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2007/1 10 | pages 81 à 91
ISSN 1298-6216
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La mort
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La mort
Mythes, rites et mémoire
Antoine DESTEMBERG et Benjamin MOULET
5. Articles « mort », « mort(e) [adj.] », « mort(e) [nom] », Le Petit Robert, Paris, 1994,
p. 1441-1442.
6. L.-V. THOMAS, « Les rituels funéraires », Bulletin de la société de thanatologie, 60-61
(décembre 1984), repr. dans ID., Les Chairs de la mort. Corps, mort, Afrique, Paris, 2000,
p. 137.
7. ID., Mort et pouvoir, Paris, 1999, p. 12 (1re éd. 1978).
8. M. VOVELLE, L’Heure du grand passage. Chronique de la mort, Paris, 1993, p. 13.
9. L. FEBVRE, « Comment reconstituer la vie affective d’autrefois ? La sensibilité et
l’histoire », Annales d’Histoire Sociale (1941), repr. dans ID, Combats pour l’histoire,
Paris, 1953, p. 236 : « Nous n’avons pas d’histoire de l’Amour […]. Nous n’avons pas
d’histoire de la Mort […]. J’indique une direction de recherche. Et je ne l’indique pas à
des isolés […]. Je demande l’ouverture d’une vaste enquête sur les sentiments
fondamentaux des hommes et leurs modalités. »
10. P. CHAUNU, « Mourir à Paris (XVIe-XVIIe-XVIIIe siècle) », Annales ESC (1976),
p. 29-30.
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Goubert en 1952 , dans la vague de l’histoire quantitative et
démographique. À sa suite, d’autres historiens entendent, à l’aide des
registres paroissiaux, établir des taux de mortalité, pour tenter de mettre en
évidence les structures démographiques des sociétés préindustrielles :
conditions sanitaires, catastrophes naturelles, guerres, crises politiques, la
mortalité occupe une place prépondérante dans ces études.
C’est sur la base de cette histoire de la mortalité que, dans les années
soixante-dix, les premiers pas de la nouvelle histoire des mentalités et, en
particulier, des attitudes devant la mort ont peu à peu intéressé les
16
mort est à la mode », comme l’écrivait Jacques Le Goff et comme en
17
témoigne la précieuse synthèse de Michel Vovelle de 1983 .
Mais cet intérêt, que l’on ne peut réduire à une simple mode, est aussi
un engagement, un constat simple, celui du déni de la mort dans nos
18
sociétés contemporaines . Le développement parallèle de l’anthropologie de
la mort ou de l’ethnothanatologie, initiée et définie par Louis-Vincent
Thomas comme une science de la mort19, invite à observer plus étroitement
le mourir – processus qui commence dès la naissance – et ses pratiques, les
morts et les vivants, les croyances et les rites20.
22
statut de décédé à celui de défunt . La séparation qui s’opère par cette
ritualité serait un moyen pour les vivants de se situer par rapport au mort,
garantissant tout autant la paix des morts que celle des vivants, et au-delà de
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situer ces derniers les uns par rapport aux autres dans l’espace du deuil . En
effet, la mort peut se présenter comme un moment de tension entre deux
sphères, qui sont aussi deux logiques parfois peu compatibles, la sphère du
public et celle du privé. La mort du sien, impliquant toute la palette des
sentiments de l’intime, n’a sans doute pas le même sens que la mort de l’être
social qui engage, elle, la logique du groupe et au-delà la multitude des
relations de chaque individu du groupe avec le défunt. Les rites de mort
apparaissent dès lors comme des « bricolages » qui tendent à taire ou parfois,
au contraire, à souligner ces logiques différentes du public et du privé. Que
l’on prenne l’exemple des funérailles grecques antiques au sein desquelles
coexistent la logique unitaire de la polis, qui s’exprime pleinement dans les
funérailles du héros, et celle de la familia funesta, la parenté successible, pour
laquelle les funérailles apparaissent comme un moment privilégié des
1987 ; La Mort au Moyen Âge, Colloque de la SHMESP, Strasbourg, 6-7 juin 1975,
Strasbourg, 1977 ; J. CHIFFOLEAU, La Comptabilité de l’au-delà : les hommes, la mort et
la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge, vers 1320-vers 1480, Rome,
1980 ; J. LE GOFF, La Naissance du purgatoire, Paris, 1981 ; M.-T. LORCIN, Vivre et
mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Âge, Paris, 1981.
16. J. CHIFFOLEAU, La Comptabilité de l’au-delà, op. cit., p. V.
17. M. VOVELLE, La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, 1983.
18. P. BAUDRY, La Place des morts. Enjeux et rites, Paris, 1999, p. 21-22.
19. L.-V. THOMAS, Anthropologie de la mort, Paris, 1975.
20. ID., Mort et pouvoir, op. cit., p. 8-9.
21. ID., La Mort en question. Traces de mort, mort des traces, Paris, 1991, p. 258.
22. P. BAUDRY, La Place des morts, op. cit., p. 46.
23. L.-V. THOMAS, Rites de mort pour la paix des vivants, Paris, 1985.
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24. M. LAUWERS, La Mémoire des ancêtres, le souci des morts. Morts, rites et société au
Moyen Âge (Diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles), Paris, 1997.
25. M. LAUWERS, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident
médiéval, Paris, 2005.
26. P. ARIÈS, Essais sur l’histoire de la mort en Occident, op. cit., p. 30-31.
27. J.-D. URBAIN, L’Archipel des morts. Le sentiment de la mort et les dérives de la
mémoire dans les cimetières d’Occident, Paris, 1989.
28. L.-V. THOMAS, « Vie et mort en Afrique. Introduction à l’ethnothanatologie »,
Ethnopsychologie. Revue de psychologie des peuples, 27 (1972), repr. ID., Les Chairs de la
mort, op. cit., p. 59 : « Nul ne peut, sans autorisation, élever aucune habitation ni
creuser aucun puits à moins de cent mètres des nouveaux cimetières transférés hors des
communes », article L 361-4, code des communes et textes annexes, Paris, 1994.
29. E. MORIN, L’Homme et la mort, Paris, 2002, p. 33 (1re éd. 1951).
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autant en avant celui qui le prononce que le célébré ; les monuments aux
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morts fournissent à chaque communauté ses héros ; les cimetières
33
deviennent lieux de la mémoire politique . Avec la mémoire se joue donc le
second temps de la mort : après la mort physique, la mort sociale, qui n’est pas
nécessairement contemporaine du dernier souffle de vie. La mémoire, tout
autant que les funérailles, opère une distinction que la mort ne met pas en place
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mais qu’elle se contente de mettre au jour : on ne peut imaginer que la « belle
mort », tant des Spartiates que de Guillaume le Maréchal, était celle du
35
commun des sociétés anciennes et médiévales .
30. J.-C. SCHMITT, Les Revenants : les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris,
1994.
31. J.-C. BONNET, « Les morts illustres. Oraison funèbre, éloge académique,
nécrologie », dans Les Lieux de mémoires, P. NORA dir., Paris, rééd. 1997, vol. 2,
p. 1831-1854.
32. A. PROST, « Les monuments aux morts. Culte républicain ? Culte civique ? Culte
patriotique ? », dans Les Lieux de mémoire, op. cit., vol. 1, p. 195-225 ; A. BECKER, Les
Monuments aux morts, mémoire de la Grande Guerre, Paris, 1988.
33. D. TARTAKOWSKY, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, XIXe-XXe siècle,
Paris, 1999.
34. L.-V. THOMAS, La Mort en question, op. cit., p. 268.
35. N. LORAUX, « La belle mort spartiate », Ktèma, 2 (1977), p. 105-120 ; G. DUBY,
Guillaume le Maréchal, ou le meilleur chevalier du monde, Paris, 1984, p. 7-34.
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l’étude de la mort est d’abord l’étude d’une condition sociale devant la mort
et de l’affirmation d’une identité, individuelle ou collective.
On ne saurait assez souligner l’apport des réflexions historiques et
sociologiques à la compréhension des attitudes face à la mort. Si la mort a
une histoire, elle n’a de cesse d’avoir également une actualité que l’on
observe la vitalité des débats qui entourent la légalisation éventuelle de
36
l’euthanasie , ou ceux toujours vifs au sein des institutions internationales
37
concernant le maintien ou l’abolition de la peine de mort . Récemment fut
dressé le constat d’un changement des pratiques funéraires qui se traduit
40
BIBLIOGRAPHIE INTRODUCTIVE
39. Cité par L.-V. THOMAS, Mort et pouvoir, op. cit., p. 12.
40. Une tentative de synthèse bibliographique plus étoffée est consultable dans les
« Rencontres » du site de l’École doctorale d’histoire de l’Université Paris I :
[http://edoc-histoire.univ-paris1.fr/rencontres.htm].
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M. MARGUE éd., Sépulture, mort et représentation du pouvoir au Moyen Âge, Actes des
11e journées lotharingiennes, 26-29 septembre 2000, Luxembourg, 2006 (Publications de
la Section Historique de l’Institut Grand-Ducal de Luxembourg, CXVIII).
E. MORIN, L’Homme et la mort, Paris, 1977.
J.-C. SCHMITT, Les Revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris,
1994.
D. TARTAKOWSKY, Nous irons chanter sur vos tombes. Le Père-Lachaise, XIXe-XXe siècle,
Paris, 1999.
L.-V. THOMAS, Anthropologie de la Mort, Paris, 1975.
L.-V. THOMAS, Rites de mort pour la paix des vivants, Paris, 1985.
L.-V. THOMAS, Mort et pouvoir, Paris, 1978 (rééd. 1999).
devant la mort d’après les clauses des testaments, Paris, 1973 (nlle éd. augm., 1997).
M. VOVELLE, Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et
e
XVIII siècles, Paris, 1974.
M. VOVELLE, « Les attitudes devant la mort : problèmes de méthodes, approches et
lectures différentes », Annales ESC (1976), p. 120-132.
M. VOVELLE, La Mort en Occident de 1300 à nos jours, Paris, 1983.
J. WHALEY éd., Mirrors of Mortality. Studies in the Social History of Death, Londres,
1981.
J. ZIEGLER, Les Vivants et les morts : essai de sociologie, Paris, 1976.