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Et ils tombent par des moyens moins coûteux et moins voyants que les missiles et qui
s'appellent : le Comité, le tract, le Meeting, le complice occulte, l'émission radio, l'infiltration
de la Presse, l'intoxication des universités, le front populaire, le révolutionnaire professionnel
et, le cas échéant, le couteau et le plastic de la guérilla.
Ce jeu du Kremlin n'est au fond qu'une variante de la vieille tactique militaire qui
prescrit aux communistes de tromper le pays qu'ils assaillent, de manière à ce que ce pays
concentre toute sa défense sur les routes que les communistes n'emprunteront pas, en l'espèce
les routes militaire, économique et diplomatique, et que le pays en question laisse largement
ouverts les chemins que les communistes prendront, en l'espèce ceux de la conspiration et de
la subversion .. .
Son instrument fondamental est, non plus le canon, mais la propagande, une
propagande d'une intensité sans précédent dans l'histoire humaine, illimitée dans la
mystification, provocante ou insidieuse, excitante ou paralysante, mais toujours et partout
calculée avec un soin infini pour soutenir, non pas l'idéal du vrai communiste, mais les visées
internationales de Moscou.
Les Soviets et leurs relais émettent annuellement, à destination du Tiers-Monde, dans toutes
les langues ou dialectes :
Les Soviets nous font croire que le conflit Est-Ouest sera décidé par les super-bombes,
et nous courons dépenser nos deniers à fabriquer davantage et davantage de super-bombes.
Comment ne voit-on pas que la menace de l'Apocalypse atomique n'est, chez l'URSS,
qu'une diversion et un bluff ? D'abord, parce que, en conséquence de la "balance de l'horreur"
établie entre le Monde Libre et le Monde communiste, une guerre nucléaire dévasterait tout
autant son territoire que le nôtre. Ensuite, parce que la dictature communiste n'y résisterait
pas. Celle-ci, en effet, ne survit que grâce à un appareil d'encadrement et de coercition qui
dépend de la sûreté des liaisons intérieures.
En démocratie, le pouvoir, parce qu'il concorde bon an mal an avec les tendances
spontanées du corps social, peut perdre le contact avec la masse, celle-ci continuera cependant
d'elle-même à former de nouvelles têtes qui oeuvreront pour la sauvegarde commune. Une
dictature au contraire n'a qu'une tête et, qui pis est, haïe. Hors du joug de l'appareil central, les
sujets ne répondent plus et se révoltent. Le jour où le téléphone de la police, secrète cesserait
de retentir dans toutes les provinces de la Russie soviétique, ce jour-là, il n'y aurait plus de
communisme.
C'est pourquoi il n'y aura pas de guerre nucléaire et la partie se décidera sur un autre
front : le Front de la Guerre Politique, au moyen d'armes comme la propagande, l'infiltration,
la subversion, et la conspiration. Mais dans ce secteur, le Monde Libre reste aveugle et sourd.
Il ne s'occupe que d'armer son bras mais laisse passivement l'ennemi désarmer son cerveau.
Le Kremlin sait, mais l'Occident ignore que, dans le présent antagonisme, le front de
la propagande est devenu plus décisif que le front militaire.
En Europe comme aux USA, on croit que le régime soviétique est avancé et celui des
États-Unis arriéré sur le plan social, alors que c'est exactement le contraire qui est vrai. En ce
qui concerne la liberté des travailleurs, le droit de grève, le standard de vie, c'est l'URSS qui
représente la réaction, et les États-Unis l'émancipation. Mais sur le plan de la lutte pour le
Pouvoir, ce sont les États-Unis qui sont conservateurs et ne recourent qu'à la stratégie
conventionnelle, tandis que l'URSS est révolutionnaire et utilise des armes souterraines et
psychologiques entièrement nouvelles.
La conséquence est ce déséquilibre angoissant dans la balance des forces : les Soviets
sont pourvus contre nous sur deux fronts : le militaire et le conspiratif, tandis que nous
n'avons pied que sur un seul front : le militaire.
Les Soviets disposent contre nous à la fois d'un sabre et d'un virus, alors que nous
n'avons que le sabre. Et un sabre si terrifiant qu'on n'osera jamais le tirer du fourreau. Ainsi,
c'est le virus de la propagande qui devient de nos jours la force décisive.
Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, ce sont des Comités politiques et non des
missiles qui ouvrent les voies au Kremlin : dans les rues de Tokyo, il n'y eut aucun missile
soviétique et cependant le Président des États-Unis en fut chassé par les désordres de quelques
groupes d'étudiants manipulés par Moscou et Pékin.
Le Laos est tombé dans le camp communiste — pendant, que ses alliés de l'OTASÉ
comptaient les missiles — bien plus parce que Washington et Paris, intoxiqués par les
sophismes soviétiques, ont livré leurs alliés Phoumi et Bounoum à l'ennemi, que par la force
de la guérilla communiste.
L'Iraq, pourtant intégré dans le coûteux réseau militaire du pacte de Bagdad, en fut
extrait par une révolte intérieure fomentée par Moscou à peu de frais, au nez et à la barbe de
tous les missiles américains.
A Cuba, au pied même des rampes de lancement des missiles américaines, les Soviets
prennent fortement racine par une pure, classique, effrontée pénétration politique.
Le jour où le Gouvernement de Panama tombera dans les mains d'un prétendu Front-
National-Libérateur-Populaire-Anti-Yankee, front qui aura réuni dans des arrières-salles de
café : 100 étudiants, 50 sergents, 40 professeurs, 30 journalistes, 20 avocats, 10 dockers du
crû autour de 10 agents soviétiques servant de germe, le tout au prix d'une dépense à Moscou
d'à peine un demi-million de dollars, ce jour-là, les États-Unis céderont le Canal de Panama
sans tirer un seul obus de leur arsenal de milliards de dollars. Et ce sera le commencement de
la fin. Le monde libre mourra, comme une géante languide de gorgée de super-armes
atomiques qui n'auront pas servi, sous les piqûres de myriades de puces politiques dressées
par Moscou.
Le complexe de Mars
La démocratie mourra d'une psychose que j'appelle : "le Complexe de Mars" (Mars le
dieu de la guerre), maladie qui consiste à ne voir, ne comprendre, ne craindre que le grande
Guerre Chaude, à ne préparer sa défense que contre cette grande guerre chaude, et à laisser
entièrement 'découvert le Front décisif : celui de la guerre subversive de Moscou.
C'est donc à juste titre que les habitants des petites nations sont alarmés par
l'hémiplégie des Occidentaux qui sont fébriles dans leurs arsenaux mais amorphes dans leur
diplomatie. Et leurs alarmes constituent le poison majeur qui ronge aujourd'hui les Alliances
Atlantique et Asiatique. Les habitants des petits pays loucheront de plus en plus le
neutralisme, pas du tout parce qu'ils, ne voient pas assez de missiles autour de Cap Canaveral,
mais parce qu'ils voient les divers pays occidentaux baisser pavillon devant d'infimes
lunatiques comme Fidel Castro, Souvanna. Phong ou Lumumba.
A Berlin, on amène l'artillerie atomique dont on ne fera rien, mais on ne trouve pas la
livre de plastic pour faire sauter, une nuit, le "mur de la honte". Et on ne la trouve pas, parce
qu'on n'a pas compris ce que pourtant le mur de la honte crie par toutes ses pierres : que
Berlin est, pour les Soviets, non pas un enjeu territorial ou militaire, mais un enjeu
psychologique.
On dépense deux cents millions de dollars pour les deux cent millions de chevaux-
vapeur de la fusée Saturne, mais on ne donne pas un sou aux anti-communistes courageux,
mais entièrement démunis, de l'Inde, de Madagascar, du Venezuela, du Brésil, etc ... pour
qu'ils puissent enfin opposer des publications à la marée de littérature communiste qui
submerge leur pays.
Il prépare des commandos dotés des plus fortes puissances de feu et de vitesse de
déplacement et, en même temps, il paie les troupes de l'ONU qui vont au Katanga mitrailler
les amis anti-communistes de l'Occident pour y installer à leur place une créature du Kremlin.
Ou il soudoie un complot pour renverser le plus anti-communiste des présidents : Diem au
Vietnam.
Il écrase ses contribuables pour forger une cuirasse d'acier- qu'il pourra opposer au
Kremlin sur les champs de bataille et, dans le même' temps, sur le champ des esprits, il livre
la télévision à des intellectuels cryptos dont les artifices paralysent la résistance au Kremlin.
* * *
Qu'on me comprenne bien. Je ne nie pas qu'une cuirasse militaire soit indispensable.
S'il n'y en avait pas, les Soviets attaqueraient immédiatement à coups de missiles ou de tanks.
Mais, une fois qu'on l'a, elle n'est pas suffisante, parce qu'alors les Soviets attaquent par les
armes conspiratives. Et il est bien évident que ce n'est pas par des bombardements nucléaires
que l'Occident stoppera la subversion communiste en Amérique latine et en Asie.
Ce qui est le plus triste, c'est de constater qu'il suffirait d'un centième des sommes
engagées par les puissances occidentales dans la course aux armements pour pallier leur
carence sur le front psychologique, ce qui, à son tour, suffirait pour renverser la situation
mondiale en faveur des démocraties.
Opposer missile à missile est au fond facile. Il est beaucoup plus difficile, mais plus
efficace pour nous sauver, d'opposer une réfutation à un sophisme communiste, une
dénonciation à une intrigue communiste, une sanction à un sabotage communiste, une
résistance à une guérilla communiste. Dans ce domaine, négligé par l'Occident mais décisif,
tout est à faire. C'est à cette tâche capitale et dramatiquement pressante que je vous convie.
Nous avons, mes chers amis, à réveiller et redresser un monde, le nôtre, qui chemine comme
un somnambule au bord de l'abîme ...
SUZANNE LABIN