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U.N.E.S.C.O.
Écrit par
Victor-Yves GHEBALI : professeur à l'Institut universitaire
de hautes études internationales, Genève

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Universalis

L'U.N.E.S.C.O. (Organisation des Nations unies


pour l'éducation, la science et la culture) est
l'une des quinze institutions spécialisées du
système des Nations unies. Conçue à partir des
travaux préparatoires de la Conférence des
ministres alliés de l'Éducation (Londres,1942-
1945), elle fut créée en 1945 en tant que' Sommaire

continuatrice de l'œuvre esquissée dans l'entre-


deux-guerres par la Société des Nations
(S.D.N.), l'Institut international de coopération
intellectuelle et le Bureau international
d'éducation. Du fait de la phraséologie de son
mandat et de la pluralité de ses domaines
d'action, elle éprouva d'emblée de constantes
difficultés à formuler des priorités nettes et des
programmes rigoureux. La nature même des
problèmes de l'éducation, de la science et de la
culture la prédisposait en fait à être entraînée
dans des débats d'ordre politique. À partir de
1974, l'Organisation connut une crise
endémique dont le point culminant fut, en 1984-
1985, le retrait des États-Unis et du Royaume-
Uni.

Origines et structures
La création de l'U.N.E.S.C.O. fut
l'aboutissement d'une évolution historique qui
remonte aux projets d'organisation
internationale en matière d'éducation (Marc-
Antoine Jullien, 1817 ; Herman Moelkenboer,
1892) et de Bureau international des relations
intellectuelles (Association française pour la
S.D.N., 1920). Au niveau diplomatique, la
coopération dite « intellectuelle » acquit droit de
cité grâce à la France qui suscita
l'établissement – au sein de la S.D.N. – d'un
organe consultatif restreint dont la présidence
fut initialement confiée à Henri Bergson
(Commission internationale de coopération
intellectuelle, 1922). En 1924, la France offrit à
la S.D.N. un instrument spécialisé établi à Paris
et dont elle assura elle-même le financement
régulier : l'Institut international de coopération
intellectuelle (I.I.C.I.). Dès lors, la coopération
intellectuelle s'épanouit dans cette institution qui
s'assura la collaboration de l'élite artistique et
scientifique du temps – Paul Valéry, Thomas
Mann, Aldous Huxley, Albert Einstein, Sigmund
Freud, Marie Curie… Le contrôle de l'I.I.C.I. par
l'occupant nazi mit fin, en 1940, à cette
première étape historique.

Naissance de l'organisation
Demeurée jusque-là à l'écart des activités de
l'I.I.C.I. (perçues comme servant
essentiellement au rayonnement culturel de la
France), le Royaume-Uni prit le relais à partir de
novembre 1942 en réunissant les
gouvernements européens en exil à Londres
dans le cadre d'une conférence périodique des
ministres alliés de l'Éducation. D'abord vouée
au problème de la reconstruction des systèmes
éducatifs européens démantelés par la guerre,
la Conférence s'ouvrit ensuite aux pays extra-
européens (dont les États-Unis) et entreprit
l'élaboration de la charte d'une organisation
internationale spécialisée dans l'éducation et la
culture. Dès l'achèvement de cette tâche
(1945), le gouvernement britannique
s'empressa de convoquer une conférence
constituante à Londres afin de couper court au
projet français de revitalisation de l'I.I.C.I. Après
d'âpres négociations, la France obtint d'être
puissance co-invitante de la conférence et de
déposer un contre-projet d'« Organisation de
coopération intellectuelle des Nations unies ».
Si les idées françaises n'eurent guère de
succès, Paris fut néanmoins choisi comme
siège de la nouvelle organisation,
l'U.N.E.S.C.O., dont le titre officiel combina
éducation, science et culture.

Entré en vigueur le 4 novembre 1946, l'Acte


constitutif de l'U.N.E.S.C.O. attribua à celle-ci
l'objectif d'« atteindre graduellement [...] les buts
de paix internationale et de prospérité commune
de l'humanité en vue desquels l'Organisation
des Nations unies a été constituée... », soit de
« contribuer au maintien de la paix et de la
sécurité en resserrant, par l'éducation, la
science et la culture, la collaboration entre
nations, afin d'assurer le respect universel de la
justice, de la loi, des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous... ». Par là
même, l'éducation, la science et la culture
n'étaient pas des fins en soi, mais des moyens
tendant à asseoir la paix sur « le fondement de
la solidarité intellectuelle et morale de
l'humanité ». Significativement, l'U.N.E.S.C.O.
fut fondée sur la prémisse que « les guerres
prenant naissance dans l'esprit des hommes,
[c'était] dans l'esprit des hommes que doivent
être élevées les défenses de la paix » – idée
que Paul Valéry avait exprimée dans les années
1930 en soutenant qu'« une Société des esprits
est la condition d'une Société des nations ».
Cette problématique, qui mariait politique et
éthique, fit l'objet de critiques dont la plus
extrême fut celle du philosophe italien
Benedetto Croce qualifiant l'U.N.E.S.C.O.
d'« institution erronée ». En somme,
l'Organisation naquit avec une crise d'identité
qui s'avérera durable.

Mode de fonctionnement
Au plan du fonctionnement institutionnel,
l'U.N.E.S.C.O. présente deux traits particuliers
qui la distinguent d'autres
organisations internationales. D'une part, le
pouvoir de décision appartient non pas à
l'organe exécutif mais à l'organe plénier (la
Conférence générale) qui adopte le budget et
détermine le programme ainsi que la Stratégie à
moyen terme de l'Organisation la Conférence
générale lit aussi (pour quatre ans) les
58 membres du Conseil exécutif, lequel
supervise l'exécution des programmes dans
l'intervalle des sessions de la Conférence.
D'autre part, des commissions nationales où
siègent des délégués gouvernementaux et des
représentants de la société civile de chacun des
États membres contribuent aux travaux de
l'U.N.E.S.C.O. Comme bien d'autres institutions
internationales, celle-ci est gérée par un
directeur général qui dispose de pouvoirs
appréciables ; toutefois, depuis 1989 et sous
l'effet de l'onde de choc provoquée par les
critiques américaines, le mandat du directeur
général fut réduit de six à quatre ans. À ce jour,
les titulaires successifs du poste ont été le
Britannique Julian Huxley (1946-1948), le
Mexicain Jaime Torres Bodet (1948-1952),
l'Américain Luther H. Evans (1953-1958),
l'Italien Vittorio Veronese (1958-1961), le
Français René Maheu (1962-1974), le
Sénégalais Amadou Mahtar M'Bow dont la
gestion fut vivement dénoncée par les États-
Unis (1974-1987), l'Espagnol Federico Mayor
(1987-1999) puis le Japonais Koïchiro
Matsuura.

Missions
Tout au long de la guerre froide, l'U.N.E.S.C.O.
axa ses activités sur la coopération intellectuelle
(création d'organisations telles que le C.E.R.N.
ou le Conseil international des archives et mise
sur pied de groupes de réflexion comme la
Commission internationale de l'éducation pour
le XXIe siècle ou la Commission Mac Bride sur la
communication), la formulation de normes
internationales (conventions juridiques,
recommandations modèle, déclarations
solennelles), le sauvetage de sites relevant du
patrimoine culturel de l'humanité (Haute-Égypte,
Venise, Borobudur, etc.) et – secteur souvent
controversé – la dimension éthique des
relations internationales (contribution à la
problématique du désarmement, promotion des
droits de l'homme dits de la « troisième
généraltion » ou droits de solidarité, réfutation
des fondements philosophiques du racisme,
lutte contre l'apartheid, constitution d'un réseau
d'« écoles associées » œuvrant en faveur de
l'éducation pour la coopération internationale et
la paix...).

⋆ Gondoles à Venise

photographie

Défilé des gondoles sur les canaux: le charme de Venise


menacé par les eaux.

Crédits : Steve Allen/ Getty Images

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À l'heure actuelle, les cinq priorités majeures de


l'U.N.E.S.C.O. sont l'éducation de base pour
tous, l'eau et les écosystèmes associés,
l'éthique des sciences et des technologies (en
particulier la bioéthique), la promotion de la
diversité culturelle et l'autonomisation des
populations par l'accès à l'information et au
savoir – de même que certains grands thèmes
incluant notamment l'égalité entre sexes et le
dialogue entre civilisations.

La crise institutionnelle
À compter des années 1970, l'U.N.E.S.C.O.
entra dans une ère de déstabilisation alimentée
par trois séries de turbulences.

Les résolutions anti-


israéliennes de 1974
En 1974, la Conférence générale vota des
textes condamnant Israël pour ses fouilles à
Jérusalem ainsi que pour sa politique éducative
et culturelle dans les territoires arabes occupés.
Simultanément, elle prit une décision ayant pour
effet pratique de priver l'État hébreu de
participer aux activités régionales de
l'U.N.E.S.C.O. La mise « hors région » d'Israël
entraîna aussitôt la suspension de la
contribution financière américaine et incita de
nombreux intellectuels occidentaux à boycotter
l'Organisation jusqu'au « rétablissement de
l'universalité » de celle-ci. Une formule
consistant à rattacher l'État hébreu à la région
européenne fut finalement adoptée en 1976,
grâce aux pays africains alors soucieux
d'assurer le succès de la première Conférence
générale alors organisée sur leur continent, à
Nairobi.

Le nouvel ordre mondial de


l'information et de la
communication (N.O.M.I.C.)
Déjà en expansion pendant l'ultime phase de la
direction de René Maheu, le secteur de la
communication occupa une place croissante
dès l'entrée en fonction de A.M. M'Bow. Celui-ci
se fit alors le champion d'un N.O.M.I.C. visant à
tempérer le principe de la liberté de circulation
de l'information par celui de l'équilibre. Les
Occidentaux (mais surtout les États-Unis)
considérèrent d'emblée le N.O.M.I.C. comme un
projet attentatoire à la liberté de l'information, et
ce d'autant plus que l'U.R.S.S. préconisait,
précisément au nom du principe de l'équilibre, le
contrôle direct des médias par l'État. La
convergence bloc de l'Est-Tiers Monde
exacerba au plus haut point les tensions entre
États membres. Ce fut dans ce contexte troublé
qu'intervint, sous l'administration Reagan, la
rupture américaine.

La rupture américaine
Notifié en 1983, le retrait américain devint
effectif le 31 décembre 1984. Formellement,
l'administration Reagan justifia son geste par les
accusations de dérive antilibérale (N.O.M.I.C. et
droits de solidarité), de politisation (traitement
partial d'Israël et appui aux mouvements de
libération nationale) et de gestion déficiente
(dispersion et manque de rigueur conceptuelle
des programmes, bureaucratie concentrée à
Paris au détriment d'une présence sur le terrain
et croissance budgétaire débridée). En réalité,
le retrait américain se voulait être une mise en
garde à l'adresse de l'ensemble du système des
Nations unies dont l'administration Reagan
entendait stopper l'orientation anti-occidentale
en général et anti-américaine en particulier. Le
départ des États-Unis fut suivi, l'année suivante,
par celui du Royaume-Uni (alors dirigé par
Margaret Thatcher, sensible à l'idéologie
reaganienne) et de Singapour.

Sous le double choc de la défection américaine


et britannique, la 23e session de la Conférence
générale (Sofia, 1985) parvint à une série de
compromis sur les questions budgétaires
(adoption d'un budget à croissance nulle en
termes réels) et sur le N.O.M.I.C. désormais
présenté comme « un processus évolutif et
continu ». En 1987, l'échec de la tentative de A.
M. M'Bow d'obtenir un troisième mandat
confirma le changement de cap de
l'U.N.E.S.C.O.

Fin de la guerre froide et


mondialisation
Frappée de plein fouet par la crise américaine,
l'U.N.E.S.C.O. sut plier sans toutefois rompre.
Depuis la fin de la séparation Est-Ouest, et
dans la foulée des problèmes accompagnant le
développement accéléré du phénomène de la
mondialisation, elle fit de l'éthique des sciences
et de la technologie l'une de ses grandes
priorités. Cela se concrétisa par l'adoption d'un
certain nombre d'instruments normatifs tels que
la Déclaration sur le génome humain et les
droits de l'homme (1997), la Déclaration sur les
données génétiques humaines (2003), la
Déclaration sur la bioéthique et les droits de
l'homme (2005) et, surtout, la Convention sur la
protection et la promotion de la diversité des
expressions culturelles (2005).

Si le Royaume-Uni revint à l'U.N.E.S.C.O. en


1997, les États-Unis n'en firent de même
qu'après dix-neuf ans, en octobre 2003. À cette
occasion, l'administration Bush allégua que
l'Organisation avait réussi à se réformer
conformément aux exigences américaines. En
fait, les États-Unis réalisèrent que le simple
statut d'observateur dans lequel ils s'étaient
cantonnés depuis 1984 ne permettait pas
d'influencer, au mieux de leurs intérêts, le débat
crucial qui visait alors à ériger la diversité
culturelle en un principe juridique au même titre
que la liberté commerciale – ce qui comportait
le risque d'une remise en cause de l'hégémonie
de l'industrie culturelle américaine. En dépit de
multiples pressions sur les autres États
membres, Washington essuya un cuisant revers
lorsque la Conférence générale adopta – en
octobre 2005 – le texte final de la Convention
sur la protection et la promotion de la diversité
des expressions culturelles. Deux ans plus tard,
la République de Singapour réintégra à son tour
l'U.N.E.S.C.O., portant à 193 le nombre de pays
membres de celle-ci.
— Victor-Yves GHEBALI

BIBLIOGRAPHIE

C. BEKRI, L'U.N.E.S.C.O., une « entreprise


erronée » ?, Publisud, Paris, 1991.

R. A. COATE, Unilateralism, Ideology and US


Foreign Policy. The United States In and Out
UNESCO, Lynne Rienner, Boulder (Color.), 1989

R.-P. DROIT, L'Humanité toujours à construire.


Regard sur l'histoire intellectuelle de l'Unesco, 1945-
2005, Unesco, Paris, 2005

D. FRAU-MEIGS, « Le Retour des États-Unis au sein


de l'U.N.E.S.C.O. », in Annuaire français de
relations internationales, vol. 5, 2004

R. HOGGART, An Idea and its Servants. U.N.E.S.C.O.


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J. MUSITELLI, « Les États-Unis et la diversité


culturelle : histoire d'un rendez-vous manqué », in
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J. P. SEWELL, U.N.E.S.C.O. and World Politics,


Princeton Univ. Press, Princeton, 1975

F. VALDERRAMA, Histoire de l'Unesco, Unesco,


Paris, 1995.

POUR CITER L’ARTICLE

Victor-Yves GHEBALI, « U.N.E.S.C.O. »,


Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le
18 avril 2019. URL :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/u-n-e-s-c-
o/

CLASSIFICATION

Droit et institutions » Droit international


» Organisations internationales
» Nations unies (O.N.U.)

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