You are on page 1of 84

N° 593 Avril 2019

L 19853 - 593 - F: 7,30 € - RD


7,30 € mensuel DOM/S : 8,30 €- BEL/LUX : 8,00 €-
CH : 12,70 FS AND : 7,30 € CAN : 12,60 $ CAD- ILE MAURICE : 8,30 €-
MAR : 83 MAD - ESP/ITA/GR/PORT. Cont. : 8,30 € -
NCAL/S 1120 CFP-NCAL/A 1960 CFP- POL/A : 2150 CFP
SOMMAIRE N° 593/AVRIL 2019

Le Fana change
A
l’occasion des 50 ans du Fana de
l’Aviation, nous avons le grand
plaisir de vous annoncer que
désormais votre magazine préféré va
devenir The Fana of l’Aviation. Dans une
perspective de prendre une envergure
internationale, les articles seront désormais entièrement bilingues franco-anglais. Nous
dévoilons ici en avant-première le splendide nouveau logo qui sera à la une. Voilà une
excellente occasion de se mettre à la langue de Shakespeare. Si le succès se confirme,
Le Bloch 152 en action dans le ciel nous envisageons des éditions en d’autres langues pour que Le Fana de l’Aviation fasse
de France en 1940. le tour du monde. Un peu d’ambition que diable !
Composition de Lucio Perinotto. Je vous souhaite une bonne lecture. Le Fana

4 Actualités 56
Parti pour un vol d’essai
La fin tragique
Espace Clichy, immeuble SIRIUS
9, allée Jean-Prouvé. 92587 CLICHY CEDEX 10 Courrier d’un Heinkel 111
E-mail : redac_fana@editions-lariviere.com
PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SURVEILLANCE
Patrick Casasnovas
PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE
12 Livres Gilles Collaveri enquête sur un He 111
qui s’est écrasé en 1943.
Stéphanie Casasnovas
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Frédéric de Watrigant 13 Abonnements “Mirage” 4000
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : 62
Patrick Casasnovas Les acteurs du
ÉDITEUR : Karim Khaldi
RÉDACTION
Les 50 ans programme racontent
Tél. : 01 41 40 34 22
Rédacteur en chef : Alexis Rocher
du Fana de l’Aviation
Deuxième partie. Un client potentiel
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal
Rédacteur graphiste : François Herbet 30 Jean Nollet se manifeste en 1985 ; il faut reprendre
Secrétaires de rédaction : Antoine Finck
Secrétariat : Nadine Gayraud J’ai piloté le Bloch 152 les essais en vol.
SERVICE DES VENTES
(réservé aux diffuseurs et dépositaires) Défauts et qualités du chasseur Un pilote raconte sa mission en 1983
Jennifer John-Newton présentés par un fin connaisseur. 70
Tél. : 01 41 40 56 95
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne
Le missile AS30
Avenue Berthelot 60200 Compiègne.
Papier issu de forêts 16
Rétro-conception frappe en Angola
gérées durablement.
Origine du papier : La renaissance Une attaque au missile air-sol en 1983
Italie. Taux de fibres
recyclées : 0 %.
Certification : PEFC/
du MB.152 racontée par le pilote d’un “Buccaneer”. Rejoignez
Le Fana
sur Facebook
EU ECO LABEL.
Eutrophisation : Une dynamique équipe redonne Ce jour-là… 21 avril 1949
0,018 kg/tonne.
vie au chasseur Bloch 152. 76 sur Twitter

Premier vol propulsé


28
MB.150 à MB.157 du Leduc 010
Une famille La tuyère du Leduc 010 s’allume dans le
DIFFUSION : MLP
Printed in France/Imprimé en France
de chasseurs ciel, l’avion frôle les 700 km/h.

Présentation d’une famille de chasseurs et sur

80 Maquettes
SERVICE PUBLICITÉ
Directeur de publicité : Christophe Martin
Assistante de publicité : Nadine Gayraud à moteur en étoile.
Tél. : 01 41 40 34 22 À la chasse aux odonatoptères !
E-mail : PubFana@editions-lariviere.com
PETITES ANNONCES CLASSÉES Controverse
Tél. : 01 41 40 34 22 32
ABONNEMENTS
Ader a-t-il volé ?
ET VENTE PAR CORRESPONDANCE Retour et explications sur une polémique
(ANCIENS NOS/DOCAVIA/MINIDOCAVIA)
Tél. : 03 44 62 43 79 qui divise toujours le monde de l’aviation.
E-mail : abo.lariviere@ediis.fr
CHEF DE PRODUIT ABONNEMENT :
Carole Ridereau Tél. : 01 41 40 33 48 Stinson V-77/SR-10
TARIFS ABONNEMENT : 40 Où trouver Le Fana de l’Aviation
France : 1 an soit 12 nos + 2 HS : 91,50 €
Autres pays et par avion : nous consulter
Plus neuf que neuf ! près de chez vous ?
Correspondance : Fana de l’Aviation, Téléchargez l’application Flashcode
Service abonnement Comment redonner des couleurs à un
et découvrez tous les points de vente du Fana de l’Aviation.
45, avenue du Général Leclerc Stinson un peu abîmé par le temps.
60643 Chantilly Cedex
Le Fana de l’Aviation est une publication Concorde et la course au supersonique Au sommaire
des ÉDITIONS LARIVIERE ; S.A.S. au capital de
3 200 000 € ; dépôt légal, 1er trimestre 2019. 48 du prochain numéro
Commission paritaire : n° 0722 K 82003.
ISSN : 0757-4169
À la conquête Q Les “Mirage” F1 “Agressor”
N° de TVA intracommunautaire :
FR 96 572 071 884 de Mach 2 Q “Skyraider”, 30 ans après
Q L’album du Saab 2000
CCP 11 5915A Paris
RCS Nanterre B572 071 884. 1973 : une belle réussite technique Q Les Ju 86 sur l’Angleterre
12, rue Mozart, 92587 CLICHY CEDEX Q Le jour où le “Canberra”
Tél. : 01 41 40 32 32 – Fax : 01 41 40 32 50. et un grand désastre industriel. s’envola
Toute reproduction, même partielle,
des textes et illustrations publiés dans Le Fana
de l’Aviation, est interdite sans accord préalable DASSAULT
de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable
des textes et illustrations qui lui sont envoyés
sous la seule initiative de leurs expéditeurs.
ACTUALITES

Un P-39 “Airacobra” a retrouvé


le ciel en Nouvelle-Zélande

DR
Le P-39F
Le 26 février dernier, à Ardmore Guinée, son pilote fut contraint de le poser à l’Union soviétique selon les termes de ZK-COB au
en Nouvelle-Zélande, Frank en catastrophe sur la péninsule du cap York, l’accord Lend-Lease (prêt-bail) – qui lui retour de
Parker, président de New Zealand en Australie, après avoir fait demi-tour dans avaient été donnés au tout début de sa son premier
Warbirds, a procédé au premier vol après le mauvais temps et être tombé en panne restauration. D’ici peu, il devrait être expédié vol d’essais,
restauration du Bell P-39F “Airacobra” d’essence. Son pilote, le lt Walter Harvey, le aux États-Unis, près de Virgina Beach, en le 26 février,
matricule 41-2175, immatriculé ZK-COB, posa train rentré et s’en tira avec seulement Virginie, où est installé le Military Aviation à Ardmore,
restauré pour le collectionneur américain quelques ecchymoses. L’épave du chasseur Museum de Jerry Yeagen. en Nouvelle-
Jerry Yeagen et son Military Aviation demeura sur place jusqu’à ce qu’une équipe Ce P-39 porte à trois le nombre Zélande.
Museum par la société Pioneer Aero Ltd. du Cairns Aircraft Recovery Team la récupère d’“Airacobra” en état de vol, avec le P-39Q
Une certaine confusion règne à propos en 1971 et 1972, et l’entrepose. matricule 42-19597 de la Commemorative
de l’identité de cet avion. Lorsque la Chez Pioneer Aero, le chasseur a reçu un Air Force basé à San Marcos, au Texas, et le
restauration du chasseur fut commencée moteur Allison V-1710-85. Il a conservé les P-39Q matricule 42-19993 de la collection
au début des années 2000 par la société couleurs et marquages du P-39Q matricule Lewis Air Legends, basée à San Antonio,
Precision Aerospace, à Wangaratta, en 42-20341 – “Airacobra” qui avait été fourni au Texas.
Australie, son identité était le matricule
42-20341, un P-39Q-5-BE “Airacobra” dont
l’épave a été récupérée en Russie en 1995.
Mais après qu’il a été transféré en mai 2015
à Pioneer Aero après le décès de Murray
Griffith, propriétaire de Precision Aerospace,
un doute sur les identités de plusieurs
épaves de P-39 acquises par Precision
Aerospace aurait fait surface et il semblerait
que la véritable identité du chasseur soit Paul McSweeny,
alors apparue comme étant directeur
le matricule 41-2175, un P-39F-1-BE. des opérations
Ce dernier servait au sein du 36th Fighter de Pioneer
Squadron du 8th Fighter Group de l’USAAC Aero, explique
quand, le 1er mai 1942, alors qu’il volait l’installation
avec cinq autres P-39 depuis Townsville, en du V12 Allison
Australie, vers Port Moresby, en Nouvelle- V-1710-85.
DR

4
En bref
Le “Spitfire” biplace PT462
termine sa course sur le ventre
Le 27 février dernier, le Supermarine “Spitfire” T.9 (biplace)
matricule PT462 a terminé sa course sur le ventre alors qu’il
se posait sur l’aérodrome de Denham, en Grande-Bretagne.
Pour une raison encore inconnue, le train d’atterrissage s’est
replié après que l’avion a touché le sol. Ni le pilote ni son
passager (il s’agissait d’un vol que l’administration française
qualifie de “à sensations”) n’ont été blessés.
Le chasseur a été rapidement rapatrié jusqu’à sa base de
Duxford et les travaux de réparation de l’aile endommagée
avaient commencé dès le 6 mars, tandis qu’un moteur
dont la révision s’achevait chez Eyetech Engineering Ltd va
remplacer celui qui a été démonté de l’avion.

FRÉDÉRIC AKARY

Un F-86 “Sabre”
volera bientôt en France
MAX SAMUEL-CAMPS
Le lundi 18 février, le F-86E “Sabre” immatriculé N80FS est Le F-86 de
arrivé dans plusieurs conteneurs sur l’aéroport d’Avignon- Frédéric Akary
Caumont, et a rejoint la collection Mistral Warbirds de Frédéric Akary. en attente
Un PT-19 et un PT- 26 volent
Les opérations de remontage ont débuté le 12 mars et ont été réalisées de remontage désormais en France
par une équipe de mécaniciens spécialistes venue des États-Unis. dans son Le 27 février, le Fairchild PT-19 “Cornell” immatriculé N33870
Le premier vol en France pourrait intervenir durant ce mois d’avril. hangar (photo ci-dessous) est arrivé en provenance d’Angleterre par la
Le chasseur est plus exactement un Canadair CL 13B “Sabre” d’Avignon- voie des airs à St-Laurent-Médoc (LFDU) où il sera basé cette
Mk 6, version construite sous licence au Canada par Canadair Caumont. année. Selon le Britannique Phil Earthey, son copropriétaire,
du F-86E, propulsée par un réacteur Orenda 14. Ce dernier est il sera bientôt rejoint par un Percival “Provost”, un T-6D et
plus fiable et plus puissant que le General Electric J47-GE-13 de quelques autres avions anciens.
la version américaine. Sorti d’usine en 1958 avec le numéro de
série 1675, le chasseur a d’abord servi avec la Luftwaffe, à la
Waffenschule 10, avec les matricules JD+103 et BB+284, puis
avec le matricule KE+104, avant d’être modifié pour le remorquage
de cibles et de porter le code 0113. Puis il vola pour la société
Messerschmitt-Bolkow-Blohm de 1970 à 1977 avant d’être
acheté par le collectionneur britannique Ormond Haydon-Balllie
qui l’entreposa en Grande-Bretagne. En 1979, il a été acquis par
la société américaine Flight Systems Inc. qui le rapatria et le remit DR
en état pour des missions de plastron et de remorquage de cibles, Deux semaines auparavant, le Fairchild PT-26B “Cornell”
avec l’immatriculation N1039K. Puis la société américaine, devenue immatriculé N73520 (ci-dessous) était arrivé par la route
Tracor Flight Systems, le réimmatricula N80FS en 1981 et le fit voler après avoir traversé l’Atlantique sur un bateau depuis Atlanta,
jusqu’en 1997. Le jet passa ensuite entre plusieurs mains, jusqu’à aux États-Unis, pour prendre résidence sur l’aérodrome de
ce que le collectionneur Rich Sugden en devienne propriétaire en Doncourt-les-Conflans avec la collection des Ailes anciennes
2006 et le fasse entièrement remettre à neuf et recouvrir d’un de Lorraine. Construit avec le matricule USAAF 44-19424,
camouflage expérimental porté par quelques F-86 du 461st Fighter il commença sa carrière en mai 1944 au Canada avec le
La “bête” sort
Day Squadron du 36th Fighter Day Wing lorsqu’il était stationné en matricule de la force aérienne canadienne EW478 et totalisa
du conteneur
Allemagne, au milieu des années 1960. seulement 20 heures et 28 minutes de vol avant d’être vendu
à Avignon.
comme surplus en 1946. Il porte les couleurs du PT-26 Spirit
of Little Norway de la force aérienne norvégienne, allusion
à “Little Norway” (petite Norvège), surnom de la base qui
se trouvait près de Toronto, où furent entraînés des pilotes
norvégiens durant la Deuxième Guerre mondiale. Ce PT-26
est, semble-t-il, le seul exemplaire du type volant en Europe.

AA LORRAINE
FRÉDÉRIC AKARY

5
ACTUALITES

Les épaves de l’USS Hornet


et d’un de ses “Wildcat” retrouvées

NAVIGEA LTD R/V PETREL


Image
Fin janvier, l’épave du fameux le Hornet avait été un des trois porte-avions trouvées avec celle du Hornet, car lorsque surprenante de
porte-avions USS Hornet de américains qui avaient pris par surprise ce dernier fut attaqué, la plupart de ses l’épave d’un
la Deuxième Guerre mondiale et coulé quatre porte-avions japonais lors avions étaient en l’air et durent, au retour de “Wildcat”, ailes
a été localisée et filmée par le navire de de la bataille de Midway. Le Hornet avait à mission, apponter sur l’Enterprise ou amerrir repliées, gisant
recherche Petrel, propriété d’une fondation son tour été coulé le 26 octobre 1942 ; en catastrophe tant le porte-avions était à quelques
établie par le défunt milliardaire américain 111 de ses 2 200 marins avaient péri. déjà à l’agonie. D’autre part, les quelques dizaines de
(et collectionneur d’avions anciens) Paul À quelques dizaines de mètres de l’épave avions qui restaient à bord avaient en toute mètres de
G. Allen, cofondateur de Microsoft. Le Hornet du porte-avions, le petit sous-marin probabilité été poussés par-dessus bord l’USS Hornet
gît par 5 400 m de fond dans l’archipel radiocommandé du Petrel a également filmé pendant que l’équipage combattait l’incendie par 5 400 m de
des îles Salomon. C’est de ce porte-avions de façon surprenante l’épave en relativement qui ravagea le Hornet. Ce dernier résista fond. Il a vrai-
qu’avaient décollé les 16 B-25 du fameux bon état d’un chasseur Grumman “Wildcat”. au bombardement américain visant à le semblablement
raid du lt-col. James Doolittle sur le Japon Les images sont saisissantes. Il était fort peu saborder et alla finalement par le fond quand été poussé par-
en avril 1942. Durant le mois de juin suivant, probable que des épaves d’avions soient plusieurs torpilles japonaises le touchèrent. dessus bord.

Une épave de Douglas DB-7/A-20


découverte au large de la Finlande
Lors d’une mission d’étude d’impact
environnemental du futur pipeline
Nord Stream 2 qui traversera la mer Baltique,
l’épave d’un bombardier Douglas DB-7
“Boston/A-20 “Havoc” reposant intacte dans L’image sonar
l’ouest du golfe de Finlande a été repérée laisse penser
par les sonars, à une centaine de mètres de que l’épave de
profondeur. Le Suomen Ilmavoimamuseo, Douglas DB-7/
musée de la force aérienne finlandaise, a A-20 repérée
annoncé ne pas envisager de la récupérer dans l’ouest
tandis que le Conseil national finlandais des du golfe de
antiquités a déclaré que l’épave ne relève pas Finlande est
de la responsabilité de la Finlande car elle se relativement
trouve dans des eaux internationales. intacte.
DR

6
En bref
Un “Mirage” F1 CT pour
les Ailes anciennes de Haute-Savoie
L’association Ailes anciennes de Savoie, à Excenevex, s’est
vue attribuer par l’armée de l’Air le “Mirage” F1 CT n° 220.
Ce dernier est un ancien avion de |’EC 2/30 Normandie-
Niémen, mais le F1 CT a aussi équipé le 2/33 Savoie.

MEAC

Une partie du Balzac resurgit


à Montélimar
DR
Début février, à l’occasion d’un “grand ménage de printemps Le tronçon
avancé”, l’équipe de restauration du musée européen de du “Mirage” Un ancien “Alphajet” n° 8 de la
l’Aviation de chasse (Meac) a “sorti des ronces” une pièce qui se III-001 Balzac
trouvait depuis une vingtaine d’années à l’extérieur, à l’arrière de après avoir été
Patrouille de France pour EALC
son atelier. Une série de chiffres gravés à la main sur un cadre laisse nettoyé par Le musée de l’aviation Clément-Ader des Espaces Aéro
croire qu’il s’agit d’un tronçon du très historique prototype “Mirage” l’équipe de Lyon Corbas a reçu le Dassault Aviation-Dornier “Alphajet”
III-001, qui avait été baptisé Balzac par l’équipe de piste de Melun- restauration n° E145, immatriculé F-TERY, qui a servi avec la Patrouille
Villaroche (en référence au numéro de téléphone de la société Jean du Meac. de France sous le n° 8 et était jusque récemment préservé
Mineur Publicité, Balzac 001). Après un sérieux décapage, le tronçon sur la base de Tours.
s’apprête à être exposé près du “Mirage” G8. Le Balzac s’était
écrasé le 8 septembre 1965 puis avait été ferraillé selon le livre sur
le “Mirage” III de Chenel, Moreau et Liébert (Éditions DTU).
Ce tronçon, s’il provient bien du Balzac, en serait l’unique vestige.

Le “Prowler” tire sa révérence


DR

À la recherche de conteneurs,
ils trouvent des épaves de la
Deuxième Guerre mondiale

DR
EA-6B
L’US Navy l’avait retiré du service en 2015, l’US Marine “Prowler”
Corps vient d’en faire de même : l’EA-6B “Prowler” de guerre du VMAQ-2.
DR
électronique et de contrôle des opérations aériennes ne vole plus
pour les forces armées américaines. Le Marine Electronic Attack Mandaté par la société de transport maritime de conteneurs
Squadron 2 (VMAQ-2), dernier escadron du Marine Corps qui en Mediterranean Shipping Company (MSC) pour retrouver les
était équipé, a été désactivé le 8 mars. Ses avions ont rejoint ceux 270 conteneurs perdus par son navire MSC Zoe au large des
de la VMAQ-3 sur le grand entrepôt à ciel ouvert de l’Aerospace Pays-Bas lors d’une tempête le 2 janvier dernier, le bateau
Maintenance and Regeneration Group de la base de Davis-Monthan, Atlantic Tonjer de la société de sauvetage BDS Harlingen a
près de Tucson, dans l’Arizona. également trouvé au nord des îles Wadden une partie de la
L’EA-6B a été dérivé de l’A-6 “Intruder” pour répondre à des besoins queue d’un P-38, un moteur Rolls-Royce “Merlin”, un moteur
nés durant la guerre du Viêtnam. Il est entré en service en 1971 et Bristol “Hercules” (ci-dessus) et des pales d’hélices en bois.
170 exemplaires en ont été construits jusqu’en 1991. Il emportait
un pilote et trois officiers de contre-mesures électroniques. Pendant Où l’on reparle du Fw 190
plus de quatre décennies, le “Prowler” a été à l’avant-garde de la du lac de Grand-Lieu
guerre électronique et a permis aux forces aériennes américaines
Après avoir interpellé le président de la République Emmanuel
de réaliser des missions au profil très complexe. Il est à ce jour le jet
Macron lors du Salon de l’Agriculture, les membres de
qui a servi le plus longtemps dans les forces armées américaines.
l’Association pour la recherche d’épaves aéronautiques en
Et il aura combattu jusqu’au bout : le VMAQ-2 était déployé au
Pays de Loire (Area) ont réussi à relancer le dossier de la
Moyen-Orient aussi récemment qu’en octobre 2018, en soutien des
récupération du corps du lt Rudolf Wieprecht dans l’épave
opérations Resolute Support et Freedom’s Sentinel en Afghanistan, et
de Fw 190 qui gît dans le lac de Grand-Lieu, près de Nantes,
de l’opération Inherent Resolve en Irak et en Syrie. Le “Prowler” est
depuis le 4 juillet 1943. À suivre donc.
remplacé par le EA-18G “Growler” de l’US Navy.
7
ACTUALITES
Le DC-3 HB-IRJ volera désormais en Turquie
Le 12 mars, le DC-3 HB-IRJ d’Aero
Passion (ex-Breitling) s’est envolé
de Suisse pour rejoindre la Turquie
où il a intégré la collection du pilote de voltige
turque Ali Ismet Öztürk, au côté du P-51
“Mustang” Ferocious Frankie dans le M.S.Ö.
Air & Space Museum, sur l’aérodrome de
Sivrihisar/Eskisehir.
De mars à septembre 2017, le HB-IRJ avait
fait un tour du monde pour l’horloger suisse
Breitling. Ce DC-3 a effectué son premier vol
le 9 mars 1940 et vola d’abord pour American
Airlines avant d’être loué à l’armée américaine
de 1942 à 1944. En 2008, il avait été acquis
par le Suisse Francisco Agullo et un groupe
d’amis avec le soutien de Breitling.
DR

Un Westland “Wessex” vole


à nouveau en Grande-Bretagne
Le 15 février, près de Chard, en
Grande-Bretagne, le Westland
“Wessex” HU.5 matricule XT761, immatriculé
G-WSEX, s’est à nouveau envolé, après
restauration par les membres de l’association
Historic Helicopters. Ses derniers tours de
pales remontaient au 6 novembre 1986,
quand il servait avec la Royal Navy. Le
G-WSEX est aujourd’hui le seul Westland
“Wessex” HU.5 en état de vol dans le monde.
Livré à la Royal Navy le 20 octobre 1966,
il a servi avec de nombreux escadrons
(Sqn 845, 847,771, entre autres). Les 13
et 14 août 1979, il fut un des hélicoptères
utilisés dans l’opération de sauvetage lors
du drame de la course à la voile Fastnet
– en mer d’Irlande, une tempête avait
causé la mort de 15 marins. En mai 1982,
le XT761 avait été transporté dans un
avion-cargo Short “Belfast” jusque sur l’île
d’Ascension, dans l’archipel des Malouines,
et prit part au conflit qui opposa la Grande-
Bretagne à l’Argentine. Après avoir fait
ses derniers tours de pales en 1986, il
devint cellule d’instruction au sol pour l’Air
DR
Engineering School de la base de Lee-On- Le 15 février
Solent. En 2006, il fut transféré au Royal depuis le 6 novembre 1986, et que le utilisé par la Royal Navy (dès 1961) et la dernier, le
Navy Historic Flight sur la base de Yeovilton 15 février dernier, il s’est à nouveau envolé. RAF (dès 1962). Il mena des missions de “Wessex”
puis fut entreposé. En plus du Westland “Wessex” HU.5 lutte contre les sous-marins, de transport HU.5 matricule
En 2017, il fut acquis avec le “Wessex” HU.5 matricule XT761, la collection d’Historic de commandos, de recherche et de XT761
matricule XT771 par l’association Historic Helicopters est actuellement constituée du sauvetage et de transport VIP dans le cadre s’envole à
Helicopters pour être remis en état de vol. Westland “Whirlwind” HAR.10 matricule du Queen’s Flight. Le “Wessex” fut engagé nouveau après
Fondée en 2013 par Andrew Whitehouse XJ729, du Westland “Wessex” HU.5 sur plusieurs théâtres d’opérations, le restauration
à Chard, dans le Sommerset, Historic matricule XT771, du Westland “Sea King” plus notable étant celui de la guerre des par les équipes
Helicopters a pour objet social de préserver, HAR.3 matricule XZ597 et du Westland Malouines en 1982, avec 55 exemplaires de l‘association
restaurer en état de vol et faire voler des “Sea King” HC.4 matricule ZF122. Elle de la version HU.5 surtout utilisés pour le Historic
hélicoptères militaires anciens. C’est ainsi est entretenue par une petite équipe de transport du système de missiles “Rapier”, Helicopters.
que le 16 novembre dernier, le doublet de mécaniciens dévoués, pour la plupart ainsi que de pièces d’artillerie, de munitions
turbines de Havilland “Gnome” du XT761 retraités de la Royal Navy et de la RAF. et de carburant ; neuf furent perdus durant
a mugi de nouveau pour la première fois Le Westland “Wessex” a été largement ce conflit.
8
En bref
Ju-Air investit dans son avenir British Airways ressuscite
et compte reprendre ses vols ses livrées d’antan
dès cet été
Dans un communiqué en date du 12 mars, la société suisse
Ju-Air a indiqué qu’elle a débuté la restauration complète de
ses trois Junkers 52 dans le but de reprendre dès cet été 2019 ses
vols touristiques, mais de façon réduite avec une seule machine,
le HB-HOS. Le 4 août 2018, son Junkers 52 immatriculé HB-HOT
s’était écrasé sur le flan du Piz Segnas, dans les Grisons en Suisse, DR

lors d’un vol entre Locarno et Dübendorf ; l’accident avait fait 20 Le 18 février dernier, le premier d’une série d’avions de British
morts et l’Office fédéral de l’aviation civile (Ofac) avait interdit de Airways à la livrée rétro a été vu sur l’aéroport d’Heathrow à
vol les deux autres Ju 52 exploités par Ju-Air. La petite compagnie Londres. Le Boeing 747-400 immatriculé G-BYGC porte les
aérienne suisse indique par ailleurs dans son communiqué que couleurs de la défunte compagnie BOAC (British Overseas
l’examen approfondi de ses deux autres avions n’a révélé aucun Airways Corporation) ; BOAC fut fusionnée avec British
défaut important pour la sécurité. De son côté, l’Ofac promet un European Airways en 1974 afin de former British Airways.
nouveau règlement pour les opérations aériennes commerciales Le G-BYGC est un des quatre avions à recevoir une livrée
avec ce type d’avions. rétro pour marquer le 100e anniversaire du premier transport
En plus de la maintenance annuelle en cours depuis novembre commercial de passagers au Royaume-Uni.
dernier, le HB-HOS a fait l’objet d’examens très approfondis
pour déceler une éventuelle corrosion. De nouvelles caméras Les “canaris” de l’Aéronautique
endoscopiques à haute résolution ont été utilisées pour examiner navale poursuivent
les longerons d’aile, ainsi que les plus petites cavités des ailes, de
la queue et du fuselage. Il a par ailleurs été fait appel à un institut des carrières diverses
spécialisé dans les essais de matériaux pour examiner toutes L’association Héritage Morane-Saulnier de Tarbes a
les soudures dans les ailes, avec une méthode faisant appel à la annoncé le 8 mars dernier avoir reçu l’ancien “Rallye” 100S
radiographie. Aucune anomalie n’ayant été détectée lors de ces Le Ju 52 codé 66 de l’Aéronautique navale. L’avion a été donné par
longs et minutieux examens, Ju-Air soumettra prochainement une HB-HOS en
l’association Armor Aéro Passion de Morlaix, qui possède
demande à l’Office fédéral de l’aviation civile, dans l’espoir de faire cours de
encore le 63. Les deux associations espèrent bien à terme
maintenance
voler le HB-HOS vers la fin du mois de mai. D’ici là, le HB-HOS aura faire voler à nouveau leurs “canaris” – surnom donné
annuelle dans
reçu un circuit électrique neuf, un poste de pilotage repensé, un aux Rallye MS100S quand ils étaient en service dans
les ateliers
circuit carburant neuf et une cabine réaménagée. l’Aéronautique navale, du fait de leur couleur.
de Ju-Air.

DR

Pendant ce temps, à Saint-Victoret, le Morane Saulnier


“Rallye” 100S n° 2422 anciennement immatriculé F-BVHZ a
JU-AIR
pris place sur un piédestal à l’entrée du musée de l’Aviation,
au côté d’un “Canadair” et d’une Alouette III. Il a été repeint
Le Ju 52 HB-HOP fera l’objet des mêmes examens approfondis cet aux couleurs du Rallye 100S n° 85 de la Marine nationale qui
été ; il a d’ores et déjà été démonté en novembre dernier. Ju-Air servit au sein de la section d’instruction en vol sur la base
annonce vouloir le remettre en vol en 2020. Pour ce qui est du Ju 52 aéronautique navale de Fréjus-Saint-Raphaël.
HB-HOY, contrairement à ce qui avait été annoncé, il ne sera pas
convoyé en vol depuis Mönchengladbach, les accords contractuels
avec le musée qui l’expose ne le permettant pas pour le moment.
Mais selon Ju-Air, dès que le HB-HOY pourra être amené en Suisse,
il fera également l’objet d’une restauration en profondeur.
Ju-Air indique par ailleurs qu’à ce jour, rien n’indique qu’une cause
technique soit à l’origine de l’accident de HB-HOT. Selon le Service
suisse d’enquête de sécurité (SUST), les dommages observés sur
l’avion accidenté ne sont pas à l’origine de l’accident. L’Ofac a fait
part dans un courrier à Ju-Air de son intention de donner une nouvelle
base juridique à l’exploitation des Ju-52 ; leur constructeur n’existant
plus, l’Ofac exige, entre autres, la création d’une organisation
composée de plusieurs agences spécialisées, capable de réglementer DR
et de surveiller la maintenance future de ces aéronefs.
9
LE COURRIER

Le drame du Tu-144 au Bourget en 1973


Pouvez-vous m’indiquer en
quelle année et dans quel
numéro du Fana vous avez
écrit des articles concernant le tragique
accident du Tu-144 ?
Gilles Grare

Nous n’avons pas fait


d’article à propos de ce regrettable
accident qui endeuilla le Salon du
Bourget de 1973. L’affaire fit grand
bruit, et fait toujours de nos jours
l’objet d’interrogations. Le contexte
très particulier du salon explique
en grande partie la tragédie :
il était le théâtre de la rivalité
entre Concorde et son adversaire
de l’Est. Apparemment les
Soviétiques avaient à cœur de
prouver que leur avion était
meilleur que son rival. Il est vrai
GILLES GRARE
que dans la course au supersonique, Le Tu-144
le Tu-144 était parti en fanfare en au Salon du
précédant Concorde pour effectuer Bourget de
son premier vol, mais ses deux 1973 peu avant
premiers prototypes s’avérèrent le drame.
poser quantité de problèmes
techniques. Le CCCP-77102, en
théorie premier exemplaire de série, Le Tu-144
devait prouver aux Occidentaux présent au
que l’avion était fiable et bien au Bourget en 1973
point. À cette époque l’aviation se distinguait
soviétique passait rarement le du prototype
rideau de fer, le Salon du Bourget qui était venu
étant l’unique occasion de se au salon
confronter aux rivaux occidentaux. deux ans
Il avait effectué son premier vol auparavant par
le 20 mars 1972. Le 3 juin, dernier ses plans canard.
GILLES GRARE

Un avion à la Le 15 novembre 1961, le T-28


de Claude Brunet après avoir
plage… suite été touché par un tir de DCA.

Merci à François Cousineau,


Christian Santoir et tous ceux
qui ont identifié le “bel oiseau” à
la plage” selon les termes de notre
jeune stagiaire dans le courrier du
Fana de l’Aviation n° 592. Bernard
Bombeau précise : “C’est l’un des
quatre Nieuport-Delage 391 (moteur
Armstrong Siddeley “Lynx” 4C de
200 ch) F-AJRG à F-AJRJ n° 16
à 19, construits entre 1929 et
1930 pour la Compagnie aérienne
française (CAF), surtout spécialisée
dans “l’avion-taxi” et le travail
aérien. Cette compagnie exploitait à
cette date une vingtaine d’appareils
(avions et hydravions).”

DR/COLL. PAUL BERSON

10
GILLES GRARE
Les deux rivaux
jour du salon, Concorde passa système de contrôle de l’avion pour supersoniques contribua à perturber l’équipage
en premier devant le nombreux améliorer sa prestation en vol. Il (Concorde au à un moment critique. Le Tu-144
public. Puis le Tu-144 s’élança. fut aussi question du passage d’un premier plan) s’écrasa sur Goussainville, tuant
Au terme d’une ascension verticale, “Mirage” III qui aurait gêné le au Salon du ses six membres d’équipage et huit
il décrocha, piqua puis se disloqua, supersonique, hypothèse tout de Bourget personnes au sol. Malgré ce drame,
l’aile gauche et la cellule ne même assez peu probable pour en 1973. le programme du supersonique
résistant pas aux facteurs de charge expliquer le drame. Par contre, soviétique fut poursuivi.
lors du redressement effectué la chute d’une caméra de Le cinquième Tu-144 immatriculé
par le pilote. Apparemment les télévision emportée pour filmer CCCP-77104 revint au Salon
ingénieurs avaient modifié le le vol dans le poste de pilotage du Bourget de 1975.

Un “Fennec” dans le désert algérien


Voici trois photos pour illustrer
l’article sur le “Fennec” dans
le Djebel d’Alain Crosnier et, en
particulier, le récit, par Claude Brunet,
de son atterrissage forcé publié dans
Le Fana n° 592. Ces trois photos de son
“Fennec” n° 85 posé sur le ventre dans
le désert algérien ont probablement
été prises durant la récupération
de l’appareil. En espérant que ces L’aile gauche fut
documents intéresseront vos lecteurs. arrachée lors de
Paul Berson l’atterrissage en
catastrophe...
DR/COLL. PAUL BERSON
Pour mémoire, le DR/COLL. PAUL BERSON

témoignage de Claude Brunet, … mais


qui appartenait à l’Escadron l’équipage s’en
EALA 3/5, précisait que lors sortit indemne.
de l’une de ses premières missions
son “Fennec” avait été touché
par des tirs de mitrailleuses
MG-42 (d’origine allemande)
le 15 novembre 1961.
11
À LIRE, A VOIR
Lumineux auprès de l’association : un nouveau pensionnaire, qui rend hommage aux maintenance civile et
lmbc-na@gmail. com le fameux HU-16A lignes si particulières de militaire. L’historien
(attention, 1 000 “Albatross”. Pour ceux Concorde. L’ensemble Paul Villatoux propose une
exemplaires seulement) qui ne sont pas des se présente sous forme grande rétrospective de la
ou gratuitement (version spécialistes, précisons thématique, avec TAT, qui intéressera sans
électronique) en allant sur que l’“Albatross” fut un l’intervention de plusieurs aucun doute le lecteur.
le site : https://lmbcso33. très efficace hydravion acteurs. L’occasion de L’ouvrage n’est pas en
wixsite.com/lmbc33 signé Grumman qui sauva revenir sur des aspects vente dans le circuit de
À noter que la description quantité de pilotes et de parfois anecdotiques ou vente traditionnel ; se
de l’éclairage de l’aéroport naufragés pendant de beaucoup plus généraux rapprocher de l’éditeur
du Bourget en 1927, à longues années. “That du programme, depuis pour le commander :
Cet ouvrage semble être le l’arrivée de Lindbergh, jette others may live” (pour que les premières études à la editionstextuel.com
catalogue d’une exposition, une ombre (ce n’est pas d’autres vivent) devint la toute fin des années 1950
mais il se suffit largement seulement un jeu de mot) devise de son constructeur. jusqu’aux derniers vols en TAT, 50 ans de
à lui-même et constitue sur le récit inexact que ce Le HU-16A matricule 2003. Une belle somme passion aéronautique
une superbe surprise. Voici dernier en a livré 25 ans 50-0180 venait d’Italie, et sur le sujet. Concorde est Par Paul Villatoux
éclairé (sans jeu de mot) après les faits. ce ne fut pas une mince toujours vivant ! Éditions Textuel,
un pan très important de Michel Bénichou histoire que de le faire 158 pages
la navigation aérienne arriver dans les Landes, Concorde, la légende ISBN : 9782845977594
depuis 1918 : les phares Les Phares puis de le restaurer pour supersonique
aéronautiques. Car, pour aéronautiques qu’il retrouve sa fraîcheur Par Gérard Maoui
le vol de nuit, les routes Par l’association d’antan. Un travail de et André Rouayroux Les Darne
aériennes en Europe et La Mémoire de Bordeaux huit années, qui mobilisa Éditions Privat
aux États-Unis furent Contrôle, 99 pages les énergies à grande 247 pages, 39 €
balisées par des feux à ISBN 978-2-11-152785-0 échelle. Cette aventure est ISBN 978-2-7089-9284-9
acétylène ou électriques, ici narrée, avec son lot de
blancs ou colorés, placés photos et d’anecdotes.
sur des pylônes chaque Initiation Une excellente carte TAT
quelques dizaines de d’invitation pour aller se
kilomètres. On crut même confronter à la machine
que quatre ou cinq phares dans le passionnant musée
géants pourraient couvrir de Biscarosse.
le territoire de la France
continentale en portant
jusqu’à 400 km… Ce Voilà une excellente
fut une illusion, mais la occasion de se pencher
réalité est là : la nuit, par plus précisément sur
temps même pas très l’armement des avions
beau, il suffisait de suivre de combat des années
ces lumières, semblables Jeunes oisillons avides de Derrière cet acronyme 1920-1930. Voilà l’histoire
aux phares marins, mais grands airs, plongez-vous se cache l’histoire des mitrailleuses Darne,
considérablement plus dans ce court ouvrage Good Morning d’une compagnie qui équipèrent beaucoup
nombreuses. qui vous ouvre les portes Albatross aérienne régionale, de chasseurs et de
Ces milliers de balises ont du ciel. Sous forme de Édité par le musée Touraine Air transport, bombardiers en France et
joué un rôle fondamental schémas, voici expliqués de l’Hydraviation et plus particulièrement à l’étranger. À l’origine se
dans le développement les grands principes qui 66 pages, 12 € son fondateur, Michel trouve Darne, un fabricant
du transport aérien, car, régissent le vol du plus ISBN 978-2-907264-00-6 Marchais. Petit oiseau d’armes qui se lance
sans elles, la navigation lourd que l’air, depuis deviendra grand : la sur le marché militaire à
aérienne aurait été la portance jusqu’au compagnie s’étoffe tout l’occasion de la Première
impossible de nuit décrochage en passant Légende au long des années Guerre mondiale avec de
avant l’avènement de la par la traînée et la loi 1970. Ses avions jaune substantielles commandes
radionavigation. Ce n’était de Bernoulli. C’est une canari sont fréquents sur étatiques. À la sortie du
pas anecdotique du tout véritable leçon de chose les aéroports français. conflit, Darne propose des
puisque les derniers pour les néophytes et Ce fut un grand acteur mitrailleuses qui finissent
phares français ont été qui permet aux doctes du transport aérien par être acceptées,
éteints à la fin des années moustachus de revenir qui absorba d’autres non sans mal, par les
1970… encore que, aux fondamentaux. compagnies régionales services de l’État. Outre
puisqu’il en reste un à Nul doute que vous vous (Rousseau Aviation, Air la description des armes,
Orléans, malgré les progrès sentirez pousser des ailes Alsace) et devint Transport l’arrière-plan industriel
considérables de la en parcourant ces pages Aérien Transrégional. qui est décrit ici permet
radionavigation, praticable didactiques. Les activités de la de mieux comprendre les
elle, par tous les temps. Concorde à n’en pas compagnie aérienne difficultés de tous ordres
Une carte situe les vestiges Introduction douter a marqué les comprenaient une qui affectaient le secteur
d’un grand nombre aux principes esprits. Il suffit de branche maintenance qui de l’armement en France
de ces feux en France. de vol de l’avion compter les nombreuses s’étoffa, poussa, grandit juste avant la catastrophe
Attrayant, complet, Par Régis Le Maitre manifestations organisées pour finir pas devenir de 1940.
enthousiasmant, ce petit Éditions Cépaduès à l’occasion des 50 ans une entité séparée. La
livre est le fruit du travail 81 pages, 24 € de son premier vol. Voici croissance Les mitrailleuses
collectif de l’association ISBN 978-2-36493-632-4 un grand ouvrage qui se poursuivit avec la prise Darne
La Mémoire de Bordeaux retrace la grande épopée de contrôle de Sabena Par Jean Huon
Contrôle. On peut Albatross du supersonique franco- Technics, puis de la et Alain Barrelier
consacrer une heure ou Le musée de l’Hydraviation anglais. Le texte, assez Sogerma. C’est désormais Éditions Crépin-Leblond
deux, très enrichissantes, de Biscarosse compte court, laisse la place à un acteur incontournable 223 pages, 24,95 €
à sa lecture, en l’achetant depuis l’année dernière une riche iconographie dans le secteur de la ISBN 978-2-7030-0443-1

12
TECHNIQUE

Image de la maquette
numérique du MB.152 conçue
par l’équipe bénévole
du projet à l’aide du logiciel
de conception Catia
de Dassault Systèmes.

16
Rétro-conception
La renaissance
du MB.152
Un groupe de passionnés bénévoles,
employés de Dassault Aviation, a décidé
de reconcevoir la maquette 3D de cet
avion disparu avec les outils numériques
modernes. Leur objectif : fabriquer
ce MB.152 “nouvelle génération”
dans les usines de la société.
Par l’équipe du projet MB.152

V
ous ne devinerez technique, la bible, que doivent

“ jamais ce qu’on a
trouvé sur eBay ?
– Les plans du MB ?
suivre les personnes prenant part
au développement d’un avion : la
conception, la fabrication, l’assem-
– Non, mais presque. blage et le contrôle.
On a récupéré les standards de Grâce à ces standards, nous
conception du bureau d’études avions donc enfin accès aux données
Marcel Bloch ! Ça date de 1938 !” et valeurs normalisées utilisées par
C ’est avec cette incroyable le bureau d’études des avions Bloch :
trouvaille que nous avons vraiment définition des matériaux, épaisseurs
commencé à nous rapprocher du des tôles, dimensions des barres pro-
dessin original de la structure du filées, positions des rivets et des vis,
MB.152. Jusqu’alors, nous ne pou- etc. Il s’agit en quelque sorte d’une
vions dessiner les pièces de l’avion “pierre de Rosette” (1) qui nous sert à

V
que d’après les mesures et les obser-
vations faites sur des pièces préser-
vées et en nous basant sur les règles (1) La pierre de Rosette, découverte en
actuelles de conception. 1799 durant la campagne d’Égypte de
Napoléon, a permis à Champollion de
Pour les néophytes, ces “stan- déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens au
dards” constituent le référentiel XIXe siècle.

Ci-contre, une partie de


l’équipe du projet MB.152
lors de l’exposition
organisée dans
l’établissement Dassault
Aviation de Saint-Cloud en
décembre 2018.

DASSAULT AVIATION DASSAULT AVIATION/V. ALMANSA

17
RENAISSANCE DU MB.152

lisa pendant la bataille de France.


Cet avion est donc le pionnier de
la lignée des avions de combat
“Ouragan”, “Mystère”, “Mirage”
et aujourd’hui “Rafale”, conçus et
produits par Dassault Aviation.

La rétro-conception
sans plans détaillés
Pour approcher le plus fidèle-
ment possible ce qu’était sa défini-
tion technique en 1940, nous avons
recoupé l’ensemble des informa-
tions disponibles directement en
3D avec le logiciel Catia de Dassault
Systèmes. C’est le principe de la ré-
tro-conception, plus connu sous sa
dénomination anglaise de reverse
Fabrication du engineering, si populaire aujourd’hui
tronçon arrière du fait de la puissance et de la facilité
du fuselage à d’utilisation des outils 3D : logiciels
Châteauroux- de design, scanners, imprimantes,
Déols en 1940. découpe à commande numérique
SERVICE HISTORIQUE DE LA DÉFENSE
etc. Le problème, dans le cas du
décrypter les documents techniques dans des archives ou chez un par- MB.152, est que plus aucun plan
que nous possédons sur les avions ticulier, c’est comme au loto. On détaillé de fabrication n’existe,
Bloch et que nous utilisons comme ouvre les dossiers sans trop connaître contrairement aux avions alliés ou
sources d’inspiration lorsqu’une le contenu et on prie très fort pour allemands de la Deuxième guerre
zone ou un détail du MB.152 nous découvrir une pépite”. mondiale, et que la documentation
est inconnu. Forts de cette mine disponible au début du projet était
d’informations, nous avons précisé le Le choix très parcellaire.
dessin des pièces. C’est fondamental De plus, quand certaines infor-
lorsqu’il faut fournir des plans d’exé-
du MB.152 Dessin mations sont disponibles, elles
cution aux équipes de fabrication. Le MB.152 est un symbole : c’est du tronçon peuvent varier d’une source à l’autre,
En tenant ces documents origi- le premier chasseur développé par arrière de sans parler des différences entre les
fuselage issu
naux dans nos mains, nous avons Marcel Dassault (Marcel Bloch à variantes de l’appareil : les valeurs
de la Notice
voyagé 80 ans en arrière. Comme le l’époque) à la fi n des années 1930 d’envergure et de longueur trouvées
descriptive
souligne l’un des membres du projet : et produit en grand nombre pour ne sont jamais les mêmes… C’est là
et d’utilisation
“À chaque fois que l’on se retrouve l’armée de l’Air française qui l’uti- de 1940.
qu’il faut effectuer un travail minu-

DASSAULT AVIATION

18
tieux de tri des données. Quelle est
la version de référence sur laquelle
se basera tout le travail de concep-
tion aval ? À quelle source devons-
nous donner la priorité ? Celle du
constructeur ? Celle des services
étatiques ? Heureusement, certains
amateurs éclairés sont passés avant
nous et ont réalisé une première
analyse des écarts et proposé une
synthèse – Serge Joanne et Jacques
Robineau dans leur livre faisant réfé-
rence sur le MB.152. Pour notre part,
nous avons choisi de suivre la Notice
descriptive et d’utilisation éditée par
le ministère de l’Air en janvier 1940 :
plusieurs éditions existent et sont
préservées dans les différents musées
et bibliothèques nationaux. Nous
avons pu compléter ces données avec Tronçon arrière
d’autres manuels de maintenance et du fuselage
d’utilisation opérationnelle, des cata- préservé
logues de pièces de rechange ainsi au musée
que de nombreuses photos prises en de l’Armée.
DASSAULT AVIATION/L. HOAREAU
opération et en fabrication issues de
sources publiques et privées. sa verrière à facettes et ses bossages seraient indispensables pour dessi-
de capot moteur. Comme tous bons ner de manière cohérente les com-
Retrouver l’architecture modélistes, c’est à partir du seul plan posants de la structure du MB.152.
trois vues “officiel” existant, associé C’est d’ailleurs à cette occasion
générale de l’avion aux cotes de contrôle de l’avion en que nous avons pu constater des
Dans tout ce travail d’enquête et sortie d’usine, que nous avons es- différences fondamentales d’archi-
de reconstitution historique, nous quissé une première version des sur- tecture avec les avions français
avons procédé par itérations, en des- faces aérodynamiques du MB.152. contemporains. Si le Dewoitine
sinant directement en 3D, reprenant Dans cette reconstitution, il était D.520 possède un petit nombre de
ainsi la logique de développement tout aussi nécessaire, pour la suite cadres de fuselage et au contraire
des avions actuels. de nos travaux, de localiser le plus un grand nombre de nervures de
La première étape a consisté précisément possible les références voilure (dans laquelle sont logés
à recréer les formes externes du majeures de l’architecture de l’avion. des réservoirs carburant), c’est tout
MB.152, si caractéristiques avec son La position des cadres forts, des lon- l’inverse sur le MB.152 ! Son fuse-
moteur incliné sur le côté gauche, gerons et des axes principaux nous lage, qui porte l’unique réservoir,
V

Image du scan 3D du tronçon


arrière de fuselage préservé
Le scan 3D
au musée de l’Armée. Pour simplifier, le scan 3D permet
de réaliser une image en relief
de n’importe quel type de pièce.
Cette image est en fait un relevé
des coordonnées d’un ensemble de
points pris sur la pièce. Les fondeurs
d’art utilisaient déjà cette technique
mais manuellement, avec des sortes
de compas pour produire une copie
d’un modèle de pièce à couler.
On peut faire varier la densité de
ce maillage de points pour restituer
au mieux la géométrie réelle,
la tolérance de positionnement
finale étant de l’ordre de quelques
dixièmes de millimètres. Ces points
sont ensuite importés et visualisés
dans un logiciel de conception 3D,
Catia dans le cas présent. Ainsi, il est
possible de superposer et comparer
le maillage ainsi obtenu de la pièce
réelle avec son dessin en 3D (appelé
“maquette numérique”).
DASSAULT AVIATION

19
RENAISSANCE DU MB.152

est densément raidi par des lisses


et des cadres, comme s’il s’agissait
d’un avion à cabine pressurisée,
alors que sa voilure est constituée
d’un grand caisson avec peu de ner-
vures supportant de larges panneaux Extrait des
travaillant. Cette architecture est standards du
héritée des avions Bloch précédents bureau d’études
(MB.131, 200, 210 et 220) qui étaient Bloch définissant
des appareils bimoteurs de transport les pièces avec
ou de bombardement. Ils avaient une section
besoin d’un fuselage rigide pour en oméga
contenir leur charge utile et d’une (à gauche),
structure de voilure pouvant accueil- et une pièce
lir de grands réservoirs nécessaires de la voilure
à leur rayon d’action – les réservoirs du MB.152
intégraux n’existaient pas à l’époque. fabriquée selon
Ces choix structuraux, a priori mal cette définition
adaptés à un chasseur, ont peut-être standardisée
participé aux qualités constatées en pour sa section.
DASSAULT AVIATION DASSAULT AVIATION
combat par les pilotes de la bataille
de France, à savoir : bien encaisser Cependant, la qualité des informa- Condé-Vraux 1939-1945. Ces deux
les dommages et procurer une bonne tions extraites des scans 3D dépend ensembles étant directement liés l’un
manœuvrabilité en roulis. largement de l’état de l’élément à l’autre au niveau des longerons du
scanné. La voilure provenant d’un stabilisateur, il a fallu ajuster leurs
Ajuster la nouvelle avion écrasé au sol, son extrémité formes et leurs références géomé-
était assez tordue. Par contre, les ner- triques en même temps. Ce ne fut pas
géométrie sur l’originale Dessin de
vures fortes reprenant l’axe du train une mince affaire, car leurs positions
la voilure
Si le premier jet de cette base de droite issue d’atterrissage et le canon semblaient respectives étaient, dans le même
données géométriques était globa- de la Notice bien préservées. C’est cette zone qui temps, données indépendamment et
lement bon, ce n’est qu’en exploitant descriptive et a servi de référence pour superposer par rapport au profil de référence de
les scans 3D des grands morceaux de d’utilisation la maquette numérique de l’aile sur le la voilure selon les plans d’ensemble
la structure originale que nous avons de 1940. On scan 3D du caisson original. de la Notice descriptive et d’utilisa-
su l’affiner. voit bien ici Nous avons procédé de la même tion. Et, bien entendu, la voilure, le
Grâce au caisson de voilure pré- l’architecture manière avec la partie arrière du fuselage arrière et le stabilisateur
servé par l’équipe de l’Association spécifique des fuselage préservé au musée de l’Ar- horizontal ne furent pas cohérents
normande du souvenir aérien 39/45 avions Bloch de mée à l’Hôtel national des Invalides entre eux du premier coup ! Nous
(Ansa 39/45), nous avons retrouvé cette époque – via un don de l’Ansa 39/45 – et le avons dû revisiter notre manière
la position des nervures, des lon- avec un petit stabilisateur horizontal préservé par d’interpréter les données fournies
gerons et défini les profils de l’aile. nombre de le musée du terrain d’aviation de à l’époque, non pas en fonction des
nervures.

DASSAULT AVIATION

20
moyens de conception et de contrôle
d’aujourd’hui, mais bien selon les
techniques et outils de l’époque :
comment et avec quelle précision
mesurait-on un avion en 1940 ? De
surcroît, le profil de référence de la
voilure variait de quelques centi-
mètres en position et en longueur
selon les différentes sources de docu-
mentation disponibles…
U ne des seules parties du
MB.152 pour laquelle nous ne dis-
posions pas de morceaux originaux Caisson de
de taille significative était le fuselage voilure préservé
avant. C’est en utilisant les cotes par l’Ansa 39/45.
d’harmonisation des canons par On retrouve les
rapport au collimateur (2) que nous raidisseurs de
avons positionné le poste de pilotage revêtement avec
par rapport à la voilure. La position leur section en
des canons dans les ailes donnait la oméga (flèche).
DASSAULT AVIATION
localisation de la voilure et la posi-
tion du collimateur situait le pilote l’avion. À l’origine, l’appareil avait déterminé. C’est la conséquence du
dans l’habitacle. Nous avons ainsi été découpé en tronçons pour répar- “Taylorisme” (3) mis en place pour
confi rmé les volumes du poste de tir et faciliter son industrialisation satisfaire les fortes cadences de pro-
pilotage et de sa verrière. sur toutes les usines de la Société duction demandée par l’État dans le
En ce qui concerne le bâti mo- nationale des constructions aéro- cadre du réarmement massif fran-
teur, il nous a été facile d’identifier et nautiques du sud-ouest (SNCASO). çais à la fin des années 1930. Cette
positionner les différents fragments Cela permettait in fine de les regrou- logique de découpage industriel est
disponibles car la documentation per et de les utiliser sur une chaîne toujours appliquée actuellement,
technique du Gnome et Rhône 14N d’assemblage final selon un rythme notamment lorsque les avions sont

V
donne précisément les interfaces du
côté moteur. Une fois le squelette du
bâti ainsi établi, nous avons déduit
les interfaces du côté avion avec leur
impact sur les formes externes du
fuselage avant.
C’est là que la conception directe
en trois dimensions démontre tout
son intérêt : nous avons ajusté de
manière itérative la position de tous
les différents éléments scannés de
l’avion par rapport à la maquette
numérique que nous avions com-
mencée. Ainsi, nous avons convergé Maquette
jusqu’à atteindre une superposition numérique de la
suffisamment précise pour être ac- voilure gauche
ceptable – de l’ordre du centimètre. conçue par
l’équipe projet
Concevoir des pièces MB.152.
DASSAULT AVIATION

“bonnes de fab”
La conception des formes et
des références globales étant satis-
faisante, nous sommes passés à la
conception des sous-ensembles de

(2) L’harmonisation consiste à régler


l’orientation des armes pour les aligner
avec l’axe de visé du collimateur. Scan 3D
Sa vérification au sol se fait en tirant dans du caisson
des conditions standards sur un talus de de voilure droite
terre : ce sont les “tirs à la butte”.
préservé par
(3) Le Taylorisme, du nom de son
inventeur, l’ingénieur américain l’Ansa 39/45.
Frederick Winslow Taylor (1856-1915), On distingue
désigne une forme d’organisation l’axe de rotation
scientifique du travail. du train
Il propose notamment de décomposer
le processus de production d’un bien d’atterrissage en
en une suite de tâches simples, avant du caisson
aboutissant au travail à la chaîne. (flèche).
DASSAULT AVIATION

21
RENAISSANCE DU MB.152

construits en coopération (Airbus,


Boeing, Dassault Aviation, etc.).
Le caisson pilote est le premier
tronçon de MB.152 dessiné de ma-
nière détaillée pour être fabriqué.
Il a été choisi car il est représentatif
des productions de l’établissement
Dassault Aviation d’Argenteuil qui
fabrique aujourd’hui les fuselages
avant de “Rafale” et de “Falcon”.

Le poste de pilotage Fuselage avant


en cours de
pour Argenteuil fabrication à
C’est à partir des nombreuses Châteauroux-
photos de la fabrication prises lors Déols en 1940.
d’un reportage à l’usine SNCASO Les logements
de Châteauroux-Déols en mai 1940 des roues sont
(conservées au SHD et à l’ECPAD) visibles sous
que nous avons observé en détail le plancher
la conception du poste de pilotage. derrière la
Elles nous ont permis de corroborer cloison pare-feu.
SERVICE HISTORIQUE DE LA DÉFENSE
les vues d’artiste disponibles dans
la Notice descriptive et d’utilisation.
Pour définir les dimensions précises,
nous nous sommes appuyés sur les
profi lés standards utilisés pour les
cadres en aluminium embouti, ainsi
que sur la taille des instruments de
la planche de bord. Enfin, grâce aux
scans 3D de l’emplanture des longe-
rons de voilure, nous avons établi la
disposition des boulons d’éclisse de
la jonction ailes/fuselage ainsi que la
hauteur et l’épaisseur des longerons
traversant le caisson pilote. Bien sûr,
toutes les questions sur la concep-
tion n’ont pas été levées : nous avons
pallié les zones d’ombre avec nos
règles “métier” actuelles et en fai- Dessin
sant preuve de bon sens technique. du fuselage
La structure du fuselage avant avant issu
commençant à être fabriquée à de la Notice
Argenteuil d’après sa maquette nu- descriptive
mérique, une équipe de personnels et d’utilisation
de production a décidé de reconce- de 1940.
DASSAULT AVIATION
voir le siège pilote afin d’équiper
l’habitacle.
Courbevoie
“Le design du siège, Saint-Nazaire • fabrication
non sans peine” • voilures des 19 premiers exemplaires
• bureau d’études
C’est l’un des défis du projet Rochefort
MB.152 : donner la possibilité à ses • empennages Suresnes
membres de réaliser des activités fixes • voilures
sortant de leurs activités profes- • bureau d’études
sionnelles quotidiennes. À en croire Bordeaux-Bacalan
l’un des membres de cette équipe, • fuselage équipé Villacoublay
ce fut un tour de force : “Un jour, • essais en vol
Bordeaux-Mérignac • modification des prototypes
en parlant de vieux avions avec un
collègue, il m’a demandé pourquoi • chaîne d’assemblage final,
je ne faisais pas partie du projet, jusqu’en janvier 1940 Châteauroux-Déols
et c’est là que j’ai basculé dans la Bordeaux-Bègles DASS
• capot moteur
AULT
“folie”. Je me suis attaqué au design /D. C
AVIAT
ION • caisson pilote
• gouvernes d’empennage HARR
• fuselage arrière
du siège, non sans peine. Ma base IT

• ailerons • chaîne d’assemblage final


de données : deux photos et une
• trappes de trains Cartographie de la répartition
vue d’artiste du siège issue d’une
d’atterrissage industrielle de la réalisation des MB.152
“doc” technique ; cela m’a valu de
nombreuses soirées passées à com- sur les usines de la SNCASO.

22
prendre le système mécanique de Mise en place des
réglage du siège.” premières pièces
P our continuer d’équiper le du fuselage
poste de pilotage, nous avons des- avant sur le bâti
siné le pare-brise et l’arceau de pro- d’assemblage
tection du pilote. Mais, cette fois-ci, réalisé dans
l’idée était de faire fabriquer cet en- l’établissement
semble par l’établissement Dassault Dassault Aviation
Aviation de Poitiers qui est respon- d’Argenteuil.
sable, entre autres, de l’assemblage
et de la réparation des verrières de
nos avions. Pour ce faire, nous avons
défini la forme de la verrière grâce
à une plaque de blindage d’époque,
préservée par le petit-fils du pilote
mort aux commandes de l’appareil
sur lequel elle a été prélevée (4).
Elle nous a aussi été très utile pour
dessiner l’arceau sur lequel elle était
accrochée.

La verrière
pour Poitiers
DASSAULT AVIATION/S. TALLON
Pour le pare-brise, ce fut plus
compliqué : nous n’avions que des Maquette
photos de l’habitacle prises en opé- numérique du
ration ainsi que deux versions du fuselage avant
avec sa verrière,
tableau de composition du MB.152.
ses instruments
Ce tableau est un catalogue de pièces
et son pilote.
détachées, non illustré malheureu-
sement. Il est tout de même assez
détaillé pour fournir des informa-
tions techniques très utiles pour
notre reconstitution : verre triplex
et plexiglas de 4 mm, par exemple.
Il indique aussi quels standards du
bureau d’études Bloch sont utilisés,
d’où la chance que nous avons de les
connaître. Mais ne disposant que
V

Ci-dessous à
(4) Voir le site de François Iung dédié à droite, hall de
son grand-père René Munier, pilote de finition des
MB.152 au Groupe de chasse II/1, mort MB.151 et 152
pour la France, le 15 mai 1940 en combat à Châteauroux-
aérien : http://www.munier-pilote-1940.fr/
Déols en 1940. DASSAULT AVIATION

La production du MB.152
Le premier marché passé porte sur 144 MB.152 à moteur
14N-25 et 144 MB.152 à moteur 14N-49. Numérotés dans
la même séquence que les MB.151, ces appareils devaient
initialement être produits comme les MB.151 par l’usine
SNCASO de Châteauroux-Déols, mais des retards dans
la production poussèrent à ouvrir une seconde chaîne de
production à Bordeaux-Mérignac, tandis qu’une nouvelle
tranche de 100 monoplaces était commandée à Châteauroux.
En septembre 1939, la SNCASO reçut une nouvelle commande
portant sur 500 MB.152, annulée et remplacée par une lettre
d’intention portant sur 690 appareils. La production du MB.152
fut répartie entre les différentes usines de la SNCASO. Le caisson
pilote jusqu’au bâti-moteur fut fabriqué à Châteauroux-Déols,
les fuselages à Bordeaux-Bacalan, les ailes à Suresnes ou Saint-
Nazaire, les empennages, dérive et plan fixe à Rochefort, les
gouvernes mobiles et les trappes de train à Bordeaux-Bègles.
L’assemblage final avait lieu à Châteauroux-Déols et à Mérignac.
SERVICE HISTORIQUE DE LA DÉFENSE

23
RENAISSANCE DU MB.152

comprendre et à l’interpréter, à la
manière des élèves d’une école d’art
étudiant les peintres classiques pour
mieux créer leurs propres œuvres.

De l’évolution de la
conception des avions
C e projet nous a amenés à
nous plonger profondément dans
la conception des avions de cette
époque. Nous avons découvert
beaucoup de choses, parfois bien
Maquette surprenantes au regard des principes
numérique actuels de conception aéronautique.
de la verrière Ainsi, nous avons été étonnés par
et de la plaque la qualité de l’ajustage de la struc-
de blindage, en ture : la production utilisait certes,
partie réalisée beaucoup d’outillages, mais se faisait
par les élèves principalement manuellement. Cela
ingénieurs de tenait plus de la marqueterie avec
l’ISAE-ENSMA. des pièces montées “serrées” que de
DASSAULT AVIATION
l’assemblage mécanique. Les règles
de trop maigres informations, nous conception de la verrière mobile aux de l’art d’aujourd’hui imposent de
nous sommes finalement rabattus sur élèves de l’ISAE-ENSMA (École laisser systématiquement un jeu
l’analyse comparée des pare-brise nationale supérieure de mécanique maîtrisé et contrôlé entre toutes
des avions de la même époque. Nous et d’aérotechnique) de Poitiers. les pièces, ceci afi n de prendre en
avons trouvé, au musée de l’Air et de Dassault Aviation intervient réguliè- compte des tolérances d’usinage et
l’Espace et grâce à des particuliers, rement dans cette école d’ingénieurs d’assemblage, et de lutter du même
les catalogues de pièces détachées, aéronautiques au travers de sa poli- coup contre les problèmes de corro-
illustrés cette fois-ci, des MB.175, 220 tique de coopération avec l’enseigne- sion générés par les frottements.
et MD.315 “Flamant”. Leurs pare- ment supérieur. C’est ainsi que dans Nous avons aussi constaté l’évolu-
brise étant assez similaires, nous le cadre de leur projet de bureau tion des critères de dimensionnement
nous en sommes inspirés pour créer d’études, les étudiants de deuxième et de dessin des pièces de structure.
une définition vraisemblable de celui année se sont à leur tour immergés Par exemple, les découpes de passage
du MB.152. Armés de ces recherches dans la conception des avions des de lisses dans les cadres (les “trous de
et ces analyses, nous avons confié la années 1930. Ils ont travaillé à la souris” dans le jargon) étaient souvent
Dessin de
l’arceau de
protection
du pilote issu
de la Notice
descriptive et
d’utilisation
de 1940.
On voit le détail
de l’assemblage
de l’arceau sur le
fuselage.

DASSAULT AVIATION
DASSAULT AVIATION
Dessin de la
verrière issu
de la Notice
descriptive et
d’utilisation
de 1940.
Le mécanisme de
translation y est
détaillé.

24
Cela permettait de le redessiner
facilement, puis de le faire fabri-
quer à Argenteuil, prouvant ainsi la
validité du processus complet de re-
constitution historique du MB.152.
Cette démonstration a bien fonc-
tionné car c’est à l’issue de l’exposi-
tion montrant le triptyque longeron
d’époque/maquette numérique/nou-
veau longeron, en décembre 2013,
à Saint-Cloud, que nous avons eu
l’accord de notre direction générale
pour développer le projet MB.152
au sein de la société.
Un élève du lycée
professionnel Technique imaginative
Réaumur
(Poitiers) en train
mais peu orthodoxe
de fabriquer Avec ce feu vert et le soutien actif
l’arceau de la direction du site d’Argenteuil,
de protection nous nous sommes donc lancés dans
du pilote. la fabrication du tronçon de fuse-
DR
lage contenant le poste de pilotage
réalisées d’un trait de scie, laissant les Les pièces du longeron avant du de l’avion. C’était sans imaginer tous
coins avec des angles droits saillants. stabilisateur horizontal ont été les les défis que nous aurions à relever :
Chose tout simplement inaccep- premières à être refabriquées. Cet un longeron d’un mètre de long avec
table aujourd’hui car ces angles vifs élément avait été choisi car il en quelques cornières n’est pas un cais-
sont autant de risques de départ de existait un exemplaire en bon état son de près de 3 m3 avec une dizaine
criques et donc de rupture potentielle dans la collection de l’Ansa 39/45. de cadres emboutis, des planchers
des cadres en vol. Les accidents du en tôle pliée et des longerons usi-
De Havilland DH.106 “Comet” I nés ! Il nous a donc fallu retrouver
(5) Le De Havilland DH.106 “Comet” I
sont, depuis, passés par là (5), et les fut victime d’explosions en vol à l’esprit prototype de nos anciens
méthodes de calcul des structures plusieurs reprises dans les années 1950. pour faire efficace et à faible coût.
prenant en compte la fatigue des Les concentrations de contraintes Un des membres de l’équipe se sou-
matériaux, la propagation des criques dans le fuselage aux coins des hublots vient : “Quand je suis arrivé sur le
rectangulaires ont mené à la rupture
et la tolérance aux dommages sont de la peau de l’avion sous l’effet répété projet, ma première préoccupation a
devenues incontournables. de la pressurisation de la cabine. été de trouver un moyen de faire des
outillages de mise en forme “pas cher
François Iung et facile à usiner”. Je me suis donc
(à gauche), attelé à la tâche pour trouver le maté-
petit-fils de riau “miracle”. Mon premier choix
René Munier,
s’est porté sur du bois aggloméré. J’ai
pilote de MB.152
donc réalisé un gabarit de cambrage
pendant
et une pièce type. Mais le miracle
la bataille
de France.
s’est vite transformé en cauchemar
Un membre de une fois passé l’ensemble sous presse.
l’équipe MB.152 Les quelques tonnes de pression ont
lui restitue écrabouillé l’ensemble, le rendant
la plaque inutilisable et irrécupérable ! Ne
de blindage voulant pas abandonner mon idée, je
qu’il avait prêtée me suis donc rabattu sur du médium
au projet. [bois de synthèse, NDLR] passé
préalablement à la presse. J’ai donc
réitéré l’expérience et là, oh miracle,
mes espoirs dans cette formule furent
couronnés de succès.”
C’est donc avec cette technique
imaginative mais peu orthodoxe que
nous avons sorti la dizaine de cadres
nécessaire pour assembler et présen-
ter le caisson pilote lors des meetings
aériens de la Ferté-Alais et de la base
d’Istres en 2016 pour le centenaire de
Dassault Aviation.
Une fois les pièces de la structure
du tronçon avant fabriquées, il fallait
imaginer la gamme d’assemblage de
l’ensemble, et ce avec une précision
suffisante pour garantir sa cohérence
V

DASSAULT AVIATION/F. IUNG

25
RENAISSANCE DU MB.152
Éric Trappier
géométrique. Là encore, nous avons lycée Marcel Dassault de Rochefort, (à gauche) et Loïk
envisagé un temps d’avoir recours avec sa section “plastique et compo- Segalen (à droite
en costume),
à des bâtis d’assemblage modernes sites”, a pris en charge la fabrication
respectivement
faits pour les grandes séries. Mais, des vitrages, avec notamment la réa-
PDg et directeur
devant leur complexité et leur prix, lisation par thermoformage de la par-
général délégué
il a fallu faire preuve d’ingéniosité tie galbée au sommet du pare-brise. de Dassault
pour trouver une alternative efficace Elle a nécessité la réalisation d’un Aviation, lors
et compatible avec notre budget. En outillage de mise en forme usiné et de l’exposition
observant les usages dans d’autres rendu parfaitement lisse afin que le MB.152 à
secteurs, nous avons choisi de réa- plastique transparent puisse s’étirer Saint-Cloud en
liser un bâti d’assemblage à base de sans marquer. Les élèves du lycée décembre 2018.
profilés métalliques extrudés comme Réaumur de Poitiers ont, pour leur Le moteur
cela se trouve dans le mobilier indus- part, usiné l’ensemble des pièces en Gnome et Rhône
triel modulaire. À partir de ces barres acier, plaque de blindage incluse, né- 14N est un prêt
génériques, nous avons conçu et fabri- cessaire à la fabrication de l’arceau. du musée de l’Air
qué un bâti sur-mesure et adaptable Ils ont aussi réussi à cintrer la cor- et de l’Espace
à la progression de l’assemblage du nière en aluminium chapotant cet pour compléter
tronçon. Et pour vérifier sa précision arceau et fermant la partie fixe de la le fuselage
une fois monté, nous avons pu comp- verrière du MB.152. Il ne leur reste avant fabriqué
ter encore une fois sur les outils de donc plus qu’à souder l’arceau et à par l’équipe
métrologie en 3D. Nous avons ainsi l’assembler sur sa cornière pour qu’il d’Argenteuil.
DASSAULT AVIATION/V. ALMENSA
pu comparer ce relevé à la version nu- puisse trouver sa place sur le poste de
mérique de notre bâti, comme pour le pilotage d’Argenteuil. sionnels et personnels : en dépassant
dessin de l’avion lui-même. le simple exercice de leur métier, en
Pour la fabrication du pare-brise Apprentissages rencontrant des personnes avec les-
et de l’arceau blindé du pilote, nous quelles ils n’auraient pas travaillé en
nous sommes tournés vers les lycées
techniques et humains temps normal, en apprenant d’une
professionnels avec lesquels l’éta- La trentaine de membres du autre manière et en devenant chacun
blissement de Poitiers entretient des projet MB.152 sont des bénévoles responsable d’une partie du projet.
partenariats de formation. Nous sou- passionnés d’aéronautique. S’ils ont C’est ce qu’illustre ce témoignage
haitions que les élèves de ces lycées tous initialement rejoint le projet de l’un des membres de l’équipe :
fabriquent les pièces primaires et pour vivre cette passion au sein de “N’étant ni du métier aéronautique
qu’ils viennent ensuite les assembler leur vie professionnelle, cela a aussi ni technique, la fabrication d’un
sous la supervision de personnels été l’occasion pour chacun d’entre avion reste assez abstraite. Après
poitevins de Dassault Aviation. Le eux d’élargir leurs horizons profes- avoir limé en y mettant toute mon

Usine Bloch de Châteauroux-Déols


en cours de construction en 1936.
DASSAULT AVIATION/DR

26
humains : “Vous devez motiver une
équipe vers un but technique clair, en
tenant un planning et un budget, en
communiquant à l’extérieur comme
en interne, en permettant à chacun
de développer ses talents… tout en
vivant votre passion aéronautique !”,
explique le chef de projet.
Notre PDg, Eric Trappier, a no-
tamment déclaré en décembre 2018,
que le projet MB.152 est un projet in-
novant qui constitue une “introduc-
tion assez intéressante à la culture de
l’entreprise”.

Encore beaucoup
de travail…
La reconstitution numérique
et physique du MB.152 continue.
Nous avons encore beaucoup de tra-
vail à effectuer. Certaines sections,
énergie et mon attention, les pièces triels ou de sécurité des vols associés comme la voilure par exemple, n’ont
passent enfi n à la presse : le cadre bien entendu. Le projet MB.152 pré- été que partiellement étudiées et
prend forme physiquement mais sente d’ailleurs deux avantages ma- restent ainsi à définir pour espérer
aussi dans mon esprit !” jeurs. D’abord, chacun peut décider les fabriquer un jour. Nous avons ré-
de contribuer aux aspects du projet cemment présenté l’avancement du
Un avion qui l’intéressent, qu’il soit expert ou projet lors de deux expositions sur les
qu’il souhaite se former. Ensuite, sites de Saint-Cloud et d’Argenteuil.
à “échelle humaine” l’avion est à “échelle humaine”, c’est- Un documentaire vidéo du projet est
En définitive, les problématiques à-dire simple à appréhender dans sa disponible en ligne sur la WebTV
auxquelles nous faisons face dans le globalité, tout en en connaissant les de Dassault Aviation ainsi que sur
projet sont assez similaires à celles détails de conception et de fonction- YouTube (6). Nous serons présents
d’un vrai programme de développe- nement. C’est un formidable sup- au meeting de la Ferté-Alais cette
ment d’avion, sans les risques indus- port d’apprentissages techniques et année avec un caisson pilote plus
abouti que lors de l’édition 2016.
En même temps que nous pro-
gressons dans la conception du
MB.152, nous recherchons toujours
L’usine Bloch-SNCASO de Châteauroux-Déols des informations qui nous permet-
En 1936, la société anonyme des Avions Marcel Bloch acquiert à Déols traient d’améliorer la qualité de notre
(au nord de Châteauroux) 157 hectares sur lesquels est construite une usine reconstitution. C’est donc un appel
moderne et fonctionnelle de production aéronautique dotée de son propre aérodrome. que nous lançons aux lecteurs du
Cette initiative répond aux directives du ministère de l’Air qui, dans la perspective Fana de l’Aviation pour qu’ils nous
d’un nouveau conflit avec l’Allemagne, veut décentraliser l’industrie aéronautique aident et nous apportent des infor-
en province. La construction de l’usine est confiée à l’architecte Georges Hennequin, mations à l’adresse e-mail suivante :
ami d’enfance de Marcel Bloch, qui la conçoit autour du flux principal de fabrication Projet-Mb-152@dassault-aviation.
des avions, le tout dans un style typique des années 1930. Elle est véritablement com.
opérationnelle en 1939. C’est dans cette usine qu’est produite la majorité des MB.151 Si nous ne pouvons pas au-
et MB.152. Les grandes surfaces couvertes sont agencées afin de permettre jourd’hui fixer de date d’achèvement
l’organisation de plusieurs chaînes d’assemblage et de montage pour répondre du projet, tant elle dépend de la dis-
rapidement à des commandes en très grande série. La conception concilie ponibilité des membres et du soutien
la dimension humaine, la densité matérielle, le niveau d’automatisation et rend logistique que nous offre Dassault
cohérent, à travers l’architecture, le processus technologique. Une attention toute Aviation, nous souhaitons bien évi-
particulière doit être portée aux circulations : personnel, matières premières et produits demment que ce jour arrive prochai-
finis. Son outillage est à la pointe de la technique : machines-outils, fraiseuses à nement. Nous avons tous ce rêve si
haute précision, presses, cisailles, emboutisseuses. Dès sa conception, la structure bien illustré par l’un des nôtres : “Je
d’ensemble de l’usine de Châteauroux-Déols, dictée par le cycle de fabrication, a été suis passionné par l’histoire et l’aéro-
fixée intégralement. C’est une usine neuve, construite d’un seul jet, significative d’une nautique de père en fils. Je souhaite
étape importante de la production aéronautique. Le nombre de chasseurs MB.151 transmettre cette passion à mes en-
et dérivés, fabriqués à l’usine de Châteauroux-Déols entre l’été 1939 et mai 1940 fants (…) c’est dans les yeux de mes
est estimé à 250, soit une cadence moyenne de 25 appareils par mois (avec des pics enfants que j’aimerais voir un jour le
en avril et mai 1940). Conséquence de l’armistice signé le 22 juin 1940, l’usine ferme MB.152 reprendre son envol.” Q
ses portes le 30 juin. Toute l’équipe de direction est licenciée le 15 juillet 1940.
En septembre 1940, le bureau d’études, intégré à l’usine de Courbevoie, est transféré
à Déols, en zone libre, et y reste jusqu’en février 1941, date à laquelle il est déplacé (6) Sur www.dassault-aviation.tv,
à Cannes comme l’ensemble des bureaux d’études de la SNCASO. dans l’onglet “Technologies” et
sur YouTube : www.youtube.com/
TheDassaultAviation sous l’intitulé
“MB-152, le pionnier réinventé”.

27
MONOGRAPHIE
MB.150 à MB.157
Une famille
de chasseurs
Les premiers chasseurs conçus VINCENT DHO
RNE

par Marcel Dassault sont destinés


au rééquipement accéléré des unités
de chasse françaises.
Par l’équipe du projet MB.152

L
a famille de chasseurs à la- son poste de pilotage fermé, l’appa- françaises, même s’il n’est pas encore
quelle appartient le MB.152 reil effectue son premier vol le 4 mai totalement mis au point. Les pro-
est la réponse de la Société 1937, à Villacoublay, piloté par blèmes de refroidissement moteur
anonyme des Avions Marcel André Curvale. sont réglés avec le MB.152 équipé
Bloch au programme C-1 Au début de 1938, le MB.150 est d’une version plus puissante du 14N
(chasseur monoplace) lancé par le retenu en même temps que le et d’un capot moteur de type Naca.
ministère de l’Air en juillet 1934 afin Morane-Saulnier MS 406. Livrée sans moteur à Courbevoie
de rééquiper ses escadrilles de maté- par la SNCASO, la cellule n° 433 est
riels modernes. Le MB.151, premier achevée comme MB.152-01 après
Le MB.150, premier avion de la avoir reçu un moteur Gnome et
famille, est modifié trois fois avant
à équiper les escadrilles Rhône 14N-21 de 1 030 ch. Cet appa-
de prendre sa forme définitive en La première version du chasseur reil effectue son premier vol à
novembre 1935. Étudié à l’usine des qui équipe les escadrilles est le Villacoublay le 15 décembre 1938,
Avions Marcel Bloch de Courbevoie, MB.151. Il est développé à partir du piloté par Rodolphe Blanc.
le MB.150-01 est un monoplan can- début de 1938 et effectue son premier Après un passage à Courbevoie,
tilever entièrement métallique à aile vol le 18 août de la même année à le prototype reprend ses essais en
basse doté d’un moteur en étoile Villacoublay aux mains de Rodolphe janvier 1939 avec un Gnome et
Le prototype
Gnome et Rhône 14N. D’allure mo- Blanc. Sa mise en production est lan- Rhône 14N-25 de 1 080 ch. Comme
du MB.150
derne grâce à son train principal cée rapidement afin d’accélérer le à Villacoublay
pour le MB.151, ce prototype ren-
escamotable (roue de queue fixe) et rééquipement des unités de chasse en 1937.
contre des problèmes de surchauffe,
DASSAULT AVIATION/DR

28
Bloch 152 n° 528 du s-lt Robert Thollon affecté au GC I/8
et qui remporta huit victoires, dont une contre un Messerschmitt
Bf 109, entre le 10 mai et le 15 juin 1940. Ce palmarès fait de lui l’as
des as du Bloch 152. À lui seul, le GC I/8, premier au palmarès
des unités sur Bloch 152, remporta 44 victoires dont 36 confirmés.

limitant la vitesse maximale aux La SNCASO se voit confier la tue, selon ses utilisateurs, une plate-
alentours de 470 km/h et, courant production du MB.150 et de ses déri- forme de tir très stable et atteint rapi-
1939, diverses combinaisons d’hé- vés, MB.151 et MB.152. Elle connaît dement de hautes vitesses en piqué.
lices et de capots moteurs sont tes- de nombreux déboires et les pre- Le manque de puissance de son
tées, ces derniers ayant une prise miers avions de série sont livrés in- moteur impose, aux opérationnels,
d’air variant de 750 à 1 000 mm. complets aux escadrilles. L’emploi un choix optimisé de missions. Au
Pour éviter de nouveaux retards de de ces appareils pour les opérations moment de la déclaration de guerre,
livraison, ce dernier diamètre est militaires est retardé. 249 MB.151 et 152 sont sortis des
finalement retenu et une prise d’air chaînes de montage.
additionnelle est ajoutée pour refroi- Le robuste Le 10 mai 1940, 140 MB.151 et
dir la partie arrière du moteur. Cette 363 MB.152 ont été pris en compte
dernière donnant satisfaction, elle
MB.152 par l’armée de l’Air et 16 MB.151 ont
est montée rétroactivement sur les Au 1er septembre 1939, deux été attribués à l’Aéronavale. Sur les
appareils en service comme sur les jours avant l’entrée en guerre de la 25 MB.151 commandés par l’armée
appareils équipés du moteur 14N-35, France, seule la première escadrille Le prototype de l’Air royale grecque en dé-
du MB.151
monté sur les MB.152 dès qu’il est du Groupe de chasse GC I/l a com- cembre 1939, seuls neuf sont livrés.
piloté par
disponible. Le prototype est mis au mencé à voler sur MB.152. 44 MB.155 sont produits en série et
Rodolphe Blanc
standard de série, rebaptisé MB.152 Le MB.152 est un appareil très neuf appareils utilisés au front. Les
lors de l’un de
n° 433 et livré le 15 mai 1940 à l’ar- robuste, “encaissant” bien mieux que ses premiers
versions MB.153 (1939) et MB.157
mée de l’Air. les autres types en service. Il consti- vols, fin 1938.
(1942) restent à l’état de prototype. Q
ECPAD

29
MB.150 À MB.157

Alignement
de MB.152
de la 4e Escadrille
du Groupe
de chasse II/8
aux couleurs
de l’armée
d’armistice, dont
le MB.155 n° 14.
DR/COLL. FRANÇOIS HERBET

50 ans du Fana de l’aviation


j’ai piloté le Bloch 152
Dans la rubrique “J’ai piloté” du Fana de l’Aviation n° 11, mai 1971,
le pilote d’essais Jean Nollet présenta le Bloch 152.

Affecté en de l’usine à l’entrepôt. Dans un hangar était établie une


1937 comme chaîne de modifications : nouveau capot, montage de
lieutenant au l’hélice métallique à pas variable Chauvière et, en dernier
service technique lieu, l’armement. L’ordre vint de Paris d’essayer tous les
de l’armement avions en tir en vol avant livraison aux unités, et c’est ainsi
aérien, section que j’ai piloté le Bloch 152 avec lequel, dès mars 1940,
du montage des fut constituée une patrouille de défense du terrain de
armes sur avions Châteaudun. Quatre appareils y furent affectés, les pilotes
C1 (chasseurs étant les convoyeurs de l’entrepôt assez peu entraînés
monoplaces), l’un au travail des patrouilles de chasse. Lors de la première
des premiers dont rencontre avec les Heinkel 111 et Messerschmitt 110,
j’eus à m’occuper le 12 mai 1940, un Heinkel fut abattu mais mon second,
fut le Bloch 150. le lt Beau, fut abattu à Ouzouer-le-Marché. Tout à fait
Dès l’origine, cet par hasard, le 14 juin, au cours du repli de l’entrepôt de
appareil avait été Châteaudun sur Cognac, un Dornier sortit d’un nuage sous
conçu pour être le nez d’un Bloch 152 qui tira et l’abattit.
fortement armé et J’ai gardé un extraordinaire souvenir du Bloch 152.
DR son créateur avait L’avion ne présentait aucune difficulté ni au décollage ni à
prévu de monter deux canons de 20 mm HS 9 construits l’atterrissage grâce à son train très large. Le manche était
par Hispano-Suiza sous licence Oerlikon. Malheureusement gros, la manette des gaz aussi. On en avait plein les mains !
peu familiarisé avec cette arme, le constructeur, acceptant L’habitacle était spacieux et les vues remarquablement
une inévitable bosse sur l’intrados d’une aile, voulut éviter dégagées, sauf vers l’arrière. Les commandes étaient
la même bosse sur l’extrados de l’autre aile en fabriquant souples mais avec une certaine lourdeur. À vrai dire,
un chargeur symétrique pour le canon, ce qui n’eut pas le Bloch 152, rustique et lourd, faisait un peu “camion”
l’accord des services techniques de l’armée. par rapport aux Morane 406 ou Dewoitine 520. Il montait
Grâce au travail commun entre les ingénieurs de la société très bien et, lors d’une remise de gaz, la pression du dossier
M. Bloch et les techniciens du service technique, les avions du siège donnait une agréable sensation de puissance.
de la famille du Bloch 150 furent équipés de deux canons Il dépassait facilement les 10 000 m d’altitude en restant
HS 404 (plus modernes et plus puissants que le HS 9) manœuvrable. En piqué, il surpassait nettement les Morane
avec chargeurs de 60 cartouches et deux mitrailleuses et les Curtiss de l’époque et nous avons vérifié que
MAC 34 avec chargeurs de 500 cartouches. Rappelons que les “Hurricane” britanniques devaient s’incliner.
le Morane 406, le plus répandu des avions de chasse de Pourtant, il faut signaler un défaut : le 152, lors d’un piqué
l’époque, ne disposait que d’un canon avec 60 cartouches très accentué, “s’engageait” et le pilote devait donner
et de deux mitrailleuses avec 300 cartouches. Le montage du pied vigoureusement avant que l’appareil consente
de ces armes dans les ailes ne donnait pas confiance à obéir au manche.
au début aux pilotes, et je me souviens d’une certaine En résumé, le Bloch 152 était un excellent chasseur
inquiétude manifestée par le pilote d’essais, M. Blanc, à l’armement puissant, présentant de meilleures
à Cazaux, lors du premier tir en vol. Pourtant, il n’y eut performances que le MS 406, virant plus serré et
jamais d’incident en dehors des difficultés de tir dues au décrochant moins vite que le Dewoitine 520.
froid et au système pneumatique de commande des armes. Les pilotes de la 5e Escadre sur Curtiss, avec leurs
À la déclaration de guerre, je fus détaché à l’Entrepôt mitrailleuses de 7,5, ont souvent regretté de ne pas
de l’armée de l’Air 301 pour y diriger le montage de disposer de l’armement du Bloch 152. Il est certain que
l’armement sur tous les avions neufs sortant de l’usine. ses successeurs, le 155 et plus tard le 157, auraient été
Les avions Bloch 152 y arrivèrent avec des hélices de remarquables engins pouvant lutter, sans infériorité de
“navettes” quadripales en bois ne servant qu’au convoyage performances, avec les appareils allemands contemporains.

30
HISTOIRE
Controverse
Ader a-t-il
volé ?
C’est affirmé avec la logique bancale
des complotistes : Ader n’a pas volé
puisqu’on n’en a pas la preuve.
Une preuve ou des preuves ?
Il y en a suffisamment pourtant. Les voici.
Par Michel Bénichou

E
n prétendant qu’il n’existe l’avis de ces successeurs ait reçu
aucune preuve formelle de beaucoup d’écho auprès de contem-
ses vols, certains affirment porains qui souvent, ignorent
que Clément Ader ne vola jusqu’au nom d’Ader.
jamais, que ses prétentions
sont injustifiées. C’est méconnaître Une question inutile
le personnage qui, à l’inverse de bien
des inventeurs avant et après lui, ne
qui perdure
céda jamais ni aux fantasmes ni aux En lisant les textes anciens avec
vantardises. Quelque erreur qu’il les yeux d’aujourd’hui lorsque l’on ne
MICHEL BÉNICHOU
pût commettre, ce grand patriote, possède pas de connaissances en
ingénieur renommé, raisonna avec mécanique du vol, on peut prétendre s’appuyer avant d’aborder de nos
méthode et scrupules, observant n’importe quoi au sujet de l’aviation jours l’œuvre d’Ader. De la polé-
avant de déduire, mesurant avant de d’autrefois. Si l’on s’efforce, en histo- mique déclenchée dans les années
calculer pour aboutir à des conclu- rien, de se rapprocher du contexte, 1930 par un collectionneur averti,
sions dont la pertinence continue le point de vue change du tout au prétendu historien et hostile à la per-
d’étonner ses lointains successeurs tout. Dans le cas d’Ader, un demi- sonne d’Ader, puis relancée en 1968
bénéficiant pourtant de ce qui lui siècle après sa mort survenue en par un écrivain britannique chipo-
manqua cruellement, la somme des 1925, un petit nombre de pilotes et tant sur le fait pourtant établi
expériences acquises dans l’aéro- d’ingénieurs réputés se penchèrent qu’Ader avait été le premier homme
nautique par les générations précé- en historiens sur ses travaux ; c’est à quitter le sol par un moyen méca-
dentes. Malheureusement, il n’est sur leurs écrits que les enthousiastes nique, restent aujourd’hui des lam-
pas certain que 130 ans plus tard, comme les sceptiques devraient beaux et cette inutile question qui
perdure : Ader a-t-il vraiment volé ?
L’Avion n° 1 Clément Ader rêvait de voler. Il
baptisé Éole. commença à s’y essayer dans le vent
Il parcourut alors qu’il était tout juste adolescent.
50 m à quelques
Diplômé ingénieur en 1861, il fit assez
décimètres du sol
rapidement fortune grâce aux perfec-
devant plusieurs
tionnements qu’il apporta à une in-
témoins le
9 octobre 1890.
vention venue des États-Unis, le télé-
phone, et eut ainsi les moyens de se
consacrer à la réalisation du rêve.
Il n’était pas théoricien ni ne
pouvait fonder ses travaux aéronau-
tiques sur une base scientifique quel-
conque pour cette simple raison
qu’elle n’avait encore été formulée
par personne ; cependant, la nature
avec tous ses animaux et insectes
volants lui sembla apporter des en-
seignements, aussi commença-t-il
par l’observer puis tenter de la co-
DR

32
L’Avion n° 3 de Clément Ader
tels qu’il peut être admiré au
Conservatoire national des arts
et métiers, à Paris.

pier. De cette manière, vers 1873, il moindre intérêt. Pourtant, en le pla- portantes. Ayant fixé des dynamo-
construisit un planeur aux ailes re- çant face au vent d’Autan, retenu par mètres à deux des entraves, il put
produisant celles d’insectes, et re- quatre cordes, Ader, lui-même sus- obtenir les “bases sur lesquelles on
couvert de plumes. pendu presque à l’horizontale entre peut fixer les dimensions générales
Plusieurs fois exposé au public à les ailes, parvint à se soulever régu- d’un avion : charge au mètre carré et
Paris, l’appareil ne suscita pas le lièrement en manipulant les surfaces charge par cheval-vapeur. À ce mo-
ment – 1873 – et pour longtemps
L’Avion n° 3 encore, il est le seul au monde à dis-
installé dans poser de ces données. (…) En ingé-
l’ancienne nieur qu’il est, il calcule rapidement
abbaye de
la puissance et le poids du moteur
Saint-Martin-
qu’il faut construire pour assurer un
des-champs,
vol motorisé avec une charge alaire
et actuellement
au Conservatoire
de l’ordre de 10 kg/m2 .(...) Il s’aper-
national des arts çoit vite que pour cela le moteur ne
et métiers. doit pas peser plus de 7 à 8 kg par
cheval développé”, comme le ra-
conte le général Pierre Lissarrague
dans sa biographie d’Ader (1). Il a été
beaucoup dit que Lissarrague, direc-
teur du musée de l’Air et de l’Espace,
vouait à Ader une admiration exces-
sive ; mais aucun de ses détracteurs
n’a aussi méticuleusement que lui
étudié la vie d’Ader à travers ses
écrits, ses travaux, les témoignages,
et en restaurant l’Avion n° 3 tel qu’il
est exposé aujourd’hui par le
Conservatoire national des arts et
V

(1) Clément Ader, inventeur d’avions,


Édition Privat, 1990. ISBN 2-7089-5335-9.
MARCEL BOVIS / RMN

33
ADER A-T-IL VOLÉ ?

MAE
Dessins extraits
du brevet
déposé par
Ader pour
un appareil
ailé pour la
navigation
aérienne,
dit avion.
La machine
présentée est
proche de
l’Avion n° 1
baptisé Éole.

“L’Avion n° 3
de M. Ader
expérimenté au
camp de Satory
en octobre
1897”.
La photo a été
dédicacée en
janvier 1900 à
“son vieil ami”
Nadar par Ader.
GALLICA/ BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

34
Ader considérait son
avion comme une future
arme pour les forces
françaises
Le planeur conçu,
construit et qui fût envisageable en son temps.
essayé par Ader Là, il réussit un exploit véritable dont
en 1873, dessiné nous avons aujourd’hui perdu la por-
par son créateur : tée : le moteur en soi avec ses deux
envergure de cylindres, pesait 23 kg ; avec tous ses
7 m, longueur accessoires dont le condenseur où la
d’1,80 m. vapeur était refroidie en eau liquide
MAE
avant de revenir à la chaudière, la
masse totale était de 70,5 kg pour
une puissance maximale de 10 ch
(6,4 kg/cv). Ce moteur de très loin le
plus léger au monde, à opposer au
moteur à vapeur de Hiram Maxim,
datant de la même époque, donnant
180 ch pour presque 2 tonnes tout
compris (10 kg/cv).

Huit années pour


fabriquer Éole
L’Avion n° 1, baptisé Éole, fut
Page de notes construit sur le modèle de la chauve-
de Clément Ader souris, ce en quoi Ader le considére-
autour d’un rait différent des aéroplanes. Nous
dessin de l’Éole. n’entrerons pas ici dans le détail de
MAE
sa fabrication qui demanda huit an-
métiers au centre de Paris. Cette bio- exemple dans les écrous utilisés par nées, la seule personne d’Ader for-
graphie, étayée par les réflexions de les réacteurs les plus modernes”, mant le bureau d’études, deux ou-
l’Académie de l’air et de l’espace (2), écrivait Pierre Lissarrague (1) à la vriers se consacrant à la cellule et à
est un excellent travail d’historien et fin des années 1980. l’intégration du groupe motopropul-
d’ingénieur, fort éloigné des hagio- D’emblée Ader considéra l’hé- seur sous la maîtrise d’Eloi Vallier et
graphies ou des lice comme seul Louis Espinosa ; tous travaillaient
pamphlets qui propulseur pos- avec ferveur souvent 12 heures par
l’ont parfois pré- sible, et, fort des jour, sept jours par semaine. L’avion
cédé. données mathé- Clément Ader avait une structure en tubes de bois
Car il faut user matiques acquises septuagénaire, ou de bambou reconstitué, inspirée
de circonspection avec son planeur photographié par par l’ossature de la roussette ou re-
Félix Tournachon
au sujet d’Ader ; en plumes de 1873 nard volant, recouverte de toile de lin
dit Nadar, qui
comme l’écrivait et l’observation du boutonnée sur les membrures, cha-
fut extrêmement
le regretté ingé- vol des oiseaux cun des boutons supportant un effort
célèbre en son
nieur général Jean voiliers, s’attacha temps.
de quelques grammes. Les ailes re-
Forestier (2), son à partir de 1882 à pliables et mobiles présentaient une
œuvre offre une la c onc ept ion courbure, “courbe de suspension”
st r uc t u re qu i d’une machine – selon Ader qui la disait aussi “univer-
“s’apparente à qu’il appela avion selle” parce qu’il la croyait propre à
celle d’un iceberg (brevet 205 155 toutes les créatures volantes, définie,
avec une partie d’un Appareil ailé dans son esprit, par une spirale loga-
cachée beaucoup pour la navigation rithmique ; l’expérimentation sur un
plus importante aérienne dit avion) manège improvisé lui avait confirmé
F T
ÉLIX OURNACHON
que la partie vi- avec la complicité la supériorité de cette courbe sur une
sible”. Or c’est sur cette partie visible de l’écrivain Gabriel de la Landelle, surface plane. Les mouvements anté-
que trop d’encre a été gaspillée. “Cet inventeur du mot aviation –, puis à ropostérieurs des ailes devaient
appareil extraordinaire (...) recèle des celle d’un moteur à vapeur, le seul contrôler le tangage.
trésors d’ingéniosité, un sens excep- Des essais minutieux servirent
tionnel de la résistance des maté- – toujours dans le plus grand secret
riaux, et des solutions techniques (2) Au temps de Clément Ader. Textes parce qu’Ader considérait son avion
rassemblés de MM. Lissarrague,
d’avant-garde dont certaines se re- Forestier, Simonet, Hirsch, Robineau. comme une future arme pour les
trouvent encore aujourd’hui, par forces françaises –, à valider les ré-
V

Éditions Technea. ISBN 2-87717-0454-6.

35
ADER A-T-IL VOLÉ ?

glages de la voilure, la puissance


distribuée, la traction de l’hélice à
“ Pendant quelques faible pression, d’un bout à l’autre de
la piste. Les traces des roues, de très
quatre pales, copies en bambou plus profondes au départ et à l’arrivée,
cambrées d’une plume. En sep-
tembre 1890, il trouva à Armain-
secondes, je me trouvai l’étaient incomparablement moins
au milieu du parcours ; l’appareil
villiers un endroit discret pour ten-
ter ses premiers vols, dans le parc
suspendu dans une sorte s’était allégé, là, des trois quarts et
plus. La démonstration n’était pas
des banquiers Pereire que ses inté-
rêts dans le téléphone lui avaient fait d’aise indéfinissable ” complète, je fis appel à toute ma har-
diesse en même temps qu’à toute ma
connaître. À 300 m du château, der- prudence. Mon appréhension était
rière les dépendances et au-delà du La piste tracée pour surveiller nuit et jour, les deux extrême, mon esprit étant constam-
mur protégeant les verger et le pota- à Satory en autres ouvriers couchant à l’hôtel. ment hanté par cette limite de 200 m
ger, il y avait fait, dès août, à ses frais, 1897, dessinée Ader procéda tant que le temps qu’il ne me fallait pas dépasser sous
tasser la terre sur 200 m de long et par André Binet le permit, beau et sans vent, à de nou- peine d’aller me briser dans les
25 de large dans une prairie bordée en 1924. En veaux essais pour apprendre à utili- arbres. Enfin, revenu à mon point de
d’arbres. C’était assez isolé, et, bien rouge, parcours ser ses commandes et vérifier la jus- départ, après avoir posté mes deux
que de 30 à 40 personnes fussent où les traces tesse de ses calculs. Il raconta en contremaîtres Vallier et Espinosa
affectées à l’entretien du parc, il en des roues sont 1910, dans La Vie au Grand Air, la vers le milieu du parcours, pour ap-
exigea comme il le demandait à tous intermittentes ; journée du 9 octobre 1890 (extrait) : précier la hauteur du soulèvement,
ses amis de ne jamais rien dire de ce en bleu, celui “L’anxiété était grande ; qu’allait-il se je me préparai à partir en donnant au
qu’ils pourraient voir. Le secret fut où les traces passer ? On proclamait partout que moteur presque toute son énergie. Je
observé très longtemps même quand disparaissent l’aviation était impossible, des sa- confesse que mon cœur battait à se
il n’eut plus lieu d’être. Très peu fi- et celui que vants avaient prouvé par des chiffres rompre. De ce que j’allais faire, dé-
nirent par raconter ce qu’ils virent l’avion suit que l’homme ne volerait jamais. pendait la question de savoir si, oui
lorsqu’ils furent sollicités, même selon André Cependant, mes calculs m’avaient ou non, l’homme monté sur une
Binet ; en
après que tout fut consommé. démontré le contraire. Avec machine pouvait voler ? Je m’élançai
bleu clair, le
Baptisé Éole, l’Avion n° 1 fut rangé confiance, j’enfourchai l’Éole ; la à vive allure : les soubresauts des
parcours en vol
dans une orangerie encore vide, force motrice donnait bien et j’allai roues sur le sol cessèrent presque
selon Clément
Vallier et Espinosa s’y logeant aussi timidement à plusieurs reprises, à aussitôt, et, pendant quelques se-
Ader en 1897.

MAE MAE

36
condes, je me trouvai suspendu dans val, or il lui fallait 100 m pour at- voletant et à l’une des expériences
une sorte d’aise indéfinissable. Mais teindre cette vitesse dans une ma- l’Éole sortit de la piste à gauche sur
la fin de la piste était tout près et n’en chine qu’il avait allégée de la plupart une longueur d’environ 100 m, sans
permit pas davantage. J’arrêtai im- de ses réservoirs et de son énorme laisser de traces sur le sol ; il était à
médiatement le moteur.” condenseur, or le moteur ne donnait une faible hauteur, mais complète-
L’Éole avait parcouru 50 m à pas toute la puissance attendue, or ment soutenu par ses ailes. Cette
quelques décimètres du sol devant la chaudière commença à fuir. Le 25, déviation à gauche en volant fut cau-
plusieurs témoins dont le banquier il avait quitté les Armainvilliers, sée par le propulseur central dès que
Gustave Pereire. Vallier et Espinosa sachant tout ce qui restait à faire. l’Avion fut libre en perdant terre (…)
prirent quelques blocs au tas de char- En août 1891, lui fut attribuée Malheureusement, il vint buter vio-
bon alimentant la chaudière des l’autorisation très exceptionnelle de lemment contre un matériel de cha-
serres et les enterrèrent à l’endroit du poursuivre les essais de l’Éole et de riots, baquets, etc. qui avait servi à
vol, indiqué en outre par un piquet. son moteur amélioré (13,5 ch) sur le tracer, à la chaux, la raie centrale…”
On les y retrouvera longtemps après. champ de manœuvre de l’Artillerie Qui a un jour dut affronter l’effet de
Jamais un historien n’a douté de à Satory où le mutisme des observa- couple au décollage d’un monomo-
la réalité de cette performance. teurs en uniforme allait de soi ; Ader teur à hélice comprend immédiate-
Pourquoi leur fallut-il remettre les lèverait ce secret en 1907 en publiant ment qu’Ader ne peut pas avoir in-
autres en cause ? La Première Étape de l’aviation venté les détails de ce décollage. Il
militaire, mais, en l’absence de docu- ne peut que les avoir vécus.
“Éole sort de la piste sans ments officiels disponibles, il sera Les dégâts ne furent pas très im-
facile de proclamer que rien de ce portants. Cependant Ader estimait
laisser de traces au sol” qu’il prétendait n’était vrai. En fait, n’avoir plus tout l’argent nécessaire
Le 10 octobre, Ader s’alitait, les livres de comptes montrent que pour continuer. Il avait fait appel en
souffrant. Le 12 il écrivait à son ami l’Éole et ses ouvriers demeurèrent 54 vain à Gustave Pereire en lui promet-
Nadar (Félix Tournachon) qu’il avait jours à Satory où avait été préparée tant un Avion n° 2 qui volerait 6 à
enfin quitté le sol. Il avait calculé que une piste de 800 m balisée en son 8 heures et des profits phénoménaux.
son avion quitterait le sol au-delà de centre par une bande de chaux large Ader était aussi naïf. Il avait dépensé
36 km/h, “vive allure” au XIXe siècle d’un mètre. En 1907 donc, Ader écri- de sa grande fortune 200 000 francs
où la référence était le galop du che- vit : “Plusieurs essais furent faits en (4 à 5 millions d’euros) ; il lui en fau-

V
L’Avion n° 3
(c’est marqué
dessus) dans
l’atelier de la
rue Jasmin
à Paris. Au fond
à gauche, Vallier
et Espinosa.

37
ADER A-T-IL VOLÉ ?

“ (…) l’Avion atterrissait


drait beaucoup plus. Dès lors, il ac- pour apprivoiser sa machine. Peut-
cepta d’exposer à partir d’octobre être aurait-il alors constaté que cette
l’Éole réparé dans le pavillon de la piste circulaire était une hérésie et
ville de Paris, sur les Champs-
Élysées, dans l’espoir d’intéresser les
qu’il fallait décoller tout droit, face
au vent, comme… les animaux vo-
dans le bruit des
investisseurs. Ce fut vain, mais le
général Joseph Mensier, directeur du
lants Le 14 octobre 1897, il s’élança
de devant le hangar où une courte
craquements, après une
Génie, qui avait pu voir l’Éole en-
dommagé à Satory, s’était renseigné
ligne droite menait à la piste. Il avait
plu ; sol détrempé ; vent encore assez envolée de 300 m ”
sur ses essais dont bien des militaires fort. “Le surlendemain, 14 octobre,
avaient été témoins, et s’était enthou- jour néfaste, le vent soufflait par ra- neuse, de travers par rapport au sol.
siasmé ; il fit venir au pavillon devant fales. Le général Mensier et le géné- J’avais l’illusion de tomber constam-
l’Avion Charles de Freycinet, mi- ral Grillon étaient présents. Après ment à droite et je me voyais, à
nistre de la Guerre, ingénieur réputé, une très longue attente, l’impatience chaque instant, en danger d’être pro-
modernisateur des armées, qui ac- arriva à son paroxysme, j’eus l’im- jeté sur le terrain dans les débris de
cepta le principe de financer Ader. prudence et la témérité de vouloir mon appareil. Le sang-froid dans
Le 2 février 1892, un contrat fut passé partir quand même. Le vent repre- des situations si critiques ne saurait
pour la construction d’un avion ca- nait encore plus fort, juste au mo- exister. J’avoue que j’avais perdu le
pable de voler pendant 6 heures à au ment où je quittais la terre et, surpris, mien et, instinctivement, j’arrêtai net
moins 54 km/h avec deux personnes je me laissai porter en dehors de le moteur. Un instant après un grand
à bord et à plusieurs centaines de l’aire. Je manœuvrai aussitôt pour y choc se produisit : l’Avion atterrissait
mètres de hauteur. Les conditions revenir, mais, pilote trop peu exercé, dans le bruit des craquements, après
financières étaient très avantageuses je n’y parvins pas ; l’Avion s’en éloi- une envolée de 300 m. Avant de me
pour Ader… à la condition qu’il eût gnait au contraire, se dirigeant vers dégager, je restai là, immobile…”
réussi dans un délai d’un an, voire l’installation d’une école de tir. Le (La Vie au Grand Air, 1 910). Le vent
deux. Euphorie ou illusion générale ! moment était poignant. Je croyais ma soufflant de 3/4 arrière gauche avait
Il est vrai que les armées n’avaient perte déjà consommée à travers ces ajouté sa vitesse à celle de l’Avion
pas à financer la recherche fonda- poteaux et barrières, et, par surcroît, dont la trajectoire avait été finale-
mentale, mais des essais pratiques. l’Avion volait à une vitesse vertigi- ment presque droite. Les témoins,

Deux hélices
contrarotatives
L’Avion n° 2 (Zéphyr) était en
construction, plus fin, tout en bois et
revêtu de soie, quand Ader se ravisa
pour passer au n° 3 bimoteur
(Aquilon), lancé en janvier 1894. Plus
puissant, avec deux hélices contraro-
tatives, cet avion volerait tout droit.
Cependant, dans ces conditions, le
contrat ne serait pas respecté ; après
de longs atermoiements, le nouveau
ministre de la Guerre en signa un
autre en juillet 1894.
La construction de l’Avion n° 3 et
de ses moteurs fut plus difficile et bien
plus longue que celle de l’Éole pour
toute sorte de raisons. Dans l’atelier,
une vingtaine d’ouvriers entouraient
désormais Ader qui, dans son bureau,
demeurait solitaire. L’Avion n° 3 se-
rait propulsé par deux moteurs de
24 ch pesant ensemble 145 kg tout
compris ; 3 kg/cv, encore un record !
Le 21 juillet 1897, Ader écrivit au
ministre de la Guerre que son Avion
était prêt à Satory pour être présenté
à une commission. En septembre,
commença sur un terrain en décli-
vité la construction de la piste de
lancement circulaire réclamée im-
prudemment par Ader. Entre-temps
les seules démonstrations qui eurent
lieu furent le point fixe des moteurs
dans l’atelier. Lorsqu’Ader, de plus
en plus impatient, put enfin faire sa
présentation en vol, il ne s’était pas
MICHEL BÉNICHOU
donné le temps d’essais complets
38
mal placés, n’avaient pu voir l’Avion nécessaires. Sans doute avait-il aussi contraire de ce qu’il fallait. Les am-
au-dessus du sol (au moins deux ou compris qu’il usait de techniques bitions et les attentes d’Ader et des
trois mètres) à cause de la pente, dépassées, et que le moteur à com- militaires étaient démesurées et trop
mais les traces des roues parlaient : bustion interne serait à brève en avance sur leur temps puisque
après quelques mètres elles com- échéance très supérieur au moteur Ader espérait obtenir seul les résul-
mençaient à disparaître, revenaient, à vapeur, fût-il génial. Dès 1898, tats auxquels une industrie naissance
s’évanouissaient encore, puis d’ailleurs, Ader brevetait un moteur ne parvint pas encore tout à fait une
n’étaient plus apparentes sauf 300 m à essence, deux cylindres en V, et, vingtaine d’années plus tard.
plus loin où l’appareil toucha le sol bientôt, des automobiles Ader ; il Mais pourquoi donc Ader fut-il
en dérapage. Les généraux dirent ce avait alors 57 ans, un âge trop avancé couvert d’honneurs et si longtemps
qu’ils avaient vu, c’est-à-dire pas pour continuer une œuvre solitaire respecté ? Pourquoi l’armée décida-
grand-chose. Ambigu, peu convain- et en assumer seul tous les risques. t-elle fin 1911 de substituer au mot
cant. Un seul rapport était plus pré- aéroplane le mot avion, sinon pour
cis, mais il émanait d’un lieutenant, Des ambitions et lui rendre un hommage appuyé ? On
Binet, qui avait tracé la piste et noté nous objectera encore que le général
les empreintes des roues.
des attentes démesurées Lissarrague, pourtant assisté des
L’armée avait alors d’autres pré- Il ne peut être question de mettre ingénieurs et techniciens du musée
occupations dans un budget en en doute les vols de Clément Ader ; de l’Air et de l’Espace, ne parvint pas
baisse, dont le financement soigneu- il est même évident que ces courtes à faire voler correctement la ma-
sement caché de l’industrialisation envolées étaient assez stables. Mais quette des Avions 1 et 3. Il faudra
du nouveau et formidable canon de il est aussi évident qu’elles ne pou- alors rappeler qu’aucune des copies
75 mm (même le Parlement n’en fut vaient être vraiment meilleures pour du biplan Wright de 1903 construites
pas averti !). Elle espérait qu’Ader au moins trois raisons : des com- aux États-Unis en 2013 ne réussit à
pourrait poursuivre ses travaux sur mandes trop compliquées, insuffi- voler… Mais il existe dans ce cas,
ses fonds propres. Les plans du n° 4 santes et mal maîtrisées ; la traînée contrairement à celui d’Ader, les irré-
commençaient d’être tracés, à la considérable du condenseur ; des futables photos des premiers “vols”
lumière de l’expérience acquise. hélices aux pales trop souples dont du 17 décembre 1903 qui, sur 260 m
Mais Ader, qui avait déjà beaucoup le pas diminuait naturellement au maximum, ne valait guère mieux
dépensé, n’avait pas les finances quand la vitesse augmentait, au que ceux d’Ader en 1891 et 1892. Q

L’Avion n° 3 de Clément Ader


conservé au Cnam
À gauche page 38, l’habitacle de l’Avion n° 3.
Au dehors, un des deux pédales de palonnier.
Au centre, le cadran du manomètre de la vapeur
et les trois petites poignées du contrôle des moteurs.
De chaque côté, les roues pour mouvoir les ailes
d’avant en arrière (contrôle en profondeur).
De chaque côté deux grands réservoirs d’alcool.
Ci-contre, le groupe moteur de l’Avion n° 3.
Au centre, la chaudière comportant 5 450 tubes de 2 mm
de diamètre (5 km en tout). En bas, grises, les grilles
de l’alimentation en air des brûleurs à vapeur d’alcool
placés juste au-dessus. La canalisation isolée (jaune)
apporte de la vapeur qui vaporise l’alcool.
Un des réservoirs d’alcool (métal poli) fait face
à la porte. En gris et jaune, la bouteille par où arrivent
MICHEL BÉNICHOU l’eau vers la chaudière et la vapeur vers les moteurs.
Gris, un réservoir d’eau. Les deux moteurs à 2 cylindres
sont couchés au sommet de la chaudière. Le condenseur
est en place sur l’avion.
Ci-contre en bas, vue du moteur actionnant l’hélice
gauche. On ne voit que le vilebrequin et ses quatre
contrepoids, ainsi que les pompes, sur le côté.
Les petites boîtes sont des réservoirs d’huile pour
le graissage par gravité. Chaque moteur pèse 23 kg
avec 2 cylindres, pour donner 24 ch à la pression
de vapeur maximale de 16 atmosphères.

MICHEL BÉNICHOU

39
REPORTAGE

Stinson V-77/SR-10
Plus neuf que neuf !
L’atelier dijonnais Aero Restauration Service peut
s’enorgueillir depuis le printemps dernier d’avoir
produit une restauration au plus haut standard.
Par Xavier Méal

XAVIER MÉAL
Le Stinson V-77/SR-10 F-AYDK
dans les environs de La Ferté-Alais
en mai 2018.

41
STINSON V-77/SR-10

U
n samedi vers la fin

“ de 2012, je musar-
dais sur le site inter-
net Plane-Chek, se
souvient Armando
Da Costa, je venais de vendre mon
Zlin 526… et j’ai été intrigué par une
annonce concernant un avion qui
avait fait un cheval de bois en 2006 ou
2007. Un Stinson V-77, la version
militaire du SR-10. Je connaissais ce
type d’avion, que je trouvais sympa
avec son aile de mouette, et j’ai pensé Les ailes
que ce serait un chouette avion pour du Stinson le
se balader. Ce qui m’avait intrigué 21 février 2013,
était le prix de vente “très raison- dans la cour
nable”… Sur le coup, mon objectif de la ferme où
principal n’était pas de le restaurer, il est entreposé
mais je me disais qu’il y avait peut-être démonté
une affaire à faire. depuis quelques
En février 2013, je suis allé le années déjà.
ARMANDO DA COSTA
chercher en Allemagne. L’avion était
dans une grange ouverte, dans une dans le camion… trop haut. Avisant et en tant qu’avion d’entraînement
cour de ferme, derrière en tas de alors une des jambes de train qui sous la désignation AT-19. La Royal
pneus, sous une épaisse couche de avait d’évidence été réparée-brico- Navy et la Royal Air Force utili-
poussière. À côté, il y avait un moteur lée-ressoudée, nous l’avons sciée et il sèrent également le “Reliant” pour
sur une palette, sous une bâche – en est rentré juste-juste.” des missions de liaisons. Après la
plus de celui de l’avion auquel il man- La “bête malade” est le Stinson guerre, ils furent revendus sur le
quait deux cylindres. L’appareil ne V-77 “Reliant” n° de série 6375, marché civil sous le nom de Vultee
me paraissait pas si abîmé que ça : il construit en 1942, qui commença sa V-77. Ils étaient motorisés avec un
était sur ses roues, au fond de la Le 21 février carrière au sein de la Royal Air Lycoming R680-E3B de 300 ch et
grange, l’intérieur était… peu habillé. 2013, Armando Force avec le matricule FB356. Le se distinguaient du SR-10 civil par
Néanmoins, à l’ami qui m’accompa- da Costa V-77 est la version militaire du leur porte unique sur le côté gauche
découvre
gnait, j’ai alors dit : “Bon, on va le SR-10 “Reliant” ; il fut utilisé par et leur capot moteur lisse, dépourvu
le fuselage
mettre dans une autre grange, et on l’USAAF pendant la Deuxième des bossages traditionnels.
du Stinson
verra plus tard…” La première sur- Guerre mondiale en tant qu’avion Celui-ci devint civil en Belgique
qu’il vient
prise a été que l’avion ne rentrait pas d’acheter…
utilitaire, sous la désignation UC-81, sous l’immatriculation OO-NUT
ARMANDO DA COSTA

42
construisais en dilettante un Jurca
MJ-77 “Mustang” qui n’avançait pas,
s’est terminée par un : “Pourquoi on
ne ferait pas ce Stinson ensemble ?”
Nous avons pris rendez-vous avec
Bruno Ducreux pour discuter plus
sérieusement de la restauration, et
c’est parti comme ça… De fil en ai-
guille, à chaque fois que Bruno nous
a exposé un problème, on a fini par
dire : “Non… on ne peut pas laisser
ça comme ça… Il faut le faire bien.”
Ce furent plusieurs années des plus
intéressantes, durant lesquelles nous
avons pris du plaisir à chaque étape,
parce que Bruno Ducreux nous a
La structure impliqués dans toutes les décisions :
en treillis de quel grain de cuir, quelle couleur, la
tubes a dû subir forme du nouveau tableau de bord,
de multiples dans quel matériau, etc. On n’a pas
réparations. vu le temps passer…” Et pourtant,
ARS
entre le moment où le Stinson fut
avec la Compagnie commerciale allemand qui la revendit donc à déposé chez ARS et son premier vol
d’aviation, sise à Bruxelles, puis Armando da Costa en juin 2013. le 5 avril 2018, cinq années et demie
migra en 1953 ou 1954 vers la Suède “Sur le chemin du retour, poursuit s’écoulèrent.
où il reçut l’immatriculation SE-BZP Armando da Costa, nous avons dé-
et connut plusieurs propriétaires, posé l’avion chez Aero Restauration Avant de L’équipe d’ARS
avant d’être vendu en Grande- Service, la société fondée par Bruno mettre en place
Bretagne en 1999, puis en Allemagne Ducreux à Dijon-Darois, pour éva- le tableau de face aux défis
en 2001. En 2006, sur l’aérodrome luer “ce qu’on pouvait en faire”… Je bord, il faut L es travaux débutèrent en
d’Hamm, en Rhénanie-du-Nord- me disais alors que j’essayerais d’abord juin 2014 par une mise à nue com-
Westphalie, un décollage un peu bas peut-être bien de le remettre en vol. installer tous plète. Le fuselage révéla alors qu’il
valut au Stinson d’accrocher avec Les choses ont traîné six mois… J’en les circuits – avait plus souffert qu’on aurait pu le
électrique et
une jambe de train une clôture, et étais à l’idée qu’une restauration lé- croire de l’accident. Le treillis de
du carburant
s’ensuivit un violent cheval de bois gère, a minima, juste pour voler, irait tubes dont il est composé dut subir
– et les
assorti d’un passage sur le dos… bien. Puis une discussion avec mon plusieurs ablations et greffes. Mais ce
commandes de
L’épave fut vendue en 2012 à un privé ami Didier Seguin, avec lequel je n’était là que le moindre des défis

V
MAXIME FRAIROT/ARS
vol.
STINSON V-77/SR-10

auxquels allait être confrontée court pas les rues, et qu’on a fini par
l’équipe d’ARS. dénicher chez Rare Aircraft qui re-
“Le projet nous a été confié avec construit des Waco UPF-7 aux
une paire d’ailes supplémentaires, États-Unis. Le premier tronçon du
raconte Bruno bord d’attaque – à
Ducreux. Le pré- triple courbe – a Profilé en goutte
cédent proprié- été fabriqué et mis d’eau pour
taire se les était en forme à l’an- la fabrication
procurées car une cienne, au maillet du marchepied,
des ailes avait été et à la forme… Il dont l’intérieur
quasiment détruite nous a fallu fabri- a été rempli
dans l’accident. quer de même les de baguettes
Nous avons donc raccords Karman de soudure
entrepris d’utiliser et les pantalons de pour qu’il ne
une de ces ailes train. se déforme pas
supplémen- L e V-77 est lors du passage
taires… mais elle normalement doté à la cintreuse.
avait très mal d ’u n e u n i qu e
vieilli et était très porte, à gauche, et
M
AXIMEF /ARS
RAIROT
corrodée. Il nous a donc d’un unique D’un côté
fallu passer les longerons au contrôle marchepied. Mais celui-ci a, au cours le marchepied
non-destructif, réparer quantité de de son histoire, été modifié avec une original
nervures, en refaire complètement seconde porte, à droite, et un marche- de l’autre la
certaines et pour cela trouver du tube pied bricolé… mais impossible de reproduction
carré d’aluminium spécifique qui ne trouver un marchepied d’origine pour
V
“made in ARS”.
MAXIME FRAIROT/ARS
MAXIME FRAIROT/ARS
Réparation
du capot-moteur.
MAXIME FRAIROT/ARS

Montage à blanc
de la console
centrale
du tableau
de bord.
MAXIME FRAIROT/ARS

La même
pièce après
traitement par
“electro-dipping”
(immersion dans
Montage à blanc un bac à eau à la
des tôles de l’avant surface duquel
du fuselage pour prise flotte un film
de cotes. hydrosoluble).
MAXIME FRAIROT/ARS

45
STINSON V-77/SR-10

La lignée des stinson SR


se reconnaît notamment à
son aile dite “de mouette”.

46
le côté droit. Nous avons donc entre-
pris d’en fabriquer un à l’identique de
celui d’origine, qui se trouvait sur le
côté gauche. Et cela a été toute une
aventure en soi. Car si couder du tuyau
de section ronde est relativement facile,
couder du profilé en tôle d’un bon mil-
limètre d’épaisseur avec une section en
forme de goutte d’eau est une autre
histoire… Nous nous y sommes repris
à plusieurs fois sur notre cintreuse, en
essayant diverses méthodes : en le rem-
plissant de sable, en le chauffant au
préalable, etc., mais à chaque fois il
finissait écrasé. Nous avons finalement
eu l’idée de remplir ledit profilé avec
des baguettes de soudure et… succès !
Armando da Costa et Didier
Seguin ayant décidé que leur Stinson
ait l’aspect classique de SR-10 et pas
celui militaire du V-77, nous avons
refait un tableau de bord complet. Et
la console centrale, de forme rectan-
gulaire, a été abandonnée au profit
d’une console aux formes arrondies.
Le tout a été réalisé en tôle, mais a
l’aspect du bois verni grâce au pro-
cédé d’“hydro-dipping” (impression
hydrographique, c’est-à-dire trem-
page dans un bain d’eau recouvert
d’un film hydrosoluble), qui a aussi
été utilisé sur les encadrements de
fenêtre, et toute l’huisserie.”

Le plaisir de prendre
le temps de voler
“En définitive, poursuit Bruno
Ducreux, pour la structure, nous
n’avons acheté que le bâti moteur, un
capot moteur abîmé que nous avons
réparé, et une jambe de train. Tout le
reste a été restauré ou fabriqué, tous
les accessoires et les systèmes sont
neufs. Finalement, cet avion est…
tout neuf ! Ce projet a été riche d’en-
seignements pour toute notre équipe :
nous avions déjà fait beaucoup d’ap-
pareils tout en bois, beaucoup
d’avions tout métal, mais le Stinson,
lui, marie les deux techniques… un
vrai défi ! Cette restauration a néces-
sité au total pas loin de 6 000 heures
de travail. Rien n’était bien compli-
qué, mais tout était très consomma-
teur de main-d’œuvre.”
Depuis le printemps dernier
donc, Armando da Costa et Didier
Seguin savourent les joies du vol à
l’ancienne dans leur F-AYDK. “On
a cette sensation de grosse bagnole
américaine, confie Armando da
Costa, c’est un cocon, tout moelleux
de partout. Dans les turbulences, il
se comporte de façon très agréable.
J’aurais aimé avoir 50 nœuds de plus
au badin… mais finalement j’ai ap-
pris à savourer cette lenteur et à
prendre le temps… de voler !” Q
XAVIER MÉAL

47
CONCORDE
Concorde et la course
au supersonique
À la conquête
de Mach 2
Deuxième partie, 1971-1976.
Alors que les essais se déroulaient
pour le mieux, le ciel s’obscurcit pour
l’avenir de Concorde : les compagnies
américaines jetèrent l’éponge tandis que
les dirigeants français et britanniques
attrapèrent des sueurs froides face à
l’escalade des coûts du programme.
Par Alexis Rocher

A
lor s que ju squ’ic i combustion]. Soudain l’enfer s’est
Concorde n’avait pas déchaîné. Tout s’est mis à bouger,
rencontré de difficultés nous étions secoués d’une manière
sérieuses, le vol n° 122 extraordinaire, les alarmes se déclen-
du 001 le 26 janvier 1971 chaient dans tous les coins, le gong
fut marqué par l’arrachement d’une retentissait, les lampes rouges s’al-
vanne de régulation de l’entrée lumaient. Le bruit était énorme. La
d’air. Elle manqua de percuter la folle sarabande en somme.” (Extrait
cellule ; des débris furent avalés par de “Concorde et son histoire”, Icare
les réacteurs. Jean Pinet, à la place n° 164). Il fallut une bonne dose de
du copilote, raconta : “Nous étions sang-froid à l’équipage pour réduire
sur le cap du retour, au travers de progressivement la vitesse et finale-
Shannon à 58 000 pieds [17 680 m] ment se poser à Toulouse. Les deux
et, pour tenir Mach 2, nous utilisions prototypes retournèrent aux ateliers
deux des quatre “réchauffe” [post- pour réparations.
V

Georges
Pompidou lors
de son vol du
7 mai 1971.

ASSOCIATION AIRITAGE JACQUES GUILLEM

48
Le Concorde “Sierre Delta”
(F-BTSD) d’Air France vu à Orly
le 8 juin 2001. Il est désormais
exposé au musée de l’Air
et de l’Espace.

49
A LA CONQUÊTE DE MACH 2

ASSOCIATION AIRITAGE
Pour obtenir sa
Ce fut peu après cet accident que certification, les ring ! Ce ne fut pas, et de loin, des soutenir le programme en annon-
le programme Concorde traversa de essais en vol cris de victoires à Toulouse. Henri çant le 21 avril la fabrication des
sérieuses turbulences. Les nuages de Concorde Ziegler, PDg de la Snias – regroupe- exemplaires de série nos 7 à 10 et les
commencèrent à apparaître avec furent parti- ment de Sud Aviation avec Nord et approvisionnements pour les nos 11 à
la faillite de Rolls-Royce, empêtré culièrement la Sereb en janvier 1970 – monta au 16. Précision importante : à ce jour
dans des problèmes techniques avec importants, créneau pour annoncer que la fin du aucune compagnie aérienne n’avait
son réacteur RB211 du Lockheed notamment SST ne signifiait pas l’abandon du signé de commandes fermes. BOAC
“Tristar” américain. Le gouverne- ici celui du supersonique civil : “Le programme et Air France tergiversaient. Le pré-
ment britannique dut recapitaliser parachute Concorde doit être poursuivi avec sident Pompidou manifesta son sou-
l’entreprise pour éviter que sa dispa- anti-vrille. plus d’énergie et de confi ance que tien en montant à bord de Concorde
rition n’entraîne un désastre indus- jamais”, ajoutant : “Les vols super- pour un vol symbolique à Mach 2 le
triel ; la situation provoqua une aug- soniques entreront en service sur les 7 mai 1971. Il fallait ensuite prouver
mentation du coût de l’“Olympus”. grandes liaisons mondiales avant le que Concorde était apte pour des
milieu de la décennie”. Les critiques liaisons à grande distance. Ce fut
Les Américains fusaient. Jean-Jacques Servan- ainsi que le 001 quitta l’Europe pour
Schreiber, journaliste et homme se rendre en Afrique, à Dakar, vol de
jettent l’éponge politique alors influent, n’avait pas 2 heures 34 minutes effectué avec un
Mais le plus difficile était à hésité à qualifier Concorde de “viêt- panel de journalistes à bord.
venir… Les Américains abandon- nam industriel” au début de ce mois Le Salon du Bourget 1971 permit
nèrent le programme SST début Première de mars. Antoine Pinay, auréolé de nouvelles démonstrations pour
mars, le Congrès refusant les crédits apparition de de sa réputation de ministre des les représentants des compagnies
pour l’année à venir, coupant ipso Concorde aux Finances, proclama sur les antennes aériennes. Tous redescendaient
facto son financement. Lancé dans États-Unis le de RTL à propos de Concorde : de l’avion impressionnés par ses
l’euphorie des années Kennedy, le 23 septembre “C’est un avion pour milliardaire performances, mais aucun ne vou-
SST sombrait avec Nixon et la guerre 1973, pour américain.” Ce fut dans ce contexte lait s’engager dans une commande
du Viêtnam. La nouvelle stupéfia les l’inauguration difficile que les deux prototypes ferme. Ce salon fut cependant la
Européens. Les Américains aban- de l’aéroport reprirent au mois d’avril les essais première occasion de confronter
de Fort-Worth
donnaient le combat en quittant le en vol. Les gouvernements durent Concorde au Tu-144, dont le pre-
au Texas.

DR/COLL. JACQUES GUILLEM

50
impressionner. Ce ne fut pas la seule
raison qui provoqua assez logique-
Les différents Concorde ment l’annulation des options des
– deux prototypes : F-WTSS (001) et G-BSST (002) ; compagnies américaines le 31 jan-
– deux préséries : G-AXDN et F-WTSA ; vier 1973. Le communiqué de Pan
– deux de série non exploités par les compagnies Am était pour le moins laconique :
aériennes : F-WTSB et G-BBDG ; “Les études menées par Pan Am in-
– 14 de série exploités par Air France et British Airways : diquent que l’avion sera capable de
F-BTSC, G-BOAC, F-BVFA, G-BOAA, F-BVFB, G-BOAB, faire un service aérien supersonique
F-BVFC, G-BOAD, F-BVFD, G-BOAE, F-BTSD, G-BOAG, régulier, mais dans la mesure où sont
F-BVFF, G-BOAF. rayon d’action et sa capacité seront
moins élevés et son coût d’utilisation
plus élevé que ceux des avions gros-
mier prototype était passé à l’Ouest. tanniques ne pouvaient plus laisser porteur actuels et à venir, il nécessi-
Pompidou fut probablement fier planer d’incertitude sur l’avenir tera des tarifs nettement plus élevés
de se rendre aux Açores à bord du commercial du Concorde. BOAC que ceux d’aujourd’hui. En consé-
Concorde 001 le 13 décembre pour annonça la commande ferme de quence, le Concorde ne semble pas
rencontrer Nixon, arrivé à bord du cinq appareils au prix global de être un avion de ligne qui réponde
subsonique Air Force One (un “mo- 119 millions de livres – montant aux objectifs et aux besoins de Pan
deste” Boeing 707). Le président que le gouvernement britannique Am pour l’avenir.” Twa enfonça
américain, qui avait relancé le SST lui versait au préalable pour honorer un peu plus les clous du cercueil :
mais ne put rien faire pour le sauver ladite commande. Ce fut un peu plus “Bien que nous reconnaissions les
des griffes du Congrès, manifesta long avec Air France, qui annonça réussites techniques du programme
un fair-play de façade pour féliciter quatre Concorde le 28 juillet. Pas Concorde, nous sommes arrivés à la
les Européens : “C’est une grande de quoi pavoiser pour BAC et la conclusion que la priorité dans l’uti-
réalisation. Je regrette que les États- Snias. D’autant plus qu’Air Canada lisation de nos ressources en capital
Unis n’aient pas poursuivi leur pro- annonça le 4 juillet qu’elle renonçait La chaîne doit être donnée à l’amélioration et
gramme. Mais nous ne sommes pas à ses quatre options signées cinq ans de montage à l’expansion de notre flotte de sub-
jaloux. C’est la compétition. C’est plus tôt. Fin octobre, les Américains des Concorde sonique actuelle.”
très bien. Nous construirons un jour d’United Airlines abandonnèrent à Toulouse
un supersonique.” La fin de l’année à leur tour leurs six options. Pire en mai 1971. Une catastrophe
1971 fut marquée par le premier vol encore : les contrats qui compre- À cette date,
du premier Concorde de présérie. naient des commandes fermes obli- ni Air France ni pour Concorde
Il était allongé de 2,5 m, avec une geaient les compagnies qui avaient British Airways H enri Zeigler expliqua en
nouvelle pointe avant, sa masse étant signé pour des options à s’engager n’avaient 1976 dans son livre La Grande
désormais de 162 t. dans les six mois qui suivaient pour commandé Aventure de Concorde l’objectif des
Trois Concorde s’attelaient dé- les transformer elles aussi en com- de Concorde. Américains : “La simultanéité des
sormais à la poursuite des essais. Les mandes fermes. Autant mettre un Les neuf décisions des trois grands du trans-
premiers
équipes visaient la certification de couteau sous la gorge de Pan Am et port aérien américain ne pouvait être
exemplaires
l’avion. En ce début d’année 1972, de TWA, géants du transport aérien fortuite. Il y avait eu concertation pré-
furent achetés
les gouvernements français et bri- qui n’étaient pas disposés à se laisser alable en vue d’une action conjointe
à la mi-1972.
et massive qui, au-delà de considé-
rations d’ordre économique, tradui-
sait la volonté commune des grandes
compagnies américaines de relever
le défi européen en créant, par une
décision que ses initiateurs croyaient
fatale, les conditions qui amèneraient
Français et britanniques à mettre un
terme à leur entreprise”.
Si ce ne fut pas le coup de grâce,
l’annonce le 27 mars par l’Adminis-
tration fédérale américaine de l’inter-
diction de vols supersoniques civils
au-dessus des États-Unis fut une ca-
tastrophe pour Concorde. Impossible
désormais de compter sur le pourtant
lucratif marché intérieur américain.
Concorde se voyait condamné à être
supersonique seulement aux dessus
des océans ! La décision américaine
rogna inévitablement l’envergure des
ambitions européennes. Cette déci-
sion de nature structurelle scella le
sort industriel d’un Concorde déjà
moribond depuis l’abandon des op-
tions au mois de janvier.
1973 tourna à l’annus horribilis
avec le Salon du Bourget. Français
V

DR/COLL. JACQUES GUILLEM

51
A LA CONQUÊTE DE MACH 2

un record pour l’appareil. Il comptait


seulement 120 vols, assez peu finale-
ment par rapport à ses homologues
franco-britanniques. Il n’eut pas les
honneurs des travées d’un musée et
disparut dans les griffes des ferrail-
leurs. Le 19 octobre, le Concorde
001 relia Toulouse au Bourget pour
son 397e et dernier vol. André Turcat
remit ses clés au général Lissarague,
directeur du musée de l’Air et de
l’Espace. Il comptait 812 heures
19 minutes de vol dont 254 heures
49 minutes à vitesse supersonique.
André Turcat Le 002 vola jusqu’au 4 mars 1976
(à droite) – 836 heures dont 173 heures et
présente 26 minutes à vitesse supersonique.
Concorde Propriété du Science Museum, il est
au ministre exposé à Yeovilton. L’heure n’était
des Finances plus aux prototypes pour Concorde,
Giscard d’Estaing il fallait désormais devenir un super-
le 29 novembre sonique commercial.
1969.
ASSOCIATION AIRITAGE
Le Concorde n° 16
et Britanniques se félicitèrent de la recueillir de précieuses informations
présence du Tupolev 144 aux côtés (vol n° 376).
serait le dernier
de Concorde. “C’est une grande L’heure de la retraite sonna pour Harold Wilson revint au pouvoir
chance pour Concorde”, avait sou- les prototypes des supersoniques. Le en Grande-Bretagne le 4 mars 1974.
ligné le ministre des Armées (et an- premier Tu-144 avait été arrêté de vol Dix ans après sa campagne contre le
cien ministre des Transports) Roger le 27 avril. Il avait atteint Mach 2,37, supersonique, le Premier Ministre
Galey. Le dimanche 3 juin, le pre-
mier exemplaire de série du Tu-144
s’écrasa lors de sa démonstration. Concordski, mythe ou réalité ?
Les perspectives s’assombrirent L’apparition d’une maquette du Tupolev 144 au et Soviétiques entretinrent des relations officielles
encore un peu plus avec la première Salon du Bourget 1965 ne manqua pas de provoquer sur leurs programmes respectifs de supersonique.
crise pétrolière suite à la guerre du de vives réactions. C’était une copie parfaite du Le journal interne de Sud Aviation note ainsi :
Kippour en octobre 1973. L’avion Concorde pour de nombreux observateurs non “2 juin 1967, une mission soviétique composée de
était né dans un contexte de pétrole avertis ! Le Tu-144 gagna rapidement le surnom personnalités civiles et militaires et dirigée par le
à moindre coût. En quatre mois, de “Concordski” et les Soviétiques furent accusés général Radziewski, accueillie par M. l’ingénieur
le prix du baril fut multiplié par d’espionnage. Les ingénieurs soviétiques présents général Brunet, représentant le ministère des
quatre. Concorde n’était pas un autour de la maquette s’étaient défendus en Armées. Cette mission composée de 48 personnes
modèle de sobriété en termes de expliquant que les lois de l’aérodynamique étaient parcourut les trois usines de Toulouse.”
consommation. Ce fut dès lors un les mêmes pour tout le monde. Des rumeurs Le 28 mai 1969, nouvelle visite : “ M. Dementiev,
handicap quasi rédhibitoire pour les prêtèrent à des visiteurs soviétiques d’usines en ministre de l’aéronautique de l’URSS a atterri à
compagnies aériennes. France des chaussures avec semelles molles pour Toulouse-Blagnac et a été accueilli à son arrivée
collecter des échantillons de métal, voire des vestes par M. Gautier [Dementiev dirigea l’industrie
À la poursuite à carreaux pour mesurer précisément les pièces. aéronautique soviétique de 1953 à 1977, NDLR].
de l’éclipse de Soleil D’espionnage il fut officiellement question en 1965
lorsque Sergei Pavlov, directeur du bureau parisien
Il a visité le prototype Concorde.” Une délégation fut
invitée à bord de l’appareil lors du Salon du Bourget
L’équipe des essais en vol, imper- d’Aeroflot, fut arrêté en possession de plans détaillés de 1969. En septembre 1969, Henri Ziegler, Pdg
turbable en apparence, poursuivit en des freins, du train d’atterrissage et de la cellule de Sud Aviation, se rendit avec André Turcat et une
1973 la démonstration des possibili- du Concorde. Selon un rapport de la CIA daté de petite délégation Concorde en Union soviétique
tés de Concorde. Le 02 de présérie 1984, deux correspondants du parti communiste à pour visiter le Tu-144. Un rapport secret parle de
s’envola de Toulouse le 10 janvier. Il Toulouse lui avaient passé les documents. Pavlov “projet très sérieux”. Les Français notent que les
bénéficiait de moteurs “Olympus” fut expulsé manu militari. En mars 1966, deux faux Soviétiques affirment qu’en huit mois d’essais
améliorés. Puis ce fut la traversée prêtres tchécoslovaques furent arrêtés dans la furent réalisés 22 vols, 27 heures et déjà Mach 1,35.
de l’Atlantique le 23 février avec un région toulousaine pour espionnage de Concorde. Quelques problèmes étaient soulignés, notamment
vol de 6 000 km en direction de l’Is- Un certain Sergei Fabiew fut aussi expulsé pour la motorisation et la certification selon des normes
lande. La conquête de l’Amérique espionnage en 1977. En Grande-Bretagne, James inconnues. La conclusion soulignait : “Il ne faut pas
commença par un atterrissage en Doyle, nom de code “Ace”, ingénieur à Filton, avait sous-estimer l’impact commercial que pourrait
fanfare à Fort Worth, au Texas, du transmis au KGB 90 000 documents techniques avoir cette machine dans les pays où l’économie
02. Coup d’éclat le 30 juin quand le sur les Vickers VC-10, Lockheed “Tristar” et soviétique à une certaine influence et où le Concorde
001 emmena des scientifiques obser- Concorde. Avec un humour typiquement britannique, peut toutefois espérer un marché.” Les relations
ver une éclipse de soleil entre Las Sir Robert Wall, cadre de la BAC (British Aircraft furent nettement plus distantes avec les Américains.
Palmas (Îles Canaries, Espagne) et Corporation), commenta : “Mais les informations En octobre 1970, les Européens signèrent un accord
Fort Lamy (aujourd’hui N’Djamena, données devaient être pratiquement inutiles, car le avec Boeing pour échanger des informations sur les
Tchad). Concorde était resté dans Tu-144 était l’un des pires avions au monde.” Il faut questions d’environnement posées par les avions de
l’alignement du Soleil et de la Lune néanmoins souligner que Français, Britanniques transport supersonique.
pendant 74 minutes, permettant de
52
britannique entendait en finir avec ment des essais donne à Concorde de daient l’option d’un Concorde B
ce qu’il estimait être un “gouffre grande chance d’être un succès com- ou “Super B”, plus gros, en théorie
financier”. En France, Georges mercial.” Notons au passage que les mieux adapté aux demandes des
Pompidou, décédé le 9 avril, fut rem- présidents français furent en défini- compagnies aériennes. L’affaire
placé par Valéry Giscard d’Estaing, tive assez partagés sur Concorde. De nécessitait une substantielle ral-
nettement moins enclins à soute- Gaulle y voyait la longe budgétaire – au bas mot plus
nir Concorde. grandeur de la
gra de 500 millions de francs. Les parti-
L’ancien ministre France vis-à-vis
Fra sans français de Concorde lancèrent
des Finances rece- des puissances un comité de soutien. Des brochures
vait depuis 1966 mondiales sur
mo furent publiées pour démontrer que
de la part de hauts l’échiquier poli-
l’é l’avion avait un avenir commer-
fo n c t io n n a i re s tique. Néanmoins
tiq cial. Las. Fin juillet 1974, Wilson et
des rapports alar- il ne participa à Giscard tombèrent d’accord : aucune
mants sur l’esca- aucune manifes-
au dépense supplémentaire ne serait
lade des coûts tation autour du
tat engagée au-delà du Concorde n° 16.
du programme. supersonique et
su Ce fut la consternation à Filton et En 1974, un
André Turcat lui ne se déplaça ja- Toulouse. Les industriels caressaient comité de
avait fait bénéfi- mais à Toulouse.
m néanmoins l’espoir de placer les cinq soutien Concorde
cier le 29 novembree Pompidou, Concorde encore non vendus à la publia plusieurs
1969 d’un vol super-- aau contraire, Chine et à l’Iran. brochures
sonique à bord du u soutint le su-
so Concernant les essais en vol, tout comme celle-ci
prototype 001 quii personique, se passa parfaitement en 1974. Au pour soutenir
avait impressionnéé n’hésitant pas
n mois de février se déroulèrent les le supersonique
le ministre. Il dé-- à ef fe c t u e r tests par grand froid à Anchorage européen.
clara à la télévision n plusieurs vols
p et Fairbanks, en Alaska. En août
S AFRAN
en descendant dee E P SPACE ATRIMOINE
bord. G
à bord Giscard d’Es- et septembre, changement radical
l’avion : “L’argent de la France est taing vit d’abord dans Concorde d’atmosphère avec les essais par
et sera bien utilisé car l’essentiel est un gouffre fi nancier auquel il fal- températures élevées dans le golfe
que Concorde soit un avion com- lait rapidement mettre un terme. Persique et à Singapour. À chaque
mercial”, ajoutant : “Le déroule- Les industriels de leur côté défen- fois ce fut un succès. Concorde volait

28 mai 1969 :
présentation
du poste
de pilotage
du prototype
Concorde à
M. Dementiev,
ministre de
l’Aéronautique
de l’Union
soviétique.
Plusieurs
délégations
soviétiques
furent
accueillies à
Toulouse lors
du programme
Concorde.
ASSOCIATION AIRITAGE

53
A LA CONQUÊTE DE MACH 2

à Mach 2 pendant 2 heures par tous d’essais de transport de fret fut tentée Fin novembre 1977, les Européens
les temps, sur les cinq continents. Le entre Moscou et Tioumen, dans le sud gagnèrent finalement leur bras de
pari technique était gagné. de la Sibérie. Les Soviétiques enta- fer. New York s’ajoutait au catalogue
Chacun dans les équipes d’essais mèrent seulement en novembre 1977 des destinations déjà proposées sur
eut à cœur de prouver que le voyage son exploitation commerciale, avec Concorde. Air France partait vers
commercial supersonique était fiable. un vol hebdomadaire entre Moscou les Amériques, notamment le Brésil
Le Graal fut décroché le 9 octobre et Alma Alta (3 250 km). et le Vénézuela, alors que British
1975 quand Concorde reçut sa certi- Airways proposait vers l’est Bahreïn
fication en France. 5 300 heures d’es- Un jour j’irai et Singapour. Ce fut alors que les
sais menées par huit appareils avaient Soviétiques abandonnèrent à leur
été nécessaires. Les Britanniques lui
à New York tour le transport supersonique civil.
accordèrent leur certification le 5 dé- Sans entrer dans les détails de Un deuxième Tu-144 avait été perdu
cembre. Depuis déjà plusieurs mois son exploitation commerciale, qui par accident le 23 mai 1978. Au-delà
les équipages de British Airways et fera l’objet d’un nouvel article, il est des nombreux problèmes techniques
d’Air France s’entraînaient sur l’avion. nécessaire d’aborder les difficultés non résolus, l’avion ne correspondait
Le 19 décembre 1975, le F-BVFA fut rencontrées pour établir la route à aucun marché intérieur et n’appor-
officiellement remis à Air France. commerciale entre Londres, Paris tait pas d’avantage déterminant par
Français et Britanniques pouvaient et New York, liaison qui faisait rêver rapport à un appareil subsonique. Au
pavoiser : l’adversaire soviétique en les concepteurs de Concorde depuis total, 16 Tu-144 avaient été fabriqués.
était encore au stade des essais avec la table à dessin, à la fin des années La flotte des supersoniques sovié-
le Tu-144. Comme dans la fable de 1950. Les Américains renâclèrent. tiques fondit comme neige au soleil,
La Fontaine, la tortue avait gagné Le Concorde Il fallut batailler devant les tribu- les rares appareils en état de vol ser-
face au lièvre qui avait bien changé n° 3 sur naux, s’armer de bataillon d’avocats vant de laboratoire jusqu’au début des
entre ses premières apparitions toni- la chaîne pour enfin obtenir l’autorisation le années 1990.
truantes et sa version de série. Si les de montage 4 février 1976 d’effectuer des vols
différences sont nombreuses entre de Toulouse
en juillet 1973.
en Concorde vers les États-Unis. Et Une victoire
les prototypes et les exemplaires de encore, la décision était “révocable” !
série de Concorde, c’était pratique- Immatriculé
Subtilité américaine avec le cas de
à la Pyrrhus
F-BTSC, il
ment un nouvel avion dans le cas du New York, dont les aéroports étaient Le 20 avril 1979 marqua une date
s’écrasa le
Tupolev 144. Il avait fallu changer de 25 juillet 2000
gérés par une administration locale symbolique pour Concorde : le der-
moteur, les déplacer sur les ailes, re- à Gonesse,
qui se fit presque un devoir d’affir- nier exemplaire de série (G-BOAF)
voir la géométrie de la voilure. Fin dé- faisant 113 mer son autorité vis-à-vis du pouvoir vola pour la première fois depuis
cembre 1975, une timide campagne victimes. fédéral en interdisant Concorde. Filton. Les chaînes de montage

ASSOCIATION AIRITAGE

54
l’abandon du SST en 1971, les ingé-
nieurs américains se lancèrent dans
de nombreuses études pour trouver
la formule magique du supersonique
civil. Boeing et McDonnell Douglas
sortirent à intervalle régulier des
Le Lockheed grands projets. Les souffleries de la
Martin X-59A, Nasa accueillirent de nombreuses
qui à pour maquettes. Rien ne fut fait à grande
mission échelle. Au début des années 1990,
d’atténuer les Français proposèrent l’ATSF,
le bang avion de transport supersonique
supersonique futur. Le serpent de mer du superso-
et permettre nique refit surface à la fin des années
ainsi le survol 2010 aux États-Unis, avec notamment
des terres le démonstrateur Lockheed Martin
habitées, interdit X-59 “QueSST” (Quiet Supersonique
depuis 1973. Transport, transport supersonique
LOCKHEED MARTIN
silencieux, comprendre qui ne pro-
s’arrêtèrent en France et en Grande- abandonner un champ de bataille voque pas de nuisance en passant le
Bretagne. Le F-BVFF avait volé à symboliquement fort mais jugé sans mur du son). Plusieurs projets sont
Toulouse fin décembre 1978. Ils fai- avenir commercial rentable. lancés aux États-Unis dans cette
saient partie des Concorde officielle- veine de supersonique aptes à voler
ment sans client. Les cinq appareils Un nouveau au-dessus des terres habitées. En
dans le même cas furent cédés aux 2019, cependant, il n’est toujours pas
compagnies nationales pour le franc
Concorde ? Aux Couleurs question d’un supersonique civil en
symbolique. En 1982, 20 ans après La question d’un successeur à de British France ou en Grande-Bretagne. Q
son lancement, les Européens étaient Concorde fut posée avant même Airways,
les seuls à exploiter un supersonique son premier vol. Les Américains le Concorde Remerciements à l’association Airitage
G-BOAA Patrimoine Aérospatiale, Matra, Airbus
civil. Voyager à Mach 2 devint banal. prétendirent longtemps que leur
à Charles- Group, et à Philippe Van Lierde, Roger
La course avait été gagnée, même SST était le supersonique de deu-
de-Gaulle Guigui et Claude Salaun pour la
si ce fut une “victoire à la Pyrrhus” xième génération – sous entendu que
en septembre recherche iconographique.
tant ses adversaires avait préféré Concorde était obsolète. Puis après 1990.

JACQUES GUILLEM

55
ARCHÉOLOGIE AÉRONAUTIQUE
Parti pour un vol d’essai
La fin tragique
d’un Heinkel 111
Le 10 novembre 1943, un bombardier
Heinkel 111 s’écrasa non loin d’Albi.
L’association Aerocherche a enquêté
pour reconstituer son histoire.
Par Gilles Collaveri

L
e 10 novembre 1943, le Heinkel 111 en détresse, s’écrasent
Heinkel 111 immatriculé avec l’avion. Il est vraisemblable que
GL+ET décolle de Cazaux. les quatre passagers ont été plaqués
C et appa rei l à la paroi du fuselage
n’est pas un par
p la force centri-
He 111 standard, mais fuge,
f énorme dans
un avion d’essai. Il ap- un
u avion en vrille.
partient à l’unité spé- À l’impact, l’appa-
ciale Erprobungsstelle reil
r est pulvérisé. Le
Süd (centre d’essais, pilote
p est le seul res- Herbert Waschk.
lire encadré page 59) ; capé.
c L’armée alle- Sur sa poitrine,
il est utilisé pour tester mande
m vient récupé- à gauche
les derniers modèles de rer
r les quatre corps, (sous l’aigle),
viseurs. Pendant l’été et puis,
p quelques jours la médaille
l’automne 1943, l’Erpro- plus
p tard, évacuera “Deutsche
bungsstelle a déjà fait plu- les
l restes de l’avion Kreuz in Gold”
sieurs vols avec cet appa- en
e réquisitionnant retrouvée dans
reil dans les environs de les
l chars à bœufs un champ
Cazaux et de Millau, en W ASCHK
des
d environs. Seuls du Tarn.
lâchant des bombes afin de valider quelques débris minuscules sub-
la précision de ce nouveau type de sistent, enfoncés dans la terre.
viseur. Ce 10 novembre 1943, parmi
l’équipage de cinq personnes, figurent Découverte
Willi Dennert, le pilote, et Herbert
Waschk, le commandant de bord. Ce
de l’avion
dernier a déjà été décoré à plusieurs Par un pur clin d’œil de l’histoire,
reprises, notamment le 5 novembre nous arrivons sur le site 70 ans après
1942, lorsqu’il a reçu la Croix alle- l’accident jour pour jour. Toutes les
mande (Deutsche Kreuz) en or. autorisations administratives ont
été obtenues en amont auprès des
Un moteur prend feu, services compétents, de la DRAC
[Direction régionale des affaires
puis c’est le drame culturelles], et aussi auprès des pro-
L’appareil décolle sans pro- priétaires du terrain. Ceux-ci nous
blème et se dirige vers l’est. Mais, ouvrent grand leur porte. Le grand-
peu après Albi, à 5 000 m d’altitude, père de la famille qui a été témoin
le moteur gauche prend feu. Cet du drame nous relate ses souvenirs
incendie dérègle les commandes de l’évacuation de l’épave. Sur le
de vol. L’avion devient incontrô- terrain, le travail de recherche com-
lable. Le pilote réussit à sauter en mence et les pièces apparaissent. Les
parachute alors que les quatre autres fragments retrouvés sont en mauvais
V

membres d’équipage, piégés dans le état : le champ a longtemps été la-


S. BEILLIARD

56
57
HEINKEL 111

bouré et la charrue est destructrice cerclage d’aluminium (10) dévoile


pour les fins morceaux d’aluminium. une graduation : il s’avère être le
Un grand nombre de scories nous cerclage du compas de bord.
confirme qu’un incendie a eu lieu et Parmi les pièces les plus frap-
les fragments de revêtement tordus pantes, l’altimètre de l’avion. La
de l’avion laissent imaginer la vio- structure de l’équipement a résisté à
lence du choc. la charrue et est encore intègre, avec
un fragment de cadran sur lequel on
Des pièces devine l’inscription Höhe (altitude).
D’autre part la Croix allemande en
qui parlent or d’Herbert Waschk : c’était une
Des composants de l’appareil décoration prestigieuse, décernée
revoient le jour : de la tuyauterie, à 25 000 hommes seulement dans
des composants d’équipements, de la la Luftwaffe.
tôle froissée. Une splendide plaque
livre des instructions de remplissage L’histoire des membres
de carburant ; une autre plaque était
montée sur un actuateur. Des pièces
de l’équipage
retiennent notre attention (photo à A yant obtenu auprès des
droite). Le cadran d’un équipement archives allemandes le compte
du tableau de bord (1), un écouteur rendu d’accident de l’époque, nous
qui était monté sur le casque de l’un avons les adresses – en 1943 ! –
des membres de l’équipage (2), un des membres de l’équipage. Nous
briquet (3), une attache d’un tuyau retrouvons la fi lle du pilote, Willi
d’oxygène (4), une boucle d’attache Dennert. Elle nous apprend que
de c ei nt u re de Willi
W Dennert a tra-
sécurité, qui était versé
v la guerre, et qu’il
montée au pied du est
e décédé… six mois
siège – celle du pi- plus
p tôt ! Quant à la
lote ? (5) –, des frag- médaille,
m notre réseau
ments de Plexiglass de
d spécialistes nous ren-
Le pilote Willi (le nez du He 111 seigne
s rapidement. Une
Dennert, le était vitré) (6), des recherche
r nous permet
seul membre étuis de douilles (7) de
d retrouver et contac-
d’équipage ayant du canon frontal ter
t le neveu d’Herbert
réussi à s’extraire (20 mm) (à gauche) Waschk
W qui nous com-
de l’avion et des mitrailleuses munique
m la photo de son
désemparé. (7,9 mm) (à droite), oncle,
o cliché sur lequel
u n c omposa nt vous
v pouvez voir accro-
DENNERT
d’équipement fine- chée
c à droite sur la poi-
ment travaillé (8), une molette de trine la médaille déterrée dans un
réglage très fine (9) – peut-être était- champ du Tarn.
elle montée sur le viseur essayé ce Son neveu a confirmé son intérêt
V

jour-là ? –, une prise électrique. Un pour notre démarche : il se rendra en


GILLES COLLAVERI
A. BAUMGARTNER.
Un Heinkel 111
s’apprête
à décoller.

58
Les pièces les
plus parlantes
(voir explications
dans le corps
de l’article).

Le site de l’accident, dans


un cadre verdoyant du Tarn. L’Erprobungsstelle, le centre
d’essais allemand
L’Erprobungsstelle était le centre d’essais des avions
allemands. Sa responsabilité était de tester leurs qualités
de vol, leurs performances, ainsi que leurs systèmes et
leurs équipements. Il était en relation permanente avec
le RLM (le ministère allemand de l’Air) et les industriels :
Messerschmitt, Heinkel, Focke-Wulf, etc. Il testait tous
les types d’équipements : des hélicoptères (Fw 30)
aux jets (Me 262), des chasseurs monomoteurs (Me 109)
au planeur de transport (Arado 232), et on y essaya même
le premier siège éjectable sur Heinkel 219 !
Les vols pouvaient être périlleux et les accidents étaient
monnaie courante. Les Erprobungsstelle avaient plusieurs
“filiales”, certaines à l’étranger pour bénéficier d’une
météo clémente, par exemple Foggia en Italie ou Cazaux
en France. Dans ce dernier centre, on mesurait les
performances balistiques des bombes classiques,
des bombes volantes et de containers largués en vol.
Plus de 1 800 vols y furent effectués et c’est de Cazaux que
décolla le 10 novembre 1943, pour son dernier vol,
le Heinkel 111 immatriculé GL+ET.
GILLES COLLAVERI

59
HEINKEL 111

France sur les lieux de l’accident, et Des scories (de


nous lui restituerons la médaille de l’aluminium
son oncle. fondu)
L’histoire est un grand puzzle confirment qu’un
dont nous rassemblons patiemment violent incendie
les pièces : certaines sont consti- a eu lieu sur le
tuées par les histoires des hommes site de l’accident.
et elles nous permettent aujourd’hui
de mieux comprendre la fin tragique
du Heinkel 111 GL+ET. Pour plus
d’informations vous pouvez vous
rendre sur le site Internet http://
aerocherche.fr/
D’autre part, sur le film que vous
pouvez visionner sur le lien suivant :
https://vimeo.com /248695649/
d2c40e047f vous découvrirez une
séquence consacrée à la découverte
de ce He 111. Q

Remerciements : Marc Bourret et ses


doigts magiques, Marie-Christine
Pinoul, la famille Cavailhes, et tous les
De nombreux
mécènes, les supporters, les amis qui
vestiges
nous aident dans cette quête.
GILLES COLLAVERI
de l’avion. GILLES COLLAVERI

60
Les propriétaires
du terrain
savaient qu’un
avion s’était
écrasé dans GILLES COLLAVERI

leur champ.
GILLES COLLAVERI
Après enquête, cette pièce déformée s’avère
être la “rose” du compas de bord de l’avion.

GILLES COLLAVERI
Une plaque d’instructions de remplissage
GILLES COLLAVERI carburant. Elle était fixée au dos de la trappe
de remplissage.
L’altimètre (Höhe en allemand signifie altitude).

GILLES COLLAVERI
La Deutsche
Kreuz in Gold,
une médaille
décernée à
Herbert Waschk
le 5 novembre
1942.

Une plaque de
fabrication qui était
fixée sur un élément
du Heinkel 111.
GILLES COLLAVERI
61
TÉMOIGNAGES

Couleurs export pour le


“Mirage” 4000 en 1987
avec ce camouflage sable.
L’avion est ici équipé de
missiles air-air “Magic” II
et air-sol AS30 “Laser”.

62
“Mirage”4000
Les acteurs
du programme
racontent
Deuxième partie.
L’Arabie Saoudite s’intéressant au
“Mirage” 4000, une deuxième campagne
d’essais en vol est lancée.
Par Jacques Desmazures, Thierry Prunier, Alain Rabion,
Témoignages recueillis par Alexis Rocher

A
près l’arrêt des essais la version de série du “Rafale”. Fin
en vol en 1983, Thierry 1985, Bruno Revellin-Falcoz, devenu
Prunier se consacre à directeur général technique en 1982,
d’autres programmes : m’a demandé de reprendre les essais
“Je suis intervenu sur du “Mirage” 4000, car il y avait
le programme du “Mirage” 5E2, des demandes de clients “export”.
version modernisée pour un client J’avais trois ingénieurs du bureau
export. Est arrivé ensuite le “Rafale”, d’études pour m’aider, avec Marylène
avec la préparation du dossier du Hermitte à Istres pour la partie essais
démonstrateur ACX/“Rafale” A. en vol. Nous n’avons pas eu de mal à
J’étais dans l’équipe qui discutait avec remettre l’avion en marche.”
les Européens pour définir ensemble Fin 1985, Le premier vol eut lieu le 18 dé-
préparation du
un chasseur. Puis suite au retrait de cembre 1985 avec un Jean-Marie
“Mirage” 4000
la France d’un programme EFA Saget ravi de retrouver un avion qui
pour reprendre
[European Fighter Aircraft] à cinq l’avait beaucoup marqué. C’était le
les essais
pays, j’ai participé à la définition de en vol.
200e vol du “Mirage” 4000. Il reçut V

ESPACE PATRIMOINE SAFRAN DASSAULT AVIATION

63
LE “MIRAGE” 4000

“Mirage” 4000,
“soucis moteurs,
demande déroutement
sur la France ”
un beau cadeau de Noël le 24 dé-
Pour montrer DASSAULT AVIATION
cembre pour son dernier vol à bord
les différentes
du “Mirage” 4000 : un vol en pa- possibilités de
trouille avec deux “Mirage” 2000 et configurations
un “Mirage” III. Le 20 janvier 1986, d’emport sur le
nouveau pilote : Louis Eon prit les “Mirage” 4000,
commandes pour une heure de vol. une maquette
Suivit une nouvelle période d’essais, était utilisée lors
puis début juin 1986 commencèrent des prospections.
les séances d’entraînement pour le En haut l’attaque
Salon de Farnborough, qui devait au sol avec
s’ouvrir début septembre. huit bombes et
deux missiles
Changement de moteurs “Magic” II, en
lors de Farnborough 1986 dessous avec
quatre missiles
Jacques Desmazures se sou- à guidage laser
vient : “Les essais en vol et la mise AS30.
DASSAULT AVIATION
au point des “Mirage” 2000 et du
“Mirage” 4000 se sont poursui- M-53-P2 à poussée accrue (9 990 kgp vu sa bimotorisation. Les deux
vis avec succès. Dassault-Breguet en PC). Ces derniers étaient encore avions ont été inscrits au salon pour
Aviation a décidé de faire connaître en pleine mise au point et il était une semaine de démonstration – cette
ces avions et les a inscrits au Salon difficile d’en obtenir pour les vols. inscription était payante, au prorata
aéronautique de Farnborough. Les “Mirage” 2000 étaient équipés du nombre de jours de présence. Le
Les avions ont alors été équipés de de M-53-5 et le “Mirage” 4000 d’un début du salon s’est très bien passé,
moteurs Snecma M-53-5 (9 180 kg M-53-5 et d’un M-53 P2 pour accu- chaque avion assurant son spectacle
de poussée en PC) et de moteurs muler de l’expérience – sans risques quotidien avec brio. Au milieu de

Le renouveau d’intérêt
En 1985, l’Arabie Saoudite, qui vient d’acheter 72 avions Nous constatons aujourd’hui que l’Angleterre vient de
de combat multirôles “Tornado” fabriqués par le consortium recevoir de la part de l’Arabie Saoudite un énorme marché
Panavia regroupant le Royaume-Uni, l’Italie et la République de “Tornado”. Ce “Tornado” bimoteur est spécialisé dans le
fédérale d’Allemagne, manifeste de nouveau son intérêt vol à basse altitude, mais dans cette mission le 4000 lui est
pour le “Mirage” 4000. supérieur avec des qualités de vol incomparables.
Le 16 septembre 1985, Marcel Dassault écrit à l’ancien Le 4000, en outre, est un merveilleux avion de supériorité
président Valéry Giscard d’Estaing pour lui demander de aérienne, alors que pour accomplir cette mission spécifique
l’aider à faire aboutir la commande par la France d’une l’Angleterre doit recourir à un autre appareil qu’elle appelle
présérie de “Mirage” 4000 : “Étant donné, Monsieur le aussi “Tornado” [il s’agit du “Tornado” ADV (Air Defense
Président, que vous vous êtes toujours intéressé à cette Variant) de défense aérienne]. Elle a réussi à faire assurer le
question du monomoteur et du bimoteur, je pense qu’en
avril prochain nous pourrions nous voir pour essayer
de faire aboutir la commande de présérie des 4000.” “Mirage” 4000 biplace aux couleurs de l’Arabie Saoudite.
Dans la note du 17 septembre 1985, Marcel Ce fut l’une des configurations proposée. Il est équipé du projet de
Dassault précise “qu’il s’est ouvert de la question du missile de croisière AS50 à statoréacteur proposé par Aérospatiale.
“Mirage” 4000 au chef d’état-major de l’armée de l’Air.
Celui-ci lui avait répondu qu’il serait très satisfait de
posséder des 4000, mais que cela ne lui paraissait pas
possible car aucun crédit pour cette opération n’était
prévu au budget de l’armée de l’Air. Par ailleurs, le chef
d’état-major ne voulait en aucun cas que l’on diminue les
crédits de la série des 2000.
C’est ainsi que la présérie des 4000 n’ayant pas été
commandée, il devient impossible d’offrir cet avion à
l’exportation en concurrence avec le “Tornado” qui a
remporté un premier marché et en remportera d’autres
parce qu’il est bimoteur.

64
Configuration
air-air avec
deux missiles
“Magic” 2
et deux
“Super” 530D.
À noter :
la maquette
est équipée
au centre
d’un réservoir
conforme
pouvant contenir
du carburant
ou des
équipements de
reconnaissance.
DASSAULT AVIATION

semaine, le mercredi après-midi, avion bloqué en Angleterre, nous reils étaient bons de vol, après les
on a appris qu’un “Mirage” 2000, avons décidé à Farnborough d’équi- obligatoires points fixes de contrôle.
en essais à Istres, a eu un gros souci per le “Mirage” 2000 du M-53-P2 et Jeudi après-midi, Jean Marie
moteur sur un M-53-5, et que des de mettre sur le “Mirage” 4000 les Saget a fait son vol de présentation,
expertises approfondies étaient en M-53-5… Et tout cela dès le début de pleins complets, donc un peu lourd.
cours. Tout cela ne sentait pas très soirée. Merci aux mécaniciens qui y Il est parti dans les azurs en finale,
bon. Aussi, très inquiets de cette ont passé une bonne partie de la nuit ; annonçant : « “Mirage” 4000, soucis
nouvelle et ne voulant pas avoir un jeudi, au petit matin, les deux appa- moteurs, demande déroutement sur

financement des trois quarts du prix de ce nouvel avion pour des livraisons 1993-1997 au moment où par ailleurs,
par trois pays européens.” nous parlons du “Rafale” pour 1995.”
Le 17 janvier 1986, Pierre François, ancien secrétaire Une note interne Dassault du 9 mars 1987 précise que
général de la société Dassault et conseiller du président, l’achat de “Mirage” 4000 serait réglé en livraison de pétrole
dans une lettre adressée à Benno-Claude Vallières, au prix Opep (Organisation des pays exportateurs de
président-directeur général, lui fait part de ses craintes au pétrole). Il est également précisé que le roi d’Arabie Saoudite
sujet des problèmes posés par le contrat “Mirage” 4000 serait intéressé pour racheter les 15 % d’actions des Avions
pour l’Arabie Saoudite : “Alors que le “Mirage” 4000 aurait Marcel Dassault-Breguet Aviation que le gouvernement
pu être il y a quatre ou cinq ans un excellent programme, français envisage de vendre.
il me semble maintenant impossible de proposer cet avion Le 25 avril 1987, le “Mirage” 4000 est présenté en vol au roi
Fahd d’Arabie Saoudite à l’aéroport de Nice. Le roi apprécie
la démonstration en vol effectuée par Louis Eon, mais
déclare à la fin qu’il ne pourrait s’intéresser qu’à un avion
qui volerait dans l’armée de l’Air française.
Devant l’absence d’une commande française entraînant
celle de l’Arabie Saoudite, la société Dassault renonce
au programme. Selon Jean Cabrière : “Finalement, le
“Mirage” 4000, c’est peut-être une erreur de la part de Marcel
Dassault. Et puis, l’arrivée du “Rafale” a tué ce programme.” *
En effet, depuis décembre 1977, l’armée de l’Air a demandé à
la Direction des constructions aéronautiques du ministère de
la Défense de conduire une réflexion sur un avion de combat
INAUD
ALAIN RAT
tactique (ACT), destiné à succéder aux “Jaguar” à l’horizon de
1990. La société Dassault, dans cette perspective, entreprend
l’étude d’un nouvel appareil qui aboutit au “Rafale”.
Claude Carlier
* Entretien de Jean Cabrière avec l’auteur.

65
LE “MIRAGE” 4000

JACQUES GUILLEM

la France. » Aussitôt dit, aussitôt fait,


il a traversé la Manche, est passé sous
“ On pouvait mettre daient les “Tornado” de Margaret
Tatcher. Nous étions allés voir le
la surveillance des contrôleurs mili- ministre de la Défense saoudien, et
taires français et s’est posé à… Istres.
L’air provençal avait entre-temps fait
tous les équipements non le roi Fahd. On m’a rapporté
cette remarque de Marcel Dassault :
disparaître les hypothétiques soucis.
Dans la soirée, on a appris que les
dans la pointe avant “Il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu
qu’à ses saints.” Il y a peut-être eu aussi
M-53-5 ont fait l’objet d’une suspen-
sion de vol… Bien joué… Pas de derrière le radar ” des pressions américaines pour que
les Saoudiens n’achètent pas fran-
problème pour le “Mirage” 2000 qui çais, c’est possible – cependant dans
a vaillamment réalisé ses présenta- d’autres cas ils ont acheté français,
tions avec le M-53-P2 et rallié Istres
le lundi suivant. La société a alors Guy Mitaux-
demandé à se faire rembourser une Maurouard
partie des frais d’inscription, compte (à gauche) et
Louis Eon lors de
tenu de l’absence du 4000. Les trac-
la présentation
tations se sont heurtées immédiate-
du “Rafale” et
ment à des Anglais méfiants quant à
du “Mirage” 4000
notre panne en vol et, après de longs au roi d’Arabie
palabres, ils ont refusé tout rem- Saoudite à Nice.
boursement. La suspension de vol Louis Eon avait
du M-53-5 a duré quelques semaines, remplacé Jean-
mais avec peu de retombées néga- Marie Saget
tives sur les deux programmes. Tous comme pilote
les avions étaient revenus à Istres.” d’essais sur le
Pendant ce temps, les prospec- “Mirage” 4000.
tions reprirent. Thierry Prunier :
“J’ai travaillé avec la DTI (Direction
technique et industrielle) sur des scé-
narios de missions dans différentes
configurations d’armement pour
valoriser cet avion à l’exportation. À
la demande de Jean-Jacques Samin,
j’ai fait des voyages à l’étranger pour
étudier les possibilités d’installer des
usines pour assembler sur place des
“Mirage” 4000 et des “Alpha Jet”.
En septembre 1985, nous avions
appris que les Saoudiens comman-
DASSAULT AVIATION

66
Le “Mirage” 4000
lors du Salon
de Farnborough
en 1986.

notamment avec le système de défense maquette de l’avion nous montrions antenne radar d’environ 600 mm de
sol-air “Shahine” et des frégates. les différentes configurations d’ar- diamètre, dans le “Mirage” 4000 on
Yves Thiriet et Hughes de l’Es- mement possible. Le “Mirage” 4000 pouvait en mettre une de 900 mm, ce
toile m’ont emmené avec eux pour était tellement grand qu’on pouvait qui aurait offert des portées consi-
présenter à la fois le “Rafale” et le mettre tous les équipements dans dérables. Les électroniciens disaient
“Mirage” 4000. Éric Trapier [l’actuel la pointe avant derrière le radar. qu’il était possible d’installer plein
PDg de Dassault Aviation, NDLR] C’était extraordinaire : derrière le de systèmes de guerre électroniques
présentait de son côté l’“Atlantic”. pilote la place était complètement sans difficulté. On avait également
Louis Eon, qui avait remplacé vide. On a d’ailleurs défini aussi des pensé à un réservoir plaqué qui
Jean-Marie Saget comme pilote configurations biplaces. Alors que épousait complètement le creux en
d’essais, était présent aussi. Avec une sur le “Mirage” 2000 on mettait une dessous du fuselage. Il pouvait loger
V

ALAIN RATINAUD

Ensemble aménagé d’un “Mirage” 4000 monoplace


opérationnel. Par rapport au prototype, il est équipé
d’un radar, d’une perche de ravitaillement escamotable
et de deux canons de 30 mm.

67
LE “MIRAGE” 4000

Vue d’artiste d’un


“Mirage” 4000 biplace en
configuration d’attaque
nucléaire. Il emporte un missile
de croisière ASMP (air-sol
moyenne portée), celui qui
équipait le “Mirage” 2000N.
Ce projet fut l’un de ceux
étudiés par Dassault.

ALAIN RATINAUD

“L’avion dont rêve tout pilote de chasse”


J’ai réalisé cinq vols d’essais sur cette merveilleuse
machine, essentiellement dédiés aux essais du
M53-P2 encore en développement chez Snecma sur le
Mirage 2000-01. “L’avion dont rêve tout pilote de chasse”.
C’est la première réflexion qui m’est venue à l’esprit
sitôt la rentrée du train exécutée. Un taux de montée
et une accélération supersonique impressionnants, un
pur bonheur. Le Graal du pilote de chasse… Pour ce qui
concerne la motorisation, il est vrai que la formule choisie
pour les réacteurs, double flux simple corps, est bien Alain Rabion
à bord du
adaptée au haut supersonique [Mach 2 et au-delà, NDLR].
“Mirage” 4000.
Mais gare à une réduction des moteurs un peu tardive
Il effectua
si l’on ne veut pas over-shooter [dépasser] Mach et/ou
plusieurs vols,
altitude. Tout cela dans le confort d’une grande cabine et
notamment
d’une formule bimoteur sécurisante. Et des “QDV” [qualités avec des
de vol] signées Dassault ; c’est un label de qualité chaque réacteurs
fois renouvelé. Un rapport poussée/poids extrêmement M53-P2,
favorable, encore jamais rencontré, associé à une capacité dernière version
d’emport carburant particulièrement élevée. C’est la du moteur.
possibilité d’emport de charges bien supérieure, un temps DASSAULT AVIATION

d’interception grandement amélioré, une augmentation supersonique et haute altitude à 65 000 pieds [19 810 m],
du rayon d’action en pénétration basse altitude. zoom [vol semi-parabolique] à 76 000 pieds [23 164 m]
C’est aussi bien sûr une amélioration des marges – une manœuvre un peu hasardeuse selon l’altitude visée et
de manœuvre, particulièrement en altitude. pas sans conséquences sur le fonctionnement du moteur et
Tout est au rendez-vous, le constat est immédiat. le contrôle de l’avion ! En fait un hors domaine programmé –,
Lorsque j’étais pilote de chasse sur “Mirage” IIIE à la en présentation travers ou face-à-face, qui nécessitait le
13e Escadre de chasse à Colmar, avec pour mission la port de l’habit stratosphérique et l’utilisation du groupe
chasse tout temps, nous avions la chance d’avoir l’avion et fusée monté en place de la soute arrière de carburant. Police
le système les plus évolués de l’époque. Nous exécutions du ciel, escorte, avec une mission particulière qui était la
également la totalité des missions d’un avion de chasse. surveillance des couloirs de Berlin à l’époque de la guerre
Interception, mais pas seulement… Interception haut froide (fin des années 1960). Incontournable, l’entraînement

68
du combustible, mais aussi des appa- savait que l’appareil exécutait son
reils pour la reconnaissance, notam- 336e et dernier vol le 8 janvier 1988.
ment une caméra longue focale. C’est Le “Mirage” 4000 est désormais
Les raisons de l’échec
un point fort de nos avions d’avoir exposé au musée de l’Air et de l’Es- Les tentatives de vente du “Mirage” 4000 à l’Arabie
des capacités de reconnaissance stra- pace du Bourget. L’avion a laissé un Saoudite sont pénalisées par l’absence de commande
tégique, qui représentaient un gros grand souvenir à tous ceux qui contri- du gouvernement français, mais aussi parce que l’Arabie
atout pour le “Mirage” 4000.” buèrent à sa conception et ses essais. Saoudite désire des livraisons rapides alors que l’avion
Thierry Prunier témoigne : “Après un ne peut être disponible qu’à la fin de 1993. De ce fait,
“J’ai tout appris passage au programme de la navette il aurait été démodé avant même d’entrer en service
spatiale Hermès, j’ai pris en charge la opérationnel, car :
avec le “Mirage” 4000” Direction technique internationale. – les armements air-air, air-sol et antiradar sont encore
Le 1er décembre 1986, le “Mi- Je recrutais des pilotes pour vanter à développer ;
rage” 4000 fut de nouveau présenté les qualités opérationnelles de nos – en 1993, le radar RDM 3 qui doit l’équiper sera obsolète ;
à une mission saoudienne à Istres. avions. Nous essaimions les salons – les moteurs Snecma M53 P2 seront d’une technologie
C’était le vol n° 262. Le point culmi- internationaux, faisions des présenta- dépassée par les moteurs nouveaux de type M88 en
nant des négociations avec l’Arabie tions dans les quatre coins du monde, cours de développement ;
Saoudite se déroula le 25 avril 1987 participions aux négociations. J’ai – le prix pour 100 avions de 70 milliards de francs
avec la présentation au roi Fahd du tout appris avec le “Mirage” 4000. sans armement conduit à un marché de l’ordre
“Rafale” et du “Mirage” 4000 sur Depuis sa conception sur la planche à de 100 milliards avec armement pour un avion
l’aéroport de Nice. Louis Eon pilota dessin jusqu’à sa promotion à l’expor- qui sera techniquement et sur le plan opérationnel
le “Mirage” 4000 pour son vol n° 278. tation en passant par la préparation insuffisant en 1993 ;
La période suivante consista à pré- de son premier vol. Quand je suis – sont également intervenues de fortes pressions
parer puis exécuter les vols du Salon passé au “Rafale” cela m’a consi- américaines pour contrer l’achat de l’avion français, seul
du Bourget (vol n° 290 à 306). Puis dérablement aidé. De même quand concurrent occidental du McDonnell Douglas F-15.
ce furent les essais avec les moteurs j’ai dirigé le programme de drone de La conclusion appartient à Serge Dassault : “Ce fut une
M53 (lire encadré “L’avion dont rêve combat “Neuron”. Je me souvenais belle occasion perdue, car ce magnifique avion pouvait
tout pilote de chasse” ci-dessous). de ce que j’avais appris lors des études seul rivaliser avec le F-15 américain.” *
L’aventure du “Mirage” 4000 et des essais du “Mirage” 4000 et cela Claude Carlier
s’arrêta au début de 1988. L’Arabie me guidait lorsqu’il fallait faire des * Entretien de Serge Dassault avec l’auteur.
Saoudite avait finalement abandonné compromis avec les ingénieurs en
l’idée d’acheter l’avion. Personne ne charge du projet.” Q

au combat aérien. Pénétration basse altitude tout temps très serré de la démonstration. Par la suite, dans la dernière
(de jour, de nuit, IMC *) avec délivrance de bombes partie du programme, l’état de développement du P2 et sa
conventionnelles. Appui des forces au sol avec tirs canons et disponibilité ont permis de voler souvent en configuration
roquettes. Tant de missions différentes pour un seul avion, hybride M53-2 ou M53-5 d’un côté et M53-P2 de l’autre.
c’était à l’époque un pari très ambitieux. Lors des vols que j’ai effectués, le moteur en essai était le
Pourquoi cette énumération, au demeurant très factuelle ? M53-P2 n° 615 dont la veine et les organes de régulation
Pour dire que j’ai vécu [sur “Mirage” III] ce qui a pu étaient classés “décrochage” **. Un tel moteur se “fabrique”
manquer aux pilotes de chasse que nous étions. en empilant un certain nombre de tolérances dans le sens
Nous rêvions tous d’un “Mirage” 4000… sans en connaître souhaité. On fabrique de la même manière un moteur dit
le nom. Dassault l’a réalisé, hors des contraintes liées aux “blocage” ***. Il s’agissait d’identifier le comportement
programmes étatiques. Performance motorisée, autonomie, derrière l’entrée d’air du Mirage “4000”, dans l’ensemble
emport de charges, sécurité du bimoteur. du domaine (Mach, altitude, vitesse et incidence) et, bien
Et aujourd’hui j’avais le privilège d’être aux commandes de sûr, parce que c’est un cas critique pour tous les moteurs,
cette merveilleuse machine. Le “Mirage” 4000 a volé avec lors de “transitoires” que l’on réalise alors en “trimant” le
différents panachages de M53-2, M53-5 et M53-P2. J’ai eu moteur en vol, c’est-à-dire en déréglant certains éléments
l’immense privilège de réaliser le seul vol avec deux M53-P2 de la régulation à l’aide de boîtiers à la disposition du pilote,
de sa carrière. La configuration la plus performante, mais pour rendre son fonctionnement plus critique et identifier
aussi la plus représentative de ce qu’aurait pu être la les marges dont on dispose… ou pas ! La suite logique,
série. Les premiers vols ont été exécutés avec, selon leur mais ce n’était pas le but en l’occurrence, consistant à
disponibilité, des configurations hybrides de M53-2 et intégrer ces réglages optimisés dans la régulation. Ces vols,
M53-5. Ces moteurs avaient beaucoup volé, sur F1-E et sur qui comprenaient souvent une accélération supersonique,
“Mirage” 2000 ; on en connaissait bien les caractéristiques, ont été mis à profit pour l’optimisation des lois souris [petits
leur cycle de développement était accompli. Il était hors cônes dans l’entrée d’air dont la position peut varier, NDLR]
de question de prendre le moindre risque, sur un avion en supersonique et l’évaluation de dispositifs montés sur
nouveau de surcroît. Un certain nombre de précautions les entrées d’air, pelles et trappes, destinés à améliorer
étaient prises pour en garantir le bon fonctionnement, et l’alimentation du moteur. Alain Rabion
particulièrement lors d’essais qui pouvaient soumettre
à rude épreuve leur bonne alimentation, comme c’est le * Instrumental Meteorological Conditions (conditions météorologiques
cas des essais à haute incidence par exemple. Les vols de vol aux instruments).
** “Décrochage” des filets d’air sur les aubes du ou des compresseurs
de présentation à basse altitude sont aussi critiques car entraînant des vibrations, baisse de régime, etc.
les “transitoires” “viriles” [changement brutal de régime *** Le “blocage” d’un moteur se caractérise par une lenteur à
moteur, NDLR] y sont fréquentes pour rester dans le cadre accélérer, voire à une stagnation du régime.

69
TÉMOIGNAGE
Un pilote raconte
sa mission en 1983
Le missile
AS30 frappe
en Angola
Les missiles sont incontournables
sur les champs de bataille depuis
les années 1950. En voici l’illustration
avec une attaque de bunkers par
l’aviation sud-africaine en 1983.
Par Frans Labuschagne. Témoignage recueilli par Alexis Rocher.

“J
’ai été affecté sur “Bucca- L’AS30 avait une masse totale
neer” au Squadron 24 en de 520 kg avec une charge offen-
juin 1980 comme pilote avec sive de 50 kg. Il était contrôlé ma-
le rang de major. Le “Bucca- nuellement par le pilote avec une
neer” SMK.50 avait été ac- manette sur le côté gauche de la
quis pour effectuer des missions cabine. Le pilote dirigeait le mis-
d’attaque maritime, en particulier sile sur la cible par une liaison de
pour contrôler le trafic passant par radio UHF. Dès que le missile
le cap de Bonne-Espérance. Le quittait l’avion, un traceur orange
“Buccaneer” de la SAAF (South à l’arrière permettait au pilote de
African Air Force) était dérivé du le suivre au cours de son vol jusqu’à
S.2 employé par la RAF. Pour rem- sa cible. Le “Buccaneer”, les
plir leurs missions, nos “Buccaneer” Dassau lt “M irage” F1A Z et
ont été modifiés pour emporter “Mirage” III ont tous été équipés
jusqu’à quatre missiles air-sol Nord pour lancer ce missile. Le pilote
(plus tard Aérospatiale) AS30. devait avoir été préalablement
V

Présentations
de l’AS 30
aux militaires
sud-africains.

SAAF DANIEL BECHENNEC

70
Tir d’un missile AS 30 depuis
un “Buccaneer” sud-africain.

71
L’AS30 FRAPPE EN ANGOLA

SAAF
Le “Buccaneer”
formé sur simulateur pour que le constituait lumineuse qui pouvait se déplacer tableau ou la photographie était
guidage du missile se fasse natu- la force en haut et en bas et de gauche à placé entre 4 et 6 m de distance
rellement. Cette formation per- de frappe des droit. Cette source lumineuse était – juste assez loin pour voir les dé-
mettait de s’entraîner à la coordi- Sud-Africains. contrôlée avec le levier de com- tails du modèle sur le tableau de
nation entre l’œil et la main. mande et simulait le traceur der- carte ou la photographie.
rière le missile. Quand “le missile” Avant le tir du premier AS30 en
Contrôler les missiles était “tiré”, la source lumineuse condition réelle, le pilote devait tirer
commençait à se déplacer puis était quelques missiles AS11 téléguidés
dans les trois dimensions alors pilotée sur un grand tableau d e p u i s u n “ I m p a l a” M k 1
Le simulateur consistait en un avec une carte qui était placé au (Aeromacchi 326M) – l’AS11 était
levier de commande et un petit pro- mur. La cible pouvait aussi être une un missile antichar plus petit et
jecteur qui transmettait une source photographie de l’objectif réel ! Le moins coûteux que l’AS30. Bien que
Frans
Labuschagne.
Il mena
la mission du
14 août 1983.

Le “Buccaneer“
emportait jusqu’à
quatre missiles
Nord AS30.
SAAF SAAF

72
En plus des
missiles AS30,
le “Buccaneer”
pouvait larguer
une importante
charge
de bombes.
SAAF

Le missile AS30
permettait
d’attaquer
précisément des
objectifs, comme
des bunkers.
SAAF

la vitesse de tir, en dessous de partir de là serait en mesure de frap- avait prévu que ses forces auraient
150 nœuds (275 km/h), et la vitesse per les forces de l’Unita. Ces der- besoin de neuf heures pour prendre
du missile étaient moins importante, nières ont attaqué les Angolais dans la ville. Après neuf jours de combat
cela donnait la possibilité au pilote le but de les chasser de Cangamba. soutenus, le secteur avait été
de contrôler l’arme dans les trois L’Afrique du Sud a soutenu l’Unita conquis, mais le PC sur le terrain
dimensions. Le programme d’entraî- avec une attaque aérienne contre les d’aviation n’avait pas été pris.
nement en vol se concluait par le tir installations de Cangamba. L’Unita Un soldat du MPLA capturé a
d’un AS30 depuis un “Buccaneer” fourni une description complète
ou un “Mirage” F1AZ. du complexe de bunkers entourant
Le profil d’attaque consistait en (1) Les deux mouvements s’opposaient le PC. Ceux-ci avaient été profon-
un tir à environ 7 milles nautiques depuis l’indépendance de l’Angola en dément creusés et solidement for-
(12,9 km) de la cible, en partant de 1975. Le MPLA était d’obédience tifiés par des troncs d’arbre épais,
marxiste et bénéficiait de l’aide matériel
8 000 pieds d’altitude (2 440 m), pour de Cuba, l’Unita était soutenu par les ce qui les rendait difficiles à at-
piquer ensuite à 15°. Le missile était teindre. Le bâtiment du PC et un
V
Occidentaux et l’Afrique du Sud.
lancé à 5 milles nautiques (9,26 km)
de l’objectif à 420 nœuds (777 km/h).
Le temps de vol du missile était de
21 secondes pour atteindre sa cible.

Le choix des objectifs


principaux
Ma mission s’est déroulée en
1983, lors de la guerre qui opposait
l’Unita (l’Union nationale pour
l’indépendance totale de l’Angola)
au MPLA (Mouvement populaire
de libération de l’Angola) en
Angola (1). Les troupes du MPLA
avaient conquis la ville de L’arsenal du
Cangamba, dans le Sud-Est de l’An- “Buccaneer”,
gola. L’aérodrome près de la ville avec bombes
était d’une importance stratégique à chute libre,
vitale tant pour le MPLA que pour missiles AS30 et
l’Unita. L’avion angolais opérant à lance-roquettes.
SAAF

73
L’AS30 FRAPPE EN ANGOLA

autre grand bunker à l’ouest ont


été choisis comme objectifs prin-
“ À 8 heures, mon Cependant la poussière a rendu les
tirs un peu moins précis. Le briga-
cipaux. Les tranchées étaient mi- dier général Dick Lord a décrit le
nuscules, ce qui en faisait de très
petites cibles. La SAAF a décidé
premier missile a frappé succès de cette attaque dans son
livre From Fledgling to Eagle
que huit missiles AS30 lancés par
quatre “Buccaneer” seraient utili-
la cible exactement sur comme suit :
« Ce raid aérien fut un des plus
sés pour détruire les bunkers.
Quatre “Canberra” avec des le point visé ” efficace exécuté par la SAAF pen-
dant la guerre, tant dans son exécu-
bombes classiques s’y ajoutaient. tion que ses effets. En quelques
Il a été décidé d’équiper la moitié nous sommes replacés pour une heures, Cangamba était sans risque
des bombes avec des détonateurs seconde attaque environ 5 minutes entre les mains de l’Unita. Les
à retardement et l’autre moitié plus tard. Entre-temps, les quatre Angolais et les Cubains ont perdu
avec des détonateurs de contact “Canberra” étaient passés à l’at- 829 hommes et l’Unita a capturé
pour obtenir l’effet maximal. taque. Notre deuxième vague de 300 autres hommes. L’Unita comp-
missiles AS30 a ensuite été tirée. tait 63 soldats tués. »” Q
Leader
de l’attaque
Missiles au combat
Il n’y avait aucune défense anti-
Depuis le milieu du XXe siècle, les missiles ont pris de plus en plus
aérienne dans le secteur des cibles, d’importance dans les conflits. Tirés depuis des avions, des chars ou
ce qui signifiait que les avions des navires contre des cibles au sol, en mer ou dans les airs, ils sont
pourraient attaquer à basse alti- incontournables dans les arsenaux modernes Pour preuve voici une
tude pour obtenir une grande pré- somme qui retrace l’utilisation en opérations des engins conçus par
cision. Pour la première attaque, les Européens. Toujours sous la plume du spécialiste Patrick Mercillon,
nous avons décidé d’arriver avec le il fait suite à un premier ouvrage qui présentait les différents modèles.
soleil dans le dos. L’heure prévue Tout commence lors de la guerre d’Algérie, puis se prolonge jusqu’à
d’arrivée sur l’objectif a été fixée l’opération Barkhane en passant par la guerre des Malouines ou les
8 heures le 14 août 1983. On a or- conflits au Moyen-Orient. Sont abordés en 450 pages les combats
donné aux forces de l’Unita de res- aériens, les luttes contre des offensives de chars, les attaques
ter à 2 km du secteur. L es d’objectifs de précision avec missile de
“Mirage” F1CZ patrouillaient croisière, avec à chaque
pour nous couvrir. J’étais le leader fois une volonté didactique
de l’attaque. L’objectif pour moi et pour présenter le théâtre
le n° 2 était les bunkers à l’ouest, des opérations, les matériels
tandis que les nos 3 et 4 avaient ceux utilisés, les doctrines des
situés à l’est. Comme point de visée “Buccaneer”
du Sqn 24 avec belligérants. Voilà sans aucun
nous avons utilisé les entrées des doute un ouvrage qui fera date
bunkers, bien visibles du ciel. À missile AS30.
Le duo se sur la question.
exactement 8 heures, j’ai tiré mon
premier missile, qui a frappé la montra
cible exactement sur le point visé. particulièrement Missiles européens
Une équipe sud-africaine à terre, efficace le au combat
qui était placée près de l’objectif, a 14 août 1983 Par Patrick Mercillon
lors de Éditions ETAI
annoncé sur la radio peu de temps
l’attaque contre 447 pages, 89 €
après que les quatre premiers mis-
les bunkers ISBN : 979-10-283-0278-8
siles avaient frappé leurs cibles
de Cangamba
avec une grande précision. Nous en Angola.

SAAF

74
CE JOUR-LÀ… 21 avril 1949
Premier vol propulsé du Leduc 010 de l’aide auprès de Breguet pour
développer son idée à plus grande

Une flamme
échelle. Il lui faut pour parvenir
à faire voler son appareil une ab-
négation totale, une patience de
moine bénédictin recopiant son
manuscrit en calculant les effets

s’allume
thermodynamiques qui affectent
sa tuyère. René Leduc bataille
pour convaincre les services offi-
ciels. Il trouve une oreille attentive

dans le ciel
en la personne de l’influent Albert
Caquot, ancien directeur général
technique du ministère de l’Air, des
appuis auprès d’éminents savants
de l’académie des Sciences, et tou-
jours le soutien de Breguet, pour
René Leduc travaille depuis le début lequel il travaille entre deux dessins
pour son propre compte de tuyères
des années 1930 sur un concept thermopropulsives.
révolutionnaire : la tuyère Le bon Dieu
thermopropulsive. En 1949 s’ouvre comme copilote
de grande perspective lorsque Fin 1936, des crédits sont déblo-
qués par le STAé (Service technique
le prototype 010 atteint 700 km/h. aéronautique) pour l’étude d’un
Par Henri Cherreau démonstrateur, le Leduc 010. René
Leduc embauche un autre ingénieur
et deux dessinateurs. Ses projets font
sensation dans le Science & Vie d’oc-

C
’est un jour historique pour vitesse, où le rendement est beaucoup tobre 1936. Au mois de novembre
René Leduc. Cela fait plus plus intéressant qu’avec un réacteur. suivant, nouvel étonnement du public
de 20 ans que cet ingé- Mais il est impossible de produire lors du Salon de l’aéronautique. René
nieur indéniablement ta- une poussée à vitesse nulle, il faut Leduc fait partie des chercheurs invi-
lentueux travaille sur son impérativement un accélérateur sous Indispensable tés sur le stand du Service technique
concept de tuyère dite “thermopro- la forme d’un avion porteur ou d’un pour le Leduc et des recherches scientifiques du
pulsive” (lire le Docavia n° 41, René autre propulseur. 010 : un avion ministère de l’Air. “Imaginez, dit-il,
Leduc, pionnier de la propulsion à porteur qui un avion postal volant à 20 000 m
réaction). Au départ une idée assez 1 000 km/h l’emmène à d’altitude sur 4 700 km à une vitesse
simple : profiter de la vitesse d’une l’altitude et à la moyenne de 1 440 km/h !” Leduc est
tuyère pour assurer la compression de
en 1936 ! vitesse propices alors à la pointe dans le domaine de
l’air, avant de l’enflammer pour obte- Leduc a tout d’abord travaillé à allumer sa la recherche sur les grandes vitesses.
nir une poussée. Pas de compresseur sur les structures et la résistance tuyère ther- Il revendique 900 km/h pour le projet
mopropulsive.
mécanique comme sur le réacteur. des matériaux pour Louis Breguet. de chasseur 011.
Le 010 est
C’est le principe du statoréacteur. Les Il dépose un premier brevet en 1930 En septembre 1939 René Leduc
installé sur un
avantages sont nombreux à grande et réussit dans la foulée à trouver dessine le bombardier léger 012,
“Languedoc”. V

BERNARD PAGES

76
Décollage de la paire
“Languedoc” et Leduc 010
depuis le terrain de Blagnac.

MUSÉE AEROSCOPIA/SERVICE PHOTOGRAPHIQUE SNCASE DON E. MENUET

77
LEDUC 010

qui s’attaquent aux avions à grande


vitesse comptent souvent plusieurs
dizaines d’ingénieurs, des moyens
d’essais sinon pléthoriques en tout
cas beaucoup plus importants. Avec
Leduc, c’est de l’aviation qui s’appa-
rente à de l’horlogerie de haute pré-
cision. Journalistes et ingénieurs qui
visitent les installations sont sidérés
tant le contraste est énorme entre
les moyens limités et les ambitions
affichées. Peu importe si des esprits
persifleurs qualifient de “tuyaux de
poêle” le 010 qui sort des ateliers
de Toulouse. Sa femme fait bénir à
Lourdes une médaille de la Vierge
qu’elle dépose dans l’avion pour que
le pilote ait “le bon Dieu comme co-
pilote”. Jean Gonord, pilote d’essais
Jean Gonord Breguet, est recruté pour s’installer à
(à gauche), bord du 010. Si le pilote a un champ
pilote d’essais de vision très limitée, René Leduc
du Leduc 010, conçoit pour sa sécurité une cabine
discute avec détachable avec parachute.
René Leduc.
JEAN DIEUZAIDE
700 km/h
appareil “invulnérable” selon son manque ? Pas grave, des ingénieurs
concepteur face à la DCA en évo- et des dessinateurs sont prêtés par
au premier vol
luant à 20 000 m d’altitude. Breguet et la SNCASE. La petite Le 20 février 1947, le 010 décolle
L e cataclysme de juin 1940 équipe de Leduc dessine tout ou accroché sur son “Languedoc” por-
l’oblige à déménager en zone libre, presque sur le 010. Sont utilisés des teur. Premier largage, moteur du 010
puis ensuite à tout cacher et travail- équipements allemands récupérés éteint, le 21 octobre. À l’atterrissage
ler dans la clandestinité pour éviter à la fin de la guerre, comme, par le 010 sort de piste, pneus éclatés.
que les travaux tombent aux mains exemple, le machmètre. Gonord déclare : “Je me suis fait pos-
des Allemands. René Leduc persé- Oui, c’est de l’artisanat à une séder par le vent.” Néanmoins aucun
vère, ne se lasse jamais. Le budget époque où les bureaux d’études dégât sérieux sur l’avion n’est à dé-

BERNARD PAGES

78
amener le 010 vers 4 000 m d’altitude.
Léger piqué pour accélérer jusqu’à
430 km/h, puis largage du 010 tuyère
allumé. Il accélère de façon assez stu-
péfiante pour Jean Gonord. Bientôt
le 010 atteint 700 km/h – l’essai était
en principe limité à 600 km/h. René
Leduc s’est installé dans un Ju 88 pour
assister au vol et n’arrive bien évidem-
ment pas à suivre son prototype qui
file devant lui. Après 9 minutes de
pleine poussée, tout le carburant est
consommé. Le 010 rentre à Blagnac
en planeur, exercice déjà pratiqué
sans difficulté par le pilote. Au sol
c’est l’enthousiasme. Le STAé com-
mente alors dans un communiqué
plein d’emphase : “La France, grâce
à monsieur Leduc, prend une excel-
lente position dans la compétition du
développement de ce nouveau mode
de propulsion qui, pour les vitesses
supersoniques, doit supplanter celui
par turboréacteur.”
JEAN DIEUZAIDE
Jean Gonord
plorer. Leduc reste confiant. S’ensuit vient de Caractéristiques Un encouragement
une série de vols avec allumage du
moteur, le 010 toujours attaché. Le
s’installer à
bord du 010. principales à poursuivre l’aventure
21 avril 1949, c’est le grand jour. René
Leduc subit ce jour-là selon Jacques
Les mécaniciens du Leduc 010 Pour René Leduc, ce premier vol
est un encouragement à poursuivre
enlèvent
Noetinger une rage de dent mais tient l’échelle Longueur : 10,2 m l’aventure – un deuxième Leduc 010
absolument à contrôler encore et tou- qui permet Envergure : 10,5 m rejoint le premier prototype aux es-
jours les préparatifs et le déroulement d’accéder Surface alaire : 16 m2 sais en 1950. Dans sa tête volent déjà
de l’essai (Histoire de l’aéronautique à l’avion. Masse à vide : 1 700 kg d’autres avions, encore plus rapides.
française, par Jacques Noetinger ). À Masse maxi. : 2 800 kg (dont 1 000 l Le 21 avril 1949, René Leduc voyait
16 h 30, le “Languedoc” décolle pour de carburant) l’avenir en grand. Q

Les premiers essais des Leduc


se déroulèrent à Blagnac de 1947 à 1949,
avant de rejoindre Brétigny puis Istres
fin 1950.

79
MAQUETTES Par Hangar 47

Un odonatoptère en cours de mue, à l’état de nymphe… Un futur chiroptère ?

Miles M-35 “Libellula” écrans, consoles et instruments. Le harnais est juste moulé
sur les coussins. Vu la taille et le découpage des pièces, l’assemblage
Planet Models, 1/48 des divers composants du fuselage demandera un peu d’expérience
Spécialisée danss – la notice de 60 pages manque parfois de clarté. Les becs, volets
la reproduction et gouvernes sont séparés, de même que les extrémités de voilure
en résine de repliables. Libre à chacun donc de choisir la configuration de la
machines très rares, la machine. Les neuf points d’attache peuvent recevoir toute une panoplie
marque tchèque nous de bombes et missiles. La verrière peut bien entendu rester ouverte ;
propose ici un plus que une échelle donne accès au poste de pilotage. Les décalcomanies
surprenant canard bri- incluent de nombreux marquages techniques et tous les motifs
tannique, doté d’une aile nécessaires pour choisir
principale en flèche, d’un entre deux avions camoufléss
plan canard “droit”, d’un moteur arrière et de gouvernails en bouts en deux tons de gris :
d’ailes. Un véhicule de recherches à n’en pas douter. La qualité du celui repris pour illustrer
moulage est excellente, la gravure et les petites pièces sont fines la boîte avec son arête
et précises. Le poste de pilotage simple reste convenable avec l’aide dorsale et ses dérives
d’une décalcomanie pour figurer les instruments. La verrière noires, ses vampires
thermoformée est fournie en deux exemplaires. Les jambes de et étoiles argentées,
train en métal assurent une solidité suffisante. Le collage des plans et le second, plus discret,
canards risque de rester fragile si aucun renfort n’est ajouté. L’engin des “Gunslingers”.
porte la livrée classique des prototypes d’outre-Manche, intrados
jaune et camouflage vert et brun des surfaces supérieures. Notre appréciation : maquette de qualité, impressionnante par sa
taille et le nombre de pièces qui la composent. Sujet aux allures bien
Notre appréciation : maquette de qualité réservée connues maintenant mais qui restent élégantes et agressives.
aux habitués de la résine ; extrême originalité garantie. Encore une boîte bien tentante.

F/A-18E “Super Hornet” Avia B.534 II


Revell, 1/32 Eduard Weekend, 1/72
Avec ses 57 cm de long, c’est une grosse nouveauté que Édition simplifiée pour
nous propose Revell. Les 246 pièces annoncées laissent cette petite maquette
imaginer un résultat bien détaillé. On remarque d’abord bien détaillée et fine-
des surfaces très finement gravées où sont différenciés vis et rivets. ment moulée (bords de fuite
Un ensemble qui s’installe dans le fuselage reproduit les couloirs très fins, poste de pilotage très
d’entrées d’air et les tuyères de façon réaliste. Le train très complexe convenable), ici dans sa version
et ses logements sont reproduits en détail ; certains composants poste de pilotage ouvert. Les
creux des jambes de train pourront peut-être recevoir des tiges mé- décalcomanies concernent deux avions camouflés vert uni.
talliques de renfort pour en améliorer la solidité. Le poste de pilotage
et le siège sont convenables et des décalcomanies reproduisent les Notre appréciation : : sujet élégant et original, bien traité.

80
décrivant leur montage. La première complète le poste de pilotage,
Fw 190A-2 la seconde la cabine, la troisième les moteurs et logements de train.
Eduard Profipack, 1/48 Pour ne citer que quelques exemples, tous les harnais et ceintures sont
fournis, de même que le tableau de bord et les manettes de commandes
Comme pour moteurs, les harnais d’allumage ou encore les diverses tubulures ou
tous ses câbles visibles dans les logements de train. Inutile de dire que cette
modèles, maquette très détaillée d’origine dépasse avec ces ajouts tout ce que
Eduard propose une nous connaissons à cette échelle. On se doute en conséquence qu’une
version enrichie de expérience certaine est nécessaire pour en tirer le meilleur. Rappelons
son superbe Fw 190. simplement la belle gravure
Cette boîte ajoute aux des surfaces, le fuselagee
pièces plastique (déjà entièrement aménagé,
connues pour leur les commandes et volets ts
gravure somptueuse et séparés, le train et ses
leur moulage d’une précision irréprochable) du métal photodécoupé logements bien repro-
prépeint (tableau de bord, consoles et harnais), des masques duits et les moteurs fortt
autocollants pour faciliter la peinture, deux trappes de train en résine convaincants. La livrée
et des décalcomanies pour cinq options de peinture. Les pièces proposée est unique
optionnelles sont très nombreuses (deux voilures complètes par mais très célèbre et
exemple). Le poste de pilotage et les logements de train sont parfaits, fort colorée.
les gouvernes et volets sont moulés séparément, et la verrière est bien
sûr prévue en deux versions, ouverte ou fermée. Les décalcomanies Notre appréciation : magnifique et très complète maquette pour
permettent de choisir entre cinq avions camouflés en deux tons de gris un sujet élégant et imposant (dommage que certaines maquettes
classiques avec dérive et capot inférieur jaune et diverses marques d’autres marques, assez anciennes, très justes de formes et
individuelles dont le célèbre aigle noir stylisé. L’histoire de chaque proportions mais peu détaillées, ne puissent bénéficier d’éditions
machine et de son pilote est documentée. modernisées inspirées de ce type de produit !).

Notre appréciation : sans discussion la meilleure maquette


de 190 sur le marché. L-39ZA “Attack and Trainer”
Special Hobby, 1/48
SE.535 “Mistral” Autre boîte pour
Azur Frrom, 1/72 le L-39 déjà
décrit dans notre
Dédiée à la version rubrique, celle-ci contient
produite en France plastique, résine, métal
sous licence du photodécoupé et des
“Vampire” équipé du réac- décalcomanies pour choi-
teur Rolls-Royce “Nene”, sir entre sept machines
cette maquette intègre bien parfaitement illustrées sur
les modifications qui diffé- les plans couleurs de la notice : deux avions tchèques camouflés vert
rencient le “Mistral” : nou- et brun, trois algériens sable et brun ou sable et vert, un israélien
veau fuselage, nouvelles également sable et brun, et enfin un thaïlandais trois tons gris et verts.
entrées d’air, nouveau Des marques rouges et insignes individuels égayent ces livrées.
nez et siège éjectable (fourni en résine et bien reproduit). Pour le reste
pas de changement par rapport à la maquette déjà décrite dans notre Notre appréciation : nouvelles décorations intéressantes
rubrique. Des décalcomanies reproduisent les instruments de bord ; pour cette jolie machine.
le train et ses logements sont bien figurés, une pièce en trompe-l’œil
simule l’avant du réacteur et sa tuyère fait illusion. Les surfaces sont
gravées avec précision et le moulage des petites pièces est sans défaut.
La verrière en deux éléments peut rester ouverte. Deux réservoirs L’agenda du maquettiste
supplémentaires et quatre roquettes s’installent sous la voilure.
Ces annonces gratuites sont réservées aux manifestations propres au
Les décalcomanies incluent les marquages techniques en français et maquettisme. Vous pouvez adresser votre texte (pas plus long) par courriel
offrent le choix entre trois avions français peints de couleur argentée, à fanaaviation@editions-lariviere.fr en mentionnant “agenda maquettes”
avec quelques touches de couleur jaune ou rouge. dans l’objet. Prenez garde de n’oublier ni la date ni le lieu.

Notre appréciation : maquette de bonne qualité pour prendre Bissegem-Courtrai (Belgique), 7 avril 2019, 24e Exposition de maquettisme-
la relève du vénérable modèle Heller. concours-bourse d’échange organisée par IPMS Moorsele, OC Troubadour,
Vlaswaagplein 3, de 9 h 30 à 17 h 30. Rens. Tél. : 00 32 475 710 118
ou courriel : ipmsmoorsele@telenet.be
C-54D “Thunderbirds” Eyzin-Pinet (38), 1er et 2 juin 2019, 8e Exposition de maquettes organisé
par “Les Fanakits Eyzinois Fighters”, salle Christian Arnaud, le samedi de
Revell Platinium Edition, 1/72 10 h 00 à 19 h 00, le dimanche de 10 h 00 à 18 h 00. Un concours est organisé.
Rens. : Tél. : 0 645 823 005 ou 0 646 442 994 ou assofighters@gmail.com
Suivant un principe dont nous aimerions voir notre marque
nationale s’inspirer, Revell propose ici une édition spéciale Saint-Martin-de-Crau (13), 8 et 9 juin 2019, Salon de la maquette,
du modélisme, des arts créatifs, avec bourse d’échange, salle Mistral,
de son magnifique C-54 dédiée aux “Thunderbirds”. Bien
ZA du Cabrau, rue des Compagnons, organisé par le Rassemblement
entendu les décalcomanies adaptées sont fournies, “mais pas que” du Model Club de la Crau (RMCC). Rens. Tél. : 04 42 05 38 05/
dirait mon petit-neveu, puisque la boîte contient trois pochettes de métal 06 18 66 12 56 ou sur le site www.rmcc13.net
photodécoupé associant des pièces, prépeintes si nécessaire, et la notice
81
PETITES ANNONCES

VENTE
Vide grenier à céder plans de
planeurs rétro plus revues
aéronautique Fana à consulter Retrouvez
sur place à Sceaux 92320
Girod Roux tél. : 01 46 31 99 62
notre offre
abonnement
Fana 257 n° de 1970 à 201
130 € tél. : 06 22 25 30 19 en page
Vds fana n° 77 à 548 & albums
13 et 31.
Fana n° 1 à 64
400 €. Tél. : 01 64 24 32 46

Vends collection, complète


du Fana Plus nombreux
livres d’aviation
Mail : hugues.auchere@noos.fr PROCHAIN NUMÉRO
Vends maquettes Revell 1/32 SPIT 19 avril 2019
MK2-ARADO 196-FW190F8 Vos annonces doivent nous parvenir
Prix : 50 € Tél. 06 06 51 76 51
au plus tard le 9 avril 2019
Contact M. Leroy - Toul 54

82

You might also like