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l’e ntreti e n du mois
Nabil Ayouch
Rencontre avec le réalisateur
du culotté Much Loved
© alin prod
2 septembre 2015
l’e ntreti e n du mois
Parce qu’il aborde de front le tabou de la prostitution au Maroc, Much Loved, présenté
à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, a été frappé d’interdiction dans le royaume
chérifien. S’il montre sans détour les réalités du métier, le film fait surtout la part belle à
l’incroyable énergie de ses héroïnes, quatre colocataires complices et soudées qui vivent
du sexe tarifé à Marrakech. D’un ton tranquille, le Franco-Marocain Nabil Ayouch
(Ali Zaoua. Prince de la rue, Les Chevaux de Dieu) nous a détaillé sa démarche.
PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ
uel a été le point de départ propre commerce. Ce sont elles qui décident. Ça
de much loved ? me plaît, parce que ce sont des femmes arabes,
Depuis longtemps, j’ai un inté- musulmanes, et qu’il n’y en a pas beaucoup qui
rêt profond pour les femmes assument ce sentiment de liberté.
qui se prostituent, et pour le
rôle qu’elles jouent dans la le film contient plusieurs scènes de sexe plu-
société marocaine. Des per- tôt crues. comment les avez-vous abordées ?
sonnages de prostituées ont hanté quasiment tous Elles ont été assumées comme quelque chose d’in-
mes films, mais je voulais les approcher davantage. contournable. On ne pouvait pas, d’un côté, aller
Quatre femmes que j’avais contactées ont accepté dans le naturalisme que j’avais choisi d’adopter, et,
de se livrer. J’ai passé deux jours bouleversants à de l’autre, jouer l’ellipse au moment de filmer les
Marrakech avec elles, pendant lesquels elles m’ont corps qui s’expriment. Parmi ce que j’ai tourné, j’ai
raconté leur vie. Ça a été le début d’un long travail enlevé les choses qui m’ont paru un peu gratuites,
d’enquête qui a duré environ un an et demi. déplacées ou inutiles. Au final, il n’y a qu’une
scène qui montre véritablement les corps s’expri-
pourquoi aviez-vous ce désir de faire mer et où ça a un sens pour moi ; c’est entre le vieux
entendre leurs voix ? Français et Noha. Dans les autres scènes de sexe,
Pour que ça provoque un débat sur la prostitution, les hommes ne regardent jamais les femmes, elles
sur la condition de ces femmes, sur le rôle de la sont toujours prises par-derrière. Les amants se
famille, sur le fait que personne ne les voit et ne font face dans la seule scène d’amour.
les reconnaît, et qu’elles ont besoin d’être écoutées.
C’est d’ailleurs la première chose que j’ai consta- à travers les personnages qui gravitent
tée quand je les ai rencontrées. Elles m’ont dit : autour des héroïnes, vous abordez un grand
« Si on pouvait juste parler une heure par semaine nombre de sujets (prostitution infantile,
avec quelqu’un, peut-être qu’on serait moins nom- homosexualité, travestissement…), sans
breuses à se suicider. » Ensuite, c’est aux associa- forcément mener chaque piste à son terme.
tions et au gouvernement de prendre le relais ; je ne Pendant mes recherches, j’ai rencontré des cen-
suis pas l’État, je suis cinéaste. taines de personnes, surtout des femmes, mais
quelques hommes aussi. Au Maroc, la prostitution
n’avez-vous pas été tenté de tourner un est essentiellement liée à la misère sociale. Mais il
documentaire plutôt qu’une fiction ? en existe aussi une plus assumée, choisie. Je vou-
Si. L’envie du documentaire, puis du docu-f iction, lais toucher du doigt des sujets qui font le quotidien
a duré pendant toute la période de recherche. J’ai de mes personnages, qui sont des marginaux. Mon
décidé d’écrire une fiction quand j’ai compris que but n’est pas d’adopter quelques formes de juge-
j’avais aussi un regard sur ce que ces femmes ment ou de morale, mais de dire, d’ouvrir. Je n’ai
vivent. Leur rapport aux hommes, au pouvoir, rien voulu résoudre.
à la société, à leurs familles, cette hypocrisie
terrible ; je voulais les montrer tel que moi je les certaines longues séquences, comme celle
comprenais. qui retrace une nuit d’orgie dans une villa,
rappellent le cinéma d’abdellatif kechiche
noha, le personnage principal interprété dans sa façon d’épuiser le spectateur et,
par loubna abidar, évalue la concurrence en semble-t-il, les acteurs.
discutant avec sa coiffeuse et se renseigne C’est vrai. Je crois que j’ai installé une tension sur
sur des clients potentiels auprès d’un bar- le plateau pour oublier la fatigue, ou ce qui pou-
man. elle donne vraiment l’impression de vait être des freins, des tabous, et essayer de tirer
diriger une entreprise. le maximum de ces scènes que je voulais les plus
À Marrakech, il n’y a pas, comme en Europe ou réalistes possibles. Ça nécessitait d’aller au bord
aux États-Unis, de systèmes de maquereaux. Ces de l’épuisement. Je pense que toute l’équipe en
femmes sont véritablement maîtresses de leur était consciente, du début à la fin, et qu’elle m’a
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l’e ntreti e n du mois
© virginie surdej
accompagné. Mais il y a eu des moments très dif-
ficiles, notamment cette nuit dont vous parlez, dans
la villa, ça a été pénible à tourner. Même pour moi.
« le maroc n’a parlé
que de ça pendant
pourquoi ?
Surtout parce que les images véhiculaient quelque un mois. »
chose de très violent. Ce que je trouve de plus bru-
tal dans le film, ce ne sont pas les scènes de cul, qu’est-ce que le ministère de la communica-
c’est l’humiliation. Les filles qui font les chattes tion a reproché à votre film ?
par terre, ou que l’on force à plonger dans une « Atteinte aux valeurs morales », « atteinte à l’image
piscine, c’est à la limite du supportable. Mais, à du pays »… Dans les extraits qui ont suscité l’inter-
chaque fois, je savais pourquoi je les tournais, à diction, il n’y avait pas de scène de sexe. Je crois
quel point ça me semblait essentiel. que c’est le fait de montrer des femmes qui se pros-
tituaient, et, surtout, de ne pas avoir choisi un angle
est-ce que vous destiniez le film à un public misérabiliste qui a provoqué tout ça. Si je les avais
en particulier ? fait parler comme des pauvres filles, ça n’aurait
En tout cas, je n’ai pas fait ce film pour un public sûrement dérangé personne. Dans le cinéma maro-
occidental, mais en étant convaincu qu’il allait être cain, les femmes sont rarement présentées comme
vu au Maroc par un public arabe, et même qu’il des personnes qui prennent en main leur destin. Or
devait l’être, en priorité, par ce public, parce que là, ce sont des combattantes, des guerrières, elles
c’est un film qui parle de sa réalité, de son envi- ont pris le pouvoir. Mais la seule chose choquante
ronnement. C’est pour ça que j’ai été blessé par ce dans le film, c’est leur condition.
qui s’est passé ensuite.
après ces événements, que sont devenues les
pourquoi le film a t-il été interdit au maroc ? quatre actrices ?
Quatre extraits demandés par la Quinzaine des réa- Je les ai mises en sécurité dans un appartement
lisateurs pour Cannes ont été piratés et mis en ligne pendant longtemps. Maintenant, trois d’entre elles
sur YouTube. On y voit notamment trois prostituées ont rejoint leur famille. Loubna est à l’étranger,
qui parlent dans un taxi, ça a généré des millions de parce qu’elle a été la plus visible ; la pression était
vues… Un truc de dingue. Les gens se sont déchaî- trop forte. Mais elles vont revenir en France pour
nés sur les réseaux sociaux, le Maroc n’a parlé que la sortie du film. Je pense que ça va leur faire du
de ça pendant un mois. Après Cannes, le ministre bien de constater qu’il y a des gens, y compris des
de la Communication marocain, sur la base de ces Marocains de France [des avant-premières du film
extraits, a décidé d’interdire le film. Ni lui ni les ont été organisées, le 11 juin, dans plusieurs villes
membres de la commission qui statue pour déli- françaises, suite à la polémique au Maroc, ndlr],
vrer un visa d’exploitation ne l’avaient visionné en qui voient ce qu’il y a de beau dans ce film.
entier. C’est du jamais vu, c’est complètement illé-
gal. Ensuite, des rushes ont été volés, je ne sais pas Much Loved
de Nabil Ayouch
par qui ni comment, et mis bout à bout. Presque avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak…
quatre heures, qui ont été balancées sur Internet, Distribution : Pyramide
Durée : 1h44
en faisant croire que c’était le film. Sortie le 16 septembre
4 septembre 2015
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6 septembre 2015
Sommaire
Du 9 septembre au 6 octobre 2015
À la une…
entretien
Elisabeth Moss
46 en ouverture 2 entretien 25
À l’affiche de Queen
of Earth d’Alex Ross
Perry, la comédienne
américaine, qui a
incarné la sémillante Nabil Ayouch Catherine Frot
Peggy durant sept Le réalisateur Dans Marguerite
saisons dans la franco-marocain de Xavier
série Mad Men, de Much Loved, Giannoli, la
change de registre film, interdit comédienne
en interprétant au Maroc, qui fait rayonner
Catherine, jeune aborde de front son personnage
femme en crise le tabou de la grotesque et
qui trouve refuge prostitution bouleversant
40
dans la maison de dans le royaume de richissime
campagne d’une chérifien, nous baronne
amie, et sombre a détaillé sa qui chante
dans la folie. démarche. terriblement faux.
en couverture
Louis Garrel
Mes copains (2008), Petit tailleur (2010),
La Règle de trois (2011)… En deux courts et
un moyen métrage, Louis Garrel a prouvé
qu’il n’était pas seulement l’acteur le plus
© grant lamos iv slash getty images ; antoine doyen ; alin prod ; philippe quaisse ; flavien prioreau ; universal pictures ; yiorgos kordakis
portfolio 50
Yiorgos Kordakis
Pendant près de cinq ans, le photographe grec a arpenté
le pays de l’Oncle Sam pour confronter ses souvenirs des
films de son enfance à la réalité. Ses pérégrinations ont
abouti à la série 10.000 American Movies.
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8 septembre 2015
… et aussi
Du 9 septembre au 6 octobre 2015
Édito 11 ÉDITEUR
MK2 Agency
Bons sentiments 55, rue Traversière – Paris XIIe
Les actualités 12 Tél. : 01 44 67 30 00
Sofilm Summercamp, Quentin Tarantino, Sam Peckinpah…
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
À suivre 18
Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com)
Aurélien Gabrielli dans Quand je ne dors pas
l’agenda 20 RÉDACTRICE EN CHEF
Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com)
Les sorties de films du 9 au 30 septembre 2015
histoires du cinéma 25 RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE
Irma la Douce de Billy Wilder p. 30 Raphaëlle Simon (raphaelle.simon@mk2.com)
RÉDACTEURS
Quentin Grosset (quentin.grosset@mk2.com)
Timé Zoppé (time.zoppe@gmail.com)
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Sarah Kahn (hello@sarahkahn.fr)
GRAPHISTE-MAQUETTISTE
Jérémie Leroy
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Vincent Tarrière (vincent.tarriere@orange.fr)
les films 57
Vers l’autre rive de Kiyoshi Kurosawa p. 57 // Youth de Paolo STAGIAIRE
Sorrentino p. 58 // The Lesson de Kristina Grozeva et Petar Sirine Madani
Valchanov p. 60 // Life d’Anton Corbijn p. 60 // Au plus près du
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO
soleil d’Yves Angelo p. 62 // Les Chansons que mes frères m’ont Stéphane Beaujean, Ève Beauvallet, Hendy Bicaise,
apprises de Chloé Zhao p. 62 // L’Oracle de Marcus Vetter et Karin Léa Chauvel-Lévy, Adrien Dénouette, Julien Dupuy,
Steinberger p. 65 // Fou d’amour de Philippe Ramos p. 66 // La Vie Yann François, Claude Garcia, Stéphane Méjanès,
Mehdi Omaïs, Wilfried Paris, Michaël Patin, Bernard
en grand de Mathieu Vadepied p. 66 // Nous venons en amis de Quiriny, Guillaume Regourd, Éric Vernay, Anne-Lou
Hubert Sauper p. 67 // The Look of Silence de Joshua Oppenheimer Vicente, Etaïnn Zwer
p. 68 // Les Rois du monde de Laurent Laffargue p. 70 // Knock
PHOTOGRAPHES
Knock d’Eli Roth p. 72 // Maryland d’Alice Winocour p. 74 // Lamb Antoine Doyen, Flavien Prioreau,
de Yared Zeleke p. 76 // Vierge sous serment de Laura Bispuri p. 76 Philippe Quaisse
Les DVD 78
PUBLICITÉ
La Ligne de mire de Jean-Daniel Pollet et la sélection du mois DIRECTRICE COMMERCIALE
Emmanuelle Fortunato
(emmanuelle.fortunato@mk2.com)
RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE
Stéphanie Laroque (stephanie.laroque@mk2.com)
ASSISTANTE RÉGIE PUBLICITAIRE
Caroline Desroches (caroline.desroches@mk2.com)
CHEF DE PROJET COMMUNICATION
Estelle Savariaux (estelle.savariaux@mk2.com)
cultures 80
L’actualité de toutes les cultures et le city guide de Paris Assistant partenariats culture
Florent Ott
trois couleurs présente 102
Here Now de Gregg Araki CHEF DE PROJET OPÉRATIONS SPÉCIALES
l’actualité des salles mk2 104 Clémence van Raay (clemence.van-raay@mk2.com)
Illustration de couverture
© d. r.
BONS
SENTIMENTS PAR JULIETTE REITZER
C
lément, garçon inquiet dramatique en présentant une scène des
campé par Vincent Caprices de Marianne de Musset, pièce
Macaigne, est éperdu- à laquelle il a emprunté la trame de ses
ment épris de Mona, Deux Amis), grand admirateur de François
jeune femme fiévreuse Truffaut, Louis Garrel assume son héri-
et mystérieuse. Pour la tage : « Le cinéma français doit composer
séduire, il demande de avec un répertoire qui englobe Marivaux,
l’aide à son cher ami, le charmeur et taci- Musset et Racine et qui ne propose que
turne Abel (Louis Garrel)… Le premier des études du sentiment et de ses mouve-
long métrage réalisé par Louis Garrel ments », nous a-t-il confié dans ce numéro.
porte indéniablement la trace des films qui Dans Les Deux Amis, comme dans les
ont marqué sa carrière en tant qu’acteur, courts métrages qu’il a réalisés aupara-
d’Innocents. The Dreamers de Bernardo vant, ce romantisme revendiqué n’est tou-
Bertolucci (2003) à La Jalousie (2013) de tefois jamais mièvre ni plombant. Porté
Philippe Garrel, son père, en passant par par des personnages pleins de modernité
Les Chansons d’amour (2007) ou La Belle et de fantaisie, il résonne plutôt comme
Personne (2008) de Christophe Honoré. une promesse de joie et de vitalité. Loin
Comme eux, au-delà du motif très clas- de son image de jeune homme mélanco-
sique du triangle amoureux, Les Deux lique et ténébreux (voir l’hilarant Tumblr,
Amis considère en effet les sentiments « L’humeur de Louis Garrel »), il nous avait
avec le plus grand sérieux – qu’il s’agisse d’ailleurs confié en 2010, au moment de la
de l’amour ou, plus encore, de l’amitié. sortie de son moyen métrage Petit tailleur :
Formé au théâtre classique (il a intégré « Fuir le cynisme, c’est mon grand projet. »
le Conservatoire national supérieur d’art Beau programme pour la rentrée.
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e n bre f
Les actualités
PAR JULIEN DUPUY, QUENTIN GROSSET
ET TIMÉ ZOPPÉ
Sofilm Summercamp
Début juillet, à Nantes, lors de la première édition du
festival Sofilm Summercamp organisé par le magazine
Sofilm, on a assisté à un déjeuner improbable. En bout
de table, le légendaire Jean-Pierre Léaud s’adresse en
ces termes à Jean-Marc Rouillan, ex-militant du groupe
armé Action Directe : « Vous avez fait de la prison ? Moi
aussi… sauf que dix ans après, ils m’ont refilé la Légion
d’honneur. C’est à ça que vous devriez aspirer. » Puis
arrive Noël Godin, l’entarteur belge, qui salue Léaud.
Il nous confie : « On se serre la main, mais quand j’avais
entarté Jean-Luc Godard, en 1985, Jean-Pierre Léaud
m’avait couru après pour me casser la gueule… » C’était
ça, le Sofilm Summercamp : pas de compétition, mais
des rencontres, des cartes blanches données à des
invités hauts en couleur, chacun venus présenter un film
de son choix – Jean-Charles Hue avait choisi Requiem
pour un massacre, Chantal Goya, Les Aventures de Rabbi
Jacob… Au programme également, des avant-premières
(dont beaucoup de films vus à Cannes), des séances en
plein air, et une master class animée par le producteur
Vincent Maraval. Tout ça dans un joyeux esprit
© d. r.
de colonie de vacances. Q. G.
Jean-Pierre Léaud
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e n bre f
> LE CHIFFRE
C’est, en millions d’euros, le budget de Mahomet, film
le plus cher de l’histoire du cinéma iranien, qui conte
l’enfance du prophète. Selon l’AFP, des manifestants
se sont insurgés avant la projection du film – en partie
financé par l’État iranien – de Majid Majidi au festival
des films du monde de Montréal fin août, accusant les
organisateurs « d’aider la propagande » iranienne. T. Z.
> DÉPÊCHES
PAR T. Z.
des personnages,
un gel silicone était « TOUS CES ACTEURS
appliqué directement SUBLIMES QUI
sur la peau des
ESSAIENT DE NE
acteurs ; ensuite, l’emploi d’un polymère acrylique,
se présentant sous la forme d’une pâte translucide,
PAS L’ÊTRE ET QUI
DÉAMBULENT EN
© chelsea lauren / wireimage
14 septembre 2015
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e n bre f
> LIVRE
Sam Peckinpah
À l’occasion de la
rétrospective que lui
a consacrée le festival
international du film
de Locarno en août,
et parallèlement Du 3 au 13 septembre,
à celle organisée au Forum des
par la Cinémathèque images, L’Étrange
française jusqu’au Festival sonde les
11 octobre, les éditions cinématographies les
Capricci éditent un plus marginales. En
ouvrage richement plus de la compétition
illustré sur le réalisateur internationale, qui
de La Horde sauvage compte vingt films
(1969) et des Chiens parmi lesquels NH10
de paille (1972). de l’Indien Navdeep
Travaillée par le motif Singh ou Ghost Theatre
de la violence et du Japonais Hideo
une réflexion sur les Nakata, trois cartes
instincts des hommes, blanches ont été
sa filmographie est données au Français
décortiquée par de Benoît Delépine, au
fines analyses de critiques de cinéma (Chris Fujiwara, Emmanuel Canadien Guy Maddin
Burdeau, Christoph Huber). Des récits de tournage narrent et au Britannique
les frasques de cet homme colérique qui est parvenu, malgré Ben Wheatley, qui
ses fortes addictions à la drogue et à l’alcool, à élaborer ont concocté un
une œuvre qui a marqué durablement l’histoire du cinéma. T. Z. programme bizarre
Sam Peckinpah, sous la direction de Fernando Ganzo (Capricci) et savoureux. Q. G.
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à su ivre
Aurélien Gabrielli
Dans Quand je ne dors pas de Tommy Weber, il déploie un jeu
sensible pour camper Antoine, un loser romantique qui s’improvise
dealer d’une nuit afin de gagner de quoi partir à la mer.
PAR TIMÉ ZOPPÉ
Q
uand il se prend un râteau lors d’une délaissé son B.E.P. électrotechnique pour mon
soirée, Antoine s’entête et demande ter à Paris à 18 ans et devenir comédien. « Au
à la fille de ses rêves si elle le trouve départ, j’adorais Al Pacino. Beaucoup plus tard,
beau. « Non, rétorque-t-elle, hilare. j’ai découvert le cinéma français, j’ai été fan d’à
Tu n’es pas très gracieux. » Alors qu’on avance peu près tous les grands acteurs : Depardieu,
qu’il faut du courage pour débuter au cinéma Serrault, Galabru, Dewaere… » À l’évidence,
en incarnant un personnage aussi solitaire et son charisme tient davantage de ses idoles
raillé, le jeune homme confie : « Je jouais tout nationales que d’un Pacino à la virilité franche.
au premier degré. C’est à la première vision du Dans le film, son physique évoque un croisement
film que je me suis rendu compte de plein de entre le chanteur Damien Saez et l’acteur Jean-
choses… » Il s’est senti proche de son personnage Pierre Léaud. « Je pense qu’il y a également une
dès la lecture du scénario. « Je pense que c’est ressemblance avec Léaud dans le code de jeu.
au niveau de la maladresse. Antoine a beaucoup Il avait aussi ce truc un peu faux. » Après avoir
de mal à s’exprimer, il est dans sa bulle. » Né en mis en scène certains de ses anciens camarades
Corse il y a vingt-quatre ans, Aurélien Gabrielli a du cours Florent dans la pièce Derniers
remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce en
août dernier au festival l’Ortu d’arte en Corse,
Aurélien Gabrielli écrit en ce moment un film.
« Ça raconte le cauchemar d’un jeune garçon,
dans la veine de Buffet froid de Bertrand Blier. »
Les grands classiques du cinéma français n’ont
visiblement pas fini de l’inspirer.
18 septembre 2015
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ag e n da
Sorties du 9
au 30 septembre
Jamais entre amis L’Oracle
de Leslye Headland de Marcus Vetter
avec Jason Sudeikis, Alison Brie… et Karin Steinberger
Distribution : La Belle Company Documentaire
16 sept.
Distribution : SND Distribution : Alfama Films
Durée : 1h41 Durée : 1h47
Page 58 Page 66
23 sept.
Distribution : Bac Films Distribution : Metropolitan
Durée : 1h43 FilmExport
Page 62 Durée : 1h54
Page 64
Les Chansons que mes frères True Story Les Deux Amis
m’ont apprises de Rupert Goold de Louis Garrel
de Chloé Zhao avec Jonah Hill, James Franco… avec Vincent Macaigne,
avec John Reddy, Distribution : 20 th Century Fox Golshifteh Farahani…
Jashaun St. John… Durée : 1h40 Distribution : Ad Vitam
Distribution : Diaphana Page 64 Durée : 1h40
Durée : 1h34 Page 40
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ag e n da
Sorties du 9
au 30 septembre
Boomerang Mémoires de jeunesse Lamb
de François Favrat de James Kent de Yared Zeleke
avec Laurent Lafitte, avec Alicia Vikander, avec Rediat Amare,
Mélanie Laurent… Kit Harington… Kidist Siyum…
Distribution : UGC Distribution : Mars Distribution : Haut et Court
Durée : 1h41 Durée : 2h09 Durée : 1h34
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30 sept.
Productions Distribution : Gaumont
Durée : 1h43 Durée : 1h30
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24 septembre 2015
histoires du
CINéMA
NI LE CIEL NI LA TERRE
Rencontre avec le réalisateur
ICE CUBE
Le rappeur et son fils nous
ELISABETH MOSS
L’actrice de Queen
de ce premier long métrage parlent de N.W.A. Straight of Earth nous raconte
fascinant p. 32 Outta Compton p. 36 l’après-Mad Men p. 46
Catherine Frot
« Marguerite
est une grande
héroïne tragique
et dérisoire. »
© antoine doyen
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h istoi re s du ci n é ma
M
arguerite marque votre des centaines de fois, en boucle, pendant des
retour au cinéma après semaines, en même temps que j’écoutais la Callas,
trois ans d’absence. Com « Casta Diva » notamment, qui à l’inverse est la
ment êtes-vous arrivée sur perfection incarnée.
le projet ?
J’ai confié à quelqu’un qui Comment avez-vous trouvé l’inimitable voix
travaillait sur le dernier film de Marguerite, qui chante « divinement faux »
de Xavier Giannoli, Superstar, qu’il était l’un des comme le disent cyniquement les critiques ?
metteurs en scène avec qui j’aimerais vraiment tra- Il y a eu tout un travail très technique pour obte-
vailler. Ça lui a été répété et, trois semaines plus nir cette voix : je chantais en play-back, une
tard, j’ai reçu le scénario de Marguerite. J’ai appris octave en dessous, car je ne pouvais pas chanter
par la suite qu’il avait cette histoire dans ses tiroirs si haut, puis on enregistrait ma voix par-dessus,
depuis une dizaine d’années. Le scénario m’a plu mais j’étais aussi en partie doublée par une jeune
tout de suite, mais le film a mis un certain temps à femme, amatrice d’opéra. Xavier a mélangé toutes
se financer, presque deux ans et demi, donc je me ces voix au mixage, du coup on ne sait plus trop
suis préparée pendant tout ce temps, j’ai attendu le qui est qui. J’ai énormément travaillé les chansons
rôle. Un personnage comme ça, c’est de la grande avec une prof de chant, car il fallait que mon play-
dimension, c’est rare. back soit impeccable : je les connaissais toutes par
Qu’est ce qui vous plaisait dans le travail de
Xavier Giannoli ? « Comment se fait-il
Il y a une grande profondeur dans ses films, un
vrai travail autour de la justesse et de la vérité, ce
qu’une telle poésie se
qui fait que l’émotion nous déborde, sans qu’on dégage d’une chose
sache toujours d’où elle vient. Ses personnages
sont extrêmement attachants, et profondément si inécoutable ? »
seuls, que ce soit François Cluzet dans À l’Ori-
gine, Gérard Depardieu dans Quand j’étais chan- cœur, de « Voi che sapete » de Mozart à « Casta
teur, ou Marguerite. Diva » de Bellini… Pour trouver la juste voix du
faux, nous avons organisé un casting très impor-
Qu’est-ce qui vous a séduit chez Marguerite ? tant. Ce n’était pas évident à trouver, certains faux
D’abord l’absurdité de sa situation : chanter faux et étaient trop caricaturaux, d’autres trop ridicules…
ne pas s’en rendre compte. Et puis son inconscience, La chanteuse que nous avons choisie, qui chante
son innocence, sa fraîcheur d’esprit, et en même très bien, avait un chanter-faux poétique, j’y ai cru,
temps je trouve que c’est elle qui a raison sur le je l’ai reconnu. C’était important, pour moi, de le
monde, même si elle est dingue. Elle a à la fois une ressentir de l’intérieur, pour pouvoir le restituer
force et une fragilité immenses. D’ailleurs, dans la en play-back.
dernière partie du film, elle touche à la folie.
Marguerite fait tout pour attirer l’attention de
Marguerite est librement inspiré de la vie son mari, qui la fuit et en a honte… En ce sens,
de Florence Foster Jenkins, une chanteuse Marguerite est aussi l’histoire d’un amour man-
d’opéra américaine, morte en 1944, qui chan- qué, c’est une terrible tragédie.
tait terriblement faux. Connaissiez-vous son Dans la première partie du film, avant qu’il ne
histoire ? commence à la regarder, son mari dit à sa maî-
Non, pas du tout. Je ne suis pas très férue d’opéra. tresse : « Ma femme est un monstre. » Parfois, dans
J’ai été très impressionnée quand j’ai entendu pour la vie, on croise des gens incongrus comme ça,
la première fois son enregistrement de l’« Air de la des dingos, qui peuvent avoir un côté monstrueux.
reine de la nuit » de Mozart sur Internet. Comment Ce genre de personnes hyper enthousiasmantes,
se fait-il qu’une telle poésie se dégage d’une chose qui ont une générosité merveilleuse, qui laissent
si inécoutable ? Parce qu’elle a eu l’audace d’al- des traces, qui donnent des ailes. On en a dans le
ler au bout. C’est un acte quasi artistique, un acte monde du cinéma : regardez Arletty, Michel Simon ;
merveilleux. Quelle grandeur d’âme ! Et en même c’est fantastique, l’empreinte qu’ils laissent, ce sont
temps c’est navrant, c’est d’une tristesse épouvan- des gens qui peuvent surdimensionner les choses.
table. Ce paradoxe est vraiment troublant. Pour me Marguerite, c’est pareil, elle surdimensionne les
mettre dans le rôle, j’ai écouté cet enregistrement choses : elle est petite, elle est minable, elle chante
26 septembre 2015
e ntreti e n
© larry horricks
comme une casserole, et pourtant elle y va, elle se font piétiner mais qu’on aime, des personnages
passe de rien-du-tout à héroïne. Pour moi, c’est à la fois poétiques et un peu effrayants, en ce qu’ils
une grande héroïne tragique et dérisoire, elle a la renvoient à quelque chose de tragique.
puissance d’une Phèdre, d’une Antigone. C’est une
femme en quête d’une grande liberté, qui mourrait Vous avez obtenu le César du meilleur second
pour vivre comme elle le désire. On peut la voir rôle féminin en 1997 pour votre prestation
comme une des premières féministes… mythique dans Un air de famille. Avez-vous le
sentiment que ce personnage, qui vous a révé-
Xavier Giannoli est-il très directif sur le tour- lée au grand public, vous a enfermée dans cette
nage ? Quelles indications vous a-t-il données case de « grande candide » ?
pour le rôle de Marguerite ? Non, car j’ai justement fait en sorte, derrière, de
Il a été très présent, oui. Je me suis parfois sen- refuser les personnages très naïfs et drôles à leur
tie plus un modèle qu’une actrice entre ses mains, insu. Presque deux ans se sont écoulés avant La
comme si j’étais une matière brute qu’il sculptait. Dilettante de Pascal Thomas. C’est un film qui a
Il savait très bien ce qu’il voulait, et j’ai eu envie mis longtemps à se monter, mais je l’ai attendu, ce
de me laisser attraper par lui. Il me poussait vers rôle, car il allait ailleurs. C’était un film drôle aussi,
des choses paradoxales. Vers ce qui est bien et ce mais assez audacieux, différent de ce que j’avais
qui est mal, ce qui est beau et ce qui est laid, ce qui pu faire auparavant. Mais j’ai adoré faire Un air de
est triste et ce qui est gai. Les contradictions des famille. Avant le film, on l’a joué au théâtre pen-
sentiments dans ce film sont exploitées de manière dant un an. Il y avait de tels fous rires qu’on était
magistrale. obligés d’arrêter de jouer ! L’effet de Yolande sur
le public, en direct, je ne peux pas l’oublier. Mais
Selon vous, pourquoi vous a-t-il choisie pour finalement j’ai joué des personnages assez diffé-
incarner Marguerite ? rents : des personnages de pur foklore, comme dans
Je pense que certains des personnages que j’ai les adaptations des romans d’Agatha Christie par
interprétés par le passé et qui m’ont rendue popu- Pascal Thomas, mais aussi des personnages beau-
laire ont à voir avec Marguerite : cette fragilité, coup plus durs, comme dans Vipère au poing, le
cette solitude, cette innocence, qu’on peut retrou- dernier film de Philippe de Broca, des rôles plus
ver chez Odette Toulemonde, chez la Yolande d’Un sombres, comme dans La Tourneuse de pages de
air de famille, chez Winnie dans Oh les beaux jours Denis Dercourt ; maintenant je m’apprête à jouer
de Samuel Beckett, que j’ai joué pendant deux ans dans une comédie farcesque au théâtre, Fleur
au théâtre. de cactus… J’aime passer d’un univers à l’autre,
je ne pourrais pas jouer le même personnage ad
Qu’est-ce qui vous plaît chez ces personnages vitam aeternam. Ce que j’aime, ce sont les person-
de grandes naïves ? nages forts, empreints d’une certaine dureté, ou au
Ça fait un peu partie de moi, je me suis fait remar- contraire d’une grande innocence. J’aime ce qui
quer en partie par ça. Ce sont des personnages qui est expressif.
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h istoi re s du ci n é ma - e ntreti e n
« J’aime les
personnages forts,
empreints d’une
certaine dureté,
ou au contraire
d’une grande
innocence. »
© larry horricks
Quel souvenir gardez-vous de votre premier Vous avez pour le coup un vrai talent comique.
tournage pour le cinéma ? Est-ce ce qui vous a poussé à vouloir devenir
C’était pour Mon oncle d’Amérique d’Alain Resnais comédienne ?
[sorti en 1980, ndlr]. Je devais avoir 20 ans, j’avais Oui, je pense. Chez Peter Brook, à 24 ans, je faisais
les cheveux très longs… Je me souviens que la servante avec Michel Piccoli dans La Cerisaie
Resnais avait énormément de temps pour tourner, de Tchekhov. C’était déjà un personnage de fille
on filmait une toute petite chose par jour. C’était complètement illuminée… Je voyais bien que je
mon tout premier rôle de cinéma, et après j’ai faisais rire, sans toujours le faire exprès – comme
attendu longtemps avant d’y revenir, à 39 ans. J’ai aujourd’hui d’ailleurs : parfois je pense que je vais
fait du théâtre et de la télévision entre-temps. J’ai faire rire et ça ne marche pas, et inversement…
commencé le théâtre jeune, j’avais fondé une com- En ce sens, je pense que je suis un bon choix pour
pagnie, on jouait au Off d’Avignon, c’était formi- Marguerite.
dable. On était très peu payés, mais je gagnais ma
vie à la télévision, c’était plus facile pour les jeunes On vous verra dans Fleur de cactus à partir du
comédiens à l’époque. 25 septembre au Théâtre Antoine, aux côtés
de Michel Fau, qui interprète votre professeur
L’un des cruels enseignements du film est que de chant dans Marguerite. Que vous apporte
la passion et le travail ne font pas le talent. le théâtre que ne vous apporte pas le cinéma ?
Oui, malheureusement, il arrive que certaines per- La scène, la maîtrise et la responsabilité de son
sonnes se donnent à corps perdu pour un résultat corps en entier, sans que personne n’aille en cou-
lamentable. C’est toute l’histoire du clown triste per des bouts comme au cinéma.
dans Le Cirque de Charlie Chaplin [réalisé en
1928, ndlr]. Dans ce film, Charlot, poursuivi par Et à l’inverse, quel est pour vous le plus du
un âne, entre sans le vouloir dans un cirque, fait cinéma ?
dix fois le tour de la piste, et le public est mort de Le mythe de l’image, cette drôle de chose qui
rire. Le lendemain, la salle est pleine, et on lance reste.
l’âne à ses trousses, à son insu. Mais au bout d’un
moment, il comprend le système, et il devient nul. Marguerite
de Xavier Giannoli
Plus tard, il passe des auditions comme clown, il avec Catherine Frot, André Marcon…
se donne à fond, mais il est déplorable, parce qu’il Distribution : Memento Films
Durée : 2h07
se sait regardé. C’est à mourir de rire. Sortie le 16 septembre
28 septembre 2015
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h istoi re s du ci n é ma – scè n e cu lte
La réplique :
« Comment se fait-il qu’une gentille fille
comme toi fasse ce métier-là ? »
Irma la Douce
À Paris, un flic idéaliste (Jack Lemmon) est muté dans un quartier
où exercent des prostituées. Il tombe amoureux de la douce Irma
(Shirley MacLaine). Dans ce film inégal et extravagant sorti en 1963,
Billy Wilder dispense quelques-unes de ses plus belles
étincelles comiques.
PAR MICHAËL PATIN
© rda
L
e dix-neuvième long métrage de Billy Irma conte une histoire de rêve brisé et le mon-
Wilder s’ouvre sur une vue d’une rue sieur, ému, replonge la main dans son portefeuille.
populaire d’un Paris de studio repeint en Presque tout l’art de Billy Wilder est contenu dans
Technicolor. La caméra avance jusqu’à la cette séquence d’ouverture : observation mordante
plus jolie môme du quartier, cette Irma la Douce des mœurs, farce de la séduction, mensonge des
qui fait le pied de grue, cigarette dans une main apparences et génie du comique de répétition – la
et petit chien dans l’autre. Un monsieur apparaît, scène est déclinée jusqu’à la fin du générique d’ou-
comparant les avantages des dames sans se déci- verture. Avant même l’apparition de son acteur
der, avant de dépasser la brindille qui fait mine fétiche, Jack Lemmon, on sait que le réalisateur de
de l’ignorer. Caresse au chien, mot à l’oreille, elle Certains l’aiment chaud (1959) va nous régaler.
éjecte sa cibiche et l’entraîne dans l’hôtel en rou-
lant des hanches. La caméra s’élève par l’exté- Irma la Douce
de Billy Wilder
rieur jusqu’à l’étage. Ellipse : dans la chambre, les avec Jack Lemmon, Shirley MacLaine…
amants se rhabillent. « Dis-moi, comment se fait-il Distribution : Ciné Sorbonne
Durée : 2h27
qu’une gentille fille comme toi fasse ce métier-là ? » Ressortie le 16 septembre
30 septembre 2015
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NI LE CIEL NI LA TERRE
CLÉMENT
COGITORE
32 septembre 2015
e ntreti e n
L
e film entrelace plusieurs genres erreurs. Cela dit, mon film n’est pas sur le conflit
et thèmes. Quel a été son point de afghan, il ne donne aucune leçon de géopolitique.
départ ?
Un jour, dans une gare, devant un Dans sa première partie, le film reprend les
avis de recherche de personnes dis- codes du documentaire, il est très précis sur le
parues, je m’étais dit qu’en fait per- quotidien du régiment et les techniques mili-
sonne ne disparaît vraiment – ces taires. Quelles recherches as-tu faites ?
gens-là ont soit refait leur vie, soit ont été assassi- Je me suis beaucoup documenté, j’ai rencontré
nés… Qu’est-ce qui se passerait si des personnes des soldats, j’ai regardé des vidéos d’opérations…
pouvaient réellement disparaître, purement et Souvent les choses pleines de bon sens viennent du
simplement, de la surface de la Terre ? Il s’agis- réel ; par exemple la manière dont les talibans se
sait de traiter du non-sens de la mort, du deuil cachent dans les rochers dans le film, qui est une
impossible, en y injectant du surnaturel. Il y avait technique de camouflage ultra rudimentaire et très
aussi l’idée d’un polar métaphysique, qui jouerait ancienne. Ensuite, j’aime confronter ces éléments
avec le fantastique. documentaires à des choses qui n’appartiennent
qu’à moi, qui sont mes obsessions, mes peurs, ma
Comment est venue l’idée de faire se dérouler vision du monde.
le récit dans le contexte d’une guerre ?
Comment fait-on la guerre aujourd’hui ? Quels À l’image, comment as-tu travaillé cet ancrage
outils utilise-t-on ? Ce sont des questions qui m’in- documentaire ?
téressent beaucoup. La guerre passe par l’image. Soit on s’appelle Kathryn Bigelow, on a beaucoup
Les uniformes ne sont plus destinés à se rendre d’argent et on reconstruit tout en studio, soit on fait
invisible de l’œil, mais des capteurs numériques un film indépendant à petit budget et il faut utili-
– le motif du camouflage reprend la forme d’un ser d’autres astuces. Pour moi, c’était donc lumière
pixel. Le principe même de la guerre, c’est de naturelle, caméra épaule, et un dispositif de repor-
contrôler le plus possible son adversaire. J’avais tage – c’est-à-dire que la valise image tenait dans
envie de raconter ce dispositif de contrôle, et de le un sac à dos. Ensuite, je n’arrive pas avec un décou-
confronter au thème de la disparition, qui est cen- page en tête. On expérimente, on recherche en
tral dans la guerre : on sait qu’on part avec un cer- même temps qu’on fait le film. C’est ce qui donne
tain nombre d’hommes et qu’on ne va pas tous les les accidents du cadre, quelque chose de plus libre,
ramener. de plus souple.
Si le cinéma hollywoodien s’empare régulière- Les paysages montagneux jouent un rôle impor-
ment des conflits actuels, c’est en revanche tant dans la perte de repères progressive des
plus rare dans le cinéma français. soldats. Comment les as-tu choisis et filmés ?
Ce que j’aime dans le cinéma américain, c’est leur J’ai cherché le bon endroit dans toutes les mon-
manière de déceler le mythe dans des événements tagnes du Maroc, où on a tourné. Je cherchais un
qui sont en train de se produire. Ça manque dans le paysage très minéral, escarpé, avec beaucoup de
cinéma français et européen d’aujourd’hui, mais ça profondeur. Il fallait qu’il dégage quelque chose
n’a pas toujours été le cas, par exemple avec Rome d’assez mélancolique, mais aussi de rugueux,
ville ouverte ou Allemagne année zéro de Roberto d’austère. J’avais aussi en tête des éléments du
Rossellini. Cette contemporanéité me paraît essen- western médiéval, avec un fort, des chevaliers…
tielle ; ne pas avoir l’histoire derrière soi, mais la L’homme et la montagne. Dans le film, on est
traiter dans une espèce d’urgence, quitte à faire des soit très proche, caméra épaule, dans l’énergie
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34 septembre 2015
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N.W.A
STRAIGHT OUTTA COMPTON
© universal pictures
RENCONTRE AVEC ICE CUBE ET SON FILS
De gauche à droite et de haut en bas : Ice Cube, F. Gary Gray, Dr. Dre, O’Shea Jackson, Jr., Jason Mitchell et Corey Hawkins
C
PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC VERNAY
’est chose rare que de pouvoir Knight, il s’est carrément rendu sur le tournage et a
tourner son propre biopic de écrasé deux personnes avec sa voiture. Désormais
son vivant, comme l’ont fait Ice en prison pour meurtre, le cofondateur de Death
Cube et Dr. Dre avec N.W.A. Row, le label créé par Dr. Dre après avoir quitté
Straight Outta Compton. C’est N.W.A, donne ainsi raison à son effrayant double
aussi chose périlleuse. Car for- cinématographique… Impossible de contenter
cément, chacun a sa version de tout le monde : c’est aussi ce que raconte le réalisa-
l’histoire : des ex de Dr. Dre l’ont accusé de taire teur F. Gary Gray via le parcours émaillé de zones
ses violences conjugales à l’écran ; le premier d’ombre (trahisons, jalousie, avidité) des pionniers
manager de N.W.A a réfuté la personnalité (peu du gangsta-rap. Pourquoi leurs explicit lyrics eigh-
flatteuse) qu’on lui prête ; et MC Ren (un autre des ties sonnent-ils si justes en 2015 ? Un passage de
membres de N.W.A) s’est plaint de ne pas figu- témoin commenté par Ice Cube (O’Shea Jackson
rer dans la bande-annonce du film. Quant à Suge dans le civil) et son fils, O’Shea Jackson, Jr.
36 septembre 2015
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Ice Cube, votre fils vous incarne dans le film. mon fils pour qu’il se sente à l’aise en m’incarnant,
C’était votre idée ? qu’il n’ait pas l’impression d’être un robot. Surtout,
Ice Cube : Oui. En tant que producteur, tu es censé je voulais éviter de lui coller une pression supplé-
protéger le film. Pour jouer mon rôle, j’ai cher- mentaire – et inutile.
ché quelqu’un de parfait pour le job. Mon fils a
fait les tournées avec nous quand il était petit, il O’Shea Jackson, Jr., avez-vous appris des
a commencé à rapper à 18 ans avec moi. C’était choses sur votre père en vous replongeant dans
impossible de trouver quelqu’un qui me connaisse son histoire ?
mieux, qui me ressemble plus, physiquement et Jr. : Ce qui m’a frappé, c’est le degré de courage
musicalement. que mon père avait à l’époque, alors qu’il était très
O’Shea Jackson, Jr. : Je n’avais aucune expérience jeune. Quand il a quitté N.W.A pour entamer une
d’acteur avant ce film. C’était beaucoup de pres- carrière solo, il n’avait pas de plan précis. C’est
sion, pour un début, de jouer mon père dans un film étonnant, parce que d’habitude il aime tout pro-
sur N.W.A… Mais je disposais de tous les outils grammer. Il faut des tripes pour quitter ses amis et
dont j’avais besoin. Pendant deux ans, j’ai passé son groupe, alors au sommet, et repartir de zéro. Il
des auditions, je me suis entraîné avec les coaches faut aussi de l’intégrité pour dire : « Je ne suis pas
de Will Smith et de Tom Cruise, et, peu à peu, j’ai d’accord, quelque chose cloche dans ce groupe, et
pris confiance en moi. je refuse d’en faire partie, car je ne me reconnais
plus là-dedans. »
« Pendant qu’on filmait Pour vous transformer en Ice Cube jeune, vous
les scènes d’émeutes, avez perdu six kilos…
I. C. : Pas six, sept !
les gens descendaient Jr. : Sept kilos, oui, en vingt-quatre jours. J’ai fait
de la musculation, j’ai bu de l’eau – de l’eau spécial
dans la rue à Ferguson. » régime, sans matière grasse ! (rires) Je n’ai jamais
O’Shea Jackson, Jr. été aussi bien foutu de toute ma vie, OK, mais ça
n’a pas été de tout repos.
Dans cette situation, en tant que père, faut-il
surveiller le travail de son fils de près ? Et la perruque à 15 000 dollars que vous portez
I. C. : J’étais sur le tournage de N.W.A. Straight sous la casquette noire des Raiders, ce n’est pas
Outta Compton pendant les trois ou quatre pre- une légende ?
mières semaines, puis j’ai dû rejoindre celui de Jr. : (rires) Non ! On ne peut pas se permettre de
Mise à l’épreuve 2 [qu’il produit et dans lequel il perdre le public à cause d’une perruque mal foutue.
joue, ndlr]. Du coup, j’ai suivi un peu tout ça à dis- On a un message à faire passer, tout doit paraître
tance. C’était bizarre de ne pas être là en personne. authentique. On ne pouvait pas se contenter de cho-
Mais non, je n’ai pas eu à surveiller O’Shea. Il était per une perruque un peu cheap dans un magasin
dur avec lui-même. Il avait les coaches qui l’enca- d’accessoires pour Halloween. Il fallait qu’on se
draient. F. Gary Gray a fait le reste ; c’est lui, le réa- retrouve plongés dans les années 1980, avec les
lisateur, pas moi ! Le seul truc en mon pouvoir, en looks hip-hop de l’époque. Si tu t’écartes de l’image
tant qu’artiste portraituré, c’était d’« immuniser » originale, tu perds direct le public.
© universal pictures
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© universal pictures
Ice Cube, quel effet ça procure de se voir repré- deux heures. On savait qu’on ne tournait pas un
senté à l’écran, de son vivant ? documentaire, avec la caméra ballottée n’importe
I. C. : J’ai eu l’impression de me dédoubler. C’est comment. On devait établir un décor, des person-
marrant, parce que je n’ai jamais pensé que ma nages, et en faire de l’art. C’est le boulot du réali-
vie prendrait cette tournure. Loin de là. Donc tout sateur. Comment faire ça et rester authentique ? Tu
est nouveau, excitant et fascinant. Quand j’étais prends des choses qui ont réellement eu lieu sur
gamin, j’allais au cinéma voir les films de Bruce plusieurs années et tu les condenses en quelques
Lee, puis je sortais de la salle en me prenant pour scènes, sinon tu perds le spectateur. Tous les bio-
lui, en donnant des coups de pied… Maintenant, pics font ça. Il faut juste que ça paraisse réel. On
je suis sur l’écran, et les gamins m’imitent. Ils n’a pas menti. On raconte l’histoire de N.W.A, mais
reprennent l’attitude, veulent le même pouvoir. aussi celle du Los Angeles de l’époque. Ça dépasse
C’est génial d’inspirer les gens avec une histoire N.W.A. Ce n’est pas uniquement un film sur du
comme la nôtre. Vu là d’où l’on vient, ça peut ins- rap, des sessions studios et des concerts. Le film se
pirer les jeunes des ghettos : est-ce qu’ils peuvent demande pourquoi on écrivait cette musique. Car
eux aussi y arriver ? Le film dit que oui. Parce que, elle ne venait pas de nulle part.
bien sûr, ils le peuvent.
La totalité du disque Straight Outta Compton a
Le tournage a eu lieu à Compton, la ville dans été réenregistrée pour ce biopic, et notamment
laquelle vous avez grandi… le titre « Fuck the Police ». Ce morceau contro-
I. C. : J’ai grandi à Compton, oui, mais pas mon versé date de 1988, mais ses paroles ont des
fils. Lui a grandi ailleurs, dans une grande maison ! échos contemporains : on pense notamment aux
Jr. : On a toujours de la famille là-bas. Donc, au récentes émeutes de Ferguson et de Baltimore,
final, j’étais entouré par les miens. Tous les gens en réaction aux violences policières…
du coin, tous ceux qui passaient sur le plateau fai- Jr. : Le film évoque le passé mais parle du pré-
saient en sorte de nous soutenir. Les habitants sent. Toutes les personnes en position de pouvoir
de Compton voulaient faire partie de l’aventure, abusent de ce pouvoir. Il y a des oppresseurs par-
ils voulaient que ce projet représente de la meil- tout. C’est universel, c’est pourquoi tout le monde
leure manière la ville et ses icônes. Il y avait des peut se retrouver dans ces textes. On filmait les
familles entières sur leur toit, en train de nous scènes d’émeutes, alors qu’au même moment, les
regarder tourner. Ils nous apportaient de la nour- gens descendaient dans la rue à Ferguson. Dès le
riture et des boissons… On pouvait sentir la posi- départ, on avait une sacrée pression pour représen-
tivité dans l’air. ter ces icônes du rap. Avec ces événements, elle a
encore augmenté.
Ice Cube, vous produisez le film avec Dr. Dre.
N.W.A. Straight Outta Compton
N’était-il pas tentant de vous mettre en valeur ?
de F. Gary Gray
I. C. : Tout ce qu’on voit dans le film a eu lieu. Bien avec O’Shea Jackson, Jr., Corey Hawkins…
sûr, on a dû résumer certaines choses, car c’est Distribution : Universal Pictures
Durée : 2h27
impossible de raconter une histoire de dix ans en Sortie le 16 septembre
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40 septembre 2015
« Mes amis,
je sais où ils
dorment ;
pas mes
copains. »
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© ad vitam
u’est-ce qui lie Clément, Abel comédie sur les sentiments ; mais pendant le tour-
et Mona, les trois héros des nage je me suis dit que j’allais prendre tous les sen-
Deux Amis ? timents avec le plus grand sérieux. C’est peut-être
Mon idée, c’était qu’ils n’aient ce mélange qui donne l’impression que les dialo-
pas vraiment de plan de car- gues sont durs mais pas si désagréables à entendre.
rière, qu’ils soient un peu
en marge. Leur ambition, ce À un moment, les trois héros se retrouvent sur
n’est pas de décrocher un job, mais d’être aimés. le tournage d’une séquence qui se passe pen-
Généralement, quand on a une trentaine d’années, dant les émeutes de Mai 68. Est-ce un clin d’œil
on est dans le devenir. Eux, ils sont dans une pré- à ta propre filmographie ? On pense aux Amants
occupation sentimentale constante, ils n’ont que réguliers de Philippe Garrel, à Innocents. The
ça pour se raccrocher au monde, ce qui les rend Dreamers de Bernardo Bertolucci…
un peu adolescents. C’est pour ça que je pense Au départ, c’était un gag : le personnage de Vincent
que les jeunes gens qui verront le film pourront vient figurer dans un film qui cherche à recréer un
s’identifier. grand mouvement collectif. Mais lui fait la chose
la plus individualiste au monde : une tentative de
Les personnages changent d’état d’âme de suicide. Après, c’est vrai que j’ai joué dans deux
façon très brutale. Par exemple, au moment de films qui parlent de ce mouvement insurrectionnel,
la rupture entre les deux amis, quand Clément un pur moment de génération. Philippe [Garrel,
décide de « quitter » Abel. son père, ndlr] essayait de faire des images à par-
Avec Christophe Honoré [qui cosigne le scénario, tir de ses propres souvenirs ; Bertolucci, lui, était
ndlr], on s’est dit que, puisque c’est un film senti- plus dans le fantasme, car il n’était pas à Paris à
mental, il faut qu’il y ait de l’action. Quand on tou- cette période. Donc cette séquence fonctionne un
chait à un sentiment, il fallait tout de suite virer à peu comme les poupées russes : je refais ce que
droite, à gauche, de peur de le laisser s’étioler. j’ai connu sur des tournages qui eux-mêmes appa-
raissent comme différentes manières de se rappe-
D’ailleurs, on reconnaît bien la patte de ler un moment. Comme un souvenir de souvenirs…
Christophe Honoré, notamment dans les dia-
logues qui, dits avec la plus grande dérision ou D’où est venue l’idée du secret de Mona qui,
avec une certaine nonchalance, sont parfois détenue sous le coup d’une mesure de semi-
porteurs d’une intense cruauté. liberté, doit chaque soir regagner sa cellule ?
Christophe est tendre, sentimental, mais aussi très L’intrigue s’inspire des Caprices de Marianne
pudique. Ses personnages sont parfois donneurs d’Alfred de Musset. Un homme demande de l’aide à
de leçons, mais, quand ils font cela, c’est toujours un autre pour conquérir le cœur d’une femme, mais
avec légèreté. À l’écriture, on essayait de faire une celle-ci tombe amoureuse du second. Dans la pièce,
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e n couve rtu re
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44 septembre 2015
e n couve rtu re
CRITIQUE
©ad vitam
L
e duo formé par Louis Garrel et Vincent vend des pâtisseries à la gare du Nord, est en fait
Macaigne dans Les Deux Amis s’inscrit en semi-liberté : chaque fin de journée, elle doit
dans la tradition du buddy movie à la fran- prendre le train pour regagner sa cellule. Épaulé
çaise façon Les Valseuses de Bertrand Blier par Abel, Clément, follement épris de la jeune fille,
ou Marche à l’ombre de Michel Blanc. De ces deux l’empêche un soir de rentrer. D’abord catastrophée,
films, il garde la truculence des dialogues, et lui celle-ci s’autorise une parenthèse d’exaltation sans
adjoint une sentimentalité à fleur de peau. On a ici réfléchir aux graves conséquences que sa cavale
affaire au motif classique de l’amitié dépareillée, pourrait entraîner. Mona est un personnage vibrant
bienveillante et chipoteuse. D’un côté, Abel (Louis parce qu’elle embrasse le moment présent sans se
Garrel), un bourreau des cœurs, qui se prétend projeter ; elle n’hésitera pas à mettre à mal le lien
écrivain mais travaille surtout dans un parking ; entre Abel et Clément en succombant au charme
de l’autre, Clément (Vincent Macaigne), un amou- du premier. Figure tragique en ce qu’elle est sou-
reux transi, pataud et fragile, qui fait de la figura- mise à une forme de fatalité, elle vit presque dans
tion sur les plateaux de tournage. Leur rencontre un autre film que nos deux fantaisistes, qui ne
avec un troisième personnage, Mona (Golshifteh sont pas dans la même urgence. Ainsi, dans cette
Farahani), va secouer les deux acolytes et faire ronde endiablée, la comédie s’imprègne du drame,
bifurquer le film dans une direction inattendue. Si et inversement, comme en témoigne le dernier plan
Les Deux Amis fait la chronique de la relation mou- du film, qui réunit les deux amis en même temps
vementée entre ces deux garçons qui entretiennent qu’il les sépare, un peu.
un lien profond (il n’y a qu’à voir la manière dont
de Louis Garrel
Garrel filme la caresse que donne Abel à Clément avec Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani…
lors qu’il vient à son chevet à l’hôpital), c’est éga- Distribution : Ad Vitam
Durée : 1h40
lement un film d’évasion frénétique ; car Mona, qui Sortie le 23 septembre
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Queen of Earth
Elisabeth
Moss
46 septembre 2015
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Pendant les sept saisons qu’a duré la série, elle fut la sémillante Peggy
de Mad Men, secrétaire discrète devenue, au fil de sa formidable ascension
professionnelle, symbole de l’émancipation des femmes dans les
années 1960. À l’affiche de Queen of Earth d’Alex Ross Perry, Elisabeth
Moss change de registre en interprétant Catherine, jeune femme en crise
qui trouve refuge dans la maison de campagne d’une amie et sombre
dans la folie. Un rôle à mi-chemin entre la farce et l’épouvante, dont elle
nous a parlé par téléphone, depuis son appartement new-yorkais.
Propos recueillis par Juliette Reitzer
A
près Ashley dans Listen Up basculer dans le délire. Je pense que Catherine est
Philip, Alex Ross Perry vous arrivée à un stade où elle accepte de se laisser aller
offre à nouveau le rôle d’une à sa folie, et même qu’elle veut y aller. Elle s’y com-
femme prise dans la tour- plaît, d’une façon un peu tordue.
mente d’une rupture amou-
reuse. De laquelle de ces deux Cette femme qui sombre dans la démence rap-
héroïnes vous sentez-vous la pelle le personnage joué par Gena Rowlands
plus proche ? dans Une femme sous influence de John
Ashley, définitivement. J’avais mis beaucoup de Cassavetes, ou celui interprété par Catherine
ma propre expérience des ruptures dans ce rôle… Deneuve dans Répulsion de Roman Polanski.
Ashley et Catherine sont totalement différentes, Aviez-vous des références en tête au moment
mais les films le sont aussi. L’enjeu de Listen Up de tourner ?
Philip était d’être très réaliste, alors que Queen of J’aime énormément Une femme sous influence.
Earth est très polarisé, il explore un genre plus Mais le film que j’ai en effet regardé pour me pré-
spécifique. parer, avant le tournage, c’est Répulsion. C’était
une inf luence énorme pour moi, tout comme
Le tournage de ce film indépendant à petit bud- Rosemary’s Baby d’ailleurs [également de Roman
get a été particulièrement rapide. Polanski, ndlr]. J’ai piqué à Répulsion l’idée de la
Le tournage a duré onze ou douze jours seule- petite robe blanche, que porte Catherine Deneuve
ment. Mais quand vous n’avez qu’un seul décor, dans le film, et qui lui donne un air très vulnérable.
vous gagnez beaucoup de temps. Il n’y avait Bon, par contre, Deneuve est belle à tomber dans le
qu’une dizaine de personnes dans l’équipe, c’était film. Ses cheveux sont tout le temps impeccables,
très intime. Quand vous réduisez la taille du tour- elle est sublime. Je voulais que mon personnage
nage, vous réduisez aussi les contraintes et le temps dans Queen of Earth soit un peu plus réaliste, en
nécessaire à lancer la machine. Honnêtement, on ne ce sens qu’elle n’est pas aussi soignée. Elle peut ne
travaillait pas du tout dans l’urgence. On a même pas être jolie, ou avoir les cheveux sales.
fini en avance, chose qui ne m’était jamais arrivée.
Catherine est définie par sa dépendance émo-
Alex Ross Perry vous laissait-il de la place pour tionnelle à deux hommes, son père et son com-
improviser ? pagnon, qui viennent tous les deux de dis-
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’impro- paraître – le premier est mort, le second l’a
visation, parce que ça renvoie à l’idée d’inventer quittée. L’épisode d’instabilité qu’elle traverse
des dialogues sur le vif, ce qu’on ne faisait pas, ne peut-il pas être vu comme une lutte inté-
mais il est très partant pour essayer des choses dans rieure pour s’émanciper ?
la manière de jouer, dans l’émotion. Et j’ai suffi- Si. Pour moi, c’est même le grand enjeu du film.
samment confiance en lui pour tenter des trucs, Catherine a tout construit sur ses rapports avec les
en sachant que si ça ne va pas il n’aura aucun pro- hommes. Si elle n’a pas un homme dans sa vie,
blème à me le dire. elle ne sait pas qui elle est, ni qui elle veut être.
D’ailleurs, dans beaucoup de films et de séries,
Avez-vous mis des mots sur le trouble mental de les femmes sont définies uniquement en fonction
Catherine ? Avez-vous fait des recherches sur des problèmes qu’elles rencontrent dans leurs rela-
certaines pathologies psychiatriques ? tions avec les hommes. Alors que bon, ça semble
Pas vraiment, non. Je crois que je ne l’ai jamais évident, mais rappelons-le tout de même : en tant
envisagée comme une vraie malade mentale. On a que femme, nous avons tout un tas d’autres choses
tous par moments le sentiment d’être fou ou de le à gérer dans notre vie que nos relations avec les
devenir, mais en général on sait comment ne pas hommes… En tout cas, ce qui m’a plu dans ce film,
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h istoi re s du ci n é ma
48 septembre 2015
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h istoi re s du ci n é ma
YIORGOS
KORDAKIS PAR TIMÉ ZOPPÉ
C
omme beaucoup d’enfants nés au le même : entre deux séjours à New York, où il rési-
début des années 1970, le Grec dait, il prenait l’avion vers un État américain, dans
Yiorgos Kordakis a grandi avec lequel il louait une voiture qu’il conduisait pendant
les séries télé et les films améri- des jours pour découvrir et photographier la région.
cains. À travers les deux chaînes « On a plein de clichés sur les États-Unis, affirme le
que diffusait, à Athènes, sa télévi- photographe. J’ai essayé de les éviter, mais, au bout
sion familiale aux couleurs pâles, du compte, je me suis rendu compte que l’Amérique
les États-Unis lui apparaissaient comme une terre est effectivement un énorme cliché. C’est comme un
lointaine et exotique. À l’âge adulte, il a décidé d’al- décor de studio prêt à être filmé. » Ses pérégrinations
ler voir à quoi ressemblait vraiment le pays de Clint aboutissent à la série 10.000 American Movies, des
Eastwood et de Steve McQueen. À partir de 2008, photos à la fois douces et mélancoliques qui confèrent
pendant près de cinq ans, Kordakis a ainsi arpenté un aspect suranné, voire spectral, aux paysages du
le territoire américain pour confronter ses souve- pays de l’Oncle Sam. Comme dans Global Summer,
nirs d’enfance à la réalité. Le procédé était toujours sa précédente série, qui l’a fait connaître, Kordakis
50 septembre 2015
portfolio
« De Las Vegas, on a tous l’image de cette grande artère pleine de casinos. Mais si on regarde à gauche et
à droite de cette route, la ville est complètement différente. Elle semble beaucoup plus pauvre, pas du tout
glamour. Je conduisais sur ce boulevard et j’ai aperçu, en vision périphérique, cet endroit. Je me suis arrêté
et j’ai passé quatre heures à le prendre en photo. Il s’agit de deux images juxtaposées, ce qui crée un effet de
CinemaScope. »
a obtenu ce rendu particulier grâce au Polaroid qui un projet qu’il présente comme « un manifeste sur
permet de jouer sur le temps de développement juste la perte de l’identité grecque », Yiorgos Kordakis a
après la prise de vue et ainsi de modifier directement commenté pour nous ses images. En commençant par
les couleurs et les contrastes. Alors qu’il avait com- expliquer pourquoi il ne souhaite pas nous indiquer
mencé 10.000 American Movies avec ses propres les lieux où ont été prises chaque photo, « sinon les
stocks de papier photo, il a subi les conséquences gens pensent qu’il s’agit d’un projet de voyage. Ça
de l’abandon, en 2007, de la production de maté- n’a rien à voir avec le voyage. »
riel argentique par la société Polaroid. Il a inlassa- « 10.000 American Movies »
blement guetté les occasions pour acheter des films jusqu’au 26 septembre
neufs ou même périmés à des particuliers. Palliant à la galerie Karsten Greve
tant bien que mal au problème, c’est finalement le vol
Crédit pour toutes les images :
de son appareil photo qui a signé l’arrêt de son projet, Yiorgos Kordakis
en 2012. Par Skype, depuis Athènes, où il est revenu courtesy galerie Karsten Greve, Köln, Paris,
s’installer depuis peu et où il travaille maintenant sur St. Moritz
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h istoi re s du ci n é ma
« Je trouvais intéressant que ce bâtiment ait l’air faux, comme un décor de film. Quelque temps après avoir pris
cette photo, j’ai revu Don’t Come Knocking (2005), l’un des longs métrages que Wim Wenders, qui fait partie
de mes réalisateurs favoris, a réalisés aux États-Unis. Je me suis aperçu que le film avait été tourné dans la
ville où j’avais pris ce cliché. Ça atteste ce que j’avais senti se produire pendant le projet, le fait que je m’étais
progressivement mis à regarder les lieux avec un œil de réalisateur plus que de photographe. »
52 septembre 2015
portfolio
« Une fois que j’avais pris un cliché, je le manipulais à la lumière. Polaroid donne des conseils pour développer
les photos. Par exemple, si la température est de 35 °C, il faut la développer en trente secondes. Pour ce travail,
j’ai fait varier ce temps de développement entre dix secondes et une minute, pour créer différents effets de
couleur. Je n’ai donc pas du tout utilisé Photoshop. J’ai développé ces photos sur un papier de la taille d’une
carte postale, puis je les ai scannées et imprimées en grand format. »
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h istoi re s du ci n é ma
« Cet endroit se trouve littéralement au milieu de nulle part. Je savais qu’il y avait des gens, mais pendant les
deux heures que j’ai passées là, en début d’après-midi, je n’ai vu absolument personne. Tout était vide. Une
vraie ville fantôme. Sur les bords de la photo, que je n’ai pas prise avec un Polaroid mais avec un Fujifilm, un
autre appareil photo instantané que j’ai utilisé pendant le projet afin de rendre les couleurs plus chaudes, on
peut voir la chimie qui a opéré sur le film. »
54 septembre 2015
portfolio
« Aux États-Unis, en particulier dans les États du Midwest, tout est resté comme dans les années 1970 : il y
a des vieilles voitures, des vieux bâtiments, des vieux panneaux… exactement comme on l’imagine. J’ai eu
beaucoup de chance pour cette image, parce que je voulais seulement photographier l’architecture. Je ne voulais
pas d’éléments humains dans la série. Au moment de déclencher le Polaroid, cette voiture s’est arrêtée devant
l’objectif. J’ai trouvé la couleur incroyable, ça m’a convaincu. »
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56 septembre 2015
les F I L M
du 9 au 30 septembre
S
FOU D’AMOUR THE LOOK OF SILENCE MARYLAND
Le journal d’un curé de Joshua Oppenheimer Alice Winocour met
campagne diaboliquement documente un génocide en scène un thriller
sympathique p. 66 méconnu p. 68 parano-romantique p. 74
C
PAR HENDY BICAISE
hez Kiyoshi Kurosawa, les person- un mur tapissé de fleurs tel un message funeste) et
nages doivent apprendre à vivre numériques (les ombres portées et les halos de fumée
avec les morts, qu’il s’agisse de sont réalisés en postproduction, ajoutant à leur étran-
spectres étonnamment tangibles, geté) pour signifier la présence des autres revenants
comme dans Kaïro (2001) ou dans que Yusuke et Mizuki croiseront au fil de leur voyage
Séance (2004), ou bien d’un gar- à travers le pays. Les fantômes qu’ils rencontrent, eux,
çon sorti du coma qui, de retour ne sont pas conscients d’en être. Ils se croient encore en
auprès d’une famille ayant fait son deuil, passe pour vie et agissent de façon triviale, comme les jeunes sui-
un authentique revenant (License to Live, 2000). cidés qui retrouvaient leurs proches dans Kaïro. Dans
Quelques minutes suffisent généralement aux vivants ce dernier film, la réunification était illusoire et consis-
pour accepter ces présences fantomatiques, comme tait à repousser l’inéluctable, ainsi énoncé : « La mort
on s’habitue à la pénombre. Yusuke, le héros de Vers est un isolement éternel. » Vers l’autre rive est porteur
l’autre rive, est mort depuis trois ans quand il rentre de plus d’espoir, Kurosawa allant jusqu’à insérer dans
chez lui. Sa femme Mizuki le reçoit avec simplicité et son récit de magnifiques et inattendus intermèdes à
accepte même de partir en voyage avec lui. Le spec- caractère scientifique : Yusuke, conférencier improvisé
tateur, en revanche, est moins serein. L’apparition de dans un village qui l’a accueilli, rassure des habitants
Yusuke est inquiétante, parce qu’elle s’accompagne récemment endeuillés : « La vacuité n’est pas dénuée
d’une disparition : celle du son. À contre-courant des de sens. » Un message qui s’applique parfaitement
films visant à faire sursauter le public, Kurosawa dis- au cinéma de Kiyoshi Kurosawa, dont le caractère
tille une peur blanche, faisant naître l’angoisse des jeux évanescent n’a jamais compromis la grande richesse.
de lumière et de son qui accompagnent les allées et
de Kiyoshi Kurosawa
venues du fantôme. Tout au long du film, le réalisateur avec Eri Fukatsu, Tadanobu Asano…
s’appuie ainsi sur un heureux mélange d’effets arti- Distribution : Version Originale / Condor
Durée : 2h07
sanaux (une lampe invisible dévoile progressivement Sortie le 30 septembre
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le s fi lm s
Youth
Après avoir sondé les contours inquiétants de la société romaine dans
La grande bellezza, Paolo Sorrentino réalise avec Youth un buddy
movie fellinien dans lequel Michael Caine et Harvey Keitel étincellent.
PAR MEHDI OMAÏS
Pour les besoins de son nouveau long métrage, Paolo Michael Caine et Harvey Keitel) vont graduelle-
Sorrentino transforme un hôtel paisible et roboratif ment comprendre qu’un ego trop lourd constitue un
niché dans les paysages alpins en un laboratoire de la sérieux handicap. Et qu’ils font partie, en somme,
psyché. Le cinéaste italien y balade les silhouettes de d’un vaste film dont ils ne sont que de simples figu-
Fred et Mick, deux potes à une encablure des 80 ans. rants, de futiles passeurs qui tracent à l’allure d’une
Le premier, chef d’orchestre, a tiré un trait sur sa comète. Flamboyante – parfois à l’excès –, la mise
carrière musicale, n’en déplaise à la reine d’Angle- en scène de Sorrentino porte un scénario sensible,
terre qui rêve de le voir sur scène. Le second, réali- rivalisant d’humour et de tendresse. Au-delà de sa
sateur toujours en activité, moins résigné, s’échine réflexion sur l’art, la création, la course au jeunisme
à terminer le scénario de ce qu’il souhaite être son ou le poids des regrets, Youth est surtout l’occasion
ultime merveille. Leur seul souci ? Ce maudit temps de rappeler que la jeunesse n’a pas d’âge. Elle attend
qui passe, monstrueux rouleau compresseur qui patiemment qu’on tape à sa porte.
écrase tout sur son passage. Entourés d’une galerie
de Paolo Sorrentino
de personnages en or massif – dont un ersatz bedon- avec Michael Caine, Harvey Keitel…
nant de Maradona ou une Miss Univers à réveiller Distribution : Pathé
Durée : 1h58
les morts –, les deux meilleurs amis (magnifiques Sortie le 9 septembre
58 septembre 2015
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le s fi lm s
The Lesson
PAR TIMÉ ZOPPÉ
Life
PAR RAPHAËLLE SIMON
60 septembre 2015
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le s fi lm s
62 septembre 2015
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le s fi lm s
> LE PRODIGE
Tobey Maguire prête ses traits
au célèbre champion d’échecs
américain Bobby Fischer, alors
qu’il s’apprête à défier son rival
soviétique Boris Spassky.
Au cœur de la guerre froide,
son obsession de vaincre
le Russe se fait de plus
en plus dévorante…
d’Edward Zwick (1h54)
Distribution : Metropolitan
FilmExport
Sortie le 16 septembre
Après Bachelorette (2012), Lesley amour… Malgré une fin attendue, > TRUE STORY
Headland continue d’insuff ler le film trouve sa force dans un Un ancien journaliste du New
un nouveau souffle à la comédie savant mélange des tons, jonglant York Times découvre qu’un
assassin, condamné à mort,
romantique. Jake et Lainey ont entre des passages de grivoiserie a usurpé son identité. Ce drame,
perdu leur virginité ensemble à subtile et des moments de douce produit par Brad Pitt, réunit
l’université. Douze ans plus tard, mélancolie. le duo Jonah Hill/James Franco
pour la deuxième fois au cinéma
ils se retrouvent par hasard lors après le délirant C’est la fin de
de Leslye Headland
d’une réunion de sex addicts. avec Jason Sudeikis, Alison Brie… Seth Rogen et Evan Goldberg.
Devenus amis, ils se jurent de se Distribution : La Belle Company de Rupert Goold (1h40)
Durée : 1h41 Distribution : 20th Century Fox
soutenir dans leur quête du grand Sortie le 9 septembre Sortie le 16 septembre
64 septembre 2015
le s fi lm s
The Program
PAR S. M.
Agents très
spéciaux
L’Oracle
PAR Q. G.
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le s fi lm s
Fou d’amour
PAR ÉRIC VERNAY
La Vie en grand
Par Q. G.
66 septembre 2015
le s fi lm s
Nous venons
le succès de Sur le chemin
de l’école (2013), Pascal
Plisson signe un nouveau film
engagé et émouvant.
en amis
de Pascal Plisson (1h26)
Distribution : Pathé
Sortie le 23 septembre
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le s fi lm s
Les spectateurs de The Act of Killing se souviennent devant les riches propriétaires, le jeune réalisateur
d’un cauchemar éveillé dans lequel les bourreaux découvre peu à peu une société clivée par la peur. « Je
d’un génocide qui a fait plus d’un million de vic- réalisais que la principale raison pour laquelle les
times n’hésitaient pas à remettre en scène leurs fan- travailleurs ne s’organisaient pas en syndicats était
tasmes mégalos dans des opéras démentiels. Les la crainte, nous explique-t-il au téléphone. Après des
germes de The Look of Silence, tourné dans la fou- mois de prudence, ils m’ont enfin confié que leurs
lée, remontent en fait au commencement du projet de parents et grands-parents avaient été assassinés en
Joshua Oppenheimer. En 2001, après des études d’art 1965 pour avoir appartenu à l’Union syndicale des
à Harvard et un premier documentaire, (The Entire cultivateurs d’huile. Considérés comme des oppo-
History of the Louisiana Purchase, 1998), primé au sants à la nouvelle dictature militaire, leurs proches
festival de Chicago, ce Texan d’origine prend la route avaient été tués sans procès. Quarante ans s’étaient
des plantations de palmiers à Sumatra, où il forme les écoulés depuis, mais les meurtriers étaient toujours
ouvriers à réaliser de petits films. Surpris de la pré- au pouvoir, et les ouvriers craignaient de subir un
carité de leurs conditions de travail et de leur docilité sort identique. »
68 septembre 2015
le s fi lm s
Héros providentiel
Pour autant, le revenge movie qui pourrait se profiler
sur les pas d’un frère venu demander une réparation
impossible est habilement détourné par la sérénité de
ce protagoniste, à qui Joshua Oppenheimer concède
une grande part du succès et de l’existence même
du film. « The Act of Killing n’était pas vraiment
un documentaire, je le qualifierais de rêve enfié-
vré non fictionnel. The Look of Silence contraste
par le calme qu’il dégage, et ce malgré le danger
constant. Or, c’est Adi qui a proposé de se confron-
ter aux criminels devant la caméra. Par crainte des
représailles, je ne l’aurais jamais exposé, mais il fai-
sait preuve d’une telle dignité et d’un tel calme que
j’ai compris que le film ne pourrait pas se faire sans
lui. Cela en fait un héros providentiel. »
La beauté secrète du film réside alors dans la ren-
contre entre ce second fils – dont la conception, en
1966, faisait office de consolation pour ses parents –
et les meurtriers de son frère, sans qui il ne serait
Le film recèle un dessein peut-être pas venu au monde. Dans les silences atten-
tifs d’Adi, on imagine la figure d’un Ramli fanto-
d’une intelligence matique, moins venu hanter ses assassins que leur
rare : substituer accorder son pardon. Ainsi, guidé par la bienveil-
lance d’Adi, le film recèle un dessein d’une intelli-
la réconciliation gence rare : substituer la réconciliation à la rancune,
et le courage du pardon à l’aveuglement.
à la rancune. Malgré les tentatives de censure, les deux films
ont été largement vus en Indonésie ; au point d’obliger
le pouvoir à proposer une nouvelle lecture de l’his-
toire et à faire imprimer de nouveaux manuels sco-
Soucieux d’exposer la monstruosité impunie pour laires. « Depuis la diffusion de The Look of Silence,
mieux donner à ressentir la terreur des victimes, le l’association locale de défense des droits de l’homme
réalisateur conçoit d’emblée deux films complémen- milite, de concert avec des historiens et des jour-
taires. « En interviewant les assassins pour la pre- nalistes, pour que l’épuration de 1965 soit officiel-
mière fois, j’avais le sentiment horrifiant d’assister lement qualifiée de crime contre l’humanité et que
à ce qu’il se serait passé si les nazis étaient encore Adi soit élevé au rang de héros national. » Mais pour
au pouvoir et qu’ils célébraient l’Holocauste sur les l’heure, la famille de ce dernier demeure menacée,
lieux du crime. Le soir même, je décidai de faire deux et Joshua Oppenheimer, interdit de résidence sur le
films différents sur le sujet de l’impunité : l’un consa- sol indonésien.
cré aux mensonges et aux fantasmes que les meur-
triers concevaient pour se protéger de leur propre
de Joshua Oppenheimer
sentiment de culpabilité ; l’autre traitant des consé- Documentaire
quences de leurs actes dans toute la société indoné- Distribution : Why Not Productions
Durée : 1h43
sienne, l’angoisse quotidienne des gens ordinaires, Sortie le 23 septembre
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le s fi lm s
Brooklyn
PAR S. M.
Classe à part
Les Rois PAR J. R.
du monde
PAR Q. G.
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le s fi lm s
Everest
PAR S. M.
Mémoires de
jeunesse
Knock Knock
PAR H. B.
PAR Q. G.
72 septembre 2015
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le s fi lm s
Maryland
Après une jeune femme traitée pour hystérie dans Augustine,
Alice Winocour met en scène, pour son deuxième long
métrage, un garde du corps paranoïaque – et sentimental –
dans un thriller psychologique bancal mais efficace.
PAR RAPHAËLLE SIMON
De retour d’Afghanistan, Vincent est victime de dont on perçoit les réactions sans pouvoir les déco-
troubles post-traumatiques. Pour affronter ses hal- der. Si cette première partie nous tient à distance un
lucinations et ses angoisses, l’ancien soldat est peu froidement, la seconde, qui pourrait s’appeler
constamment aux aguets, dans un état de vigilance « accomplissement de la paranoïa » – ou « l’arroseur
démesurée. Mais, alors qu’il doit assurer la sécurité arrosé » –, nous plonge en immersion totale alors que
de la femme et de l’enfant d’un riche Libanais impli- Vincent doit faire face à des assaillants, réels cette
qué dans des affaires douteuses, son cauchemar para- fois, pour protéger la belle et son petit. Avec un sens
noïaque en vient à se réaliser… Maryland s’articule du suspense maîtrisé, la réalisatrice française nous
autour de deux parties distinctes : la première, que prend enfin aux tripes dans ce double jeu de cache-
l’on pourrait nommer « figuration de la paranoïa », cache – amoureux et sanguinaire –, comme des labo-
cherche à rendre compte du malaise du héros et de rantins qui se délecteraient de voir leur cobaye sou-
sa perception altérée de la réalité à travers des expé- dain détaler dans tous les sens pour éviter une série
rimentations de déformations – dérèglement de la de pièges véritablement mortels.
vitesse de l’image, dissonance du son. Comme des
d’Alice Winocour
laborantins qui observeraient indolemment un ron- avec Matthias Schoenaerts, Diane Kruger…
geur contourner des obstacles invisibles dans une Distribution : Mars
Durée : 1h40
boîte, nous voici les témoins du délire du personnage, Sortie le 30 septembre
74 septembre 2015
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le s fi lm s
Lamb
PAR É. V.
76 septembre 2015
le s fi lm s
Un début prometteur
PAR Q. G. > Je suis à vous
tout de suite
Martin (Manu Payet), écrivain âgée qui accumule les dettes… Une Par gentillesse, Hanna
cynique et alcoolique en plein agréable surprise que cette comé- (Vimala Pons) accepte tout.
divorce, retourne vivre à la cam- die populaire, qui s’autorise parfois La seule personne avec qui
elle est fâchée est son frère
pagne avec son père (Fabrice à être sombre, à faire des pauses. (Mehdi Djaadi)… Baya Kasmi,
Luchini) et son petit frère Gabriel Emma Luchini a une vraie ten- coscénariste du Nom des gens,
(le jeune Zacharie Chasseriaud, dresse pour ses personnages. signe un premier film dense,
voire un peu dispersé,
solaire), qui lui est rêveur et très sur les notions de choix
d’Emma Luchini
f leur bleue. Gabriel demande à avec Manu Payet, Veerle Baetens… et de consentement.
Martin de l’aider à conquérir le Distribution : Gaumont de Baya Kasmi (1h40)
Durée : 1h30 Distribution : Le Pacte
cœur de Mathilde, une femme plus Sortie le 30 septembre Sortie le 30 septembre
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le s fi lm s - dvd
La Ligne de mire
On pensait ce premier long métrage de Jean-Daniel Pollet perdu
à jamais, mais son négatif a récemment été retrouvé dans les
collections du CNC. Resté inédit depuis son tournage en 1958,
La Ligne de mire présageait déjà la singularité de son auteur.
PAR QUENTIN GROSSET
Cette sortie DVD est un événement, car La Ligne film d’errance parmi des souvenirs. Des plans, des
de mire a été très peu vu. Le film n’a eu le droit voix reviennent incessamment, mis en boucles hyp-
qu’à de rares projections à la fin des années 1950 notiques. Le film évoque parfois L’Année dernière à
avant de tomber aux oubliettes. Pourtant, lorsqu’on Marienbad (1961) d’Alain Resnais dans sa manière
le découvre aujourd’hui, on est saisi par la manière d’appréhender la chronologie, et dans la façon dont la
dont il annonce l’œuvre poétique de Jean-Daniel voix off de Pedro s’approche de la narration clinique
Pollet (Méditerranée, L’Acrobate…), qui a toujours du Nouveau Roman. Mais le film n’est pas qu’un
flirté avec la Nouvelle Vague sans en faire partie. labyrinthe moderniste, il dégage aussi une douce
Pedro, un chanteur de 27 ans, est de retour dans le mélancolie, notamment grâce à la présence lunaire
château de son enfance. Ceux qui peuplent l’immense de Claude Melki, qui s’illustrera plus tard dans plu-
bâtisse, dont son oncle, ne font pas attention à lui, sieurs films du cinéaste. L’acteur a ici un
mais Pedro s’intéresse à leurs mystérieuses activi- petit rôle, mais il affirme déjà une ciné-
tés et découvre un trafic d’armes… Il ne faut pas se génie burlesque et rêveuse.
fier à cette intrigue classique de polar, dont Pollet
fait exploser toute linéarité. Le récit apparaît éclaté, La Ligne de mire de Jean-Daniel Pollet
(POM Films)
aboutissant à une temporalité trouble, comme un Disponible
78 septembre 2015
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cultures
LIVRES
MUSIQUE
/ BD MUSIQUE
KIDS LIVRES
KIDS/ BD SÉRIES SPECTACLES
ARTS
Tyler Cross
BANDE DESSINÉE
A
vec Tyler Cross, Fabien Nury et
Brüno ont donné naissance à un
héros venu combler un manque dans
le paysage du récit de genre et de la
bande dessinée franco-belge. Pour
ceux qui ne le connaissent pas, Tyler
est un personnage mutique et impla-
cable, dont la silhouette anguleuse se découpe dans
l’ombre. Dans le volume inaugural, paru l’an dernier,
il mettait à sac une ville du sud des États-Unis. Mais
dans ce nouvel album, l’icone se fissure alors qu’elle
est précipitée brutalement dans l’univers carcéral. Nu,
prostré en chien de fusil dans la boue, Tyler s’incarne,
et ça ne se fait pas sans douleur. Les ombres lisses de
l’encre de Chine qui, hier encore, sculptaient son corps,
s’effritent désormais sous les coups de crayon gras. Le
scénariste Fabien Nury raconte : « Le premier chapitre
êt
us es
vo
ici
XVIIIe
XVIIe XIXe
IXe Xe
VIII e
IIe
Ier
IIIe
XXe
CONCERT DANSE
XVIe XIe
Battles Dancing Grandmothers
VII
le 30 octobre du 25 au 27 septembre
e
IVe
VIe
Ve
à la Grande Halle de la Villette p. 88 au Théâtre de la Ville p. 94
XVe XIIe
XIVe XIIIe
80 septembre 2015
RENTRÉE LITTÉRAIRE KIDS JEUx VIDÉO
Notre top 10 parmi les 589 livres Anina : la chronique Her Story bouscule avec brio les
de la rentrée p. 82 d’Élise, 7 ans p. 90 codes du polar interactif p. 98
SPECTACLES
ARTS JEUX VIDÉO FOOD MODE présente
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cultures LIVRES / BD
Rentrée
littéraire
Dans l’édition, c’est connu, les avalanches n’ont pas lieu l’hiver,
mais à la fin de l’été, au moment de la rentrée littéraire : des centaines
de romans paraissent en quelques semaines, sous l’œil surexcité
des critiques et des libraires. Cette année, il y en a 589 : les poids
lourds, dont vous entendrez parler partout, les coups d’essais
réussis, dont les auteurs ne vont pas tarder à se faire un nom,
et la multitude des recalés, perdus dans la masse. En ligne de mire,
les prix littéraires, décernés en novembre. Comment s’orienter
dans ce tourbillon ? En suivant le guide : découvertes, valeurs sûres,
voici les dix choix de Trois Couleurs pour ne pas perdre le nord.
LA SEPTIÈME FONCTION
DU LANGAGE
de Laurent Binet
(Grasset)
82 septembre 2015
MONTECRISTO
de Martin Suter
(Christian Bourgois)
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cultures LIVRES / BD
Le narrateur vit dans un village, avec Andrew N. Dyer, vieil écrivain reclus
femme et enfant. Tout va bien, sauf que qui ressemble à un rival survivant de
d’étranges corbeaux tournoient dans le ciel, J. D. Salinger, convoque ses deux grands
hostiles, menaçants. L’ambiance s’alourdit. fils, chez lui, à New York. Ses trois fils,
Bientôt, les habitants s’en vont… Raconté en fait, vu que le dernier, né d’une autre
sous forme de journal intime, cet étonnant femme, vit encore à la maison. Ses quatre
récit psychologique rappelle à la fois Les fils, presque, puisque le narrateur, ami
Oiseaux (de Daphne du Maurier, adapté si proche qu’il appartient quasiment à la
au cinéma par Alfred Hitchcock) et Le famille, est là aussi… Touffu, piquant,
Horla (de Guy de Maupassant), avec une brillantissime et parfois tape-à-l’œil, le
touche d’expérimentation en prime (calli- troisième livre de David Gilbert, repéré
grammes, jeux typographiques, et même chez nous en 2007 grâce à ses nouvelles
une couche de science-fiction en introduc- (Les Marchands de vanité), est à la fois
tion). Stéphane Vanderhaeghe, dont c’est une satire des mondanités culturelles et un
le premier roman, envoûte son lecteur en grand récit sur la dynastie et la filiation (le
créant une atmosphère inquiétante à sou- « & » du titre peut se lire comme un astu-
hait et accomplit la prouesse de nous lais- cieux clin d’œil postmoderne au Pères et
ser dans l’expectative : les oiseaux sont-ils Fils d’Ivan Tourgueniev), dans une veine
réellement là, ou seulement dans la tête du proche de Jonathan Franzen. L’une des
héros ? Une réussite. belles traductions de la rentrée.
84 septembre 2015
7
de Tristan Garcia
(Gallimard)
Après le succès d’Un ciel Un cameraman misanthrope Deux couples avec enfants
rouge, le matin, Paul Lynch est expédié aux îles Kiribati passent leurs vacances dans
continue d’explorer la vieille et pour tourner une télé-réalité la même résidence. On se sou-
rude Irlande dans ce roman sur du style Survivor. Dès le rit, on s’épie, on se retrouve à
le retour au pays, en 1945, d’un début, tout dérape… Avec ce la plage. Chacun a ses secrets,
self-made-man qui a fait for- roman picaresque et loufoque, ses rêves, ses peurs, celles de
tune en Amérique. Le portrait Douglas Coupland s’éloigne de M. et M me Tout-le-Monde,
du héros est superbe, le tableau plus en plus de sa posture inti- avec la vie à crédit et les len-
des mœurs locales, saisissant, midante de gourou sociologue demains qui ne chantent pas…
l’ensemble a la puissance bru- (Génération X) et affirme son Nathalie Côte radiographie la
tale d’une fable. Si bien qu’on goût pour la comédie acide et classe moyenne dans ce pre-
pardonne à l’auteur ses tor- incorrecte, avec un sens de la mier roman, à la fois acide,
rents d’adjectifs et son lyrisme vanne irrésistible. Pas fin, mais empathique et mélancolique,
un peu envahissant. décapant : rire garanti. et truffé de saynètes très justes.
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cultures MUSIQUE
© jihanne tatanaki
Vince Staples
RAP
Des vagues blêmes ondulant dans l’obscurité, aussi l’été de ses 13 ans, qui marque pour lui la fin de l’in-
mystérieuses que menaçantes… La pochette en nocence, son album concept n’a d’ailleurs pas de vrai
noir et blanc de Summertime ’06 rappelle beaucoup « tube » à proposer aux radios. Le style est réaliste et
celle d’un autre premier album, Unknown Pleasures âpre comme le Ice Cube du début des années 1990,
de Joy Division (1979), devenue iconique avec ses quand l’ex-N.W.A dénonçait l’abandon des ghettos
courbes blanches émanant du tout premier pulsar noirs par l’Amérique blanche. Qu’est-ce qui a changé
découvert. Quel rapport entre le joyau post-punk des depuis les émeutes de 1992 à Los Angeles, suite au
rues pluvieuses de Manchester et le rap californien tabassage de Rodney King ? Pas grand-chose, à voir
de Vince Staples ? Aucun, si ce n’est l’atmosphère les récents journaux télévisés (Ferguson, Baltimore,
qui s’en dégage, sombre et orageuse. Car la musique etc.). Sauf que cette misère est devenue la matière
du gamin de 22 ans a beau venir de la côte Ouest, première d’un show de masse auquel le rap parti-
elle n’a rien de l’hédonisme canaille et ensoleillé du cipe, bon gré mal gré. Constat amer, illustré par la
G-funk d’un Snoop. Son truc, c’est moins les hordes conclusion de l’album (le son grésille et s’arrête bru-
de stripteaseuses en bord de piscine que la plongée talement, comme si l’on avait éteint la télévision), et
dans les bas-fonds. En apnée. Ça tombe bien, les par le clip de « Señorita » dans lequel des Noirs et des
beats concoctés par le vétéran No I.D., anxiogènes Latinos se font tirer dessus dans un L.A. zombifié,
au possible avec leurs basses bourdonnantes et leurs tandis que de riches Blancs observent la
tintements métalliques, laissent peu de place aux res- scène sur l’écran de leur poste de télé-
pirations. On est en plein cauchemar urbain. Vince vision. Lucide et cinglant.
Staples se méfie visiblement de la séduction pop et Summertime ’06 de Vince Staples
de ses trompe-l’œil. Articulé autour du souvenir de (Def Jam/Universal)
86 septembre 2015
sélection
PAR MICHAËL PATIN ET ETAÏNN ZWER
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cultures MUSIQUE
© grant cornett
Battles
ROCK
Après deux albums (Mirrored en 2007 et Gloss Drop des choses qu’on n’a jamais faites auparavant. »
en 2011), Battles ouvre de nouveaux horizons musi- Dans ce groupe virtuose et pyramidal, chacun des
caux sur La Di Da Di, combinant les motifs répé- trois musiciens participe autant des fondations (fré-
titifs de Steve Reich, la virtuosité prog de King quences graves, basses, rythmes) que du développe-
Crimson et l’abstraction électronique de l’IDM des ment (médiums électriques, nerveux, stratifiés) pour
années 1990. Toujours sur le label fondateur du genre atteindre le zénith (aigus, climax, résolutions) d’une
(Warp), le « groupe en réseau », tel qu’il se défi- transe aussi maîtrisée qu’explosive. Le trio se pré-
nit lui-même, utilise de complexes sets de pédales sente ainsi sur scène en un triangle dont le sommet
d’effets et d’effets numériques pour produire une est cette cymbale placée en hauteur, nécessitant de
musique hybride, entre math-rock et techno orga- spectaculaires levers de bras du batteur John Stanier.
nique, développée en polyrythmies savantes, empi- « C’est important qu’il y ait au moins un instrument
lements de boucles, microharmonies fourmillantes, qui reste 100 % acoustique, explique ce dernier. C’est
aussi dansante que cérébrale. Selon le claviériste et plus difficile pour moi, car je dois me réinventer pour
guitariste Ian Williams, « l’histoire de la musique chaque album avec un outil extrêmement limité. Mais
de ces cinquante dernières années est liée à l’émer- avoir ce set de batterie minimal au centre du dispo-
gence de nouveaux outils, de nouvelles technolo- sitif ancre le groupe dans une culture rock qui est
gies. Un groupe comme Black Sabbath a accompa- aussi notre base commune. » Et Dave de renchérir :
gné la création d’amplis électriques plus puissants, « John est la constante, nous sommes
par exemple. Les nouveaux outils électroniques sont les variables. » Belle alchimie.
des moyens pour développer notre créativité. » Le
La Di Da Di de Battles (Warp/[PIAS])
guitariste Dave Konopka complète : « Le but étant de En concert le 30 octobre à la Grande Halle
trouver de nouvelles directions dans notre musique, de la Villette (Pitchfork Music Festival)
88 septembre 2015
agenda
PAR ETAÏNN ZWER
LE 9 SEPT. LE 20 SEPT.
BALLAKÉ SISSOKO Bruce Brubaker
& VINCENT SEGAL Invité de la Paris
Suite au sublime Electronic Week, le
Chamber Music (2009), pianiste new-yorkais
le maître malien de la fraîchement signé sur
kora et le violoncelliste le label InFiné égrènera
français poursuivent leur les pépites de son Glass
conversation sur Piano – album revisitant
Musique de Nuit, bijou (réinventant) avec une
habité de litanies pulsées intensité et une élégance
et lumineuses, entre âme folles l’œuvre de Philip
mandingue, baroque et Glass – lors de cette
jazz, dévoilé lors d’une séduisante nocturne
envoûtante session. électronique inédite.
à la Cité de la musique – au musée
Philarmonie 2 de la Vie romantique
LE 15 SEPT. LE 25 SEPT.
MAC DeMARCO KILL THE DJ
Le génial Canadien L’irrésistible label
viendra défendre les parisien fête ses 10 ans
chansons d’amour et convie ses nouvelles
rêveuses et solaires recrues pour un plateau
d’Another One, son electro hypnotique.
quatrième (mini-)album En trio avec Mansfield.
sorti début août. Entre TYA, Léonie Pernet
virtuosité nonchalante, livrera ses rêveries
pitrerie potache et piano-batterie
sensibilité lunaire, expérimentales, et Nova
l’animal taquine le Materia (ex-Panico),
slacker-rock en douceur une création originale
et offre une sacrée leçon à l’énergie sauvage
de coolitude indé. avec la DJ Chloé.
à La Cigale au Centre Pompidou
LE 19 SEPT. DU 25 AU 27 SEPT.
OSTGUT TON ZEHN MACKI MUSIC FESTIVAL
Ostgut Ton et Mercredi Deep house jazzy,
Production s’acoquinent electro vaudou, pop
pour célébrer les 10 ans cosmique… Excitant
de la mythique écurie deuxième round pour
berlinoise. Pour ce live le festival cosigné par
anniversaire, focus La Mamie’s et Cracki
sur la tendance house Records. Ouverture
du label avec l’élégance à La Machine du Moulin
deep acid de Steffi, Rouge, puis cap sur les
Martyn et ses ritournelles Yvelines avec Tony Allen,
drum ’n’ bass futuristes, Floating Points, GZA du
Head High, et un set Wu-Tang, Silk Rhodes,
rugueux et sexy Romare, Moodoïd…
de Tama Sumo. au parc de la mairie
à La Gaîté Lyrique de Carrières-sur-Seine
cultures KIDS
CINÉMA
Anina
l’avis du grand
Le premier long métrage
de l’illustrateur
Élise continue d’explorer la planète cinéma en visionnant uruguayen Alfredo
Soderguit est le récit
son premier film uruguayen. L’occasion, pour notre hautement subjectif
jeune critique, de découvrir le quotidien des élèves des de l’existence d’une
antipodes, et de constater que les enfants du monde fillette de 10 ans
apprenant à surmonter
entier partagent les mêmes craintes et espoirs. sa peur, à faire fi
PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUPUY
de l’opinion d’autrui
et à aller au-delà
de ses a priori sur les
90 septembre 2015
Le Salsifis du Bengale
et autres poèmes de Robert Desnos
PAR TIMÉ ZOPPÉ
Collectif
Animation
Distribution : Gebeka Films
Durée : 42 min
Sortie le 30 septembre
À partir de 8 ans
et aussi
PAR SIRINE MADANI
CINÉMA CINÉMA
BANDE DESSINÉE
Combats
sélection
PAR STÉPHANE BEAUJEAN
PAR S. B.
92 septembre 2015
cultures SÉRIES
polar
1992
Remontant à la source des maux qui gangrènent l’Italie depuis
plus de vingt ans, la chronique polyphonique 1992, découverte
Livre
au festival Séries Mania et diffusée ce mois-ci par OCS,
L’UNIVERS DES
confirme les ambitions critiques des productions transalpines. SÉRIES TV
PAR GUILLAUME REGOURD
soixante-dix séries,
toutes produites ces
Pour les Italiens, 1992 marque un tour- de 1992 ne se gênent pas pour dénoncer vingt-cinq dernières
nant. Cette année-là, l’opération « Mains le cynisme du Cavaliere qui, justement, années, constituent une
propres » sonne le glas de la Première fit des chaînes privées la clé de voûte bonne surprise.
République et de son système de pots- de sa stratégie de conquête du pouvoir. Rédigés par une équipe
de critiques et
de-vin généralisés. À travers un person- Il n’y a qu’à voir Notte, chargé de faire d’universitaires
nage de flic milanais, 1992, la série, suit avaler à l’opinion publique la couleuvre allemands, ils donnent
de près l’enquête qui éclaboussa jusqu’à d’un fallacieux renouveau politique, se envie de voir ou de revoir
les incontournables
l’ancien président du Conseil Bettino féliciter de ce que la crise contraigne les The Wire, Twin Peaks
Craxi. L’avènement du berlusconisme y gens à rester chez eux devant le poste. ou encore Borgen, une
est également esquissé. Ce premier volet, Surprise devant une émission de varié- des rares séries non
anglo-saxonnes de cette
d’une trilogie qui s’étendra jusqu’en tés, sa propre fille lui rétorque, pas bien sélection peut-être un
1994, confirme les intentions du réseau convaincante : « Je la regardais avec un peu trop tournée vers
Sky, déjà derrière la série Gomorra, point de vue critique. » En 1992, une les États-Unis. G. R.
L’Univers des séries TV.
de bousculer une télévision italienne boutade. En 2015, une réalité, en partie Le meilleur des
autrefois si inoffensive. Avec en tête le grâce à des séries comme celle-ci. 25 dernières années
de Jürgen Müller
modèle House of Cards, les scénaristes Saison 1 sur OCS Max (Taschen)
Escobar, il est impressionnant. petite série dont on ne parle pas assez. Crimes est la suite de The Closer.
Saison 1 disponible sur Netflix Saison 2 sur Canal+ Séries Saison 1 en DVD chez Warner Home Video
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cultures SPECTACLES
© youngmo choe
Dancing Grandmothers
Ottof / Dancing
DANSE
Grandmothers
Loin des clichés qui animent encore le milieu de la danse
(une discipline pour muscles jeunes, glorieux, aseptisés),
deux chorégraphes auscultent le passage du temps
sur les corps d’interprètes âgés.
PAR ÈVE BEAUVALLET
« À peu de chose près, la situation faite aux vieux par attentes liées aux corps « âgés ». La première, Ottof
notre xxe siècle ne serait pas sans rappeler celle des (une pièce minimaliste, hypnotique, qui a troublé les
femmes au xixe (siècle), le droit de vote en plus […] spectateurs du festival Montpellier Danse cet été),
Ces sans-voix font leurs petites affaires en marge, est née d’un dialogue que la chorégraphe marocaine
collectivement transparents, comme jadis les femmes Bouchra Ouizguen nourrit depuis des années avec
au foyer. » On n’a pas pu vérifier combien d’artistes des chikhates à la retraite (des danseuses et chan-
avaient lu le diagnostic établi par l’universitaire teuses populaires) âgées de 52 à 65 ans. La seconde,
français Régis Debray dans son corrosif Plan ver- Dancing Grandmothers, est le fruit d’un travail
meil. Modeste proposition (Gallimard, 2004), mais documentaire mené par la chorégraphe sud-coréenne
nombre d’entre eux semblent en tout cas avoir réagi à Eun-Me Ahn et participe d’une trilogie à caractère
ce constat en multipliant et diversifiant les représen- anthropologique (les deux autres volets de cet œuvre
tations de corps d’un âge avancé. Sur les plateaux, sont intitulés Teen Teen et Middle Aged Men) : inviter
le phénomène est flagrant : vingt-cinq personnes des grands-mères sud-coréennes à se remémorer les
âgées de 60 à 90 ans pour Le Sacre du printemps tubes de leur jeunesse et les gestes qui leur sont liés.
chorégraphié par Thierry Thieû Niang et Jean-Pierre Soit deux façons d’interroger la mémoire des corps
Moulères en 2011 ; des personnes âgées encore, spé- et les traces du temps, loin des représentations esthé-
cialement sélectionnées pour les chorégraphies de tiquement correctes généralement privilégiées par le
Mathilde Monnier (City Maquette, en 2009) ou du marketing senior.
jeune collectif (LA)HORDE (Void Island, en 2014)…
En ce début de saison, deux créations originales Ottof de Bouchra Ouizguen,
du 16 au 20 septembre (Festival d’automne à Paris)
présentées dans le cadre du Festival d’automne à
Paris jouent elles aussi avec les valeurs attribuées Dancing Grandmothers d’Eun-Me Ahn,
du 25 au 27 septembre au Théâtre de la Ville
à la vieillesse, avec l’esthétique, le rythme et les (Festival d’automne à Paris)
94 septembre 2015
agenda
PAR È. B.
agenda
PAR ANNE-LOU VICENTE
Jeff Wall
intime, composé de deux DU 11 SEPT. AU 6 DÉC.
parois incurvées en acier
inoxydable et en verre
los angeles
Dès la fin des années 1970, ses photographies sont invités à emprunter.
à la galerie Marian Goodman
grand format montées sur caissons lumineux
Kõji Enokura,
ont acquis une reconnaissance mondiale. Mais, à JUSQU’AU 11 OCT.
Symptom—Sea-Body
presque 70 ans, c’est un autre aspect de son travail SORTIR DU LIVRE (P.W. – No. 40), 1972
que le Canadien Jeff Wall a choisi de présenter à Réunissant artistes et TOUT LE MONDE
chercheurs travaillant En guise de cimaises,
la Fondation Henri Cartier-Bresson. L’exposition autour de territoires Claire Le Restif,
« Smaller Pictures » dévoile ainsi trente-quatre cli- désertés ou fragilisés par commissaire de
chés de petite taille pris de la fin des années 1960 des conflits, le collectif l’exposition et directrice
Suspended Spaces du Crédac, a opté
à aujourd’hui et tous sélectionnés par ses soins. Si réinterprète ici les pour des panneaux
le format surprend d’abord, la beauté formelle s’im- œuvres et les d’affichage que viennent
pose. Scènes de la vie quotidienne et autres sujets très publications qu’il a recouvrir les œuvres
produites autour de trois de vingt-deux artistes
banals – comme dans Clipped Branches (1999), qui de ces espaces en internationaux.
représente un simple tronc d’arbre, ou dans Diagonal suspens : la ville fantôme Poétiques, voire
Composition (1993), qui montre un évier vétuste sur de Famagusta à Chypre, politiques, elles ont pour
le chantier inachevé de la points communs une
lequel gît un reste de savon –, empruntent autant à la foire internationale de économie de moyens et
photographie documentaire qu’à la composition pic- Tripoli au Liban, conçu une certaine forme de
turale, chaque cliché clamant haut et fort l’intérêt de par Oscar Niemeyer, lenteur et de fragilité.
et le musée d’art
Jeff Wall pour l’histoire de l’art. Il y a en effet tou- contemporain de Niterói,
au Crédac (Ivry-sur-Seine)
jours dans ses images un clin d’œil savant à la pein- du même architecte.
DU 24 SEPT. AU 4 JANV.
ture d’Édouard Manet, ou à celle de Diego Velázquez à Mains d’Œuvres
(Saint-Ouen) UNE BRÈVE
que l’artiste a découvert lors d’un voyage en Europe HISTOIRE DE L’AVENIR
en 1977. Comme pour ses iconiques grands formats, JUSQU’AU 31 OCT. Inspirée du livre de
Jeff Wall utilise ici le procédé spectaculaire du cais- Jacques Attali du même
nom, cette exposition
son lumineux, technique qui fait vivre les images
pluridisciplinaire
comme aucune autre en leur conférant une étonnante réunit œuvres du
© claude closky
96 septembre 2015
cultures JEUX VIDÉO
FICTION INTERACTIVE
Her Story
Porté par une idée géniale – l’exploration des archives vidéo
d’une série d’interrogatoires de police à l’aide de mots-clés –,
Her Story bouscule avec brio les codes du polar interactif. Une
réussite conceptuelle doublée d’une enquête passionnante.
PAR YANN FRANÇOIS
L’EXPÉRIENCE DU MOIS
EVERYBODY’S GONE
TO THE RAPTURE
(Sony/PS4)
98 septembre 2015
sélection
par Y. F.
TENDANCE
Ça nous botte !
Depuis quelques mois, la cuisine italienne effectue un retour
en force à Paris. Colorée, généreuse et pleine de caractère,
elle s’incarne dans des lieux nouveaux où l’on mange sans
chercher l’effet de mode ou la prise de tête. Rafraîchissant ! SUCCESSION
PAR STÉPHANE MÉJANÈS
© d. r.
DANSONS CHEZ
CAPUCINE
Elles sont culottées,
© maria spera
CAPSULE
© d. r.
CHRISTOPHE LEMAIRE
pour UNIQLO
Friand de collaborations,
le géant japonais a
fait appel au créateur
français Christophe
Lemaire, ancien D. A.
du prêt-à-porter féminin
d’Hermès, réputé pour
ses coupes épurées et
ultra élégantes, afin de
concevoir des modèles
© but sou lai
Manifeste
prix doux. R. S.
LIVRE
Une forêt de caissons lumineux gigan- coulisses ou sur les podiums des défi-
tesques, une salle entièrement rouge lés, notamment les magnifiques images
dans laquelle trônent, comme des clins hyper contrastées et surexposées de WHERE IS KARL?
d’œil, des photos sur lesquelles figure But Sou Lai, qui font ressortir le travail Directeur artistique de
Chanel, de Fendi et de
au moins une silhouette rouge, des incroyable d’Elbaz sur la couleur, ou les sa propre ligne, Karl
murs entiers recouverts de miniphotos portraits des mannequins à la mine pâle Lagerfeld est sur tous les
comme dans une chambre d’ados, des et au regard vague signés James Bort, fronts de la mode. Rien
d’étonnant à ce qu’il soit
installations vidéos qui se font échos qui font penser aux toiles des maîtres le héros de la version
par écrans interposés… On est loin des flamands. À côté de ces images offi- parodique d’Où est
accrochages ultra traditionnels proposés cielles hyper léchées, des petites pho- Charlie ? illustrée par
Michelle Baron. Du
par la MEP. Et pour cause, l’exposition tos de vêtements en cours de construc- Grand Palais à un gala
« Alber Elbaz / Lanvin. Manifeste » ne tion prises à la va-vite par des modélistes au MET, en passant par
vise pas à célébrer l’œuvre d’un photo- pendant des essayages, ou des captures un shooting à Dubai, on
s’amuse donc à chercher
graphe mais celle d’un créateur de mode, des silhouettes à la bouche en cœur cro- l’homme au catogan aux
Alber Elbaz, D. A. de la maison Lanvin quées au feutre noir par Alber Elbaz… côtés d’Anna Wintour ou
depuis 2001, à travers quelque 450 pho- Autant d’images qui dévoilent en beauté de Kristen Stewart dans
une dizaine de décors
tos prises par ses collaborateurs depuis les coulisses de la création du designer
foisonnants. R. S.
une dizaine d’années. Se distinguent israélo-américain. Where’s Karl? de Stacey
d’emblée les clichés pris par les photo- Caldwell et Ajiri A. Aki
jusqu’au 31 octobre (Penguin Random House),
graphes officiels de la maison dans les à la Maison européenne de la photographie disponible le 15 septembre
www.troiscouleurs.fr 101
pré se nte
SPECTACLE
© elisabeth carecchio
DARIA DEFLORIAN
ET ANTONIO TAGLIARINI
Avec Reality, ces deux
comédiens et metteurs en
scène italiens donnent vie
aux écrits de Janina Turek,
une Polonaise qui recensa
pendant cinquante ans chaque
fait de son existence dans
les moindres détails. Soit
une célébration du quotidien
dans laquelle se croisent
poésie de la routine et
réflexions autour
de la télé-réalité. S. M.
du 30 septembre au 11 octobre
au théâtre national de La Colline
THÉÂTRE
© d. r.
COURT MÉTRAGE
Here Now
© marcel hartmann
Pourquoi la maison Kenzo a-t-elle fait appel à FLEUR DE CACTUS
Gregg Araki (Mysterious Skin) pour concevoir un Un dentiste fait croire à son
court métrage, Here Now, mettant en scène sa amante qu’il est marié.
Ce mensonge risque d’être
collection automne-hiver 2015 ? Parce que ladite découvert quand celle-ci exige
collection siérait parfaitement aux ados timbrés de rencontrer sa femme… Une
de Nowhere, l’un de ses films les plus fous. comédie de Pierre Barillet et
PAR CLAUDE GARCIA
Jean-Pierre Grédy, dans la plus
pure tradition du boulevard,
dans laquelle Catherine Frot
Dans les années 1990, Gregg collection. Here Now reprend les retrouve Michel Fau après
lui avoir donné la réplique
Araki a réalisé sa fameuse Teen personnages de Nowhere (Dark, à l’écran dans Marguerite
Apocalypse Trilogy réunissant Cowboy, Bart…), incarnés par de Xavier Giannoli. S. M.
Totally Fu**ed Up (1993), Doom de nouveaux acteurs, et les fait se à partir du 25 septembre
au Théâtre Antoine
Generation (1995) et Nowhere croiser dans une cafétéria anxio-
(1997). Ce dernier, présenté à gène, sur fond de musique shoe- LIVRE
l’époque comme un « Beverly gaze. Here Now se base sur la JR
Hills 90210 sous acide » par son trame scénaristique de Nowhere : De ses débuts comme
distributeur, empruntait les codes Dark est toujours fou amoureux graffeur à ses photographies
monumentales dans les rues
de l’esthétique MTV qu’il hys- de Mel, Cowboy souffre encore de Paris, Rio de Janeiro
térisait par le biais d’une forte du fait que son petit ami Bart ou Jérusalem, cet ouvrage
stylisation du décor et des cos- est un junkie… Diffusé dans les de 150 pages retrace
l’ensemble de la carrière
tumes. C’est certainement l’es- salles MK2 du 23 septembre au de l’artiste français JR.
prit très nineties des vêtements 6 octobre, ce court métrage per- Il comporte notamment une
dans ce film, tout en couleurs met de vérifier que l’ambiance biographie en bande dessinée
signée Joseph Remnant, des
saturées, qui a amené Carol Lim mystérieuse et déjantée défendue photos de ses séries iconiques,
et Humberto Leon, les directeurs par Araki est toujours aussi juvé- ainsi que des images inédites
artistiques de Kenzo, à confier nile et actuelle. de ses projets futurs, le tout
à Araki la réalisation d’un film magnifiquement présenté. S. M.
Here Now de Gregg Araki, du 23 septembre JR. L’art peut-il changer le monde ?
pour promouvoir leur nouvelle au 6 octobre dans les salles MK2 (Phaidon)
COURS
Histoire
de l’art PAR CLAUDE GARCIA
A
vis aux assoiffés de culture : le
MK2 Grand Palais accueille
cette année des cours hebdo-
madaires d’histoire de l’art.
Regroupés en trois cycles chro-
nologiques étalés sur l’année
scolaire – « Du Moyen Âge au
xii e siècle » jusqu’en décembre, « Du Baroque à
l’Art nouveau » de janvier à mars, puis « L’art du
xx e siècle » d’avril à juin –, ces cours, d’une durée
d’une heure et demie, sont assurés par une équipe
de jeunes historiens avides de transmettre leur
savoir mais aussi d’échanger avec le public. Un
nouveau rendez-vous initié par MK2 avec l’agence
de médiation culturelle Des mots et des arts, fon-
dée par Morgane Pfligersdorffer, diplômée d’his-
toire de l’art, et Laure Benacin, passée par une
grande école de commerce. Leur credo ? Rendre
l’art accessible à tous tout en proposant un contenu
pointu – elles organisent aussi, tout au long de
l’année, des visites guidées dans des musées et des
balades pour découvrir le patrimoine parisien. Pour
assister aux cours d’histoire de l’art au MK2 Grand
Palais, on peut acheter un billet à l’unité, ou bien
souscrire à un abonnement, par cycle trimestriel ou
à l’année. « Quattrocento », « Nabis » et « Bauhaus » les mardis, de 20h à 21h30, à partir du 22 septembre,
au MK2 Grand Palais
ne sonneront bientôt plus seulement comme des Inscriptions et programme complet :
mots exotiques à votre oreille. www.desmotsetdesarts.com
C’est la rentrée : il est temps de remettre son saison : « Le Rock est-il un art ? », « Peut-on
cerveau en marche avec ces conférences de créer artificiellement les émotions ? » ou « Rap
philosophie, discipline mise à l’honneur, cette ft. Philo »… De quoi électrifier nos méninges. C. Ga.
année encore, dans les cinémas MK2. Au MK2 Cycle Lundis Philo de Charles Pépin
à partir du 7 septembre au MK2 Hautefeuille
Hautefeuille, le romancier et philosophe Charles
Cycle Rock’n Philo de Francis Métivier
Pépin repart pour une quatrième saison de ses à partir du 9 octobre au MK2 Grand Palais
Lundis Philo, tous les lundis à 18h15, dès le 7 sep-
tembre. L’occasion de méditer et de dialoguer sur
des questions existentielles telles que « Qu’est-ce
que l’essentiel ? », « Aimer, jusqu’où ? » ou encore
« L’espoir fait-il vivre ou mourir ? ». Mais ce n’est
pas tout. Après le succès des séances Rock’n Philo
l’année passée, le musicien et philosophe Francis
Métivier revient tous les mois au MK2 Grand
Palais, à partir du 9 octobre à 20 heures, avec de
nouveaux « philo-concerts » dans lesquels il alterne
reprises rock et commentaires sur leur dimension
philosophique. Au programme de cette deuxième
www.troiscouleurs.fr 105
L’actualité DES salles
L’ŒIL Du
MOBILE
CAMERA CLUB
La galerie parisienne, spécialisée dans les photos prises
au smartphone, a sélectionné pour Trois Couleurs
trois clichés d’artistes mobiles autour du thème
« Jeux d’enfant ». Le Mobile Camera Club expose
actuellement les œuvres de photographes mobiles
dans les halls de quatre cinémas MK2.
Ci-dessus à gauche :
Leny Bagshop, Pyramide, 2015
Ci-dessus à droite :
Chulsu Kim, Shabondama, 2014
Ci-contre :
Andrea O’Reilly, Summa Slumba, 2015
« Avatars #Autoportraits »,
jusqu’au 30 septembre à la galerie
Mobile Camera Club (56, rue la Bruyère –
Paris IXe) et dans les MK2 Bibliothèque,
Bibliothèque (entrée BnF), Quai de
Seine et Quai de Loire