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AFRIQUE
NGODI Etanislas
Chercheur IGRAC / Université Marien Ngouabi
BP 13.244, Brazzaville
Tel ( 242) 663 57 56
Email : ngodi_etanislas@yahoo.fr
Le pétrole demeure une des matières premières les plus convoitées de la planète, au
regard de son intérêt économique et sa dimension géopolitique et stratégique. L’importance
de cette ressource dans le processus de développement apparaît irréversible. Cependant, dans
le contexte africain, l’utilisation des revenus pétroliers par les pouvoirs publics en place
suscite des interrogations croissantes en raison de leur impact sur la distribution des
richesses sur le développement.
Dans le cadre de cette communication, nous traiterons des aspects suivants : l’enjeu de
l’or noir africain dans la géopolitique pétrolière du nouvel ordre mondial ; la gestion et
la contribution des revenus pétroliers dans le développement de l’Afrique.
Pays Exportations Part dans le PIB Part dans les ressources de l’Etat
Libye 98 % 80 % 75 %
Algérie 95% 30 % 60%
Egypte 40% 4% 10 %
Source: Favennec, Copinschi, 2003
Par ailleurs, l’enjeu du Golfe de Guinée est relativement immense. Depuis la fin des
années 70, cette région a intégré le paysage pétrolier mondial et est devenue l’une des
destinations favorites des investisseurs pétroliers internationaux et la production y est
relativement en forte croissance et de bonne qualité. Seul enjeu stratégique de la décennie
sur le continent, l’exploitation du pétrole du Golfe de Guinée met en présence une
galaxie d’intervenant qui œuvrent dans des cercles restreints aux règles difficiles à
décrypter. Cette région connaît un développement harmonieux en terme de
développement des champs pétrolifères (Nigeria, Angola, Guinée- Equatoriale, Tchad )
alors que d’autres pays entament leur déclin ( Gabon, Cameroun).
2
Source : Agence Internationale de l’Energie, 2000
3
2- Pétrole et nouvel ordre politique mondial en Afrique
L’Afrique connaît aujourd’hui une phase de boom pétrolier, devenant ainsi un acteur
significatif de la scène pétrolière mondiale. La déstructuration du système économique fait
de cette ressource un facteur de déstabilisation politique et sociale et source de la
croissance économique. Au -delà des intérêts économiques, le pétrole est au centre des
enjeux géostratégiques actuels notamment dans la gestion des relations internationales
entre pays consommateurs du Nord et les pays de localisation de la production
pétrolière. (1)
Depuis le 11 septembre 2001, on assiste à une sorte de troisième guerre mondiale, d’un
nouveau type, qui se caractérise par des conflits permanents où s’imbriquent à la fois des
guerres régionales, des crises mettant en cause les grandes puissances et un terrorisme de
masse. Le 11 septembre a en effet marqué une césure aussi importante que la guerre froide
dans l’histoire de l’humanité. Il a ouvert une période beaucoup plus longue de transformation
du système international. Les Américains ont bien identifié les trois menaces contemporaines
: le terrorisme, les armes de destruction massive et la tyrannie. La démonstration de force de
la puissance américaine dans l’après-11 septembre éclaire le nouvel ordre mondial en
construction et le consensus de Washington fondé sur le constat de la globalisation
triomphante et annoncée. L’après-11 septembre annonce une accélération de la transformation
stratégique et une montée conséquente de la puissance américaine. Avec le nouvel ordre
mondial, l’Amérique doit mener la politique des forts. En effet, la géopolitique du pétrole est
caractérisée par l’hiatus qui sépare les zones de gisements et celles de consommation des
produits raffinés.
Le nouvel ordre impérial peut être clairement défini dans la formule suivante : « Qui veut
diriger le monde doit contrôler le pétrole. Tout le pétrole. Où qu’il soit ». Le nouvel ordre
mondial, c’est l’anéantissement sans merci de toute opposition. Le but ultime de cette «
théocratie ploutocratique » est de s’assurer, par tous les moyens, du contrôle des principales
réserves énergétiques mondiales. Les priorités stratégiques américaines concernent :
l’amélioration des capacités militaires en matière de sécurité internationale, la recherche de
nouvelles sources de pétrole et la guerre contre le terrorisme. Le premier objectif stratégique
vise en premier lieu à assurer l’invulnérabilité du territoire américain, en construisant un
bouclier anti-missile et en préservant la supériorité américaine dans le domaine des armes de
pointe. Il s’agit ensuite de développer la capacité des États-Unis à envahir des puissances
régionales comme l’Irak, l’Iran ou la Corée du Nord. C’est ainsi que pour assurer la
suprématie américaine à long terme, le président Bush se doit de mener une politique
agressive, consistant en la mise au point d’une révolution de la pensée militaire. (2).
1
Durousset, M, Le marché du pétrole, Paris, Ellipse, 1999, pp 5-6
2
Mason, J., « Vers une sécurité intérieure mondialisée», Débat stratégique n°59, novembre 2001
4
la mer Caspienne (en particulier de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan), de l’Afrique
subsaharienne (Angola et Nigeria) et de l’Amérique latine (Colombie, Mexique et
Venezuela).(3).
Le troisième objectif stratégique, enfin, est la campagne contre le terrorisme. Cette « guerre
au terrorisme » va cristalliser le consensus sur la refonte structurelle de l’appareil de sécurité
nationale comme fondement d’un nouveau cycle de l’hégémonie américaine. Les dirigeants
américains profitent des évènements du 11 septembre pour mener des opérations de guerre et
de police internationale dans des conditions troubles avec des objectifs inavoués. Ils cherchent
à réduire l’influence du pan-islamisme radical pour renforcer leurs positions dans le monde et
mieux contrôler les ressources pétrolières. La guerre contre le terrorisme est un moyen
d’accès au pétrole, dans le Golfe persique, dans le bassin de la mer Caspienne et dans
d’autres « zones grises ».(4)
Avec l’objectif consistant à maîtriser les ressources énergétiques, l’imperium nord-américain
cible, entre autres sites de gisements de pétrole, le Golfe de Guinée qui détient des réserves
aussi importantes que celles du Golfe persique. En effet, l’instauration d’un nouvel ordre
stratégique et géopolitique recentre aujourd’hui la question des matières premières en Afrique
, sur le pétrole. Les réserves pétrolières du Golfe de Guinée sont devenues un enjeu
stratégique important à la suite des crises politiques et militaires apparues au Moyen-Orient,
espace traditionnel d’approvisionnement des Américains et des Européens. La compétition en
cours dans la sous-région se déroule dans un contexte de crise et de conflictualité qui ne
profite pas aux populations, victimes des guerres civiles, mais plutôt aux multinationales
américaines et françaises fortement impliquées. L’importance géostratégique du pétrole place
plusieurs pays africains au centre des appétits et compromissions des multinationales
occidentales. (5)
3
Mason, J., « Les retombées d’une conquête promise », Débat stratégique n°67, mars 2003
4
Saida Bedar, « L’hégémonie américaine après le 11 septembre », Débat stratégique n°58, septembre 2001
5
Wauthier, C., « Appétits américains et compromissions françaises », Monde diplomatique, octobre 1994
5
Golfe de Guinée risque de devenir dans les vingt prochaines années, le « champ de bataille »
le plus chaud dans la répartition des nouveaux marchés pétroliers. Avec plusieurs milliers de
gisements découverts à ce jour, cet espace est en passe de devenir une des provinces de l’or
noir les plus actives et les prometteuses. Aujourd’hui, les États du Golfe de Guinée reçoivent
en premier lieu plus d’attention de la part des politiciens américains.
Fruits de longues recherches menées par les firmes internationales comme Totalfina Elf,
Petronas, Shell, Chevron-Texaco, ces découvertes prouvent à suffisance que l’Afrique dispose
d’énormes potentialités pétrolières non encore explorées. Aussi, l’exploitation des gisements
miniers et pétroliers se réalise de plus en plus en consortiums, alliances stratégiques
momentanées associant des concurrents aux portefeuilles d’activités diversifiées. Par cette
nouvelle forme de concentration, les multinationales ont acquis dans les négociations une
capacité de neutralisation des pouvoirs publics, enjoints de se contenter de la rente qui leur est
servie. Ces sociétés financent par conséquent un marché pétrolier international à la fois
monopolistique, dans la détermination des coûts de production, et oligopolistique, en
référence à la remise en cause de l’open market policy, par le partage des zones de
production. Le regain d’intérêt pour le Golfe de Guinée fait partie de l’après-11 septembre
2001. C’est ainsi que M. Walker Kansteiner, sous-secrétaire d’État américain chargé des
Affaires africaines estimait le 25 janvier 2002 que le pétrole du continent noir est devenu un
intérêt stratégique pour les États-Unis (6). De son côté, le sénateur républicain de l’État de
Californie, Ed Royce, président du sous-comité Afrique au sein du comité de la Chambre des
représentants pour les relations extérieures, déclare que « le pétrole africain devrait être traité
comme une priorité pour la sécurité nationale de l’après-11 septembre ». Selon les prévisions
du National Intelligence Council américain, les Etats-Unis pourraient importer 25 % de leur
pétrole d’Afrique subsaharienne d’ici à 2015 contre 16 % aujourd’hui, réduisant leur
dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient. De son côté, le rapport AOPIG estime que les
importations de pétrole africain devraient augmenter de 1,5 millions de barils par jour
aujourd’hui à 2,5 millions de barils par jours en 2015.
La concurrence féroce que se livrent les occidentaux dans la course aux gisements
pétroliers réduit les chances de participation du continent africain à la mondialisation.
Comme probable source d’approvisionnement pétrolier, le continent africain est contraint
de se pencher sur son avenir pour espérer être maître de son destin, réussir son décollage
économique au regard des jeux et enjeux qui se profilent à l’horizon. L’ampleur des
investissements dans le secteur pétrolier au regard des convoitises pétrolières devait
servir dans le cadre du développement de l’Afrique.
Dans plusieurs régions, les richesses pétrolières sont sources d’instabilité, de corruption
et de guerres civiles. L’utilisation des revenus tirés de la manne pétrolière ne participe
pas toujours à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique équitable. La
gestion du pétrole demeure une affaire privée entre le président de la République et la
compagnie de pétrole agréée. Cette gestion rime avec constitution et approvisionnement de
caisses noires, production de dossiers noirs et mise en place de fonds noirs. (7)
6
voir les documents de la Conférence de l’IASPS du 25 janvier 2002
7
Ngodi Etanislas « Pétrole et géopolitique en Afrique centrale », in Afrique centrale : crises économiques
et mécanismes de survie, CODESRIA, 2005, pp. 71-72
6
Les alliances stratégiques entre différents acteurs illustrent clairement le processus de
pertes, de privatisation et de capitalisation des profits. Les recettes provenant de son
extraction servent à maintenir les dictateurs au pouvoir, à leur offrir un appareil répressif
sophistiqué ou à consolider des amitiés coupables. Par conséquent, l’utilisation des
revenus ne participe pas toujours à la réduction de la pauvreté et à la croissance
économique.
Les contrats pétroliers conclus dans la plupart des pays africains producteurs du pétrole
sont souvent qualifiés d’inefficients. Ils sont signés dans un secret absolu au bénéfice d’un
petit groupe de nantis et des compagnies pétrolières. La sécurité des investissements
par la signature des contrats pétroliers renforce le processus de dépendance à l’égard
de la rente pétrolière. A ce niveau, les crises de restructuration économiques servent dans
l’ouverture et la déréglementation des marchés pétroliers africains.
Deux types de contrats sont applicables : les contrats de concession et les contrats de
partage de production. Les contrats de concession valables dans plusieurs pays
(Angola, Gabon, Nigeria, Australie, Russie, Usa, Brésil, Norvège, Royaume- Uni, Colombie,
etc.) n’offrent pas grand chose aux pays producteurs. Les Etats concèdent aux
compagnies pétrolières des zones d’exploration pour une durée variant entre 25 et 50
ans pour une redevance dont la base proportionnelle de 17,5% est calculée sur le prix
de vente. A cette redevance s’ajoutent des charges opérationnelles (impôts, taxes, frais
d’exploration, évacuation et amortissement…). Par ailleurs, dans le cadre des contrats de
partage de production adoptés dans plusieurs pays (Algérie, Libye, Egypte, Nigeria,
Congo, Qatar, Indonésie, Kazakhstan, … ), les règles de partage de la rente pétrolière sont
définies comme suit : Redevance minière (15%), Cost- Oil (50%), Profit Oil et Excess Oil
(partage négociable), PID (1%) et Bonus.
A la lumière des règles de partage définis, force est de constater que les bénéficiaires des
différents contrats pétroliers sont les compagnies pétrolières. Dans le cas par exemple
des CPP, la part attribuable aux Etats se situant entre 31 et 35 % dans la plupart des
pays de l’Afrique sub-saharienne, alors qu’ils sont de l’ordre de 51% (Etat) contre 49%
(compagnie) en Algérie et en Libye.
L’exploitation des ressources pétrolières exige un grand savoir- faire et une excellente
maîtrise des technologies de pointe. Dans le même temps, l’effet de la rente est généré
par le pétrole pousse ainsi à la concentration tant de la production que des modes de
financement. Dans ce contexte, la participation active et efficace des acteurs étatiques
7
et transnationaux dans le jeu pétrolier explique l’imbrication des pouvoirs économiques
et politiques et surtout la consolidation des relations d’intérêts mutuels. Le pétrole
constitue une source de richesses hors du commun, dont l’appropriation très inégalitaire
est généralement défendue ou contestée par la violence ou les détournements.
Par le truchement de banques d’affaires comme FIBA, PARIBAS, CFD, ces sommes
d’argent vont alimenter les comptes des hommes politiques convertissant ainsi la rente
pétrolière en « réserve financière privée », fonds d’investissement sur le terrain politique :
financement des activités de parti, achat des consciences citoyennes lors des élections,
armement des gardes prétoriennes. Le problème de développement reste entier.
• L’absence de contre-pouvoirs
Le préfinancement peut être défini comme un prêt, obtenu sur les marchés internationaux de
capitaux, adossé à une vente de pétrole brut effectuée sur le marché pétrolier international. Ce
prêt est accordé soit par l’acheteur de brut, soit par une banque. Le recours au préfinancement
est, à l’origine, occasionné par les facteurs suivants : le décalage entre la période de
réalisation des dépenses budgétaires et celle de l’encaissement des recettes de l’État issues de
la vente de pétrole ; le niveau relativement élevé des besoins (dépenses) budgétaires après la
période des guerres ; l’absence de l’aide et des financements extérieurs et les conditions des
prêts accordés par les sociétés pétrolières. Les préfinancements pétroliers constituent la moitié
de la dette du pays, et sont exceptionnellement difficiles à renégocier dans le cadre d' un
accord de rééchelonnement de la dette. Le fossé entre les attentes immenses et les résultats
économiques lamentables des pays producteurs de pétrole est politiquement explosif.
8
Bayard, J.F, L’Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Hachette, 1989
9
Médart, Etats d’Afrique noire. Formation, mécanismes et crise. Paris, Karthala, 1991
- Kamto, M, Pouvoir et droits en Afrique. Essai sur les fondements du constitutionnalisme africain
Paris, LGDJ, 1991
- Bigo, A, Pouvoir et obéissance en Centrafrique. Paris, Karthala, 1988
8
• L’endettement des pays pétroliers
Pays Pourcentage
Nigeria 71
Gabon 55
Angola 20
Congo Brazzaville 42
République Démocratique du Congo 33
Cameroun 31
Source : Environmental Defense
L’endettement des pays pétroliers est généré par des pressions qui viennent tant du côté de
la demande que du côté de l’offre. Les gouvernements cherchent à emprunter pour couvrir les
écarts entre les revenus attendus et les revenus effectifs, mais les banquiers sont, de leur côté,
particulièrement favorables à ces prêts aux producteurs de pétrole parce que leurs crédits sont
garantis par le pétrole. Les pays sont enfoncés dans la misère, la corruption et le pillage
des ressources. La question qui demeure est de voir comment les richesses pétrolières
peuvent - elles contribuer au développement économique .
Les profits tirés de la rente pétrolière sont si importants que même les activités
économiques saines préexistantes sont souvent désorganisées par la dépendance
croissante envers les pétrodollars.
La déliquescence des secteurs agricole et industriel des pays pétroliers rend ceux-ci non
seulement encore plus dépendants du pétrole, ce qui exacerbe à son tour d’autres problèmes
de dépendance, mais elle peut aussi mener à une perte définitive de compétitivité. Or, le
secteur pétrolier ne peut pas compenser ce déficit : en effet, le pétrole est une enclave
économique, c’est-à-dire une activité qui requiert de gros capitaux mais fournit peu d’emplois
et n’a quasiment aucune retombée sur le reste de l’économie. Avec le temps, les revenus
pétroliers diminuent la dépendance envers les impôts non liés au pétrole. Ils finissent même
éventuellement par remplacer les systèmes fiscaux préexistants. Ceci libère les
gouvernements des Etats producteurs des exigences des citoyens pour la transparence fiscale
et la responsabilité politique qui viennent en contrepartie du droit des gouvernements de taxer
la population. En fait, les pétrodollars finissent par desserrer les liens entre les populations et
leur gouvernement, liens qui sont pourtant l’essence du contrôle citoyen.
10
Vershave, F.X, L’envers de la dette. Criminalité politique et économique au Congo et en Angola.
Paris, Agones , 2001.
9
Si la gestion des revenus pétroliers se fonde sur la transparence, la responsabilité et la justice,
les pétrodollars peuvent être la source d’importants bénéfices pour les citoyens des pays
producteurs de pétrole. Un processus de développement fondé sur le pétrole pousse ainsi
fortement à la concentration tant de la production que des modes de financement, et ceci dans
des pays où les pouvoirs économiques et politiques sont déjà souvent très concentrés. Comme
les gouvernements des pays pétroliers détournent les pétrodollars pour leurs propres amis,
leurs familles, leurs soutiens militaires ou politiques et pour les membres de leur clan ethnique
ou religieux, la misère de la population est grande. Sans une amélioration des institutions
démocratiques et de leurs capacités administratives, il est peu probable que les Etats pétroliers
africains puissent utiliser leurs pétrodollars à une réduction effective de la pauvreté; au
contraire, l’argent du pétrole va encore aggraver les conditions de vie des plus pauvres.
La transparence dans les paiements des revenus pétroliers n’est pas pour autant la panacée
pour résoudre les problèmes de mauvaise gestion de ces revenus. Les pétrodollars favorisent
des régimes autoritaires et la militarisation des Etats pétroliers africains. Pris
collectivement, les gouvernements consacrent plus d’argent tirés des revenus pétroliers
aux dépenses militaires, car ils interdissent toute forme d’organisation allant dans le
sens d’influer sur la gestion et la redistribution de la richesse pétrolière.
Les détournements de fonds au profit d' élites corrompues via des multinationales
renommées sont monnaie courante dans plusieurs pays africains. Les revenus pétroliers
alimentent les caisses noires dans des paradis fiscaux, détruisent la démocratie, nient la
souveraineté des Etats, privent les populations des besoins humains fondamentaux et de
ressources qui devraient leur revenir de droit.
Ce système de prédation implique services secrets et loges maçonniques infiltrées dans les
hautes sphères de l' Etat. Les conséquences visibles sont notamment: l' accroissement
rapide d' une dette qui provoque une hémorragie criminelle de capitaux. Des sommes
énormes ont servi dans des projets pharaoniques, à la demande des multinationales qui
souhaitaient extraire les richesses du sous- sol africain; l'
achat du matériel militaire dans
la répression de l' opposition et dans des politiques clientélistes, pour renforcer les
dictatures au pouvoir.
• Dépendance pétrolière
Dans les pays de l’OPEP, la volatilité des prix du pétrole a une forte influence sur les
finances gouvernementales. Elle ne permet en aucun cas la croissance, la bonne allocation
des ressources, et l’équilibre de la balance des paiements. Cette volatilité des prix du
pétrole rend les prévisions économiques et budgétaires extrêmement difficiles, empêche la
stabilité des taux de change et entrave la libéralisation du commerce. Des effets énormes font
sentir sur l’investissement, la redistribution des revenus, le niveau d’éducation et la réduction
de la pauvreté.
11
Carton, B., Pétrole en Afrique :violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA, 2000, p. 116
11
Parler de la gestion de la manne pétrolière en Afrique, c’est aussi voir les acteurs de la
scène pétrolière, les caractéristiques des Etats pétroliers et les spécificités locales.
La gestion de la rente pétrolière est marquée par le poids considérable des compagnies
pétrolières transnationales. Les parts importantes de partage de production reviennent aux
multinationales occidentales. Un échantillon de ces compagnies peut être présenté dans
le tableau ci- dessous.
12
Mihailovitch, L., Pluchard, Les compagnies pétrolières internationales, Paris, PUF, 1981, p.3
13
Jacquet, P, Nicolas, F., Pétrole : crise, marchés et politiques, Paris, IFRI, 1991,pp.25-27
12
Sao Tomé et Chrome Energie, PGS, Royal Dutch Shell Exxon Mobil
Principe
Cameroun Total, Perenco, Pecten
Tchad Chevron Texaco, Exxon, Petronas, Conoco
Source : auteur
Outre les compagnies pétrolières, les autres acteurs interviennent à travers des réseaux
pétroliers parfois mafieux (sous- traitants ou prestataires de service). C’est le cas des
"Messieurs Afrique" des compagnies publiques ( Amerada Hess, BP, Chevron, Energy
Africa, Exxon, Marathon, Ocean Energy, Roc Oil, Shell, TotalfinaElf, Vanco, Conoco
Philips…), les responsables Afrique des compagnies pétrolières (ENI, JNOC, NOC, Norsk
Hydro, Petronas, Petrobras, PetroSA), des traders d' influence (Addax, Aurora, Glencore,
Petrolin, Vitol), des banquiers du pétrole (AMB, AIG, BNP Paribas, Crédit Lyonnais,
Natexis, Eximbank, Deutsche Bank…), des cabinets d' avocats spécialisés (Baker Botts,
Cleary Gotlieb, Clifford Chance, Herbert) et des consultants et sociétés de sécurité ( KPMG,
PGS, SSF, Geos, Kroll Associates, Ernest & Young…).
Les interventions multiples des acteurs de la scène pétrolières ont des incidences
énormes dans le processus du développement. Le pouvoir de négociation des Etats
d'
accueil pauvres est faible. Seules, un petit nombre de sociétés pétrolières extrêmement
puissantes et importantes sont techniquement capables d’avoir accès aux gisements profonds.
Les bénéfices d'Exxon - évalués à 15 milliards de dollars en 2001 - sont dix fois plus élevés
que le PNB de 1,4 milliards de dollars du Tchad.
Le continent africain attire les sociétés pétrolières internationales pour plusieurs raisons. En
premier lieu, le pétrole y est typiquement de très bonne qualité. Deuxièmement, il est facile à
transporter aux marchés des Etats-Unis – et il est par-dessus le marché plus accessible que les
gisements du Moyen-Orient. Troisièmement, la production pétrolière africaine est moins
risquée pour les multinationales puisqu' elle a surtout lieu offshore, à l’abri des risques de
perturbation sociale et politique des gisements à terre. Les revenus pétroliers jouent en
conséquence un rôle de plus en plus important dans l' économie africaine. Force est de
constater que les pays producteurs africains sont à l' heure actuelle les plus en proie à des
difficultés économiques, les plus autoritaires et les plus susceptibles aux crises. Les revenus
pétroliers s'accompagnent d' un accroissement de la pauvreté, de la corruption et des situations
de conflit ainsi que d'un autoritarisme des pouvoirs publics qui manque de transparence, de
équité. (14)
responsabilité et d'
La dépendance envers le pétrole encourage la corruption sous différentes formes: les sociétés
effectuent des paiements ou accordent des prêts aux fonctionnaires de l' Etat pour obtenir des
contrats et d' autres avantages. Les élites peuvent détourner les profits pour leur propre
consommation, pour financer leurs intérêts d' affaires, ou pour acheter des armes pour
maintenir leur contrôle des ressources naturelles. Dans certains cas, les ressources pétrolières
ont permis de financer les régimes autoritaires (Nigeria, Tchad), d’approfondir des tensions
ou conflits armés (Soudan, Congo Brazzaville, Nigeria). Comme la croissance économique
n'augmente pas à la mesure des espérances, les pouvoirs publics des Etats pétroliers ont
recours à la répression pour maintenir leur pouvoir.
14
Bottom of the Barrel, Global Witness, mars 2004, p.18
13
- Spécificités et expériences nationales
Le Tchad
La prospection pétrolière au Tchad débute dans les années 1960. C’est vingt ans plus tard,
que les activités d’exploitation recommencent en 1993, avant d’être suspendu en 1999. Les
activités reprennent en août 2001 au lendemain de l’approbation du projet par la Banque
Mondiale en juin 2000. Les réserves du bassin de Doba estimées à environ un milliard de
barils, seront exploitées à travers 300 puits à concurrence de 225 000 barils par jour, durant
une période de 25 à 30 ans. Les revenus globaux de l’exploitation sont estimés à 12 milliards
de dollars. De ce montant, le Tchad recevra entre 2,5 et 5 milliards en revenus directs des
droits sur la vente du pétrole, des taxes et des dividendes selon l’évolution des cours. Les
dépenses du consortium et les emplois devraient rapporter quelque 3,5 milliards de dollars au
plan local. Pour le Tchad, pays enclavé et ruiné par la guerre civile, les revenus pétroliers
sont une opportunité d’améliorer les conditions de vie des populations, en particulier celles
des zones rurales. Mais, se basant sur des exemples d’autres pays africains exportateurs de
pétrole et sur la nature du système politique tchadien, nombreux sont les observateurs qui
estiment que le pétrole permettra au Tchad de sortir du sous- développement. (15)
Dans le but d’emmener les autorités tchadiennes à prendre l’engagement de consacrer une
part considérable des revenus pétroliers au développement économique et social, le plan de
gestion de la manne pétrolière adopté le 28 octobre 1998 et voté par l’Assemblée nationale
tchadienne en décembre 1998 prévoyait l’affectation des ressources et les mécanismes de
gestion des revenus pétroliers comme suit : 80 % seront destinés au développement rural
(agriculture, élevage, eau, santé, éducation…), 10% seront réservées aux générations futures
et 10% pourront couvrir diverses dépenses. Un Collège de Contrôle et de Surveillance des
Ressources pétrolières (CCSRP) autorise les décaissements et contrôle l’affectation des
fonds. Ces dispositions idoines et sans précédent, semblent avoir été prises pour éviter que les
revenus pétroliers ne viennent creuser davantage le fossé entre les gouvernants nantis et les
gouvernés dénués du minimum vital. Mais le Tchad est-il à l’abri du couple infernal
Ressources-Violence, qui émaille la vie de la plupart des Etats d’Afrique subsaharienne
exportateurs de pétrole ? Reste à savoir si le Tchad innovera dans la gouvernance des
ressources pétrolières. Certainement pas, la mauvaise gouvernance dans les Etats africains
n’est plus à démontrer. L’autoritarisme récidiviste du régime tchadien, les discriminations et
exactions répétées, la personnalisation du pouvoir sont autant des problèmes qui se
posent dans la redistribution des revenus pétroliers.
15
Loalngar, M., “ Le pétrole tchadien, le tournant decisive “ in le Temps n°227 du 31 novembre 2000
- Guetta, « de l’or noir à la guerre, les prémices d’une fin de règne », Temps n°227 du 31 novembre 2000
14
Le Nigeria
Le Nigeria occupe une place enviable par rapport aux autres pays producteurs du pétrole
africain : 1er producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne, 5e producteur de l’OPEP après
l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Iran et les Emirats Arabes Unis. Les pétrodollars
constituent 83 % des revenus du gouvernement fédéral, plus de 95 % des revenus
d’exportation et environ 40 % du PIB. Ce pays possède approximativement 30 milliards de
barils environ de réserves prouvées à en croire les sources officielles nigérianes. Il dispose
d’un grand marché intérieur de 125 millions d’habitants. La dépendance pétrolière est
écrasante au Nigeria. Les richesses pétrolières ont peu fait pour améliorer la situation des plus
pauvres. Plus de 70 % des Nigérians vivent avec moins d’un dollar par jour.
16
Human Righs Watch, No Democratic Dividend, octobre 2002.
15
et les revenus de la vente du gaz. Le taux de la PPT est de 85 %, celui des royalties est de 20
% pour la production terrestre et varie entre zéro et 18,5 % pour la production offshore. La
règle de redistribution est : 48,5 % pour le Fédéral, 24 % pour les Etats et 20 % pour les
gouvernements locaux. Les 7,5 % restants sont alloués à un fonds spécial. Le gouvernement
fédéral a donné son accord pour que les revenus supplémentaires générés lorsque le prix du
baril est supérieur à 20 dollars soient versés sur un compte spécial pour le développement,
mais cette promesse, juridiquement non contraignante, n’a jamais été tenue.
L’Angola
L’Angola est aujourd’hui considéré comme un site à forte compétition entre les compagnies
internationales qui procèdent dans certains cas à des ententes stratégiques pour réduire la
compétition. En effet, l’importance stratégique de l’Angola, en tant que « point chaud » de
l’industrie pétrolière et deuxième producteur de pétrole du continent, est indéniable. Avec des
réserves de plus de sept (7) milliards de barils, supposées être plus importantes que celles du
Koweït note Jessica Lawrence (17).
La dépendance pétrolière de l’Angola est profonde : de 1995 à 2001, les revenus fiscaux
pétroliers ont représenté 70 à 90 % des revenus de l’Etat et plus de 60 % du PIB. Plus de 97 %
du pétrole angolais se trouve offshore, ce qui limite les interactions entre les compagnies et
les populations locales. Plus de 40 % de son pétrole sont exportés vers le marché américain.
La production devrait atteindre 2 millions de b/j d’ici 2008 (18). Comme au Nigeria, la
dépendance pétrolière de l’Angola est profonde. En 1960, le pétrole représentait 8% du PIB
et l’agriculture 50%. En 1995,la part de l’agriculture était de 17% et celle du pétrole, de
40%. Aujourd’hui, les revenus fiscaux pétroliers ont représenté 70 à 90 % des revenus de
l’Etat et plus de 60 % du PIB. Aujourd’hui, les revenus fiscaux pétroliers représentent 80 %
des revenus de l’Etat et plus de 60 % du PIB. (19)
La rente pétrolière constitue une manne en circuit fermé qui ne bénéficient pas au reste
de l’économie. Le pays dépend presque uniquement de ses revenus pétroliers aujourd’hui
en expansion. La guerre et la dette ont transformé l’Angola en un pays ruiné. 68 % des
Angolais vivent en dessous du seuil de pauvreté et 66 % n’ont pas d’accès à l’eau potable. La
fin de la guerre présente une occasion sans précédent de rediriger les revenus pétroliers pour
les allouer à l’aide humanitaire et au développement.
17
Jessica Lawrence, Département d’Etat américain, «Washington File », « Commerce Assistant Secretary for
Energy Briefs Press From Angola », 4 décembre 2002.
18
Martin Quinlan, « A Million Barrels a Day in Sight », Petroleum Economist, février 2003.
19
Carton, B., Le pétrole en Afrique: la violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA, 2000, p.178
20
Département d’Etat américain, Angola Country Report on Human Rights Practices 2002, 31 mars 2003.
16
ne sont simplement pas rapportés dans les comptes du gouvernement. Aussi, le prix de pétrole
est sous-estimé dans le budget de l’Etat et tout revenu dépassant cette estimation n’est jamais
déclaré. Les déclarations des dépenses gouvernementales ne sont pas exactes. Les paiements
de Sonangol au gouvernement ne sont transférés qu’après un long délai, après avoir été
convertis en monnaie locale. En raison du taux d’inflation élevé de l’Angola, les revenus
gouvernementaux sont considérablement dévalués au moment du transfert. Enfin, par
l’utilisation de circuits financiers complexes qui entourent les emprunts gagés sur le pétrole.
(21)
En 2001, le régime de Luanda affirmait que les revenus pétroliers apportaient 3,18
milliards de dollars au budget annuel de l’Etat, soit 90,5 % du total des revenus
gouvernementaux, (22), alors que les estimations parues dans la presse sur les sommes réelles
versées au gouvernement varient entre 3 et 5 milliards de dollars par an, et au moins 4
milliards de pétrodollars auraient été détournés au cours des cinq dernières années. (23)
L’opacité des revenus pétroliers de l’Angola, dans la lutte contre la pauvreté pose le débat
sur la gestion des pétrodollars à travers la fiscalité pétrolière. Le problème de
remboursement des prêts gagés sur le pétrole.
Le Congo Brazzaville
Les guerres civiles successives entre 1993 et 1999 et la dépendance envers le pétrole ont
exacerbé le désordre fiscal. Le Congo Brazzaville n’a jamais réellement défini de stratégie
fiscale cohérente pour faire face aux fluctuations du prix du pétrole et au caractère par nature
21
Economist Intelligence Unit 2002
22
Human Rights Watch, « The Oil Diagnostic in Angola: An Update », mars 2001.
23
David Leigh, « Angolan oil millions paid into Jersey accounts », The Guardian (Londres), 4 novembre 2002. -
- Henri Cauvin, « IMF Skewers Corruption in Angola », New York Times, 30 novembre 2002.
24
Le taux des royalties est de 12 %. Elles s’appliquent sur le volume brut de production et sont perçues dès le
démarrage de la production. Le « profit oil » se détermine en déduisant de la production brute les coûts de
production (le « cost oil ») et les royalties.
17
limité de ses ressources pétrolières. Si l’absence d’un fonds d’épargne peut s’expliquer par les
besoins nécessaires à la reconstruction de l’après-guerre du pays, l’absence d’un fonds de
stabilisation, destiné à faire face à l’évolution des revenus pétroliers en fonction des
fluctuations du prix du pétrole, est réellement préoccupante. La confusion et le
chevauchement des responsabilités des mandats administratifs ajoutent un peu plus au chaos
qui caractérise la gestion pétrolière du Congo. Pendant des années, personne ne savait
réellement quelle administration était chargée de la définition et de la mise en œuvre de la
politique pétrolière gouvernementale, de la gestion des activités des compagnies pétrolières
étrangères, ou encore de la négociation des contrats entre l’Etat et les compagnies.
Dans un rapport publié en 2003, Global Witness accuse Elf d’avoir institutionnalisé
l’opacité, favorisant des gouvernements qui ne répondent pas de leur gestion, un
endettement massif et une instabilité chronique. L’ONG explique comment le Congo avec
3 millions d’habitants est devenu le pays le plus endetté du monde, per capita avec 6,4
milliards de dollars à rembourser aux créanciers étrangers. (25) La pratique des prêts gagés
permet ainsi de comprendre le processus de dilapidation de la rente pétrolière. Le pays
a été obligé d’utiliser ses réserves pétrolières comme garantie pour contracter des emprunts
auprès de banques commerciales étrangères. Les emprunts gagés sur le pétrole assortis de
taux d’intérêt très élevés sont exceptionnellement difficiles à renégocier dans le cadre d’un
éventuel accord de rééchelonnement de la dette. Le gouvernement congolais s’est engagé en
2001 auprès de la Banque mondiale et du FMI à ne plus contracter de tels emprunts, sans tenir
parole. L’impératif de transparence et de responsabilité dans la gestion du secteur pétrolier est
une question clef du dialogue du gouvernement avec la Banque mondiale et le FMI.
Plus de 70 % de la population congolaise vivent avec moins d’un dollar par jour. En dépit
des revenus exceptionnels du pays, la mortalité infantile est anormalement élevée et
l’espérance de vie se situe seulement autour de la moyenne des pays d’Afrique sub-
saharienne. Alors que les dépenses militaires augmentent, les infrastructures sanitaires et
scolaires se délabrent pour cause de déficits budgétaires. La déclaration des Evêques
Catholiques du Congo-Brazzaville, traduit bien cette réalité : « Le peuple congolais est mal
informé sur le montant des recettes de notre pays grâce à cet or noir et ignore leur mode
d’utilisation. Ce qu' il sait fort bien, c'
est que le prix du pétrole ne se mesure pas en barils ou
en dollars mais par la misère, les guerres successives, le sang, le déplacement des personnes,
l'exil, le chômage, le paiement tardif des salaires, le non-paiement des pensions. »
La Guinée – Equatoriale
25
S.Smith “ Congo, Angola, Guinée-Equatoriale: trois kleptocraties pétrolières africaines” in
Monde, 24 /03/04
18
La Guinée- Equatoriale détient aujourd’hui le record mondial en matière d’octroi de permis
de recherche pétrolière off shore en cours. Les recettes du pays sont rapidement passées de
3 millions de dollars en 1993 à environ 212 millions de dollars en 2000. (26). Le PIB par
habitant est passé de 800 dollars dans les années 1990 à plus de 2000 dollars aujourd’hui. La
production pétrolière a atteint 265.000barils/j en 2002. Le pays pourraient trouver
l’occasion de créer une dynamique pour redistribuer sa nouvelle richesse plus équitablement.
Les revenus pétroliers sont rapidement passés de sommes modestes pendant les années 1990 à
des montants immenses aujourd’hui ; les recettes de l’Etat ont ainsi bondi de 3 millions de
dollars en 1993 à environ 212 millions de dollars en 2000, et environ 725 millions de dollars
en 2003. (27) Ces immenses revenus pétroliers devraient permettre à cette ancienne colonie
espagnole de s’engager fermement sur le chemin de la lutte contre la pauvreté. Depuis 2001,
le gouvernement Equato- guinéen a annoncé son intention de créer une compagnie pétrolière
nationale, aujourd’hui appelée Gepetrole ( parfois dit Petroguesa ou PetroGuinea), afin de
permettre au pays de prendre des participations plus importantes dans le secteur pétrolier
amont et de faciliter le transfert de technologies. Soudainement courtisée par la France et par
les Etats-Unis, ce pays est passé de l’archétype del’obscur « trou perdu des tropiques » à
celui de nouveau point de mire de l’industrie pétrolière mondiale. Au cours des prochaines
années, la Guinée Equatoriale va probablement dépasser le Congo-Brazzaville pour devenir le
troisième producteur africain de pétrole avec une production de l’ordre de 300.000 à 400.000
b/j – un niveau de production qui devrait se maintenir pendant une quinzaine d’années. Ce
début de boom pétrolier est emmené par ExxonMobil, actuellement l’opérateur le plus
important du pays, mais le gouvernement a récemment attribué d’importantes licences à
Total, ChevronTexaco et à d’autres compagnies.
La Guinée Equatoriale est un cas idéal où les acteurs internationaux pourraient trouver
l’occasion de créer une
dynamique pour que ce nouveau producteur de pétrole redistribue sa nouvelle richesse plus
équitablement. A moins d’importants et de rapides changements, le cocktail actuel de
dépendance pétrolière, de négligence de l’agriculture, de banalisation de la corruption, de
déliquescence des institutions et d’autoritarisme du régime constitue une excellente recette
pour un avenir misérable. La dépendance pétrolière s’est généralisée dans l’économie de la
Guinée- Equatoriale. Aujourd’hui, le pétrole représente 61 % des revenus gouvernementaux
et 86 % du PIB. (28) Ces indicateurs économiques ne se traduisent par aucune amélioration
notable du niveau de vie de la plupart des citoyens du pays. Un rapport de la Banque
mondiale sur le pays note que « bien que les découvertes de pétrole et l’augmentation rapide
des exportations pétrolières aient permis une amélioration substantielle des indices
économiques, l’impact sur les médiocres indicateurs sociaux du pays est nul. » (29)
26
Banque mondiale (2002), « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum
Technical Assistance Project », 1er juillet 2002, rapport n° 24430, Département de l’Evaluation des Opérations.
27
Banque mondiale (2002), « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum
Technical Assistance Project », 1er juillet 2002, rapport n° 24430, Département de l’Evaluation des Opérations.
28
Banque mondiale, « Project Performance Assessment Report: Equatorial Guinea – Second Petroleum
Technical Assistance Project » rapport n° 24430, 1er juillet 2002.
29
http://www.worldbank.org/afr/gq2.htm
19
Jusqu’à récemment, les revenus pétroliers étaient largement sous-estimés et sous-budgétés. La
politique budgétaire était marquée par de profonds déficits, alors que d’importantes dépenses
extrabudgétaires étaient financées par des avances accordées par les compagnies pétrolières
en échange des revenus pétroliers futurs. Les finances publiques sont si chaotiques que le FMI
a été appelé à la rescousse. Celui-ci a commencé par insister pour que les revenus pétroliers
soient intégralement rapportés dans le budget. Il s’agit des mesures visant à la mise en
place d’un budget prévisionnel des futures recettes pétrolières et de la communication des
informations au Parlement , bien que cette institution soit largement sous le contrôle du
président. La Guinée- Equatoriale du président Théodoro Obiang Nguema est la
caricature d’une kleptocratie familiale. Il apparaît que le Président Obiang contrôle
étroitement les activités dans le secteur pétrolier et supervise personnellement toutes les
transactions financières s’y rapportant. Les contrats en vigueur dans le secteur pétrolier sont
des CPP. Le contrôle fiscal des versements des compagnies pétrolières à l’Etat n’existe même
pas. Le Département d’Etat américain estime, dans son rapport sur les droits de l’homme de
2003, que la gestion des « revenus pétroliers manque de transparence et que peu d’indices
laissent à penser que la richesse pétrolière du pays est bien consacrée au bien public. » (30) En
attendant la mise en place effective d’un fonds pétrolier destiné à recueillir les surplus fiscaux
avec pour vocation d’être un mécanisme supplémentaire pour parvenir à une meilleure gestion
des revenus pétroliers, le gouvernement Equato- guinéen conserve les surplus de recettes
pétrolières sur un compte du Trésor à l’étranger ou ajoutés aux réserves de la Banque des
Etats de l’Afrique centrale (BEAC). Mais les règles qui doivent encadrer la gestion et
l’utilisation de ce fonds pétrolier, en supposant qu’il soit jamais effectivement mis sur pied, ne
sont pas encore définies.
Le Gabon
La rente pétrolière représente 73% du PIB et 70% des recettes budgétaires et 80% des
exportations du pays . En effet, le Gabon, autrefois considéré comme le modèle régional de «
l’émirat pétrolier » couronné de succès, s’apprête aujourd’hui à devenir le premier exemple
d’un pays amené à devoir affronter la dure réalité des lendemains sans pétrole. La production
pétrolière est en train de connaître un franc déclin. En 2003, pour la première fois en 30 ans,
les montants budgétés des revenus pétroliers étaient inférieurs à ceux d’origine non pétrolière
(31). Le FMI prévoit que la production pétrolière va à nouveau diminuer de moitié d’ici 2006
(32). En conséquence, le Gabon, bien que conservant un intérêt considérable pour les petites
compagnies pétrolières indépendantes, fait partie certes de l’eldorado pétrolier que se
disputent frénétiquement les grandes compagnies internationales, mais sans véritables
enjeux. Le Gabon a été l’épicentre d’une série de scandales liés à Elf Aquitaine pendant les
années 1990, comprenant des allégations d’accords pétroliers secrets et de l’utilisation de ses
banques pour le blanchiment d’argent et le financement occulte de politiciens et de partis
politiques français. C’est pourquoi des efforts ont été entrepris pour améliorer le contrôle
fiscal, mais ils sont généralement restés sans lendemain. Les lois visant à rendre plus
rigoureuse la gestion des pétrodollars ne sont pas observées. En 1998 par exemple, un Fonds
pour les Générations Futures fut créé pour recevoir 10 % des revenus pétroliers budgétés,
ainsi que 50 % des revenus non anticipés ; mais aucun dépôt n’a jamais été fait.
30
Département d’Etat américain, Country Report on Human Rights Practices for Equatorial Guinea, 2002, 31
mars 2003.
31
« Gabon: Drop in Oil Revenue », Africa Energy Intelligence, n° 334, 20 novembre 2002.
32
« Gabon: An Opening for Juniors », Africa Energy Intelligence, n°333, 6 novembre 2002.
20
Les revenus pétroliers irriguent abondamment les « réseaux clientélistes » du Président Omar
Bongo. Jusqu’à récemment, l’Etat disposait de 25 % des parts dans tous les consortiums de
production de pétrole, montant qui pouvait monter jusqu’à 60 % grâce à l’achat de parts
supplémentaires. Mais en raison du déclin d’intérêt des investisseurs pétroliers pour le pays
dont les réserves s’épuisent, les conditions se font plus attractives depuis la fin des années
1990 : les royalties sont fixées entre 5 et 15 % (contre 20 % auparavant), et la participation
minimale de l’Etat a également été revue à la baisse. L’exploration et l’exploitation
pétrolières au Gabon sont soumises au Code Minier de 1982 qui favorise les contrats de
partage de production (CPP) sous lesquels les compagnies contractantes prennent en charge
l’ensemble des coûts d’investissement préalables. Alors que les réserves de pétrole s’épuisent,
les conditions de ces contrats deviennent de moins en moins favorables au gouvernement.
Tout en étant l’un des pays d’Afrique les plus riches, avec un PIB par habitant (très
inégalement distribué) de 3.180 dollars en 2000, le pays est extrêmement dépendant du
pétrole. Inondé de pétrodollars et ayant de surcroît une population réduite d’à peine plus d’un
million d’habitants, le gouvernement s’est lancé dans une classique augmentation des effectifs
de la bureaucratie d’Etat, des dépenses somptuaires autant qu’inutiles et des projets
d’infrastructure démesurément ambitieux.
Le Gabon, à l’instar du géant nigérian, n’a pas réussi à réduire la pauvreté ni à construire un
modèle durable de développement. En 2003, pour la première fois en 30 ans, les montants
budgétés des revenus pétroliers étaient inférieurs à ceux d’origine non pétrolière. Les revenus
pétroliers parviennent au gouvernement par l’intermédiaire d’un régime fiscal simple et
attractif pour les investisseurs étrangers. Les revenus pétroliers gouvernementaux proviennent
des royalties, de l’impôt sur les bénéfices des compagnies pétrolières et de leurs filiales, des
taxes sur l’exploration, des dividendes versés aux actionnaires par les compagnies et du
produit de la vente du pétrole appartenant à l’Etat. La transparence dans la gestion de la
manne pétrolière pose d’énormes défis. Les revenus pétroliers ont permis au régime en
place d’établir des fortunes immenses. L’affaire Elf a démontré comment la politique de
clientélisme altère toute possibilité de développement économique et engendre les
endettements, la dépendance et les détournements au Gabon.
Le Cameroun
Dans l’optique néo-mercantiliste qui est souvent celle des observateurs inattentifs,
l’abondance de ressources naturelles ne peut pas nuire au développement. L’histoire
économique du Japon ou de la Corée du Sud au XXème siècle devrait pourtant nous amener à
plus de prudence. A l’inverse, les pays richement pourvus ont souvent eu des destins
économiques tragiques. Les mécanismes économiques qui sont à l’œuvre dans le processus
de développement font du pétrole tantôt une chance et tantôt une malédiction.
Pour la politique macroéconomique comme pour la gestion des finances publiques, le pétrole
est ainsi une source de perturbations et d’excès, comme en témoignent l’alternance rapide de
phases d’euphorie et de phases récessives et le fait que les « Etats pétroliers » sont parmi ceux
qui ont connu le plus grand nombre de crises d’hyperinflation et de surendettement. Les
revenus pétroliers génèrent un « faux sentiment de sécurité » qui pousse les autorités à
considérer le protectionnisme comme un luxe que le pays peut se permettre et à ne pas
investir dans le capital humain. La compétition pour le contrôle de la rente tend à stimuler
l’instabilité politique et peut entraîner des guerres civiles et des sécessions, ce qui semble
s’appliquer, au moins en partie, à certains conflits africains. Il faut aussi mentionner le
problème de la capture et de la transformation de l’Etat par les intérêts pétroliers. Dans
plusieurs pays africains, le pétrole représente souvent 80 % des exportations et des rentrées
fiscales des pays.
22
La question de la fuite des revenus pétroliers met en lumière le processus de malédiction
pétrolière. La transnationalisation des réseaux et lobbies politico- affairistes explique la
légitimation de projets hégémoniques et prédateurs.
De nombreuses illustrations montrent que dans certains cas, le pétrole a permis la mise en
valeur et le développement des Etats comme l’Alaska, le Texas, la Norvège et le
Royaume-Uni. Ce n’est pas le pétrole qui appauvri les pays africains, ce sont ces pays qui
ne savent pas faire du pétrole une chance, faute de structures économiques et politiques
adaptées c' est-à-dire ouvertes au contrôle. Si l’on découvrait du pétrole en Suisse ou en
Irlande, cela ne se transformerait probablement pas en drame économique pour ces pays.
Pour écarter les dérives bien documentées que le pétrole favorise, on pourrait imaginer des
dispositifs de « rappel de la préférence latente ». La possession des ressources pétrolières est
en principe une bénédiction pour les pays aussi bien industrialisés que pauvres. Des pays tels
que la Norvège et les Etats pétroliers du Golfe Persique, sont passés d’une économie primaire
à un genre de vie parfois disproportionné. Mais bien souvent, dans le cas africain, les
ressources naturelles en général ont été sources de conflit, facteurs d’instabilité aussi bien à
l’échelle globale qu’à l’échelon sous-régional. Ainsi en est-il de l’Afrique dont nombre de
conflits internes aux Etats sont dus et financés par les ressources du sous-sol, où bien de
conflits entre les Etats sont sous-tendus par le souci de contrôler les espaces utiles (terres
fertiles, aquifères transfrontaliers riches en poisson et pétrole, eau dans un environnement
aride, réserves de métaux précieux…).
Le pétrole représente un grand enjeu du fait de son importance non seulement pour le
fonctionnement des industries, mais aussi pour les transports, les services et la vie
quotidienne. Avec cette matière première géostratégique, on achète et on vend de la
sécurité économique et militaire, de la croissance industrielle et des possibilités de
développement. Nombre de pays africains en possèdent et en exportent vers l’Europe et le
continent américain, engrangeant des revenus considérables, disposant des moyens
nécessaires pour améliorer les conditions de vie des populations. Mais une observation des
incidences du pétrole sur les Etats africains producteurs, montre que cette ressource est plutôt
un facteur majeur d’instabilité en Afrique subsaharienne. Dans des pays tels que le Nigeria, le
Soudan, l’Angola ou le Congo, les revenus pétroliers ont servi à équiper les armées et les
services de sécurité. Des compétitions violentes se sont instaurées entre des adversaires
politiques désireux d’avoir la mainmise sur la rente pétrolière. Les exclus de cette rente se
sont parfois insurgés contre le pouvoir en place, se sont attaqués au personnel des compagnies
pétrolières ou aux installations de pompage et d’exportation du pétrole. Les contributions des
revenus pétroliers dans le processus de développement du continent africain sont peu
visibles. Le climat d’opacité n’augure pas de grand espoir. Le développement du pétrole crée
fréquemment un boom initial: augmentation du revenu par habitant, accroissement de
l'
emploi, amélioration de l' alimentation et de la santé, infrastructure plus étendue et de
meilleure qualité. Mais le boom a tendance à être de courte durée à mesure que la recherche
de liaisons étatiques et la mauvaise gestion des ressources, sans compter parfois aussi
l'
instabilité des prix du pétrole, sapent les résultats positifs.
La question que l’on peut se poser est de savoir : comment rendre moins opaque les
rouages de l’or noir dans les pays africains ? Dans la foulée d’un premier rapport de
Global Witness sur l’Angola en 1999, une coalition britannique en faveur de la publication
des paiements dénommée Publish What You Pay (PWYP) s’était constituée en juin 2002
autour des ONG comme CAFOD, Oxfam, Save the Children, Open Society Institute et
Transparency International (UK). La coalition compte plus de 200 membres à travers le
monde.
La campagne Publish What You Pay propose une panoplie de mesures pour faire face au
problème de la gestion transparente de la manne pétrolière. Son objectif est de rendre
transparent le financement des gouvernements par les revenus pétroliers. PWYD incite
les compagnies pétrolières à publier de manière transparente tous les paiements (impôts,
taxes, paiement de primes à la signature du contrat, redevances) qu’elles effectuent aux
Etats producteurs du pétrole, prie l'Union Européenne de donner suite à l' engagement initial
de la Directive sur les Obligations de Transparence (DOT), et fait appel à la Securities and
Exchange Commission des Etats-Unis d' exiger la publication de paiements aux Etats.
Pressé par les ONG, le Premier Ministre du Royaume Uni, Tony Blair a lancé en
septembre 2002 à la suite du Sommet Mondial sur le Développement Durable à
Johannesburg, l' Initiative sur la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Cette
initiative cherche à pousser la communauté internationale vers la transparence pétrolière.
L'ITIE soutient concrètement l' effort international en faveur de la transparence. L’ITIE a
développé un modèle de publication pour s’assurer que les versements des compagnies
extractives sont bien encaissées.
3- Perspectives d’avenir
Le secteur producteur de rente connaît une forte expansion, alors que le reste de l’économie,
plus particulièrement les activités anciennement exportatrices entrent dans une phase de
récession. C’est le paradoxe de la «croissance appauvrissante». L’accroissement des
exportations des hydrocarbures dans un pays donne lieu à une forte augmentation de ses
revenus en devises. L’utilisation de ces ressources financières stimule la demande de biens
dits non «échangeables» ou non exportables qui relèvent d’activités telles que le bâtiment, le
commerce, les prestations de services, etc. Il s’ensuit une augmentation des prix intérieurs
alors que les prix sur les marchés internationaux restent inchangés.
24
L’utilisation incontrôlée de la rente énergétique produit un certain nombre d’effets pervers.
L’importance prise par la fiscalité dans le budget de l’Etat relègue la question de la mise en
place d’une politique fiscale adaptée aux besoins d’une économie en transition vers le marché
et freine le développement des marchés financiers. L’adoption de la loi sur les hydrocarbures
est l’occasion d’amorcer une réflexion sur les alternatives de rupture avec un modèle de
croissance rentier. Le devenir des ressources pétrolières de l’Afrique fait aujourd’hui
l’objet de sérieuses réflexions. Il sied important de voir comment le pétrole, au lieu
d’être l’enjeu des convoitises entre les multinationales occidentales ou encore l’origine
des conflits armés, pourrait contribuer au développement économique des pays
producteurs. Le pétrole en Afrique est à la fois chance et malédiction. Il peut apporter
aux populations le bien-être, comme au Botswana, en Algérie et en Libye. Les recettes
générées par le pétrole ont contribué à la construction et à la modernisation de ces pays,
Pour le moment, la rente pétrolière produit et véhicule la malédiction avec les nombreux
conflits armés et tensions qui font l’actualité de cette partie de l’Afrique. L’histoire du pétrole
y est centrée sur le politique et l’argent.
La gestion calamiteuse des ressources pétrolières par les oligarchies politico- tribales fait
l’objet de plusieurs polémiques. On comprend donc pourquoi, au- delà du sort de la
réussite de certains pays, ont été produites de nombreuses thèses sur le pillage des
ressources, la désarticulation et le blocage des économies, la dépendance et la domination.
Bref, on a là autant de faits dont la combinaison est, à l’instar de la colonisation, une cause
du sous- développement. L’histoire du pétrole étant particulièrement liée à la domination
politique et économique des grandes puissances, l’avenir des pays pétroliers d’Afrique
centrale se pose avec acuité. Le clientélisme altère non seulement toute possibilité de
développement économique, mais engendre une dépendance totale envers les sociétés
pétrolières et l’endettement des pays producteurs de pétrole. Les mécanismes de
versement de la rente pétrolière sont opaques; les différentes compagnies s’immiscent
dans les affaires intérieures des pays producteurs. Les prix du pétrole se négocient sur
la base de la loi de l’offre et de la demande. Si les pays de l’OPEP disposent de
l’arme de la baisse de la production pour tenter de réguler le marché pétrolier, les pays
africains restent dépendants de leur bon vouloir. Les contrats mal négociés et signés par les
élites gouvernantes sont à l’avantage des compagnies pétrolières, renforcent la dépendance
économique, dévoilent la corruptibilité des gouvernants recevant des milieux d’affaires du
pétrole d’importantes sommes d’argent.
En Algérie, la rente pétrolière représente 60% du budget de l’État et 95% des recettes en
devises. Dans le partage, 49% des parts sont affectées aux compagnies étrangères ayant
procédé à l’exploration et 51% à l’État représenté par la SONATRACH (société publique
d’hydrocarbures.). Quant à la Libye, la gestion centralisée des ressources pétrolières a
permis de faire face à l’embargo frappant le pays depuis l’attentat de Lockerbie en 1988,
et d’améliorer le cadre de vie des citoyens en investissant dans l’éducation, la santé et
les infrastructures. En Afrique centrale, le pétrole, pomme de discorde par excellence, fait
partie des joyaux du « domaine présidentiel. Le financement occulte pratiqué par les sociétés
pétrolières renvoie à l’histoire des caisses noires dont l’actualité a été lisible à travers l’affaire
Elf.
26
•Soutenir la campagne internationale « Publiez ce que Vous Payez » en rendant public, de
façon détaillée et régulière, le détail précis des impôts, redevances et autres paiements versés
aux Etats africains, à n’importe quel niveau, ou aux communautés locales ;
•Travailler de concert pour soutenir les processus qui permettront de déboucher sur une
uniformisation des procédures suivies pour la publication des revenus afin de rendre les règles
du jeu égales pour tous ;
•Observer les standards universellement acceptés des droits de l’homme tels qu’ils sont
définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La question des droits de
l’homme est particulièrement importante en matière de sécurité des installations pétrolières,
de traitement des travailleurs et des populations locales, et de protection de l’environnement ;
•Soutenir les efforts internationaux en faveur d’une transparence accrue des paiements versés
par les
compagnies pétrolières aux pays en voie de développement
•Démontrer que leurs activités dans le secteur pétrolier débouchent directement sur une
réduction de la pauvreté et utiliser tous leurs moyens de pression pour encourager la
transparence, une gestion et une redistribution équitables et responsables des revenus
pétroliers, et le respect des droits de l’homme ;
•Dépasser l’approche technocratique étroite et prendre en considération, dans leurs
programmes, leurs procédures et leurs évaluations, l’environnement démocratique et la
situation des droits de l’homme dans les pays emprunteurs ;
•Développer une vision cohérente de la responsabilité d’entreprise et l’appliquer avec
consistance, afin que les compagnies qui participent aux projets des IFI satisfassent à des
normes minimales ;
•Restreindre les futurs prêts pour des projets pétroliers en Afrique aux seuls gouvernements
qui prennent des engagements fermes en faveur d’une gestion transparente des revenus
pétroliers ayant pour cible la réduction de la pauvreté ;
•Ne s’engager dans des projets pétroliers qu’avec les compagnies qui affichent une totale
transparence dans
leurs versements des revenus pétroliers aux gouvernements africains ;
•Rendre publics tous les audits soutenus par la Banque Mondiale et le FMI ainsi que les autres
données sur les evenus pétroliers à leur disposition. Ces institutions devraient améliorer leur
propre politique de communication concernant les négociations et les projets avec les
producteurs de pétrole africains. Les résultats des consultations au titre de l’Article IV du FMI
devraient être rendus publics avec ou sans le consentement du pays membre ;
•Exiger la transparence dans les revenus pétroliers et le budget national ainsi que des audits
fréquents de la compagnie pétrolière nationale comme conditions pour l’obtention par ces
pays des accords d’allégement de la
•Promouvoir la transparence, la responsabilité et la démocratisation comme des conditions
essentielles pour une gestion juste et équitable des revenus pétroliers.
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages
Achnard, G., 2002, Le choc des barbaries. Terrorisme et désordre mondial. Complexe,
Carton, B. 2000, Pétrole en Afrique :violence faite aux peuples, Bruxelles, GRESA,
Douglas, A.Y., 1998, « Central Africa : Oil and franco-american rivalry » Afrique Politique,
Karthala, Paris
Jacquet, P., et Nicolas, F., 1991: Pétrole: crise, marchés et politiques, IFRI
28
Smith, S. et Glaser, A., 1993, L'
Afrique sans Africains, Stock , Paris
Articles et périodiques
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Département d’Etat américain, 2003, Country Report on Human Rights Practices for
Equatorial Guinea, 2002,
Favennec, J.P, Copinschi, P., 2003 « Les nouveaux enjeux pétroliers en Afrique »,
Politique africaine n°89,
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