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Ph. Ménard, p. 9
2
A. Dinaux, p. 510
3
D. Faulz, p. 260
4
S. F. Damon, p. 968
5
E. J. Mickel, p. 143
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étrangères y compris le latin, la maîtrise duquel au Moyen Âge était caractéristique pour
les ecclésiastiques, pour les clercs. C´est pourquoi certains savants la considèrent
comme une abbesse .
Maintenant je passe très brièvement aux oeuvres attribuées à Marie. Presque tous
les chercheurs aujourd’hui acceptent que Marie de France est l´auteur des trois oeuvres.
Par exemple, c’est le point de vue de Philippe Ménard, grand spécialiste de notre auteur,
aussi de la Dictionnaire du Moyen Age dirigé par Claude Gauvard, Alain de Libera,
Michel Zink. Ces trois oeuvres sont le recueil de 12 lais, et nous allons lire le Prologue de
ces lais, puis le recueil des fables très populaires à l’époque et le poème réligieux-
didactique l´Espurgatoire Seint Patriz. Mais il y a autre opinion celle de McCash et
Carla Rossi selon laquelle on attribue à Marie encore la Vie seinte Audree. Pour la
datation de ses oeuvres, elle provoque des discussions jusqu´à nos jours donc je n’en
parle pas.
En ce qui concerne l’Angleterre j’ai déjà dit que notre poétesse cree ces oeuvres
dans la mouvance de la cour d’Henri II, comme écrit Laurence Harf-Lancner « le plus
brillant foyer intellectuel du monde occidental au XIIe siècle »6. Donc la cour d’Henri II
c’est vraiment la cour florissant qui réunit les auteurs illustres de l’époque comme par
exemple Walter Map, Etienne de Fougère, Jean de Salisbury, les trouvères et les
troubadours qui viennent à la cour du roi et de sa femme, célèbre Alienor d’Aquitaine, et
je vous rappelle que cette Alienor est la petite-fille du premier troubadour, Guillaume IX
d’Aquitaine.
Donc c’était pour la personalité de Marie de France, ces oeuvres et la cour d’Henri
II Plantagenêt. Maintenant je passe au Prologue lui-même. En effet le Prologue écrit en
octosyllabes à rimes plates comme tous les autres oeuvres de notre poétesse ouvre le
recueil de 12 lais. Pourquoi j’ai choisi le Prologue pour mon commentaire d’aujoud’hui?
En fait, beaucoup de choses. Pour reprendre l’expression de Gérard Genette, la préface
est «un des lieux privilégiés de la dimension paradigmatique de l’oeuvre, c’est-à-dire de
son action sur le lecteur»7. Qu’est-ce que ça veut dire? Le prologue ou bien la préface est
un moment clé de l’oeuvre, c’est comme une porte. De plus nous avons déjà étudié
l’autre prologue celui de Chrétien de Troyes de Perceval donc cela peut être intéressant
6
L. Harf-Lancner, Dictionnaire de Moyen Age, p. 884
7
G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, éd. du Seuil, Paris, 1982, p.9
2
de comparer dans certains points ces deux incipits. Et de plus c’est juste dans le
Prologue, dans un des premiers méthotextes de la littérature vernaculaire Marie
formule son «projet littéraire»8. Nous nous tournons donc vers le Prologue.
8
R. Dragonetti, Le lai narratif de Marie de France, p. 99.
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Prologue Prologue
des aventures qu'il oïrent Mais je n’en aurais pas tiré grande estime
cil ki primes les comencierent car tant d’autre l’ont déjà fait!
e ki avant les enveierent. J’ai donc pensé aux lais que j’avais
Plusurs en ai oïz conter, entendus.
40nes vueil laisser ne obliër. Je savais en toute certitude
Rime en ai e fait ditié, 35que ceux qui avaient commencé à les
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dont nous avons déjà parlé et aussi peut-être le Roman d’Alexandre. Donc Marie comme
et Chrétien de Troyes souligne la supériorité de matière arthuriens, de matière de
Bretagne sur la matière antique. Et voila pourquoi la poétesse a envie d’écrire les lais
breton d’après «les contes dont» elle sais qu’ils sont vrais, «les contes dont les Breton
ont tiré leurs lais» comme dit Marie dans un de ses lais. Mais qu’est-ce que signifie ce
mot lai?
Le terme “lai” a des origines celtiques, la première mention de ce mot c’est une
mention en marge du manuscrit irlandais (Ulster) de IXe siècle, je cite ce manuscrit
«pour moi, en vérité, le merle agile chante son loîd9». Donc la première signification du
mot est un chant d’oiseau.
Selon le dictionnaire étymologique «lai, poème du moyen âge, d'abord
“compositions chantées par des jongleurs de la Grande-Bretagne”, XII -e. Empr. d'un
mot d'une langue celtique correspondant à l'irl. laid “chant, poème” »10. Mais ce qui est
intéressant à noter ce que la première signification du mot, celle chant d’oiseau est
conservé jusqu’au XIIe siècle et dans une canzone de Jaufré Rudel troubadour
contemporain à Marie on peut trouver le vers suivant: «voutas d’auzelhs e lays e critz»
c’est-à-dire «les ritournelles des oiseaux, leurs chants et leurs roulades». Mais
quand même le mot devient une nomination du genre et ce genre devient très populaire
en France et en Angleterre de XIIe à XIIIe ss. Gaston Paris, le chercheur français de XIXe
siècle donne cette définition célèbre des lais:
«Ce sont des contes d’aventure et d’amour, où figurent souvent des fées, des
merveilles, des transformation; on y parle plus d’une fois du pays de l’immortalité, de
cette île d’Avalon où les fées conduisent et retiennent les héros; on y mentionne Arthur,
dont la cour est parfois le théâtre du récit, et aussi Tristan... Ce sont en grande partie
débris d’une ancienne mythologie, d’ordinaire incomprise et presque méconnaissable;
les personnage des contes celtique sont naturellement transformés en chevaliers; il y
règne en général un ton tendre et mélancolique...»11.
C’est une définition vraiment trés poétique et romantique mais le problème c’est
qu’elle ne correspond entièrement que à un lai de Marie celui de Lanval. Mais ça c’est
9
J. Maillard, Evolution et esthétique du lai lyrique des origins à la fin du XIVe siècle, Publication de l’Institut
de Musicologie de l’Université de Paris, Paris, 1963, p. 24
10
O. Bloch, W. von Wartburg, Dictionnaire étymologique de la langue française, Paris, 1975, p. 358
11
G. Paris, La littérature française au moyen âge, Paris, 1888, p, 91
6
une autre histoire. Il y a des chercheurs qui pensent même que c’est Marie qui a écrit le
lai la première. Ce qui veut dire qu’elle créait ce genre, lai ou lai breton. En fait ce n’est
qu’une hypothèse mais nous pouvons dire avec une certitude que notre poétesse créer
l’ensemble des lais bretons, douze lais qui constituent sa Courtly Comedy12.
Et moi, je passe très vite à ma troisième souspartie, la dédicace au roi.
Une dédicace au roi est aussi un topos. C’est Roger Dragonetti qui dit en
analysant le Prologue de Marie qu’il ne faut pas trouver le roi réel, le roi historique
parce que en fait c’est roi ce n’est qu’une «figure de Dieu» 13 . «Ainsi, - je cite, -
conformément aux conventions de l’éloge, la rhétorique de la dédicace ne retient
absolument rien de la personne historique du roi»14. C’est le point de vue de Roger
Dragonetti, mais ce n’est pas tout à fait mon avis. On peut rappeler même Philippe de
Flandre chez Chrétien de Troyes: est-ce vraiment c’est la figure du dieu? Mais je ne veut
pas dire aussi que le portrait du roi c’est le portrait du roi réel. Arthur dans les romans
bretons aussi bien que Philippe de Chrétien et le roi de Marie qui est sans doute Henri II
Plantagenêt sont les rois de fiction, des rois disons imaginaires mais ils restent
quand même les rois avec ces traits caractéristiques et à mon avis le roi de Marie est un
roi plutôt courtois tandis que le roi de Chrétien de Troyes est le roi plutôt chrétien.
J’ai essayé donc de montrer que le Prologue de Marie est encore très lié à la
culture chrétienne, on peut y voir la référence à la parabole des talents, aux idées de
saint Augustin et à l’exégèse. Le deuxième mot du Prologue c’est celui de Deus (cas sujet
du Dieu). Il est à noter que Chrétien de Troyes utilise ce mot dans le Prologue de
Perceval 5 fois. Je ne veut pas dire que Chrétien est cinq fois plus chrétien que Marie,
pas du tout mais ce que je veux dire c’est que si Chrétien dans son Prologue met en
valeur la culture biblique avec les citations de l’Evangile et de saint Paul, Marie met en
valeur soi-même et son travail intellectuel. Si Chrétien de Troyes parle de soi c’est
toujour en troisième personne je cite par exemple v. 7: Crestiiens seme et fet semance ou
bien v. 62: Crestiiens, qui autant et painne... Une seule fois Chrétien dit «je» en v. 49:
Sainz Pos le dit et je le lui mais son «je» est à côté de telle autorité je dirai auctoritas
comme saint Paul tandis que Marie dans son Prologue utilise beaucoup de verbes de
12
S. F. Damon, p. 995.
13
R. Dragonetti, Le lai narratif de Marie de France, p. 104
14
Op. cit.
7
première personne, elle nous initie à son projet littéraire, poétesse se plaint même
qu’elle a souvent veillé en écrivant ses lais.
Et même si Marie nous dit qu’elle a fait ces lais pour garder des lais folkloriques,
des lais des Bretons anciens qu’elle a entendu jadis, réellement elle pense de soi, elle ne
veut pas que son nom tombe dans l’oubli, la poétesse est altérée de gloire. Et cette voix
d’auteur est bien nouvelle pour la littérature médiévale.