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Le communisme gagne par la propagande

et non par les bombes nucléaires

Madame Suzanne Labin, fondatrice et présidente de la Conférence


Internationale sur la Guerre Politique des Soviets, qui groupe des représentants de plus
de 50 nations, a bien voulu enregistrer, lors de sa visite à notre maison Saint-Michel,
trois conférences pour les quarts d'heure hebdomadaires de Vers Demain à la radio. Ces
programmes hebdomadaires sont donnés sur les ondes de 34 postes de radio. Notre
journal (1er-15 décembre et ler janvier) a reproduit les textes d'où madame Labin tirait
ses deux premières conférences. Nous donnons également ci-dessous le texte dont la
majeure partie fut enregistrée pour le programme du 11 et 12 janvier.

Une trappe du Kremlin

Le stratagème fondamental qu'emploie le Kremlin pour conquérir le monde, c'est


d'agiter l'air, mais de passer sous terre. Sur l'avant-scène du théâtre international, il fait
pétarader les mégatones de ses super-bombes nucléaires, les tanks du pacte de Varsovie, les
larynx ou les coups de chaussures sur la table de ses orateurs de choc. Et pendant que le
monde se laisse obnubiler par ce tintamarre dans les coulisses, en silence, à la faveur de
l'inattention générale, un pays après l'autre tombe dans la menace communiste.

Et ils tombent par des moyens moins coûteux et moins voyants que les missiles et qui
s'appellent : le Comité, le tract, le Meeting, le complice occulte, l'émission radio, l'infiltration
de la Presse, l'intoxication des universités, le front populaire, le révolutionnaire professionnel
et, le cas échéant, le couteau et le plastic de la guérilla.

Ce jeu du Kremlin n'est au fond qu'une variante de la vieille tactique militaire qui
prescrit aux communistes de tromper le pays qu'ils assaillent, de manière à ce que ce pays
concentre toute sa défense sur les routes que les communistes n'emprunteront pas, en l'espèce
les routes militaire, économique et diplomatique, et que le pays en question laisse largement
ouverts les chemins que les communistes prendront, en l'espèce ceux de la conspiration et de
la subversion .. .

Armes politiques des Soviets

L'Appareil de Guerre Politique des Soviets, unique dans l'histoire de l'humanité,


dépense environ trois milliards de dollars par an et exploite 500,000 agents ouverts ou
couverts et deux millions (2,000,000) de comités de tous genres. Il est approximativement 300
fois plus important que celui de l'Occident en dimension et 300,000 fois plus en audace.

Son instrument fondamental est, non plus le canon, mais la propagande, une
propagande d'une intensité sans précédent dans l'histoire humaine, illimitée dans la
mystification, provocante ou insidieuse, excitante ou paralysante, mais toujours et partout
calculée avec un soin infini pour soutenir, non pas l'idéal du vrai communiste, mais les visées
internationales de Moscou.
Les Soviets et leurs relais émettent annuellement, à destination du Tiers-Monde, dans toutes
les langues ou dialectes :

150,000 heures d'émission radio;


60 millions de livres;
Des dizaines de milliers de journaux et périodiques;
200 grands films de propagande;
Des millions de tonnes de tracts, affiches, brochures.

A ce formidable colosse, l'Occident n'oppose, dans le Tiers-Monde, que 4,000 heures


d'émission radiophoniques, pas de films politiques, une petite poignée de livres dont l'anti-
communisme est d'une pudeur extrême...

Fausse menace nucléaire

Les Soviets nous font croire que le conflit Est-Ouest sera décidé par les super-bombes,
et nous courons dépenser nos deniers à fabriquer davantage et davantage de super-bombes.

Comment ne voit-on pas que la menace de l'Apocalypse atomique n'est, chez l'URSS,
qu'une diversion et un bluff ? D'abord, parce que, en conséquence de la "balance de l'horreur"
établie entre le Monde Libre et le Monde communiste, une guerre nucléaire dévasterait tout
autant son territoire que le nôtre. Ensuite, parce que la dictature communiste n'y résisterait
pas. Celle-ci, en effet, ne survit que grâce à un appareil d'encadrement et de coercition qui
dépend de la sûreté des liaisons intérieures.

En démocratie, le pouvoir, parce qu'il concorde bon an mal an avec les tendances
spontanées du corps social, peut perdre le contact avec la masse, celle-ci continuera cependant
d'elle-même à former de nouvelles têtes qui oeuvreront pour la sauvegarde commune. Une
dictature au contraire n'a qu'une tête et, qui pis est, haïe. Hors du joug de l'appareil central, les
sujets ne répondent plus et se révoltent. Le jour où le téléphone de la police, secrète cesserait
de retentir dans toutes les provinces de la Russie soviétique, ce jour-là, il n'y aurait plus de
communisme.

C'est pourquoi il n'y aura pas de guerre nucléaire et la partie se décidera sur un autre
front : le Front de la Guerre Politique, au moyen d'armes comme la propagande, l'infiltration,
la subversion, et la conspiration. Mais dans ce secteur, le Monde Libre reste aveugle et sourd.
Il ne s'occupe que d'armer son bras mais laisse passivement l'ennemi désarmer son cerveau.

Le Kremlin sait, mais l'Occident ignore que, dans le présent antagonisme, le front de
la propagande est devenu plus décisif que le front militaire.

Les paroles sont les boulets du XXe siècle


— Un grand journal est plus puissant que dix porte-avions
— Une télévision gagne les pays sous-développés mieux que dix barrages
— Dix cellules communistes défont l'oeuvre de cinq régiments
— Le Ministre de l'Information est plus important pour la Défense que le Ministre de
la Défense.

En Europe comme aux USA, on croit que le régime soviétique est avancé et celui des
États-Unis arriéré sur le plan social, alors que c'est exactement le contraire qui est vrai. En ce
qui concerne la liberté des travailleurs, le droit de grève, le standard de vie, c'est l'URSS qui
représente la réaction, et les États-Unis l'émancipation. Mais sur le plan de la lutte pour le
Pouvoir, ce sont les États-Unis qui sont conservateurs et ne recourent qu'à la stratégie
conventionnelle, tandis que l'URSS est révolutionnaire et utilise des armes souterraines et
psychologiques entièrement nouvelles.

La conséquence est ce déséquilibre angoissant dans la balance des forces : les Soviets
sont pourvus contre nous sur deux fronts : le militaire et le conspiratif, tandis que nous
n'avons pied que sur un seul front : le militaire.

Les Soviets disposent contre nous à la fois d'un sabre et d'un virus, alors que nous
n'avons que le sabre. Et un sabre si terrifiant qu'on n'osera jamais le tirer du fourreau. Ainsi,
c'est le virus de la propagande qui devient de nos jours la force décisive.

Conquêtes dues à la propagande

Au surplus, pourquoi les Soviets recourraient-ils à la redoutable guerre nucléaire


quand ils sont déjà en train de gagner la partie par des armes subversives qu'ils ont
perfectionnées depuis près d'un demi-siècle et dont ils ont le monopole, tandis que l'Occident
est totalement démuni sur ce front.

L'expansion soviétique foudroyante en Europe et en Asie, qui suivit la seconde guerre


mondiale, fut le résultat, non pas des conquêtes de l'Armée soviétique, mais des concessions
des Alliés à Yalta. Or de telles concessions n'auraient jamais été pensables si les dirigeants
démocrates n'avaient été intoxiqués par l'immense propagande soporifique répandue par les
crypto-communistes et leurs dupes.

Du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest, ce sont des Comités politiques et non des
missiles qui ouvrent les voies au Kremlin : dans les rues de Tokyo, il n'y eut aucun missile
soviétique et cependant le Président des États-Unis en fut chassé par les désordres de quelques
groupes d'étudiants manipulés par Moscou et Pékin.

Le Laos est tombé dans le camp communiste — pendant, que ses alliés de l'OTASÉ
comptaient les missiles — bien plus parce que Washington et Paris, intoxiqués par les
sophismes soviétiques, ont livré leurs alliés Phoumi et Bounoum à l'ennemi, que par la force
de la guérilla communiste.

L'Iraq, pourtant intégré dans le coûteux réseau militaire du pacte de Bagdad, en fut
extrait par une révolte intérieure fomentée par Moscou à peu de frais, au nez et à la barbe de
tous les missiles américains.

L'Indonésie, La Guinée, le Ghana, le Mali, le Congo deviennent des satellites


soviétiques par les stratagèmes de quelques milliers de crypto-communistes autochtones
placés aux postes de commande et modelés par les Écoles de Moscou pour cent mille dollars,
sans qu'aucun des missiles à cent millions de dollars pièce n'y puissent rien.

A Cuba, au pied même des rampes de lancement des missiles américaines, les Soviets
prennent fortement racine par une pure, classique, effrontée pénétration politique.

Le jour où le Gouvernement de Panama tombera dans les mains d'un prétendu Front-
National-Libérateur-Populaire-Anti-Yankee, front qui aura réuni dans des arrières-salles de
café : 100 étudiants, 50 sergents, 40 professeurs, 30 journalistes, 20 avocats, 10 dockers du
crû autour de 10 agents soviétiques servant de germe, le tout au prix d'une dépense à Moscou
d'à peine un demi-million de dollars, ce jour-là, les États-Unis céderont le Canal de Panama
sans tirer un seul obus de leur arsenal de milliards de dollars. Et ce sera le commencement de
la fin. Le monde libre mourra, comme une géante languide de gorgée de super-armes
atomiques qui n'auront pas servi, sous les piqûres de myriades de puces politiques dressées
par Moscou.

Le complexe de Mars

La démocratie mourra d'une psychose que j'appelle : "le Complexe de Mars" (Mars le
dieu de la guerre), maladie qui consiste à ne voir, ne comprendre, ne craindre que le grande
Guerre Chaude, à ne préparer sa défense que contre cette grande guerre chaude, et à laisser
entièrement 'découvert le Front décisif : celui de la guerre subversive de Moscou.

Ce qu'il y a de plus aberrant dans le Complexe de Mars des Occidentaux — au moins


parmi les progressistes — c'est qu'il se conjugue avec un autre complexe, tout à fait
contradictoire, mais aussi aigu, celui du pacifisme capitulard.

Traditionnellement, l'esprit martial ne concernait pas seulement les armes, il


galvanisait également les coeurs. Qui fourbissait sa lance préparait en même temps son âme
au combat. Or, dans nos démocraties munichistes ce n'est plus du tout ça. On y ressuscite la
philosophie de la "Ligne Maginot". En 1939, la France consentit des dépenses folles pour la
rendre absolument infranchissable afin que les Français fussent absolument sûrs qu'ils
n'auraient plus à se battre. La devise tacite était : tout pour le mur et rien dans les volontés. On
a vu où cela a. conduit : au désastre. Il a suffi que l'ennemi tournât le mur pour que les
volontés s'effondrassent.

En 1939, l'ennemi a passé à côté; aujourd'hui l'ennemi soviétique passe en-dessous,


par la termitière politique qu'on ne défend pas par fétichisme, parce qu'on déclare taboue la
liberté des assassins de la liberté.

C'est encore le Complexe de Mars de l'Occident qui sape, la confiance du Tiers-


Monde en lui. Car le Kremlin aura l'élémentaire astuce de n'avancer que par bribes,
n'attaquant chaque fois qu'un bout de territoire, un groupe d'hommes, un brin de principe,
assez circonscrits, et assez éloignés des foyers et des problèmes américains, pour que le
Pentagone n'ait jamais la sensation que la défense de la bribe du jour vaille son engagement
total. Mais pour nous, habitants de cette bribe, pour nous Français, pour les Vietnamiens, les
Blancs, les Jaunes, les Noirs, cette défense-là est l'essentielle.

C'est donc à juste titre que les habitants des petites nations sont alarmés par
l'hémiplégie des Occidentaux qui sont fébriles dans leurs arsenaux mais amorphes dans leur
diplomatie. Et leurs alarmes constituent le poison majeur qui ronge aujourd'hui les Alliances
Atlantique et Asiatique. Les habitants des petits pays loucheront de plus en plus le
neutralisme, pas du tout parce qu'ils, ne voient pas assez de missiles autour de Cap Canaveral,
mais parce qu'ils voient les divers pays occidentaux baisser pavillon devant d'infimes
lunatiques comme Fidel Castro, Souvanna. Phong ou Lumumba.

Ainsi, le "Complexe de Mars-Maginot" ressemble à cette terrible maladie qu'on


appelle l'hémiplégie et qui paralyse un côté de l'homme en laissant l'autre côté actif. Oui, le
côté militaire de notre monde est sur le "qui vive", cependant que son côté politique est
anesthésié. Les arsenaux de nos missiles tournent à plein, pendant que, dans les arsenaux de
nos esprits, règne le silence de la résignation ... quand n'y résonne pas l'écho des mensonges
ennemis.

A Berlin, on amène l'artillerie atomique dont on ne fera rien, mais on ne trouve pas la
livre de plastic pour faire sauter, une nuit, le "mur de la honte". Et on ne la trouve pas, parce
qu'on n'a pas compris ce que pourtant le mur de la honte crie par toutes ses pierres : que
Berlin est, pour les Soviets, non pas un enjeu territorial ou militaire, mais un enjeu
psychologique.

On engouffre des milliers de dollars pour rendre sa puissance à l'économie japonaise,


mais on ne lève pas le petit doigt pour éviter que 100,000 professeurs japonais enseignent aux
enfants des écoles que leur première patrie est l'Union soviétique.

On dépense deux cents millions de dollars pour les deux cent millions de chevaux-
vapeur de la fusée Saturne, mais on ne donne pas un sou aux anti-communistes courageux,
mais entièrement démunis, de l'Inde, de Madagascar, du Venezuela, du Brésil, etc ... pour
qu'ils puissent enfin opposer des publications à la marée de littérature communiste qui
submerge leur pays.

L'Occident sait convertir la "courbure de l'espace", mais il ne sait pas convertir un


leader noir du Kenya à l'anti-communisme.

Il prépare des commandos dotés des plus fortes puissances de feu et de vitesse de
déplacement et, en même temps, il paie les troupes de l'ONU qui vont au Katanga mitrailler
les amis anti-communistes de l'Occident pour y installer à leur place une créature du Kremlin.
Ou il soudoie un complot pour renverser le plus anti-communiste des présidents : Diem au
Vietnam.

Il écrase ses contribuables pour forger une cuirasse d'acier- qu'il pourra opposer au
Kremlin sur les champs de bataille et, dans le même' temps, sur le champ des esprits, il livre
la télévision à des intellectuels cryptos dont les artifices paralysent la résistance au Kremlin.
* * *
Qu'on me comprenne bien. Je ne nie pas qu'une cuirasse militaire soit indispensable.
S'il n'y en avait pas, les Soviets attaqueraient immédiatement à coups de missiles ou de tanks.
Mais, une fois qu'on l'a, elle n'est pas suffisante, parce qu'alors les Soviets attaquent par les
armes conspiratives. Et il est bien évident que ce n'est pas par des bombardements nucléaires
que l'Occident stoppera la subversion communiste en Amérique latine et en Asie.

Ce qui est le plus triste, c'est de constater qu'il suffirait d'un centième des sommes
engagées par les puissances occidentales dans la course aux armements pour pallier leur
carence sur le front psychologique, ce qui, à son tour, suffirait pour renverser la situation
mondiale en faveur des démocraties.

En fait, pour la sécurité du Monde Libre, le rendement du "dollar-esprit" qui permet


d'organiser les hommes libres et de bander leur volonté, est cent fois plus élevé que le
rendement du "dollar-acier" qui ne produit que des armes pour leurs bras. Mais à quoi bon
armer nos bras si nous laissons passivement l'ennemi désarmer nos cerveaux.

Qu'on donne à vingt anti-communistes panaméens — intelligents, actifs, éclairés dans


ces problèmes — les moyens d'établir des Comités, de publier des journaux pour répondre
aux mensonges soviétiques, de former des cadres dans des Écoles de contre-guerre politique
— ce qui représente le centième des dépenses que coûte la couverture militaire du Canal de
Panama — et le Canal de Panama sera sauvé ! Mais, sans le centième dépensé pour la
propagande, les 99 autres centièmes dépensés pour les armes le seront en vain.

Opposer missile à missile est au fond facile. Il est beaucoup plus difficile, mais plus
efficace pour nous sauver, d'opposer une réfutation à un sophisme communiste, une
dénonciation à une intrigue communiste, une sanction à un sabotage communiste, une
résistance à une guérilla communiste. Dans ce domaine, négligé par l'Occident mais décisif,
tout est à faire. C'est à cette tâche capitale et dramatiquement pressante que je vous convie.
Nous avons, mes chers amis, à réveiller et redresser un monde, le nôtre, qui chemine comme
un somnambule au bord de l'abîme ...

SUZANNE LABIN

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