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SOMMAIRE de XERFI-PREVISIS N°146


La passion de la connaissance économique
LE POINT DE VUE de Laurent Faibis 2
La France face à la crise mondiale :
les enjeux de l’économie de la conception
La crise de la finance globalisée
4
Anton Brender
Quelle division internationale des activités ?
1. 6
Laurent Marty
Le jean global : une odyssée de 27 000 km 6
Les stratégies des pays face à la globalisation 7
Echanges commerciaux, tailles des marchés… 8
USA, les industries financières et de distribution 11
Chine : l’essor de l’industrie des biens intermédiaires 12
Allemagne : spécialisation dans l’équipement 13
Croissance mondiale des activités en 2009-2010 14

La reprise de l’économie mondiale ?


2. 15
Alexander Law
Une Chimérique bien réelle 15
Yuan – dollar : un statu quo de bon sens 16
Déficit, quel déficit? 17 La lettre de l’économie et des secteurs
Japon : rien ne va plus. 18
Allemagne : l’export comme seul recours ;
21
une stratégie à trois bandes
Royaume-Uni : la City… et le reste 23
Les modèles de croissance : hier et demain 24
Net ralentissement du commerce mondial 26
Numéro spécial :
Quelle crise, quelle reprise pour la France ?
3. 28
Alexandre Mirlicourtois
Cette France qui crée de la valeur 28 La France face à la crise globale : quelle stratégie ?
Industrie : toujours dans l’œil du cyclone ; croissance
en stocks ; rattrapage partiel
29 Conférence Xerfi du 9 juin 2009 – salons Hoche
La France n’est pas l’Allemagne :
32
deux modèles de croissance aux antipodes
Le consommateur perd pied 34
2009 : une très mauvaise année n°146 – JUIN-JUILLET 2009
35
2010 : une mauvaise année
Ou se créé la valeur en France ? 36
Tableau des prévisions 39

1
LE POINT DE VUE Sait-on que le seul poste du commerce
extérieur américain qui s’améliore
La France nettement quand le dollar baisse, c’est
face à la crise mondiale : l’exportation des produits agricoles, abonnement gratuit à Xerfi-Prévisis sur le site xerfi.fr
les enjeux de l’économie domaine dans lesquels les Etats-Unis sont
de la conception Directeur de la rédaction :
leader mondial ? Il faut méditer sur ce Laurent Faibis, Président de Xerfi
paradoxe : à l’aune de nos critères
d’analyse habituels, le point fort apparent Responsable de Xerfi Prévisis :
par Laurent Faibis de la première économie mondiale est Alexandre Mirlicourtois, Directeur de Xerfi-Prévisis
Président, groupe Xerfi
aujourd’hui celui d’un pays émergent !
Nous ne vivons pas une crise conjoncturelle qui Conjoncture et prévisions
serait simplement plus grave que les On se souvient que face aux séquelles de la Alexander Law, Chef économiste
Alberto Balboni, resp. conjoncture internationale
précédentes. Nous sommes confrontés à une nouvelle économie, amplifiées par le choc Cyril Cochener, directeur de Xerfi France
crise structurelle qui remet en question le du 11 septembre 2001, l’économie Laurent Marty, directeur général
modèle de croissance et de création de américaine a pu rebondir rapidement. Nathalie Morteau, directrice d’études, PRECEPTA

richesse des pays avancés, et aussi celui du Epaulés par la politique monétaire de celui
Ont également contribué à ce numéro :
mode de régulation de nos économies de que l’on surnommait alors Magic Anton Brender, Professeur à Paris Dauphine,
marché. Greenspan, les Etats-Unis se sont lancés Directeur des études économiques DEXIA
dans une fuite en avant de déficits, et de Ludovic Melot, directeur d’études PRECEPTA
production de crédit ; et donc de création Philippe Gattet, Directeur d’études, Xerfi France
Cette crise structurelle n'a pas commencé en
2007 avec le subprime. Elle a éclaté en 2001 monétaire sans précédent. On connaît la Société éditrice : Xerfi SAS,
avec l'effondrement de l’idéologie de la suite. Cela s’est traduit par un gonflement 13 rue de Calais, 75009 Paris. 01 53 21 81 51
nouvelle économie. Il faut rappeler qu’on avait artificiel des prix des actifs. Du côté des
ISSN 1760-8473
voulu nous faire croire qu’il suffisait aux pays ménages, le crédit facile a permis de
stimuler la demande en la déconnectant de Achevé de rédiger le 15 juin 2009
industriels avancés d’investir dans les hautes
technologies pour se positionner face aux pays l’évolution des revenus. Après le miracle de Responsable de la diffusion :
émergents à faible coût de main-d’œuvre. On la nouvelle économie, on a voulu nous faire Mickaël Bensoussan
croire au miracle de la finance. Contact : mbensoussan@xerfi.fr
avait voulu nous faire croire que l’on entrait
ainsi dans un new age économique. Mais il faut surtout souligner que cette
économie du crédit, ce véritable système
Mais sait-on que depuis 2001, le commerce de régulation par la finance a en fait
extérieur des Etats-Unis est déficitaire dans les masqué l’incapacité des pays avancés à
hautes technologies ? Et en fait année après renforcer leur production de richesses
année de plus en plus déficitaire ? réelles. Lire la suite page 42

2
Conférence Xerfi du 9 juin 2009, salons Hoche, Paris - La France face à la crise globale

3
La crise de la finance globalisée

des précédentes crises financières. explosé avec le développement de la


Laisser la finance à elle-même conduit titrisation, titrisation qui a joué un rôle
irrémédiablement au désastre. Mais en central dans la finance globalisée en
même temps, l’économie a besoin d’un permettant de sortir des bilans des
système financier qui se développe. C’est banques, les prêts qui n’étaient pas
Anton Brender une absolue nécessité, car dans les négociables. Cette évolution s’est
décennies à venir il faudra assurément effectuée de pair avec l’apparition et le
On trouvera ci-dessous le compte rendu de que les transferts d’épargne puissent se développement d’un système bancaire
l’intervention d’Anton Brender, Professeur à réaliser : avec un baril à 70$, ce sont près alternatif (Hedge funds, banques
paris Dauphine et Directeur des études de 200 milliards de dollars d’excédents d’affaires…) qu’Anton Brender appelle
économiques de Dexia supplémentaires à recycler. Il faut donc les « preneurs de risques ». Ces preneurs
une présence plus constante des de risques ne collectent pas l’épargne
La crise est globale et touche tous les pays autorités dans le système globalisé pour mais empruntent (à court terme) les
quelle que soit leur position dans le système le surveiller et réguler. Les autorités ressources nécessaires pour acheter les
financier international. Certes, cette crise financières doivent également s’investir produits de la titrisation. Par rapport à
financière s’atténue, mais elle va laisser des dans la construction de canaux financiers une banque ou un assureur, les preneurs
dégâts profonds sur l’économie réelle, avec qui permettent une meilleure allocation de risques sont porteurs de deux
ce paradoxe : les pays qui semblaient les de l’épargne : bâtir des maisons pour les risques : un risque de crédit (voire de
mieux abrités des excès de la finance détruire ensuite est un énorme gâchis de taux d’intérêt si le titre est long) et de
(Allemagne, Japon) sont en fait ceux qui sont l’épargne mondiale. liquidité.
les plus affectés.
 La crise financière globalisée est le 2- l’éclatement des frontières
 A l’instar des crises précédentes, les résultat d’un double éclatement : géographiques des systèmes financiers.
leçons de la crise seront de deux ordres. L’épargne (les risques) a circulé des deux
1- L’éclatement du cadre de
Certains dénoncent la finance et militent côtés de la planète. Avec cette fois-ci
l’intermédiation financière
son abandon ; d’autres stigmatisent les une nouveauté : les transferts d’épargne.
traditionnelle où banquiers et assureurs
financiers et leurs dérives. Un simple Pendant très longtemps l’épargne a
collectaient de l’épargne (plutôt de court
ajustement des comportements suffirait circulé entre les nations mais il n’y avait
terme pour les premiers et de long
donc. pas réellement de transferts, c'est-à-dire
terme pour les seconds). Cette épargne
des pays qui dépensaient plus qu’ils ne
était investie sous forme d’actions,
 Ce n’est pas l’avis d’Anton Brender. gagnaient pendant que d’autres
d’obligations par les assureurs et dans
Selon lui, les véritables leçons sont les dépensaient moins qu’ils ne gagnaient.
des prêts pour les banquiers. Ce cadre a
mêmes que celles que l’on aurait dû tirer …/…

4
La crise de la finance globalisée (suite)

 Si les transferts d’épargne se sont accrus importer) que la globalisation a participé les preneurs de risques. Pour synthétiser,
au moment où la croissance des pays à leur expansion. Ces pays n’ayant pas un d’un côté il y a une épargne (venant de
émergents s’accélérait (voir graphique) problème d’offre mais de demande, ils Chine ou des émergents) placée sans
et s’ils ont bien eu principalement lieu avaient besoin de marchés en expansion risque (et parfaitement liquide) prêtée à
entre ces régions et les économies plus autour d’eux. l’autre bout de la chaîne à des
développées, ils ont été dans le sens emprunteurs risqués, la jonction
opposé de celui attendu : ces transferts s’effectuant par les preneurs de risques.
se sont effectués du Sud vers le Nord.
 La crise du subprime a été le déclencheur
de la prise de conscience des risques
encourus. L’aversion au risque explose,
et ce qui était possible dans une
configuration de risques bas ne l’a plus
été, et les emprunteurs, en mal de
liquidités, se sont retrouvés asphyxiés et
obligés de vendre leurs titres, ce qui s’est
traduit par un désastre financier.
 Les pays émergents ont épargné (5 000
milliards de dollars environ) sans prendre
les risques liés à cette épargne. Le seul
risque encouru étant le risque de
 Ces transferts d’épargne ont été
change, les placements étant
concomitants avec l’expansion des zones
majoritairement effectués en dollars
émergentes : il existe une forte
sous forme de dépôts ou de bons du
corrélation entre croissance et soldes
Trésor, etc. Cette épargne a été prêtée à
courants. L’accélération de l’activité de
des ménages (et des entreprises)
ces pays à la fin des années 90 coïncide
américains ou anglais. En d’autres
avec l’amélioration de leurs soldes
termes, à l’autre bout de la chaîne, les
courants. Anton Brender insiste sur ce
emprunteurs étaient risqués. Le système
paradoxe apparent : c’est en permettant
globalisé a donc permis d’absorber ce
aux émergents (Chine, pays de l’Opep,
risque de façon quasi-inconsciente, la
etc.) d’exporter de l’épargne (et non d’en
chaîne de transmission étant assurée par

5
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ?
Le Jean global : une odyssée de 27 000 km

De la division internationale des activités


aux stratégies de capture de la valeur
L’odyssée d’un produit de consommation banal
comme le jean, depuis sa conception jusqu’à la
vente en magasin, constitue un exemple
emblématique de la globalisation.
Conçu par un bureau de style en France ou en 3 600
Italie, tissé en Inde avec le coton provenant
d’Ouzbékistan, confectionné au Bangladesh et mis
en conteneur à Singapour, le jean arrive enfin
dans les magasins des grandes enseignes de
distribution en Europe ou aux Etats-Unis. Malgré
ce périple de 27 000 kilomètres, les coûts de
transport ne pèsent qu’à hauteur de 1% sur le prix 7700
final. Dans ce contexte, quelle que soit l’évolution
des prix du pétrole, la division internationale des
activités est destinée à se poursuivre et à 15 000
s’approfondir davantage.
L’odyssée du jean prouve également que la
mondialisation est pilotée par les multinationales,
qui dissèquent les processus de production (au
sens large du terme) en localisant les différentes
phases là où il est possible de les réaliser à
moindre coût. Enfin, cet exemple montre que,
dans la chaîne de valeur des produits, la
« production » au sens stricte génère une part
assez faible de la valeur finale (25% dans le cas
du jean). Les pays qui se spécialisent dans les
phases de conception et de distribution
parviennent donc à capturer l’essentiel de la valeur
des produits. 

6
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ? La stratégie des pays face à la globalisation

Balance commerciale (en % du PIB)


20
Pays "physiocrates"
Nigeria Croissance fondée sur les
18
La diminution des coûts de communication et de exportations de matières premières
transport et la libéralisation du commerce et des 16 Vénézuela
mouvements de capitaux ont renforcé, au cours
des vingt dernières années, la tendance naturelle 14
des économies à se spécialiser dans leurs Russie
domaines d’excellence.
12 Pays industriels avancés
Croissance fondée sur les
10 exportations de biens d'équipement
Dans l’économie globalisée, les spécialisations à haute valeur ajoutée.
des pays qui se sont renforcées au cours de la Chine
dernière décennie correspondent à de véritables 8
« stratégies » mises en œuvre afin de capturer la Allemagne
valeur. Ces stratégies sont pour la plupart 6 Pays "mercantiliste"
adaptées aux caractéristiques structurelles des Essor des exportations industrielles,
pays et ne seront que marginalement affectées par 4 piloté par l'Etat.
la crise actuelle. Ainsi, la Chine, qui a construit sa Corée du Sud
croissance récente sur l’essor de son industrie et 2 Japon
les exportations de biens de consommation, Hongrie
continuera de s’appuyer sur la compétitivité-coût
0 Italie
de son facteur travail et gagnera des nouvelles France
parts de marché, notamment dans les biens Pologne
intermédiaires et d’équipement. -2
Pays "sous-traitants"
-4 Inde Interagissent avec les pays Etats-Unis
industriels avancés selon le mode UK
A l’opposé, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, dont Espagne
la désindustrialisation a atteint un point de non -6 de l'économie de bazar
retour, continueront à drainer l’épargne mondiale
Pays "globalo-financiers"
en redorant le blason de leurs industries -8 L'industrie financière draine l'épargne
financières. Leur croissance sera ainsi encore mondial
fondée sur la consommation et les services -10
(notamment la distribution et la finance).
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

Richesse du Pays (PIB / tête '000 $ PPA)

Sources : traitement Xerfi Global / données primaires Banque Mondiale, CIA (données 2007-2008)

7
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ? Echanges commerciaux : des positions redistribuées

Depuis 1990, le commerce mondial a progressé


deux fois plus vite que le PIB et les Parts des pays dans les exportations mondiales
investissements directs à l’étranger ont à leur tour 25%
augmenté à un rythme deux fois plus rapide que le
commerce. Ces évolutions, de nature structurelle,
sont destinées à se poursuivre au-delà de la crise
actuelle. Elles reflètent une division internationale
de plus en plus poussée des activités, pilotée par Etats-Unis
les multinationales. 20%

Dans un contexte caractérisé à la fois par une


libéralisation croissante des échanges et des
mouvements de capitaux et une baisse des coûts
de transport, les groupes transnationaux localisent
chaque phase de leurs processus de production là 15%
où elle peut générer le maximum de valeur. Ainsi,
les pays émergents à faible coût du travail se sont Chine
spécialisés dans les activités manufacturières et
leur part dans les exportations mondiales de
marchandises a progressé à un rythme exponentiel
depuis le début des années 1990. La part de la Allemagne
Chine dans les exportations mondiales est ainsi 10%
passée de 2,5% en 1993 à 10% environ
aujourd’hui.

L’essor des économies émergentes est allé de pair


avec le déclin quasi-généralisé des vieux pays
industriels dans le commerce mondial : les 5% Japon
exportations américaines ne représenteront plus
que 7% des échanges mondiaux en 2013, contre
13% en 1993. Le Japon connaît également un Inde
recul de ses parts de marché, à l’image de son
industrie automobile, autrefois hégémonique sur le
plan mondial. Seule l’Allemagne parvient à 0%
maintenir constante sa part dans les exportations
1953 1963 1973 1983 1993 2003 2013 (p)
mondiales. Ce pays, dont l’industrie est spécialisée
dans des niches à haute valeur ajoutée, prend
depuis une décennie des parts de marché à ses Unité : part des échanges mondiaux de biens et de services en valeur
voisins européens. Sources : traitement et prévision Xerfi Global / données primaires OCDE

8
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ? Taille des marchés : des positions redistribuées

Immatriculations automobiles par zones


Les évolutions liées à la globalisation se
traduisent par l’essor inéluctable des pays
émergents, non seulement en tant
qu’exportateurs, mais aussi en tant
qu’importateurs.
 Importateurs de matières premières et de 1989
produits intermédiaires, car la croissance
fulgurante des activités industrielles dans
ces pays nécessite des inputs qui ne sont
pas nécessairement disponibles in loco. Par
exemple, la Chine est aujourd’hui le principal
importateur mondial de minerai de fer. Et
c’est fort logique, dans la mesure où 2008
l’Empire du Milieu est désormais (et de loin)
le premier producteur mondial d’acier, avec 18%
une production annuelle d’acier brut de 500
millions de tonnes, soit quatre fois plus que
son dauphin, le Japon.
 Importateurs de biens de consommation,
2015
car le développement des pays émergents,
tiré par les exportations, se traduit par une
croissance de leurs marchés domestiques, à
38%
travers l’amélioration du niveau de vie et
l’apparition de classes moyennes. Le
marché mondial de l’automobile illustre bien
cette évolution : si les pays de l’OCDE
(c’est-à-dire les pays de plus ancienne
industrialisation) concentraient 82% des  Marchés en développement
immatriculations mondiales à la fin des
années 1980, leur poids relatif a fortement
 Marchés OCDE 51%
baissé au cours des vingt dernières années
et sera probablement inférieur à celui des
pays en développement déjà en 2015.

Sources : traitement et prévision Xerfi Global / données primaires CCFA

9
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ? Groupes et acteurs : des positions redistribuées

L’essor des économies émergentes dans le Le top 8 des sidérurgistes il y a 10 ans…


panorama économique mondial se traduit, Unité : ml tonnes
surtout depuis le début des années 2000, par la
montée en puissance de groupes contrôlés par Nippon Steel
des capitaux originaires de ces pays. Les
Posco
excédents commerciaux cumulés par les pays
exportateurs de matières premières (comme les Arbed
pays pétroliers) et par les nouveaux pays
Thyssen Krupp
industriels (tels la Chine) alimentent une
épargne abondante qui favorise l’expansion du British Steel
capitalisme local. Celui-ci est souvent piloté par
Usinor
l’Etat ou basé sur le contrôle familial, ce qui
encourage la mise en place des stratégies de Riva
croissance (interne et externe) sur le long terme USX
et les investissements.
0 20 40 60 80 100 120 140
La redistribution des cartes au sein de
l’industrie sidérurgique mondiale constitue un
Sources : Xerfi Global / données primaires IISI (données de 1997)
exemple très significatif de l’essor de grands
groupes issus des pays émergents. A la fin des
années 1990, les pays développés occupaient … et aujourd’hui
Unité : ml tonnes
les premiers rangs de cette industrie, qui
comptait parmi ses 8 leaders mondiaux 1
groupe japonais, 1 Coréen, 5 Européens et 1 ArcelorMittal
Américain. Nippon Steel

Aujourd’hui, 3 des 8 principaux producteurs JFE


mondiaux d’aciers sont Chinois, tandis que le POSCO
leader mondial, ArcelorMittal est contrôlé par
Baosteel
des capitaux indiens, bien qu’il ait son siège au
Luxembourg. Un autre groupe indien, Tata, Tata Steel
figure depuis 2007 dans ce classement, grâce
Anshan-Benxi
au rachat du groupe anglo-néerlandais Corus.
Sur une trentaine de grosses opérations de Jiangsu Shagang
fusion-acquisition recensées dans ce secteur en
2007-2008, celles où l’acquéreur était originaire 0 20 40 60 80 100 120 140
des pays émergents ont été prépondérantes, à
la fois en nombre et en valeur. Sources : Xerfi Global / données primaires IISI (dernières données disponibles 2007)

10
Etats-Unis :
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ?
le choix des industries financière et de distribution

2009 2015
La consommation des ménages a été le principal
moteur de la croissance américaine au cours des
années 2000. Ce modèle de développement a été,
en quelque sorte, à l’origine de la crise financière
Agriculture  
 
actuelle, dans la mesure où il se fondait sur un Industries
endettement excessif des ménages, débouchant in
fine sur la crise des subprimes. Bien que les
agroalimentaires
ménages doivent nécessairement se désendetter
afin de retrouver une situation financière plus
saine, le modèle de croissance américain
continuera de se fonder sur l’afflux de capitaux,
Biens de consommation  
 
notamment depuis les pays émergents. Dans ce
modèle, la principale place financière mondiale, Biens intermédiaires
Wall Street, jouera encore le rôle central, en
développant des innovations financières qui
permettront d’attirer l’épargne du monde entier. Biens d’équipement  
 
L’économie américaine continuera également de
s’appuyer sur ses deux autres piliers : la Immobilier / construction
distribution et les industries agricoles et
alimentaires. Il ne faut pas oublier que les Etats-
Unis ne sont pas uniquement le pays de la finance
et de l’immatériel. Ils sont aussi le premier
producteur mondial de céréales et de bovins
Distribution  
(avec, respectivement, 25% et 18% de la
production mondiale). 6 des 10 premiers groupes
agro-alimentaires mondiaux sont américains :
Services aux entreprises  
Cargill, Pepsico, Archer Daniels Midland, Kraft,
Coca Cola et Tyson. Industrie financière  
Source : Xerfi Global
Méthode de lecture : nombre de carrés proportionnel au poids des activités dans le PIB

11
Chine : l’inéluctable essor
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ?
de l’industrie des biens intermédiaires

Au cours des années 2000, la Chine a fondé sa


2009 2015
croissance exceptionnelle sur l’essor de son

 
secteur industriel. Elle s’est d’abord imposée dans
les secteurs des biens de consommation, Agriculture
bénéficiant d’une rente liée à son immense
réservoir de main-d’œuvre à faible coût. En 2007,
elle était le premier exportateur mondial de biens
de consommation (y compris les véhicules pour
particuliers) avec une part de plus de 13% dans le
Industries
agroalimentaires  
 
commerce mondial. Cependant, le poids de ce
secteur dans l’économie chinoise est appelé à Biens de consommation
décliner au cours des années à venir :
 sur certains produits de consommation, la part
de marché de la Chine est désormais quasi
hégémonique, rendant difficile, voire impossible,
Biens intermédiaires  
la conquête de nouveaux marchés ;
 des pays se caractérisant par des coûts
salariaux encore plus bas, comme le
Biens d’équipement  
Bangladesh ou le Vietnam, sont susceptibles de
prendre des parts de marchés à la Chine sur les
produits à plus faible valeur ajoutée, notamment
dans le secteur du textile-habillement.
Immobilier / construction  
Malgré une diminution de la contribution des biens
de consommation au PIB chinois, celui-ci
Distribution  
continuera de puiser l’essentiel de sa croissance
dans les activités industrielles. En particulier, la
Chine s’imposera comme l’un des principaux
producteurs mondiaux de biens intermédiaires
Services aux entreprises  
 
(grâce notamment à une réglementation
relativement souple en matière d’environnement) Industrie financière
et de biens d’équipement.
Source : Xerfi Global
Méthode de lecture : nombre de carrés proportionnel au poids des activités dans le PIB

12
Allemagne : spécialisation accrue dans les biens
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ?
d’équipement à haute valeur ajoutée

2009 2015
L’Allemagne est le leader mondial des biens
d’équipement. Son modèle de croissance, basé
sur les exportations, est centré sur la
spécialisation industrielle sur des produits à forte
valeur ajoutée. L’Allemagne est le champion du
Agriculture 

 
monde des niches industrielles haut de gamme, Industries
hébergeant des centaines de PME leaders
mondiaux sur leurs segments, mais inconnues du
agroalimentaires
grand public. Ce positionnement dans le spectre
des qualités donne aux entreprises allemandes
une autorité de marché et les protège de la
concurrence par les prix des pays émergents.
Biens de consommation  
Bien qu’elle ait été fortement affectée par la crise
Biens intermédiaires  
économique actuelle (qui se traduit par une forte
baisse de la demande internationale adressée aux
entreprises), l’économie allemande n’a aucune
raison de changer de modèle de croissance une
Biens d’équipement  
 
fois la crise passée. A la différence d’un autre pays
industriel ayant tout misé sur les exportations (le Immobilier / construction
Japon), l’Allemagne a su garder une part
constante (et très élevée) dans les exportations
mondiales, malgré l’essor formidable des
économies émergentes au cours de la dernière
décennie. La stratégie allemande, qui s’appuie
Distribution  
aussi sur l’économie de bazar, c’est-à-dire la
délocalisation des phases de processus de
production à plus faible valeur ajoutée, a permis
Services aux entreprises  
aux PME d’outre-Rhin de conquérir des parts de
marché, notamment dans les pays partenaires de
l’Union européenne, comme la France ou l’Italie.
Industrie financière  
Source : Xerfi Global
Méthode de lecture : nombre de carrés proportionnel au poids des activités dans le PIB

13
Croissance mondiale des activités en 2009-2010 :
1. QUELLE DIVISION INTERNATIONALE DES ACTIVITES ?
au ralenti

10

Croissance 2009-2010
8

Les prévisions de Xerfi Global concernant la 6


croissance des secteurs en 2009-2010 à l’échelle
mondiale, font état, sans surprise, d’une
dégradation forte et généralisée des performances 4
économiques par rapport aux années précédentes.
Distribution
 la production mondiale de l’industrie 2 IAA
manufacturière reculera à un rythme annuel
Energie
moyen de 2%, après avoir affiché une
croissance de plus de 2% par an entre 2000 et 0
2008 ;
Services
-2 aux entreprises (*)
 les industries agro-alimentaires (IAA) et les
produits énergétiques, tout comme les activités Industrie
de distribution, devraient maintenir un rythme -4 manufacturière
de croissance positif, bien qu’en ralentissement
par rapport aux années précédentes ;
-6
 enfin, les deux prochaines années seront
particulièrement difficiles pour les secteurs de la Immobilier (*)
construction et des services immobiliers. Suite à -8
l’explosion d’une bulle immobilière aux Construction
dimensions pratiquement planétaires, ces deux
secteurs connaîtront des baisses d’activité de -10
l’ordre de 8% par an en 2009-2010. -10 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10

Croissance moyenne 2000-2008

Unité : variation de la production en volume en % ; (*) variation en valeur.


Source : Xerfi Global, Global Macro Sector Forecasts

14
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ?

Croissance du PIB américain et exportations chinoises


Unité : variation en glissement annuel (lissage 4 trimestres)

4,0% Croissance US (G) Exportations chinoises (D) 40%


Une Chimérique bien réelle
C’est le nouvel axe fort de l’Economie-monde : la 3,5% 35%
Chimérique. D’un côté, le pays le plus puissant au
monde, les Etats-Unis, dont la croissance a été
bâtie à coups de crédits et de bulles pour financer 3,0% 30%
la consommation des ménages. Las, les déficits
restent gigantesques et les ménages sont à bout
de souffle. De l’autre, la Chine, où les hausses 2,5% 25%
passées de l’activité à deux chiffres étaient dues
à une industrie flamboyante et à une demande
occidentale qui répondait présente. Dans la crise, 2,0% 20%
plus que jamais, ces pays ont besoin l’un de
l’autre. Les Etats-Unis dépendent de la Chine
pour leur financement : l’Empire du Milieu est le 1,5% 15%
premier détenteur de titres du Trésor américain.
Son industrie de la distribution réclame également
avec force des biens manufacturés toujours plus 1,0% 10%
nombreux et moins chers. La Chine, elle, a
besoin que les Américains recommencent à
dépenser avec autant d’allégresse que par le 0,5% 5%
passé pour retrouver des débouchés
dynamiques. Ce couple sortira donc renforcé par
la crise car les deux en ont besoin. Mais, ce duo, 0,0% 0%
uni qui plus est par une stabilité monétaire
détonante, pourrait bien devenir un jour trio. Le
Japon ne pourra rester en dehors d’un jeu où il -0,5% -5%
est aujourd’hui marginalisé. A la Chimérique, le 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
pays du Soleil Levant pourrait apporter son
épargne, certes, mais surtout sa capacité de
conception, en particulier dans les biens Sources : Xerfi (données historiques sources nationales)
d’équipement. 

15
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Yuan – dollar : un statu quo de bon sens

Taux de change yuan – dollar


Unité : taux de change SPOT

10

9
La Chine avait officiellement renoncé à l’ancrage
formel de sa monnaie par rapport au dollar à l’été
2005. A partir de cette date là, le Yuan s’était très 8
graduellement apprécié, mais à un rythme bien
inférieur à ce qui aurait dû être le cas si le régime
de change avait été parfaitement flexible. De fait, 7
la Chine a bâti sa formidable croissance de ces
dernières années sur une compétitivité-prix 6
incomparable (en tout cas à cette échelle) mais The peg is back !
également sur une monnaie sous-évaluée, ce qui
avait suscité bon nombre de polémiques. 5

Celles-ci se sont cependant tues ces derniers 4


mois, alors même que l’on note depuis la mi-2008
un retour à la stabilité de la parité yuan – dollar.
En d’autres termes, un arrimage informel est de 3
nouveau en place, ce qui créé de facto une union
monétaire d’envergure internationale. 2

0
2004 2005 2006 2007 2008 2009

Source : Reuters

16
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Déficit, quel déficit?

Solde à financer (balance courante + IDE) sino-américain


Unité : milliard de dollars
Il est vrai que pour les Américains, comme pour
les Chinois, l’instauration d’une gigantesque zone
dollar plus ou moins formelle comporte de 0
nombreux avantages. Celui-ci n’est pas le
moindre : les excédents chinois compensent quasi
intégralement les besoins de financement
?
américains.

De fait, s’est créée de manière informelle (quoique


la visite en juin 2009 de Timothy Geithner, le -200
secrétaire au Trésor américain, en Chine pour
plaider en faveur d’un axe sino-américain fort
semble plaider pour une évolution moins fortuite
qu’il n’y paraît) une immense zone d’alliance
économique internationale qui semble partie pour
structurer l’économie-monde dans un avenir -400
proche. Comme toute alliance de ce type, elle
pourrait s’avérer conflictuelle (au sens
économique) à terme, mais pas plus que la Zone
euro où les intérêts sont également souvent
divergents. De fait, dans l’UEM, l’Allemagne joue
le rôle de pourvoyeur d’excédents commerciaux,
tandis qu’un pays comme la France accumule -600
déficit sur déficit, mais bénéficie d’un secteur de la
distribution puissant (du fait d’une consommation
structurellement robuste) et d’un système
financier sophistiqué, à l’instar des Etats-Unis. La
Chine et les Etats-Unis sont donc tout autant
complémentaires que ne le sont la France et -800
l’Allemagne.
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
(e) (p) (p)

Source : Xerfi via données nationales

17
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE. Japon :
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? rien ne va plus

2009 : Inflation, salaires et consommation


Unité : variation annuelle (%)

0,0%
L’année 2009 est marquée au Japon par la
réapparition de l’ennemi de toujours : la déflation.
Alors que l’année dernière les prix à la -0,5%
consommation étaient repassés en territoire
positif du fait de la hausse des cours des matières
premières, l’indice des prix à la consommation est
redevenu nettement négatif. Or, la Banque -1,0%
centrale japonaise a par le passé montré son
incapacité à lutter contre ce phénomène.

Conséquence logique pour une économie -1,5%


déflationniste et qui comporte un volet important
d’emplois précaires et peu productifs : les salaires
repartent à la baisse. -2,0%
Le dernier volet du triptyque est sans surprise : la
consommation va replonger dans une économie
aux prises avec la pire récession de son histoire. -2,5%
La baisse des dépenses de plus de 3% attendue
cette année cadre avec un modèle économique
qui faisait par le passé la part belle aux
performances des entreprises nippones à -3,0%
l’exportation et à une industrie ultra puissante.

-3,5%
Inflation Salaires Consommation des
ménages

Source : Xerfi

18
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE. Japon :
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? l’industrie a complètement lâché prise

Production industrielle japonaise


Unité : indice de production en volume

120
Le modèle de croissance japonais a été basé sur
la toute-puissance de son industrie et sur la
compétitivité de ses firmes à l’export. Ce sont ces
deux facteurs qui ont contribué à la hausse du
PIB ces dernières années, alors même que la
consommation restait durablement déprimée en 110
raison de la spirale déflationniste, du déclin
démographique et du haut niveau d’endettement
des ménages.

100
Ceci étant, le Japon a été très brutalement touché
par la récession actuelle : les pays clients (Etats-
Unis, Chine, etc.) ont arrêté de passer commande
et les exportations ont chuté, mettant même
momentanément à mal l’excédent commercial
traditionnel. Dans ces conditions, Toyota a même 90
été contraint de réduire sa production de 50% en
début d’année avant de limiter les stocks et de
réduire les coûts. Bien entendu, cela n’a pas été
sans conséquences sur ses fournisseurs en
amont, à commencer par les sidérurgistes. Ceci
étant, les dernières enquêtes de conjoncture au 80
pays du Soleil Levant tendent à indiquer qu’une
reprise technique devrait prochainement
intervenir.

70
93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10

Source : METI

19
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE. Japon :
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? une concurrence chinoise imparable

Exportations japonaises et chinoises vers les Etats-Unis


Unité : million de dollars par trimestre

100 000 Chine Japon


Bien entendu, le Japon est, avec l’Allemagne, un
des pays industrialisés qui est le plus touché par
la grave récession internationale. Cette crise
conjoncturelle met à mal la production industrielle 90 000
du pays de même que son commerce extérieur.

80 000
Mais, le fond du problème est bien plus
fondamental : le Japon doit revoir son modèle de
croissance, tant les performances économiques
de ces dernières années ont été asthéniques. 70 000
Ainsi, au moment d’annoncer son plan de relance
en avril dernier, le Premier ministre nippon, Taro
Aso, déclarait qu’il fallait mettre fin à un modèle 60 000
de croissance fondé sur les exportations et qu’il
fallait plutôt miser sur une économie avec une
empreinte carbone réduite et qui disposait d’une
soft power plus importante qu’à l’heure actuelle. 50 000

Il est vrai que les crises sont souvent des


périodes de cristallisation de problèmes déjà 40 000
patents : pour le Japon, c’est l’incapacité de
rivaliser avec la Chine, en particulier sur les biens
de consommation, qui pose le plus problème 30 000
depuis le début de la décennie notamment.

20 000
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Source : DoC

20
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE. Allemagne :
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? l’export comme seul recours

Consommation, exportations et salaires réels


Unité : indice de volume base 100 = 1995

260 Consommation Exportations Salaires

Le modèle allemand ressemble par bien des 240


aspects à celui du Japon : une consommation des
ménages qui ne progresse que très peu (+11% à
peine entre 1995 et 2008, autant dire rien), mais
220
une compétitivité des entreprises décisive qui
permet d’accumuler les excédents commerciaux.
De fait, toujours entre 1995 et 2008, les ventes à
l’étranger de biens et de services ont progressé 200
de 150% en volume.

180
Il est vrai que les entreprises et les salariés ont
fait des efforts : les revalorisations salariales ont
été chiches ces dernières années sur fond de 160
rénovation importante du modèle social (Agenda
2010, lois Hartz).
140

Cela sera cependant nettement insuffisant pour


éviter une débâcle économique en 2009 : le PIB 120
devrait reculer de 6,3% outre-Rhin avant de
rebondir de seulement 0,6% en 2010.
100

80
95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09

Source : Xerfi (données nationales)

21
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Allemagne : une stratégie à trois bandes

Quelles que soient les difficultés conjoncturelles


que rencontre l’Allemagne (le pays traverse sa
Positionnement
pire crise depuis les années 1930), tous les haut de gamme
éléments dont nous disposons convergent pour
montrer que le pays va poursuivre son modèle de Biens d’équipement
croissance qui a le mérite d’une grande
cohérence. Gains de parts
de marché
D’un côté, les entreprises allemandes sont
positionnées sur des niches très précises, dans le
haut de gamme, en particulier dans les biens
d’équipement. Ce n’est pas pour autant qu’elles
ont tout misé sur la haute technologie, mais elles
disposent en tous les cas d’une compétitivité hors
prix incomparable.

Cette stratégie a été permise en partie également


Compétitivité
par une maîtrise parfaite des coûts salariaux (cf.
supra) et également des coûts de production,
grâce à l’économie de bazar, la proximité des
PECO représentant des bases de production à
faibles coûts importantes.

Au total, ce positionnement permet à l’Allemagne


Economie Maîtrise
de gagner des parts de marché à l’export, non pas de bazar du coût du travail
face aux pays émergents, mais face à ses voisins,
France et Italie en tête. Source : Xerfi

22
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Royaume-Uni : la City… et le reste

Valeur ajoutée par branche


Unité : indice de volume base 100 = 1999

160
Même si le Royaume-Uni conserve une base Industrie manufacturière
industrielle importante (défense, automobile), la
valeur ajoutée apportée par la branche
manufacturière a très peu progressé en termes 150 Distribution
réels depuis le début de la décennie. Surtout, les
centres de décision industriels ne se situent plus Activités immobilières et services
guère outre-Manche. Ainsi, les décisions de aux entreprises
délocalisation sont prises plus facilement si les 140
sièges sociaux ne sont pas situés dans le pays. Intermédiation financière

En revanche, la situation est toute autre dans le 130


secteur tertiaire. La distribution a connu une
progression de plus de 30% de sa valeur ajoutée
depuis 1990, tandis que la hausse frôlait les 40%
pour les services aux entreprises et l’immobilier… 120
et les 60% pour l’intermédiation financière.

En d’autres termes, il n’y a plus de retour en


110
arrière possible pour le modèle britannique :
même si les années qui viennent s’annoncent très
délicates, la reprise viendra avec le retour en
grâce des services financiers et de la toute
puissante City. 100

90
99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
Source : Xerfi (données nationales)

23
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Hier : des modèles de croissance très différents

Composition de la croissance par pays en 2007


Unité : contribution à la croissance en points

L’analyse des performances de croissance


passées permet de mettre en évidence des
modèles de croissance très distincts : +
 d’un côté, les pays dits « globalo-financiers ».
En 2007, l’essentiel de leur croissance
provenait de la consommation des ménages
au prix de déséquilibres importants de leur Globalo-
balance commerciale. Dans cette catégorie se financiers
retrouvent la France, le Royaume-Uni ou
encore les Etats-Unis. L’Espagne présentait

Consom m ation des m énages


un profil légèrement différent, avec des
performances en termes de croissance
exceptionnelles, mais une hypertrophie
économique dans le domaine de l’immobilier- Industriels
construction ; = avancés
 d’un autre côté, les industriels avancés. Les
maigres évolutions de la consommation des
ménages (qui pesait alors fortement sur la Dilemme
variation du PIB) étaient plus que compensées
par des excédents commerciaux très
importants ;

 enfin, l’Italie qui navigue entre les deux


groupes stratégiques avec une croissance
somme toute décevante.

- Commerce extérieur
- = +
Source : Xerfi

24
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Demain : des ajustements conjoncturels

Composition de la croissance par pays en 2010


Unité : contribution à la croissance en points

Autant les chiffres historiques permettaient de


dégager des groupes stratégiques clairs en +
termes de modèles de croissance, autant la
récession économique extraordinaire a brouillé la
donne. Ainsi, en 2010, le profil des principales
économies internationales sera radicalement
modifié par rapport à la situation de 2007.

L’Espagne verra sa principale bouffée d’oxygène


provenir du commerce extérieur. Cette évolution

Consom m ation des m énages


est somme toute logique : la mollesse de la
consommation des ménages se traduira par de
moindres besoins en termes d’importations.

A l’inverse, l’Allemagne verra sa croissance


soutenue essentiellement par la consommation
=
des ménages tant que le moteur des exportations
ne sera pas véritablement réparti. Cela ne sera
que transitoire et dès la fin 2010 la situation
devrait s’inverser.

Les positions médiantes du Royaume-Uni et du


Japon illustrent quant à elles les difficultés
qu’auront ces économies à surmonter rapidement
la crise.

- Commerce extérieur
- = +
Source : Xerfi

25
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Net ralentissement du commerce mondial

Nous estimons que le PIB mondial reculera de Commerce mondial et PIB mondial
2,4% en 2009 avant de rebondir de 1,7% en Unité : variation du commerce mondial et du PIB en volume
2010. La reprise sera donc lente et chaotique,
mais aussi bien réelle. Le mouvement se fera 12% Commerce international PIB mondial
toutefois en ordre dispersé : tous les pays ne
retrouveront pas aussi rapidement le chemin de
la croissance, à l’instar du Japon, de l’Espagne
10%
ou du Royaume-Uni qui payent tous un très
lourd tribut à la crise actuelle. Sans surprise, ce
sont justement ces pays qui ont le plus besoin
d’une reconfiguration de leur modèle de 8%
croissance traditionnel.

Pour sa part, l’Allemagne finira bien par sortir de 6%


la crise car sa stratégie est claire et déterminée
de longue date : tout miser sur la robustesse du
secteur manufacturier et la compétitivité à
l’export afin de gagner des parts de marché aux 4%
voisins immédiats. Le retour de la croissance du
commerce mondial redonnera aussitôt du lustre
aux performances économiques outre-Rhin. 2%
L’après-crise sera également l’occasion de
vérifier la solidité du couple sino-américain.
L’Empire du Milieu a besoin d’une demande 0%
solide en provenance de son principal client,
dont l’industrie la plus puissante n’est autre que
la distribution. Les Etats-Unis, pour leur part, -2%
comptent toujours sur la Chine pour financer leur
déficit. A court terme, il n’y a donc pas de raison
de penser que les modèles de croissance de ces
deux pays se modifieront radicalement. -4%
90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10

Source : Xerfi d’après données OMC

26
2. LA REPRISE DE L’ECONOMIE MONDIALE.
OÙ ? POURQUOI ? COMMENT ? Tableau des prévisions Xerfi

Evolution du PIB 2005 2006 2009


2007 2008 2010
Monde 3,7% 4,2% 4,0% 2,2% -2,4% 1,7%
Etats-Unis 2,9% 2,8% 2,0% 1,1% -3,2% 0,9%
Japon 1,9% 2,0% 2,3% -0,7% -8,1% -0,8%
Zone euro 1,8% 3,0% 2,7% 0,7% -4,8% 0,3%
Allemagne 0,9% 3,2% 2,6% 1,0% -6,3% 0,6%
France 1,9% 2,4% 2,3% 0,3% -2,8% 0,6%
Italie 0,8% 2,1% 1,5% -1,0% -5,0% 0,5%
Espagne 3,6% 3,9% 3,7% 1,2% -4,2% -1,3%
Royaume-Uni 2,1% 2,8% 3,0% 0,7% -4,3% -0,4%
Asie (hors Japon) 8,4% 9,1% 9,2% 7,0% 4,0% 6,0%
Amérique Latine 4,6% 5,5% 5,7% 4,2% -1,5% 2,5%
Europe Cent. et Orientale 5,9% 7,3% 7,0% 4,3% -4,5% 0,0%
Afrique & Moyen Orient 5,4% 5,4% 5,2% 4,0% 2,0% 4,0%
Source : Xerfi

27
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?

Agriculture
Industries agroalimentaires
Cette France qui crée de la valeur
Industrie
Il faut plonger dans la réalité des secteurs et des
entreprises pour saisir le modèle de croissance de la distribution Industries
français. Le tissu économique se régénère en
permanence et les forces créatrices sont plus manufacturières
puissantes que celles de la destruction et par
couches successives, un modèle de
développement s’est mis en place. Ce qui le rend
si particulier, c’est qu’il est moins « pur » que le
modèle allemand, basé sur le tout industriel, ou
britannique axé sur la City. La force de la France
s’est d’être multipolaire. Cela se concrétise par la
puissance de son couple Agriculture-IAA qui a su Services
tirer parti de la globalisation en s’imposant un peu
- aux entreprises
partout sur la planète. A l’autre bout de la chaîne,
c’est également une industrie de la distribution - collectifs BTP
dominatrice (Carrefour est le second réseau de
grande distribution au monde). Concepteurs- Immobilier
donneurs d’ordres, les réseaux de distribution
sont des créateurs de valeur en masse. Il ne faut
pas oublier non plus l’industrie. La France
conserve une base manufacturière installée Industrie financière
compétitive notamment dans le domaine des
transports ou des industries de la défense. Le
BTP-Immobilier, l’industrie financière et les
services sont également de puissants moteurs de
création de richesses. Reste à mettre en place
une stratégie offensive en concentrant les
moyens car dans le monde des affaires,
Source : Xerfi
« sécurité d’abord » mène tout droit à la ruine. 

28
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Industrie : toujours dans l’œil du cyclone

Surchauffe de l’économie mondiale


L’industrie française reste prisonnière d’un (économie du surendettement)
cercle vicieux. A l’origine de la séquence, le
2007
surstockage lié à la surchauffe de l’économie
mondiale et à la flambée des matières premières
(et des biens intermédiaires) :
Flambée des cours des matières premières
1er sem.  hausse prix biens intermédiaires
 en période de forte croissance, ce qui coûte 2008
cher à une entreprise ce sont les interruptions  spéculation
des chaînes de production liées à des
problèmes d’approvisionnements ou à des
pannes techniques. Cela rend nécessaire la
constitution de stocks de précaution, certaines
pièces majeures étant doublées voire triplées ; Surstockage
2008
 les flambées des prix des matières premières
et des biens intermédiaires (notamment parce
qu’elles ont été très violentes avec la
spéculation) précipitent les décisions d’achat juin
pour se prémunir des hausses futures. Crise financière 2009
Septembre  Tensions sur
C’est dans ce contexte qu’est intervenu un choc
2008 la trésorerie
exogène, la crise financière. Elle a entraîné de
fortes craintes sur la trésorerie, les dirigeants
anticipant notamment le durcissement des
conditions de crédits alors même que les taux à
trois mois flambaient. Mécaniquement, pour
alléger leur besoin de financement, les
industriels déstockent massivement encouragés
en outre par le retournement des prix des
T4
matières premières. De l’amont à l’aval, cela se 2008
traduit par une chute de la demande conduisant
irrémédiablement à un nouveau déstockage. Le Déstockage
mouvement a été suffisamment fort pour Baisse de
entraîner des arrêts de production (notamment la demande
dans l’automobile mais pas seulement).

29
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Industrie : croissance en stocks

Une reprise technique se prépare


Unité : soldes mensuels d’opinion (%, CVS), des chefs d’entreprise dans l’ind. manuf

35
Crises Déc. 08
mai 93
30

Après avoir vidé les entrepôts, chaque


commande supplémentaire se traduira par de 25
l’activité en plus préparant ainsi le terrain à une Sept. 01
reprise technique. Selon les chefs d’entreprise,
cette phase se rapproche. Interrogés tous les 20
mois par l’INSEE, ils font état depuis le début de
l’année d’un allègement continue de leurs stocks.
Toutefois, le solde d’opinion n’est pas revenu à
sa moyenne de long terme, signe qu’il faudra 15
patienter jusqu’à l’été pour que l’activité
redémarre effectivement. Le mouvement pourrait
être encouragé par la remontée des cours des
10
matières premières : l’opportunité d’effectuer
aujourd’hui ses approvisionnements devient plus
forte.
5

-5
91 93 95 97 99 01 03 05 07 09

Source : INSEE via Reuters EcoWin, dernière donnée disponible mai 2009

30
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Industrie : rattrapage partiel

Après un ajustement sans précédent de la Reprise en « racine carrée »


production fin 2008-début 2009, un rebond Unité : indice mensuel de la production en volume de l’industrie manufacturière (100 = 95)
technique devrait avoir lieu au début de l’été.
L’ampleur du mouvement sera néanmoins 125
décevante. Certes, comme après la crise de
1993, il faudra s’attendre à des mois de très
hautes performances, mais seule une partie du
chemin perdu sera rattrapé. A l’extérieur, la
remontée du commerce mondial va être lente. 120 Plafond
Les rythmes de progression enregistrés autour
des années 2005-2007 font partis du passé car
liés à une convergence exceptionnelle de
facteurs qui ne se reproduira plus. A l’intérieur, la
demande de biens d’équipement est encore 115
paralysée pour de nombreux mois, le taux
d’utilisation des capacités de production étant
descendu à un niveau plancher inconnu depuis
1976 (date de création de la série).
110
A cela s’ajoutent des inquiétudes sur la capacité
de certaines grandes branches à retrouver leur
niveau de production d’avant 2008. Les crises
Reprise
sont des révélateurs de changements structurels 105
technique
déjà à l’œuvre. Celle de 1993 a marqué le déclin
des industries textiles et de l’équipement du foyer.
Celle de 2009, montre actuellement les menaces
qui planent sur l’industrie automobile à la fois
pour des raisons de coûts de fabrication mais 100
également de localisation de la demande qui
glisse irrémédiablement de l’Ouest (où les
marchés sont matures) vers l’Est qui reste encore
majoritairement en phase de primo-équipement.
La chimie de base est également attaquée par la 95
Chine et peinera à maintenir son rang, 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10
notamment en raison des problèmes de
compétitivité liés aux normes environnementales.
Sources : estimations et prévisions Xerfi (données INSEE via Reuters EcoWin)

31
La France n’est pas l’Allemagne :
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
deux modèles de croissance aux antipodes

France : le boulet du commerce extérieur


Unités : évolution du PIB (moyenne annuelle) et contribution du commerce extérieur

4%
La France a conservé des pans industriels PIB
importants. Elle n’a toutefois pas voulu tout 3%
sacrifier à la compétitivité extérieure. De fait, sa 2%
consommation est restée dynamique, mais son
commerce extérieur est structurellement 1%
déficitaire et ampute régulièrement plusieurs
0%
dixièmes de points à la croissance.
-1%

A l’opposé se trouve le modèle allemand basé -2%


Commerce extérieur
sur l’hypertrophie d’une industrie forte et -3%
compétitive tournée vers l’extérieur (en grande
2004 2005 2006 2007 2008 2009
partie vers le reste de l’Europe) : les
exportations et les investissements qui y sont
liés sont au cœur de la performance Sources : Xerfi (données INSSE via Reuters EcoWin)
économique. Les résultats du commerce Allemagne : le commerce extérieur fait la croissance
extérieur sont d’autant plus remarquables que Unités : évolution du PIB (moyenne annuelle) et contribution du commerce extérieur
la consommation intérieure est atone (les
salaires sont comprimés pour maintenir la
4%
compétitivité), ce qui limite d’autant les
PIB
importations. Dans cette configuration la 3%
croissance du pays est particulièrement
sensible à la bonne marche du commerce 2%
mondial. En cas d’arrêt, le fléchissement des 1%
exportations ne peut être compensé par une
demande domestique étouffée. C’est ce 0%
mécanisme qui est à l’œuvre actuellement et -1%
qui explique les écarts de prévisions entre les Commerce extérieur
deux pays (respectivement -6,3% et -2,8% pour -2%
la France et l’Allemagne). -3%
2004 2005 2006 2007 2008 2009

Sources : Xerfi (données OFS via Reuters EcoWin)

32
La France n’est pas l’Allemagne :
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
deux modèles de croissance aux antipodes

France : consommation, le principal carburant de la croissance


Unités : évolution du PIB (moyenne annuelle) et contribution de la consommation

3% PIB
Pas de croissance sans consommation en
France. Macro-économiquement, c’est la 2%
caractéristique fondamentale du modèle
français qui la distingue totalement du modèle 1%
allemand mais qui la rapproche de celui des Consommation
Etats-Unis ou du Royaume-Uni. Cette force de 0%
la consommation a été rendue possible par
l’évolution des revenus (hausse du pouvoir
d’achat) sans qu’il ait été nécessaire de recourir -1%
à la béquille financière de l’endettement et/ou
de l’effet richesse immobilier (comme dans les -2%
pays anglo-saxons). 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Sources : Xerfi (données INSSE via Reuters EcoWin


On l’oublie trop souvent, l’expansion
démographique (fort excédent naturel dans le Allemagne : consommation, poids mort de la croissance
cas français) est également un élément Unités : évolution du PIB (moyenne annuelle) et contribution de la consommation
fondamental de la divergence entre les modèles
de croissance : les pays qui ont connu les 3%
PIB
mouvements de population les plus lents sont
généralement ceux qui ont enregistré les taux 2%
de croissance de consommation les plus faibles
et bien souvent les performances économiques 1%
les moins envieuses. C’est le cas du Japon
mais aussi de l’Allemagne qui est sur la voie du
déclin démographique : entre 2000 et 2008, le 0%
PIB outre-Rhin a progressé sur une base
annuelle moyenne de 1%, contre 1,5% pour la -1% Consommation
France.
-2%
2004 2005 2006 2007 2008 2009

Sources : Xerfi (données OFS via Reuters EcoWin)

33
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Le consommateur perd pied

Le consommateur est mis à rude épreuve 2007 : un environnement quasi-idéal


depuis plusieurs mois et seul le recul de Unité : notation de 1 à 5 sur chaque item, variation de la consommation des ménages. (vol)
l’inflation le soutient encore. Pour le reste, tout
s’est dégradé. Du côté des revenus d’abord. Revenu
Les destructions massives d’emplois (plus de
190 000 postes salariés en moins au 1er
trimestre 2009, ce qui est un record) amputent
(malgré l’importance des filets sociaux)
directement le pouvoir d’achat des personnes Confiance Désinflation
concernées. Indirectement, la dégradation du +2,4
marché du travail pèse aussi sur les
négociations salariales, le rapport de force
devenant plus favorable aux dirigeants des
entreprises qu’à leurs employés. La remontée
du chômage et la crainte de perdre son emploi
agissent également directement sur le moral Désépargne
Innovations pdts
des ménages et sur leurs arbitrages entre
consommation et épargne en faveur de cette
dernière (constitution d’une épargne de Source : Xerfi
précaution). A cela s’ajoutent la fin de la grande 2009 : l’inflation au chevet 2010 : la consommation
phase de primo-équipement en électronique
grand public et un effet offre devenu moins
du pouvoir d’achat à bout de souffle
prégnant. Revenu Revenu

Dans un tel contexte, rien d’étonnant à ce que


la croissance de la consommation vacille et ne
se résume plus qu’à un souffle en fin de Confiance Désinflation Confiance Désinflation
période.

Grille de lecture +0,7 +0,1%


Plus le pentagone est rempli, plus la situation des
ménages est bonne. A l’opposé plus la surface se réduit,
moins l’environnement est porteur. Ex : lorsque les
revenus s’élèvent, la capacité d’achat est renforcée. La
désinflation donne du pouvoir d’achat aux ménages et est Innovations Innovations
Désépargne Désépargne
une incitation forte à consommer plus. La désépargne pdts pdts
mesure la possibilité d’aller au-delà du revenu pour
consommer ; elle est liée en partie aux évolutions du Unité : notation de 1 à 5 sur chaque item, variation de la consommation des ménages. (vol)
marché du travail. Source : Xerfi

34
2009 : une très mauvaise année
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
2010 : une mauvaise année

Bien entendu, il reste des motifs d’espoir pour


l’économie française en 2010. Mais l’équilibre est Croissance du PIB en 2009 et 2010
précaire. Au-delà de la reprise technique, la Unités : variation trimestrielle et tendance annuelle du PIB
panne des principaux moteurs de la croissance
est suffisamment sérieuse pour que la relance 3% 3%
connaisse des ratés et manque de puissance.

C’est autour du consommateur que se cristallisent


toutes les inquiétudes. Sans son apport, la
2% 2%
progression du PIB ne peut être que médiocre.
Or, son horizon à court terme est totalement
bouché et l’environnement suffisamment Tôle ondulée
anxiogène pour le paralyser encore de nombreux
mois si aucun coup de pouce ne lui est donné. Le 1% 1%
risque est donc grand de voir la consommation et Reprise
l’investissement logement rester à terre. technique
L’environnement international demeurant 0% 0%
particulièrement toxique, il ne faudra pas
escompter une reprise franche des exportations
avant le début 2010. Cette absence de visibilité
conjoncturelle (en dehors comme à l’intérieur de -1% -1%
nos frontières) n’incitera pas les chefs d’entreprise
à prendre des risques pour investir, bien au
contraire. Les dépenses d’équipement chuteront
lourdement cette année avant de reprendre de -2% -2%
pâles couleurs l’année prochaine.

En fait, le seul élément dynamisant pour 2010 (en Var. trimestrielle


dehors de la reprise technique et de la
-3% Glissement annuel -3%
contribution positive des stocks) demeure les
dépenses publiques au sens large, même si le
plan de relance tarde à se matérialiser dans les
carnets de commandes des secteurs concernés
(notamment les travaux publics). -4% 2005 2006 2007 2008 2009 2010 -4%

Dans ces conditions, la faible croissance que


nous prévoyons pour 2010 (+0,6%) constituerait Sources : estimations et prévisions Xerfi (données INSEE via Reuters EcoWin), dernières données T1 2009
déjà une « très belle » performance.

35
Ou se créé la valeur en France :
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
Grille de lecture

++

Potentiel de croissance d’ici 2015


Création
de PIB
Le PIB c’est aussi la somme des valeurs ajoutées
des secteurs. Cette analyse permet de distinguer
par rapport à la base installée (mesurée sur l’axe
horizontal par le poids de la valeur ajoutée des
secteurs dans la valeur ajoutée totale), les
branches qui offrent le potentiel de croissance le

Destruction
plus élevé (axe vertical), c’est-à-dire celles qui
contribueront de façon positive à la formation du
PIB de celles qui, sur le déclin, amputeront la
croissance.

de PIB
L’approche reste macroscopique et ne permet pas
d’entrer dans les détails : dans une branche
d’activité qui régresse, il demeure toujours des
entreprises performantes à la fois en termes

-
d’activité et de résultats financiers. De même,
n’ont été conservés que les exemples les plus
emblématiques : l’analyse présentée ne prétend
pas à l’exhaustivité.
- + ++
Base installée (% de la VA)

36
Ou se créé la valeur en France :
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
les secteurs en déclin

++
La base industrielle de la France est-elle amenée
à inéluctablement décliner ? Malmenés depuis de

Potentiel de croissance d’ici 2015


nombreuses années, des pans entiers de
l’industrie (plus particulièrement dans les biens de
consommation) sont sur le déclin. Ces secteurs
ont généralement trois caractéristiques
communes :
 ils sont fortement exposés à la concurrence
internationale ;
 la concurrence s’effectue essentiellement par Gérer
les prix ; socialement
 le coût de la main-d’œuvre dans le coût total
est important.
le déclin
Pour certaines de ces professions, c’est la crise de
1993 qui a été le révélateur des changements
structurels et des difficultés à venir. La base
industrielle installée s’y est d’ailleurs
considérablement réduite comme en témoigne le
choc terrible sur l’emploi salarié dans les filières Meubles
textile-habillement et équipement du foyer : près
de 400 000 postes salariés ont été perdus sur les Electronique
700 000 existants entre la fin des années 80 et Chimie de base
2008. Toutefois, ces professions se sont grand public
Automobile
radicalement transformées pour se concentrer sur
la conception, la distribution, le négoce (abandon Electroménager
de la logique industrielle) et tirer profit de la sous- Textile
traitance offerte par les pays émergents. Des
poches de résistance se sont ainsi formées (textile Habillement

-
technique par exemple).
Avec la crise de 2009, ce sont principalement
deux nouvelles branches industrielles qui sont à

- + ++
leur tour prises dans la tourmente. La chimie de
base qui est attaquée par les pays émergents (qui
profitent notamment d’une distorsion de la
concurrence liée aux normes environnementales)
et l’automobile dont le centre de gravité de la
Base installée (% de la VA)
demande passe progressivement à l’Est.

37
Ou se créé la valeur en France :
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
les secteurs à renforcer ou à catalyser

++ Catalyser Renforcer

Potentiel de croissance d’ici 2015


Un pool de secteurs fera la croissance de demain
ou pour le moins lui permettra de changer de
braquet pour le peu qu’il soit stimulé. Ces Serv. aux
professions bénéficient d’une politique Greentechs
entreprises
réglementaire favorable (Grenelle de Ferroviaire
l’environnement, etc.) qui peut aller jusqu’à créer Aéro. & spatial Commerce
de nouveaux marchés. Elles tirent également profit
des évolutions démographiques (le vieillissement Naval Ind. financière
de la population crée de nouveaux besoins), voire Pharma.-Santé BTP-Immobilier
socioculturelles (montée en puissance des Ind. défense
considérations écologiques). Mais il s’agit IAA-Agriculture
également de branches industrielles dans
Educat./formation
lesquelles la France dispose de puissants atouts : Serv. aux ménages Tourisme
l’aéronautique, le ferroviaire, le naval, le nucléaire,
les industries de défense. Avec un leitmotiv : le
rôle de l’Etat y est fondamental.

Aux côtés de ces futures vedettes, une catégorie


n’est pas à négliger, celle qui assure le socle de
notre économie. S’y retrouve pêle-mêle le
commerce, le couple BTP-Immobilier (derrière
lequel on perçoit le rôle fondamental du
consommateur et de la démographie). De même,
le duo Agriculture-IAA est un point fort du modèle
français qui bénéficiera des opportunités d’une
demande mondiale en hausse. Le tourisme est

-
également un point d’ancrage solide de notre
activité malgré finalement une performance en
demi-teinte : la France est certes la première
destination touristique, mais elle se classe
seulement troisième en matière de recettes. - + ++
Base installée (% de la VA)

38
Le scénario macro-économique : seule une partie
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ?
du chemin perdu sera retrouvée

2008 2007 2008 2009(e) 2010(p)


PIB 100% 2,3 0,3 -2,8 0,6
Consommation 58% 2,4 1,0 0,7 0,1
Cons. Publique 23% 1,5 1,1 1,7 2,9
Investissement 21% 6,5 0,4 -7,5 -0,5
Construction 5% 5,5 -1,4 -6,2 -0,1
Equipement 16% 6,8 1,1 -7,9 -0,6
Stocks * 1% 0,2 -0,2 -0,9 0,7
Exportations 30% 2,5 -0,5 -12,5 0,2
Importations 32% 5,4 0,6 -8,0 2,7
Commerce extérieur * -3% -0,9 -0,3 -1,1 -0,8
Balance courante ** -20 -36 -49 -64
Bal. courante (% du PIB) -1,1 -1,9 -2,6 -3,3
Emploi 2,1 1,4 -1,6 -2,1
Taux de chômage 8,4 8,0 9,7 11,4
Salaires 2,6 3,0 1,8 1,3
Inflation 1,5 2,8 0,5 1,2
Solde sect. public ** -51 -66 -114 -136
Solde sect. public (% PIB) -2,7 -3,4 -6,0 -7,0
Dette publique (% PIB) 64 66 73 78
PIB nominal ** 1 895 1 949 1 907 1 939
Variation d'une période sur l'autre, sauf indication contraire : * contribution à la croissance du PIB ** mds d'euros

39
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Scénario macro-sectoriel : les branches industrielles

100
Branches 09e 10p = 08
1 BATEAUX, AVIONS, TRAINS ET MOTOS 6,1% 3,9% 110
2 Construction aéronautique et spatiale 4,4% 4,8% 109

Rares sont les secteurs pour lesquels le niveau de


 3
4
Industrie pharmaceutique
Savons, parfums et produits d'entretien
3,5%
2,3%
2,7%
0,5%
106
103
production en 2010 sera supérieur à celui de 2008 5 COMPOSANTS ELECTRIQUES ET ELECTRONIQUES -3,1% 5,8% 102
6 Industries agricoles et alimentaires 1,2% 1,1% 102

7 CONSTRUCTION -3,6% 2,6% 99


8 EQUIPEMENTS MECANIQUES -3,7% 2,5% 99

 9
10
EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ET ELECTRONIQUES
Prod. combustibles et de carburants
-2,8%
-4,3%
1,2%
2,3%
98
98
11 Transformation des matières plastiques -6,4% 4,4% 98

Le niveau d’activité de la majorité des branches 12 BOIS - PAPIER -5,3% 3,1% 98


industrielles sera en 2010 inférieur de 1% à 10% à
celui de 2008. 13 INDUSTRIES DES EQUIPEMENTS DU FOYER -7,9% 5,2% 97
14 ÉDITION, IMPRIMERIE, REPRODUCTION -3,1% -0,9% 96

 15
16
Industries des produits minéraux
INDUSTRIE AUTOMOBILE
-11,9% 8,9%
-18,4% 14,6%
96
93
17 METALLURGIE ET TRANSFORMATION DES METAUX -14,0% 7,0% 92
Pour certaines branches, l’activité en 2010 sera
inférieure de plus de 10% à celle de 2008. 18 CHIMIE, CAOUTCHOUC, PLASTIQUES -18,7% 8,4% 88

 19 HABILLEMENT, CUIR
20 INDUSTRIE TEXTILE
-7,3% -6,1%
-14,0% -6,0%
86
81
Var. de la prod. en volume (en majuscules les macros-secteurs ; en minuscules les secteurs) Sources : estimations
et prévisions Xerfi et Precepta (données INSEE via Reuters EcoWin)

40
3. QUELLE REPRISE, QUELLE CRISE POUR LA FRANCE ? Scénario macro-sectoriel : les services

100 =
Branches 09e 10p 08

1 ASSURANCE (*) 4,0% 6,0% 110


 2
3
TELECOMMUNICATIONS (*)
SERVICES OPERATIONNELS (*)
3,1% 3,2% 106
1,2% 4,3% 106

4 EDUCATION ET SANTE 1,7% 1,0% 103


Les services ont rarement été aussi malmenés.
Dans un environnement conjoncturel délétère, les 5 Grandes Surfaces Alimentaires (GSA) 1,0% 0,6% 102
pôles de résistance seront rares. Pour certains
néanmoins, il reste un fond d’activité en raison de
la récurrence des contrats (qui peuvent dans
certains cas dépasser 12 mois), ce qui est
 6
7
CONSEILS ET ASSISTANCE (*)
Activités informatiques (*)
-0,5% 2,0%
-0,5% 1,5%
101
101
traditionnellement le cas dans l’assurance ou 8 TRANSPORTS -1,0% 2,2% 101
certains secteurs des services opérationnels. Cela 9 Commerce de détail hors magasin
constitue un filet de sécurité assez efficace pour -0,1% 0,7% 101
éviter une chute trop brutale du chiffre d’affaires.
Toutefois, sur la partie « new biz », les 10 Transport aérien -1,5% 2,0% 100


professionnels sont soumis à un décrochage 11 COMMERCE DE GROS, INTERMEDIAIRES -5,7% 6,1% 100
violent de l’activité en volume sur fond de vives
tensions sur les prix. 12 COMMERCE DE DETAIL, REPARATIONS -1,1% 0,8% 100

Pour ceux qui sont le plus en prise avec la


13 INTERMEDIATION FINANCIERE -0,9% 0,3% 99
conjoncture, la situation est particulièrement
délicate. C’est le cas notamment du transport 14 Hôtels restaurants -2,5% -0,6% 97
aérien et de l’intérim. Autres professions en 15 SERVICES PERSONNELS (*) -1,1% -2,3% 97

souffrance, celles qui subissent de plein fouet les
arbitrages des ménages (services personnels, 16 Activité immobilière -2,7% -1,2% 96
hôtels restauration par exemple).
17 Intérim (*) -7,5% 2,5% 95
19 Commerce et réparation automobiles -2,0% -5,0% 93
Var. du CA en volume (en majuscules les macros-secteurs en minuscules les secteurs) Sources : estimations et
prévisions Xerfi et Precepta (données INSEE via Reuters EcoWin) (*) valeur

41
Le point de vue La France face à la crise mondiale : les enjeux de l’économie de la conception (suite de la page 2)

Les modèles économiques qui se sont mis en 1. La désindustrialisation avec les rares pays avancés qui ont mené
place dans les pays avancés, et en particulier une stratégie industrielle cohérente par un
au sein de ceux qui ont eu les meilleurs La plupart des pays avancés, à l’exception positionnement intelligent et une maîtrise de
scores de croissance, n’avaient plus pour notable de l’Allemagne et du Japon, ont leurs coûts et de leurs marges. L’Allemagne,
objectif de produire mais de faire produire. Il laissé s’affaiblir leur force de frappe premier exportateur mondial de biens
ne s’agissait plus de créer de la valeur mais industrielle. Or, le point de non retour nous manufacturés va ainsi continuer de gagner
de capturer la valeur sur le marché mondial. semble désormais atteint. Ni les Etats-Unis, des parts de marché sur les autres pays
ni le Royaume-Uni, ni la France, ni l’Espagne avancés.
ne disposent désormais d’une force de
Il faut bien comprendre qu’au cours de la frappe industrielle installée suffisante pour Déjà, une part importante de l’industrie
dernière décennie, le système de libre espérer préserver leurs parts de marché dans française est en fait la sous-traitante de
entreprise occidentale s’est détourné de la le commerce mondial. Il ne s’agit pas ici de l’industrie allemande. La France, comme
production de richesses et d’emplois. Il a été défaitisme ni de déclinisme. Il s’agit de d’autres pays occidentaux, a désormais pris
ainsi remplacé par un véritable système de souligner qu’il nous faut impérativement trop de retard pour changer le cours de
prédation, très bien décrit par l’économiste repenser notre modèle de création de l’histoire. On ne peut pas se contenter d’une
Michel Volle. Un système de prédation dont valeur. stratégie défensive qui dilapiderait des
les excès de certains financiers ne sont que la ressources pour retarder les échéances.
partie émergée de l’iceberg. L’impératif, c’est de développer notre propre
modèle de succès, et de rechercher de
nouvelles sources de créations de richesse.
Cette véritable fuite en avant dans la
production de valeur virtuelle a débouché
sur la première grande crise globale. Globale, 2. Le partage de la valeur ajoutée
pas seulement parce que le monde entier en
est affecté. Mais globale surtout, parce que S’agissant de notre modèle de croissance
cette crise est un fantastique accélérateur du économique, désormais largement
changement. construit sur la demande des ménages, la
crise pose immédiatement la question du
La mutation de la géographie industrielle partage de la valeur ajoutée. Là aussi, le
Globale parce que ce sont les règles du jeu mondiale va s’accélérer au cours des crédit et les effets richesses immobiliers
économique elles-mêmes qui sont remises prochaines années. D’une part, avec la ont permis de nous mentir sur la réalité.
en cause. Je voudrais mettre ici l’accent sur 6 montée en puissance des pays émergents, et …/…
questions décisives pour les pays en particulier celle de la Chine. D’autre part,
occidentaux.

42
La France face à la crise mondiale : les enjeux de l’économie de la conception, par Laurent Faibis (suite)

Mais sans progression du revenu des pas simplement une grille d’analyse des
ménages, c’est tout notre modèle de société stratégies concurrentielles. C’est un livre qui Je pense que c’est une erreur dans une
de consommation de masse qui est a le mérite d’appeler un chat un chat. Il société française qui doit marquer son
déstabilisé. Ni le taux d’endettement des analyse la dynamique des entreprises avantage par une logique de la conscience
ménages, ni les redistributions de l’Etat comme un système de rapports de forces. Il professionnelle, de l’initiative et de la
providence ne peuvent monter jusqu’au ciel. montre que peu importe comment et où est créativité. Il faut redonner du sens au travail,
créée la valeur, ce qui est essentiel, c’est de et à la collectivité que représente
Pour autant, la menace d’un savoir la capturer. l’entreprise.
désendettement massif des ménages risque
d’avoir un effet dépressif durable sur la Dans le monde de la stratégie d’entreprise,
demande. Ce serait insupportable pour je devrais dire dans la réalité de l’économie, 4. L’effondrement des mythes du marché
l’économie des pays anglo-saxons, de l’entreprise doit imposer sa force : à ses auto-régulateur et de l’idéologie de la
l’Espagne ou de la France, tant les filières fournisseurs et sous-traitants, si possible à valeur actionnariale
immobiliers-BTP tout comme le secteur de la ses clients, et bien entendu à ses
distribution sont devenus des pourvoyeurs collaborateurs. Dans ce modèle, qui est sans On ne s’attardera pas ici sur l’acte de
essentiels de création de valeur ajoutée et doute celui qui exprime toujours le mieux la contrition d’Alan Greenspan devant une
d’emplois. réalité de la concurrence, il n’y a guère de commission du Congrès, reconnaissant
place pour l’expression « partenaires de implicitement qu’il s’était trompé en croyant
l’entreprises ». A l’extérieur comme à que les marchés avaient la capacité de
3. Le mode de pilotage des entreprises l’intérieur, l’entreprise doit faire face à des s’autoréguler.
compétiteurs qui se bagarrent pour capter le
Ce n’est pas seulement une remise en cause maximum de valeur.
des modes de gouvernance, mais surtout
une crise du mode de pilotage des
entreprises. Ce qui est en question, c’est de
rétablir le lien entre toutes les parties Voilà une grille de lecture qui reste
prenantes. A trop se focaliser sur la indéniablement à l’ordre du jour. Mais cette
motivation des actionnaires, on en a oublié vision de l’entreprise, qui exprime si bien la
celle des partenaires, à l’intérieur et à réalité, a entraîné crise après crise une perte
l’extérieur des sociétés. fantastique d’identité des firmes, du sens du
travail et de la loyauté de ses collaborateurs.
En 1980, l’économiste Michael Porter, Elle a favorisé l’émergence d’un monde de
professeur à Harvard, publiait « Competitive mercenaires.
Strategy ». Cette bible des managers n’est …/…

43
La France face à la crise mondiale : les enjeux de l’économie de la conception, par Laurent Faibis (suite)

Mieux encore, c’est Jack Welch, ancien aux industries militaires, de la chasse gardée pour initier et impulser une stratégie qui
Président de General Electric, considéré des sources d’énergie aux biotechnologies, mène au succès, à condition de laisser de
comme le père de l’idée de « valeur l’Etat fédéral comme les états régionaux ont vrais chefs d’entreprises piloter les projets.
actionnariale » qui déclare en mars 2009 au toujours été omniprésents.
Financial Times, « Si on regarde les choses en
face, la valeur actionnariale est l'idée la plus 6. Le fond du problème : la crise du système
stupide du monde : il s'agit d'un résultat, pas Pendant ces années où le système de technique
d'une stratégie en soi, car votre véritable capitalisme étatique chinois a lancé un
force reste vos employés, vos clients et vos fantastique défi aux économies occidentales, Mais finalement, la crise est
produits ». « L'idée de fonder une stratégie on a eu tort de renier en France la mission fondamentalement celle du système
sur la valeur des actions est insensée », a-t-il stratégique de l’Etat. Certes, l’Etat a commis technique hérité de la révolution industrielle.
ajouté, jugeant que cette valeur est avant des erreurs. Surtout quand certains grands De fait, depuis 1975, nous vivons l’apparition
tout « le fruit des efforts collectifs d'une commis ont voulu se prendre pour des chefs d’un nouveau système technique, celui de
entreprise, de son équipe de direction d’entreprise mégalomanes. l’informatisation, qui s’est superposé au
jusqu'aux employés ». C’est sans système industriel. Nous ne sommes pas
commentaire. parvenus à modifier radicalement notre
Oui, il y a eu des échecs cuisants liés aux mode de pensée qui reste celui qui s’est
mécanos industriels de cabinets ministériels. développé depuis Adam Smith et Ricardo.
5. Le retour de l’Etat : pompier ou stratège ? Mais on en oublie les grandes réussites du
colbertisme français. Il suffit de penser aux
L’implosion de ce système a imposé un succès français dans l’énergie, dans les Qui peut croire encore dans les bienfaits de
fantastique retour de l’Etat, et notamment services collectifs, dans les transports, les la main invisible où à la concurrence pure et
aux Etats-Unis. Qui aurait pu croire que l’Etat télécommunications, l’aérospatial, jusqu’à parfaite ? Ce qui nous fait commettre des
américain pourrait nationaliser des banques, l’équipement touristique des vallées alpines erreurs aujourd'hui, ce qui bloque la
des assureurs comme AIG, nationaliser GM ? pour rappeler que certaines réussites sont réflexion économique et la stratégie, c'est
Mais on aurait tort de ne voir là que le retour intimement liées à l’impulsion décisive et à la l'adhésion à des valeurs, des
d’un Etat pompier qui devra se retirer une coordination des efforts de l’Etat. comportements, des lois d'anticipation qui
fois l’économie remise sur les rails. correspondaient au système productif
industrialisé dominé par des coûts variables,
Pour avoir débuté ma carrière mais ne correspondent pas au système
D’abord, n’oublions pas que l’Etat américain professionnelle au Centre National d’Etudes productif informatisé et automatisé dominé
ne s’est jamais absenté du jeu économique Spatiales, aux tous débuts de l’aventure de la par des coûts de plus en plus fixes.
comme certains on voulu le faire croire. De fusée Ariane, j’ai été le témoin direct du rôle
l’informatique à Internet, de l’aéronautique décisif que peut avoir la puissance publique …/…

44
La France face à la crise mondiale : les enjeux de l’économie de la conception, par Laurent Faibis (suite)

Un produit du XXème siècle n’a plus rien à voir d’information, des réseaux logistiques, des abandonner notre tropisme industriel, cette
avec le bien manufacturé des siècles passés. services, de la distribution sont les vrais manie de ne voir la création de richesse que
Les produits sont devenus des assemblages moteurs de la création de valeur, et où les dans la production manufacturière. Il y a en
de biens et services, combinés avec des coûts de production matériels sont effet bien d’autres domaines dans lesquels la
signes et des symboles. Du futile et de l’utile, désormais subsidiaires, et relégués vers les France est mieux armée pour créer et capter
qui sait encore distinguer le vrai besoin du pays à faible coût du travail. davantage de valeur.
consommateur des pays riches.
Laurent Faibis
Une meilleure compréhension de l’économie
Ces biens hybrides, composites, de la conception doit permettre à la France
hétérogènes, que nous achetons sont tout à de réanimer la création de richesses, raviver
la fois matériels et immatériels. Ils sont l’esprit entrepreuneurial, permettre la
conçus et élaborés par des entreprises revalorisation des revenus du travail. Cela
travaillant en partenariat, voire en réseau. doit nous permettre également de poser en
Lorsqu’on analyse aujourd’hui le coût d’un d’autres termes la question des
bien, la part des dépenses de conception délocalisations et du commerce extérieur.
amont et de distribution aval représente L’équilibre des comptes extérieurs peut-il
désormais l’essentiel. La production encore se mesurer au seul solde des
matérielle stricto-sensu est un coût marginal, échanges de marchandises ?
de plus en plus délocalisé, qui ne représente
plus qu’une faible part de la chaîne de
valeur. Il faut le répéter : nous sommes restés dans
un mode de pensée qui ne correspond plus
aux réalités du monde économique
Il nous semble que le monde occidental n’a d’aujourd’hui, qui ne convient pas pour
pas encore su tirer parti de toutes les résoudre les problèmes stratégiques de la
conséquences de ce nouveau système France. Le poids de notre pays dans le
technique, qui n’est pas simplement une commerce mondial des biens matériels va
économie de l’information, mais avant tout inexorablement continuer de baisser.
un business modèle de la conception.
Cela ne signifie pas qu’il faut abandonner
notre appareil industriel, dont certains pans
C’est un système de production où le design, ont un bel avenir, et resteront des fleurons
la marque, la maîtrise des circuits du modèle économique français. Mais il faut

45
LES ETUDES DU GROUPE XERFI

EUROS HT
Dernières parutions des études Precepta Date (version pdf)

L’industrie agroalimentaire face à la crise


Perspectives de marché à l’horizon 2010 Juin 09 1 400
Stratégies de riposte et relais de croissance
Le groupe Xerfi apporte aux décideurs les Les administrateurs de biens
Juin 09 2 900
analyses indispensables pour surveiller Repenser le business model pour reconquérir les marges
l’évolution des marchés et de la L’assurance deux roues
concurrence, décrypter les stratégies et les Juin 09 1 800
Quelles stratégies pour conquérir un marché plein de promesses ?
performances des entreprises, en France
Marché de la domotique
comme à l’international. Le site xerfi.com met
Quelles stratégies pour tirer profit du dynamisme et du potentiel Juin 09 1 400
ainsi en ligne le plus grand catalogue d’études
du marché ?
sur les secteurs et les entreprises.
Stratégies de diversification des banques et des assureurs
Télésurveillance, assistance, services à la personne, téléphonie
Au sein du plus grand bureau d’études Juin 09 1 400
mobile... Quels avantages concurrentiels ? Quelles stratégies de
spécialisé en France, les experts sectoriels du
pénétration et de distribution ?
groupe Xerfi sont animés d’une passion
commune : traiter l’information avec une très Les nouveaux enjeux de la distribution alimentaire
Mai 09 1 800
grande rigueur intellectuelle, réaliser des Proximité, hard discount et multicanal
analyses professionnelles au plus près des Marchés du déstockage
réalités de la vie économique, s’engager sur (réseaux de déstockeurs, magasins d’usine, ventes privées)
Mai 09 1 400
des conclusions rédigées avec l’ambition de la Perspectives de marché en 2009-2010
probité et de la qualité. Forces en présence et stratégies de croissance
Stratégies de marque sur les marchés de l’assurance
Pour atteindre ces objectifs, le groupe Xerfi, Mai 09 3 600
Le grand tournant identitaire : menaces et opportunités
s’est donné tous les moyens de l’indépendance Prise en charge à domicile des personnes âgées
: son capital est détenu par ses dirigeants, son Opportunités et modèles économiques dans les marchés des services
développement repose pour l’essentiel sur Mai 09 3 600
à la personne, de l’hospitalisation à domicile et des services infirmiers à
l’édition des études réalisées à sa propre domicile.
initiative, des méthodes de travail éprouvées, Marché de l’éolien en France
des règles déontologiques strictes. Saisir les opportunités face à un contexte économique et financier Mai 09 1 400
nouveau
Les nouveaux enjeux dans le transport urbain et interurbain
Avril 09 1 800
Etoffer l’offre et se développer à l’international
Quelles perspectives pour la filière viticole française ?
Avril 09 1 400
L’impératif stratégique de la montée en gamme

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Parce qu’il est essentiel d’anticiper et d’agir au plus vite en matière économique, la lettre XERFI
PREVISIS propose des analyses et des prévisions de Xerfi sur la conjoncture macro-économique
et sur les secteurs, réalisées par notre département de synthèses macro-économiques.

Pour la recevoir, il vous suffit de nous retourner, par courrier ou par fax, le bulletin ci-dessous.
Vous recevrez alors régulièrement XERFI PREVISIS par Internet en fichier Pdf. (n’oubliez pas
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