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Gatineau, le 2 mai 2019

Adapter nos territoires aux changements climatiques sans sacrifier le patrimoine et la


communauté : pas de solution unique

Par : Maude Marquis-Bissonnette et Myriam Nadeau, conseillères municipales à la Ville


de Gatineau

Depuis le début de la crue printanière, le gouvernement du Québec a mis sur la table que
les inondés pourraient se faire offrir un montant pour quitter leur résidence si celle-ci est
touchée à répétition par la montée des eaux. Cette idée a été saluée par un nombre
d’experts, dont certains y voient la preuve du courage et de leadership politique. La
prémisse sur laquelle se base le gouvernement est celle que les municipalités, dont la
fiscalité repose sur la taxe foncière, permettent trop rapidement la construction en zone
inondable. Mais qu’en est-il vraiment? Et quels sont les coûts réels à anticiper de déplacer
des quartiers entiers?

Du courage politique pour affronter les changements climatiques


À Gatineau, quelques secteurs sont particulièrement aux prises avec des inondations dues
à la crue printanière. D’ouest en est, il y a d’abord le quartier Wychwood, dont la
construction date de la fin de 19e siècle. Les maisons, d’abord des chalets, ont rapidement
été construites aux abords de la rivière. Il en est de même pour le quartier Deschênes où
les industries se sont d’abord installées près de l’eau. Le quartier Pointe-Gatineau, créé
en 1876, est occupé dès lors par l’industrie du bois... dont le transport se faisait
principalement sur l’eau. Les crues dans ce secteur ne sont pas nouvelles. Le pont Lady-
Aberdeen qui le relie au secteur Hull tient d’ailleurs son nom de la comtesse Ishbel
Aberdeen sauvée de la noyade lors d’une de ces crues. Les rues les plus anciennes de
Gatineau s’y trouvent : la rue Jacques-Cartier qui borde la rivière, les rues Saint-Antoine,
de la Baie, Cousineau… En somme, Gatineau, comme bien d’autres municipalités au
Québec, se sont bâties au fil de l’eau.

Déplacer des quartiers entiers revient dans certains cas à déraciner nos pionniers, des
familles qui ont construites Gatineau, implantées dans ces quartiers depuis des
générations. Un exercice qui se ferait au détriment de notre patrimoine et mettrait à mal
notre fierté et sentiment d’appartenance.

Les experts s’entendent généralement pour dire que les changements


climatiques entraineront divers maux récurrents: sécheresses, feux de forêts,
inondations. À cet égard, il semble que le sort de Gatineau soit celui de crues printanières
plus intenses et plus fréquentes.

C’est pourquoi les solutions à mettre de l’avant quant à l’avenir des zones actuellement
inondées ne peuvent occulter le vrai problème, soit celui des changements climatiques.
Les solutions doivent permettre d’adapter nos territoires et les rendre plus résilients. Elles
devront immanquablement s’inscrire dans une logique de développement durable. La
solution doit être cohérente avec le développement du Québec et de son territoire. La
trame urbaine doit être préservée, surtout quand on sait que l’étalement urbain fait
partie du problème quand on parle changements climatiques. En somme, les
changements climatiques appellent à des solutions réfléchies, globales et innovantes.

Éviter les erreurs du passé


Par ailleurs, la proposition de déplacer des quartiers entiers rappellent à Gatineau des
erreurs du passé, celle des expropriations massives que le gouvernement fédéral a
entrepris sur l’île de Hull pour y installer ses pénates dans les années 1970. Rappelons,
par ailleurs, qu’à l’époque, on évoquait déjà le bien-être des citoyens pour justifier leur
déplacement. La résultante a été que près de 40% des résidents de ce quartier central l’a
quitté. Ce secteur peine encore à se remettre de la dévitalisation induite par ces
déplacements.

En outre, dans sa proposition de déplacer des familles entières pour éviter les coûts liés
à de nouvelles inondations, le gouvernement du Québec devrait tenir compte des coûts
sociaux de ces déplacements. Déplacer des communautés aurait l’effet de détruire un
tissu social, ce qui entraînerait inévitablement des coûts pour les services publics.
L’exemple des expropriations dans le Vieux-Hull démontre les effets pervers et
persistants de ces actions.

Certes, le gouvernement du Québec devra prendre des décisions difficiles et couteuses à


l’issu de cette crise publique. Mais il ne devrait pas faire l’économie de se pencher sur
toutes les options pour préserver les quartiers historiques des municipalités. À certaines
occasions, cela voudra dire déplacer des maisons. Mais il est impensable que ce soit ce
sort qui attende les communautés tissées autour de lieux occupés depuis 200 ans. Le vrai
courage politique sera dans la capacité à ne pas imposer du mur à mur, surtout quand on
sait que les changements climatiques ont souvent comme effet d’accroître les inégalités
existantes. Il importe de tenir compte du contexte historique et géographique du lieu, du
tissu social et de la capacité financière et humaine des gens à se relocaliser, ainsi que de
ceux qui resteront dans ces quartiers désormais décimés.

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