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Art. 236 Loi sur la santé et la sécurité du travail – Zone dangereuse – Négligence du
travailleur – Omission de se conformer à un ordre de l’inspecteur
COUR DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE BAIE-COMEAU
LOCALITÉ DE BAIE-COMEAU
« Chambre criminelle et pénale »
JUGEMENT
______________________________________________________________________
CNESST), une inspectrice effectue une visite chez la défenderesse. Constatant que le
laminoir est en état de fonctionner et que sa zone dangereuse est toujours accessible,
elle y appose un scellé et en interdit l’utilisation jusqu’à ce qu’on y apporte des
correctifs, et que son interdiction soit formellement levée.
[5] Quelques mois plus tard, deux constats sont signifiés à la défenderesse. La
CNESST lui reproche d’avoir commis deux infractions à l’article 236 de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail1. Premièrement, elle lui reproche d’avoir contrevenu à
l’article 182 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail2, le laminoir à pâte ayant
une zone dangereuse accessible non munie d’un protecteur (dossier no 655-63-000436-
187) et, deuxièmement, d’avoir repris les travaux avant qu’un inspecteur ne l’ait
autorisé, en contravention de l’article 189 de la Loi (dossier no 655-63-000435-189).
QUESTIONS EN LITIGE
1
RLRQ, c. S-2.1, ci-après la « Loi ».
2
RLRQ, c. S-2.1, r. 13, ci-après le « Règlement ».
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[9] En outre, jamais monsieur Yves Tremblay, son employeur, ne l’a autorisée à le
nettoyer.
[10] Enfin, jamais les inspecteurs de la CNESST n’ont remarqué cette zone
dangereuse au cours de leurs visites antérieures. Selon la défenderesse, ils ont abusé
de leurs pouvoirs et se sont acharnés sur elle.
[11] La poursuivante, en revanche, prétend avoir fait la preuve des deux infractions
hors de tout doute raisonnable. De plus, elle soutient que cet accident était prévisible et
que la défenderesse a manqué à son devoir de prévoyance. Enfin, elle argue que les
inspecteurs n’ont fait que leur travail.
CONTEXTE ET ANALYSE
[13] Aux termes de l’article 182, toute machine doit être conçue de manière à rendre
sa zone dangereuse inaccessible, à défaut de quoi elle doit être munie d’un protecteur.
Le Tribunal doit donc répondre à trois questions : 1° Ce laminoir comporte-t-il une zone
dangereuse? 2° Cette zone dangereuse était-elle accessible? 3° Dans l’affirmative, quel
type de protecteur fallait-il installer sur l’appareil pour rendre sa zone dangereuse
inaccessible?
[14] D’emblée, le Tribunal considère que ce laminoir comporte une zone dangereuse,
telle que définie à l’article 172 du Règlement, c’est-à-dire « une zone située à l’intérieur
ou autour d’une machine et qui présente un risque pour la santé, la sécurité ou
l’intégrité physique des travailleurs ». Pour une infraction de cette nature, il n’est pas
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[15] De fait, l’employée a été très maladroite en rebranchant le courant avant d’avoir
abaissé le couvercle de l’appareil. La preuve non contredite démontre toutefois que les
rouleaux se sont aussitôt remis à tourner. Selon son témoignage, il lui a suffi
d’approcher sa main du rebord en refermant le couvercle, pour qu’elle soit aussitôt
agrippée par les rouleaux. L’accident démontre sans l’ombre d’un doute que le laminoir
comportait une zone dangereuse.
[16] Cette zone dangereuse était-elle accessible? La défenderesse soutient que cette
zone est parfaitement sécuritaire, puisque l’appareil est installé dans un coin de la
boulangerie, et qu’il faut utiliser une clé pour déboulonner les trois vis qui fixent son
couvercle en place. De plus, il y a environ 12 pouces entre le rebord de l’appareil et les
rouleaux.
[18] Par ailleurs, contrairement à ce que prétend monsieur Tremblay, le Tribunal est
convaincu que le couvercle n’était pas vissé ce jour-là. D’une part, dans son
témoignage, jamais l’employée ne dit qu’elle a dû prendre une clé pour dévisser les
écrous. Au contraire, elle relate l’événement comme suit : « Je débranche l’appareil. Je
soulève le couvercle. Je nettoie le gruau. Je rebranche l’appareil. Je baisse le
couvercle. »
[20] Or, l’inspectrice affirme qu’elle s’est présentée au commerce sans rendez-vous.
Selon son témoignage clair et précis, elle n’a pas pu convenir d’une date avec la
copropriétaire, celle-ci insistant pour qu’elle parle d’abord à monsieur Tremblay. Par
ailleurs, jamais monsieur Tremblay n’a retourné son appel pour prendre rendez-vous.
[21] Le Tribunal est convaincu que monsieur Tremblay laissait parfois le couvercle du
laminoir déboulonné. Il l’était le 10 octobre 2017 lorsque l’inspectrice s’est présentée au
commerce inopinément, et il l’était aussi le jour de l’accident. Par le fait même, sa zone
dangereuse était accessible. Elle était peut-être difficilement accessible, mais elle
n’était pas inaccessible, comme l’exige le Règlement.
[22] Enfin, quel type de protecteur fallait-il installer sur ce laminoir pour rendre sa
zone dangereuse inaccessible? La défenderesse soutient qu’un protecteur fixe suffisait
puisque personne n’avait accès à la zone dangereuse pendant son fonctionnement
normal, et ce, en application du premier alinéa de l’article 182. Aux termes de l’article
174 du Règlement, un protecteur fixe est celui qui ne peut être enlevé sans l’aide d’un
outil ou qui est maintenu en place de façon permanente, par soudure, par exemple.
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[24] La poursuivante soutient, pour sa part, qu’il fallait installer sur ce laminoir un
protecteur muni d’un dispositif d’interverrouillage, en application du deuxième alinéa de
l’article 182, puisqu’au moins une personne avait accès à la zone dangereuse pendant
son fonctionnement. En application de l’article 175 du Règlement, un protecteur à
interverrouillage doit empêcher une machine de se mettre en marche tant qu’il ne sera
pas replacé. Si le laminoir avait été muni d’un tel protecteur lorsque l’employée l’a
rebranché, les rouleaux ne se seraient pas mis à tourner.
[25] Vu l’objectif de la Loi, qui est d’éliminer les dangers à la source, le Tribunal
considère que c’est là l’interprétation à favoriser. Et d’ailleurs, après l’accident, la
défenderesse a effectivement installé sur son laminoir un protecteur muni d’un dispositif
d’interverrouillage, tel qu’on le lui demandait.
[26] Quoi qu’il en soit, le Tribunal est convaincu qu’il n’y avait aucun protecteur sur
cet appareil le jour de l’accident, ni fixe ni à interverrouillage.
[27] Le Tribunal considère que l’élément matériel de cette première infraction est
prouvé hors de tout doute. Reste à voir si la défenderesse peut s’exonérer de sa
responsabilité pénale en démontrant avoir agi avec diligence raisonnable.
[28] Citant les décisions rendues dans les dossiers CSST c. Société d’énergie de la
Baie-James3, Premier Horticulture c. CSST4 et CSST c. Fene-Tech inc. 5, la
défenderesse laisse entendre que la poursuivante ne s’est pas déchargée de son
fardeau de prouver que le danger auquel s’est exposée son employée était prévisible.
Or, dans ces trois dossiers, on reprochait à la défenderesse une infraction à l’article 237
de la Loi.
[29] Avec égard, la défenderesse ne doit pas confondre le fardeau de preuve associé
à l’article 237 de la Loi avec celui de l’article 236,
[30] Pour une infraction à l’article 237 de la Loi, la poursuite a le fardeau de prouver
que, par une action ou une omission, un employeur a compromis directement et
sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de ses employés, en les
exposant à un danger direct, réel, immédiat et normalement prévisible. Pour une
infraction à l’article 236, la poursuite a simplement le fardeau de prouver les faits, en
l’occurrence que le laminoir comportait une zone dangereuse accessible non munie
d’un protecteur. Elle n’a pas à prouver qu’un danger était prévisible.
3
2012 QCCA 1010.
4
2009 QCCS 4703.
5
2010 QCCQ 12017.
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[31] Pour être acquittée, la défenderesse doit démontrer, comme pour toute autre
infraction de responsabilité stricte, qu’elle a pris toutes les précautions nécessaires
qu’une entreprise spécialisée comme la sienne aurait prises pour éviter de commettre
cette infraction. En d’autres mots, elle doit démontrer, par prépondérance de preuve,
qu’elle a agi avec diligence raisonnable et exercé adéquatement ses devoirs de
prévoyance, d’autorité et d’efficacité.
[32] Or, le simple fait que le couvercle du laminoir était dévissé le jour de l’accident
démontre que la défenderesse a manqué à son devoir de prévoyance. En effet, comme
le disait le juge d’instance dans le dossier CSST c. Papineau 6, ce devoir signifie qu’un
employeur doit « cibler les situations à risque dans son entreprise et prendre toutes les
mesures nécessaires pour prévenir et éliminer les dangers qu’elles représentent ».
[34] Certes, l’employée a été très imprudente, négligente même. Toutefois, ce n’est
pas son comportement qui est en cause, mais plutôt les mesures prises par son
employeur pour prévenir les conséquences de sa négligence. Comme le soutient le
procureur de la poursuite, la Loi exige que, sur les lieux de travail, la machinerie soit
« Idiot Proof », c’est-à-dire à l’épreuve de toute imprudence ou erreur de jugement.
[35] À cet égard, il y a lieu de réitérer les propos du professeur Jean-Pierre Villagi,
maintes fois cité dans la jurisprudence7 :
[36] Le Tribunal considère que cet accident exceptionnel n’était pas totalement
imprévisible et que l’employeur a fait bien peu de choses pour prévenir la négligence de
son employée.
[37] Ainsi, monsieur Tremblay savait que cette employée se servait régulièrement du
laminoir. Il lui avait confié la tâche de façonner la pâte à tarte et, de fait, elle l’avait
utilisé une dizaine de fois depuis son embauche quelques semaines auparavant. Ils
étaient les deux seuls dans la boulangerie à se servir de l’appareil.
6
2011 QCCQ 10954, au paragr. 26.
7
Tel que cité dans R. c. Matador Convertisseurs Cie ltée, 2011 QCCQ 1827, au paragr. 69.
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[38] Est-il si étonnant qu’elle ait voulu le nettoyer, voulant bien faire et croyant, à tort
peut-être, que des restes de gruau de la recette précédente contaminaient sa pâte à
tarte? Son employeur aurait dû prévoir qu’elle prendrait une telle initiative en son
absence.
[39] Monsieur Tremblay soutient qu’il n’était pas opportun de donner à cette
employée une formation relativement au nettoyage du laminoir, puisqu’il ne l’avait pas
autorisée à accomplir cette tâche. Il affirme que c’est lui et lui seul qui le nettoyait.
[40] Peut-être bien, mais quelles directives lui a-t-il données? On le ne sait trop. Lui a-
t-il expressément interdit de nettoyer l’appareil ou d’en soulever le couvercle? Rien n’est
moins certain.
[42] Par ailleurs, lorsqu’elle décrit l’accident, l’employée admet d’emblée qu’elle a
commis une erreur en rebranchant le laminoir avant d’avoir refermé le couvercle. Mais
jamais elle ne laisse entendre qu’elle a dérogé à une consigne, et d’ailleurs, jamais la
question ne lui a été posée.
[43] Bref, cet employeur n’a pas démontré, par prépondérance, qu’il a posé des
gestes concrets pour se prémunir contre la négligence de cette employée. Il a manqué
à son devoir de la protéger contre elle-même.
[44] Il a simplement tenu pour acquis, à tort, qu’il était impossible pour elle de
déplacer le laminoir, vu son poids et l’endroit où il était installé. Tout autre employeur
raisonnablement diligent aurait exercé avec plus de zèle ses devoirs de prévoyance et
d’autorité et lui aurait donné des directives claires et contraignantes.
[45] La défenderesse fait valoir que les inspecteurs de la CNESST ont visité sa
boulangerie à plusieurs reprises, sans jamais remarquer cette zone dangereuse à
l’arrière de l’appareil. Ainsi, lors d’une première visite le 21 février 2013, ils ont constaté
que, sur la partie antérieure du laminoir, l’angle formé par le cylindre et le tapis
transporteur était accessible, et ils lui ont demandé de munir l’appareil d’un protecteur
fixe.
[46] Par la suite, ils ont effectué une première contre-visite le 14 mars 2014, puis une
deuxième le 17 avril 2014 et enfin une troisième le 30 avril 2014. Entre-temps, le
propriétaire avait fait installer une pièce de métal sur l’appareil, éliminant le risque de
blessure.
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[47] Or, au cours de ces quatre inspections, ils ne lui ont adressé aucun reproche ni
demandé d’apporter quelque correctif que ce soit relativement à cette autre zone
dangereuse.
[48] La défenderesse prétend avoir été induite en erreur, en quelque sorte, par le
silence des inspecteurs de la CNESST. En omettant de dénoncer cette défectuosité ou
en la tolérant, n’ont-ils pas donné à la défenderesse des raisons de croire que cette
partie de son laminoir ne présentait ni risque, ni danger?
[49] En 2016, dans l’arrêt Ville de Lévis c. Tétreault8, la Cour suprême s’est penchée
sur cette question et elle a dressé une liste de six conditions qui donnent ouverture à la
défense d’erreur de droit provoquée par une personne en autorité. Pour bénéficier de
ce moyen de défense, une partie défenderesse doit démontrer, à la fois :
[50] Il faut donc qu’un véritable avis ait été donné à la défenderesse et que cet avis
ait été à la fois erroné, mais raisonnable. De plus, il faut que la défenderesse se soit
conformée à cet avis erroné, après s’être informée de ses conséquences juridiques.
[51] Or, en 2013 et en 2014, les inspecteurs de la CNESST n’ont donné aucun avis
formel à la défenderesse quant à la zone dangereuse située à l’arrière de l’appareil.
Leur silence ne peut pas équivaloir à une opinion, à un renseignement et encore moins
à un avis.
[52] Il en faut bien davantage pour invoquer avec succès ce moyen de défense.
Comme le disait la Cour suprême, « des facteurs divers seront pris en considération
dans le cours de cette évaluation, comme les efforts faits par le prévenu pour se
renseigner, la clarté ou l’obscurité du texte de la loi, le poste et le rôle du fonctionnaire
qui a fourni le renseignement ou l’opinion, ainsi que la précision, la fermeté et le
caractère raisonnable de ceux-ci ».
[54] La défenderesse prétend qu’après avoir toléré cette zone dangereuse pendant
14 mois et qu’en la dénonçant trois ans plus tard, les inspecteurs de la CNESST ont
abusé de leurs pouvoirs?
8
[2006] 1 R.C.S. 420, au paragr. 27.
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[55] Le Tribunal ne peut retenir cet argument. D’abord, il n’y a aucune preuve que les
inspecteurs ont intentionnellement toléré cette infraction. Qui sait? Peut-être ne l’ont-ils
tout simplement pas vue ou peut-être que le couvercle du laminoir était boulonné
lorsqu’ils ont effectué leurs visites en 2013 et 2014. La preuve est muette à ce sujet.
[57] Pour les raisons suivantes, l’argument de la défenderesse n’avait pas été
retenu :
[48] Depuis l’arrêt Jewitt, rendu en 1985 par la Cour suprême du Canada, l’abus
de procédure est une défense reconnue en droit pénal. Cette défense a d’ailleurs
été soulevée à maintes reprises dans des dossiers impliquant la C.S.S.T. Ainsi, en
1990, dans la cause de Dubé-Cormier Construction, le juge Marc Brière a déclaré
ceci : « (certes la discrétion de poursuivre ou non un contrevenant relève de la
compétence de la Commission (de la santé et de la sécurité du travail du Québec),
mais elle doit l’exercer équitablement, sans discrimination, ni arbitraire ».
[49] Cela dit, un survol de la jurisprudence nous indique que, lorsque l’abus de
procédure est invoqué, les tribunaux n’ordonnent l’arrêt des poursuites
qu’exceptionnellement, dans les cas les plus manifestes d’abus. D’ailleurs, dans
l’arrêt Jewitt, la Cour suprême a précisé que ce pouvoir ne devait être exercé que
si le juge arrivait à la conclusion qu’un plaignant imposait à un accusé un procès
injuste.
(…)
[53] Il nous faut répondre à cette question par la négative. Le Tribunal est
convaincu que la défenderesse a commis, le 26 avril 2005, toutes les infractions
qui lui sont reprochées. La C.S.S.T. avait donc le droit d’intenter des poursuites
contre elle. Le Tribunal ne croit pas que la C.S.S.T. ait abusé de ce droit. Les
poursuites intentées par la C.S.S.T. contre la défenderesse ne sont ni illégales, ni
injustes, ni arbitraires.
(Nous avons souligné.)
[58] Pour les mêmes raisons, le Tribunal considère que les poursuites intentées
contre la défenderesse ne sont ni injustes ni arbitraires et qu’elle n’a pas démontré, par
prépondérance de preuve, être victime d’abus de pouvoir ou de procédure.
[60] Dans son rapport d’intervention du 10 octobre 2017, l’inspectrice écrit que
« l’utilisation du laminoir à pâte ne peut se faire avant qu’un inspecteur de la CNESST
ne l’ait autorisée en vertu de l’article 189 de la LSST ». De même, sur le scellé apposé
sur l’appareil, sous le titre Utilisation interdite, on peut lire ce qui suit : « Je, Emmy St-
9
2006 QCCQ 3158.
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Amand, inspecteur nommé en vertu de l’article 177 de la Loi sur la santé et la sécurité
du travail, interdis l’utilisation du laminoir à pâte ». Tout au bas du scellé, on précise que
« Quiconque contrevient à un ordre de l’inspecteur commet une infraction et est
passible d’une poursuite pénale ».
[63] Par ailleurs, lorsque l’inspectrice a effectué une première visite du commerce le
10 octobre 2017, la zone dangereuse du laminoir était bien évidente. On ne peut donc
pas lui reprocher d’avoir fait son travail et d’y avoir apposé un scellé.
[64] Cela dit, monsieur Tremblay prétend qu’il n’avait pas d’autre choix que de
répondre à la demande de sa clientèle, au risque de la perdre et de voir son commerce
dépérir et même fermer. « Sans laminoir, il n’y a pas de pain », dit-il, « et sans pain, il
n’y a plus de boulangerie. » À cet égard, il soulève le délai de presque un mois entre
l’apposition et la levée du scellé.
[65] Il est vrai que, pour un commerce comme celui de la défenderesse, un arrêt des
activités de quatre semaines n’est pas sans conséquence. Toutefois, l’article 191.1 de
la Loi permet à une personne qui se croit lésée par une décision d’un inspecteur d’en
demander la révision par la CNESST. Dans certains cas, la CNESST doit même
procéder d’urgence.
[67] Par ailleurs, comme le soutient à bon droit le procureur de la CNESST, rien
n’empêchait monsieur Tremblay de communiquer avec l’inspectrice de la CNESST dès
la fin des travaux et lui demander d’effectuer rapidement une contre-visite. Or, rien ne
démontre que monsieur Tremblay ait effectué de telles démarches.
[69] Plaidant d’abondant, la défenderesse argue qu’elle n’est pas visée par
l’interdiction imposée par l’inspectrice, laquelle ne s’applique qu’aux travailleurs et non
aux employeurs. Les articles 7 et 8 de la Loi sont pourtant très clairs : L’employeur qui
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exécute un travail sur un lieu de travail est tenu aux mêmes obligations que celles
imposées aux travailleurs. L’interdiction imposée par l’inspectrice s’adressait à
« quiconque » et ne souffrait aucune exception.
[70] Enfin, elle prétend pouvoir bénéficier de l’exception prévue au deuxième alinéa
de l’article 188 de la Loi. Le Tribunal ne peut retenir cet argument. L’exception prévue à
l’article 188 permet à un employeur de prévenir la destruction et la détérioration de
biens qui se trouvent dans son commerce; elle ne lui donne pas la permission de
continuer à l’exercer.
[71] Quels qu’aient été ses motifs, monsieur Tremblay ne pouvait pas outrepasser
l’interdiction de l’inspectrice. Comme le disait le Tribunal du Travail dans un dossier
semblable, celui de Lapointe c. Geoffroy Construction inc.10, « il est évident qu’on ne
peut pas considérer la bonne ou la mauvaise foi du contrevenant dans un cas comme
celui-ci : on est en présence d’une prohibition stricte qui, si elle n’est pas respectée,
constitue une infraction à la loi, sans qu’il soit nécessaire de vérifier l’intention du
contrevenant ».
DÉCLARE la défenderesse coupable des deux infractions qui lui sont reprochées;
CONVOQUE les parties à une visioconférence, à la date qui leur conviendra, pour
entendre leurs représentations sur les amendes à imposer.
__________________________________
SUZANNE BOUSQUET, JPM
10 o
Tribunal du travail, St-François, n 500-28-000359-810, le 28 septembre 1981, J. Burns, pages 7 et 8.
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Me René Fréchette
Paquet, Tellier, Avocats
700, boulevard Laure, bureau 236
Sept-Îles (Québec) G4R 1Y1
rene.frechette@cnesst.gouv.qc.ca
Pour la poursuivante
Me Kenneth Gauthier
916, rue De Puyjalon
Baie-Comeau (Québec) G5C 1N1
kgauthier@cgocable.ca
Pour la défenderesse