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75 OCTOBRE 2009
by
JARMUSCH
CONTROL
FREAK
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by
SOMMAIRE # 75
ÉDITEUR MK2 MULTIMÉDIA
55 RUE TRAVERSIÈRE_75012 PARIS
01 44 67 30 00
ÉDITO
INCONTRÔLABLES
Un homme au passé louche s’amourache d’une pilote d’avion, et
dévisse (Les Herbes folles). Une femme de ménage névrosée suffoque
sur son lieu de travail (La Nana). Un réalisateur obsessionnel sombre
en plein tournage (L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot). Un cheval et
ses amis font face à des événements sans queue ni tête (Panique au
village). Une famille vit, retranchée, selon des règles aberrantes
(Canine). Un bourg puritain est le siège d’inquiétantes déviances
(Le Ruban blanc). Une mère subit, terrorisée, la barbarie génocidaire
(Le jour où Dieu est parti en voyage). La liste pourrait continuer
longtemps : douce ou grave, intime ou communautaire, la folie
imprime la pellicule des films les plus marquants
de cet automne. À travers un long dossier (« la folie dans tous
ses états »), nous revenons sur cette déraisonnable actualité, sans
prétendre à l’exhaustivité, mais sans non plus nous limiter au seul
champ cinématographique – en cette rentrée, littérature ou bande
dessinée abordent, de même, et souvent avec autant d’adresse,
ce sujet nébuleux.
© Jérémie Nassif
“ ÊTRE LOYAL
VERS LA RANCŒUR ?
C’est l’histoire d’un auteur qui, il y a un
an, se trouvait Entre les murs, position qui
lui valait une Palme – d’or de surcroît.
”
la Palme m’a vraiment été nuisible, c’est par les
jalousies qu’elle a éveillées. Un livre, un film, une
Palme, c’est une « success story » un peu trop facile
pour beaucoup de monde… Ils sont assez nombreux
à m’en vouloir, je l’ai d’ailleurs subi avec mon dernier
roman, Vers la douceur…
C’est aussi l’histoire d’un tournant, auquel Que certains critiques ont assassiné à sa sortie,
parfois on est attendu, surtout quand on en mars dernier…
sort un nouveau roman. FRANÇOIS Tout était parti pour que ça se passe mal, mais ces
BÉGAUDEAU l’a emprunté, n’y a pas été critiques ne me touchent pas car je sais de quels
ressorts elles sont faites. Il suffit de compter le nombre
épargné ; mais il s’en remettra,
de lignes sur mon livre qu’elles comportent, il y en a
apparemment. peu. Le reste, c’est un passage en revue hasardeux
_Propos recueillis par Adrien Rohard de ma vie, c’est du vent.
Quand Entre les murs, adapté par Laurent Cantet,
reçoit la Palme, on parle davantage de l’école Vous aimeriez y répondre ?
que du film… Ça agace ? Non, car je pense que la personne qui écrit cela se
C’était prévisible, et puis il faut être loyal. Le film traite fait plus de mal qu’à moi. Elle affiche un sentiment
d’un sujet fort, alors on ne doit pas s’étonner qu’il qui la dessert et j’ai presque mal pour elle. Je me
prenne le dessus. Ma vraie déception est surtout liée demande, alors, ce qui a pu la pousser à écrire deux
au fait que certains spectateurs ont pu penser qu’il pages où tout est bon pour éviter l’œuvre. C’est ce qui
s’agissait d’un documentaire, or c’est vraiment un film, s’est passé avec Entre les murs, je l’assume, mais pour
et ils n’ont pas compris ce qu’il y avait de manipulation Vers la douceur, on spécule sur mes intentions plutôt
derrière tout cela… que de parler de mes mots… La littérature a de moins
en moins de place, et a donc besoin qu’on en dise
Quand vous déclarez à la presse que cette Palme du bien, sauf que ce qui meut certains critiques, c’est
vous a « plutôt nui », c’est assez difficile à croire… davantage la haine que l’amour, et ce n’est pas mon
Cette phrase a été sortie de son contexte. Mais là où registre.
“
NOBODy : La quête de visions est une bénédiction.
NOBODy : Je viens d’ingérer la nourriture du Grand Pour y arriver, il faut se passer de nourriture et d’eau.
Esprit. Grand-père Peyolt. Les esprits sacrés reconnaissent ceux qui jeûnent. Il
est bon de se préparer ainsi à un voyage.
BLAkE : Je peux y goûter ?
BLAkE : Je crois que j’ai perdu mes lunettes. Je n’y
NOBODy : On ne doit pas en user, pas même vois rien sans ça.
William Blake. Le pouvoir du remède donne des visions
sacrées qui ne sont pas encore pour toi. Mes frères du [Nobody porte les lunettes de William Blake et mime
Sud se l’ont vu interdire par les diables espagnols. l’homme blanc.]
Maintenant même les Notmomemesa et les Dene
connaissent sa douceur. NOBODy : Tu verras peut-être mieux sans elles.
[Nobody chante et récite une prière. Nobody voit un BLAkE : Tu es un homme très étrange.
crâne à la place du visage de Blake.] NOBODy : Que le Grand Esprit te protège.
BLAkE : Que regardes-tu ? [Nobody quitte Blake et le laisse seul avec ses
visions.]
”
[Nobody peint des éclairs sur les joues de William Blake.]
12 PREVIEW
CANINE
À Cannes, le prix Un Certain Regard
consacre le cinéma atypique. Lauréat
de l’édition 2009, Canine, du Grec Yorgos
Lanthimos, n’a pas volé sa récompense.
D’emblée, ce film aux effluves buñueliennes
dérange : isolés depuis toujours du monde
extérieur par leurs parents, trois frères et
sœurs vivent selon des règles étranges. Ils
pourchassent les chats avec d’énormes
ciseaux, se lèchent partout les uns les autres,
et attendent que leur canine tombe pour
quitter la maison clôturée. Autant de
coutumes saugrenues qui font rire ou
mettent mal à l'aise, comme un drôle
de rêve. Allégorie du totalitarisme, le film
accouche aussi de moments suspendus,
sauvages et innocents. C’est cet élan, à la
fois absurde et plein de sens, qui fait tout le
charme de ce film-ovni.
_Raphaëlle Simon
Sortie le 2 décembre
Le film sera présenté en ouverture du 6e Panorama
du cinéma grec contemporain, du 2 au 8 décembre,
au Cinéma des Cinéastes, à Paris.
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LES
NEWS
SECOUEZ, AGITEZ, SAVOUREZ : L’ACTU CINÉ, CULTURE, TECHNO FRAÎCHEMENT PRESSÉE
CLOSE-UP
Dans Le jour où Dieu est parti en voyage, le regard de RUTH NIRERE fascine.
Comédienne magnétique, la belle est aussi chanteuse et élève la voix pour
célébrer la mémoire des victimes.
Son timbre chaud et puissant n’a rien à envier aux reines de la soul américaine, comme sa silhouette
plantureuse et son goût pour la mode. Pourtant, Shanel – son nom de chanteuse – revient de loin.
Rescapée du génocide à 9 ans, l’artiste engagée, aujourd’hui âgée de 23 ans, est une personnalité
phare de la cicatrisation de son pays. Dans Le jour où Dieu…, elle renonce à sa voix : muette dès les
premières minutes du film, elle interprète une femme anéantie par le spectacle d’une humanité qui
s’effondre. Ses grands yeux noirs dévisagent, défient, et interpellent notre devoir de mémoire. Comme
sa chanson emblématique, entonnée chaque année à l’heure de la commémoration : On ne vous
oubliera pas. Une phrase conjuguée au futur, fidèle à l’engagement de la jeune femme : raconter
les cris du passé « pour qu’une telle chose ne se reproduise jamais ».
_Juliette Reitzer
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LE
THE BOX
k IL Y A CEUX QU’ IL ÉNERVE
ET CEUX QUI LE VÉNèRENT
L’iconoclaste RICHARD kELLy, à qui l’on doit les inclassables Donnie Darko et Southland
Tales, revient avec The Box, adapté d’une nouvelle fantastique de Richard Matheson.
Boîte vide ou pleine ? Le film divise notre rédaction.
_Par Sandrine Marques (« la question ») et Jacky Goldberg (« la réponse »)
LA QUESTION LA RÉPONSE
Un couple se voit remettre par un étrange émissaire Cupides, les femmes sont en effet celles qui commettent
une boîte ornée d’un bouton-poussoir. S’ils actionnent le péché mortel, mais Richard kelly joue avec
le système, ils empochent un million de dollars, mais ce cliché plus qu'il ne le subit. Son travail de mise
un anonyme mourra. Le dilemme moral, au cœur de en scène consiste essentiellement à prendre de
ce récit de SF, laisse vite place aux doutes sur les la distance avec les figures mythologiques qu'il
intentions de l’auteur. Les femmes, dans le film, sont convoque, tout en créant une empathie avec ses
celles par qui la catastrophe arrive systématiquement. personnages, en premier lieu Norma Lewis, interprétée
Cupides, ces Ève, issues de la tradition biblique, ouvrent par Cameron Diaz – qu'on a rarement vue aussi bien
la boîte de Pandore. Et pour racheter leur faute, pas dirigée. Jamais mesquine, agissant sous la contrainte,
d’autre issue que la mort qu’elles réclament de la Norma fait de son mieux pour rattraper son erreur
main de leur époux, pour sauver leur progéniture. Le originelle. Son sacrifice en acquiert une dimension
sacrifice ici n’a rien de volontaire puisque le choix est authentiquement tragique. Il serait certes erroné
absent : quelle mère laisserait son enfant handicapé ? de faire de Richard Kelly un féministe militant, mais
La nouvelle originale faisait l’éloge de l’amour conjugal. réduire son film à un éventuel discours misogyne serait
Le propos du film est plus équivoque : si The Box encore plus regrettable : rares sont, aujourd'hui, les
appuie bien sur quelque chose, n’est-ce pas, au cinéastes avec une telle ambition et un tel sens de
fond, sur une certaine misogynie ? la mise en scène.
LA RÉPLIQUE
CORPS ET ÂME
Nous étions sur le De son propre aveu,
tournage d’Un poison « décalages » et « collisions » INDISCRETS DE TOURNAGE
travaillent la réalisatrice de
violent, premier long 29 ans : son film conte l’histoire Dans la nouvelle comédie
métrage de kATELL d’une jeune croyante qui de François Ozon, Potiche,
QUILLÉVÉRÉ. Reportage fait l’apprentissage du désir. Catherine Deneuve campe une
en Bretagne, entre Parisienne d’origine bretonne, bourgeoise qui remplace son
Katell est l’auteur de trois courts mari à la tête d’une usine de
mysticisme et émois
métrages réalisés en marge parapluies en grève. Casting
adolescents. de ses études de cinéma et mastodonte puisqu’il réunit
_Par Auréliano Tonet
de philosophie. Ses thèmes entre autres Gérard Depardieu,
« Je sens de l’ironie chez vous. de prédilection ? « La sortie Fabrice Luchini et Karin Viard…
Il faut que vous soyez habités, de l’enfance, la perte de
Jean Dujardin et Albert
intérieurs. » Queue de cheval l’innocence, le don de soi –
Dupontel se retrouvent sous
blonde, jean et chemise à au niveau tant physique que
la direction de Bertrand Blier
carreaux, Katell Quillévéré spirituel. » Ses auteurs de chevet ?
pour le tournage du Bruit des
s’adresse à la centaine de Pialat, pour L’Enfance nue, mais
glaçons. L’histoire d’un écrivain
jeunes figurants qui emplissent aussi Bresson, Argento, Sirk. Son alcoolique (Dujardin) qui reçoit
l’Église Saint-Louis de Brest. casting ? Hétéroclite, puisqu’il la visite de son… cancer
On y tourne la scène de réunit Michel Galabru, en (Dupontel). Sortie prévue
confirmation durant laquelle grand-père adoré, et Lio, dans courant 2010.
s’effondre le personnage le rôle d’une mère pieuse et
d’Anna, interprété par la esseulée. « Katell n’est pas un Darren Aronofsky s’accorde
débutante Clara Augarde, escroc, elle s’est battue pour les faveurs de Nathalie
14 ans. Monumental et bétonné, son film », nous confie Lio, sous Portman et de Mila Kunis pour
le décor contraste avec le le charme. Aussi fervente son prochain film The Black
charmant village de Brasparts, en qu’incarnée, la foi de la Swan. Tournage bunkerisé
cinéaste en son art n’en pour ce thriller surnaturel qui
pleine campagne finistérienne,
est que plus prometteuse. relate la rivalité torride de deux
où s’est déroulé l’été dernier
danseuses de ballet lesbiennes.
l’essentiel du tournage. En salles courant 2010.
LA TECHNIQUE
LE SENS DU POIL
Des millions de poils qui interagissent entre eux et renvoient la lumière en fonction de leur
densité : la fourrure est une texture très difficile à obtenir en synthèse. Un cauchemar que
le film Mission G a élevé au niveau supérieur, en y rajoutant la 3D (deux fois plus d’images
à calculer). Pour s’en dépêtrer, l’animateur manipule des sortes d’aimants virtuels, qui
agissent sur une région de poils et les déforment en fonction de la musculature du
personnage. Sur son écran, l’animateur ne voit qu’une centaine de poils témoin ; les
milliers d’autres seront ensuite calculés en fonction des directives qu’il a données aux
aimants.
_R.D. // Mission-G de Hoyt Yeatman, en salles le 14 octobre
TIRE LA B.O.
Avec Micmacs à tire-larigot, JEAN-PIERRE JEUNET a conçu une bande originale dans
la continuité de celles de Delicatessen et d'Amélie Poulain. Si le piano et l'accordéon
de Raphaël Beau ancrent le film dans un paysage très français, la présence de Max
Steiner, compositeur du Grand Sommeil, souligne les hommages hollywoodiens rendus
par le réalisateur d’Alien, la résurrection.
_Propos recueillis par Benoit Basirico
Un film de Jean-Pierre Jeunet // Avec Dany Boon, André Dussollier… // Distribution : Warner // France, 1h44, 2008 // Sortie le 28 octobre
LA RÉVOLUTION
NUMÉRIQUE
Avec ses salles intégralement programmées en V.O., MK2 sera en 2010 le premier circuit
à passer au tout numérique. L’occasion de souligner les avantages qu’offre cette technologie
tant pour les spectateurs que pour les distributeurs et les cinéastes.
LE CINÉMA NUMÉRIQUE,
QUELS AVANTAGES POUR LE SPECTATEUR ?
_Par Rafik Djoumi
Qu'est-ce que le cinéma numérique ? Ce sont deux choses différentes. Le premier est un
Depuis son origine, le cinéma est enregistré et format, le second un procédé. Le 3D relief (ou
diffusé sur de la pellicule, le plus souvent du 35mm. stéréoscopie) est un procédé optique qui date
Le cinéma numérique désigne les films tournés et du début du XIXe siècle ! Plusieurs films des années
projetés avec des images numérisées, composées de 1950 étaient diffusés en relief, comme Le crime était
chiffres (des 0 et des 1) dans lesquels sont contenues presque parfait d’Alfred Hitchcock. Mais l'ancien
toutes les informations de lumière, de couleurs, etc. système donnait de mauvais résultats et des maux
de crâne. Le 3D relief actuel est un procédé où les
Quels sont les avantages de la projection deux images stéréoscopiques sont synchronisées
numérique ? numériquement. Ainsi, la projection numérique
Avec la pellicule, l’image passait par de multiples est indispensable pour cette 3D moderne.
opérations photochimiques qui altéraient sa qualité,
et les projections finissaient par rayer le film. En Mais beaucoup de films sont encore tournés en
numérique, du tournage à la projection, les chiffres pellicule, non ?
restent les mêmes. Le son est lui aussi plus fidèle et Oui, mais ils sont de plus en plus numérisés après
inaltérable, car il n’est plus à même la pellicule le tournage, pour les opérations de post-production
mais dans un fichier numérique à part. (montage, étalonnage, etc.). La projection numérique
est donc préférable également pour ces films tournés
Quelle différence entre la projection numérique
en pellicule.
en salle et celle à la maison ?
La compression. Moins une image est compressée,
Quelques exemples de films tournés
plus grande est sa fidélité, sa précision et sa
en numérique ?
résolution (il y a plus de pixels). L’image numérique
Tous les films d’animation en images de synthèse, dès
« domestique » (DVD, chaînes de télé numérique...)
Toy Story en 1995, mais aussi certains blockbusters
est très compressée et elle affiche une résolution
américains : Superman Returns, Quantum of Solace,
moyenne. À l’inverse, les salles équipées en numérique
Speed Racer... Le format numérique a séduit des
investissent dans un matériel haute fidélité : projecteur
auteurs comme Ingmar Bergman ou André Téchiné,
spécifique, disques durs volumineux.
grâce à son encombrement et ses coûts moindres,
Quel rapport entre cinéma numérique et cinéma tant au moment du tournage que de la post-
en 3D relief ? production et de la distribution du film.
25
Depuis un an, six salles Mk2 sont équipées de métrage. Avec le numérique, sa programmation
projecteurs numériques. Quel bilan tirez-vous de dans les salles va être beaucoup plus simple, car
cette année d’expérimentation ? moins coûteuse. On pourra imaginer des expériences
Un bilan positif. Le choix d’équiper les salles en nouvelles comme des « programmes sponsorisés »,
numérique était lié à l’arrivée de nouveaux films assez différents de la publicité, et envisager l’existence
en relief. Le processus a démarré durant l’été 2008 d’une « après-séance », avec des interviews de
avec Voyage au centre de la terre puis avec la réalisateurs, des making-of…
distribution du premier film « 100% relief », Fly Me to
the Moon. On a observé alors que le public aimait D’un point de vue personnel de spectateur, qu’est-
le relief et le découvrait avec appétit, ce qui s’est ce qui vous intéresse dans un film en relief ?
ressenti au niveau de la fréquentation des salles. Je suis particulièrement captivé quand l’aspect
immersif est mis en avant, comme dans Avatar de
Le groupe Mk2 a décidé de passer au tout James Cameron. Le relief est passionnant quand
numérique pour 2010. Pouvez-vous nous il fait partie intégrante de l’histoire et ne constitue
détailler les étapes de ce virage numérique ? pas simplement un argument visuel ou marketing.
Il y aura 21 salles en numérique d’ici la fin 2009 dans
le réseau MK2. Le MK2 Bibliothèque va continuer
de s’équiper. Le MK2 Quai de Loire va se doter de
PAROLES DE CINÉASTE :
la technologie dans 3 salles. Le Quai de Seine MICHAEL MANN
va, lui aussi, obtenir 3 nouvelles salles. Les MK2 « Le numérique permet d'optimiser les choses
Odéon et Gambetta, qui étaient déjà équipés, jusqu'au dernier moment. C'est une exploration
vont poursuivre la transition. Le MK2 Nation suivra permanente et fascinante. J'ai commencé à
d’ici fin 2009. Et toutes les autres salles MK2 y l'utiliser pour certaines scènes d'Ali. Des caméras
viendront dans le courant 2010. minuscules me permettaient d'être au plus près
de Will Smith quand il boxait. Nous étions en
Qu’est-ce que le numérique va changer pour 2002 et c'était l'âge de pierre. J'ai découvert,
ce qui entoure la projection du film ? depuis, avec les caméras haute définition, un
Le principal avantage du numérique est d’éliminer langage d'une richesse inouïe. L'hyperréalisme
la copie en 35 mm, et son coût important, ce qui de l'image, le rendu des atmosphères, les nuances
facilitera l’accès à l’écran pour différents contenus de couleur et de lumière ont des vertus quasi
d’avant ou d’après-séance, comme le court- hallucinatoires. »
26 NEWS /// UNDERGROUND /// DÉJà CULTE, BIENTôT DANS LES BACS
TAPAGES
Vous rêvez de flanquer une paire de baffles
retentissantes à vos teigneux voisins ? DIZZEE COPIER COLLER
RASCAL est votre homme. Manifeste du dancefloor >> >> En catimini, l’Américain yim
en appartement bondé, son nouvel album, yames a publié cet été l’EP Tribute
To, soit six reprises piochées
Tongue 'n' Cheek, toque à la porte. dans l’immense et sous-estimé
_Par Étienne Rouillon répertoire de George Harrison.
APPLIS MOBILES
PUMA INDEX SOUNDwALk
La crise fiche une sacrée déculottée Zoner dans le quartier germanopratin
aux cours boursiers. Cette application, avec Virginie Ledoyen et Benjamin
qui promeut la nouvelle ligne de sous- Biolay comme guides pendant une
vêtements de Puma, déshabille des heure, c'est du tourisme sensuel. On fait
mannequins à mesure que les valeurs les sens pas, pour pas un rond, grâce
s'effondrent. Une bourse, des bourses. à ces ingénieuses ballades auditives.
Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : gratuit Plateforme : iPhone et iPod touch // Prix : gratuit
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Shitmydadsays
53 Tweets
474 176 followers
Sur http://twitter.com/shitmydadsays,
Justin, fils ingrat, gratifie les internautes des
sentences définitives de son papa de 73 ans, avec
qui il vit. Aphorismes inspirés par la fibre paternelle
ou réflexions sur l'accès à la nourriture, le père
vomit un tombereau quotidien de saloperies
qui relèguent les brèves de comptoir au rang
de maximes Carambar. Appuyé d'un coude
arthritique sur le zinc de la vie, le papa de Justin
« dit de la merde » et met tout le monde en boîte.
MON NOM EST PERSONNE Sur Twitter, c'est un cas, niveau caniveau : déjà un
Bienvenue dans l'oeil du cyclope du demi-million d'internautes abonnés à la fessée du
IPT-DS1 de Sony. Un appareil photo qui troisième âge. Éventail de pensées ventilées :
te tire le portrait tout seul, comme un
« Non, tu ne peux pas m'emprunter un t-shirt.
grand (vicelard). Et si au lieu de rester là à me faire ton regard
Ça part forcément d'une bonne intention. de fils choqué, tu faisais ta pu***n de lessive ? »
Un appareil photo qui se débrouille tout seul,
laissant les mains libres pour trempouiller son « Parfois la vie te glisse un billet de cent dollars.
boudoir dans une flûte. Sony a conçu un petit bijou Plus tard, tu réalises que c'est parce qu'elle t'a
technologique, le IPT-DS1. Cette station d'accueil, bien niqué. »
compatible avec la gamme d'appareils photos
Cyber-shot, embarque un moteur qui fait pivoter « Bon anniversaire. J'ai pas de cadeau pour toi.
l'objectif en direction des visages présents dans T'as mère en a un ? Bah alors, c'est aussi de ma
une pièce. Le logiciel lance une photo à chaque part. Sauf si c'est pourri. »
sourire repéré, puis repart compléter son
trombinoscope de surboum. La surprise passée, « Ta mère a fait des boulettes de viande. Certaines
on oublie vite ce mirador qui devient fournisseur sont pour toi, d'autres pour moi. Mais il y en a plus
officiel de contenu scabreux pour réseau social. pour moi. Souviens-toi. PLUS. MOI. »
Couplée à Facebook, la bonne idée devient au
pire mouchard, au mieux chaperon garant de nos « Y a-t-il des gens de ton âge qui savent se
bonnes manières. Une seule solution pour survivre peigner les cheveux ? Regarde-les, on dirait
à cette croisade homérique contre l'anonymat que deux écureuils ont rampé sur leur tête et
numérique : privilégier les bals masqués. commencé à baiser. »
IPT-DS1 // Sony // 150 € sur www.sonystyle.fr
VIS MA VILLE
Dans les ruelles de la simulation de gestion citadine, ALTER GAMO
la série SimCity tenait le haut du pavé. Mais quand
Cities XL arrive en ville, tout le monde change de
trottoir. Y compris le maire BERTRAND DELANOË,
dont on imagine l’engouement…
_Par Étienne Rouillon
LE CLASH
DJ HERO
VS GUITAR HERO
Vous grattouilliez ? Eh bien, scratchez maintenant ! Cet automne, un déferlement
de notes électrise votre salon. D'un côté, l'arrivée d'un nouveau compagnon de jeu :
une PLATINE pour faire crisser des sillons virtuels. De l'autre, le grand retour de
la guitare sans cordes mais avec pouce agile.
_Par Étienne Rouillon
DJ HERO
DANS LES MIRETTES
Plus show off que son cousin accordé au
diapason, l'interface de DJ Hero en reprend
les bases universelles. Le manche de la guitare
est oublié, c'est sur les lignes incurvées
d'un vinyle que défilent les notes. Parmi les
personnages du jeu, vous flasherez notamment
sur la combi des deux Daft Punk. Pointu, comme
DANS LES OREILLES
lesoreilles du duo casqué.
Si on ne fait pas vraiment « sonner » une guitare
ludique, on « mixe » réellement avec DJ Hero.
DANS LES MAINS
L'expérience est saisissante et l'on imagine qu'une
Remarquablement fignolées, la platine et la mixette
partie de DJ Hero remplacera à l'occasion une
s'imposent comme les évidents pendants ludiques
playlist d'iPod pour la crémaillère des copains.
d'un instrument trop souvent dénigré. On se retrouve
Entre l'oreille droite et l'oreille gauche, on se
vite à court de doigts face aux trois boutons de
télescope dans les hémisphères : Grandmaster
l'engin, auxquels il faut ajouter un potard d'effets,
Flash, Herbie Hancock, Dizzee Rascal, DJ Shadow...
un crossfader et le scratch du plat de la main.
Le challenge est à la hauteur de l'ambition des
PORTEFEUILLE
développeurs. Il faut tout réapprendre à zéro DJ Hero et sa platine, à partir de 110 $
avant de maîtriser le jeu sur le bout des phalanges. Activision // Sortie le 29 octobre // Sur PS3, Wii, X360, PS2
L’OUTSIDER
33
GUITAR HERO V
DANS LES MIRETTES DANS LES OREILLES
Les nouveaux ténors du médiator chantent des Souvent le point crispant des précédents Guitar Hero,
gloires d'outre-tombe. On retrouve Kurt Cobain aux un peu peignés du côté des chevelures longues sur
côtés de Johnny Cash, dans des environnements jeans motorisés. Ce coco n°5 a le bon look en faisant
dantesques, entre Stonehenge et le débarras la part belle à tous les genres : la madeleine de prout
du paradis des pierres qui roulent. Sans se faire Smell Like Teen Spirit ou le futuriste Superstition du
mousser, cet opus lifte la surcharge des précédents funky Stevie Wonder. Quant aux boutons pression de
pour plus de lisibilité. la guitare, ils frémiront avec Under Pressure de Queen
et Bowie.
DANS LES MAINS
Guitare, basse, batterie ou micro, le plaisir et l'illusion PORTEFEUILLE
Guitar Hero V et sa guitare, à partir de 99,99 $
d'être une bête de rock-fest reste prenante. Un plaisir Activision // Disponible //Sur PS3, Wii, X360, PS2
amplifié par une visibilité sans faille et une possibilité
pour les copains de filer un coup de main à la volée,
grâce au mode « soirée ». Un plus qui donne un coup
de jus participatif à la série.
Illustrations S.K.
LA RELÈVE
NATAL
Gratter la Mano Negra mais mano a mano, sans instrument dans les pattes,
c'est le futur de l'interaction ludique proposé par Microsoft. Son projet Natal
pense une jouabilité sur le bout des doigts, qui met à l'index manettes et
connexion filaire. Une caméra associée à la console reconnaît 48 points en
mouvement de votre squelette. Ce motion capture de salon a été applaudi
des deux mains par Steven Spielberg. En gestation depuis juin, la Xbox 360
accouchera de Natal courant 2010.
Microsoft // http://www.xbox.com/en-US/live/projectnatal
LE
GUIDE
CALENDRIER MALIN POUR AVENTURIER URBAIN
SORTIES EN SALLES
SORTIE LE 14 OCTOBRE
36 La Nana de Sebastián Silva
SORTIE LE 21 OCTOBRE
38 Winnipeg mon amour de Guy Maddin
39 Le Ruban Blanc de Michael Haneke
SORTIE LE 28 OCTOBRE
40 Le jour où Dieu est parti en voyage
de Philippe Van Leeuw
SORTIE LE 4 NOVEMBRE
42 Les Herbes folles d’Alain Resnais
LES AUTRES SORTIES
44 Mademoiselle Chambon ; Panda Petit Panda ;
The Descent : Part 2 ; Divorces ; Happy Ever Afters ;
Lucky Luke ; Rachel ; Sin Nombre ; Cinéman ;
Micmacs à tire-larigot ; This is It ; Clones ; Away
We Go ; Visage ; Le Concert ; La Grande vie
SORTIES EN VILLE
48 CONCERTS
Desire au Social Club
L’oreille de… Paco Volume
50 CLUBBING
Le Bal jaune
Les nuits de… Thomas Lélu
52 EXPOS
Photoquai au Quai Branly
Le cabinet de curiosités : James Benning
54 SPECTACLES
Jan klata au Festival d’automne
Le spectacle vivant non identifié : ActOral
56 RESTOS
Jacques Guenin à la Chocolaterie
Le palais de… Pierre Lapointe
P.50
SCÈNES DE
MÉNAGE
Un film de Sebastián Silva // Avec Catalina Saavedra, Claudia Celedón…
Distribution : ASC // Chili, 2009, 1h35 SEBASTIáN SILVA
Domestique depuis vingt-trois ans pour une famille Où se déroule votre histoire ?
bourgeoise, Raquel n’entend pas mélanger les J’ai tourné le film dans la demeure où j’ai grandi.
Il comporte donc une part autobiographique.
torchons et les serviettes. Quand d’autres bonnes Mes parents et leur personnel de maison y
tentent de la seconder, elle fait le ménage. Une vivent toujours. Personnage à part entière,
la maison représente la prison où se cache
comédie attachante par un jeune cinéaste à suivre. Raquel du monde extérieur. J’en connais
_Par Sandrine Marques
tous les recoins et moi-même, je devais m’y
Second film de Sébastián Silva après La Vida me mata, La Nana sentir un peu prisonnier dans ma jeunesse.
(la bonne) relate le parcours cathartique d’une femme de ménage Le corps entravé de votre héroïne est un
névrosée. Quand elle montre des signes de fatigue, sa patronne poids, mais vous choisissez de le libérer…
décide d’embaucher une aide supplémentaire. Raquel chasse Il était important pour moi de montrer qu’il
une à une les aspirantes, en leur jouant des coups pendables : elle y avait une femme derrière l’uniforme de
domestique. D’où les scènes de douche où la
les enferme dehors, désinfecte la baignoire après leur passage, nudité restaure les bonnes dans leur féminité.
liquide même un chat. L’acariâtre soubrette règne sans partage sur
Ce film a fait évoluer les droits de ces
son territoire. Jusqu’au jour où l’arrivée de l’enjouée Lucy a raison de
travailleuses au Chili…
sa carapace… Avec une économie d’effets, Sebastián Silva décrit Mon propos n’était pas politique à la base.
subtilement un enfermement tant physique que psychologique. Mais j’ai reçu une lettre de la présidente
La claustrophobie prend une dimension organique mais du Chili le jour de l’avant-première qui me
la pathologie de Raquel n’inscrit pas le film dans le drame, félicitait d’avoir fait connaître le travail de
au contraire. On rit franchement des pièges qu’elle tend aux ces femmes. Le sujet était tabou jusqu’à
présent et elles ont obtenu, grâce au film,
malheureuses femmes de maison. On s’émeut surtout de l’amitié les jours de congés qui n’existaient pas
que développent les deux bonnes, point d’orgue d’un film jusqu’alors.
résolument intelligent, généreux et optimiste.
JE SUIS
UNE VILLE
Un film de Guy Maddin // Avec Darcy Fehr, Ann Savage...
Distribution : e.D. // Canada, 2007, 1h19 GUy MADDIN
Autoportrait d’avant-garde et hommage à sa ville D’où vous est venue l’idée de ce travail sur
natale, Winnipeg mon amour du Canadien GUy Winnipeg ? De vos souvenirs d’enfance?
MADDIN est un étonnant travail sur la mémoire, J’ai toujours voulu faire LE film sur l’enfance,
j’enseigne d’ailleurs un cours sur le sujet. Zero
d’une fantaisie sombre et hantée. de conduite de Jean Vigo est pour moi un
_Par Clémentine Gallot modèle du genre. En fait, on m’a demandé de
faire un documentaire sur ma ville et comme
Winnipeg est une localité enneigée des plaines canadiennes,
je suis un peu excentrique, on m’a dit de le
dans la province de Manitoba. Fidèle à sa manière singulière, rendre « personnel ». Ça tombe bien, car les
Guy Maddin évacue rapidement la question du documentaire : documentaires n’ont jamais été objectifs.
c’est par les détours de sa propre histoire, inséparable du destin
D’où viennent toutes ces images?
de cette ville fantomatique, qu’il aborde ce « docu-fantaisie ». Un Il y a dans le film une ambiguïté volontaire
pessimisme poétique qui s’incarne par digressions : « Winnipeg... entre les images d’archives et les scènes filmées
est un film snow-noir, avec une combinaison spéciale de teintes par moi. Je déteste faire des recherches, donc
de noirs », explique le cinéaste. À l’image de cette « ville de j’en ai fait peu. Au Canada, on parle très peu
du passé, contrairement aux États-Unis où tout
palimpsestes », le film est en fait une réécriture historique, tissée
devient matière à la mythologie. Je voulais aller
d’anecdotes plus ou moins fictives. Maddin retourne ainsi dans contre ça en explorant la mémoire de cette ville.
la maison de son enfance pour y tourner des scènes farfelues
Quelle a été la réaction des habitants face
inspirées des souvenirs de sa vie de famille. Un film, aussi, pour
au film?
tenter d’échapper à l’entropie qui retient le cinéaste sur le lieu J’espérais secrètement que le film allait irriter les
qui l’a vu naître, sa « muse » depuis toujours. Et Maddin, qui vit populistes de Winnipeg, qu’ils me bouteraient
aujourd’hui entre Winnipeg et Toronto, de conclure : « On imagine hors de la ville – mais pas du tout !
qu’il est bon d’y élever ses enfants, mais c’est surtout devenu un Le lundi 19 octobre à 20h au théâtre de l'Odéon et dans le cadre
lieu violent et cauchemardesque. » du Festival d'automne à Paris aura lieu la présentation unique du
film de Guy Maddin Des trous dans la tête !
DvD disponible chez e.D. Distribution
LA SOIF
DU MAL
Un film de Michael Haneke // Avec Christian Friedel, Susanne Lothar… // Distribution : Les Films du Losange // France-Italie-Autriche-Allemagne, 2009, 2h24
Palme d’or 2009, Le Ruban blanc de MICHAEL HANEkE est le film le plus réussi de son
auteur. Une plongée profondément trouble et mordante dans la mécanique du mal.
_Par Donald James
Avant d’en venir au Ruban blanc, Michael Haneke saisonnière comme l’hiver, un vœu pieu, un symbole,
livrait un remake américain de l’un de ses films au tel ce ruban que les enfants portent autour du bras
dispositif hyper manipulateur, Funny Games, une pour se souvenir de ne pas fauter...
œuvre devenue un classique de l’horreur et des
temps modernes. En philosophe, le cinéaste Le choix du noir et blanc de l’image n’est pas fortuit.
autrichien aime à réfléchir à la violence sèche et Certes, le récit qu’Haneke a choisi de raconter est au
froide du monde. Agitprop moraliste aux tendances passé, mais le contraste sert surtout un duel chromatique
misanthropes, il recevait, en juin dernier, la Palme – symbolique – où le noir immanquablement l’emporte.
d’or pour Le Ruban blanc. Une récompense bien Film noir et enquête sur la genèse du mal, Le Ruban
méritée. Caché, discret, Haneke met en scène avec blanc commence comme un thriller : une voix, celle
génie les névroses et les haines tapies d’un hameau de l’instituteur racontant des événements étranges
protestant du Nord de l’Allemagne, à la veille de la de sa jeunesse, nous tient en haleine jusqu’au bout.
Première Guerre mondiale. Non, pas de métaphore Tout l’art pervers et mystérieux du cinéaste consiste
ici qui expliquerait tout (la guerre, le nazisme, etc.), à mettre en scène ce mal à l’état brut – on pense à
disons plutôt que Le Ruban blanc pourrait prendre un mélange du Village des damnés et du réalisme cru
place n’importe où, aujourd’hui encore. « Voilà à des pièces du dramaturge Harold Pinter –, et de faire
quoi nous sommes parvenus après des siècles de de ce mal à la fois un objet éthique condamnable
culture, de religion, de civilisation », semble dire et néanmoins le carburant essentiel, jouissif de son
Haneke. Voici un village où l’innocence est au mieux œuvre.
Coffret 7 films Michael Haneke (MK2 Édions, sortie le 14 octobre)
AU BOUT
DE L’ENFER
Un film de Philippe van LeeUW // Avec Ruth Nirere, Afazali Dewaele… // Distribution : MK2 Diffusion // France-Belgique, 2008, 1h34
Premier long métrage d’un chef opérateur belge, PHILIPPE VAN LEEUw, sur une femme
au cœur de la tragédie rwandaise. Glaçant et indispensable.
_Par Isabelle Danel
D’abord, il y a les sons. Des hurlements, des supplications, Le réalisateur tisse l’histoire terriblement vraisemblable
des détonations, et le fracas sauvage occasionné par d’un être perclus de douleur, seul au cœur de l’enfer,
une horde de Hutus envahissant la maison dans le vivant comme une bête traquée et affolée, se nourrissant
grenier de laquelle une femme Tutsi est recroquevillée, de feuillages et buvant de l’eau croupie. La question
tremblante. Ensuite ce sont des sensations : la terreur, du film, placé du point de vue de la victime, c’est :
la chaleur, l’attente… Lorsqu’elle sort de sa cachette, « comment survivre ? » Elle se double d’un « à quoi
Jacqueline se rend chez elle pour retrouver ses deux bon?» qui glace le sang. Dans la touffeur d’une forêt,
enfants… morts. Elle s’enfuit alors et, tapie dans les la peur au ventre, l’incompréhension au fond des yeux,
hautes herbes, survit dans la nature, où elle soigne le personnage de Jacqueline traverse l’inimaginable.
un fugitif blessé… Pour son premier long métrage La force du film est de constamment nous faire
comme réalisateur, le chef opérateur de Bruno Dumont ressentir, physiquement et quasiment sans paroles,
(sur La Vie de Jésus) et de Claire Simon (sur Les l’horreur absolue. S’appuyant sur l’histoire récente
Bureaux de Dieu) s’attaque à un sujet difficile, voire du Rwanda et du génocide absurde et révoltant de
impossible. Il s’inspire d’une histoire racontée par des plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants,
amis coopérants belges à Kigali : évacués d’urgence il touche à l’universel. Le jour où Dieu est parti en
en avril 1994, dès le début des «événements», ils ont voyage, sous son magnifique titre, raconte, de l’intérieur
laissé derrière eux leur nounou Tutsi et n’ont jamais et dans une lumière insolente, la barbarie. Toutes les
su ce qui lui était arrivé. barbaries.
FINES
HERBES
Un film d’Alain Resnais // Avec Sabine Azéma, André Dussolier…
Distribution : StudioCanal // France-Italie, 2008, 1h44 LE FILM VU PAR BRUNO PODALyDèS
Drôle et glaçant, traversé par des courants incontrôlables, « Bon allez, je vous raconte juste le début
Les Herbes folles confirme, dans le prolongement du film. Générique sur un sol aride, une
herbe arrive à pousser entre deux pierres…
du bouleversant Cœurs, que l’audace du cinéma (« la vie a trouvé son chemin » s'émerveillait
d’ALAIN RESNAIS reste sans pareille. Spielberg dans Jurassic Park). Et puis la vie
_Par Jérôme Momcilovic avance à pas sûrs, chaussures féminines
cadencées par une marche volontaire (pas
Les lecteurs de Gilles Deleuze connaissent bien cette étrange de destin, mais une destination). Une série
propriété du brin d’herbe : il pousse « par le milieu ». Les manuels de plans fermes et musicaux. Et puis entrent
de botanique, eux, nous disent que l’herbe est une plante «vivace» d'autres vies, d'autres possibles, vitrines de
chaussures de toutes les couleurs. Celles-ci !
et « non ligneuse ». C’est dire si le titre splendide qu’Alain Resnais
Oh et puis non celles-là !
a choisi de donner à son dernier film contient, non seulement la
définition du film, mais, au-delà, celle de l’œuvre entière. Les herbes Allégresse du choix. Joie élégante du
folles poussent, donc, par le milieu. À la surface, l’histoire d’un sac cinéaste à désigner d'autres routes (« ou
volé puis retrouvé, quelques lubies incongrues qui animent drôlement bien… » supposait Alan Ayckbourn dans
Smoking / No smoking). «Et puis – et j'allais dire
une poignée d’acteurs prodigieux (les habitués Azéma et Dussolier, déjà » (comme chantait Reggiani), un petit
les nouveaux venus Amalric ou Devos), et puis des avions et une incident banal : un vol à la tire et la chute au
étrange histoire de croquettes pour chat. En sous-sol : un secret sol du portefeuille de la dame, nouvelle piste,
terrifiant, des fantasmes innommables, et cette tristesse épuisante celle du hasard, du fortuit, arrêt du ballet de
qui n’a jamais fini d’habiter les films de Resnais. Décidément, Cendrillon, la perte, la mort ou… la renaissance
car un monsieur ramasse le dit portefeuille...
le dernier jury cannois a eu une drôle d’idée en choisissant de « Herbe folle, pas si folle que ça » (comme
donner à Resnais un prix honorifique et un peu funèbre plutôt fredonnait Moustaki). Avec Resnais, cela
que de distinguer son film : à Cannes ou ailleurs, on n’a pas vu, repousse toujours, ailleurs. »
cette année, plus vivaces que ces Herbes-là.
44 CINÉMA
AGENDA
SORTIES
CINÉ _Par I.D., R.G., D.J., S.M. et J.R.
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46 CINÉMA
LES ÉVÉNEMENTS
BASTILLE BIBLIOTHÈQUE HAUTEFEUILLE ODÉON QUAI DE LOIRE
CINÉMA PASSERELLES
FLASHBACKS & PREVIEWS LE DIALOGUE DES DISCIPLINES
DIMANCHE 18 OCTOBRE - 10H30 / Le Journal d’une JEUDI 15 OCTOBRE – 19h30 / ZÉRO DE CONDUITE
femme de chambre de Luis Buñuel / En partenariat Les pirates / Avec les éditions Attila, autour des textes
avec les éditions Buchet/Chastel, carte blanche à de G. Leroux (Chéri Bibi, Libertalia) et M. Rediker
Marie-Hélène Lafon pour la sortie de L’Annonce. (Pirates de tous les pays !, Libertalia et L’Hydre aux
mille têtes, Amsterdam). Insc. au 01 44 52 50 70.
JEUDI 22 OCTOBRE – 19h30 / La 25e heure de
JEUDI 15 OCTOBRE – 19h45 / STUDIO-PHILO /
Spike Lee / Choisi et présenté par l’auteur Vincent
Temps du désir et sagesse de l’amour / Autour
Message (Les Veilleurs, Seuil).
du Banquet de Platon. Séance animée par
SAMEDI 24 OCTOBRE – 11H30 / PAROLES DE le philosophe Ollivier Pourriol, avec Meetic.
PSy. / Qu’est-ce qu’être psychanalyste ? SAMEDI 17 OCTOBRE - 11h30 / CINÉ-BD / MARTIN
VEyRON Avec les éditions Dargaud, rencontre autour
DIMANCHE 25 OCTOBRE – 11H / PAROLES DE de Blessure d’amour propre, suivie de la projection
PSy. / Lacan et les psychanalystes d’Un homme, un vrai de Jean-Marie et Arnaud Larrieu.
LUNDI 26 OCTOBRE - 20H30 / RDV DES DOCS / LUNDI 19 OCTOBRE - 20h / RENCONTRE /
Dites à mes amis que je suis mort de Nino kirtadze / THEÂTRE / Rencontre avec Marc Paquien et l’équipe
En présence d’Antoine Thirion, critique de cinéma de la Comédie Française autour de Les affaires sont les
et Independencia, artiste résident au 104. affaires d’O. Mirbeau au Théâtre du Vieux Colombier.
JEUDI 22 OCTOBRE – 19h30 / RENCONTRE /
SAMEDI 31 OCTOBRE – 11H30 / PAROLES LITTÉRATURE Avec les éditions du Seuil, rencontre-
DE PSy. / Ginette Raimbault lecture avec Vincent Message autour de Les Veilleurs.
DIMANCHE 1ER NOVEMBRE – 11H / PAROLES JEUDI 22 OCTOBRE – 19h45 / STUDIO-PHILO /
DE PSy. / Georg Garner De l’émotion au sentiment / Autour du Traité des
passions de Descartes. Séance animée par le
MARDI 3 NOVEMBRE - 20h30 / L’Affaire Coca- philosophe Ollivier Pourriol, avec Meetic.
Cola / Projection suivie d’un débat, organisés
JEUDI 31 OCTOBRE - 11H / CINÉ-BD / Il était une
par l’hebdomadaire Courrier International.
fois en France / Avec Glénat, rencontre avec les auteurs.
JEUDI 5 NOVEMBRE - 20H / AVANT-PREMIERE / DU 4 AU 17 NOVEMBRE / EXPO / Delphyne
L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot de Serge D’Urbet - Perception
Bromberg
SAMEDI 7 NOVEMBRE – 16h / RENCONTRE / BD
SAMEDI 7 NOVEMBRE – 11H30 / PAROLES Avec les éditions Emmanuel Proust, rencontre-
DE PSy. / Objet et fin de la psychanalyse dédicace avec Emmanuel Reuzé et Didier
Daeninckx pour la parution de Cannibale.
DIMANCHE 8 NOVEMBRE – 10H / PAROLES SAMEDI 14 NOVEMBRE – 16h / RENCONTRE / Avec
DE PSy. / Les Psychanalystes et l’argent + l’École des Loisirs, rencontre-dédicace avec Pierrick
La Psychanalyse et la politique Bisinski (Chat blanc, chat noir et Mon nounours a
disparu) et Alex Sanders (Les bêtises de Lulu et Et toi ?).
JUNIOR*
DU 28 OCTOBRE AU 3 NOVEMBRE / MON 1ER FESTIVAL
Dédié aux enfants de 2 à 12 ans, Mon 1er Festival propose
une approche ludique et pédagogique du cinéma, au tarif
unique de 4 euros la séance. Au programme, entre autres,
une programmation thématique « coucou fais-moi peur », un
coup de cœur à Tim Burton, un panorama du cinéma italien,
des ciné-concerts, des séances animées, des ciné-quizzs, des
ciné-goûters, des rencontres avec des réalisateurs, des
acteurs, des professionnels du cinéma, des séances
costumées et maquillées…
www.monpremierfestival.org
*découvrez toute la programmation junior sur www.mk2.com
47
UVREZ
DÉCO
ÉMA
LE CIN S
EM EN T DAN
AUTR MK2 !
LL ES
LES SA
48 SORTIES EN VILLE
CONCERTS
CLAIRE-
OBSCURE
Desire au Social Club
DESIRE, nouvelle égérie slow-disco du label Italians Do It Better, souffle une buée
chaude et blanche sous la lumière noire et froide des night-clubs. Les noctambules
rêvent debout, et tombent amoureux.
_Par Wilfried Paris
Après les révélations Chromatics (dark-synth-pop sous tranquillisants) et Glass Candy (synth- post-punk sous
amphétamines), le label de Portland Italians Do It Better, sous la houlette du mystérieux Johnny Jewel, prolonge
la nuit blanche sur des poudreuses italo-disco, avec une nouvelle égérie à la voix immaculée : la Québécoise
Megan Louise. Jewel la rencontre en 2008 lors d’une tournée dans un night-club de Montréal, où elle chante
des chansons de Jean-Pierre Massiera (maître du « délirium psychédélico-disco »). Coup de cœur de Johnny,
qui s’installe à Montréal, le temps d’enregistrer un album avec sa nouvelle muse, intitulé II (car les histoires
d’amour se vivent ainsi), sous le nom de code Desire.
Commençant comme un vrai-faux concert dans une simili discothèque 80’s (applaudissements perdus dans
une réverbération cheap), II installe, comme sur Night Drive des Chromatics (road trip nocturne et solitaire) ou
B/e/a/t/b/o/x de Glass Candy (junk movie à la Miami Vice), une ambiance cinématographique froide, un peu
lynchienne. La narration sous-jacente d’une relation amoureuse fantasmée renvoie à la solitude d’une princesse
égarée au milieu d’une galerie des glaces (qui chante sur le sublime Mirroir, Mirroir). Comme une Stéphanie de
Monaco dans un rêve éveillé, Megan Louise, sorte de Debbie Harry au charmant petit accent frenchie,
développe une mélancolie étrangement surannée, entre innocence adolescente et chronique des cœurs
brisés, les sentiments (absence, dépendance) se trouvant soulignés par des grooves slow-disco et des staccatos
virant aux clichés, mais singulièrement humanisés par une production low-fi (souffle et craquements du vinyle),
analogique, et jouée (jusqu’au solo de saxo rétro de Dans mes rêves). Entrez dans ses rêves.
Desire, Glass Candy, Mike Simonetti et Marco Dos Santos le 23 octobre au Social Club, dès 23h, 15 €
voir également le blog de Desire : http://primitivedesire.blogspot.com
AGENDA
CONCERTS _Par W.P.
1 FESTIVAL BBMIX
Pour la cinquième édition du festival, seront de la
partie le dandy pop Momus, le rigolard Dogbowl,
le pas manchot Marc Ribot, mais aussi Rafter,
Private, Skeletons, Ultra Orange et les baby-rockeurs
The Shades. Eclectique et boulonnais.
Du 23 au 25 octobre au Carré Belle-Feuille, à Boulogne
Billancourt, dès 19h, 9 € par soir
2 TURZI
Release-party du bad-trip psychédélique de Turzi,
B, et rappel de l’armée de la nuit : Zombie Zombie
et le Dirty Sound System en dj-sets, S.C.U.M., Action
Beat (qui jouent parfois avec trois batteries sur
scène) et Turzi en live. B there.
Le 29 octobre à L’Élysée Montmartre, dès 18h30, 12 €
4 FLEETwOOD MAC
Bénéficiant d’un vif regain d’intérêt (le retour en
grâce de la prod’ 70’s ?), le groupe qui a vendu
25 millions de Rumours passe par le «petit» Zénith
parisien pour sa tournée «Greatest Hits». Don’t stop.
Le 17 octobre au Zénith, dès 20h, de 45 € à 72 €
OCTOBRE 2009
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50 SORTIES EN VILLE
CLUBBING
JAUNE ET JOLI
Le Bal Jaune
Organisé tous les ans, en marge de la Fiac, par la Fondation Ricard et le magazine
Beaux Arts, le BAL JAUNE est devenu une véritable institution noctambule, célébrant
les premiers pas de jeunes créateurs sur la piste de l’art.
_Par Anne-Laure Griveau
Tout commence par un dîner étoilé (c’est Yannick Alléno, le chef triplement décoré du Meurice qui concoctera
cette fois le menu) où les invités, VIP de l’art et de la culture, intronisent, rassasiés, le lauréat du Prix de la
Fondation d’entreprise Ricard. « Nous avons créé le Bal Jaune il y a dix ans pour célébrer, comme ce fut le
cas pour la French touch en musique, la French touch en art contemporain », explique Colette Barbier,
directrice de la Fondation Ricard, organisatrice de l’événement. Happenings décalés (comme les majorettes
du groupe Les Vedettes et les bruits d’hélicoptère d’Alain Bublex l’an passé) et scénographie arty, chaque
édition du Bal Jaune rivalise avec les audaces de la Fiac. Parmi les plus belles pièces sélectionnées par
Colette Barbier, « celles de l’édition 2008 : la Forêt épileptique de Berdaguer et Péjus qui accueillait les
invités au cocktail tandis qu’une immense structure tentaculaire, conçue par Vincent Lamouroux et
Jakob+Macfarlane, flottait et magnifiait la salle du Casino de Paris. »
Mais qu’on ne s’y trompe pas, comme son nom l’indique, le Bal Jaune est bel et bien une fête. Et ce ne
sont pas moins de deux mille noctambules avertis qui, vers minuit, envahissent les lieux pour fêter l’art…
Comme le prix de la Fondation Ricard, décerné lors du Bal à « l’artiste le plus représentatif de sa génération »,
la programmation musicale se veut « prospective ». Au fil des années, on a ainsi dansé au son de
Superpitcher, DatA, Feadz, Trevor Jackson, Princess Superstar ou encore Coco Rosie et Minitel Rose…
L’édition 2009 sera aussi électronique qu’éclectique avec l’électro-pop des Anglais de Metronomy,
l’electro-rock des Parisiens de Make the Girl Dance et l’electro-deep-house du Russe Andrey Pushkarev.
En octobre, sortez prendre l’art !
Onzième édition du Bal Jaune le 23 octobre au Pavillon Cambon, sur invitations
AGENDA
CLUBBING _Par A.-L.G.
1 GIVE ME FIVE !
D’éphémère, l’endroit n’a que le nom puisqu’il fête
aujourd’hui ses cinq ans ! Et il en a vu passer des
DJ’s depuis le premier disque de Yuksek en 2004...
En point de mire : Mondkopf, SebastiAn, Gilb’R,
Gentlemen Drivers, Noël Akchoté, tous invités à
cette birthday party.
Les 16 et 31 octobre au Point Éphémère, dès 23h, 16 €
2 wE LOVE LUCIANO
Prince des DJ’s à Ibiza, célèbre pour son endurance
et la fièvre latine de ses sets, Luciano est l’invité de
We Love Art. À producteur dément, lieu fou, puisque
c’est à l’Aquaboulevard que se tiendra la soirée.
Baignade annoncée en début de soirée…
Le 17 octobre à l’Aquaboulevard, dès 21h30, 25€
4 CALVIN HARRIS
Deux titres (Acceptable in the 80’s en 2007 et
Dance Wiv Me feat. Dizzee Rascal en 2009) auront
suffit à faire entrer ce DJ originaire des Highlands
dans le cercle des producteurs électro à succès.
Douche écossaise assurée !
Le 12 novembre à l’Élysée Montmartre, dès 19h30, 25 €
OCTOBRE 2009
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52 SORTIES EN VILLE
EXPOS
ANGLES
OUVERTS
Photoquai au Quai Branly
Jusqu’au 22 novembre, Photoquai expose en plein air 50 photographes de 32 pays
non occidentaux. Cette sélection d’artistes méconnus bouscule nos représentations de
l’étranger.
_Par Anne de Malleray
Musée d’ethnographie, le Quai Branly expose la diversité des peuples et des cultures. Dans cet exercice
d’inventaire, la photographie intervient souvent comme outil documentaire sans que l’on prête attention au
regard de celui qui est derrière l’objectif. Avec cette deuxième « Biennale des images du monde », le musée fait
place à l’interprétation singulière.Toutes les œuvres des photographes, prises in situ, dans leur pays d’origine, sont
empreintes d’un questionnement culturel et identitaire. L’un d’eux symbolise particulièrement ce renversement.
Jeff Thomas, descendant des Indiens Onondaga, met en scène des figurines d’Indiens sur fond de paysage
urbain, en s’inspirant des photographies d’Edward Sheriff Curtis. Cet ethnologue fut, à raison de milliers de
clichés, un témoin essentiel du déclin de la civilisation indienne en Amérique du Nord au début du XXe siècle.
La sélection, effectuée par huit commissaires de diverses nationalités, est riche de son hétérogénéité, depuis
les photomontages oniriques de la Mexicaine Daniela Edburg jusqu’aux portraits de l’Afghan Fardin Waezi,
effectués à l’aide d’un vieux daguerréotype, seul matériel photographique autorisé sous le régime taliban.
Reza Deghati, photojournaliste iranien en charge de la sélection pour l’Asie Centrale, distingue Photoquai
parmi toutes les autres manifestations du genre : « J’ai choisi des photographes sans restriction d’âge ou
de renommée, certains sont exposés pour la première fois » – une liberté peu courante dans les festivals.
On pourrait résumer cette diversité de regards, rarement réunis en une seule exposition, comme une tentative
« de promouvoir la notion approchée d'une humanité sans frontières ». C’est ainsi que Claude Lévi-Strauss
décrit la faculté des groupes ethniques à dépasser leur ethnocentrisme.
Photoquai, accessible gratuitement jusqu’au 22 novembre en face du Musée du Quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris,
www.photoquai.fr
LE CABINET DE CURIOSITÉS
AGENDA
EXPOS _Par A.-L.V.
LHk 18
Pour démarrer la saison en beauté,
cette jeune galerie présente une
exposition collective réunissant
une sélection d’œuvres de
plusieurs de ses artistes : Sylvain
Rousseau, Vincent Mauger,
Bertrand Lamarche, Neil Beloufa,
Stéphane Vigny et Emmanuelle Lainé.
Jusqu’au 28 novembre à la Galerie LHK,
6 rue Saint-Claude, 75004 Paris.
APICHATPONG
wEERASETHAkUL
L’exposition de l’artiste et cinéaste
thaïlandais s’articule autour
d’une installation composée de
huit films courts réalisés dans le
village de Nabua, occupé par
l’armée thaïe entre 1960 et 1980
pour contrôler les insurgés communistes. Quand la
fiction revisite l’Histoire.
Jusqu’au 3 janvier au Musée d’art moderne de la Ville
de Paris, 11 avenue du Président Wilson, 75016 Paris.
GILBERT GARCIN
Les mises en scène
photographiques en noir et blanc
de Gilbert Garcin étonnent tant
par leur simplicité que par leur
dimension surréaliste. En parfait
illusionniste, cet artiste octogénaire
n’en a toujours pas fini de s’amuser
avec les jeux d’optique et d’échelle.
Du 15 octobre au 21 novembre à la Galerie Les Filles du
Calvaire, 17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris.
OCTOBRE 2009
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54 SORTIES EN VILLE
SPECTACLES
KLATA
STROPHES
Jan Klata au Festival d’automne
Yalta en Ukraine. Wroclaw en Pologne. Entre ces points cardinaux, JAN kLATA sonorise
l'histoire polonaise avec Transfer !, une tragédie géographique aux frontières du punk.
_Par Ève Beauvallet
Les fleurs du mal naissaient de la boue. Les pièces du jeune metteur en scène polonais Jan Klata poussent
sur des terrains en charpie. L'engrais ? L'emblème des no man's land et des conflits de territoire : la Pologne.
Et sa société, obsédée par sa propre histoire. Une ville des années 1990 ravagée par le chômage après la
fermeture des mines dans un irrévérencieux Révizor. Une variation sur les moeurs catholiques dans Les Caves
du Vatican. Les transferts de populations liés au découpage géographique post-Yalta dans Transfer!... Des
terres politiquement brûlées, sur lesquelles germe un théâtre « garage » nouvelle génération. D'évidence,
la Pologne n'a pas attendu Jan Klata pour décharger les débris de son histoire sur les plateaux de théâtre.
Krzysztof Warlikowski – metteur en scène majeur de la génération antérieure – les sample actuellement aux
mythes antiques dans sa monumentale fresque (A)pollonia. Jan Klata, lui, amplifie les chuchotements de
la mémoire collective en les mixant aux textes traumatiques du groupe punk Joy Division.
Dans Transfer!, la mémoire des victimes des déplacements massifs fait face à un trio Staline-Churchill-Roosevelt
version fantoche. Yalta d'un côté, Wroclaw – ville entièrement vidée de sa population – de l'autre. Choix éloquent :
le trio est pris en charge par des comédiens professionnels, tandis que les témoignages sont assurés en chair
et en os par les victimes de l'époque. La couleur de Transfer! est blafarde, certes – Jan Klata a longtemps bataillé
dans le brouillard pour le mouvement Solidarnosc. Mais entre les murs délavés de son théâtre, les hiérarchies
vaseuses et autres barbelés traditionnels n'ont plus droit de cité. Bienvenu, donc, sur un plateau où Patti Smith
et South Park pogotent avec Tadeusz Kantor ou Krystian Lupa, et hurlent, en choeur, que «Poland is not dead».
Transfer !, ms. Jan Klata, du 5 au 7 novembre à la Maison des Arts de Créteil, dans le cadre du Festival d'Automne à Paris
www.festival-automne.com // (A)pollonia, ms. Krzysztof Warlikowski, du 6 au 12 novembre au Théâtre National de Chaillot,
www.theatre-chaillot.fr
ACTORAL.8
Et si les écrivains cachaient bien leur jeu ? Dans
le doute, le metteur en scène Hubert Colas leur
invente un plateau. Il s'appelle ActOral et s'ouvre
à toutes les formes orales engoncées dans le mot
« théâtre ». Du format court (« L'apéro artistique » :
15 minutes pour présenter son œuvre) au long
(«Une heure avec»), en passant par le transgenre
« Impromptus » (relecture littéraire d'une œuvre
vidéo)... Autant d'exercices de style oraux, qui
ont excité les auteurs Chloé Delaume, Tanguy
Viel ou Noëlle Renaude, parmi la nuée d'artistes
qui prennent le départ du festival.
_E.B
Festival international des arts et des écritures contemporaines,
du 15 au 17 octobre au Théâtre de la Cité Internationale,
www.theatredelacite.com
AGENDA
SPECTACLES _Par E.B.
1 DANSES PARTAGÉES
En écho aux journées du patrimoine, le CND
propose les siennes, doublement dansantes.
À savoir, un danseur étoile pour guider la visite
– Nicolas le Riche – et une déambulation
impromptue au rythme d'ateliers tous public
et de présentations de travaux. Le tout, dans
le cocon du studio de danse.
Les 17 et 18 octobre au Centre national de la danse
de Pantin, www.cnd.fr
2 DÉSIRS
Les contorsions optiques de Philippe Decouflé,
sur les divagations de Philippe Katerine, du haut des
stylettos de Louboutin... une association culottée
et branchée pour Désirs, le show d'ouverture de
saison très attendu du Crazy Horse. Soit la première
tentative, par Decouflé, de ré-enchantement du
cabaret érotique.
Jusqu'au 31 mars 2010 au Crazy Horse,
www.lecrazyhorseparis.com
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56 SORTIES EN VILLE
RESTOS
© Bruno Verjus
Jacques Genin
FONDU
Jacques Genin à la Chocolaterie
Au cœur du Marais nouveau, lové contre République, JACQUES GENIN, en homme
orfèvre, façonne pâtisseries, enrobe chocolats, coule ganaches et cuit caramels.
Rencontre avec la magie de ce fondeur en chocolat.
_Par Bruno Verjus (www.foodintelligence.blogspot.com)
Des caramels plein les poches, frondeur, voilà l’enfant agité qui habite l’homme : Jacques Genin. Ce
« petit poucet rêveur » égrène dans sa perpétuelle course en avant bonbons de chocolats, pâtes de fruits,
guimauves, orangettes, rochers, nougats, tartelettes... En autodidacte, Jacques Genin intègre le rude apprentissage
du travail bien fait. Polir son art, l’anoblir, sans jamais oublier le sens de cette quête, voilà pour l’horizon. Avec
pour mot d’ordre : le travail du goût... et le goût du travail. Infusée des effluves chocolatés de l’atelier du
premier étage, cette chocolaterie-salon de thé embrasse le grand escalier hélicoïdal par lequel toutes ces
gourmandises nous parviennent. Le décor, bâti de briques, de pierres nues et de poutres métalliques oxydées,
s’offre en juste écrin à merveilles. Qualité et fraîcheur, associées à une mise en œuvre respectueuse, signent
des ganaches franches, pures et évanescentes : le chocolat en son palais ! Zinzibar, où le lacté cuit du
chocolat au lait s’épice du gingembre ; le malicieux Thé Toi pour une délicate ganache de chocolat noir
miellée de thé Wu Long...
Les pâtisseries s’énoncent à l’évidence du classique : éclair au caramel, au chocolat, Paris-Brest, tarte citron,
caramel ou chocolat, mille-feuilles. Elles s’affirment résolument modernes dans leur réalisation. Là, un vif éclair
caramel pour apprivoiser la tension sucrée ou un Paris-Brest, riche et croustillant d’émotions noisetées, beurrées
et crémeuses : absolument gourmand ! Encore ? Un mille-feuille « minute » vanille, caramel, framboises ou
praliné, délicat comme l’air vernal, rafraîchissant et excitant en diable, comme autant de plaisirs en strates.
Ici, la gourmandise frappe en bouche et réveille toute l’enfance qui sommeille en conscience. Une pâtisserie
du souvenir...
Chocolaterie - Salon de Thé Jacques Genin, 133 rue de Turenne, 75003 Paris. Tél. : 01 45 77 29 01
OÙ MANGER
APRÈS… _Par B.V.
LUCky LUkE
Au Renoma Café pour une
cuisine « qui tire plus vite que son
ombre » avec les tomates salade,
le saumon mi-cuit et le foie de
veau, purée. Des glaces et des
sorbets maison, propres à nous
rendre l’esprit d’enfance.
Renoma Café Gallery, 32 avenue
Georges v, 75008 Paris. Tél. : 01 47 20 46 19
LES ZINTRUS
Chez KGB, pour cette étrange
appellation : « Zors-d’œuvre ».
Ils se déclinent par deux, quatre
ou six. Pas Zintrus, le maquereau
laqué, miso blanc (pâte fermentée
de soja) et condimenté d’agrumes.
Une cuisine aux saveurs fraîches
et séduisantes, un moment
délicat, à partager.
KGB - Kitchen Galerie Bis, 25 rue des Grands Augustins,
75006 Paris. Tél. : 01 46 33 00 85
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58 LA CHRONIQUE DE
1964, Henri-Georges Clouzot entraîne Romy Schneider et Serge Reggiani dans L’Enfer,
histoire d’une jalousie obsessionnelle qui vire à la folie. Mais après quelques semaines,
Reggiani claque la porte, Clouzot fait un infarctus et le tournage s’arrête. Tenues au
secret depuis lors, les images hypnotiques de L’Enfer surgissent aujourd’hui du passé,
ressuscitées par SERGE BROMBERG. Ce fou de cinéma, spécialiste de la restauration de
film, nous raconte L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot.
_Propos recueillis par Juliette Reitzer
L
es images que vous avez découvertes D’abord parce que les acteurs principaux, Serge
étaient-elles à la hauteur de leur légende ? Reggiani et Romy Schneider, étaient d’immenses
C’est Inès Clouzot, la veuve du cinéaste, qui stars. Ensuite parce que Clouzot n’avait pas tourné
m’a permis d’y avoir accès. Je l’ai convaincue depuis quatre ans… Le film avait obtenu un budget
de me céder les droits après que l’on soit illimité de la Columbia, et l’entreprise avait pris une
restés deux heures bloqués dans un ascenseur… ampleur délirante.
Le film avait la réputation de s’être arrêté après 15 jours
de tournage, c'est-à-dire l’équivalent de 30 boîtes Quels effets visuels vous ont le plus impressionné?
tournées. Mais c’était sans compter les essais… Durant les essais, Clouzot a essayé beaucoup de
Je me retrouve donc avec 185 bobines de négatif choses. Il y va de la folie obsessionnelle d’un créateur
sans indications, et surtout, sans aucun son. On met de ne jamais être satisfait de son œuvre… Des effets
tout bout à bout et là, le choc. D’abord parce que de miroir, qui permettent de couper des têtes en deux,
les images étaient éblouissantes, mais aussi parce de déformer. Il a peint ses acteurs en bleu, en vert, en
qu’elles ne répondaient pas du tout à la question : jaune. Un délire !
« Que s’est-il passé sur le tournage de L’Enfer d’Henri-
Bernard Stora, stagiaire sur le tournage de Clouzot,
Georges Clouzot ?» C’est là qu’il est devenu clair qu’il
affirme que le garde-fou qui a manqué au
n’y avait pas une légende, mais deux : le film qu’aurait
réalisateur, c’est un producteur. Personne n’était
été celui de Clouzot, et le tournage maudit.
là pour le stopper…
En quoi était-ce un tournage exceptionnel pour Il avait perdu sa mère juste avant le début du
l’époque ? tournage. Ajoutez à cela les quatre mois d’essais,
63
qui ont été une expérience épuisante : quand le Vertigo, ou la séquence de Dali dans La Maison du
tournage commence, il est déjà dans le doute. Dr. Edwards. Pour moi, un des films les plus démentiels
Il a cru qu’il pouvait tout se permettre, mais il fallait sur la folie, c’est All About Eve de Mankiewicz. La
un moment qu’il se heurte au principe de réalité. descente de l’escalier de Gloria Swanson dans
Personne ne s’est manifesté : il faut quand même Sunset Boulevard de Billy Wilder, c’est la folie dans
rappeler que c’était un immense réalisateur, on toute sa splendeur cinématographique. De même
l’appelait « le Hitchcock français ». que Citizen Kane, d’ailleurs ! En fait, je crois que
la plupart des grands films sont ceux qui arrivent
Chabrol a réalisé un film, L’Enfer, à partir du scénario à approcher la folie.
de Clouzot. Il a dit à ce propos que « c’est dangereux
de prendre le scenario de quelqu’un d’aussi La cinéphilie n’est-elle pas une forme de folie ?
prestigieux et de le ramener à soi ». Avez-vous Oui, parce qu’on a envie de tout savoir, de tout
eu peur de vous lancer dans cette entreprise ? connaitre, et c’est évidemment impossible. Moi ce qui
J’ai peur depuis le début. C’est un film maudit qui me rend fou, c’est l’idée qu’il y a encore des bobines
a failli coûter sa réputation à Romy Schneider, qui de films enfouies dans des caves ou des greniers. On
a été le point final de la carrière de Clouzot – il a peut y voir un délire de puissance, mais ce que j’aime,
ensuite réalisé un dernier film, La Prisonnière, qui c’est essayer de restaurer le spectateur, c'est-à-dire ce
n’était pas une réussite – et qui a coûté une fortune qu’il y a de vivant dans ces films oubliés. Avec L’Enfer
aux assurances. Je me suis dit : « Je suis le prochain d’Henri-Georges Clouzot, je propose aux spectateurs
sur la liste. » Finalement, je m’inscris comme l’un des de remonter le temps avec moi, jusqu’en 1964. Et
acteurs du troisième acte du film de Clouzot, celui quelque part, si on remonte le temps, on promet au
de la résurrection. spectateur de rajeunir : on est dans Docteur Faust !
Dans le scénario de L’Enfer, le personnage de Un film de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea // Avec Romy
Marcel finit par dire : « Je sais plus, j’m’y perds. » Schneider, Serge Reggiani… // Distribution : MK2 Diffusion //
Comment avez-vous travaillé ce parallèle entre France, 2009, 1h34 // Sortie le 11 novembre
Clouzot et son personnage ?
Le parallèle s’installe de lui-même. D’un côté, il y a
l’obsession de Clouzot : prouver qu’il est capable
POUR EN
d’inventer un nouveau cinéma, au point de perdre SAVOIR PLUS…
les référents même du cinéma [les jeunes Turcs « Jamais une actrice n’a été aussi
de la Nouvelle Vague venaient de la rattacher, belle sur un écran », nous confie
péjorativement, aux films dits de «qualité française », Serge Bromberg. Romy Schneider
ndlr]. De l’autre, la jalousie obsessionnelle de son hypnotique et fascinante, telle que la
personnage, au point de ne plus distinguer le vrai vit sans doute son metteur en scène
Henri-Georges Clouzot : c’est ce que
du faux. Leur trajectoire est comparable, et ils sont
nous propose ce bel ouvrage de
surtout clairement fascinés par la même femme… 160 pages et plus de 250 photographies. Extraits du
Romy Schneider est d’une beauté époustouflante. scénario, documents, anecdotes, pour tenter encore
On ne l’a jamais connue comme ça. de percer le mystère d’un tournage maudit.
_J.R.
Est-il risqué de vouloir disséquer la folie, de la
Romy dans L’Enfer de Serge Bromberg
mettre en équation ? (Albin Michel, parution le 5 novembre).
Peut-être, mais en même temps Hitchcock a réussi avec
HISTOIRE DE FOUS
De la folie, Erasme a fait l’éloge et les cinéastes, une inépuisable matière fictionnelle.
Au fil de ses différentes incarnations, le statut de l’aliéné a évolué à l’écran. De la peur
à l’empathie, du monstre au désaxé, la folie au cinéma a une histoire : une histoire de
fous. Panorama non exhaustif.
_Par Sandrine Marques
L
e cinéma est contemporain de la profondément humanistes. Associée à la difformité,
psychanalyse et cette naissance la folie commence à être reconsidérée à l’aune
concomitante au XIXe siècle est essentielle de Freaks, la monstrueuse parade de Tod Browning.
dans la représentation de la démence à Le lieu de la normalité vacille et change d’instance.
l’écran. Dans sa compréhension également : Siamois, culs-de-jatte, nains apparaissent plus
le 7e art a régulièrement reflété la manière dont les « humains » que les personnages physiquement
sociétés modernes appréhendaient les maladies « normaux », animés en réalité de basses pulsions.
mentales. En ce sens, le cinéma expressionniste Précurseur du cinéma des années 1970, Tod Browning
allemand a manifesté avec le plus d’éclat une explorait encore le refoulement sexuel dans L’Inconnu,
mécanique d’écrasement psychique, liée à un où une jolie foraine éprouvait de l’aversion pour les
contexte politique trouble. Réalisé en 1919, Le mains masculines. Par amour pour elle, un lanceur
Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene met de couteaux s’amputait les bras. Dans Répulsion,
en scène un criminel qui s’avère être le directeur Roman Polanski reprend à son compte cette phobie
d’un asile d’aliénés. Autre figure de médecin et le principe expressionniste d’instabilité du décor,
dément, le psychanalyste expert en déguisements, au diapason d’une psyché perturbée. Avec Fritz Lang,
issu de la série des Docteur Mabuse. La figuration de la folie n’est plus un phénomène individuel mais
la folie emprunte la voie de l’allégorie : perspectives collectif. Dans M le Maudit et plus tard Furie, la société
déformées, ombres démesurées, incidence du dans son ensemble est renvoyée à sa propre
décor sur les corps, outrance du jeu d’acteur barbarie. Le défoulement des passions contre un
extériorisent la confusion jusqu’au paroxysme. bouc émissaire annonce et métaphorise la violence
totalitaire. Aujourd’hui, le Belge Philippe Van Leeuw
Avant les années 1940, le monstre fait les belles filme, à sa manière minérale et minimaliste, les
heures du cinéma fantastique qui le plonge dans prémices du génocide rwandais (Le jour où Dieu
un imaginaire exalté. Cette monstruosité, Michel est parti en voyage) et la folie meurtrière qui s’est
Foucault la décrit dans Les Anormaux (Cours au emparée d’un peuple.
Collège de France, 1974-1975) comme « la forme
spontanée, brutale (…) de la contre-nature ». Après les années 1940, l’inconscient occupe le
Mais plusieurs films font évoluer la donne. Sortie haut de l’affiche. Hitchcock s’en empare, à des fins
du cerveau malade du professeur Frankenstein, sa dramatiques. Avec La Maison du docteur Edwards,
créature dégénérée inspire à James Whale des films il en explore les arcanes dans des séquences
65
« DANS FREAKS,
la beauté fulgurante et insensée de rushes dont
le caractère expérimental est saisissant. Voir dans
ce projet avorté les expériences précoces d’un
ALAINCAVALIER
FILMER À PERDRE LA RAISON
Irène fut la compagne du cinéaste ALAIN CAVALIER pendant plusieurs années. Elle
a donné son prénom au film Irène, folle et sublime tentative de faire revivre, par les
moyens du cinéma, cette histoire d’amour brisée nette par un accident de voiture, au
début des années 1970. Nous avons échangé avec l’auteur de ce poème visuel d’une
intimité et d’une justesse bouleversantes.
_Propos recueillis par Auréliano Tonet
P
ar l’intimité de son sujet et de sa forme, par « Il n’y a plus de ligne droite ni de route éclairée
l’importance qu’il confère aux mots écrits avec un être qui nous a quittés. (…) Avec celui
dans vos «carnets», Irène apparaît comme que nous aimons, nous avons cessé de parler, et
un film très littéraire. Les premières œuvres ce n’est pas le silence », écrit René Char peu après
auxquelles il fait penser sont d’ailleurs des la mort de son ami, Albert Camus. Tout au long du
livres : Nadja d’André Breton, Lacrimosa de Régis film, vous faites part à Irène, au spectateur, à vous-
Jauffret, deux célébrations d’absentes aimées même, de vos doutes quant à la nécessité même
malgré leurs ombres (Nadja finit internée, de réaliser ce film – film qui en acquiert une
Charlotte se pend). Pourquoi avoir choisi la forme beauté tremblée, « convulsive » dirait Breton…
cinématographique, et non l’écrit, pour raconter J’ai commencé à tourner ce film sans savoir si je
cette histoire ? pourrais le terminer. Je savais simplement que l’aveu
J’ai été élevé par la littérature. J’écrivais donc un et le pardon m’attendaient. Si je n’y étais pas
journal. Je suis passé au cinéma. Je me suis servi parvenu, le film se serait arrêté et dormirait dans un
des mots écrits pour en faire du cinéma. Un mot tiroir. C’est sans doute d’avoir filmé presque chaque
filmé est aussi cinématographique qu’un visage. jour que j’ai pu me libérer et me servir du cinéma
J’ai réuni là mes deux origines. comme ouvreur de portes dans la tête et le cœur.
« Sans mort, sans trahison, les histoires d’amour Après Martin et Léa (1979), Thérèse (1986) et
sont fades », lit-on dans Lacrimosa. « Trahison, René (2002), vous avez de nouveau choisi un
injustice, lâcheté sont aussi précieux qu’amour, prénom pour titre de votre film. Cette récurrence
tendresse, force », entend-on, comme en écho, est-elle anodine ?
dans Irène. En faisant ce film, avez-vous eu le Prendre un prénom comme titre, c’est dire au
sentiment d’avoir trahi Irène ? spectateur qu’il va entrer dans la vie d’une
Ai-je trahi Irène en racontant notre vie alors qu’elle personne, que le film sera d’abord un échange
n’est plus là pour donner un autre point de vue entre lui, elle et le cinéaste. Une intimité. On est trois
sur le meilleur comme sur le pire ? Je lui parlais et on se parle à l’oreille.
pendant le tournage. Elle m’encourageait. Je ne
cessais de lui répéter que réduire nos années à 85 Irène est décédée d’un accident de voiture, au
minutes de film était une faute majeure de ma part début des années 1970. Pourquoi avoir attendu
mais que je ne pouvais y résister. si longtemps avant de lui consacrer ce film ?
« SE SERVIR DU
CINÉMA COMME
OUVREUR DE
PORTES DANS
LA TÊTE ET
LE CŒUR.»
Pour moi, Irène est derrière la porte. Elle frappe
depuis des années. Pourquoi avoir attendu pour lui
ouvrir ? Crainte de ce qu’elle peut me demander ?
Peur d’un aveu ? Refus d’éclairer les coins sombres ?
J’accepte qu’elle revienne, qu’elle revive. Essayer
d’aller plus loin que nous, hier. Avoir attendu, c’est
pouvoir parvenir à la réconciliation, à la célébration
dans la lumière.
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ANALYSES
FILMIQUES
Addictive série en huis clos sur un psy et ses patients, la deuxième partie de la première
saison d’En analyse sort en DVD mi-octobre, alors que paraît au même moment un
coffret-somme de14 DVD, Être psy. Fiction ou documentaire, deux regards sur un métier
qui ne cesse de fasciner.
_Par Clémentine Gallot
ÉLOGE
© John Foley
DE LA FOLIE
De VINCENT MESSAGE à FRANÇOIS BEAUNE ou STÉPHANE VELUT, la folie traverse certains
des premiers romans les plus singuliers de cette rentrée littéraire. Cet automne, pas de doute:
plus on est de fous, plus on lit.
_Par Sylvain Bourmeau (Mediapart.fr)
C’est une rentrée de fou. Notamment du côté des C’est également sur une autre planète, mais pas la
premiers romans. Et pas seulement parce qu’il faut même, qu’habite Oscar Nexus, compagnon de folie
être sacrément dingue pour sacrifier son opus n°1 de Dugommier. Un monde de rêves qu’il visite chaque
sur l’autel de ce rituel si français qu’est la rentrée jour lorsqu’il dort pendant que nous travaillons – il est
littéraire et espérer, en novembre, survoler en perdreau veilleur de nuit dans une grande entreprise, totalement
de l’année ces nids de vieux coucous que sont les jurys décalé. Il a tué trois personnes dans la rue, sans motif
des prix. Non, plus simplement, les fous sont parmi nous, apparent. Un psychiatre et un flic, les bien nommés
lecteurs curieux de littérature ultra-contemporaine. Joachim Traumfreund et Paulus Rilviero, tentent de le
cerner dans son sommeil. De facture plus classique
Sans prétendre les recenser tous, arrêtons-nous sur trois qu’Un homme louche, Les Veilleurs laisse pourtant
spécimens de choix. Honneur au mort, un certain Jean- place comme lui à l’expérimentation délirante,
Daniel Dugommier décédé fin 2008, et dont deux manière de poser habilement des questions loin d’être
carnets forment Un homme louche, le premier roman loufoques sur la place de l’imaginaire dans nos vies.
de François Beaune, qui ose donc signer de son nom
l’œuvre d’un artiste aussi brut que parfaitement Un autre fou, en liberté celui-ci, hante un autre premier
imaginaire. À quatorze ans d’abord, Dugommier note roman de cette rentrée littéraire. C’est un artiste, il vit
au fil des jours sa découverte frappadingue du monde, à Munich en 1933 et a détourné la commande que
avant de finir par se retrouver interné, face à des lui a passé le régime nazi pour expérimenter – lui aussi
psychologues. Du temps passe, il a quarante ans, n’a – sur une très jeune fille, toutes sortes de prothèses au
pas l’air d’aller beaucoup mieux et entame la rédaction point de la transformer en automate. Avec Cadence,
d’un deuxième carnet dans lequel il poursuit le récit Stéphane Velut, neurochirurgien de son état, a réécrit
au quotidien de ses expériences sur le monde : mettre à l’envers l’histoire de Pinocchio, et imaginé le lunatique
des livres au micro-onde, échanger ses vêtements de loin le plus dangereux de cette rentrée. Un homme
volontairement dans les lavomatic pour se glisser dans louche, Les Veilleurs, Cadence : un tiercé de romans
la peau d’autres… Et surtout théoriser comme un fou, aussi cinglés que leurs personnages, il faudrait être
conceptualiser un truc fort louche qu’il appelle le «sous- raisonnable pour les ignorer.
réalisme » et qu’il n’aura pas le loisir de développer,
Un homme louche de François Beaune (verticales) // Les Veilleurs
emporté à 40 ans par une rupture d’anévrisme. de vincent Message (Seuil) // Cadence de Stéphane velut (Bourgois)
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ASILE POLITIQUE
La dessinatrice marseillaise LISA MANDEL illustre les témoignages d’anciens infirmiers
psychiatriques dans un document fascinant, HP, premier d’une série chronologique en
trois tomes. Elle nous explique le sens et la forme de sa démarche.
_Propos recueillis par Juliette Reitzer
71
« Je n’avais encore jamais fait de BD documentaire, pour intensifer les moments durs, même si le trait
à part sur mon blog, un truc un peu rigolo où je est simple. La réalité était suffisamment atroce pour
raconte ma vie. Ma mère, mon beau-père et trois de qu’on n’ait pas besoin d’en rajouter. Je voulais qu’on
leurs amis, tous anciens infirmiers psy, m’ont raconté comprenne comment ils en étaient arrivés à agir de
l’attitude générale des soignants, l’ambiance manière complètement tordue parce que le système
carcérale, les dérives à l’abri des regards extérieurs… le tolérait à l’époque. Surtout, j’avais envie que chacun
À l’époque, la société avait peur des fous, on les questionne son éthique personnelle : ‘‘Qu’est-ce que
parquait dans un lieu clos, sans chercher à savoir ce j’aurais fait à leur place ?’’ »
qui s’y passait. J’ai choisi de garder le point de vue
unique de ces infirmiers plutôt de gauche, influencés HP 1 - L’Asile d’aliénés de 1968 à 1973 de Lisa Mandel (L’Association)
Le blog de Lisa Mandel : www.lisamandel.net
par mai 68, en utilisant des aplats de couleur orange
« MON FILM
EST UNE
ABSTRACTION »
© Richard Dumas
JIM JARMUSCH
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73
T
he Limits of Control fait référence à tous vos peintres espagnols du XXe s., présentées selon un
films : on y retrouve la question de la frontière ordre chronologique – sont des indices disséminés.
comme dans Dead Man, des compositions Le tableau cubiste du violon, la forme de la guitare,
à la Mystery Train, le décalage linguistique la silhouette d’une femme créent des échos, comme
comme dans Ghost Dog. Votre film-somme? dans un rêve. Quant à l’idée du miroir, elle est liée au
Je ne pense pas à mes longs métrages précédents, même fait que mon chef opérateur, Christopher Doyle, adore
si je sais qu’ils infusent mon œuvre inconsciemment. les reflets. Nous cherchions toujours à faire des cadres
Pas plus que je ne les revois. Je fonctionne à l’instinct. Ma dans le cadre et des surimpressions. Le personnage
volonté, avec The Limits of Control, était de m’affranchir que joue Gael García Bernal dit que les reflets sont
un peu du scénario. J’avais vraiment besoin de ne pas parfois plus présents que les choses reflétées.
être contrôlé par l’histoire.
Chris Doyle est réputé pour son travail avec wong
Comme dans vos films précédents, le personnage kar-wai ou Gus Van Sant. Comment avez-vous
principal reste mystérieux de bout en bout. Qu’est- défini avec lui la photographie étonnamment
ce qui vous intéresse dans sa trajectoire solitaire ? sobre du film ?
The Limits of Control incarne cette idée que notre Doyle a une approche très asiatique de la couleur,
conscience nous appartient en propre. Mon héros dont il comprend toutes les subtilités. Nous voulions
choisit ce qu’il porte, où il va : il est très singulier. Par quelque chose de doux, qui n’explose pas à la figure
quatre fois dans le film, il se rend au musée, regarde et Eugenio Cabellero, le chef décorateur, a veillé à
un tableau, puis s’en va. Sa solitude souligne le fait harmoniser l’ensemble des éléments du film pour
qu’il est maître de ses décisions. que la palette de couleurs soit aussi subtile que les
choses elles-mêmes.
Votre film est-il une charge contre la civilisation
moderne et le capitalisme ?
La B.O., très cyclique et atmosphérique, épouse
Mon film explore, au contraire, la grandeur et la
parfaitement l’odyssée du héros…
beauté du monde moderne. Ce n’est pas un film
Oui. Mon film n’est pas construit sur un récit traditionnel
politique. C’est une célébration de l’imagination
mais sur une série de variations, au sens musical du
et de sa supériorité sur l’argent, les flingues, les
mot. Le groupe Sunn O))) m’a beaucoup inspiré, de
multinationales. D’un point de vue métaphorique,
même que Boris, Sleep ou Om. Leur musique débride
Isaac de Bankolé étrangle le pouvoir qu’incarne
mon imagination. Parfois, elle m’entraîne vers les parties
le personnage américain de Bill Murray.
infernales de l’Ancien Testament, parfois c’est comme
L’ombre du poète william Blake plane sur tout le soleil qui perce à travers les nuages. Elle m’emmène
votre film, à travers les thèmes de l’art, du temps, à la découverte de nombreux paysages, en un seul
de l’hallucination… voyage.
Comme Burroughs ou Rimbaud, Blake est un visionnaire
et une grande source d’inspiration pour moi. Sa religion Vous considérez-vous comme un cinéaste moderne?
était l’imagination. Il est la voix prophétique qui me Je ne vois pas ce genre de bornes, mais l’immensité
guide dans mes films, même s’il n’est pas mentionné de l’océan où des vagues forment des crêtes. Pour
dans le dernier. moi, il y a une continuité entre Touche pas au grisbi de
Jacques Becker et Bob le flambeur de Melville. Je ne
Votre film est-il, comme l’affirme un de vos raisonne pas en termes de « moderne » ou « ancien ».
personnages à propos de La Dame de Shanghai Il m’arrive d’écouter Purcell et de trouver ses partitions
d’Orson welles, une « histoire de règlement de très modernes, quand la musique actuelle m’apparaît
comptes avec des miroirs brisés » ? parfois dépassée. Les formes d’expression artistique
Mon film est une abstraction, avec de nombreuses sont un continuum. C’est pourquoi je préfère
références au film noir. Les peintures – œuvres de m’abstraire du contexte et penser à l’océan.
Retrouvez l’interview intégrale de Jim Jarmusch dans le hors-série de Trois Couleurs spécial « contre-culture américaine », disponible dans
tous les kiosques le 18 novembre prochain.
Un film de Jim Jarmusch // Avec Isaac de Bankolé, Paz de la Huerta... // Distribution : Le Pacte // États-Unis, 2009, 1h56 // Sortie le 2 décembre
ISAAC DE BANKOLÉ
LE MÉDIATEUR
Vraie « gueule » de cinéma, ISAAC DE BANkOLÉ porte The Limits of Control aux confins
de l’itinéraire espagnol et alambiqué imaginé par Jim Jarmusch. Propos multi-langues
recueillis à New York, où réside le comédien.
_Par Clémentine Gallot
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STEPHEN O’ MALLEY
© Metastazis.com
LA CONCORDANCE DES TEMPS
Pour l’ombrageuse bande-son de The Limits of Control, qui donne toute son intériorité
au film, Jim Jarmusch a largement puisé dans le catalogue d’un label d’indie-rock
basé à Seattle, Southern Lord. Le musicien et fondateur du label, STEPHEN O’ MALLEy,
revient pour nous sur son fructueux échange avec le cinéaste mélomane.
_Propos recueillis par Étienne Greib
LE 77
BOUDOIR
ÉBATS, DÉBATS, CABAS : LA CULTURE DE CHAMBRE A TROUVÉ SON ANTRE
DVD-THÈQUE
Le mystère yVES SAINT LAURENT 78/79
CD-THÈQUE
Le post-punk culte de THE FEELIES 80/81
BIBLIOTHÈQUE
JUNQUA, BUÉNO, HAX… : le futur a de l’avenir 82/83
BD-THÈQUE
DAVID HEATLEy, révélation underground 84/85
LUDOTHÈQUE 86/87
FIFA 10 vs. P.E.S. 2010 : revue d’effectifs
HAUTE COUTURE
LE MYSTèRE SAINT LAURENT
Avec le documentaire Yves Saint Laurent, tout terriblement, JERÔME DE MISSOLZ livre
un portrait sensible, entre hommage et témoignage, d’un créateur hanté par son art.
_Par Donald James
Yves Saint Laurent, tout terriblement, le titre peut paraître mannequins préférés du couturier, toutes majestueuses,
énigmatique au profane. «C’est l’heure ou jamais d’être griffées en YSL. La voix off, celle du couturier interviewé,
sensible à la poésie car elle domine tout terriblement», croise celle de Jeanne Moreau lectrice, et toutes deux
écrivait Apollinaire dans ses calligraphes. « Tout tissent, en l’absence imagée du principal intéressé, le
terriblement » : deux mots dont le couturier Yves Saint profil d’une vie. Saint Laurent remplace Dior à vingt ans.
Laurent se souviendra pour l’une des robes de sa Grand timide, il aime la gloire, les fêtes et déteste les
collection Shakespeare et les Poètes en bourgeoises ; il hait le snobisme du fric.
1980. Artisan dévoré par son art, Yves Saint Avec le sentiment de ne pas avoir vécu sa
Laurent a vécu entouré de quelques vrais jeunesse, il rêve de disparaître, de devenir
amis mais surtout d’amis imaginaires : un beatnik.Véritable artiste, c’est un scénario
écrivains et peintres, fantômes qui ne cesseront qu’il écrit à travers chaque robe. Caban,
de l’inspirer. Produit par la Sept, tourné en smoking, mousseline transparente, pantalon,
1994 alors que le couturier prépare une de saharienne, période noire et période colorée,
ses collections, ce court documentaire (45 épure, il a libéré la femme du XXe siècle, lui
minutes) s’inscrit dans une série qu’Arte a ouvert des portes dont on imagine mal
Vidéo consacre à la mode. Après les deux aujourd’hui qu’elles furent un jour scellées.
premiers volets réalisés par Loïc Prigent (Marc
Jacobs chez Louis Vuitton et Karl Lagerfeld Mais au-delà de toutes ces considérations, le
chez Chanel), voici donc le DVD sur Yves Yves Saint Laurent, tout portrait de Missolz traque l’invisible. Non pas
terriblement de Jérôme
Saint Laurent. Rien à voir avec ses confrères Missoltz (Arte Vidéo)
le geste artistique mais l’âme du créateur.
– le sujet Saint Laurent se situant lui-même Car YSL est rongé par un mal intérieur qui
loin du monde de la mode, qu’il trouve « terrifiant et résonne dès les premiers plans du film où on l’entend
grotesque ». parler de l’angoisse de la page blanche, de l’attente
d’être ébloui. « Du fond de quelle douleur avait-il puisé
À l’image,YSL se fait rare. Et Pierre Bergé, son compagnon cette capacité à créer », une phrase que le couturier
de route, n’apparaît qu’une seule fois… sur une a faite sienne, écrite par Proust, écrivain qu’il considérait
photographie. Pudique, le réalisateur a choisi d’explorer comme un autre lui-même. Jérôme de Missolz révèle
les vastes palais de Paris, de Deauville et de Marrakech Saint Laurent en filmant les robes, les lieux, les objets
où YSL se réservait, dans l’intimité, de vivre mille vies, qui prennent miraculeusement vie grâce à une mise
toutes traversées par une envahissante et ténébreuse en scène inspirée par Marguerite Duras. C’est d’ailleurs
solitude. Dans ces demeures somptuaires défilent les un très beau texte de l’écrivain qui ouvre le film. «Je ne
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DVD
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CRAZY FEELIES
LE POST-PUNK CULTE DES FEELIES
De tous les groupes issus de la scène post-punk new-yorkaise des années 1980, THE FEELIES
est sans doute celui qui aura laissé la marque la plus profonde dans l’inconscient musical
contemporain. Réédition, reformation, tambours battants.
_Par Wilfried Paris
Avec leur patronyme inspiré du Meilleur des mondes inquiet. Enfants des Beatles (la stéréo de Revolver), du
d’Aldous Huxley (les feelies y stimulent les sensations Velvet Underground (donc des polyrythmies africaines,
par le relais d'électrodes implantées) et leurs binocles via Bo Diddley, via Moe Tucker, la batteuse du Velvet)
d’éternels étudiants, ce groupe d’intellos primitifs, et de Robert Fripp (ses guitares sur le Heroes de Bowie),
formé en 1976 à Haledon (New Jersey) et mené par petits frères de Television, des Slits et des Talking Heads,
le chanteur Bill Million et le guitariste Glenn Mercer, ces « garçons à la perpétuelle nervosité », laborantins
avait tout pour devenir l’étendard des doctorants et banlieusards de studio, inventèrent un nouveau son
des college-radios des années 1980. Mais plus que cela et une nouvelle manière d’aborder la chanson, en
(plus que l’hommage que leur rendra les produisant eux-mêmes leur premier album.
teenage-rockers Weezer en posant devant le Leur principale ambition, selon Glenn
même fameux fond bleu que Crazy Rhythms Mercer : « Capturer, sur disque, ce que nous
sur la pochette de leur premier album), les entendions dans nos têtes... Notre son s’est
Feelies apportèrent une certaine rigidité, une développé surtout de par notre volonté
mesure, une rigueur presque mathématique d’éviter les nombreux clichés rock. Ce que
à un genre musical qui n’avait alors pour nous avons laissé de côté est aussi important
seuls soucis que la spontanéité, l’excessivité que ce que nous avons mis nous-mêmes
et l’explosivité. Ils canalisèrent l’énergie dans la mixture. Par exemple, souvent, les
du punk-rock (leur cobaye), en chansons The Good Earth et Crazy morceaux d’alors utilisaient le crash de
Rhythms de The Feelies
progressives, percussives, sèches, nerveuses, (Domino/Pias, inclus cymbale pour souligner la dynamique des
directes, essentielles, et en firent une véritable bonus et nouvelles notes arrangements. Nous avons donc décidé
de pochette, disponibles
science. le 26 octobre) de remplacer ces cymbales par d’autres
instruments percussifs. De même, nos voix
Clic, clic. Le premier album du quatuor, l’intensément contribuaient d’abord à l’atmosphère de la chanson,
original Crazy Rhythms, commence par la sonorité et nous avons choisi de les mettre plus souvent dans
d’une petite percussion clapotant le silence. Silence le mix qu’au-dessus – à rebours de ce qui se faisait à
encore. Puis, clic, clic, la goutte d’eau reprend et répand l’époque. »
son onde sur l’étang : arrivée en fade in d’une guitare
funambule, d’un beat de cœur qui bat, puis d’une « Nerds » musicaux avant la lettre (avant la grande
deuxième guitare comme un écho, puis le contre- bibliothèque sonore universelle), les Feelies devinrent
rythme de la batterie lance la chanson, sur un chant en 1978 le « Best Underground Band in New York » selon
« LES FEELIES
CANALISÈRENT
L’ÉNERGIE DU PUNK-
ROCK EN CHANSONS
PERCUSSIVES, SÈCHES,
DIRECTES. »
le Village Voice, et attendirent six ans pour enregistrer
un second album, avec un nouveau line-up et sous
l’égide de Peter Buck, membre de R.E.M. et fan
invétéré. The Good Earth, plus classique formellement,
est également réédité en version «deluxe» par Domino,
tandis que le groupe s’est reformé à l’occasion du
dernier festival ATP à New York, curaté par les Flaming
Lips. Comptant parmi les initiateurs de la no-wave
dans les années 1980, les Feelies ont récemment
bénéficié d’un renouveau du culte sur Internet, en
témoignages amoureux de leur permanente modernité.
D’Animal Collective (chamaneries modernes) à Get
Back Guinozzi! (pop songs progressives), en passant
par Vampire Weekend (truisme afro) ou les Dirty
Projectors (rénovation nerd du format pop), les petits-
fils des Feelies ont toujours vécu avec Crazy Rhythms
en électrodes implantés… À votre tour !
_Par A.T.
CD
DECLARATION OF DEPENDENCE
DE kINGS OF CONVENIENCE
(SOURCE / EMI)
Sortes d’aimables « Salmon &
Garfunkel » selon certains, les deux
Norvégiens montrent de quel bois ils
se chauffent : loin du contre-plaqué
de grande surface, leur troisième opus
consume lutherie fine, racines bossa
et millefeuilles vocaux. Feu de joie.
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Frédéric Junqua
RENTRÉE ANTICIPÉE
JUNQUA, BUÉNO, HAX… : LE FUTUR A DE L’AVENIR
Et demain, à quoi ressemblera notre monde ? En cette rentrée, une demi-douzaine
d’écrivains français s’emparent de la question et renouent avec la grande tradition du
récit d’anticipation. Attention, l’avenir n’est pas rose.
_Par Bernard Quiriny
Chaque automne, les journalistes culturels se posent la fois, le jeu consiste à imaginer un futur proche, ou
même question : quelle est la tendance de la rentrée plutôt légèrement décalé (la plupart des récits,
littéraire ? Cette année, on a beaucoup parlé du retour significativement, ne sont pas datés, afin d’entretenir
du roman familial, rapport au Roman français de le trouble), et d’y grossir les réalités de notre époque
Frédéric Beigbeder ou à Mon enfant de Berlin d’Anne pour les porter à leur paroxysme. Ainsi Pavel Hak
Wiazemsky. Mais une autre tendance n’a (Warax) et Frédéric Castaing (Siècle d’enfer)
pas échappé à l’œil des chroniqueurs, tant imaginent-ils le capitalisme de demain,
elle est inattendue et massive à la fois : de enfer économique et social où les exclus
nombreux écrivains français, galvanisés par migrent d’une exploitation à l’autre sous
la crise mondiale et l’atmosphère d’angoisse la domination des puissances militaro-
de cette fin de décennie, renouent avec la industrielles et d’une élite repliée sur elle-
tradition du roman d’anticipation et tentent même. Dans un registre voisin, Frédéric
d’imaginer ce que sera le monde de demain Junqua (Kart) et Fabrice Lardreau (Nord
si celui d’aujourd’hui continue sur sa lancée. absolu) reprennent le flambeau de la
Le terrain avait déjà été préparé voici contre-utopie politique en décrivant des
quelques mois par Jérôme Leroy (La Minute sociétés plus ou moins fascistes, dotées de
prescrite pour l’assaut) ou Xavier Patier techniques de contrôle social barbares et
(Le Silence des termites) qui, sur un mode d’une forte propension au repli identitaire.
satirique, mettaient en scène des cataclysmes À ce thème classique, Lardreau ajoute un
et imaginaient la chute de la civilisation Dunk de Denis Robert élément plus contemporain, le fanatisme
occidentale. Le même thème se retrouvait (Julliard) écologique : dans la Scandinavie imaginaire
dernièrement au cinéma dans Les Derniers de son roman, le dictateur, Stätliten (toute
jours du monde, le film qu’Arnaud et Jean-Marie Larrieu ressemblance, etc.), est à la fois xénophobe et obsédé
ont tiré du roman de Dominique Noguez. par le retour à une pureté naturelle fantasmatique.
La rentrée littéraire confirme cette vogue avec une demi- Quant à Antoine Buéno et Denis Robert, c’est sur une
douzaine de romans qui, sous des formes différentes autre dimension qu’ils mettent le doigt, celle des
(récit-catastrophe, roman post-apocalyptique, science- techniques médicales du futur et d’une humanité qui
fiction, dystopie), se raccrochent à cette lignée dont finira par accéder à l’immortalité, en se délivrant de
le plus illustre modèle reste le 1984 d’Orwell. À chaque l’angoisse métaphysique de la mort. Chez Denis Robert,
83
_Par B.Q.
LIVRES
_Par B.Q.
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Inconnu en France, le jeune auteur américain DAVID HEATLEy s’impose avec son
premier livre, l’acide et naïf J’ai le cerveau sens dessus dessous, comme l’héritier
le plus crédible de Ware, Crumb et autres Clowes.
_Par Joseph Ghosn (menstyle.fr)
Comme Chris Ware avant lui, Heatley n’hésite pas par les éditeurs indépendants, tout en me mettant
à subdiviser ses pages en une pléthore de cases à faire mes propres variations d’histoires d’amour et
minuscules, mais il le fait avec un trait brut, direct, de récits personnels. Je m’y suis collé suffisamment
presque tremblant. J’ai le cerveau sens dessus dessous longtemps pour trouver ma propre voie, mais j’ai mis dix
est son premier livre d’envergure, divisé en cinq ans pour atteindre le terrain artistique dans lequel je me
catégories : Sexe, Race, Maman, Papa, trouve aujourd’hui.
Famille. Ce qui donne immédiatement la
veine de l’œuvre, autobiographique. La Tu dessines tes rêves : qu’est-ce qui te
partie « Sexe » évoque toutes ses relations pousse à le faire ?
sexuelles, réelles ou rêvées, reconstituées Lorsque j’ai décidé de faire de la bande
dans les moindres détails. Mais la plus dessinée plus sérieusement, je me suis rendu
imposante partie du livre est son cœur, compte que les meilleures BD que je lisais
en noir et blanc (alors que le reste est en avaient une solide architecture narrative, en
couleurs), consacrée au rapport de l’auteur plus d’être très bien dessinées. En débutant,
au racisme. Il y fait le décompte de ses j’ignorais tout de la fiction, mais j’avais
amitiés avec des garçons noirs, qu’il alterne emmagasiné dix ans de journaux intimes,
avec des chroniques drôles et pertinentes remontant à mon adolescence. Je savais
sur des disques de hip-hop qui l’ont marqué. au moins faire cela ! En m’y plongeant avec
Il a répondu par mail à nos questions. J’ai le cerveau sens dessus l’idée d’en faire des BD, les rêves m’ont
dessous de David Heatley
(Delcourt)
immédiatement accroché. Ils étaient tout à
Quand as-tu commencé à dessiner ? fait perturbants, emplis de symboles et très
J’ai toujours ressenti, depuis l’enfance, le besoin de personnels. Ils synthétisaient tout ce à quoi j’aspirais et
dessiner ma propre version de tout ce que je lis. Tout ils étaient déjà écrits. J’avais juste besoin de les illustrer.
petit, je faisais mes propres livres d’images et ma version Je l’ai fait pour une trentaine d’entre eux, dont certains
de Pierre et le Loup. Adolescent, je me suis attaqué au sont dans le livre…
Seigneur des Anneaux, Spiderman, Wolverine.Vers mes
20 ans, je me suis mis aux comics indépendants Le livre traite du racisme. Pour quelles raisons t’es-
américains, qui avaient paru dans les années 1960 tu attaqué à ce sujet ?
puis ont ressurgi dans les années 1990. C’est dans ces Né blanc en Amérique, j’ai le racisme en moi. Me faire
années-là que j’ai commencé à lire des comics publiés frapper par un groupe de gamins noirs à l’école ne
« NÉ BLANC EN
AMÉRIQUE, J’AI LE
RACISME EN MOI. »
m’a pas aidé. Mais j’aurais eu la plupart de ces
pensées et sentiments de toute manière. J’ai été
conditionné. Je savais que je voulais faire une BD
sur le racisme. Tout comme j’ai réalisé à quel point
mes rêves étaient un bon sujet à dessiner, j’ai réalisé
que ma jeunesse emplie de racisme l’était aussi.
J’ai grandi dans une école publique dans une ville
à majorité noire… Je savais qu’il serait choquant
que je parle de manière aussi candide du racisme
que du sexe dans mon livre. Les blancs sont toujours
précautionneux quand il s’agit de parler de race. Il
y a toujours des craintes d’incompréhension. Mais
je n’ai pas peur de ça. Je cite Malcolm X, un de
mes héros, au début du livre : « Je suis pour la vérité,
peu importe qui la raconte. »
Par Jo.Gh.
_Par J.G.
BD
CORONADO DE LOUSTAL
(CASTERMAN)
Adaptation d’une nouvelle de
Denis Lehane, Coronado est un petit
bijou, aux airs rapides, évoquant
certains mangas. Loustal est parfait
dans cette veine noire, urbaine,
dramatique et son dessin, raccord
avec la dureté du récit de Lehanne,
en est presque renouvelé, retapé.
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MOTHER SOCCER
FIFA 10 VS P.E.S. 2010, REVUE D'EFFECTIFS
Abel et Caïn du jeu vidéo, la série FIFA et la lignée P.E.S. se taclent chaque année pour
remporter la coupe, et faire tomber les joueurs sous la leur. Le championnat fratricide
reprend ce mois-ci. Résumé des matchs précédents.
_Par Étienne Rouillon
À l'automne, la guerre des boutons de manette reprend cartes Panini » de ses utilisateurs. Dans le vestiaire d'en
dans les cours de récré. Le 1er octobre, Fifa 10 a fait la face, on appelait ces derniers les « footix », du nom de
passe d'engagement. Le 22, c'est Pro Evolution la mascotte de la Coupe du monde 1998.
Soccer 2010 (P.E.S. pour ceux qui épargnent Souvent plus âgés, les pro-P.E.S. s’avéraient
leur salive) qui marque l'adversaire au corps. bien plus offensifs et intimidants. Des joueurs
Le contrôle du ballon rond ne sera une durs sur le corps, essuyant des heures durant
mince affaire pour aucune des deux parties. leurs crampons sur les canapés hexagonaux,
Désormais très proches dans leur manière peaufinant sans cesse leur technique, les
d'aborder le foot virtuel, FIFA et P.E.S. s'opposent pouces rougis par le frottement des sticks
de manière frontale. De quoi faire réfléchir analogiques, pour au final élever la partie
à deux fois les jeunes acheteurs, qui ne de foot virtuel au rang d'art populaire.
peuvent pas chaparder chaque année
FIFA 10 // Éditeur :
suffisamment de pièces sur la monnaie du Electronic Arts //
Bref, P.E.S. domine la première moitié de la
pain. Pour eux, le gazon est maudit : à défaut Plateforme : Toutes décennie en misant tout sur le jeu et la
de se payer les deux, il faut bien titulariser simulation. Les possibilités techniques et
une équipe pour laisser l'autre sur le banc. tactiques d'un P.E.S. 2006 sur PS2 en font
l'étalon du genre. À tel point qu'il convainc
Avant 2007, le choix était plus facile. P.E.S. l'adversaire de franchir le Rubicon de la
était incontestablement le morceau de jouabilité, quittant les rives stériles de l'arcade
choix. À cette époque, on opposait avec pour celles de la simulation, un an plus tard.
un peu de malveillance jouissive les joueurs La cuvée 2008 de FIFA offre des saveurs
des deux camps. D'un côté, les FIFA : très jusqu'ici inconnues de son public. P.E.S. est
arcades (comprendre : peu réalistes et donc rejoint sur son aile. Menacé, il ne se dégage
redondants), reposant essentiellement pas du marquage et se fait trouer les filets
sur les licences de joueurs célèbres et P.E.S. 2010 // Éditeur : avec un second tir implacable : l'an passé,
d'équipementiers. En tant que jeu officiel Konami // Plateforme : P.E.S. 2009 est détrôné par FIFA 09, salué par la
X360, PS3, PS2, PC, Wii
de la Fédération Internationale de Football critique et les joueurs, ainsi que – révolution –
Association, la série tirait partie de l'emballage au par certains puristes de P.E.S. De fait, Pro Evolution patine
détriment du fond, pariant sur l’effet « nostalgie des sur les consoles de nouvelle génération, en faisant sien
_Par E.R.
JEUX
CITIES XL
(FOCUS HOME INTERATIVE, SUR PC)
Jamais simulation de construction
de ville n'a été aussi complète. La
faute à Internet : Cities Xl vous met
dans la peau d'un maire, en réseau
avec d'autres sur une planète
virtuelle. On signe pour un second
mandat.
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88 TRAIT LIBRE
Il était une fois en France de Fabien Nury et Sylvain vallée (Glénat, tome 1 et 2 déjà parus, tome 3 à paraitre le 28 octobre)
Inspiré de faits réels, Il était une fois en France retrace la folle destinée de Joseph Joanovici. Juif d’origine
roumaine, surnommé le « Roi de Paris », ce ferrailleur contrebandier a amassé la plus grande fortune de
l’Occupation grâce à ses trafics avec les nazis. Scénario à rebondissements, trahisons à la Sergio Leone,
suspense hitchcockien : cette fresque dessinée, qui doit beaucoup au septième art, conte avec brio
l’itinéraire de cet homme qui tente de se racheter une conscience en pactisant avec la Résistance.
_R.G.
LES REJETONS
Pour le public, ils représentent Hollywood, et pourtant Hollywood n’en voulait pas.
Refusés, moqués ou sabotés, voici l’histoire des triomphes qui n’auraient pas dû exister.
Troisième épisode de notre feuilleton : Le Seigneur des anneaux.
Retrouvez la nouvelle saison d’Hollywood Stories le mois prochain dans Trois Couleurs.
CROQUEUSE
D’HOMMES