Professional Documents
Culture Documents
1
Bulletin No 29 - Avril 1997
Un thème récurrent pour étudier ces problèmes est celui de l'acculturation, c'est-à-dire l'étude
des phénomènes résultant de la rencontre entre groupes porteurs de visions différentes du
monde et celle des changements qui peuvent se manifester dans l'un ou l'autre des groupes, à
l'issue de cette rencontre. Fondamentalement, cette problématique touche, comme le souligne
bien la sociologue genevoise Schurmans (1995), "le changement social, la dialectique entre
rapports de sens et rapports de force, la genèse des normes et les processus de leur
intériorisation, les mouvements sociaux et la dynamique de la construction sociale de l'identité,
du Nous et d'Autrui" (p. 250).
Dans un tel contexte, le concept de "culture" prend une importance centrale. Sa richesse se
révèle à travers les différents usages qui en sont faits pour tâcher de cerner, aux différents
niveaux, la dynamique interculturelle elle-même. Par leur orientation interdisciplinaire, leur intérêt
pratique dans les contextes quotidiens des rencontres interculturelles et leur préoccupation à
l'amélioration concrète de la communication et de la coopération interculturelles, les chercheurs
de l'ARIC ont tendance à dynamiser le concept de culture en l'utilisant à la fois comme
antécédent, enjeu, revendication et produit des contacts interculturels.
Cette dynamisation du concept de culture (comparé à la version statique et figée du
culturalisme) se reflète, entre autre, par un changement d'attitude et de vécu vis-à-vis le contact
des cultures et la rencontre interculturelle: d’un côté, la culture est comprise comme ressource,
comme potentiel, comme création, d’un autre côté, la rencontre interculturelle est vécue moins
comme un "choc", une "menace" ou une barrière au développement identitaire, et plus comme
une chance, un enrichissement ou une ouverture vers de nouvelles pistes de construction
identitaire.
Culture et identité
Dans notre exposé, c'est à travers les situations de cultures en contact que seront examinés
certains des rôles que peut revêtir le concept de culture pour retracer la structure et le
processus de construction identitaire qui s'y opère. La relation entre le "soi", le "moi", l'identité,
d'une part, et la culture, d'autre part, analysée sous des perspectives différentes et dans des
contextes culturels et interculturels multiples (Krewer, 1994) est sans conteste l’une des
préoccupations majeures des chercheurs de l'ARIC.
En effet, la vie et la coexistence entre personnes de différentes cultures engendrent toujours
des réajustements divers tant au niveau des objectifs poursuivis que des efforts d’adaptation
consentis pour faire face aux nouveaux enjeux qui s’offrent aux individus en présence. À
quelque niveau que se situent ces réajustements, l’identité de l’individu ou du groupe y est
toujours sollicitée.
Ainsi, que ce soit en situations de contacts interculturels ou dans un processus d’intégration de
la modernité dans la tradition (tel qu’il apparaît dans les études réalisées dans les pays en
développement), il y aurait de la part de l’individu ou du groupe, la mise en avant de processus
de négociations pour trouver des compromis, des ajustements, des synthèses, voire même de
nouvelles identités, dynamiques souvent identifiées comme “ stratégies identitaires ” (Camilleri
& Cohen-Emerique, 1989; Camilleri, 1990 et al., entre autres), débouchant sur des
constructions et reconstructions incessantes.
Par quelles voies le concept de culture peut-il contribuer à l'examen de ces processus de
construction identitaire? Nous proposons trois voies principales qui sont loin d'être exclusives
mais qui, par certaines de leurs spécificités, peuvent enrichir l'analyse: 1) La culture vue
comme modèle dans la structuration identitaire; 2) La culture vue comme ressource à la
construction identitaire; 3) La culture vue comme produit de la construction identitaire.
Schématiquement, quoique la plupart des approches existantes fassent référence aux trois
lignes de pensée, nous pensons que les concepts de culture que nous proposons sont
étroitement liés aux objectifs d'analyse et aux démarches théoriques des chercheurs. Le
tableau suivant résume ces pistes d'analyse.
2
Bulletin No 29 - Avril 1997
Nous allons tâcher de développer brièvement ces trois orientations. Étant donné l’espace qui
nous est alloué pour le présent exposé, les exemples choisis pour illustrer l'une ou l'autre
fonction ne représentent forcément qu’une très faible proportion de l’ensemble de la production
scientifique francophone dans ce domaine. Nous encourageons les lecteurs intéressés de
pousser plus loin leur réflexion à ce sujet, de consulter entre autres le numéro spécial publié
dans le Bulletin de psychologie, Tome XLVIII, no. 419, 1995. Certains de nos exemples en sont
d’ailleurs tirés.
3
Bulletin No 29 - Avril 1997
culturelle y est alors vue comme synonyme d'unité culturelle ou groupale, c'est-à-dire d’une
homogénéité d'attributs dérivés "naturellement" d'une socialisation commune. Cette vision
descriptive et statique de la culture, cherchant à établir des personnalités de base typiques
en fonction des cultures respectives, laissent ouvertes d'autres questions, telles justement
celle de la genèse de la culture et, par extension, celle du rôle qu'y joue l'individu. Elle
rejoint un problème non résolu en sociologie, celui de la relation entre le collectif et
l'individuel.
À cette vision statique de l’identité, vient s’en opposer une autre, plus dynamique. Dans
cette dernière, l’individu est envisagé dans sa globalité, comme centre cognitif et affectif qui
fixe ses choix d'appartenance, qui, grâce à ses interactions avec les autres, individus ou
groupes, élabore et partage des significations communes et participe ainsi à la construction
d'une identité personnelle et culturelle sans cesse renouvelée. C’est sous l’entête d’une
psychologie culturelle (Camilleri, 1985; Clanet, 1990; Krewer, 1992, 1993; Vinsonneau &
Camilleri, 1987) que semble se dessiner, au sein de l’ARIC, ce nouveau courant théorique
et méthodologique alliant psychisme humain et culture. On y envisage que l’individu se
développe dans un espace culturellement préstructuré, puis modifié par le jeu incessant
des constructions actives et interactives des acteurs. La culture y est vue à la fois comme
condition et comme résultat de la compétence humaine. D’emblée appréhendée comme
une composante du fonctionnement du psychisme humain, elle perd son statut traditionnel
de variable indépendante visant la représentation objective d’une réalité universelle quelque
peu immuable au profit de celui de variable dépendante, dont les manifestations témoignent
de processus de constructions et de reconstructions continues, issues des interactions
entre les personnes impliquées.
La construction de l’identité, à travers un tel modèle, consiste en l’élaboration d’un système
de sens chez un individu en interaction avec un milieu socioculturel donné, caractérisé par
un ensemble d’échanges diversifiés avec les autres. Elle est assurée par un double
mouvement, celui de se particulariser et de s’affirmer en tant qu’individu unique, cohérent
avec lui-même mais également ouvert aux autres, aux changements qui lui assurent un
sentiment de continuité et celui de se conformer, de façon plus ou moins marquée, aux
valeurs du ou des groupes avec lesquels il vit et auxquels il désire appartenir (Lavallée,
1991).
À travers ce modèle interactionniste, l'individu prend le statut de sujet et joue un rôle actif
dans l'élaboration de sa culture et de son identité. Ainsi que l'écrit Camilleri (1990): "ce sont
les individus eux-mêmes qui élaborent les formations collectives par lesquelles ils se font
dépasser, et qu'ils perçoivent comme les transcendant" (p. 9). En d'autres termes, au sein
de chaque culture, ce sont les individus qui créent et dissolvent les groupes, les institutions,
en fonction des situations, elles-mêmes variables. C'est également dans ces groupes, ces
institutions que les individus viennent puiser ce qu'ils jugent significatifs pour eux, pour leur
identité. La culture ne peut donc pas être vue comme indépendante des individus; elle n'a
pas non plus ce caractère immanent, immuable qu'on lui a pendant longtemps attribué. Au
contraire, elle est à la fois produit et productrice de sens, grâce aux interactions constantes
entre elle et chacun de ses membres et entre elle et d'autres cultures.
Pour bien saisir la dynamique qui unit l'individu à sa culture et qui contribue à la formation
de son identité, il est nécessaire de tenir compte des contextes où elle se réalise. Une
contribution dans ce sens est fournie par les études comparatives menées dans différents
pays. En étudiant les effets des contextes différents sur les comportements des individus,
ces études permettent de mieux déterminer la relation culture-individu et de relativiser la
part respective de l'une et de l'autre dans les comportements observés.
Les mêmes effets peuvent aussi être notés, de façon moins systématique, lors de
rencontres interculturelles. Les déterminations culturelles qui se manifestent dans les
comportements des personnes en contact, en se révélant porteuses de sens différents,
font prendre conscience du caractère particulier et relatif de réalités jugées jusque là
4
Bulletin No 29 - Avril 1997
5
Bulletin No 29 - Avril 1997
et à la recherche de solutions face à des conflits d’identité culturelle qui érigent des
barrières entre Nous et les Autres (Camilleri et al., 1990) et finalement au changement
d’identification culturelle chez les immigrés de deuxième, troisième ou de plusieurs
générations qui revendiquent alors une identité adaptée aux modalités de vie dans
lesquelles ils se retrouvent (Camilleri & Vinsonneau, 1996; Clanet, 1990).
Les travaux de Laperrière à Montréal sur les frontières externes de l'identité culturelle,
déterminées par le regard de l'autre et la place de la communauté culturelle dans les
rapports sociaux" (1995, p. 195), illustrent bien cette dynamique entre soi et autrui et le rôle
de ressource qu'y joue la culture. Les propos recueillis auprès d'adolescents de quatre
ethnies différentes sur leur définition et évaluation des groupes ethniques de leur quartier
révèlent des dynamiques constrastantes en fonction des diverses situations rencontrées.
Lorsque le poids démographique des minorités est élevé et leurs conditions socio-
économiques jugées supérieures, les individus de ces groupes ont tendance à négliger de
se décrire comme minoritaires pour s'identifier à des valeurs et à une identité plus large,
nord-américaine ou universelle; il y a par ailleurs compétition et accentuation des
différenciations ethniques chaque fois qu'il s'agit de se promouvoir socialement ou
politiquement. Au contraire, lorsque le poids démographique des minorités est faible,
l'identité ethnique est rarement invoquée; elle est plutôt neutralisée sinon quand elle fournit
un appui aux aspects jugés favorables à l'ouverture interculturelle et à l'harmonie sociale.
Cette identité qui assure la cohérence au niveau individuel et la cohésion au niveau du
groupe, n'est pas acquise une fois pour toutes. Elle dépend des enjeux du moment et des
situations, elles-mêmes très variables. La dynamique du maintien ou du changement qui
permet de construire l’histoire des groupes et les histoires personnelles à partir des
événements du passé, et des projets, actualisés dans les confrontations quotidiennes,
trouve souvent appui dans l’ethnicisation des uns et des autres. Au niveau des groupes,
l’ethnicisation construit et reconstruit des appartenances culturelles riches de socialités
mais aussi porteuses d’exclusions et de rejet (Fourier & Vermès, 1994). Au niveau de
l'individu, il y a négociation constante des appartenances en termes de rapports de
rapprochement fondées sur des similitudes, ou d'éloignement suscités par des différences
ou les deux à la fois. Ces mouvements de rapprochement ou d'éloignement, appelés
stratégies identitaires, visent en général à éliminer ou à mieux gérer toute difficulté ou
menace à l'identité.
Les situations interculturelles sont un terrain très propice à 'létude de ces stratégies.
Connaissant que les traits et codes culturels sont symboliquement imbriqués dans l'identité
de la personne, on peut anticiper que tout contact avec d'autres codes culturels, d'autres
valeurs, est une occasion d'éveil, sinon de menace à l'identité et, par extension, aux
significations culturelles qui la sous-tendent. Cette menace sera ressentie plus ou moins
fortement selon le degré de divergence des cultures en présence.
Le phénomène est fréquemment mis en évidence durant le processus d'acculturation. Dû
justement aux décalages entre codes symboliques, modèles identificatoires ou encore
normes de rôles (Malewska-Peyre, 1984), les immigrants, surtout en provenance de pays
plus traditionnels, sont souvent confrontés à des situations conflictuelles. Alors que dans
leur pays d'origine, certains comportements et attitudes les gratifient d'une image positive
d'eux-mêmes, dans la culture d'accueil, ces mêmes comportements peuvent être mal
interprétés et donner lieu à une image négative. Quelles issues prévoir à de telles
confrontations?
Les travaux de Camilleri et de Lipianski, entre autres, ont permis d'identifier diverses
stratégies identitaires élaborées par les sujets pour faire face à ces conflits. Certaines sont
simples et peu différenciées, allant d'un conservatisme culturel pur à un opportunisme total,
d'autres sont plus complexes et nuancées, allant d'une recherche à maximiser les
avantages à tirer des deux cultures à des tentatives variées et plus ou moins étendues
d'intégrer ce que chacune offre de plus significatif à l'individu. Dans tous les cas, la
dimension culturelle est présente, soit pour engendrer le conflit, soit pour servir
d'intermédiaire à sa résolution. Il faut noter cependant que les stratégies ne se sont pas
toutes efficaces. Certains aménagements peuvent être infructueux et aboutir à des
dysfonctionnements plus ou moins sévères; parfois aussi le conflit peut déboucher sur
l'exclusion pure et simple.
6
Bulletin No 29 - Avril 1997
7
Bulletin No 29 - Avril 1997
réalités englobant l'une et l'autre. La notion de cultures de contact mise de l’avant par
Tabouret-Keller (1994) va dans ce sens en ce qu’elle préconise que toute situation de
contact entre porteurs de cultures différentes porte en elle les possibilités créatives d’une
nouvelle culture qui est celle de ce contact même. Au-delà du taux démographique atteint
par les minorités, c'est la valeur inhérente à chaque culture, en tant que production
humaine originale qui doit être considérée.
Jusqu'à maintenant, dans les recherches qui étudient l'acculturation, on observe deux
courants parallèles: un premier, centré sur le processus à travers lequel l'immigrant passe,
pour tenter de s'adapter à son nouvel environnement; un second, plus centré sur la société
d'accueil qui étudie les attitudes et les stéréotypes de ses membres face aux
communautés culturelles qui peuplent son univers. Quelques tentatives récentes
cherchent à examiner la contribution qu'ont apportée les communautés culturelles dans
leur nouveau milieu. Très peu d'études se sont concentrées à examiner la dynamique
même des groupes ou des individus en présence et les transformations qui en ont résulté
tant au niveau de la constitution de groupes nouveaux qu'au niveau de l'identité des
individus impliqués.
Cette démarche, qui relève d'un processus d'interculturation, conçoit tous les partenaires
comme des sujets actifs dans l'élaboration de leur identité. Certains auteurs (Becvort et
Winnykamen, 1995; Laperrière, 1994) ont tenté d'étudier ce phénomène. Ils ont suggéré
que les contacts entre cultures différentes peuvent favoriser l'émergence d'une culture
nouvelle. Empruntant d'une part aux valeurs communes aux deux cultures en contact et
d'autre part à des valeurs plus spécifiques de l'une et de l'autre, les individus issus de ces
cultures tentent d'en construire une synthèse originale, tout en assurant une certaine
continuité.
D'autres auteurs insistent plutôt sur les processus identitaires sollicités lors de ces
rencontres. Un cas intéressant dans ce sens est fourni par les expériences de rencontres
de jeunes de pays différents à l'occasion de stages en formation interculturelle. Les travaux
de Lipianski (1992) en sont un bon exemple. Ayant organisé des stages franco-allemands
de formation à la communication interculturelle, cet auteur a examiné la dynamique
évolutive de l'identité des participants. Ses observations montrent que dans les premiers
temps de la rencontre, bien que tous les efforts soient mis pour rechercher les similitudes
entre les partenaires, ce sont les différences qui prennent le dessus et sont vécues comme
agressantes. Pour s'en protéger, les individus ont alors tendance à exagérer tout
mécanisme différenciateur (stéréotypisation, catégorisation, clivages, etc.), ce qui entraîne
une impossibilité à apprécier correctement les différences. Pour arriver à surmonter cet
obstacle, une phase de décentration de soi est nécessaire. Elle permet de relativiser sa
propre identité face à celle de l'autre et de faire accepter et comprendre les différences.
Comme le souligne Lipianski (1986), la voie de l'acceptation de l'autre dans sa différence
est sans doute celle de le reconnaître d'abord comme semblable à soi.
Le cas des couples mixtes est un autre exemple pour étudier cette dynamique, dans un
contexte de vie particulier où, à la dimension culturelle, vient s'ajouter celle des genres.
Certains résultats de recherche menée par Philippe et Varro (1995) laissent déjà voir
l'intérêt du problème. Par exemple, on observe que les enfants servent souvent d'enjeu
pour déterminer dans quel sens s'oriente l'identité familiale; le statut de partenaire étranger
peut également servir d'atout compensatoire social dans le couple. On observe aussi que
la relation de couple se traduit souvent en rapport d'inégalité entre partenaires, selon leur
statut social ou juridique, ou selon le statut social des pays d'origine et des langues dans le
contexte actuel de vie. Enfin, on observe qu'en situation inégalitaire, il y a recherche de
compromis, surtout autour de l'éducation des enfants. Mais une analyse plus fine des
solutions adoptées montre que la relation asymétrique de départ n'est pas vraiment
remplacée par une relation plus égalitaire.
Malgré ces résultats encore partiels, il semble que les différents espaces où il y a
interaction interculturelle plus ou moins durable sont des champs d'investigation
intéressants pour aider à comprendre comment les relations entre individus se nouent et
se dénouent, en fonction de contextes et d'enjeux sans cesse mouvants. Par cette voie, il
est également possible de montrer le caractère dynamique que peut prendre la culture pour
confirmer une identité ébranlée ou pour favoriser l'évolution d'une autre.
8
Bulletin No 29 - Avril 1997
Conclusions
À l'issue de ce bref survol sur un des domaines les plus explorés en psychologie interculturelle
francophone, l'identité culturelle, nous espérons avoir démontré la richesse des problématiques
possibles qu'offre ce champ d'étude. Les diverses facettes que peut prendre la culture tant
pour le chercheur qui explore cette réalité complexe que pour l'individu de la rue aux prises avec
des problèmes identitaires liés à ses acquis culturels, il faut retenir la nécessité de comprendre
cette réalité à travers un modèle interactif où se retrouvent des partenaires actifs, qui, malgré
les différences qui les opposent ou les séparent, peuvent trouver des solutions de compromis
qui seront en même temps une occasion pour eux de pousser plus loin leur quête identitaire.
On est encore loin de la manifestation d’un véritable processus d’interculturation. Cela est un
peu inévitable dans nos sociétés qui ont construit, au cours de leur histoire, une réalité à la fois
matérielle, institutionnelle, symbolique sur laquelle elles ont fondé de plus en plus leurs assises.
Pourtant, face au flux migratoire constant qu’on observe actuellement, il n’est pas faux de
supposer que ces sociétés, dotées de caractéristiques déjà bien installées et instituées,
subiront les transformations inévitables que vont entraîner les échanges de plus en plus variés
entre individus et groupes issus d’univers différents.
C’est un peu dans cette perspective que nous avons osé proposer une vision quelque peu
utopique de la réalité interculturelle. Nous croyons que ce rôle incombe parfois aux chercheurs
qui veulent contribuer ainsi à faire rejaillir l'espoir, à surmonter les difficultés, à croire encore que
demain sera meilleur.
Bibliographie
Aboud, F. & Sherry, S.A. (1984). The development of ethnic attitudes. Journal of cross-cultural psychology,
15, 3-34.
Becvort, J.P. & Winnykamen, F. (1995). Représentations sociales et construction des images de Soi chez
des écolières de statut scolaire contrasté. Une étude interculturelle. Bulletin de Psychologie, 48(419),
400-408.
Berry,J.W., Poortinga, Y.H. et Panday, J. (Eds.) (1997). Handbook of Cross-Cultural Psychology. Vol. 1:
Theory and Method. Boston, Allyn and Bacon.
Blomart, J. & Krewer, B. (Éds.). (1994). Perspectives de l'interculturel. Paris: L'Harmattan.
Boucher, N., Doutreloux, A., Guilbert, L. & Lavallée, M. (1994). L’étude des relations interculturelles et les
projections socioculturelles, ou quand l’interculturel commence par nous-même... (pp. 55-66). In J.
Blomart & B. Krewer (Eds.) Perspectives de l'interculturel. Paris: L'Harmattan.
Camilleri, C. & Cohen-Emerique, M. (1989). Chocs de cultures: concepts et enjeux pratiques de
l’interculturel. Paris: L’Harmattan.
Camilleri, C., Kasterszein, J., Lipiansky, E.M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I. & Vasquez, A.
(1990). Stratégies identitaires. Paris: PUF.
Camilleri, C. (1985). Anthropologie culturelle et éducation. Lausanne: Delachaux & Niestlé, UNESCO.
Camilleri, C. & Vinsonneau, G. (1996). Psychologie et Culture. Paris: Colin.
Clanet, C. (1990). L’interculturel. Introduction aux approches interculturelles en Éducation et en Sciences
Humaines. Toulouse: Presses Universitaires du Mirail.
Coslin, P. & Winnykamen, F. (1994). Stéréotypes inter-ethniques et connaissances réciproques. (pp. 182-
193). Dans C. Labat & G. Vermès (Éds.). Cultures ouvertes, Sociétés interculturelles. Du contact à
l’interaction. Paris: L’Harmattan.
Fourier, M. & Vermès, G.(Éds.). (1994). Ethnicisation des rapports sociaux. Racismes, nationalismes,
ethnicismes et culturalismes. Paris: L’Harmattan.
Govindama, Y. (1995). Corps et médecine à l’Ile de la Réunion. Bulletin de Psychologie, 48(419), 321-331.
Jahoda, G. (1984). Do we need a concept of culture. Journal of Cross-Cultural Psychology, 15, 2,139-153.
Jahoda, G. (1993). The color of a chameleon: perspectives on concepts of culture. Culture Dynamics, 6, 3,
277-287.
Jahoda, G. & Krewer, B. (1997). History of cross-cultural and cultural psychology. In J.W. Berry, Y.H.
Poortinga et J. Panday (Eds.) (1997). Handbook of Cross-Cultural Psychology. Vol. 1: Theory and
Method. Boston, Allyn and Bacon.
9
Bulletin No 29 - Avril 1997
Krewer B., (1992). Kulturelle Identität und menschliche Selbsterforschung. Die Rolle von Kultur in der
positiven und reflexiven Bestimmung des Menschseins. Saarbrücken, Breitenbach.
Krewer, B. (1993). Psychologie transculturelle ou psychologie culturelle : l'homme entre une nature
universelle et des cultures spécifiques. (pp. 79-90). In F.Tanon et G. Vermès (Eds.). L'individu et ses
cultures. Paris: L'Harmattan.
Krewer, B. (1994). Soi et culture: des rencontres empirique, théorique et épistémologique. (pp. 162-189). In
J. Blomart & B. Krewer (Eds.) Perspectives de l'interculturel. Paris: L'Harmattan.
Labat, C. & Vermès, G. (Éds.). Cultures ouvertes, Sociétés interculturelles. Du contact à l’interaction.
Paris: L’Harmattan.
Laperrière, A., Compère, L., D’Khissy, M., Dolce, R. & Fleurant, N. (1990). Le tabou de la différence et ses
conséquences paradoxales. (pp.126-136). Dans M. Lavallée, F. Ouellet & F. Larose (Éds.). Identité,
changement social et culture. Paris:L’Harmattan.
Laperriere, Anne (1994). La construction sociale de l'identité ethnique en contextes multiethniques
contrastés.(pp. 194-207). In C. Labat & G.Vermès (Eds.) Cultures ouvertes, Sociétés interculturelles. Du
contact à l'interaction. Paris: L'Harmattan.
Lavallée, M., Ouellet, F. & Larose, F. (Éds.). (1991). Identité, culture et changement social. Paris:
L’Harmattan.
Lipianski, E.M. (1986). Identité, communication et rencontres interculturelles. Cahiers de sociologie
économique et culturelle, 5, 7-49.
Lipianski, E.M. (1992). Identité et communication. Paris: PUF.
Lonner, W. & Adamopoulos, J. (1997). Culture as antecedent to behavior. In J.W. Berry, Y.H. Poortinga et
J. Panday (Eds.) (1997). Handbook of Cross-Cultural Psychology. Vol. 1: Theory and Method. Boston,
Allyn and Bacon.
Malewska-Peyre, H. (1984), L’image de soi des jeunes immigrés. Bulletin de psychologie, 36(359), 363-
376.
Miller, J.G. (1997). Theoretical issues in cultural psychology. in: J.W. Berry, Y.H. Poortinga et J. Panday
(Eds.) (1997). Handbook of Cross-Cultural Psychology. Vol. 1: Theory and Method. Boston, Allyn and
Bacon.
Phinney, J. (1990). Ethnic identity in adolescents and adults. Psychological Bulletin, 108, 499-514.
Oriol, M. (1995). Le statut épistémologique des théories de l’identité. Bulletin de Psychologie, 48(419), 236-
242.
Philippe, C. & Varro, G. (1995). Négociation conjugale et contact des cultures (“ couples mixtes ”). .
Bulletin de Psychologie, 48(419), 313-320.
Poortinga, Y.H. (1993). La psychologie interculturelle et la démythification de la "culture". (pp. 98-111).
Dans F.Tanon & G. Vermès (Eds.). L'individu et ses cultures. Paris: L'Harmattan.
Rohner, R.P. (1984). Towards a conception of culture for Cross-Cultural Psychology. Journal of Cross-
Cultural Psychology, 15, 2, 111-138.
Segall, M. (1984). More than we need to know about culture, but are afraid not to ask. Journal of Cross-
Cultural Psychology, 15, 2, 153-163.
Schurmans, M.N. (1995). Acculturation et transaction sociale. Apports de la sociologie à la psychologie
interculturelle. . Bulletin de Psychologie, 48(419), 250-259.
Taboada Leonetti, I. (1990). Stratégies identitaires et minorités: le point de vue du sociologue. Dans
Camilleri, C., Kasterszein, J., Lipiansky, E.M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I. & Vasquez, A.
(1990). Stratégies identitaires. Paris: PUF.
Taboada Leonetti, I. (1995). Formes d’intégration/exclusion. Le chômeur et l’immigré: un même cadre
théorique? Bulletin de Psychologie, 48(419), 372-378.
Tabouret-Keller, A. (1994) De la culture idéale aux cultures de contact. (pp. 15-41). Dans C. Labat & G.
Vermès (Éds.). Cultures ouvertes, sociétés interculturelles. Du contact à l’interaction. Paris:
L’Harmattan.
Tanon, F. et Vermès, G. (Éds.). (1993). L'individu et ses cultures. Paris: L'Harmattan.
Vinsonneau, G. & Camilleri, C. (1987). Pour une approche en psychologie interculturelle: contribution à
l’étude de la dynamique identitaire du jeune immigré en France. In L’enfant entre deux cultures.
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 11-12, 475-483.
10
Bulletin No 29 - Avril 1997
L'Aric est une association internationale francophone multidisciplinaire dont un des objectifs est
de rassembler des intervenants et des chercheurs et ainsi offrir un forum de discussion où
chacun peut profiter de l'expérience des autres. Dans le domaine de l'enfance et de la
représentation de l'enfance, plusieurs intérêts et orientations ainsi se côtoient. Les intervenants
sont plus concernés par les applications immédiates et par l'analyse minutieuse des situations
d'inadaptation. Les chercheurs plus orientés vers une analyse méthodique des variants et des
universaux et par l'étude des facteurs qui induisent et maintiennent les spécificités de chaque
groupe. Mais au delà de cette divergence entre praticiens et chercheurs, les champs
disciplinaires sont variés: anthropologues, psychologues culturels, historiens, chacun
soumettant à la recherche ses propres questions. Les champs d'analyse sont vastes. Les uns
sont plus concernés par le développement de l'enfant dans des contextes non-occidentaux:
principalement l'Afrique mais aussi l'Afrique du Nord, le Maghreb. Les autres sont plus orientés
vers l'étude des enfants en situation d'immigration et quelques uns par la comparaison des
représentations de l'enfance et des pratiques éducatives parmi les différentes sociétés
modernes industrialisées.
La différence entre les groupes culturels, qu'ils vivent au sein d'un même société ou qu'ils vivent
dans des contextes écologiques et culturels très différents, a fait l'objet de nombreux exposés.
Les praticiens s'attardant à montrer en quoi les groupes sont différents et comment la
méconnaissance de ces différences peut induire des situations d'incompréhension mutuelles
menant parfois au drame. Ces informations ont le mérite de mettre à jour des aspects parfois
ignorés de la vie humaine, mais la méthode centrée sur l'analyse du problème et la
généralisation à partir de quelques cas peut parfois aussi induire des fausses représentations
sur ces groupes. Les chercheurs se sont plus intéressés à travailler dans des contextes de
normalité hors situation de détresse. La méthode comparative de deux ou plusieurs groupes
sans autre objectif que celui de situer clairement les différences pressenties par les cliniciens a
fait l'objet de nombreuses recherches qui maintenant tentent de déboucher sur une autre
génération de recherche, celle qui s'interroge sur la nature profonde des différences observées
en terme de signification propre à chaque culture, sur leurs déterminants, leurs effets et leurs
fonctions. Les apports de l'approche culturelle de la psychologie, les psychologues sociaux, les
anthropologues ainsi que les historiens sont de ce point de vue très utiles. La confrontation des
points de vue avec les praticiens et chercheurs originaires des pays de l'Afrique noire et de
l'Afrique du Nord est également un atout.
Je tenterais au cours de cette présentation de souligner quelques uns des problèmes qui sont
traités au sein de l'ARIC en m'appuyant notamment sur le groupe thématique qui a été animé
par Blandine Bril lors du congrès tenu à Saarbrücken en 1994, qui fera l'objet prochainement
d'un volume publié chez L'Harmattan.
Les études comparatives de plusieurs groupes culturels simultanément, en dehors de toute
problématique d'inadaptation, comme nous avons pu le faire à Montréal avec des mères
québécoises haïtiennes et vietnamiennes ayant un premier né de 9 mois ont permis de montrer
que ces variations ne relèvent pas seulement de la pathologie, de l'inadaptation et qu'elle n'en
produisent pas forcément au contraire (1994; Sabatier, Pomerleau, Malcuit, Saint-Laurent, &
Allard, 1990) La répétition de ce type de recherche avec d'autres groupes et dans d'autres pays
avec des méthodologies semblables a permis de montrer d'abord un premier grand axe qui
opposerait les parents provenants des classes moyennes des pays occidentaux avec les
autres pays du monde. Globalement les mères des classes moyennes des pays occidentaux
situent le développement pour ce qui concerne les aspects cognitifs et socio-cognitifs à un âge
plus précoce que les mères des pays traditionnels. Pour ce qui concerne les aspects moteurs,
ce serait l'inverse. Quand aux aspects perceptifs, par exemple voir et entendre, les résultats ne
sont pas aussi tranchés. Nous avons pu aussi montrer que les mères occidentales étaient très
éveillées au fait de la précocité du développement et qu'avec leur premier né elles étaient
sensibles à toute prémisse du développement confondant premiers signes de l'acquisition avec
l'acquisition elle -même.
11
Bulletin No 29 - Avril 1997
12
Bulletin No 29 - Avril 1997
et par le système scolaire des Pays-Bas. Ce travail fait alors apparaître la maladresse des
recherches comparatives qui s'inspirent des calendriers de développement établi à partir
d'échantillons occidentaux selon notre propre découpage.
Ainsi se dessine une autre voie de recherche, celle d'identifier pour chaque culture les unités de
sens au niveau des acquis du développement et des traits de la personnalité, l'âge auquel il est
attendu et la façon dont il va s'acquérir. Ce travail ne peut se faire que si on allie les deux
méthodes, celle de la psychologie culturelle ou de l'anthropologie qui excelle dans leur capacité
d'observer les unités de sens, et celles de la psychologie développementale interculturelle qui
sait mieux situer les différentes étapes du développement et d'établir des comparaisons.
Le lien entre les représentations et les pratiques a fait aussi l'objet de discussion au sein de
notre groupe.
Les psychologues ont tendance à penser que les représentations guident nos comportements à
l'égard de l'enfant, elles jouent un rôle important dans la relation parent-enfant. Les
représentations devant à coup sûr guider nos comportements ou du moins lui indiquer l'objectif
final. Ainsi nous nous attendons naturellement à trouver un lien corrélationnel entre les
représentations des parents et leurs pratiques éducatives. Les recherches comparatives
Japon-USA rapportées par Bril dans un livre de l'Aric qui doit sortir prochainement chez
l'Harmattan montre que ce type d'analyse est de pouvoir être établi. On a constaté que les
enfants japonais avait un niveau élevé en mathématiques très précocement comparativement
aux petits américains. On s'attendait donc naturellement à observer chez les mères japonaises
des représentations et des pratiques allant dans le sens d'une stimulation précoce dans ce
domaine. Les études montrent l'inverse. Les mères japonaises ne seraient pas du tout
orientées vers la stimulation précoce de cette habileté, alors que les mères américaines le sont.
Les travaux en France des psychologues sociaux ont montré à l'instar de Moscovi que les liens
entre comportements et représentations ne pouvaient s'étudier correctement que si on prenait
le soin de distinguer les différentes formes de représentations. Certaines représentations sont
en quelque sorte des guides directes et explicites de l'action. Dans ce cas l'action est
clairement indiquée et les liens entre comportement et représentations sont plus faciles à
identifier. Dans d'autres cas la représentation est plus générale, dans ce cas il bien difficile de
pouvoir identifier des liens directs.
Les anthropologues ou les ethnopsychologues proposent une autre façon d'envisager les
rapports entre représentation et comportement. L'ethnologue français Devereux (1949; 1968)
s'est opposé à l'idée de Kardiner que les comportements des parents formaient la personnalité
de l'enfant. Pour lui le regard que les parents portent sur l'enfant influence son caractère et sa
personnalité. Mais ni les comportements ni les représentations ne peuvent à eux seuls
expliquer le développement affectif de l'enfant. Il a montré que les Sedang et les Mohaves ont
des pratiques de sevrage identique, mais du fait de conceptions différentes de l'enfant et du lien
mère-enfant les effet sur l'enfant et sa personnalité sont différents. Pour cet auteur, il ne lui
semble pas intéressant d'étudier les liens entre les représentations et les pratiques et comment
l'un détermine l'autre, mais ce qui est intéressant c'est de comprendre l'action combinée de ces
deux aspects sur le développement de l'enfant.
Ravaosolo (1995) a mené sous la direction de Blandine Bril, une recherche sur la transmission
des savoirs reliés à l'acquisition d'un rituel à Madagascar. On a pu ainsi montrer un écart
important entre les dires des différentes impliquées dans ce processus: les maîtres de
cérémonie et les parents, mais aussi un écart important entre les dires et les actes de
comportement à l'égard de l'enfant. Les différentes observations ont ainsi montrer que c'est
plutôt l'analyse conjointe des dires et des comportements qui est intéressante pour expliquer ce
qui se passe que l'analyse des liens entre les dires et les comportements.
L'évolution des idées et les liens entre les connaissances populaires et les connaissances
scientifiques
Une façon de comprendre le rôle de la culture sur les conceptions du développement est de
pouvoir situer clairement l'évolution de nos idées et d'étudier les liens entre le savoir scientifique
et le savoir populaire
13
Bulletin No 29 - Avril 1997
14
Bulletin No 29 - Avril 1997
La culture structurant les modes perceptuels et relationnels des individus on peut se demander
si les modes de traitement de l'information perceptuels et les valeurs collectivistes ou
individualistes repérées chez les adultes ne viennent pas structurer non seulement les
pratiques éducatives mais aussi modifier les représentations du développement en dessinant
des objectifs de l'éducation.
En France, dans le cadre d'une recherche intraculturelle franco-française, Tourette (Tourette,
1991; Tourette & Sabatier, 1992) s'est demandée si les orientations dépendance-indépendance
du champ de la mère telles qu'identifiées par Witkin ne venant pas offrir un contexte particulier
pour le modelage des conduites notamment du développement perceptivo-moteur et langagier.
On peut se demander si les dimensions identifiées par Hofstede (1994) dans le cadre de la
psychologie organisationnelle notamment la dimension individualiste et collectiviste ne serait
pas aussi un support pour comprendre l'influence de la culture sur le développement de l'enfant.
Plusieurs travaux de recherche faits en France sur les pratiques éducatives des mères
immigrantes notamment des mères maghrébines (Balleyguier, Majunow, Godeau-Rebière, &
Mertan, 1994; Macary, 1995) indiquent des modes de structuration du lien mère-enfant et des
interactions enfant-enfant qui ne peuvent se comprendre que si on tient compte des fortes
valeurs collectivistes de ce groupe social opposé aux pratiques de socialisation plus centrées
sur l'autonomie de l'individu des familles françaises .
Conclusion
En somme, l'Association pour la recherche interculturel offre une plate-forme de réflexion dans
de nombreux domaines dont celui de l'étude des représentations de l'enfant. Ce thème
d'études a été animé de façon dynamique par Blandine Bril qui a su rassembler et faire discuter
des chercheurs et des praticiens d'horizons théoriques et méthodologiques différents. La
confrontation des points de vue permet quelque peu de faire avancer le domaine et se poser
des questions plus pointues. On est ainsi passé peu à peu de la description simple des
différences à un questionnement sur le lien des pratiques et des représentations et sur le rôle
du contexte et de la culture avec ses aspects philosophiques et symboliques ainsi que sur la
construction et le maintien avec les époques et l'acculturation des représentations de l'enfant.
On peut se l'imaginer ce travail n'en est encore qu'à ses balbutiements et de nouvelles pistes
doivent encore se dessiner
Références
Balleyguier, G., Majunow, B., Godeau-Rebière, H., & Mertan, B. (1994). Types d'attachement et étroitesse
du lien mère-enfant : comparaison de trois milieux sociaux et culturels. In M. Deleau & A. Weil-Barais
(Eds.), Le développement de l'enfant. Approches comparatives. (pp. 223-232). Paris: Presses
universitaires de France.
Boltanski, L. (1969). Prime éducation et morale de classe. Paris: Editions de l'école des hautes études en
sciences sociales.
Dasen, P., Barthélémy, D., Kan, E., Kuamé, K., Daouda, K., Ajdéi, K. K., & Assandé, N. (1985).
N'Glouele. L'intelligence chez les Baoulé. Archives de psychologie, 53, 293-324.
Devereux, G. (1949). Mohave voice and speech mannerism. Word, 5, 268-272.
Devereux, G. (1968). L'image de l'enfant dans deux tribus Mohave et Sedang et ses conséquences. Revue
de neuropsychiatrie infantile et d'hygiène mentale de l'enfant, 4, 25-35.
Hofstede, G. (1994). Vivre dans un monde multiculturel. Comprendre nos programations mentales. Paris:
Edition d'organisation.
Macary, P., Beaumatin, A. (1995). Pratiques et représentations sociales de mères d'origines française et
maghrébine. In Y. Prêteur & M. d. Léonardis (Eds.), Education familiale, image de soi et compétences
sociales Bruxelles: De Boeck Université.
Massé, R. (1991). La conception populaire de la conception parentale. Apprentissage et socialisation, 14,
279-290.
Mugny, G., & Carugati, F. (1989). Social representations of intelligence. Cambridge: Cambridge University
press.
Norimatsu, H. (1993). Development of child autonomy in eating and toilet training: one- to three-year-old
Japanese and French children. Early development and parenting, 2, 39-50.
15
Bulletin No 29 - Avril 1997
16
Bulletin No 29 - Avril 1997
1 La culture ethnique.
L'expression culture ethnique s'applique à des pratiques et à des croyances distinctes que
des gens originant d'un pays autre que celui où ils vivent présentement conservent en guise
d'attachement à ces origines. C'est une expression qui s'applique, par exemple, aux
Portugais immigrés en France, aux Grecs immigrés au Canada, aux Mexicains immigrés
aux USA.
Est-il possible de dégager, dans la pensée francophone en éducation interculturelle, une
conception dominante de ce qu'est la culture ethnique et, conséquemment, de l'espace à
accorder aux cultures ethniques dans l'école publique? Il n'y a certainement pas unanimité
de pensée à ce sujet, pas plus en éducation interculturelle francophone qu'en philosophie
ou dans les sciences sociales. Les conceptions du rapport de l'individu à sa culture
ethnique s'étalent sur un continuum. A une extrême de ce continuum se trouvent ceux qui
se considèrent obligés de vivre le plus intégralement possible suivant leur culture ethnique,
17
Bulletin No 29 - Avril 1997
18
Bulletin No 29 - Avril 1997
2 La culture scolaire.
19
Bulletin No 29 - Avril 1997
20
Bulletin No 29 - Avril 1997
France et au Québec montrent que les mesures d'exception accordées dans les limites du
raisonnable ne font pas l'unanimité dans la population. Au Canada, les pouvoirs publics et
les tribunaux se font les défenseurs de telles mesures. Même en France, où le pouvoir
public a voulu mettre fin à la tolérance à l'endroit du port du hijab, le ministre doit se
conformer aux principes de respect de la diversité religieuse proclamés par le Conseil
d'Etat. L'intervention des pouvoirs publics dans de tels débats ne balaie toutefois pas d'un
coup toutes les résistances ancrées dans la population qui sont encore fortes (Hohl, 1996).
3 La culture du pluralisme.
La recherche d'harmonie dans les rapports sociaux entre personnes appartenant à des
groupes distincts dans une même société et qui se reconnaissent comme tels interpelle
fortement l'éducation. Toute la problématique des rapports inter-groupes étudiée en
psychologie sociale pourrait être évoquée à ce propos (Brewer et Miller, 1996). La
recherche en éducation interculturelle montre à plusieurs signes qu'elle se soucie
maintenant de développer la valeur du pluralisme pour que les jeunes qui se réfèrent à des
appartenances distinctes soient encore capables non seulement de coexister en paix mais
aussi de coopérer dans une société d'interdépendance.
Il devient de plus en plus évident que la célébration des beautés respectives des cultures
ethniques dans les semaines interculturelles et dans les fêtes ethniques ne se transforme
pas d'elle-même en une volonté de coopérer dans les affaires courantes de la vie, surtout
celles où s'affrontent des intérêts concurrents. Bien qu'on ne songe pas à délaisser ces
célébrations, qui occupent en fait un espace restreint, l'idée s'impose progressivement que
ce n'est pas dans la contemplation mutuelle des cultures que se trouve la meilleure
ressource pour assurer l'interdépendance dans la vie commune. D'où la recherche
d'appuis plus solides que l'on pense trouver dans la culture du pluralisme.
Sa première composante est l'éducation aux droits humains: connaissance des Chartes,
apprentissage de comportements conformes aux principes d'égalité qu'elles énoncent,
habileté à déceler toutes les formes que prend le racisme et la discrimination. Il n'est pas
question de mettre en doute l'importance de cette forme d'éducation, mais il faut souligner
que l'éducation aux sroits ne vise que la protection des minorités et la lutte contre la
discrimination dont elles peuvent être victimes. Elle n'est qu'une partie de la culture du
pluralisme. Il lui manque le volet des devoirs de l'individu envers la société.
L'éducation à la citoyenneté est la composante la plus importante de la culture du
pluralisme. La citoyenneté est un statut auquel sont rattachés des droits, mais en pensant
citoyenneté, on pense aussi aux responsabilités et aux devoirs des individus envers leur
société. Dans le chemin tracé par le courant interculturel des deux dernières décennies, la
culture de la citoyenneté ne s'érige pas contre la diversité; elle cherche, au contraire, à
concilier les valeurs de la citoyenneté avec la diversité. S'il n'est pas encore possible, bien
entendu, de prédire ce qui va résulter de cette recherche, on peut au moins clarifier les
enjeux d'une conception de la citoyenneté qui serait ajustée aux exigences du pluralisme.
Ces enjeux se situent dans l'ordre identitaire et dans l'ordre de la participation à la vie
publique (Pagé, 1996).
Dans l'ordre identitaire, l'enjeu premier est celui de la signification que les gens doivent
donner à leur appartenance ethnique distincte dans leur identité de citoyen. Même en
contexte pluriethnique, l'identité de citoyen et de citoyenne réfère à des attributs communs,
partagés par tous, et non pas uniquement à des attributs distinctifs. D'où l'importance de
définir clairement comment vivre son identité distincte dans le domaine public, car il n'est
pas question d'occulter les identités. Mais comment la vivre de façon à ne pas rompre avec
ces attributs communs? La modération dans l'affirmation de son identité, valeur chère de la
pensée libérale, a un apport certain en ce sens (Spinner, 1995). Car la modération
identitaire n'est pas la renonciation à une identité sociale distincte; c'est
21
Bulletin No 29 - Avril 1997
22
Bulletin No 29 - Avril 1997
Références
Bissoondath, N. (1994). Le marché aux illusions. Montréal: Boréal/Liber.
Blondin, D. (1991). Les deux espèces humaines ou l'impossibilité de la communication interculturelle entre
les <<races>>, dans Ouellet, F. et Pagé, M. (Dir.), Pluriethnicité, éducation et société. Construire un
espace commun. Québec: Institut Québécois de Recherche sur la Culture, 485-510.
Bourgeault, G., Gagnon, F., McAndrew, M. et Pagé, M. (1995). La reconnaissance de la diversité culturelle
et religieuse à l'école dans une démocratie de tradition libérale. Revue européenne des migrations
internationales, 11, no 3, 79-104.
Brewer, M.B. (1993). The role of distinctiveness in social identity and group behaviour. Dans Mogg, H. et
Abrams, M. (Eds.), Group Motivation. London: Harvester/Wheatsheaf, 1-16.
Brewer, M. et Miller, N. (1996). Intergroup Relations. Buckingham: Open University Press.
Breton, R., Isajiw, W.W., Kalbach, M.E. et Reitz, J.G. (1990). Ethnic Identity and Equality. Toronto:
Toronto University Press.
Camilleri, C. (1990). Identité et gestion de la diversité culturelle: essai d'une typologie. Dans Camilleri, C.,
Karstersztein, J., Lipiansky, E.M., Malewska-Peyre, H., Taboada-Leonetti, I., Vasquez, A. Stratégies
identitaires. Paris: Presses Universitaires de France, 85-110.
Camilleri, C. et Vinsonneau, G. (1996). Psychologie et culture: concepts et méthodes. Paris: Armand
Colin.
Hohl, J. (1996). Résistance à la diversité culturelle au sein des institutions scolaires, dans Gagnon, F.,
McAndrew, M. et Pagé, M. (Dir.), Pluralisme, citoyenneté et éducation. Montréal: Harmattan, 337-348.
Kautz, S. (1995). Liberalism and Community. Ithaca, N.Y.: Cornell University Press.
Kymlicka, W. (1995). Multicultural Citizenship. New York: Oxford University Press.
Milot, M. et Ouellet, F. (Dir.,1995). Religion, éducation et démocratie. Montréal: Harmattan.
Pagé, M. (1996). Citoyenneté et pluralisme des valeurs, dans Gagnon, F., McAndrew, M. et Pagé, M.
(Dir.), Pluralisme, citoyenneté et éducation. Montréal: Harmattan, 165-188.
Sayegh, L. et Lasry, J.-C. (1994). Immigrants' Adaptation in Canada: Assimilation, Acculturation, and
Orthogonal Cultural Identification. Canadian Psychology/Psychologie Canadienne, 34, 1, 98-109.
Walzer, M. (1980). Basic Principles. New York: Basic Books.
Zak, I. (1973). Dimensions of Jewish-American identity. Psychological Reports, 38, 239-246.
23