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Le Moyen Âge
De 638 à 640, l'Egypte, dont la population était
devenue largement chrétienne, fut conquise par les
Arabes, sous la conduite d'Amrou, un des généraux
du calife Omar. L'Islam y fut introduit et le pays fut
réuni au califat de Damas. Le Turc Touloun, qui
administrait le pays au nom du calife de Bagdad en
869, usurpa l'autorité suprême, et tût le fondateur de
la dynastie des Toûloûnides, qui ne régna que
jusqu'en 905. Abou-Obeid-Allah s'empara de l' Egypte
en 909, lorsqu'il commença à établir le puissant
empire des Fâtimides; mais il en fut chassé par Abou-
Bekr Mohammed, gouverneur de l'Egypte, au nom du
calife de Bagdad. Abou-Bekr se rendit indépendant en
935, et prit le titre d'Ikhchid, qui était celui des rois de
la partie du Turkestan d'où il était originaire. Sa
dynastie, dite des Ikhchidites, fut dépossédée par
Moez-Ledinillah, troisième successeur d'Abou-
ObeidAllah, qui se proclama souverain en 969 sous le
litre de calife, et fixa sa résidence dans la ville du
Caire, qu'il avait fait bâtir
La dynastie des Fatimides régna en Egypte sous onze
califes jusqu'en 1171. Saladin, qui commandait une
armée envoyée par Nour-Eddin, atabek de Syrie,
profita de l'anarchie où les derniers califes fatimides,
par leur indolence, avaient laissé tomber l'Etat, pour
substituer le nom, du calife de Bagdad à celui du
dernier, fatimide. Lorsque ce prince mourut en 1171,
Saladin se fit reconnaître sultan d'Egypte, et fonda la
dynastie des Ayyoubites, ainsi appelée du nom de son
père Ayyoub. Saladin eut pour successeur son
deuxième fils, Mélik-el-Aziz-Othman, qui enleva
Damas en 1196 à son frère aîné, Mélikel-Afdhâl. Sous
la dynastie des Ayyoubites, qui prit part à la lutte de
l'Orient musulman contre les croisés, les chrétiens
s'emparèrent de Damiette en 1219, et en 1249 dans
l'expédition malheureuse de Saint Louis.
Après 1500
Les Mamelouks, dont le sultan Mélik-et-Salêh avait
fait sa garde, massacrèrent en 1250 le sultan Mélik-
el-Moadham, son fils, et le remplacèrent par le
Mamelouk Ibegh, qui avait épousé la veuve de Mélik-
el-Salêh. Mais ils proclamèrent sultan, quelques jours
après, un enfant de huit ans de la dynastie ayyoubite,
Mélik-el-Ascharf. Ibegh conserva néanmoins toute
l'autorité en qualité d'atabek du dernier rejeton du
sang de Saladin, qu'il fit déposer en 1254, pour se
faire reconnaître sultan. C'est par lui que continence
la dynastie des Mamelouks Bharites qui fut ainsi
substituée à celle des Ayyoubites. Nour-Eddin-Ali
succéda à son père Ibegh, qui fut assassiné en 1257.
L'Egypte fut élevée à un haut degré de puissance par
les quatre sultans Mamelouks Baharites : Bibars,
Kélaoun, Kalil-Aschraf, et Nasser-Mohammed, qui
portèrent les derniers coups aux colonies chrétiennes
fondées en Orient par les croisés. Les Mamelouks
Baharites furent dépossédés en 1382 par les
Mamelouks Bourdjites. L'avant-dernier Bourdjite,
Kansou-al-Gauri, qui d'esclave devint sultan en 1501,
s'opposa aux conquêtes des Portugais en Afrique et
en Arabie. Il fut vaincu par Sélim Ier, sultan ottoman,
en 1516; à Mardj-Dabek près d'Alep, et resta sur le
champ de bataille. Toumam-Bey, son neveu et son
successeur, succomba aussi en 1517, malgré son
héroïque bravoure, sous les armes de Sélim, qui le fit
pendre à une des portes du Caire, et réunit l'Egypte à
son empire.
L'Egypte ottomane fut administrée par un pacha
assisté de 24 beys, pris dans la milice des Mamelouks.
L'un d'eux, Ali-Bey, se rendit indépendant de la Porte
en 1766, et fut supplanté en 1772 par son gendre,
Mohammed-Bey, qui mourut de la peste devant
Saint-Jean-d'Acre en 1776.
L'expédition conduite en Egypte par Bonaparte en
1798, aboutit à la conquête et à l'occupation de
l'Egypte par les troupes françaises, de 1798 à 1801; la
puissance des Mamelouks fut alors anéantie en
grande partie. La Turquie étant rentrée en possession
du pays avec le secours de l'Angleterre, Mehemet-Ali
s'en fit donner le gouvernement en 1806, et se
débarrassa des Mamelouks en les faisant tous
massacrer en 1811. II soumit la Nubie à sa
domination en 1822. Il fit deux fois la guerre à son
suzerain. Il lui enleva d'abord la Syrie en 1831-1832,
et son fils Ibrahim défit l'armée turque à Konya en
décembre 1832 et à Nézib en 1859. Mais l'intervention
européenne arrêta chaque fois Mehemet-Ali dans ses
succès, Il fut forcé en 1841 de restituer ses conquêtes à
la Porte, qui lui accorda la vice-royauté héréditaire
de l'Egypte, sous la suzeraineté de la Turquie, et
moyennant un tribut annuel. Ses efforts pour
européaniser l'Egypte n'atteignirent que très
imparfaitement leur but. Il s'attribua le monopole de
l'industrie.
Mehemet-Ali mourut en 1849, et eut pour successeur
son petit-fils Abbas-Pacha, mort en 1854. Ce dernier
fut été remplacé par son oncle, Saïd-Pacha, fils de
Mehemet-Ali, prince généreux et éclairé, qui
encouragea de tout son pouvoir le percement de
l'isthme de Suez, et qui a fourni à l'égyptologue
Mariette, les moyens d'accomplir les plus précieuses
découvertes archéologiques. Saïd-Pacha, mort en
1863, a eu pour successeur son neveu Ismaïl-Pacha.
En 1882, l'armée britannique prend position en
Egypte afin d'y protéger ses intérêts dans la région
devenue stratégique du Canal de Suez. Elle
participera aussi à la répression du soulèvement du
Mahdi, au Soudan (1881-1885). En 1914, le
protectorat britannique sur l'Egypte fut officialisé.
L'Égypte contemporaine
Parallèlement au mouvement pan-arabe islamiste
des Frères Musulmans qui se constitue à partir de
1928 autour d'Hassan al-Banna, un mouvement
indépendantiste, le Wafd, dirigé par Sahad Zaghloul,
apparaît au sortir de la la Première Guerre mondiale.
Il poussera le Royaume-Uni à se désengager
formellement du pays et à laisser s'installer une
monarchie dès 1923, en attendant l'indépendance
proclamée seulement en 1936 (le Soudan, dit
anciennement anglo-égyptien, ne s'émancipera de la
domination anglaise qu'en 1956). Malgré cette
indépendance, la zone du Canal resta sous le contrôle
de l'armée britannique. A la suite des remous
consécutifs à la défaite dans la première Guerre
Israélo-Arabe (1948), un coup d'État (23 juillet 1952)
renversera le roi Farouk et placera au pouvoir la
"dynastie d'officiers" toujours en place : Mohammed
Néghib (évincé en 1954), Gamal Abdel Nasser
(jusqu'en 1970), Anouar el-Sadate (assassiné le 6
octobre 1981 par un groupe islamiste radical, al-
Jihad), Hosni Moubarak (président depuis 1981).
Les grands bouleversements du pays auront eu lieu
sous la présidence de Nasser, qui s'était posé à la fois
comme un des animateurs du mouvement des pays
Non-Alignés, et le chantre de l'arabisme :
Nationalisation du Canal de Suez (et crise
internationale qui s'ensuit) en juillet 1956;
construction du Barrage d'Assouan décidée vers la
même époque; unification de l'Égypte et de la Syrie
sous le nom de République Arabe Unie (RAU) entre
1958 et 1961; Guerre des Six-Jours avec Israël (1967),
dont les conséquences (occupation par Israël des
Territoires Palestiniens, en particulier), restent
encore aujourd'hui un des points d'ancrage des
tensions au Proche-Orient.
La conquête arabe
Le pouvoir ottoman
Sélim II , fils et successeur de Soliman le Magnifique
avait réuni dans ses mains le pouvoir temporel des
sultans et le pouvoir spirituel des califes en
s'emparant d'El-Motawakkil, cinquante-cinquième et
dernier calife abbâside. Les villes saintes, La Mecque
et Médine, enchaînées en sort de l'Égypte, passèrent
avec ce pays sous le joug ottoman. La province
d'Egypte fut confiée à un pacha, surveillé lui-même et
contrôlé par deux autres pouvoirs collatéraux : les
aghâs et les anciens beys mamelouks. Les premiers,
au nombre de six, puis de sept, formèrent le conseil
obligé du pacha, qu'ils devaient surveiller et, au
besoin, dénoncer à Istanbul; ils avaient sous leurs
ordres les six corps militaires ou odjâk chargés de la
défense, de la police et de la perception des impôts.
Les beys, au nombre de douze, rééligibles tous les ans,
furent chargés des douze gouvernements de l'Égypte.
Les bases de cette organisation furent tant soit peu
modifiées par Soliman ler, qui donna à
l'administration de l'Égypte la forme compliquée
qu'elle conserva jusqu'à Mohâmmed-Ali (Mehemet-
Ali). Cette organisation fut si bien équilibrée pour la
stabilité de la possession, mais non pour le bien-être
du pays, que, malgré les distances, malgré une suite
non interrompue de conspirations, l'Égypte resta
pendant près de trois siècles vassale de la Porte. Il
serait long et fastidieux de suivre cette nomenclature
de pachas (on en compte cent seize de 1517 à 1766),
hommes sans importance pour la plupart, agents de
la Porte, tantôt obéis, tantôt méconnus, tenanciers
d'une ferme politique, qui ne travaillèrent qu'à
s'enrichir et à mériter le lacet de soie. Au XVIIIe siècle,
avec l'affaiblissement de l'empire ottoman, la dignité
de pacha d'Égypte, accordée au plus offrant, ne cessa
de s'avilir davantage. A la fin, le pacha ottoman n'eut
plus qu'un rôle fictif et dépendit entièrement du
cheikh el-balad ou chef des beys mamelouks, qui
devint roi effectif. A côté de ces gouverneurs sans
gloire figurèrent bientôt ces beys héréditaires qui en
savaient acquérir. Ismâïl Bey, Doû'l Fikâr, Ibrâhim
Kiahyâ, Roudwân, Khâlil Bey et surtout Ali Bey el-
Kebir (1763-1772).
Rêvant l'indépendance de l'Égypte, Alî Bey osa
braver la Porte, lui désobéit, la combattit et la
vainquit; le premier il osa battre monnaie à son coin
et se faire nommer par le chérif de La Mecque sultan-
roi de l'Egypte. En cette qualité, il rechercha des
alliances européennes, s'adressant aux Vénitiens par
l'intermédiaire de l'Italien Rosetti, et aux Russes par
le canal de l'Arménien Yâqoûb qui fit des ouvertures
à l'amiral Orloff. Sous son règne l'Égypte fut
réorganisée, pacifiée, prospère. Mais la trahison
entraîna, avec des révoltes, la défaite d'Ali Bey qui,
fait prisonnier sur le champ de bataille, mourut au
Caire de ses blessures.
Ibrâhim et Moûrâd, auxquels l'expédition française
donna tant de relief, ne surent qu'attirer les colères
de la France républicaine par les avanies intolérables
qu'ils firent subir aux nationaux. En effet, dans le
courant de l'année 1795, Magallon, consul de France
au Caire, adressa au Directoire une série de pétitions
qui concluaient à la conquête de l'Égypte, projet déjà
mis en avant par Leibniz en 1672, puis sous Louis XV
par Choiseul. Au retour de Campo-Formio (octobre
1797) Bonaparte prit connaissance de ces pétitions.
Poussé par l'ambition et la gloire, l'horreur de
l'inaction, la crainte des haines secrètes du
gouvernement, Bonaparte fit décréter l'expédition
d'Égypte. Le Directoire, de son côté, n'était pas fâché
de se débarrasser d'un homme dont la réputation
l'écrasait. Le prétexte politique fut de frapper
l'Angleterre dans l'Inde. Le moment toutefois était
mal choisi; mais, en cette circonstance, les véritables
intérêts du pays ne furent pas consultés.
L'Expédition française (mai 1798-septembre 1801)
Le Directoire abandonna à Bonaparte des pouvoirs
discrétionnaires pour préparer dans le plus grand
secret la conquête et la colonisation de l'Egypte.
L'armée expéditionnaire, forte de 36 000 hommes,
dont 2500 cavaliers, presque tous soldats de l'armée
d'Italie, et de 10 000 marins, s'embarqua à Toulon (19
mai). La flotte se composait de 30 vaisseaux ou
frégates, 72 corvettes et 400 transports. Bonaparte
emmenait, outre les généraux Berthier, Lannes,
Marmont, Murat, Kléber, Desaix, Reynier, Menou, un
corps auxiliaire de cent vingt-deux savants et artistes
tels que Monge, Berthollet, Larrey, Desgenettes,
Geoffroy Saint-Hilaire, Denon, Marcel, qui devaient
l'aider « dans la tâche laborieuse de faire oublier par
les bienfaits de la paix les misères de la conquête ».
L'amiral Brueys avait sous ses ordres Gantheaume,
Villeneuve, Decrès. Le 10 juin, Malte fut prise après
un simulacre de défense; le 2 juillet, le débarquement
avait lieu à l'anse du Marabout, à 4 lieues
d'Alexandrie, qui était aussitôt enlevée d'assaut après
un combat violent. Bonaparte y laissa Kléber avec
3000 hommes et marcha de suite sur Le Caire. Les
troupes, après une marche très pénible par le désert
de Damanhoûr, atteignirent (10 juillet) Rahmâniyeh,
où elles opérèrent leur jonction avec la flottille du Nil,
chargée des convois. La première rencontre eut lieu à
Chébreïs (13 juilet) : Moûrâd, à la tête de 1200
Mamelouks et 500 Arabes fut repoussé avec pertes.
Le 21 était livrée la fameuse bataille d'Embâbeh ou
des Pyramides. Moûrad fut aussitôt poussé dans la
Haute-Egypte par Desaix; Ibrâhim s'enfuit du côté de
la Syrie, et les Français, ayant franchi le fleuve, firent
leur entrée au Caire (22-25 juillet). Bonaparte
déclara aux habitants qu'il venait comme allié de la
Porte ottomane pour les délivrer de la domination
des Mamelouks. Il donna un gouvernement
municipal à la ville, respecta les propriétés, les
moeurs, la religion des habitants, établit des
manufactures, entoura Le Caire d'une ceinture de
forts et bientôt fonda l'Institut d'Egypte, instrument
actif de colonisation formé par l'élite des savants, des
ingénieurs et des artistes français.
Les Français commençaient à avoir l'espoir de faire
un établissement durable dans ce pays, lorsqu'un
irréparable désastre vint ruiner tout l'avenir de leur
expédition. La flotte française, poursuivie depuis
deux mois par les Anglais, n'ayant pu entrer dans le
port d'Alexandrie, fut surprise et détruite par
l'escadre de Nelson dans la rade d'Aboukir; Brueys
était tué (1er août 1798). Ce fut l'un des événements
qui ont le plus influé sur les destinées du monde, au
moins jusqu'à la Première Guerre Mondiale. Si la
plupart des habitants se pliaient avec fatalisme la
domination française, il s'en fallait que le clergé
montrât de la sympathie à l'égard des infidèles. Une
mesure fiscale du maladroit Poussielgue ajouta aux
griefs des meneurs, et, le 21 octobre, une insurrection
terrible éclata au Caire dans laquelle périrent 300
Français et qui ne fut apaisée qu'après une bataille de
deux jours. Pendant ce temps, Desaix avec 4000
hommes et les généraux Davout, Belliard et Friant
finissait par rejeter Moûrâd en Nubie. Le 3 mars 1799,
Belliard atteignait Philae; le 29 mai, Desaix occupait
le port de Qoseïr, sur la mer Rouge.
Vers la même époque, deux armées turques se
rassemblaient à Rhodes et à Damas pour chasser les
Français de l'Égypte. Bonaparte, qui savait que la
possession de la Syrie était indispensable à qui
voulait conserver l'Égypte, fit ses préparatifs de
campagne. Le 10 février, il partait, à la tête de 13 000
hommes, dans la direction d'El-Arîch, traversait le
désert, entrait dans Gaza et arrivait le 7 mars devant
Jaffa, qu'il prenait d'assaut le 13. On sait que,
embarrassé de ses prisonniers, il les fit fusiller. De là,
il marcha sur Saint-Jean-d'Acre qui, vigoureusement
défendue par le pacha Djezzâr, Sydney Smith,
commandant de la croisière anglaise, et deux émigrés
français, repoussa deux assauts (20 mars). Pendant
en temps, l'armée de Damas s'avançait sur le
Jourdain. Kléber, avec 2000 hommes, marcha à sa
rencontre et fut enveloppé près du mont Thabor par
12 000 cavaliers et autant de fantassins. Bonaparte
arriva à temps avec 3000 hommes pour mettre
l'immense cohue adverse en déroute (16 avril). On
retourna devant Saint-Jean-d'Acre; mais, menacé par
L'armée de Rhodes, Bonaparte en dut lever le siège
après quatorze assauts et deux mois d'inutiles efforts.
Il fallait renoncer à la conquête de la Syrie, partant à
tout espoir de succès ultérieur. L'armée revint au
Caire sans obstacle, mais diminuée de 4000 hommes
et découragée (24 mai). Bientôt après, l'armée de
Rhodes, forte de 18 000 hommes, abordait dans la
presqu'île d'Aboukir et s'y retranchait. A cette
nouvelle, le général en chef accourut du Caire avec
6000 hommes; le 25 juillet, l'armée turque était
détruite et, par cette victoire, la possession de
l'Égypte sembla assurée aux Français. Le 22 août
suivant, Bonaparte quittait secrètement l'Égypte
avec Lannes, Duroc, Bessières, Marmont, Berthier,
Monge et Berthollet; il venait d'apprendre par les
journaux que lui avait envoyés l'amiral anglais les
récents désastres et l'anarchie de la France. Auréolé
maintenant d'une gloire fabuleuse, il se laissa
entraîner par le souci de sa fortune politique; il partit,
abandonnant le commandement de l'armée à Kléber
avec des instructions qui l'autorisaient à évacuer
l'Égypte (22 août).
Ce départ fut regardé par l'armée tout entière comme
comme une désertion. Kléber exhala son indignation
dans une lettre au Directoire. Privée de marine et de
renforts, sans défense du côté de la Syrie, menacée de
plus par les forces considérables et renouvelables des
Anglais et des Turcs, réduite enfin à 15 000
combattants disponibles, l'armée française était
démoralisée et craignait de ne pouvoir se maintenir
longtemps sur cette terre éloignée. Alors Kléber,
cédant aux clameurs de ses soldats, aux mauvais
conseils de Reynier, entama des négociations avec la
Porte et Sydney Smith et signa la convention d'El-
Arich (24 janvier 1800). L'armée française devait
rendre les forteresses et évacuer le pays avec tous les
honneurs de la guerre pour être transportée en
France sur des vaisseaux anglais. Le mouvement
d'évacuation était commencé lorsque, par une
perfidie insigne, l'amiral Keith avertit Kléber que le
cabinet britannique ne pouvait reconnaître la
convention d'El-Arich, à moins que l'armée ne se
rendit à discrétion (20 mars). Indigné, Kléber rompt
aussitôt la convention. Avec 10000 hommes, il
marche contre l'armée du grand vizir forte de 80 000
soldats, la met en pleine déroute à Matariyeh
(Héliopolis, 24 mars), puis, revenant au Caire où
Ibrâhim Bey était rentré en son absence, il bombarde
la ville révoltée et la soumet après une bataille de dix
jours. Les français reprirent leurs positions; Moûrâd
Bey traita avec eux et s'en alla gouverner l'Egypte
comme tributaire : l'Egypte était reconquise. Le
courage revenait aux troupes et les projets de
colonisation étaient repris avec une ardeur toute
nouvelle, lorsqu'un nouveau malheur vint décider
pour toujours du sort de l'expédition : le 14 juin 1800,
Kléber tombait frappé à mort par un Syrien fanatisé.
Le général Menou lui succéda, non par l'ordre de
mérite, mais par le droit de l'âge. La colonie affaiblie
jouit encore de six mois de paix intérieure.
Au commencement de l'année 1801, 30 000 Anglais,
sous les ordres du général Abercrombie, débarquent
à Aboukir. Le 21 mars, Menou est écrasé à Canope,
par la faute de Reynier, qui reste immobile avec sa
division; il se retire à Alexandrie, mais y reste bloqué,
Hutchinson ayant rompu les dignes qui séparent la
mer du lac Mareotis, alors desséché depuis deux
siècles. Son lieutenant, Belliard, enveloppé avec 8000
hommes dans Le Caire par 50 000 Turcs ou Anglais,
se décide à capituler sur les bases de la convention
d'El-Arîch (25 juin). Il évacue la ville avec tous les
honneurs de la guerre et embarque ses troupes sur
des vaisseaux anglais. Menou, assiégé dans
Alexandrie, se rend le 2 septembre, aux mêmes
conditions que Belliard. Dans le courant du même
mois, l'évacuation complète de l'Égypte était
consommée. Telle fut cette fragile conquête, une
expédition manquée et meurtrière. (Paul Ravaisse).
Le temps des Vice-Rois (1805 - 1892)