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n° 2008-01

« Le mimétisme sur les marchés financiers :


une revue de la littérature empirique »

Anne-Gaël VAUBOURG

Laboratoire d'Economie d'Orléans – UMR CNRS 6221 Faculté de Droit, d'Economie et de Gestion,
Rue de Blois, B.P. 6739 – 45067 Orléans Cedex 2 - France
Tél : 33 (0)2 38 41 70 37 – 33 (0)2 38 49 48 19 – Fax : 33 (0)2 38 41 73 80
E-mail : leo@univ-orleans.fr - http://www.univ-orleans.fr/DEG/LEO
Le mimétisme sur les marchés financiers :
une revue de la littérature empirique
Anne-Gaël Vaubourg∗

Laboratoire d’Économie d’Orléans


Faculté de Droit, Economie, Gestion
Rue de Blois, BP 6739
45 067 Orléans cedex 02
e-mail : Anne-Gael.Vaubourg@univ-orleans.fr

Résumé
Cet article propose une revue de la littérature empirique consacrée au
mimétisme sur les marchés financiers. Dans une première catégorie de travaux,
le mimétisme est assimilé à une similarité excessive des transactions à l’achat
ou à la vente. Cette littérature cherche avant tout à mesurer l’ampleur du
mimétisme des investisseurs institutionnels. Une seconde catégorie d’études
définit le phénomène comme un mouvement de convergence vers le consen-
sus de marché. Portant principalement sur les déterminants du mimétisme en
matière de prévisions et de recommandations financières, ces travaux évoluent
dans le sens d’un meilleur traitement du mimétisme fallacieux.

Abstract
This paper surveys the empirical literature on herd behavior in financial
markets. A first bulk of papers consider herding as a situation of excessive
activity on the buy or on the sell side of the market. They mainly aims at mea-
suring the intensity of institutional herding. The other strand of the literature
defines herding as a move towards the market consensus. It concentrates on
the determinants of herding in financial forecasts and recommandations. This
literature now moves in tackling spurious herding.

Mots clés : mimétisme, investisseurs institutionnels, consensus, prévisions financières,


recommandations financières.
Codes JEL : G10, G11, G14.

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet ANR-05-JCJC-0225-01. L’auteur remercie
Vincent Bignon, Régis Breton, Sébastien Galanti et Bertrand Gobillard pour leur remarques et
commentaires sur de précédentes versions de l’article.

1
1 Introduction

Parmi les nombreuses anomalies de marché répertoriées par la littérature1 , la vo-


latilité excessive du prix des actifs constitue un sujet de préoccupation d’autant plus
pregnant que la dernière décennie a été marquée par la crise des marchés émergents
de 1997-1998 et par la bulle Internet à la fin des années 90. La finance comportemen-
tale a cherché l’explication de tels phénomènes dans la reformulation des hypothèses
relatives à la rationalité et aux préférences des agents (Pollin (2004), Albouy &
Charreaux (2005)). Mais un autre type d’argument a également été invoqué, faisant
référence à une notion déjà bien connue des théoriciens et des praticiens de la fi-
nance : le mimétisme, attitude qui consiste à imiter les actions des autres agents.
Les comportements moutonniers peuvent intervenir dans le cadre des transactions
de marché mais aussi lorsque les analystes et les lettres d’information (newsletters)
formulent des recommandations financières ou des prévisions sur le cours des actifs
et le bénéfice des firmes.
Le mimétisme a fait l’objet d’une littérature théorique abondante. Au delà de
l’argument d’une préférence pour la conformité, il s’agit d’expliquer ce qui peut inci-
ter un agent à négliger son information privée pour adopter des stratégies d’imitation
qui, bien que rationnelles, peuvent s’avérer inefficientes. Ces travaux, dont les articles
de Bikhchandani & Sharma (2001) et de Hirshleifer & Teoh (2003) offrent un pa-
norama complet, sont généralement classés en trois catégories. Dans les modèles de
cascade informationnelle (Bikhchandani, Hirshleifer & Welch (1992), Welch (1992),
Banerjee (1992)) les opérations d’achat et de vente sont observées par tous mais
les agents ignorent l’information dont disposent les autres acteurs du marché. Pen-
sant que ceux-ci possèdent une information pertinente sur la valeur des titres, les
investisseurs sont tour à tour amenés à privilégier les comportements d’imitation.
Les modèles d’agence (Maug & Naik (1996)) se focalisent sur la délégation de ges-
tion de portefeuille et la rémunération des gérants de fonds, supposée dépendre de
leur performance relative. Si le contrat prévoit de diminuer la rémunération en cas
de performance inférieure au rendement du marché, le gérant est incité à repro-
duire l’indice afin de garantir sa propre rémunération. Enfin, dans les modèles de
réputation et de ”career concern”, les investisseurs ne connaissent pas leur propre
niveau de compétence. Comme l’expliquent Scharfstein & Stein (1990), cette incer-
titude les conduit à mimer les autres investisseurs, toute erreur éventuelle pouvant
ainsi être attribuée à l’imperfection d’un signal commun plutôt qu’à leur manque de
talent. Pour Avery & Zemsky (1998), ce mécanisme fonctionne d’autant mieux que
l’investisseur est peu expérimenté. Pour Graham (1999), au contraire, l’incitation au
mimétisme est renforcée lorsque l’agent a beaucoup à perdre en termes de réputation.
Clarke & Subramanian (2006) soulignent le rôle joué par les performances passées :
les agents ayant commis peu d’erreurs peuvent se permettre une certaine intrépidité
1
Pour une revue de littérature très complète sur ce sujet, voir Schwerbt (2003).

2
tandis que ceux qui se sont beaucoup trompés ont peu à perdre et beaucoup à gagner
en étant audacieux.
Si le mimétisme ne manque pas de justifications théoriques, une évaluation em-
pirique du phénomène paraı̂t indispensable. Il s’agit non seulement d’en vérifier la
réalité et l’ampleur mais aussi d’en déterminer les facteurs et les éventuelles im-
plications sur l’évolution du cours des actifs. Une telle démarche n’est pas sans
difficultés, l’analyse pouvant être biaisée par l’existence d’un mimétisme dit falla-
cieux. Il est possible en effet que les agents agissent de manière similaire non pas par
mimétisme intentionnel mais parce qu’ils exploitent la même information publique
ou parce que leurs informations privées sont corrélées. Cet article propose une re-
vue de la littérature consacrée à ces questions. Une première catégorie de travaux
associe le mimétisme à une similarité excessive des comportements tandis qu’une
seconde catégorie d’études le définit plutôt comme un phénomène de convergence
vers le consensus de marché. Ces deux conceptions empiriques du mimétisme sont
présentées successivement dans les deuxième et troisième section de l’article. La qua-
trième section conclut.

2 Mimétisme et similarité excessive des transac-


tion à l’achat ou à la vente
Cette section dresse un panorama des travaux dans lesquels le mimétisme est
assimilé à une situation de similarité excessive des transactions financières. Nous
présentons tout d’abord l’indicateur statistique proposé dans cette littérature pour
mesurer un tel phénomène, notamment dans le cas des investisseurs institutionnels.
Nous exposons ensuite les résultats obtenus concernant l’intensité du mimétisme
institutionnel, le rôle joué par les caractéristiques des titres et des investisseurs ainsi
que la relation entre mimétisme et rendement des titres.

2.1 Un indicateur statistique


Dans l’article fondateur de Lakonishok, Shleifer & Vishny (1992), le mimétisme
est associé à un excès d’achats ou de ventes sur un titre donné. Pour le mesurer, les
auteurs utilisent l’indicateur suivant : HLSV,i,t =| Ani,t
i,t Ãi,t
− pt | −E | ni,t − pt | où Ai,t
représente le nombre d’agents ayant acheté le titre i en t, ni,t le nombre d’agents
ayant effectué une transaction (achat ou vente) sur le titre i en t, et pt est la propor-
tion d’acheteurs en t, tous titres confondus. Le premier terme de HLSV,i,t mesure la
propension d’un titre i à être davantage acheté (ou vendu) que ne le sont les titres
dans leur ensemble. Le second terme est un facteur de correction qui tient compte
de la dispersion ”naturelle” de toute transaction financière, dans l’hypothèse où les
titres sont sélectionnés selon des tirages aléatoires indépendants. Ãi,t est supposée
avoir une distribution binomiale, définie par la probabilité pt et un nombre de tirages

3
égal à ni,t 2 . En l’absence de suivisme sur le titre i en t, on doit avoir HLSV,i,t = 0. Une
valeur non nulle de HLSV,i,t traduit la présence de mimétisme et en mesure l’intensité.
Plus l’indicateur est élevé, plus le mimétisme sur le titre considéré est important. Par
exemple, si le pourcentage d’acheteurs est de 50%, une valeur de 0.25 pour HLSV,i,t
signifie que la proportion d’acheteurs du titre i est de 75% et la proportion de ven-
deurs de 25%3 . Par construction, l’indicateur de Lakonishok et al. (1992) est difficile
à transposer au cas des prévisions et recommandations4 . Son utilisation s’est en re-
vanche largement répandue dans les travaux consacrés aux transactions financières,
pour lesquelles il est initialement conçu. Deux raisons expliquent ce succès.
D’abord, le calcul de HLSV,i,t n’a de sens que s’il est appliqué à une sous-population
puisque sur l’ensemble du marché, il ne peut exister de tendance moyenne à l’achat
ou à la vente, chaque opération d’achat trouvant sa contrepartie dans une opération
de vente. La sous-population généralement retenue dans les études est celle des in-
vestisseurs institutionnels (banques, compagnies d’assurance, fonds de pension, fonds
mutuels...)5 . La composition de leur portefeuille peut en effet être facilement connue,
ce qui permet de déterminer par quel investisseur un titre a été acheté ou vendu. Or
l’analyse du mimétisme institutionnel présente un intérêt tout particulier. D’abord
parce que les investisseurs institutionnels pèsent désormais d’un poids très impor-
tant sur les marchés financiers. Ensuite parce qu’ils sont supposés être très enclins
au mimétisme : mieux informés que les investisseurs individuels sur les transactions
des autres intervenants du marché, ils sont aussi particulièrement sensibles aux effets
de rémunération et de réputation décrits dans les modèles théoriques.
L’utilisation de données de portefeuille permet par ailleurs d’éviter deux éceuils
caractéristiques du recours aux données de marché, qu’il s’agisse du cours ou du
rendement des titres. D’une part, elle évite toute confusion avec une éventuelle vali-
dation des hypothèses du MEDAF, comme c’est le cas chez Christie & Huang (1995)
et Chang, Cheng & Khorana (2000), qui associent le mimétisme à une faible dis-
persion du rendement des titres, ou chez Hwang & Salmon (2004) dont la mesure
repose sur la dispersion des bétas. D’autre part, l’indicateur HLSV,i,t constitue une
mesure plus fine que celle proposée par Nofsinger & Sias (1999), Kim & Sias (2005),
ni,t
2 Ãi,t
X ni,t ! A Ai,t
E| − pt |= .p i,t .(1 − pt )ni,t −Ai,t . | − pt |. L’exemple de Sharma, Eas-
ni,t Ai,t !(ni,t − Ai,t )! t ni,t
Ai,t =0
terwood & Kumar (2005) permet de mieux comprendre le calcul de ce seconde terme. Pour p = 0.5
et ni,t = 2, E | Ã i,t
ni,t
2!
− pt |= 0!2! 0.50 0.52 . | 20 − 0.5 | + 1!1!
2!
0.51 0.51 . | 12 − 0.5 | + 2!0!
2!
0.52 0.50 . | 22 − 0.5 |= 0.25.
3
Pour une interprétation de HLSV,i,t en termes de corrélation temporelle entre les transactions,
voir Sias (2004).
4
L’étude de Jaffe & Mahoney (1999) est une des rares à proposer une telle transposition, Ai,t
devenant alors le nombre de lettres d’information qui conseillent l’achat du titre i en t, ni,t le nombre
de recommandations sur le titre i en t, et pt la proportion de lettres recommandant l’achat en t,
tous titres confondus.
5
Parmi les exceptions, signalons les travaux de Choe, Kho & Stulz (1999) et de Agarwal, Liu &
Rhee (2007), dédiés aux investisseurs étrangers et l’article de Do, Tan & Westerholm (2006), qui
traite des investisseurs individuels.

4
Dasgupta, Prat & Verardo (2007) ou encore Sias, Starks & Titman (2007) et qui
consiste à assimiler le mimétisme institutionnel à de fortes variations de la détention
institutionnelle des titres6 .

2.2 Quelle est l’ampleur du mimétisme institutionnel ?


Le tableau 1 recense les valeurs prises dans la littérature par l’indicateur moyen
HLSV . La relative faiblesse des évaluations dans le cas des Etats-Unis et de cer-
tains pays européens (Allemagne, Royaume-Uni) a soulevé la question d’une pos-
sible sous-évaluation du mimétisme. Oehler (1998) avance deux arguments en faveur
d’une telle thèse. D’une part, la soustraction de pt purge HLSV du caractère glo-
balement acheteur ou vendeur des fonds, tous titres confondus. D’autre part, HLSV
tient compte du nombre d’investisseurs et non du volume de transactions. En cas
d’égalité entre le nombre d’acheteurs et le nombre de vendeurs d’un titre, on peut
alors conclure à l’absence de mimétisme malgré un volume d’achats éventuellement
supérieur à celuiv desv ventes. Oehler (1998) propose alors d’utiliser l’indicateur sui-
−Vi,t
vant : HO,i,t =| AAi,t
v +V v
v

à +Ṽ
v v v
| − | Ãv −Ṽ v | où Ai,t et Vi,t représentent respectivement les vo-
i,t i,t

lumes de transactions à l’achat et à la vente sur le titre i en t tandis que Ãv et Ṽ v


représentent les probabilités que le volume de transactions se fasse respectivement
à l’achat et à la vente. Les estimations de Oehler (1998), pour qui HO varie entre
78% et 83% selon le semestre considéré et celles de Oehler & Chao (2000), pour
qui HO est égale à 86.2%, s’avèrent bien supérieures à celles obtenues pour HLSV .
Pour Wylie (2005), au contraire, les estimations effectuées à partir de HLSV , pour
être faibles, n’en sont pas moins surévaluées. L’indicateur ne tient pas compte de
l’interdiction de la vente à découvert, stipulant qu’un titre ne peut être vendu par
un gérant que s’il figure déjà dans son portefeuille. Afin de corriger ce biais qui se
traduit par une troncature à gauche de la distribution de Ãi,t , Wylie (2005) retire de
son échantillon les titres qui ne sont détenus initialement dans aucun portefeuille. Il
ne conserve ainsi que les actions sur lesquelles l’interdiction n’a aucune prise. Calculé
sur le nouvel échantillon, l’indicateur s’avère particulièrement faible, égal à 1.2%.
Pour expliquer la supériorité du mimétisme dans les autres économies, la littéra-
ture convoque des arguments d’ordre institutionnel. Dans le cas du Portugal, c’est
la faible transparence informationnelle qui est incriminée ; dans celui de la Finlande,
c’est la forte concentration de la propriété, favorable au partage d’informations entre
les actionnaires principaux. Enfin, sur les marchés émergents, le suivisme serait par-
ticulièrement élevé du fait d’une forte concentration des opérateurs institutionnels
ainsi que de la sévérité de la réglementation qui réduit leurs opportunités d’investis-
sement.
6
De surcroı̂t, chez Nofsinger & Sias (1999) et Kim & Sias (2005), le fait de connaı̂tre la na-
ture (institutionnelle ou individuelle) mais pas l’identité du détenteur des titres génère le risque
d’interpréter comme du mimétisme des transactions effectuées par un petit nombre d’investisseurs
manipulant de grosses quantités de titres.

5
Auteurs Période Titres Investisseur institutionnel HLSV
d’estimation
Lakonishok et al. (1992) 01/1985-12/1989t Actions 769 fonds de pension américains 2.7%
Grinblatt, Titman & Wermers (1995) 01/1974-12/1984t Actions 274 fonds mutuels américains 2.5%
Oehler (1998) 01/1988-06/1993s Actions 28 fonds mutuels allemands 2.9%
Wermers (1999) 01/1975-12/1994t Actions tous fonds mutuels américains 3.4%
Oehler & Chao (2000) 01/1993-12/1995s Obligations 57 fonds mutuels allemands 2.6%
Borensztein & Gelos (2001) 01/1996-03/1999m Actions 467 fonds mutuels de pays émergents 7,2%
Loboa & Serra (2002) 01/1998-12/2000t Actions 32 fonds mutuels portuguais 11.38%
Wylie (2005) 01/1986-12/1993s Actions 268 fonds mutuels britanniques 2.6%
Voronkova & Bohl (2005) 01/1999-12/2002a Actions 17 fonds de pension polonais 22.6%
Haigh, Boyd & Buyuksahin (2006) 01/2002-09/2006q Futures hedge funds américains 9%
01/2002-09/2006q Futures brokers et traders 7%
Do et al. (2006) 03/1995-05/2004m Actions 32 banques, fonds mutuels, brokers finnois 9.9%
Puckett & Yan (2007) 01/1999-12/2004h Actions 776 fonds de pensions et fonds mutuels américains 3.78%
Dans ce tableau comme dans les suivants, toutes les valeurs indiquées sont significatives, sauf s’il est mentionné ”n.s.” (”non significatif”).
Les mentions ”q”, ”h”, ”m”, ”t”, ”s” et ”a” indiquent des données respectivement quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles,
semestrielles et annuelles.

Tab. 1: Estimations de HLSV

2.3 L’ampleur du mimétisme institutionnel dépend-elle des


caractéristiques des titres et des investisseurs ?
Les estimations présentées dans le tableau 1 sont susceptibles de dissimuler un
mimétisme plus marqué au sein de certaines catégories homogènes de titres ou de
fonds. On peut supposer notamment que les titres émis par les petites entreprises
font l’objet d’un mimétisme particulièrement fort : d’abord parce que les investisseurs
palient l’opacité relative de l’information financière des petites firmes en copiant
l’allocation des autres investisseurs ; ensuite parce que les titres des petites entreprises
sont les plus touchés par les pratiques de window dressing consistant pour les fonds
à vendre massivement les actifs les moins performants ou les moins prestigieux avant
la publication de leurs résultats.
Les chiffres reportés dans le tableau 2 confortent l’hypothèse d’une corrélation
négative entre l’intensité du mimétisme et la taille des firmes.

Auteurs Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 M1 M2
Lakonishok et al. (1992) 6.1% 3.9% 2.8% 2% 1.6%
Wermers (1999) 6.17% 3.15% 2.98% 2.89% 2.66%
Voronkova & Bohl (2005) 21.4% 20.1% 17.8% 13.7% 20.1%
Do et al. (2006) 10.3% 9.5%
Dans ce tableau comme dans les suivants, les 5 premières colonnes du tableau indiquent un
découpage de l’échantillon en fonction des quintiles, les 2 dernières un découpage en fonction
de la médiane.

Tab. 2: Valeurs de HLSV selon la taille (capitalisation boursière) des firmes émettrices,
des plus petites (Q1 ou M1 ) aux plus grandes (Q5 ou M2 )

Les comportements moutonniers sont également susceptibles d’être amplifiés dans


les secteurs les plus porteurs d’asymétries d’information tels que les NTIC. Sur
un échantillon d’actions émises par 430 entreprises américaines du secteur Inter-
net entre le premier trimestre de 1998 et le quatrième trimestre de 2001, Sharma
et al. (2005) évaluent HLSV à 6.58%, contre seulement 3.86% pour la totalité des

6
actions américaines sur la même période. Le mimétisme a été particulièrement in-
tense pour les achats en période de gonflement de la bulle Internet et pour les ventes
après son éclatement : du côté des achats, HLSV est égal à 8.77% entre 1998 et 2000
contre 4.22% entre 2000 et 2001 tandis que du côté des ventes, ces pourcentages sont
respectivement de 3.34% et 7.74%.
L’ampleur du mimétisme dépend aussi de la nature des investisseurs institution-
nels. Notamment, les fonds de croissance sont réputés plus enclins au suivisme que
les fonds à revenu (dont la vocation est de percevoir des coupons et des dividendes),
en raison de la difficulté à analyser la valeur fondamentale des firmes. Ce postulat
est validé pour les fonds américains : par exemple, Grinblatt et al. (1995) évaluent
HLSV à 1.55% pour les fonds de croissance et à 0.88% pour les fonds à revenu. Le
cas des fonds britanniques semble atypique puisque Wylie (2005) obtient pour cha-
cune des deux catégories des pourcentages de 1.3% et 3%. Par ailleurs, à partir d’un
ensemble de fonds finnois opérants sur les 50 plus grosses valeurs de la Bourse d’Hel-
sinki, Kyröläinen & Perttunen (2003) précisent que ce sont les investisseurs les plus
actifs (en termes de nombres de jours de transactions) qui ont le plus intensifié leur
mimétisme entre septembre 1996 et août 2000. Enfin, disposant d’un échantillon de
133 fonds off-shore et 987 fonds on-shore entre janvier 1997 et décembre 1999, Kim &
Wei (2001) montrent que le mimétisme est plus important au sein des fonds on-shore
anglais et américains qu’au sein des fonds off-shore, plus difficiles à imiter car moins
transparents. Leur résultat est confirmé par Borensztein & Gelos (2001).

2.4 Mimétisme institutionnel et rendement des titres


La plupart des études déjà citées examinent l’influence du mimétisme sur le
rendement des titres. D’après le tableau 3, les titres pour lesquels le suivisme à
l’achat (resp. à la vente) est le plus important sont ceux qui affichent les rende-
ments contemporains les plus élevés (resp. les plus faibles). De même, Sharma et al.
(2005) constatent que les rendements sont affectés par les retournements de com-
portement des institutionnels. Les titres faisant l’objet d’un mimétisme à l’achat
particulièrement intense sont aussi ceux dont le rendement anormal chute le plus en
cas de disparition du mimétisme au trimestre suivant. Inversement, ceux caractérisés
par un très fort mimétisme à la vente sont les seuls à voir leur rendement anormal
augmenter en cas d’interruption du mimétisme. Do et al. (2006) aboutissent à la
même conclusion en régressant le rendement des actions sur deux variables muettes
indiquant si le titre a fait l’objet de mimétisme à l’achat ou à la vente.
La littérature s’intéresse également aux pratiques de feedback trading, consistant
à acheter les titres dont les performances passées ont été bonnes et à vendre ceux
dont les performances ont été mauvaises. Dans le cas des marchés américains, les
résultats, résumés dans le tableau 4, convergent : à l’achat, ce sont les valeurs ga-
gnantes qui font l’objet du mimétisme le plus important ; à la vente, ce sont les
valeurs perdantes. En revanche, limitant son analyse aux 200 plus grosses actions de

7
son échantillon, Wylie (2005) montre que les fonds anglais adoptent des stratégies
contrariantes : les titres dont le mimétisme à l’achat est le plus intense affichent une
performance passée moyenne de -0.07% tandis que ceux dont le mimétisme à la vente
est le plus élevé se caractérisent par une performance passée de 0.07%. La portée de
ces résultats ne doit cependant pas être surestimée. Car s’il peut être assimilé à du
mimétisme fallacieux (puisque les fonds opèrent à partir d’une information publique,
à savoir la performance passée des titres), le feedback trading ne représente qu’une
partie du phénomène. Dans le cas des investisseurs institutionnels, le mimétisme fal-
lacieux provient sans doute aussi de la corrélation des informations privées, celles-ci
étant souvent obtenues par des canaux communs (rencontres avec les dirigeants d’en-
treprises, participations aux road show...). Or cette facette du mimétisme fallacieux
est absente des travaux fondés sur l’indicateur HLSV .

Auteurs Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 M1 M2
Wermers (1999)
Achat 0.78% 1.61% 2.28% 3.73% 5.57%
Vente 0.24% 0.07% -1.27% -1.97% -3.19%
Wylie (2005)
Achat -0.45% -0.58% -0.18% 0.66% 0.88%
Vente -0.33% -0.82% -0.33% n.s. -1.05%
Sharma et al. (2005)
Achat 9.59% 24.12%
Vente -16.93% -24.85%

Ai,t
Tab. 3: Rendements anormaux trimestriels à l’achat (titres pour lesquels ni,t
> pt ) et à la vente (titres pour
Ai,t
lesquels ni,t
< pt ), selon l’intensité du mimétisme au cours du trimestre courant, de la plus faible (Q1 ou M1 ) à la
plus forte (Q5 ou M2 )

Auteurs Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 M1 M2
Wermers (1999)
Achat 2.16% 2.7% 3% 3.04% 3.68%
Vente 5.36% 3.38% 3.06% 2.99% 3.82%
Sharma et al. (2005)
Achat 4.04% 5.35% 7.07% 7.36% 7.69%
Vente 7.57% 5.95% 6.66% 6.67% 6.06%
Grinblatt et al. (1995)
Achat 1.11% 2.51%
Vente 3.48% 2.85%

Ai,t Ai,t
Tab. 4: Valeurs de HLSV à l’achat (titres pour lesquels ni,t
> pt ) et à la vente (titres pour lesquels ni,t
< pt ),
selon les performances du trimestre précédent, des plus mauvaises (Q1 ou M1 ) aux meilleures (Q5 ou M2 )

8
3 Mimétisme et distance au consensus
Nous exposons maintenant des travaux qui, se concentrant sur les prévisions et
les recommandations financières, associent le mimétisme à une forme de convergence
vers une cible commune. Nous présentons d’abord la référence habituellement retenue
dans cette littérature : le consensus de marché. Nous examinons ensuite les résultats
obtenus concernant l’intensité du mimétisme et ses facteurs. Nous envisageons enfin
une piste possible en vue d’une mesure plus robuste et moins sensible aux effets de
mimétisme fallacieux.

3.1 Le consensus comme cible du mimétisme


Lorsque le mimétisme est assimilé à un mouvement de convergence vers une cible
commune, celle-ci doit être clairement définie. Graham (1999) propose de désigner
nommément un meneur d’opinion : il s’agit en l’occurence de la Value Line Invest-
ment Survey, lettre d’information américaine réputée et dont les recommandations fi-
nancières sont facilement disponibles, donc facilement imitables. Un tel choix pouvant
toutefois paraı̂tre ad-hoc, une autre référence, plus anonyme, peut être envisagée : le
consensus de marché. De fait, c’est dans les travaux menés sur les prévisions et les
recommandations, pour lesquelles la notion de consensus se conçoit aisément, que
cette référence est la plus largement utilisée7 . Dans sa version la plus simple et la
plus courante, le consensus est mesuré comme la moyenne des prévisions (qui, dans
la plupart des études, portent sur le bénéfice par action) ou des recommandations
formulées sur un titre donné8 . Plus une prévision ou une recommandation est proche
du consensus, plus elle est mimétique et moins elle est ”intrépide”, qualificatif plus
couramment utilisé dans cette littérature9 .
Les prévisions et les recommandations sont ici appréhendées comme des objets
d’étude à part entière. Cette démarche semble plus satisfaisante que celle consistant
à les considérer comme de simples éléments d’une distribution statistique dont la
dispersion fournirait une mesure du mimétisme s’exerçant sur le titre considéré. Car
il s’agirait alors de comparer cette dispersion à celle d’une distribution purgée de tout
mimétisme, donc inobservable. Certes, d’autres distributions de référence comme celle
de la loi normale (Arya, Glover, Mittendorf & Narayanamoorthy (2005), Mensah &
Yang (2006)) ou celle du bénéfice réalisé (DeBondt & Forbes (1999), Olsen (1996))
ont été envisagées. Mais ces choix se sont révélés trop artificiels pour conduire à
7
De ce point de vue, l’article de Chevalier & Ellison (1999) constitue une exception. Dans cette
étude, menée à partir d’un échantillon de 242 gérants de fonds mutuels américains fourni par
Morningstar pour 1992-1995, le consensus en matière d’allocation est mesuré en termes de choix
sectoriels, de risque de risque systématique et de beta du portefeuille.
8
Parfois, les prévisions ou recommandations sont pondérées par leur ancienneté (on accorde alors
davantage de poids aux prévisions ou recommandations les plus récentes) ou par la taille du broker
qui emploie l’analyste.
9
La littérature anglo-saxonne utilise couramment les termes bold et boldness.

9
des évaluations convaincantes du mimétisme, d’autant qu’une faible dispersion des
prévisions ou recommandations peut également s’interpréter comme la manifestation
d’une information moins ”bruitée” et de meilleure qualité (Kim & Pantzalis (2003)).

3.2 Les prévisions et recommandations sont-elles mimétiques


ou intrépides ?
Afin de mesure l’intensité du mimétisme en matière de prévisions, Zitzewitz
(2001) régresse la différence entre le bénéfice par action réalisé et le consensus sur
l’écart entre la prévision de bénéfice et le consensus. L’hypothèse de mimétisme
(resp. intrépidité) est acceptée si la prévision est plus proche (resp. plus éloignée) du
consensus que ne l’est le bénéfice réalisé, c’est à dire si le coefficient de régression est
supérieur (resp. inférieur) à 1. Estimé sur un échantillon de 836 639 prévisions four-
nies par I/B/E/S (Institutional Brokers Estimate System) pour la période 1993-1999,
le coefficient de régression est égal à 0.67, suggérant l’intrépidité des prévisions. La
conclusion est cependant différente dès lors qu’on s’intéresse aux recommandations,
comme le montre l’étude de Welch (2000), réalisée à partir de 302 451 révisions de re-
commandations annuelles d’analystes américains. Son échantillon, fourni par Zachs,
porte sur la période 1989-1994. Les recommandations y sont exprimées sous forme
d’une variable discrète, dont les modalités vont de 1 (”achat fortement conseillé”)
à 5 (”vente fortement conseillée”). Par la méthode du maximum de vraissemblance,
il estime un indicateur interprété comme la probabilité qu’une recommandation soit
révisée en suivant (si le coefficient est positif) ou en évitant (si le coefficient est
négatif) le consensus, une fois prise en compte la possibilité que celui-ci soit at-
teint indépendamment de tout suivisme. L’hypothèse de mimétisme est alors validée
puisque l’indicateur est significatif, égal à 13%.

3.3 Quels sont les déterminants du mimétisme et de l’intrépi-


dité ?
Plus que l’intensité du phénomène, ce sont surtout ses déterminants que la
littérature portant sur les prévisions et recommandations cherche à mettre en évidence.
A l’instar de Chevalier & Ellison (1999), qui montrent que les gérants les plus âgés
sont ceux dont l’allocation s’écarte le plus du consensus, ces études s’inscrivent dans
la lignée des modèles théoriques de réputation et de ”career concern”.
Ainsi Hong, Kubik & Solomon (1998) s’intéressent-ils aux effets de l’ancienneté
sur la distance de la prévision au consensus. Clement & Tse (2005) tiennent également
compte de la qualité de l’information et de la compétence de l’analyste, supposées
favoriser l’intrépidité de ses prévisions. Ils introduisent donc comme variables expli-
catives l’expérience spécifique de l’analyste (le nombre d’années au cours desquelles
il a suivi la firme), sa performance passée (la précision de sa précédente prévision),
la fréquence de ses prévisions, la taille du broker ainsi que son degré de spécialisation

10
(inversement corrélé au nombre de firmes et au nombre de secteurs couverts). Kri-
shnan, Lim & Zhou (2006) y ajoutent la propension au mimétisme de l’analyste,
définie comme le coefficient de pondération associé, dans sa fonction de profit, à
l’écart de la prévision au consensus, l’autre terme étant l’erreur de prévision. Le
mode de construction de cette variable dépasse la conception binaire souvent retenue
dans les autres travaux : un coefficient positif signale une tendance au mimétisme,
un coefficient négatif une tendance à l’intrépidité tandis qu’un coefficient nul révèle
l’absence de référence au consensus. L’introduction de cette variable permet aussi
de tenir compte du fait que l’intensité du mimétisme varie selon qu’elle est mesurée
au niveau des prévisions ou des analystes : elle peut par exemple être faible dans le
premier cas et élevée dans le second dès lors que les analystes audacieux sont les plus
nombreux mais qu’ils formulent moins de prévisions que les analystes mimétiques.
Enfin, Clarke & Subramanian (2006) cherchent à vérifier leur résultat théorique selon
lequel il existerait une relation non linéaire entre mimétisme et performances passées.
D’après le tableau 5, les études de Hong et al. (1998), Clement & Tse (2005) et
Clarke & Subramanian (2006) montrent que l’expérience générale accroı̂t l’intrépidité
des prévisions10 . Clement & Tse (2005) établissent aussi que la qualité de l’informa-
tion et la compétence de l’analyste jouent un rôle puisque la performance passée,
la fréquence des prévisions et la taille du broker renforcent l’intrépidité, tandis que
le nombre de secteurs couverts l’atténue. Ces résultats sont à rapprocher de ceux
de Cooper, Theodore & Lewis (2001) et Gleason & Lee (2003) qui, ayant montré
que le rendement des titres est moins affecté par les prévisions mimétiques que par
les prévisions intrépides, concluent à la supériorité du contenu informationnel de
celles-ci.
Ces conclusions sont en grande partie contredites par Krishnan et al. (2006). La
divergence concernant l’expérience des analystes reflète l’opposition entre les modèles
théoriques de Avery & Chevalier (1999) et de Graham (1999)11 . Quant au désaccord
sur l’effet de la performance passée, il renvoie à la relation non linéaire mise en
évidence par Clarke & Subramanian (2006) : l’intrépidité serait d’autant plus forte
que les performances de l’analyste ont été très bonnes ou très mauvaises. Enfin,
Krishnan et al. (2006) montrent que les prévisions les plus intrépides proviennent
des analystes ayant une plus faible propension au mimétisme.

10
Stickel (1990) confirme ce résultat en montrant qu’une variation du consensus de 1% implique
une révision de 0.88% des prévisions pour les analystes recensés par l’Institutional Investor dans sa
publication ”All american research team”, contre 0.92% pour les autres.
11
Cette divergence existe aussi dans le cas des prévisions macroéconomiques (Ashiya & Doi (2001),
Lamont (2002)).

11
Auteurs Période Nombre Variables explicatives Coefficients estimés
d’estimation de prévisions
(données I/B/E/S)
Hong et al. (1998) 1987-1996a 104 807 Expérience générale 0.038
Clement & Tse (2005)12 1987-1999a 57 596 Expérience générale 0.1168
Expérience spécifique n.s.
Précision passée 0.1483
Fréquence des prévisions 0.2765
Taille du broker 0.2030
Nombre de firmes n.s.
Nombre de secteurs -0.1803
Krishnan et al. (2006) 1990-2004a 1 293 487 Propension au mimétisme -0.012
Expérience générale -0.006
Expérience spécifique 0.025
Précision passée -0.016
Fréquence des prévisions n.s.
Taille du broker 0.053
Nombre de firmes 0.028
Nombre de secteurs n.s.
Clarke & Subramanian (2006) 1988-20000a 182 188 Expérience générale 3.334
Erreur passée -0.772
Erreur passée2 0.0007

Tab. 5: Intrépidité des prévisions, mesurée par la distance au consensus, et caractéristiques des
analystes

3.4 Vers une mesure plus robuste du mimétisme et de l’intré-


pidité ?
Bernhardt, Campello & Kutsoati (2006) soulignent une limite importante des
travaux qui viennent d’être présentés : la proximité du consensus ne signifie pas en
soi qu’une prévision ou une recommandation est conformiste. Ils rappellent que le
mimétisme se caractérise également par une sous-utilisation de l’information privée.
Ceci les amène à proposer une mesure plus robuste notamment en cas de corrélation
des informations privées, situation dont on sait qu’elle peut être source de mimétisme
fallacieux.
Les auteurs considèrent en effet qu’en l’absence de mimétisme, la prévision d’un
analyste doit correspondre, étant donné l’information dont il dispose, à sa meilleure
estimation du bénéfice par action, c’est à dire à la médiane de la distribution anticipée
de celui-ci. L’analyste a donc autant de chance d’émettre une prévision supérieure
au bénéfice réalisé qu’une prévision inférieure. Ceci est valable même en cas de
corrélation des signaux privés, ce qui exclut tout risque d’interpréter comme du
conformisme des situations qui relèvent en fait d’une similarité des informations
privées. Le mimétisme se caractérise au contraire par un éloignement de la meilleure
estimation possible et un rapprochement du consensensus de sorte que la prévision
se trouve entre le consensus et la médiane. On s’intéresse alors à p (resp. q), la
probabilité que le bénéfice réalisé soit inférieur (resp. supérieur) à la prévision sa-
12
Dans cette étude, le caractère qualitatif de la variable explicative justifie l’estimation d’un
modèle Logit et non pas linéaire comme dans les autres travaux.

12
chant que celle-ci est supérieure (resp. inférieure) au consensus. Cette probabilité p
(resp. q) est plus faible (resp. plus élevée) que la probabilité, égale à 12 , d’observer un
bénéfice réalisé inférieur (supérieur) à la médiane. En cas de mimétisme, la moyenne
arythmétique des probabilités p et q doit donc être inférieure à 21 ; en cas d’intrépidité,
elle doit être supérieure. Estimée sur un échantillon de 387 756 prévisions trimes-
trielles émanant d’analystes américains et recensées par I/B/E/S pour la période
1989-2000, cette moyenne est égale à 0.592. Bernhardt et al. (2006) concluent donc,
comme Zitzewitz (2001), à l’intrépidité des prévisions. Naujoks, Aretz, Kerl & Walter
(2007) aboutissent au même constat en se fondant sur une valeur de 0.583, obtenue
à partir d’un échantillon de 77 279 prévisions I/B/E/S formulées par des analystes
allemands entre 1994 et 2005.
Naujoks et al. (2007) s’intéressent également à l’influence exercée par les ca-
ractéristiques des analystes et des firmes sur le caractère mimétique ou intrépide des
prévisions. L’adoption d’une mesure plus robuste conduit à nuancer le rôle joué par
certaines variables. Le fait que l’expérience générale et spécifique et la taille du broker
n’apparaissent plus comme des déterminants de l’intrépidité suggèrent que leur effet
relève davantage du mimétisme fallacieux que du mimétisme intentionnel. Toute-
fois, conformément à l’intuition et au résultat de Clement & Tse (2005), l’intrépidité
apparaı̂t d’autant plus faible que le nombre de firmes couvertes par l’analyste est
élevé. Elle est par ailleurs d’autant plus forte que la capitalisation de la firme est
importante, résultat qui vient conforter celui obtenu dans le cadre des études sur le
mimétisme institutionnel.

4 Conclusion
Malgré la grande disparité des études menées sur l’évaluation empirique du
mimétisme, deux littératures semblent émerger. La première, centrée sur le mimétisme
institutionnel, consiste à associer le conformisme à une similarité excessive des opéra-
tions d’achats ou de ventes sur un titre donné. Centrés sur l’évaluation de l’in-
tensité du mimétisme institutionnel, ces travaux mettent aussi en évidence cer-
tains de ses facteurs (taille et secteur d’appartenance des firmes émettrices, type
de fonds) et montrent que le mimétisme institutionnel affecte le rendement des
titres. L’indicateur statistique utilisé s’affranchit cependant de toute référence à la
littérature théorique et reste très sensible aux effets de mimétisme fallacieux. La
seconde littérature, qui porte essentiellement sur les prévisions et les recommanda-
tions, s’intéresse moins à l’intensité du phénomène qu’à l’étude de ses déterminants,
en termes de caractéristiques des analystes. Elle présente également la particularité
de s’inspirer de la littérature théorique, notamment des modèles de réputation et
de ”career concern”. Surtout, elle évolue dans le sens d’un meilleur traitement des
problèmes de mimétisme fallacieux et d’une plus grande robustesse des évaluations.
Comme le soulignent Drehman, Oechssler & Roider (2007) reprenant Hirshleifer
& Teoh (2003), les problèmes posés par la mesure empirique du mimétisme sont ce-

13
pendant loin d’être totalement résolus. Car, l’information privée étant inobservable,
aucune étude fondée sur l’utilisation de données réelles ne parviendra à déterminer
lequel des mécanismes proposés dans la littérature théorique est le plus pertinent
ni à évaluer précisemment le rôle joué par la corrélation des signaux d’information
dans l’explication des comportements moutonniers. Le recours à l’expérimentation
pourrait, dans la lignée des travaux de Anderson & Holt (1997), contribuer à sur-
monter ces difficultés et permettre l’emergence d’une nouvelle littérature empirique
de référence sur le mimétisme.

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