avaient procédé à la codification et au
développement progressif du droit international public et décidé de créer
la Commission du droit international. Comme le rapport du Secrétariat a fait
remarquer à l'époque, le critère décisif ne doit pas être la facilité avec laquelle
la tâche de codification d'une branche particulière du droit international peut
être accomplie, mais le besoin de la codifier. Il en est ainsi, mutatis mutandis,
de la tâche dont il s'agit actuellement.

Le débat à la Sixième Commission a été résumé succinctement par le


rapporteur, M. le professeur Arangio-Ruiz (Italie) (9), qui l'a réduit à la
discussion des questions suivantes : fonctions de la commission envisagée,
collaboration avec d'autres organisations, relations avec la Conférence des Nations
Unies sur le commerce et le développement, nombre et répartition des sièges
de la commission et durée du mandat de ses membres, lieu de réunion de la
commission et date de sa première session (10). Ici, l'auteur ne désire que
toucher à certains aspects de la question sans pour autant prétendre en faire
un exposé détaillé.

La CNUDCI et l'UNCTAD

Les relations entre la nouvelle commission et la Conférence des Nations


Unies sur le commerce et le développement demandent à être expliquées.
Le 9 décembre 1965, à la 893e séance de la Sixième Commission, le
délégué hongrois a donné les raisons pour l'initiative hongroise de soumettre la
proposition à l'Assemblée générale en ces termes :
« II est évident que la question est en rapport étroit avec les tâches de la
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, constituée
par la résolution 1995 (XIX) en tant qu'organe de l'Assemblée générale. Cette

(8) D.M. Guenkine : Le règlement juridique du commerce extérieur de l'URSS, Moscou,


1961 (en russe et en allemand) .
(9) A/6594.
(10) A/C.6/SR.946-953 et 955.
294 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Conférence n'a cependant aucun organe traitant des questions juridiques, et son
mandat (v. le paragraphe 23 de la résolution en question) souligne notamment
que, lors de la création d'organes subsidiaires, il est souhaitable d'éviter les
doubles emplois et les chevauchements de responsabilités.
« C'est pourquoi ma délégation est d'avis que la Sixième Commission, qui
représente la conscience juridique des Nations Unies, est l'organe habilité pour
décider des mesures à prendre en vue du développement progressif du commerce
international. »

L'Assemblée générale a approuvé ce point de vue à sa vingtième session


lorsqu'elle a décidé de continuer à considérer la question, puis à sa vingt et
unième session lorsqu'elle a créé la CNUDCI.
Le fait que la décision concernant les questions du mécanisme rentrent
dans la compétence de l'Assemblée générale a été reconnu implicitement
aussi par le Conseil du commerce et du développement de l'UNCTAD qui, au
cours de sa quatrième session (tenue entre les vingtième et vingt et unième
sessions de l'Assemblée générale), a remis la décision sur un projet de
résolution parce que la question avait été mise à l'étude par le Secrétaire général
et inscrite à l'ordre du jour de la session suivante de l'Assemblée générale.
Ce projet de résolution, partant de l'avis que « l'UNCTAD est l'organe
le mieux à même d'examiner en permanence le problème de l'unification, de
l'harmonisation et de la modernisation du droit commercial international »,
a recommandé à l'Assemblée générale « d'établir dans le cadre de l'UNCTAD,
conformément à la résolution 1995 (XIX), un mécanisme permanent approprié
pour l'examen des mesures orientées vers le développement progressif du
droit commercial international ».
Le texte intégral de ce projet de résolution et le rapport du Conseil qui
recommande la remise de la décision y relative figurent dans l'annexe XI du
rapport du Secrétaire général. Ils étaient donc connus des membres de la
Sixième Commission au moment où celle-ci a commencé à considérer la
question. Mais l'idée que la nouvelle commission soit créée dans le cadre de
l'UNCTAD (11) n'était pas sympathique aux membres de la Sixième
Commission. Ceux-ci devaient être influencés par le rapport du Secrétaire général
qui a dit à ce propos :
« ... Sans doute les questions commerciales occuperont-elles une place
importante dans les activités de la commission, ce qui exigerait qu'elle fonctionne
en liaison étroite avec la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement, mais il semble évident que la plus grosse partie de son travail
relèvera de la technique juridique. Par conséquent, le mieux serait peut-être
qu'elle rende compte directement à l'Assemblée générale afin que ses activités
puissent être examinées sans délai par la Sixième Commission (commission
juridique) . »

De l'avis du Secrétaire général, la CNUDCI devrait être un organe


subsidiaire de l'Assemblée générale plutôt que de l'UNCTAD, c'est-à-dire du

(11) Selon le paragraphe 23 de la résolution 1995 (XIX) de l'Assemblée générale, le


Conseil du commerce et du développement « crée les organes subsidiaires dont il peut avoir
besoin pour s'acquitter efficacement de ses fonctions ».
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 295

Conseil du commerce et du développement. Bien que des raisons puissent être


cherchées et aient en effet été apportées en faveur d'une solution contraire,
l'idée du Secrétaire général a prévalu et a été acceptée à l'unanimité. On
suppose que c'était pour des raisons de principe aussi bien que pratiques que les
arguments pour la solution adoptée l'ont emporté sur ceux militant en faveur
d'une solution différente.
Il n'y a guère lieu de nier que l'unification et l'harmonisation de règles de
droit soient des fonctions qui sont éminemment d'ordre technique et qui relèvent
du domaine juridique, domaine cultivé traditionnellement par les juristes. Par
conséquent, s'il s'agit de l'examen des activités d'une commission à laquelle les
Etats membres désignent leurs représentants, « dans toute la mesure possible,
parmi les personnes possédant une compétence reconnue dans le domaine du
droit commercial international », on peut dire justement qu'une telle tâche doit
être assignée à un organe juridique. L'UNCTAD étant un « organe de l'Assemblée
générale » (12) et le Conseil du commerce et du développement un « organe
permanent de la Conférence » (13), les deux se conformeront à l'esprit de la
résolution de l'Assemblée générale sur les méthodes et procédés employés par
elle pour traiter des questions juridiques et des questions de rédaction (14) s'ils
s'assurent les services de la Sixième Commission lors de l'examen de questions
ayant d'importantes incidences juridiques.
Des raisons d'économie se présentent aussi en faveur de la solution
acceptée par la résolution 2205 (XXI). La résolution sur la création de l'UNCTAD,
comme il a été relevé ci-dessus, souligne qu'il est souhaitable d'éviter les
doubles emplois et les chevauchements de responsabilités au cours de
l'organisation. Certes, cela signifie aussi que, s'il y a des capacités, celles-ci doivent
être utilisées avant la création d'organes nouveaux ou l'élargissement d'organes
existants. Il y a quelques années, une discussion âpre avait lieu dans la
Sixième Commission à cause du peu d'importance de son ordre du jour.
Certains déploraient l'état de choses et réclamaient, entre autres choses, une
application plus stricte de la résolution 362 (IV) de l'Assemblée générale du
22 octobre 1949, dont l'annexe II stipule que « les questions qui peuvent être
considérées comme relevant de la compétence de deux ou de plus de deux
commissions devraient être de préférence renvoyées à la commission dont
l'ordre du jour est le moins chargé» (15). La situation a depuis changé, mais,
en perspective, il semble très probable que la Sixième Commission, qui n'a
à son ordre du jour qu'un seul point qui revienne périodiquement, en l'espèce
l'examen des rapports de la Commission du droit international, puisse avoir
assez de temps pour considérer les rapports de la CNUDCI. D'autres raisons
d'économie exigent aussi que, pour éviter de créer une nouvelle section juridique
dans le cadre du secrétariat de l'UNCTAD, la CNUDCI soit assistée par un
personnel un peu élargi du fort compétent Service juridique du Secrétariat des
Nations Unies.
Assigner, en matière d'unification et d'harmonisation du droit commercial
international, un rôle important ou même décisif à l'organe juridique de
l'Assemblée générale, c'est-à-dire à la Sixième Commission, ne peut nullement
être interprété comme approbation d'une tendance qui séparerait la théorie
juridique des faits de la réalité et écarterait les exigences pratiques du
domaine de considérations théoriques. Une telle tendance ne s'est même pas présentée
au cours des délibérations de la Sixième Commission. Tout au contraire.
Nombre de délégués ont souligné la nécessité d'une « liaison étroite » entre
la CNUDCI et l'UNCTAD, liaison indiquée par le Secrétaire général au
paragraphe 230 de son rapport. Les membres de la Commission ont en général
fait bon accueil au projet de résolution aux termes duquel les rapports de la
CNUDCI seraient soumis également à l'UNCTAD, puisque cette disposition
aiderait la première à parvenir à des solutions répondant bien aux besoins
concrets des milieux commerciaux (16) . Le représentant du Ghana se prononça
en ce sens : la CNUDCI devrait soumettre ses rapports à l'UNCTAD en vue
(12) Résolution 1995 (XIX), section I.
(13) Ibid., par. 4.
(14) Résolution 684 (VII) du 22 novembre 1952.
(15) Assemblée générale, quinzième session, point 65 de l'ordre du jour; rapport de la
Sixième Commission, A/4605, 1er décembre 1960.
(16) A/6594, par. 25.
296 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

d'assurer l'examen le plus prompt et le plus approfondi possible du travail de


la commission (17). Le représentant de la Pologne souligna que la nouvelle
commission, si son travail ne devait pas être purement académique et divorcé
d'avec les exigences du monde contemporain, devrait agir en étroite coopération
avec l'UNCTAD (18) . Le délégué de là Suède approuva l'idée que la Sixième
Commission considérerait les rapports de la CNUDCI tout comme ceux de la
Commission du droit international, en même temps que l'UNCTAD aurait
toute possibilité d'examiner et de critiquer ces rapports-là (19) . Le représentant
de l'Inde précisa ce point. En préconisant une coopération aussi étroite que
possible avec l'UNCTAD, qui devrait prendre la principale responsabilité des
aspects substantiels du sujet, il émit l'opinion que l'Assemblée générale ne
devrait pas prendre de mesures concernant les rapports de la CNUDCI sans
demander l'avis de l'UNCTAD en la matière (20).

Ainsi, il semble évident que l'Assemblée générale, en choisissant un


procédé d'organisation différent de celui proposé en 1966 au Conseil du commerce
et du développement (21) , n'a pas eu l'intention d'ignorer le fait que la
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement devait jouer un
rôle prépondérant dans le domaine de l'unification et de l'harmonisation du
droit commercial international.

La tache de la CNUDCI

Quelle est la tâche de cet organe nouveau des Nations Unies, à quel but
sert sa constitution ?

Le paragraphe 8 de la résolution 2205 (XXI) précise : « La Commission


encourage l'harmonisation et l'unification progressives du droit commercial
international ». Il énumère ensuite les moyens qui permettent d'atteindre
ce but. L'énumération n'est pas complète, comme il ressort du
sous-paragraphe h) qui autorise la Commission à prendre « toutes autres mesures
qu'elle juge utiles à l'accomplissement de ses fonctions ». La commission aura
donc une grande liberté d'action, ce qui s'ensuit aussi du préambule de la
résolution qui dit, entre autres choses, « qu'il serait souhaitable de
coordonner, régulariser et accélérer sensiblement le processus d'harmonisation et
d'unification du droit commercial international et d'assurer une plus large
participation aux efforts entrepris pour favoriser le progrès dans ce domaine ».
La principale idée est donc l'harmonisation et l'unification du droit
commercial international, et la tâche de la commission consiste à «
encourager » cette idée ou, plutôt, les activités à cet effet.
Qu'est-ce que la résolution 2205 (XXI) entend par harmonisation et
unification ?

(17) M. Vanderpuye, A/C.6/SR.948.


(18) M. Resich, A/C.6/SR.949.
(19) M. Blix, A/C.6/SR.951.
(20) M. Sinha, A/C.6/SR.950.
(21) A/6396, Annexe XI.
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 297

Comme il ressort des sous-paragraphes a) à h) du paragraphe 8 de la


résolution, l'expression « harmonisation et unification ■» a trois significations :
1) unification de lois,
2) harmonisation de lois,
3) standardisation des pratiques commerciales.
Expliquons brièvement les trois significations séparément. Tant
l'unification que l'harmonisation exigent des Etats des mesures législatives
directes. L'unification requiert l'identité littérale des règlements législatifs
de deux ou de plusieurs Etats, tandis que l'harmonisation ne vise que leur
similitude. L'unification se fait pour la plupart par des accords bilatéraux ou
multilatéraux (22) dans lesquels l'élément de réciprocité peut ou non jouer
un rôle (23). L'unification peut se faire aussi par une mesure législative
unilatérale : les Etats sont libres de copier la législation de leurs voisins,
mais ce n'est pas une coutume répandue. La rédaction de textes législatifs
uniformes par les organisations internationales et leur adoption par un
certain nombre d'Etats peuvent également amener l'unification.
L'harmonisation, c'est-à-dire la création d'un accord ou plutôt d'une
similitude entre les législations nationales de deux ou de plusieurs Etats,
peut avoir son origine dans des conventions internationales; il en est ainsi,
par exemple, pour le Traité de Rome, qui a institué la Communauté
économique européenne et aux termes des articles 100 à 102 duquel les signataires
sont convenus de viser un « rapprochement » de leurs dispositions
législatives.
Un exemple typique de l'harmonisation se présente au cas où la
législature d'un Etat adopte le modèle de lois étrangères. Un cas d'espèce était le
Code commercial hongrois de 1875. La base de ce code était un projet que
le professeur d'université Apâthy avait rédigé d'ordre du gouvernement
hongrois de l'époque. Suivant ses instructions, le professeur a notamment pris
pour modèle le droit commercial allemand.
Bien entendu, le législateur peut être influencé par les avantages qu'il
découvre dans certaines législations étrangères, et cela peut aboutir à une
harmonisation spontanée. D'après Dôlle (24) , les avantages d'une quelconque
législation peuvent la rendre tellement sympathique qu'elle exerce une
attraction quasi magnétique sur d'autres systèmes juridiques et les fait ses
satellites (25) .

(22) P.e-, les Conventions de Genève de 1930 et 1931 sur l'unification du droit relatif
aux lettres de change et aux chèques.
(23) Voir, p.e., l'article II de la Convention de La Haye de 1964 sur la vente
internationale de marchandises.
(24) « Gezielte und gewachsene Rechtsvereinheitlichung », 3, Zeitschrift fur Rechtsverglei-
chung, Vienne 1963, p. 136.
(25) Cité par G. Eôrsi : La question de l'unification du droit relatif à la vente de
marchandises, particulièrement en vue de l'unification des règles de conflit. Allant es Jogtudomâny
(Science politique et droit), t. VII, 1964, p. 285 (en hongrois).
298 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Par contraste avec l'unification et l'harmonisation, la standardisation,


c'est-à-dire l'élaboration, la plupart du temps sous les auspices d'une
organisation internationale, de pratiques et usages commerciaux, n'exige
pas nécessairement de mesures législatives. Elle est basée sur la volonté
autonome des parties, qui peuvent adopter une pratique uniforme comme
applicable aux transactions entre elles. Des cas d'espèces de cette méthode
sont les Incoterms de 1953 et les Règles et usances uniformes relatives aux
crédits documentaires, préparés par la Chambre de commerce internationale,
et les Conditions générales de vente et contrats types établis sous les
auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe.
Laquelle des trois méthodes la CNUDCI doit-elle favoriser ? La
résolution 2205 (XXI) n'en dit rien, elle ne donne la préférence à aucune d'elles
sur les autres.
L'unification est sans doute la méthode la plus radicale. Elle peut
éliminer le plus efficacement « les divergences entre les lois des divers
Etats sur des questions relatives au commerce international (qui) constituent
un des obstacles du développement du commerce mondial ». L'unification est
en général applicable aux règles normatives. La Conférence de La Haye de
droit international privé a cependant souligné à juste titre que l'unification
peut s'appliquer non seulement au droit matériel mais aussi aux règles
de conflit. Dans certains cas, on peut constater qu'un sujet donné ne se
prête pas encore à l'unification dans le domaine du droit positif et que la
solution a plus de chances de succès au niveau du conflit de lois (26).
Cette dernière méthode peut aussi compléter la première, comme dans le
cas des Conditions générales régissant la fourniture de marchandises,
adoptées par les membres du Conseil d'entraide économique.
Le principal obstacle à l'unification consiste dans la répugnance ou le
peu d'empressement que les gouvernements montrent à réviser leur
législation nationale. A cet égard, il faut faire remarquer que la CNUDCI a pour
but d'unifier, non pas le droit commercial en général, mais seulement ses
dispositions sur les transactions internationales. La modification des
dispositions législatives régissant le commerce intérieur et sanctionnées par
l'usage traditionnel peut s'avérer très difficile dans certains pays et n'est
même pas envisagée. Des propositions pour des innovations à apporter aux
règles qui ne s'appliquent que dans le domaine du commerce international
se heurtent probablement à une moindre résistance. La plupart des pays
cependant ne possèdent pas de législations différentes pour le commerce
intérieur et le commerce extérieur (27) et l'unification du droit commercial
international entraînerait, pour cette grande majorité, une rupture dans leur

(26) A/6396/Add.l, p. 10. Un examen détaillé de ce problème est donné par Eôrsi, op. cit.,
p. 292 et seq.
(27) Une exception notable est la Tchécoslovaquie, où un Code de commerce international
comprenant 726 articles a été adopté en 1963 (loi n° 101 de l'an 1963).
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 299

législation nationale jusque-là uniforme, et cela aussi ne rendrait pas les


Etats mieux disposés à suivre cette direction.
Les partisans de la méthode d'unification déclarent que les législations
des divers Etats sont en général similaires quant à leurs dispositions régissant
les contrats de commerce extérieur, malgré les disparités de conceptions
juridiques fondamentales qui reflètent des différences entre les divers
systèmes économiques, sociaux et politiques. Cette similitude s'explique par
le fait que, dans tous les Etats, les dispositions législatives — pour être
vraiment efficaces — doivent respecter les pratiques et les usages du
commerce international (28) . Sous l'actuel régime international de production
et d'échanges commerciaux, nous dit-on, le cours tranquille du commerce
international dépend dans une large mesure du maintien d'un équilibre
entre vendeur et acheteur; par conséquent, les Etats doivent présumer que
leurs nationaux agissent comme vendeurs à une occasion et comme
acheteurs à l'autre. En conséquence, la possibilité pour un système juridique
d'accorder un traitement préférentiel au vendeur ou à l'acheteur est pour
ainsi dire exclue; il y a une tendance universelle à créer l'équilibre des
intérêts de vendeurs et d'acheteurs par des dispositions législatives. Il est
pourtant reconnu qu'il existe toujours l'influence exercée par la structure
sociale et économique des Etats, par leurs traditions juridiques, et par
d'autres branches pertinentes de leur législation (29) .
Encore que la justesse de ces observations ne puisse être niée, on doit
les prendre avec quelques réserves. En faisant une comparaison entre les
législations de divers Etats, on peut constater que les lois d'un quelconque
pays mettent l'acheteur ou le vendeur, ou l'une des parties en général, dans
une situation plus avantageuse que ne le font les lois d'un autre pays,
c'est-à-dire que l'équilibre de positions entre acheteur et vendeur, emprunteur
et prêteur, etc., se constituent de façon différente dans les différents pays.
Cela peut dériver de traditions juridiques et refléter le rapport des forces
sociales qui ont participé à la législation. On pourrait citer nombre d'exemples
pris dans l'histoire du droit de n'importe quel pays pour démontrer que les
représentants d'une branche ou profession se plaignent que certaines lois
accordent une préférence excessive à d'autres groupes (30) .
Le fait que la législation d'un Etat n'assure pas l'équilibre de positions
entre les parties peut produire des conflits d'intérêts entre les différents
groupes (p.e., exportateur et importateur).

(28) M. Potocny (Tchécoslovaquie) , A/C.6/SR.947, p. 4.


(29) Ibid.
(30) Une association de propriétaires fonciers en Hongrie a proposé en 1902 la révision
du droit hongrois relatif à l'usure, prétendant que les paysans n'étaient pas suffisamment
protégés contre une certaine espèce d'usure. Les opinions divergeaient sur le point de
savoir s'il y avait besoin de changer la législation hongroise, c'est-à-dire, d'emprunter au
droit allemand certaines dispositions pour remédier à la situation. Béni Goldschmid : Hitel
es reâluzsora (Usure de crédit et de vente), Budapest 1902 (en hongrois).
300 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

La solution de tels conflits peut être trouvée par des moyens divers
dans les domaines nationaux des Etats, et elle dépendra des gouvernements
de décider lesquels des intérêts opposés coïncident avec les intérêts de la
nation (pourvu que les gouvernements, en établissant les lois, veuillent et
puissent trouver les moyens qui servent l'intérêt public et non des intérêts
particuliers) .
De telles décisions gouvernementales joueront un rôle important dans
le processus d'unification et d'harmonisation du droit commercial
international. Des avis opposés peuvent se manifester entre pays agricoles et pays
industriels, entre ceux dont les exportations sont composées, en grande partie
ou exclusivement, de matières premières et ceux qui achètent ces
marchandises et vendent des produits industriels, p.e. des machines. Cet exemple
est pris dans le domaine de la vente internationale de marchandises, mais
divers intérêts peuvent se présenter aussi dans d'autres domaines du droit
commercial international.
Le but de la création d'un droit commercial uniforme pour les
transactions internationales est, entre autres choses, d'établir un équilibre propre
entre les intérêts opposés et de trouver un compromis entre le ius strictum
qui, d'une manière très générale, répond mieux aux intérêts de la partie
mieux organisée, plus avancée, et les règles moins rigoureuses qui, également
d'une manière très générale, sont plus sympathiques à un pays ayant une
organisation peu consistante ou une agriculture, une industrie et un commerce
moins développés.
Tout cela prouve assez clairement que, même si le droit commercial
international semble se prêter particulièrement à ce but, l'unification du
droit n'est pas une tâche facile. C'est une tâche superbe qui vaut bien des
efforts, mais les moyens de la CNUDCI sont limités : la commission ne peut
pas contraindre, mais elle peut convaincre. Les membres de la commission,
« personnes possédant une compétence reconnue dans le domaine du droit
commercial international », auront à employer leur habileté et leur finesse
d'esprit pour formuler des recommandations acceptables à l'entière
communauté internationale.
La commission peut recommander, le cas échéant, l'unification du droit
positif ou du droit international privé, des règles de conflit. Elle peut
recommander une combinaison des deux. Il peut cependant arriver qu'au lieu de
l'unification, une certaine méthode d'harmonisation s'avère plus appropriée.
Quelle sorte de droit peut occasionner l'exigence de l'harmonisation,
la pratique de la CNUDCI nous le montrera. Que la possibilité en existe, on
peut le voir au Traité instituant la Communauté économique européenne; un
chapitre sur le « rapprochement des législations » stipule que les mesures
nécessaires seront prises au cas où « une disparité existant entre les
dispositions législatives, réglementaires ou administratives des Etats mem-
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 301

bres fausse les conditions de concurrence sur le marché commun et provoque,


de ce fait, une distorsion qui doit être éliminée... ». Bien entendu, la
CNUDCI pourrait démontrer que certaines dispositions législatives de divers
Etats créent des situations anormales sur le marché mondial, et elle pourrait
recommander des changements appropriés qui, à moins d'aboutir à
l'unification, mettraient en harmonie les disparités embarrassantes qui existent.
Certains doutent que l'heure actuelle soit propice à l'unification du droit
positif et qui pensent que les accords sur les règles de conflit fournissent le
meilleur remède possible contre les maux existants. Une autre école
d'opinion, cependant, se méfiant de toute méthode qui exige des mesures
législatives, cherche son salut dans ce qui s'appelle la standardisation.
Les partisans de la standardisation se réfèrent aux succès obtenus, entre
autres, par la Chambre de commerce internationale et la Commission
économique pour l'Europe.
Le secrétariat de cette dernière a présenté en 1964 à la Conférence
des Nations Unies sur le commerce et le développement une étude (31) qui
décrivait, en la recommandant, la méthode employée par la CEE.
D'après cette étude, la standardisation des pratiques du commerce
international, telle celle qui se poursuit dans le cadre de la Commission
économique pour l'Europe, a réussi à écarter quelques-uns des obstacles
les plus saillants dressés par les diverses dispositions législatives qui régissent
les opérations de commerce extérieur, et elle a démontré en même temps
que, dans une certaine mesure il est possible d'inventer une technique
juridique uniforme pour les transactions commerciales entre pays ayant
différents systèmes politiques, économiques et sociaux. Des résultats positifs
ont été obtenus en ce qui concerne les contrats de vente internationaux,
l'arbitrage commercial international, l'assurance-transports et autres formes
d'assurance de commerce international, l'organisation de foires commerciales
internationales, et la simplification des papiers nécessaires aux opérations de
commerce extérieur.
La Commission économique pour l'Europe a préparé et diffusé nombre
de textes de Conditions générales de vente et de Contrats types. Certains
de ces textes ont été acceptés par les milieux commerciaux. Les copies
vendues des Conditions générales pour la fourniture à l'exportation de
matériels d'équipement se chiffrent à plus d'un million. La CEE espère
qu'au cours des temps, ses textes remplaceront ceux qui ont été et sont
toujours établis par de nombreuses associations commerciales nationales
et internationales.

(31) Perfectionnements pouvant être apportés aux pratiques et aux institutions juridiques
du commerce international en vue de contribuer à l'amélioration des conditions du commerce
extérieur des pays en voie de développement. E/CONF .46/24.
302 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

Les succès que la CEE et d'autres organisations (p.e., la Chambre de


commerce internationale) ont remportés en matière de standardisation
confirment l'espoir que la CNUDCI accomplira un travail utile en continuant
à encourager la pratique de cette tendance et en facilitant sa propagation.
Y a-t-il encore d'autres tâches à accomplir par la CNUDCI ? Le
paragraphe 8 de la résolution de l'Assemblée générale énumère nombre de
fonctions : coordonner les activités des organisations qui s'occupent de
questions analogues, en les encourageant à coopérer entre elles; rassembler
et diffuser des informations sur le droit commercial international; coopérer
avec l'UNCTAD et d'autres organes intéressés. Si importantes que soient
ces fonctions, elles sont pourtant subordonnées au principal objectif et
indiquent plutôt les modalités d'aborder le but final.
Le tableau qui vient d'être esquissé des tâches de la CNUDCI montre
une énorme diversité. Il y a une véritable pléthore de méthodes disponibles,
et le domaine à parcourir est en effet très vaste.
Quel avis peut-on donner à la CNUDCI avant qu'elle ne procède à son
travail ? Certaines idées énoncées par le rapport du Secrétaire général
méritent d'être retenues :
« ... l'unification n'est pas nécessairement une chose souhaitable en elle-même
et ne se justifie pas que si elle répond à un besoin économique et si les
mesures d'unification ont des chances de favoriser le développement du commerce
international. »
« ... l'unification n'a aucun intérêt si elle aboutit à l'adoption par un groupe
d'Etats de principes juridiques admis par les moins avancés d'entre eux. Il est
également vain d'élaborer une convention ou une loi uniforme qui ne favorise
pas sensiblement le commerce international. »

Ceci signifie que la commission, en s'acquittant de ses fonctions, doit


viser des résultats pratiques et non seulement des buts scientifiques ou
théoriques. L'exigence que la commission ne soit pas composée de « juristes
enfermés dans une tour d'ivoire » (32) , exigence qui a été soulignée lors
de la création de la Commission du droit international, s'applique a fortiori
à la CNUDCI, dont les tâches sont plus étroitement liées à la vie terrestre
que ne le sont celles de la CDI. Quand nous soulignons l'exigence de résultats
pratiques, nous espérons fermement aussi que les travaux de la commission
surpasseront les accomplissements des autres organisations s'intéressant aux
questions juridiques, c'est-à-dire que la proportion entre les études
scientifiques et leur effet manifesté dans les législations nationales et dans les
actuelles pratiques commerciales sera bien plus favorable dans le cas de
la CNUDCI que dans celui de toute autre organisation.
Cet espoir se fonde sur le fait que la CNUDCI aura un avantage
considérable sur ses précurseurs dans ce domaine. Elle sera en mesure de disposer
d'une abondance de matières rassemblées et présentées par nombre d'orga-

(32) M. Amado (Brésil), A/A/C.10/SR.4, p. 3.


LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 303

nisations. Etant un organe de l'organisation mondiale, son autorité soutenue


par l'Assemblée générale pourra porter des fruits qui sont sans précédent
dans les travaux analogues d'autres organisations.
M. Pechota (Tchécoslovaquie), président de la Sixième Commission de
l'Assemblée générale à sa vingt et unième session, dans son rapport au
président de l'Assemblée générale, a déclaré que la décision de créer la
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international ouvrait
un nouveau chapitre dans l'histoire de l'Assemblée générale, étant
comparable à la résolution de 1947 sur la constitution de la Commission du droit
international (33) . C'est exact. La CNUDCI tiendra sa première session en
1968, quand se réunira la vingtième session de la CDI. Bien que le mandat
de la CNUDCI soit différent, elle pourra certainement utiliser les expériences
de sa sœur aînée. Une étude pourrait examiner sous quel rapport et dans
quelle mesure la CNUDCI devrait suivre les règlements souples de la CDI,
ses procédures et ses méthodes. Mais ce sera l'affaire de la CNUDCI
elle-même qui, si elle jouit d'une autonomie suffisante, créera au cours
des années ses propres méthodes de travail et l'esprit d'équipe professionnel
indispensable au travail créateur. Elle devra sans doute trouver le juste
équilibre entre promptitude et perfection. A cet égard, on peut se référer
à la sagesse exprimée dans un des rapports de la CDI. En passant en
revue son travail accompli pendant ses dix premières sessions, la CDI
exposait sa politique en ces termes : « Le temps consacré à essayer de
concilier les avis, les positions ou les idées n'est pas du temps perdu. Avec
le recul des années, c'est la qualité des travaux qui comptera, on ne se
demandera pas si leur réalisation a demandé plus ou moins longtemps... ».
Mais la CDI a ajouté ensuite : « Les observations qui précèdent n'impliquent
nullement que la Commission n'est pas consciente de la nécessité de suivre
un rythme aussi rapide que possible, compte tenu des exigences de ses
travaux, et c'est bien ainsi qu'elle entend agir » (34) .

Les intérêts des pays en voie de développement

Au paragraphe 9 de la résolution 2205 (XXI), l'Assemblée générale


charge la commission de prendre en considération les intérêts de tous les
peuples, et particulièrement ceux des pays en voie de développement.
Comment la commission doit- elle suivre ces instructions ? Tout comme
la codification et le développement progressif du droit international public
servent les intérêts de toutes les nations, grandes et petites également,

(33) A/6633.
(34) Annuaire de la Commission du droit international (1958), vol. II, p. 114.
304 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

l'unification et l'harmonisation du droit commercial international profiteront,


elles aussi, à l'entière communauté internationale. Jusqu'ici ça va bien.
Dans le domaine du droit international public, les petits Etats, et
particulièrement les Etats nouveaux d'Asie et d'Afrique, sont irrités, et pour
cause, d'une partie du droit international traditionnel qui a été créée
à l'époque où une poignée de grandes puissances décidaient ce qui faisait
loi chez elles et dans le reste du monde. Ceux qui, dans le cadre des Nations
Unies, travaillent à la codification et au développement progressif du droit
international ont pour tâche première d'adapter le droit international aux
conditions de l'époque et d'en écarter les éléments qui, encore
qu'apparemment équitables, favorisent en fait les intérêts du plus fort aux dépens du
plus faible et du moins avancé. Il faut que cette tendance rectificative soit
renforcée par une participation appropriée, dans le processus législatif, des
représentants des pays en voie de développement et des pays socialistes
également.
Dans le commerce international il n'y a pas de règles ayant un caractère
juridique vraiment international (sauf certaines exceptions notables) et les
transactions sont ainsi régies par la législation du pays de l'une ou de
l'autre des parties. Les transactions commerciales entre parties appartenant
l'une à un pays développé et l'autre à un pays peu développé — et ceci va
de soi — sont pour la plupart régies par la législation de la partie plus
avancée. Certes, la loi d'un pays en voie de développement peut être
appliquée par exception, mais une telle loi provient en général de la
législation du pays métropolitain. Cela peut-il exercer une influence défavorable
sur les intérêts de la partie sous-développée ? Bien certainement. Les
formes légales tant de leur organisation de commerce intérieur que de leur
participation au grand commerce mondial, étant un héritage de l'époque
où ces pays étaient dépendants politiquement et économiquement, ne sont
pas nécessairement les formes les plus appropriées pour les pratiques
actuelles du commerce entre pays qui, quoique égaux en droits, sont
différents quant à leur degré de développement (35) . Si cela est aussi vrai
qu'il le semble, l'unification et l'harmonisation du droit commercial
international sont d'une importance considérable pour les pays en voie de
développement : l'emploi de cette méthode leur donne une occasion de
reconsidérer leur législation qui régit actuellement leurs relations
commerciales et de prendre part à la rédaction de lois adaptées à leurs exigences.
Comme le représentant d'un Etat africain l'a dit : les peuples moins avancés
ne devront plus accepter comme faisant loi pour eux les règles qui ont été
établies sans qu'ils eussent leur mot à dire (36) .

(35) V. le document cité à la note 31.


(36) M. Brewer (Libéria), A/C.6/SR.950, p. 16.
LA COMMISSION DU DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL 305

Le représentant de la Conférence de La Haye de droit international


privé a déclaré :
«... il faut constater que toute nation doit avoir le droit de participer
à l'activité de l'unification internationale du droit. C'est là un principe
fondamental qui ne saurait même être mis en discussion. Ceci d'autant plus qu'au
temps que nous vivons le droit du commerce a une vocation universelle. •»
Puis, en se référant aux intérêts des pays en voie de développement, il a
souligné : « ... la protection des plus faibles c'est une fonction essentielle du droit.
Tous ceux qui, utilisant l'une des qualités les plus précieuses de l'homme,
à savoir l'esprit créateur, se sont engagés dans une nouvelle activité
économique, ont mis sur pied une nouvelle entreprise, tous ceux, dis- je, ont
particulièrement besoin de cette protection aussi longtemps qu'ils sont encore vulnérables
par leur seule faiblesse. Lorsque plus tard ils auront accédé au commerce
international et acquis une certaine puissance, ce n'est plus en premier lieu le
droit qui les protégera, ils seront en mesure de faire respecter eux-mêmes leurs
positions. » (37)

L'unification et l'harmonisation simplifieront le droit commercial


international ex definitione. Cet aspect de la question a été relevé par nombre
d'orateurs représentant des pays en voie de développement à la Sixième
Commission. La commission envisagée devra aussi simplifier le droit
commercial international de façon à le faire mieux comprendre aux membres des
classes montantes de commerçants dans les pays en voie de développement,
a réclamé le délégué du Malawi (38). Le représentant du Ghana a souligné
que le travail d'unification devrait produire un texte rédigé dans un langage
intelligible et exposant les principes les plus importants pouvant indiquer
la direction à suivre par le développement ultérieur du droit (39) .
Sans doute la commission prendra-t-elle suffisamment soin des exigences
des pays en voie de développement : cela semble être assuré par leur
représentation équitable selon les dispositions du paragraphe premier de la section
II de la résolution.

**

C'est là la fin de l'histoire, ou plutôt le début d'un nouveau programme


des Nations Unies. Une nouvelle sorte de travail va commencer au sein des
Nations Unies, et une nouvelle équipe de spécialistes va joindre
l'organisation mondiale. L'Organisation des Nations Unies, qui a jusqu'ici surtout
cultivé le domaine du droit international public, mettra pied sur le terrain du
droit commercial, qui a été et est encore considéré comme une. réserve
privée de nations souveraines. Et ceci en vertu du vote unanime des Etats
membres ! Les Etats certes, qui sont jaloux dans une mesure inégale
de leurs droits souverains, et qui considèrent les dispositions de l'article 2,
par. 7, comme pierre angulaire de la Charte des Nations Unies, approuvent
à l'unanimité que l'organisation mondiale intervienne « dans des affaires qui

(37) M. van Hoogstraten à la 946e séance de la Sixième Commission.


(38) M. Thiri, A/C.6/SR.948, p. 5.
(39) M. Vanderpuye, A/C.6/SR.948, p. 6.
306 ORGANISATION DES NATIONS UNIES

relèvent essentiellement de la compétence nationale ■» des Etats. Peut-être


est-ce une dramatisation exagérée de la situation, mais l'essentiel est le
commencement d'une action dans le but éloigné de remplacer une section
de législations nationales (celle relative au commerce international) par des
règles internationalement établies.
Dans l'affaire des emprunts serbes, la Cour permanente de Justice
internationale a maintenu que « tout contrat qui n'est pas un contrat entre
des Etats en tant que sujets du droit international a son fondement dans
une loi nationale... » (40) . Si la CNUDCI réussit à établir des règles uniformes
du droit commercial international, cette opinion de la Cour peut devenir
obsolète un jour ou l'autre. Si cette unification se fait par la conclusion de
traités, les règles en question se transformeront en « un vrai droit
international » selon ce qu'a dit la Cour. Mais cela aura le même effet que si
l'unification se produit de facto et non à la base d'une obligation internationale.
En ce cas, les règles du commerce international seront « communes à
plusieurs Etats » (41) .
Vue sous cet angle, la création de la Commission des Nations Unies pour
le droit commercial international est un accomplissement important. C'est
une preuve significative de solidarité internationale à l'époque où le
climat politique n'est pas particulièrement propice aux manifestations de
coopération internationale. Cela justifie l'opinion de Charles De Visscher qui
dit que les Etats sont disposés à la solidarité dans les affaires d'ordre
économique ou technique plutôt que dans les affaires politiques (42) . Toutefois,
la naissance sans encombres de la CNUDCI est une indication de solidarité
internationale, un rayon d'espoir pour l'avenir et un signe de confiance
en la paix.
La résolution 2205 (XXI) est en outre une grande satisfaction pour le
monde scientifique, pour les savants qui, individuellement et dans le cadre
de diverses organisations, ont exploré et analysé le domaine du droit
commercial international et ont préparé les mesures gouvernementales
à prendre.
Enfin, elle est une grande satisfaction à ceux qui, au service du
Gouvernement hongrois, ont pris l'initiative à l'Assemblée générale des Nations Unies
et ont reçu une réponse favorable. Elle est en même temps un signe de leur
confiance en le rôle que les Nations Unies pourraient jouer dans
l'encouragement de la coopération internationale en matière de problèmes juridiques
et, de ce fait, dans le développement progressif du droit international.

(40) C.P.J.I. Série A, n°» 20-21, p. 41.


(41) Ibid.
(42) Théories et réalités en droit international public, 3« éd., Pari?, 1960, p. 118.

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