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DU et la construction de la paix
Editorial
Un réseau francophone
d’information sur les armes légères
2 LA LETTRE DU RAFAL
Réseau africain francophone sur les armes légères, pour la prévention des conflits
et la construction de la paix
Charte du RAFAL
1. Préambule tion dans des conflits locaux, collectent et détruisent
La présente charte expose la mission, les objec- des armes, échangent leurs expériences. Elles se
tifs, les activités et le fonctionnement du Réseau afri- structurent également au niveau sous-régional avec
cain francophone sur les armes légères (RAFAL). la création du Réseau d’action sur les armes légères
Tous les membres du RAFAL souscrivent à cette char- en Afrique de l’Ouest (RASALAO fondé à Accra le
te et en acceptent les termes. Tout nouveau membre 21 mai 2002) et avec le Réseau sous-régional de
devra préalablement en prendre connaissance et y IANSA pour la Corne de l’Afrique et la région des
souscrire par écrit. Grands Lacs (lancé à Nairobi le 27 mars 2002).
Cette charte s’applique du 1er décembre 2002 Du fait de cette prise de conscience et de l’inquié-
au 30 juin 2004. tante facilité d’accès aux armes légères, les conflits
et la criminalité ne sont plus perçus comme des ques-
2. Contexte tions où les militaires et la police détiennent un mo-
Plus de 500.000 personnes meurent chaque an- nopole de fait. Beaucoup d’informations et d’expé-
née des suites d’un conflit armé, et on dénombre riences transitent maintenant par la société civile.
deux à six fois plus de blessés. Selon les différentes Toutefois, ce matériel exceptionnel est souvent peu
informations, 50 à 70% de ces victimes sont frap- mis en valeur, sous-exploité et circule mal. Du fait
pées lors de conflits locaux par des armes légères, du manque de moyens financiers et électroniques
LA CHARTE
qui ne sont contrôlées par aucun traité internatio- et de la faiblesse des capacités d’édition et de dif-
nal et dont la prolifération n’est que trop rarement fusion, les problèmes se posent avec encore plus
entravée par les législations nationales. d’acuité au sein des pays francophones. Bien qu’el-
Dans les pays du Sud, qu’il s’agisse de conflits les participent activement aux deux réseaux sous-
armés ou de criminalité, les armes légères sont le régionaux, les ONG francophones ont besoin d’un
plus souvent les armes des pauvres contre les pau- soutien plus affirmé en matière de recherche, d’ac-
vres : c’est donc sans surprise qu’on y retrouve le cès à la publication et de diffusion dans leur propre
plus grand nombre de victimes des 550 millions pays et à l’étranger.
d’armes légères en circulation de par le monde. Et
l’Afrique, qui offre la plus grande concentration de 3. Mission
nations très pauvres, paie un des plus lourds tributs Le RAFAL est un instrument d’échange d’infor-
à ce fléau. Au Congo, au Soudan, en Somalie, au mation, de recherche, de formation, de publication
Libéria mais aussi, on le sait moins, au Zimbabwe, et de diffusion en vue de renforcer les capacités de
en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. la société civile africaine francophone. Le but pour-
Bien sûr, les armes légères ne sont pas la cause suivi est d’améliorer les connaissances communes
première de ces affrontements. Des désaccords, des en matière de prolifération des armes légères dans
conflits, il y en a toujours eu au cours de l’histoire une perspective de prévention des conflits et de cons-
des hommes. Mais on sait aujourd’hui qu’une situa- truction de la paix en Afrique.
tion de crise débouchera plus facilement sur un con- Le RAFAL n’a pas pour but de financer les acti-
flit violent si des armes sont disponibles. Leur présen- vités de ses membres.
ce en nombre aux mains de milices, de gangs, de
factions, de groupes d’autodéfense rend rapidement 4. Objectifs
la situation incontrôlable. Les objectifs du réseau, définis en concertation
La communauté internationale commence à se avec ses membres, sont les suivants :
rendre compte du danger. Les Nations unies ont 1. Produire, publier et diffuser des documents
adopté un Plan d’action sur les armes légères en originaux sur trois thèmes :
juillet 2001. Les dirigeants politiques de 15 pays - les armes légères en Afrique et la lutte con-
ouest-africains ont fait un premier pas fort remar- tre leur prolifération,
qué en adoptant un moratoire sur la production, - la prévention des conflits en Afrique,
l’exportation et l’importation d’armes légères en oc- - la construction de la paix.
tobre 1998 et en le renouvelant pour trois ans en 2. Collecter et diffuser les informations pertinen-
juillet 2001. tes sur ces thèmes parmi les membres.
Dans la foulée de ces initiatives internationales, 3. Publier et diffuser une lettre d’information
la société civile africaine se montre particulièrement commune.
active dans la mobilisation des énergies pour lutter 4. Promouvoir la formation des acteurs de la so-
contre la prolifération et la circulation illicite des ar- ciété civile amenés à traiter ces thèmes.
mes légères sur le continent. Des ONG sensibilisent 5. Echanger les expériences pertinentes concer-
la population, interpellent leurs gouvernements et nant les initiatives, les échecs et les bonnes
leurs responsables militaires, proposent leur média- pratiques sur les thèmes traités.
LA LETTRE DU RAFAL 3
6. Repérer et identifier une série d’actions sus- solution des conflits, surtout dans les pays en déve-
ceptibles de favoriser la maîtrise des armes loppement (et en particulier l’Afrique subsaha-
légères en Afrique. rienne). Deux des aspects sur lesquels s’est spécia-
7. Dans chaque pays, faire connaître le réseau lisé le GRIP concernent la prolifération des armes
et ses membres. légères et le contrôle des transferts d’armes.
Le GRIP est un centre de recherche basé à Bruxel-
5. Fonctionnement les et, à ce titre, n’est pas membre du RAFAL. En re-
Afin d’assurer son fonctionnement, le réseau vanche, il apporte, dans la mesure des moyens dis-
adopte la structure suivante : ponibles, son soutien à la mission et aux objectifs
1. Les membres adhérents du RAFAL regroupent du RAFAL, son appui intellectuel et sa coordination
toute organisation non gouvernementale technique dans le but de faciliter le fonctionnement
(ONG) appartenant à la société civile des du réseau et la réalisation de ses activités.
pays africains francophones et marquant un De ce fait, il participe de façon consultative aux
intérêt sincère pour les problématiques rele- Rencontres annuelles et aux réunions du Comité de
vant de la mission du réseau. Ils sont informés pilotage.
des activités du RAFAL et de la situation inter- En outre, le GRIP :
nationale en matière d’armes légères. Ils ont 1. s’engage à être à l’écoute des membres, spé-
un accès privilégié au Site web et au Forum cialement lors des rencontres annuelles, des
de discussion du RAFAL. Selon leurs capaci- réunions du Comité de pilotage et en perma-
tés, leurs centres d’intérêt et les moyens dispo- nence à travers le Forum de discussion du
nibles, ils participent aux activités du RAFAL. RAFAL;
2. Les membres effectifs du RAFAL regroupent 2. s’engage, dans la mesure des moyens dispo-
des organisations non gouvernementales nibles, à mettre en oeuvre le programme des
LA CHARTE
(ONG) choisies au sein des membres adhé- activités du réseau arrêté par le Comité de
rents par le Comité de pilotage qui décide pilotage;
sur base d’un dossier de candidature intro- 3. recherche, dans la mesure de ses possibili-
duit de façon volontaire. Celui-ci devra faire tés, des financements pour le réseau RAFAL.
état d’une manifestation claire d’intérêt pour Le GRIP assume la responsabilité des projets
les problématiques relevant de la mission et qu’il introduit auprès des donateurs au nom
des objectifs du réseau, notamment au niveau du réseau RAFAL ;
des statuts et des activités. Le Comité de pilo- 4. informe régulièrement le Comité de pilotage
tage tient également compte de la pertinence et les membres du réseau de l’exécution des
des activités et de la notoriété des candidats. programmes et de l’état de la recherche de
Les membres effectifs sont informés des acti- financements.
vités du RAFAL et de la situation internatio-
nale en matière d’armes légères. Ils ont un 7. Activités
accès privilégié au Site web et au Forum de Sans revêtir un caractère limitatif, les activités
discussion du RAFAL. Ils participent aux acti- du RAFAL sont les suivantes :
vités du RAFAL. Ils désignent en leur sein les 1. Rencontres annuelles : une rencontre du ré-
membres du Comité de pilotage. seau RAFAL se tient chaque année.
3. Un Comité de pilotage, composé de 6 mem- 2. Lettre d’information: pendant les trois premiè-
bres effectifs reconnus pour leur expérience res années, une lettre d’information sur les
et leur dynamisme dans le réseau, choisit et armes légères et sur les activités du RAFAL
programme les activités en fonction des moyens est produite et diffusée une fois par an. Elle
disponibles et en conformité avec la mission est ouverte à la collaboration de tous les mem-
et les objectifs du réseau. Il recommande les bres du réseau.
auteurs des publications et fait fonction de 3. Autres productions : le plus souvent possible,
comité de relecture. Il prépare les rencontres les publications des membres ainsi que cel-
annuelles et détermine les membres effectifs les du GRIP s’ouvriront à des contributions
et adhérents. provenant de l’ensemble du réseau sur les
4. Un(e) Président(e) est désigné(e) en son sein thèmes traités par RAFAL. Des productions
par le Comité de pilotage pour préparer et originales, sans limitation particulière au ni-
diriger les réunions du Comité, les rencontres veau des médias, sont aussi envisageables
annuelles et pour représenter le réseau vis-à- lorsque c’est jugé nécessaire.
vis de l’extérieur. Son mandat a une durée d’un 4. Site web : un Site web RAFAL sera créé dont
an, renouvelable. la coordination technique sera assurée par
le GRIP. Il contiendra au moins la liste dé-
6. Rôle du GRIP taillée des membres, la charte du RAFAL et
Le Groupe de recherche et d’information sur la les productions qui y sont liées. Un Forum de
paix et la sécurité (GRIP) se penche sur les ques- discussion permettra de dialoguer sur toutes
tions de sécurité dans le sens le plus large en étu- les questions importantes et d’échanger des
diant notamment la prévention, la gestion et la ré- informations sur les activités de chacun.
4 LA LETTRE DU RAFAL
Création d’une coalition nationale de lutte pour la paix
Ça bouge au Togo
LA LETTRE DU RAFAL 5
Premier séminaire de sensibilisation à Bamako
6 LA LETTRE DU RAFAL
Sud-Kivu
© Georges Berghezan.
berté d’expression reste très théorique dans congolaises qui y
cette partie de la RDC. sont actives.
Dans ce con-
Uvira est une ville du Sud-Kivu, sur le lac texte, la société ci-
Tanganyika, à quelques dizaines de km de Bu- vile affronte de
jumbura, capitale du Burundi. Elle est actuelle- multiples difficul-
ment occupée par le mouvement rebelle «RCD- tés matérielles et
Goma», soutenu par l’armée et le gouvernement logistiques (il n’y
rwandais. Grâce au soutien financier de l’Inter- a par exemple pas
national Action Network on Small Arms (IAN- de connexion In-
SA, coordinator@iansa.org ), un séminaire s’est ternet à Uvira),
tenu les 15 et 22 mars 2002 afin d’examiner la ainsi que souvent l’hostilité du pouvoir en pla- Les participants du
possibilité de créer un réseau d’ONG luttant ce, rejeté par une écrasante majorité de la po- séminaire qui s’est tenu
en mars 2002 dans
contre la prolifération des armes légères au Sud- pulation. la ville d’Uvira.
Kivu. Organisé par le Centre d’éducation et de
formation intégrés (CEFI, cefi.org@caramail. Animateurs pourchassés
com ) et la Mission des Jacobins sages (MIJAS, Nous avions déjà pu nous rendre compte
mijas_asbl@yahoo.fr ), on pouvait y rencontrer sur place des relations tendues entretenues par
de nombreux responsables d’ONG d’Uvira, les ONG d’Uvira avec les autorités locales. La
mais également de Bukavu (notamment les Hé- nervosité de ces dernières s’est accrue avec le
ritiers de la justice), de Fizi et de Bujumbura. retrait d’une partie de l’armée rwandaise en
septembre dernier, en application de l’accord
Susciter des échanges de Pretoria. Ainsi, au début octobre, Mutere
La première partie a surtout été consacrée Kifara était emprisonné pendant 24 heures
à l’information des participants. La seconde pour un article publié dans Le Messager du
journée a également rassemblé une trentaine peuple, publication périodique de la MIJAS,
de personnes, représentant une bonne vingtaine dénonçant l’administrateur d’Uvira et d’autres
d’ONG. dignitaires du RCD-Goma pour détournement
Charles Nasibu Bilali (MIJAS) a rappelé de fonds.
que les objectifs de la réunion étaient de sensi- Pourtant, l’information avait été originelle-
biliser la société civile d’Uvira et du Sud- Kivu, ment diffusée par une radio locale contrôlée
de susciter des échanges sur les moyens de par le RCD-Goma. Mais il paraît que, comme
lutter contre la prolifération des armes légères « les paroles volent, les écrits restent », il est per-
et d’étudier la création d’un réseau. Le repré- mis au Sud-Kivu de dire certaines choses qu’il
sentant du GRIP a ensuite exposé les tendan- est interdit de coucher sur papier.
ces et l’évolution du trafic international d’ar- Quelques jours plus tard, la guérilla des Maï-
mes, en particulier vers l’Afrique. Après des Maï, soutenue par le gouvernement de Kinsha-
travaux en ateliers thématiques, il est ressorti sa, s’emparait d’Uvira et était accueillie avec
des recommandations faites aux ONG et aux satisfaction par la population. Mais, grâce aux
autorités locales ainsi qu’à la communauté in- renforts rwandais, le RCD-Goma en reprenait
ternationale. le contrôle moins d’une semaine plus tard, pro-
Le « Réseau d’action sur les armes légères voquant l’exode au Burundi de milliers de ci-
Sud-Kivu » a été créé quelques semaines plus toyens craignant des représailles. Celles-ci n’ont
tard et réunit une majorité des ONG ayant par- pas tardé et une quarantaine de responsables
LA LETTRE DU RAFAL 7
d’ONG étaient placés sur une « liste noire » et de la justice, son épouse et leur fille cadette,
recherchés. Parmi eux, se trouvaient trois des tombaient sous les balles d’inconnus en unifor-
principaux animateurs du réseau sud-kivutien: me militaire dans leur village de Sange, à 35
Charles Nasibu et Mutere Kifara, de la MIJAS, km d’Uvira.
et le pasteur Mathieu Kisose, coordinateur du Est-ce le résultat de l’alerte sonnée par le
CEFI. GRIP (communiqué de presse, contacts avec
divers responsables politiques belges) ? Tou-
Liste noire jours est-il que notre trio a pu rentrer, en no-
Le RCD-Goma leur reprochait des écrits ou vembre et décembre, dans ses foyers à Uvira,
des déclarations à des stations de radio. Ainsi, sans être maltraités ni subir trop de désagré-
Charles Nasibu était incriminé pour avoir don- ments, à l’exception de quelques heures d’in-
né, lors d’une interview à la Voix de l’Améri- terrogatoire. Cet exemple montre en tout cas
que, des détails sur la participation de troupes que, dans certaines régions d’Afrique, l’action
rwandaises à la reprise d’Uvira. Réfugiés à Bu- des ONG, surtout si elles se mêlent de dossiers
jumbura, ils apprenaient que les services de « sensibles », comme les armes légères, n’est
renseignement burundais avaient été sollici- pas exempte de danger pour leurs responsa-
tés par le RCD-Goma pour tenter de les retrou- bles. Mais ces mésaventures n’ont pas décou-
ver et de les extrader. Le 12 novembre, un trans- ragé nos amis d’Uvira, de nouveau d’aplomb
fuge du RCD-Goma collaborant avec la socié- pour poursuivre leur lutte contre la proliféra-
té civile congolaise était assassiné à Bujumbura. tion d’instruments de mort.
Il aurait été un des noms figurant sur la « liste
noire » précitée. Le 30 novembre, un militant Georges Berghezan,
des droits de l’homme, membre de Héritiers Attaché de recherche au GRIP.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
8 LA LETTRE DU RAFAL
Réunion sous-régionale à Kampala
LA LETTRE DU RAFAL 9
La Création du RASALAO
10 LA LETTRE DU RAFAL
Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’Ouest (RASALAO)
DOCUMENT FONDATEUR
drogue, la contrebande et autres crimes compara- les rencontres, on peut citer les suivantes :
bles. Les armes légères et de petit calibre participent • le Conseil mondial des Eglises, le Norwegian
aux violations massives des droits de l’homme, faci- Church Aid/Norwegian Initiative on Small Arms Trans-
litent la mauvaise gouvernance, les violations de la fers (NCA/NISAT) et l’Association des conseils oecu-
constitution, les coups d’Etat, permettent d’établir ou méniques et des Eglises en Afrique de l’Ouest (FECCI-
de maintenir un état général de terreur, d’insécurité WA) ont organisé la Concertation oecuménique sur
et d’instabilité. le micro-désarmement dans la sous-région d’Afrique
C’est pourquoi le mauvais usage des armes légè- de l’Ouest, tenue à Accra en septembre 1998 ;
res et de petit calibre provoque des résultats catas- • la rencontre des ONG ouest-africaines mise sur
trophiques, causant de graves blessures physiques pied à Abuja avec le soutien du NISAT et du Centre
et psychologiques à de nombreuses populations, régional des Nations unies pour la paix et le désar-
poussant des millions de personnes à se déplacer, mement à l’occasion du Sommet de la Communauté
en condamnant des millions d’autres à vivre une vie économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
de réfugié, brisant des familles et des communautés qui adopta le Moratoire sur la production, l’exporta-
et détruisant les économies et l’environnement. Les tion et l’importation d’armes légères en octobre 1998;
conséquences immédiates sont des souffrances hu- • la consultation organisée à l’occasion du lance-
maines indicibles, une pauvreté endémique, un sous- ment du Programme de coordination et d’assistance
développement accru, davantage de conflits violents pour la sécurité et le développement (PCASED) à Ba-
et l’absence de paix. mako en mars 1999;
Les conflits en Afrique, et spécialement ceux de • le Centre for Democracy and Development, le
la sous-région ouest-africaine, prennent des propor- Center for Democratic Empowerment, la Campaign
tions incontrôlées et sanglantes du fait de la disponi- for Good Governance et le Groupe de recherche sur
bilité et de la facilité d’accès aux armes légères. En les stratégies et la paix en Afrique ont organisé un
s’attaquant au problème posé par la prolifération des atelier sur les interventions militaires privées et la proli-
armes légères et de petit calibre, on est confronté à fération des armes dans les conflits en Afrique à Mon-
la logique de l’offre et de la demande de ces armes. rovia en juillet 2000 ;
La demande est suscitée par une mauvaise gou- • l’UNREC a organisé une Consultation sur les
vernance, par l’insécurité et la pauvreté. L’offre pro- armes légères à Lomé en décembre 2000 ;
vient essentiellement de sources extérieures poussées • le PCASED, la Foundation for Security and
par le profit, l’égoïsme et le désir de domination. Development in Africa, l’ASDR ont organisé une Con-
Quelles que soient les motivations poursuivies par sultation sur les armes légères à Accra en juin 2001;
l’offre et la demande, les armes légères et de petit • de nombreux autres événements et rencontres
calibre tuent, détruisent des biens, causent des souf- sur les armes légères ont eu lieu en Europe et en Amé-
frances humaines incalculables. rique entre participants ouest-africains depuis 1998.
Chaque pays de la sous-région ouest-africaine Certaines organisations de la société civile ouest-
a connu un conflit armé sous une forme ou une autre africaine ont pris part aux efforts en vue de créer le
au cours duquel les armes légères jouèrent un rôle Réseau d’action international sur les armes légères
crucial. On estime que sur les 550 millions d’armes (RAIAL-IANSA) dont ils sont maintenant des membres
légères en circulation dans le monde, l’Afrique de et des participants actifs. Ils font pression sur les gou-
l’Ouest à elle seule en compte environ 8 millions. vernements pour endiguer le commerce illicite et la
Le monde s’est rendu compte du danger que re- circulation des armes légères. Réalisant qu’un travail
présente cette menace. L’Afrique a pris position. L’Afri- efficace sur la maîtrise des armes légères peut être
que de l’Ouest a commencé à agir. Les dirigeants entrepris grâce à la coopération et à la solidarité,
politiques ouest-africains ont fait le premier pas en les organisations ont convenu qu’il était nécessaire
adoptant un moratoire sur la production, l’exporta- et urgent de créer un réseau sous-régional.
tion et l’importation d’armes légères en octobre 1998
et en le renouvelant pour trois ans en octobre 2001. II. Appellation
La société civile en Afrique, et en Afrique de Le réseau des organisations de la société civile
l’Ouest en particulier, a été poussée, du fait de l’ex- qui coopèrent pour combattre la prolifération des ar-
LA LETTRE DU RAFAL 11
mes légères et sauver des vies humaines s’appellera VIII. Structure du réseau
Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de Les structures de décision et d’action du RASALAO
l’Ouest (RASALAO). seront les suivantes :
1. La Conférence générale: Cet organe sera l’ins-
III. Vision tance suprême du réseau qui décidera des options
Pour le RASALAO, la population doit vivre dans politiques fondamentales. Elle élira le Comité de pi-
une société juste, équitable et démocratique, libérée lotage du réseau et contrôlera son travail. La Confé-
de la présence des armes légères illicites et de leur rence générale se tiendra une fois par an en présence
mauvais usage, et dans une sous-région ouest-afri- des membres, des membres associés et des membres
caine où règnent la paix et la sécurité. d’honneur du RASALAO ainsi que de toute autre per-
sonne qui aurait été invitée par le Comité de pilotage.
IV. Mission 2. Le Comité de pilotage : Il sera le deuxième or-
Le RASALAO servira d’instrument de coopération gane en importance du réseau. Il prendra des déci-
à la société civile en matière de non-prolifération et sions entre deux Conférences générales afin d’assu-
contre la production, le commerce, la circulation et rer le fonctionnement courant du réseau. Il engagera
DOCUMENT FONDATEUR
l’usage des armes légères et de petit calibre en Afri- le ou la responsable principal(e) du Secrétariat, con-
que de l’Ouest. trôlera le travail du Secrétariat, assurera son propre
fonctionnement et approuvera le budget du RASA-
V. Objectifs LAO. Le Comité de pilotage sera constitué d’individus
Les objectifs du réseau seront : représentants des organisations qui font partie de
a) de servir de forum pour l’échange d’informations, réseaux nationaux ou sous-régionaux. Une seule
de points de vue, d’expériences et de stratégies personne par pays, issue d’une organisation ou d’un
dans le combat contre la prolifération des armes réseau national, peut être élue au Comité de pilotage,
légères et de petit calibre en Afrique de l’Ouest; de même qu’une seule personne issue d’un réseau
b) de travailler à réduire la demande en armes lé- sous-régional. Sauf décision contraire de la Conféren-
gères et de petit calibre en Afrique de l’Ouest; ce générale, le Comité de pilotage comprendra neuf
c) d’être source de solidarité pour tous ceux et tou- membres et sera dirigé par un(e) président(e) secon-
tes celles qui travaillent sur les questions des ar- dé(e) par un(e) vice-président(e). La durée du man-
mes légères et qui peuvent en être affectés du fait dat de chaque membre du Comité de pilotage est de
de leur travail ou qui en sont victimes. deux ans, renouvelable une seule fois. Le Comité de
pilotage se réunira en session ordinaire tous les six
VI. Membres du réseau mois.
Le RASALAO sera ouvert aux organisations et aux 3. Le Secrétariat : Cet organe appliquera les dé-
personnes suivantes qui souscriront à la vision et à cisions de la Conférence générale et du Comité de
la mission du RASALAO : pilotage. Il sera mis en place par étapes par le Comi-
a) les organisations nationales de la société civile; té de pilotage sur base des besoins et des ressources
b) les coalitions ou les réseaux nationaux regrou- disponibles. Le Comité de pilotage déterminera les pro-
pant des organisations de la société civile; cédures de création du Secrétariat ainsi que les be-
c) les coalitions ou les réseaux sous-régionaux re- soins matériels et humains nécessaires à son fonc-
groupant des organisations de la société civile; tionnement. Dans l’attente de l’installation complète
d) les experts, les dirigeants issus du monde politi- du Secrétariat, le Président du Comité de pilotage
que et social, des personnalités remarquables ou assumera les fonctions du Secrétariat avec l’aide des
populaires, des célébrités du monde sportif, des membres du Comité de pilotage si cela est jugé né-
arts, de la culture ou d’autres domaines, sur re- cessaire.
commandation du Comité de pilotage du RASA- 4. Le Conseil des sages : Cette instance conseil-
LAO. lera le Comité de pilotage concernant les options poli-
Les organisations qui ne travaillent pas néces- tiques fondamentales et ses membres assureront la
sairement sur les armes légères mais qui souscriraient promotion du travail du réseau selon leurs capacités
à la vision du RASALAO pourront devenir membres et leur inclination individuelles. Il sera constitué de
associés. personnalités éminentes désignées par le Comité de
La qualité de membre d’honneur peut être accor- pilotage.
dée par le Comité de pilotage à des personnalités
influentes et distinguées. IX. Emplacement du Secrétariat
Le Secrétariat sera installé par un des réseaux
VII. Nature du réseau nationaux membres du RASALAO. Le ou la respon-
Le RASALAO sera un réseau souple regroupant sable du Secrétariat sera recruté(e) par le Comité de
des organisations et, lorsque c’est nécessaire, des pilotage et ne proviendra pas du pays d’accueil. Le
individus unis pour sauver la vie. Comité de pilotage recommandera à la Conférence
Chaque organisation maintiendra son identité générale – qui décidera en dernier ressort – d’un em-
propre et travaillera seulement sur les programmes placement approprié pour le Secrétariat.
de son choix et sur les politiques qu’elle soutient, pour- Adopté ce 21 mai 2002 lors de la Conférence fonda-
vu cependant qu’elle reste cohérente avec la vision trice du Réseau d’action sur les armes légères en Afrique
et la mission du RASALAO. de l’Ouest, tenue à Accra au Ghana.
12 LA LETTRE DU RAFAL
Small Arms Survey en français
LA LETTRE DU RAFAL 13
Trafics d’armes vers l’Afrique
Le « savoir-faire » belge
cré aux trafics d’armes nants, compte parmi ses clients des pays com-
vers l’Afrique. me le Libéria, le Rwanda et le Soudan, ainsi
L’approche choi- que les rebelles sierra-léonais et congolais.
sie a été de se pencher Ces cinq personnages ont également com-
prioritairement sur me point commun d’être tous suspectés d’avoir
l’implication des au- livré, à un moment ou un autre de leur carrière,
torités et de ressortis- des armes en Afrique, en particulier à des en-
sants belges ou fran- tités sous embargo. Bien entendu, il y a une
çais dans les transferts part d’arbitraire dans le choix de ces trafiquants:
douteux ou illicites il y a en effet bien d’autres Belges impliqués
d’armes vers le conti- dans des trafics d’armes ces dernières années,
nent africain. La guer- mais le temps et les moyens nous ont fait dé-
re en République dé- faut pour une étude plus exhaustive.
Sur les 51 pays du mocratique du Congo (RDC) a également donné
continent africain, 18 lieu à un important chapitre. Le numéro un
sont victimes de conflits
armés ou de guerre Le journaliste Sergio Carrozzo s’est lui in-
civile et 13 autres Une spécialité belge téressé à Victor Bout, probablement le princi-
sont confrontés à une Une conclusion qui s’impose est que l’épo- pal trafiquant d’armes de ces dernières années.
violence meurtrière
importante. Cette que dorée du trafic d’armes est derrière nous. Disposant de dizaines d’avions et compagnies
situation dramatique Cependant, certains personnages continuent à aériennes, basé aux Emirats arabes unis, mais
s’explique notamment bénéficier d’une étonnante mansuétude des disposant de liens étroits avec le régime de Ki-
par la grande
disponibilité d’armes juges. gali, ce citoyen d’origine tadjik alimente en
légères. Ainsi, Jacques Monsieur a été libéré à l’is- armement notamment les rebelles d’Afrique
sue de son procès à Bruxelles, après avoir passé centrale dont il transporte également les trou-
près de deux ans dans des prisons en Turquie pes et les minerais exploités illégalement.
et en Iran. Ayant travaillé pendant plus de quin- Pierre Richard, journaliste lui aussi, dépeint
ze ans pour l’OTAN, de nombreux services quelques trafiquants israéliens, souvent d’ori-
secrets et des multinationales comme Elf, il a gine ex-soviétique, comme Arcadi Gaydamak,
notamment été impliqué dans l’Irangate et un des principaux acteurs de l’Angolagate. Il
dans d’importantes violations de l’embargo sur décrit ensuite le rôle important de certains di-
les armes à destination de l’ex-Yougoslavie et rigeants africains dans des livraisons d’armes
est sans conteste le principal trafiquant d’ar- à des mouvements rebelles ou des Etats sous
mes belge de ces dernières décennies. embargo.
D’origine hongroise, Geza Mezösy n’en fi-
nit pas de fréquenter les tribunaux belges pour L’Angolagate
répondre de diverses affaires. Mais notre étude Le livre offre enfin un récapitulatif de l’Af-
semble indiquer que ses exploits ont peut-être faire Falcone ou Angolagate. Sandrine Santo
été gonflés par certains médias. y examine l’enquête judiciaire ouverte en Fran-
Marty Cappiau, proche du Front national ce fin 2000 suite à des ventes d’armes litigieu-
français et de l’état-major croate, a été tué l’an ses conclues en 1993 entre l’Angola et Pierre
passé par le garde du corps d’un mafieux qu’il Falcone, alors représentant de la Sofremi, so-
14 LA LETTRE DU RAFAL
ciété d’exportation du ministère de l’Intérieur. plus grande des conflits africains sur le marché
L’affaire a surtout attiré l’attention des médias illicite. Avec la disparition de la confrontation
à cause de l’implication de Jean-Christophe entre deux superpuissances, les pays occiden-
Mitterrand, fils aîné de l’ancien président. On taux ont moins intérêt qu’auparavant à soute-
peut discuter la légalité de ces transferts d’ar- nir l’une ou l’autre partie d’un conflit en l’ap-
mes slovaques à l’Angola, alors en pleine repri- provisionnant ouvertement ou clandestine-
se de la guerre civile. Aujourd’hui, ils contre- ment en armes.
viendraient clairement au Code de conduite de Plus que par le passé, les trafiquants ne
l’Union européenne entré en vigueur en 1998. sont mus que par leur propre intérêt finan-
Cette affaire met en tout cas en lumière le cier, sans égard pour les intérêts géostraté-
manque de transparence des ventes d’armes giques ou économiques des pays dont ils
et de la politique africaine de la France (réseaux sont issus. Dans de nombreux cas, ils devien-
Foccart, Mitterrand, Pasqua) pendant des dé- nent donc gênants et indésirables, ce qui est un Trafics d’armes
cennies. Elle pose également la question de la des facteurs principaux expliquant les poursui- vers l’Afrique – Pleins
responsabilité des intermédiaires, intouchables tes ou les dénonciations dont ils font l’objet. feux sur les réseaux
français et le « savoir-
tant que les armements ne sont pas passés par faire » belge,
le territoire français. Quels remèdes ? un ouvrage dirigé par
Enfin, tout en se félicitant de la volonté po- Georges Berghezan,
192 pages.
De l’huile sur le feu congolais litique accrue de combattre les trafics illicites,
Enfin, le livre aborde également les trans- le GRIP recommande aux Etats, et en premier
ferts d’armes vers les acteurs impliqués dans lieu à ceux membres de l’Union européenne,
le conflit en RDC, que ce soient le gouverne- de prendre diverses mesures, dont l’adaptation
ment de Kinshasa, ses alliés ou les diverses fac- de leur législation pour rendre punissables les
tions le combattant. Il s’agit d’une recension délits commis à l’étranger par leurs ressortis-
de plusieurs dizaines d’affaires donnant une sants (comme la Belgique vient de le faire),
idée des mécanismes alimentant une des guer- une révision profonde du système des certifi-
res les plus meurtrières de ces dernières dé- cats d’utilisateur final (end user), souvent falsi-
cennies et des complicités internationales per- fiés par les trafiquants, une harmonisation de
mettant leur continuation. Ce chapitre pour- leurs législations nationales, un meilleur respect
rait être utilement complété par le récent rap- du code de conduite européen, voire sa trans-
port de l’ONU sur le formation en un outil
© J. Isaac – ONU.
LA LETTRE DU RAFAL 15
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