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L’art, toujours l’art afin de ne pas oublier l’hilarité du hors sens et la pâmoison des sensations.
Bibliographie :
B. Salignon « Rythme et arts »
La mandorle est un motif iconographique, qui naît à la Renaissance. Le mot mandorle vient de l'italien
mandorla qui signifie amande. Il désigne une figure en forme d'ovale ou d'amande qui s’ouvre sur des
personnages sacrés, le plus souvent le Christ, mais aussi la Vierge Marie ou les saints. Elle est un écart, un
antre, qui est la condition de l’altérité. Par l’ouverture, quelque chose se donne à voir. La figure du saint est
là parce qu’il y a ouverture de la mandorle. Elle prend toute sa place rétroactivement. Elle est reprise dans
l’art contemporain à travers l’art plastique mais aussi la poésie. Elle propose une représentation en acte. Elle
est nommée « gloire en forme d’amande » en arts plastiques. La mandorle concrétise et incarne la condition
de l’apparition en figure. Plus qu’un paradigme visuel, c’est une sorte de béance extatique (extase par
l’ouverture). Des ténèbres, de là où rien ne peut se dire encore, elle s’ouvre. En conséquence, les choses se
disent, le monde prend forme. C’est une sorte de présence pure qui dicte et édicte le rivage du langage. La
mandorle est une sorte de leitmotiv de l’ouvert, qui emporte avec lui tout passé et engouffre le présent car il
ouvre sur un ailleurs. La mandorle se place du côté de la séduction, elle vient sans être prédictible. Elle est
secondaire par rapport au personnage qu’elle dévoile. Elle est aussi dans les sens et les sensations car elle a à
voir avec l’hymen, c’est-à-dire l’ouverture féminine. La mandorle est un geste, un élan initial et initiatique.
Elle nous indique la genèse de l’autre et de soi, qui sont liés de manière incommensurable.
Le poème « La Mandorle » de Paul Celan dans La Rose de personne fut traduit par Martine Broda.
Dans une analyse psychanalytique, peu importe ce que le patient dit, l’important est que le médecin recueille
la parole. La parole ouvre l’infini devant chaque sujet.
Enéide de Virgile, la question de Vénus posée au Troyen Énée, qui doit poursuivre son épopée. Diriger ses
pas dans le chemin qui le guide. L’homme est soutenu, éclairé et contenu par le langage. Biographie
d’Agricola, De vita Agricolae par Tacite. On y trouve l’idée de devoir rejoindre le port pour être sauvé, d’y
séjourner et passer l’hiver (risque de mort). Or la flotte d’Agricola ne sait pas où il se trouve. Ils savent la
nécessité vitale de le découvrir. Nécessité de découvrir un aux autres et soi à soi.
Giuseppe Ungaretti, poète du XXème siècle, recueil Le port enseveli. « Chaque voix terrienne fait
naufrage ». Le port est l’antre de notre langue. Pour Ungaretti, toute voix poétique doit faire naufrage et
retrouver l’antre portuaire pour installer une langue audible pour l’autre (accessible). Ainsi le port enseveli
(poésie) devient un port unique, un pilier des choses du monde. Il faut toujours le rechercher. Rarement le
poète y aborde, mais il doit toujours tenter de revenir à la source du langage et de se laisser emporter par elle
car il n’est pas souhaitable de séparer la vie de la pensée. « Je m’illumine d’immense » Fin de la quête de soi
dans le langage. Être pris de frénésie de voyage dans le langage.
Selon Cicéron explique dan son discours XXII que pour qui sait écouter, le langage porte en lui la révélation
des sentiments secrets d’autrui. Pour Paul Celan, l’homme pris de langage sait à quoi s’en tenir, une amande
délectable même si elle est amère. C’est peut-être le seul fruit à portée de souffle dont la bouche du poète
profère et forme la vérité du dire poétique. La mandorle ne propose rien d’autre qu’une effraction qui ouvre
l’espace au rien, au vacillement du sensible, à une première temporalité. Dans un second temps, elle porte
vers la symbolique des formes et des mots. Le premier temps est le rien, le second est la poésie faite. La
parole est dénudée de mots dans la mandorle. Elle émerge sans rien devoir à l’appareillage littéraire, à la
chaîne des signifiants. La mandorle signifie pourtant sa source.