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L’Esprit Universel de l’Islam.

L’excellence de la Révélation muhammadienne, telle qu’elle a été évoquée


à la fin du chapitre précédent, est essentiellement liée à la Lumière
universelle du Prophète – qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa
Paix ! Cette lumière ne s’est manifestée de manière complète, dans le
monde extérieur et sensible, que par le fait de sa naissance corporelle (1).
Durant toute la période cyclique antérieure, elle était demeurée voilée,
purement spirituelle et intérieure, du moins en tant que telle ; elle
n’apparaissait au dehors qu’en mode indirect, en tant que source de la
science et de l’inspiration des prophètes et des envoyés, considérés alors
comme les « représentants » (nuwwâb) ou les « chambellans » (hajaba)
(2) de l’Esprit muhammadien (ar-Rûh al-muhammadî) : « Allâh manifesta
Muhammad – sur lui la Grâce et la Paix ! – en tant que corps et en tant
qu’esprit, en mode sensible en vertu du Nom « l’Extérieur ». Sa Loi sacrée
(sharî’a) abrogea alors ce qu’Allâh voulut qu’elle abrogeât et maintint ce
qu’Allâh voulut qu’elle maintînt » (3) ; et encore : « Lorsque vint le temps
de la manifestation de son corps très pur – qu’Allâh répande sur lui Sa
Grâce unitive et Sa Paix ! – le pouvoir statutaire (hukm) de ses
représentants ne subsista plus. » (4)

La souveraineté universelle de la Loi islamique implique, en effet,


l’apparition d’un statut nouveau, définitif et irrévocable dans le domaine
des formes extérieures et de l’agir, empêchant tout « mélange » avec les
traditions antérieures et comportant le pouvoir d’abroger, de confirmer, ou
de soumettre à un statut spécial ce qui en subsiste. Ce privilège
providentiel ne se justifie, du point de vue métaphysique, que par
l’obligation complémentaire, à charge de la communauté islamique, de
professer une Foi elle aussi une, universelle et globale dans l’ensemble
des révélations divines qui, depuis son origine, ont été faites en ce monde
et pour lui. A l’unité de la Science principielle correspond ainsi dans le
domaine de la manifestation, l’unicité de la Doctrine immuable qui assure
la direction permanente de tout le domaine traditionnel et maintient sa
cohérence. Le musulman croit, et a l’obligation de croire, à tout ce que les
prophètes antérieurs ont communiqué aux hommes par voie d’inspiration
divine, y compris dans le domaine de l’agir, tout en suivant exclusivement
et scrupuleusement les prescriptions constitutives de la Loi
muhammadienne : « Les lois sacrées (sharâ’i’) sont toutes des lumières.
La loi de Muhammad – qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix
! – est parmi ces lumières comme le soleil (5) : les lumières des planètes
sont à la fois présentes et cachées, ce qui est comparable aux abrogations
opérées par sa loi – sur lui la Grâce et la Paix ! – en dépit de la présence
des Lois antérieures. C’est pourquoi cette Loi universelle qui est nôtre
implique nécessairement pour nous la Foi en l’ensemble des prophètes ;
nous devons croire que les Lois qu’ils ont communiquées sont l’expression
d’un Droit sacré véritable (haqq) (6). Leur abrogation ne signifie
nullement qu’elles sont mensongères : cette dernière opinion est celle des
ignorants ! » (7)

Inversement, du fait même que les prophètes et les envoyés ont tous
puisé leur inspiration et leur science à la lumière de l’Esprit
muhammadien, le passage à l’Islam de ceux qui suivaient précédemment
d’autres formes traditionnelles ne constitue en aucune manière, selon Ibn
Arabî, un changement de religion : « (Le Prophète) – sur lui la Grâce et la
Paix ! – n’a appelé les hommes à rien d’autre qu’à l’Islam. Les savants
exotéristes (‘ulamâ ar-rusûm) estiment qu’il leur a été ordonné ainsi de
changer de religion alors que, pour nous, ce n’est pas du tout de cela qu’il
s’agit. En effet, les Chrétiens et (de manière générale) tous les « Gens des
Livres » (révélés) ne changent aucunement de religion lorsqu’ils se font
Musulmans ; et cela, parce que la religion qu’ils suivaient impliquait la
réalité la Foi en Muhammad – qu’Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et
Sa Paix ! – ainsi que l’entrée dans sa Loi à partir du moment où il a été
lui-même envoyé aux hommes (8). Sa risâla est universelle, de telle sorte
que personne d’entre les « gens de la Religion » (ahl ad-Dîn) n’a jamais
changé la sienne en devenant Musulman. Comprends donc ! » (9)

La relation qui a été relevée au cours de la présente étude entre la


fonction de l’Esprit et la notion de forme s’applique dès lors, d’une façon
directe, aux rapports de la tradition islamique avec l’ensemble des autres
formes traditionnelles : à l’Esprit universel du Prophète – sur lui la Grâce
et la Paix ! – correspond nécessairement l’existenciation de la forme
parfaite qui est celle de l’Islam. Envisagé en tant que Verbe, l’Essence est,
par essence, indépendant de toute détermination particulière (10) ; il n’en
demeure pas moins, comme nous l’avons vu, que les formes de sa
manifestation sont douées d’excellence les unes par rapport aux autres.
De manière analogue, on observe, dans le domaine des formes
géométriques planes, une certaine excellence du cercle que ne possèdent
ni l’hexagone, ni le carré, ni aucune autre forme, qu’elle soit polygonale
ou non (11) : « La forme circulaire est la plus excellente et occupe, dans
le domaine des formes, le même rang que l’alif parmi les lettres : elle
inclut l’ensemble des formes (12) tout comme la lettre alif inclut
l’ensemble des lettres » (13). L’excellence de l’Islam est liée, dans cette
perspective, à une affirmation explicite, exprimée en vertu d’une
inspiration divine sur le plan formel lui-même, de l’unité et de
l’universalité de tout le domaine traditionnel.

L’Esprit universel de l’Islam est la manifestation suprême de la


miséricorde d’Allâh, qui s’étend à tous les êtres : tout d’abord aux
prophètes et aux envoyés, par le fait qu’ils ont uniquement la charge de la
communication de l’Ordre et du Message divins, non celle d’inspirer la Foi
dans les cœurs. Cette restriction constitue une excuse pour eux lorsque
l’Ordre d’Allâh transmis par leur intermédiaire n’est pas suivi d’effet et
obéi (14).

Ensuite aux destinataires du Message, auxquels Allâh, par pur don de Sa


miséricorde, communique Ses Signes qui ne sont autre que Lui-même :
« Dis : « les Signes sont uniquement auprès d’Allâh » » (Cor.6.109). Dans
le cas de l’Islam au sens strict, il s’agit, au premier chef, de l’inimitabilité
du Coran (i’jâz), signe divin de la véridicité du Prophète, tout au moins
pour les Arabes : ceux-ci sont seuls à pouvoir reconnaître ce signe ce
signe du fait que le Coran a été révélé dans leur langue (15). S’agissant
des non-Arabes, c’est plutôt l’universalité du Message provenant du
Seigneur des Mondes qui constitue le signe par excellence : « (Le
Prophète) n’était qu’un illettré (ummiyyan) parmi d’autres ; et voilà qu’il
leur communiquait de la part d’Allâh, des choses dont ils savaient que nul
envoyé qualifié de la sorte ne pouvait connaître, si ce n’est par l’effet d’un
enseignement divin… Le Coran mentionnait ce qu’avaient mentionné les
Livres sacrés antérieurs, et le Prophète n’avait la science de leur contenu
que par le Coran. Les Juifs, les Chrétiens et ceux qui étaient détenteurs de
tels Livres le savaient fort bien : le signe leur venait donc de la part
d’Allâh, puisque le Coran lui-même venait « d’auprès de Lui ». » (16)

Enfin, et ceci n’est pas le moins étonnant, l’Esprit universel muhammadien


comporte un aspect de miséricorde à l’égard de ceux qui refusent de
croire à la risâla de l’Envoyé – sur lui la Grâce et la Paix ! On rapporte que
celui-ci, confronté à l’opposition acharnée de certaines tribus arabes, avait
résolu de faire des invocations contre elles au cours de chaque prière
obligatoire (17), durant un mois entier. Mais alors, « Allâh, sachant qu’Il
exauçait (Son Prophète) chaque fois que ce dernier L’invoquait, agit par
voie d’inspiration et lui fit défense de continuer ces invocations : c’était là
une façon de maintenir leur existence, et une miséricorde qui leur était
faite. En même temps, Il révéla : « Nous t’avons envoyé uniquement
comme une miséricorde pour les mondes » (Cor.21.107), c’est-à-dire :
« pour que tu leur soit miséricordieux ». En effet, le Prophète a été
envoyé aux hommes dans leur totalité (18) pour qu’il leur soit
miséricordieux selon les diverses formes de la miséricorde, et notamment
en invoquant (Dieu) en leur faveur pour qu’Il leur accorde le succès et la
guidance ; c’est pourquoi il disait – sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! – :
« O Allâhumma, guide ceux qui font partie de mon peuple, car ils ne
savent pas ! » » (19). Certes la référence aux « mondes » autorise une
interprétation purement métaphysique du verset cité : la miséricorde
universelle est identifiée à la haqîqa muhammadiyya, c’est-à-dire la réalité
principielle et transcendante du Prophète – qu’Allâh répande sur lui Sa
Grâce unitive et Sa Paix ! (20) cependant, dans le présent commentaire,
le Cheikh al-Akbar tient compte uniquement des circonstances qui
entourent la révélation du verset : la miséricorde est envisagé en tant
qu’elle s’applique à la manifestation temporelle de Muhammad et à son
attitude à l’égard de ceux qui lui témoignent leur hostilité. Ce point de vue
souligne, mieux encore que le précédent, l’importance traditionnelle du
« voile de servitude » sous l’apparence duquel le Verbe éternel fut
existencié en Islam, de telle sorte que l’excellence est attribuée, sur le
plan formel, moins à la personne de Muhammad qu’à la fonction divine
qu’il représente.

Au dernier verset de la Sourate de la Caverne, le Très-Haut ordonne à Son


Prophète de dire : « Je suis uniquement une créature humaine (bashar)
semblable à vous. Il m’a été inspiré que votre Divinité est une Divinité
unique ». Selon le Cheikh al-Akbar (21), la mention de l’inspiration fait
référence, ici également, à la fonction prophétique, tandis que celle de la
bashariyya « contient un enseignement pour nous » (22) : celui de
respecter les convenances spirituelles aussi parfaitement que le Prophète
– sur lui la Grâce et la Paix ! – les a respectées lui-même.

Le Très-Haut a dit également, après avoir mentionné les prophètes


antérieurs – sur eux la Paix ! – « Ceux-là sont ceux qu’Allâh a guidés :
conforme-toi donc à leur Guidance » (Cor.6.90). En effet, « Leur guidance
provenait d’Allâh. Elle n’était autre que sa propre Loi sacrée – qu’Allâh
répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! C’est-à-dire : « Tiens-toi
fermement à ta propre Loi avec laquelle tes lieutenants sont établis avant
toi pour établir la Religion » ; « et n’y introduisez pas de séparation ! »
(Cor.42.13) » (23). La distinction de la fonction et de la personne apparaît
ici dans le fait qu’il est dit : « Conforme-toi à leur Guidance », et non :
« Conforme-toi à eux », tandis que la Parole : « n’y introduisez pas de
séparation » est considérée par le Cheikh comme une indication de l’unité
métaphysique de toutes les formes traditionnelles (ahadiyyat ash-
sharâ’i’).

Si le Prophète a dit : « Je suis le seigneur (sayyid) des Fils d’Adam… », il a


ajouté aussitôt : « … et sans vaine gloire » (wa lâ fakhra) ; toujours selon
le Cheikh : « Il a nié qu’il cherchait à en tirer gloire, puis il a mentionné la
fonction (rutba) à laquelle appartient véritablement l’honneur, fonction
dont il n’était que l’interprète et qui lui faisait tenir ce langage :
l’Intercession et la Station Louangée (al-maqâm al-mahmûd) (24). C’est
toujours à la fonction, et non pas à nous-même, qu’appartient
l’honneur. » (25) Le plus grand des Maîtres a dit encore : « Si l’on objecte
(lorsque nous faisons état de la royauté et de la seigneurie universelles du
Prophète) qu’il a dit de lui-même : « Ne me conférez aucune
excellence ! », nous répondons que ce n’est pas à nous qu’il appartient de
le faire ! » (26)

O Allâhumma, accomplis une Grâce parfaite et une salutation de Paix


complète
Sur un Prophète par lequel les nœuds sont défaits, les tristesses
soulagées, et les besoins satisfaits, les désirs atteints, ainsi que les
meilleurs fins,
Et par le visage généreux duquel le nuage est amené à pleuvoir (27) ; de
même sur sa Famille et ses Compagnons en tout instant et en tout souffle,
autant de fois qu’il y aura de choses connues (ma’lûm) de Toi.
Gloire à la Transcendance de ton Seigneur, le Seigneur de l’Elévation hors
de l’atteinte de ce qu’ils attribuent !
Que la Paix soit sur les Envoyés !
Et Louange à Allah le Seigneur des Mondes ! (28).

(1) C’est là que réside la justification métaphysique de la célébration du


Mawlid ou fête de la naissance du Prophète – sur lui la Grâce et la Paix !
(2) Ce mot désigne les « gardiens de la porte », mais sa racine comporte
aussi le sens de « voile » (hijâb).
(3) Futûhât, chap.12.
(4) Ibid., chap.42.
(5) Il ne s’agit pas d’une simple image, mais d’un symbolisme précis lié à
la fonction solaire de sayyidnâ Idrîs, ce que confirme l’indication
complémentaire donnée aussitôt, selon laquelle les Lois antérieures à
l’Islam sont compatibles aux « lumières des planètes ».
(6) Ceci est lié selon Ibn Arabî, à la fonction de la Pierre Noire qui, au Jour
du Jugement, témoignera en faveur de ceux qui l’auront « touchée avec
vérité », c’est-à-dire qui auront été fidèles au Pacte primordial conclu
entre Allâh et les « descendants d’Adam », quelle que soit la Loi sacrée
qu’ils auront suivie.
(7) Futûhât, chap.339.
(8) L’Islam est l’expression directe et la plus parfaite, parmi toutes celles
qui subsistent encore aujourd’hui, de la Religion Immuable qui a été
donnée aux hommes dès l’origine. C’est pourquoi toute incompréhension
manifestée à l’égard de l’Islam à partir d’une forme traditionnelle
antérieure s’accompagne nécessairement d’une incompréhension
concordante de l’un ou l’autre aspect essentiel que cette forme comporte.
Cependant, au strict point de vue du Droit divin, seule demeure la Loi
muhammadienne dont la juridiction s’étend, en principe, à l’ensemble du
domaine traditionnel.
(9) Ibid., chap.495. L’entrée en Islam n’est donc pas une conversion au
sens courant du terme.
(10) Cette indépendance explique que le Christ puisse paraître, à certains
points de vue, comme « supérieur » au Prophète. En tant que Verbe, il est
considéré en en effet comme une hypostase immédiate du Principe
suprême. L’Esprit, dont la fonction est plus « circonstanciée », apparaît
alors comme procédant du Verbe : « l’Esprit procède du Commandement
de mon Seigneur (min Amri Rabbî) ; cette perspective métaphysique est
reflétée, en théologie chrétienne, par la doctrine du filioque. En revanche,
en tant qu’il est lui-même une manifestation ou une révélation particulière
de l’Esprit universel, expression suprême de la Science divine essentielle,
le Christ apparaît en position inférieure par rapport à ce dernier. On
constate à ce propos, une fois de plus, combien de formules utilisées dans
le Coran sont nuancées et précises, puisque le Christ y est désigné par les
termes Kalimatu-Hu wa Rûhun min-Hu : « Son Verbe » et « Un Esprit
procédant de Lui » (Cor.4.171). Dans ces deux expressions, le pronom de
la troisième personne Hu, est, grammaticalement, celui de la « personne
absente » et, symboliquement, celui du mystère de l’Essence suprême. On
remarque donc que le Christ est rattaché à l’Essence de manière directe
en tant que Verbe et indirecte en tant qu’Esprit, car la particule min
implique une certaine idée de dépendance, de spécification et partition.
Quant à l’expression Rûhu-Hu (Son Esprit) qui rattache l’Esprit
directement à l’Essence et qui, comme celle de Kalimatu-Hu, n’intervient
qu’une seule fois dans le texte sacré (cf. Cor.4.171 et 32.9), elle se
rapporte non pas au Christ, mais bien à l’excellence de l’Esprit
muhammadien, ce que Qâchânî indique clairement dans son commentaire.
Cela dit, il convient de rappeler que, aussi bien dans l’expression
coranique ar-Rûh min Amri Rabbî que dans les termes Rûhun min-Hu, la
particule min peut être considérée comme indicative d’une identité : selon
la réalité véritable, le Verbe et l’Esprit sont un, étant identiques à
l’Essence même d’Allâh. Dans cette perspective, la « supériorité de
l’Esprit » subsiste encore, mais ne peut plus se comprendre que par
référence à la manifestation de la Forme parfaite qui est celle de l’Homme
Universel au terme de la phase « descendante » de sa réalisation.
(11) Toute figure reflète un aspect du Principe, mais le cercle est seul à
exprimer son caractère « englobant » et totalisateur, lié à l’attribut divin
de Science. C’est pourquoi le cercle est, par excellence, la figure
géométrique de l’Esprit.
(12) Toute figure complexe ou irrégulière peut-être ramenée à une figure
simple, et toute figure simple et régulière peut être ramenée au cercle qui
est à la fois son origine et sa limite.
(13) Futûhât, chap.295.
(14) Ibid., chap.337.
(15) Ibid.
(16) Ibid.
(17) Ce type d’invocation rituelle est appelé qunût.
(18) Allusion à Cor.34.28. Cette totalité comporte un aspect de
succession : l’ensemble des hommes depuis l’origine de l’humanité ; et un
aspect de simultanéité : l’ensemble des hommes depuis que la Loi
islamique a été proclamée.
(19) Futûhât, chap.382.
(20) Dans le Kitâb al-Mawâqif (Mawqif 89), l’émir Abd al-Qâdir l’Algérien
prend appui sur ce verset pour développer une doctrine complète de
l’Esprit universel muhammadien et de ses symboles coraniques.
(21) Futûhât, chap.351.
(22) C’est-à-dire, avant tout, pour ceux qui ont atteint en Islam la
réalisation métaphysique suprême.
(23) Ibid., chap.10. Dans le contexte du présent chapitre, on notera avec
une particulière attention que la défense divine faite au Prophète
d’invoquer contre ceux qui s’opposaient à lui, et l’obligation concordante
de témoigner à leur égard de la miséricorde, sont considérés par le Cheikh
al-Akbar, au chapitre 400 des Futûhât, comme faisant partie de la
« Guidance de Jésus » (Hudâ ‘Îsâ). On remarque effectivement une
certaine analogie entre le hadîth cité plus haut : « O Allâhumma, guide
ceux qui font partie de mon peuple, car ils ne savent pas ! » et la parole
du Christ en croix : « Mon Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce
qu’ils font » (Luc, 23.34). Ibn Arabî mentionne aussi le fait que le
Prophète – sur lui la Grâce et la Paix ! – avait passé toute une nuit à
méditer une parole coranique attribuée à sayyidnâ ‘Îsâ : « Si Tu les
châties, cependant ils sont Tes serviteurs ! Et si tu leur pardonnes, en
vérité c’est Toi qui est l’Inaccessible, le Sage » (Cor.5.118) ; Cf. Le Livre
des Chatons de Sagesses, p.419-422.
(24) Futûhât, chap.351.
(25) La fonction d’intercession que le Prophète mentionna en cette
circonstance et qu’il mit en relation avec sa « seigneurie » est explicitée
dans le hadîth : « Pour tout prophète, il y a une demande exaucée.
Chaque prophète s’est empressé de formuler la sienne, alors que moi j’ai
tenu la mienne cachée : il s’agit de l’intercession en faveur des grands
pêcheurs de ma communauté ». Il faut bien voir qu’il s’agit en
l’occurrence de l’Intercession ultime et suprême annoncée par la parole
divine : « Les anges ont intercédé, les prophètes ont intercédé, les
croyants ont intercédé : seul demeure le plus Miséricordieux des
Miséricordieux (arhamu-r-râhimîn) ». La seigneurie universelle du
Prophète apparaîtra donc, dans l’autre monde, non seulement comme un
« retournement » de la parfaite servitude qu’il aura assumée en celui-ci,
mais aussi comme la manifestation plénière de sa miséricorde.
(26) Ibid., chap.10.
(27) La pluie qui se répand avec une égale abondance « sur les bons et
sur les méchants » est un symbole de la Miséricorde universelle.
(28) Cette prière, connue sous le nom de « Prière ignée », est considérée
comme faisant partie des « Trésors d’Allâh ».

(Charles-André Gilis, L’Esprit Universel de l’Islam, chap. XXII, p.203-213)

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