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Avshalom Laniado

Hilarios Pyrrhachas et la Passion de Saint Athénogène de


Pédachthoé (BHG 197b)
In: Revue des études byzantines, tome 53, 1995. pp. 279-284.

Résumé
REB 53 1995 France p. 279-284
A. Laniado. Hilarios Pyrrhachas et la Passion de Saint Athénogène de Pédachthoé (BHG 197b). — L'article examine les deux
souscriptions, grecque et arménienne, attribuant la Passion de saint Athénogène (BHG 197b) à un certain Hilarios. 11 s'agit d'un
principalis curiae, probablement de Sébastopolis. Les souscriptions ne sont pas de la main d'Hilarios, mais il n'y a pas de raison
de mettre en cause leur authenticité. Hilarios le fils, mentionné par la souscription grecque, est probablement un des premiers
quaeslores sacri palatii connus.

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Laniado Avshalom. Hilarios Pyrrhachas et la Passion de Saint Athénogène de Pédachthoé (BHG 197b). In: Revue des études
byzantines, tome 53, 1995. pp. 279-284.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1995_num_53_1_1908
HILARIOS PYRRHACHAS
ET LA PASSION DE SAINT ATHÉNOGÈNE
DE PÉDACHTHOÉ
(Β HG 197b)*

Avshalom LANIADO

Parmi les innombrables martyres grecs relatifs aux persécutions des


2e-4e siècles, rares sont les textes qui font connaître leur auteur. Bien
intéressante à cet égard est la Passion de Saint Polycarpe, dont une
branche de la tradition manuscrite a transmis une souscription men
tionnant trois rédacteurs successifs de ce texte1. Ce cas exceptionnel
trouve maintenant son parallèle dans la version grecque de la Passion
de Saint Athénogène de Pédachthoé, récemment éditée pour la première
fois par Pierre Maraval2. Ce texte contient à sa fin, juste avant l'ép
ilogue, deux souscriptions. Dans la deuxième, un certain Anysios
déclare avoir trouvé le martyrion «en désordre et lacuneux», et l'avoir
«rassemblé et mis en ordre»3. La première souscription dit : «Ίλάριος
δε ό τηνικαΰτα πρώτος του βουλευτηρίου, επικαλούμενος Πυρραχάς, πατήρ
ύπαρχων Ίλαρίου του άπό κυαιστόρων»4.

* L'auteur remercie MM. Bernard Flusin et Jean-Pierre Mahé de leurs conseils.


1. BMG 1559; H. Musurillo, The Acts of the Christian Martyrs, Oxford 1972, p. 20.
Sur cette souscription, voir G. Lanata, Gli atti dei martiri corne documenti processuali,
Milan 1973, p. 30-31 ; S. Ronchey, Indagine sut marlirio di San Policarpo, Rome 1990,
p. 43-4, n. 39.
2. La Passion inédite de S. Athénogène de Pédachthoé en Cappadoce, éd. trad.
P. Maraval, Subsidia Hagiographica 75, Bruxelles 1990. Voir aussi les comptes rendus
de B. Flusin, HEB 50, 1992, p. 281-284; P. Devos. An. Boll. 109, 1990, p. 167-170;
C. P. Jones, Journal of Theological Studies 43, 1992, p. 245-248 ; S. Kotzampasi, Helle-
nika 42, 1991/1992, p. 195-197.
3. Ibid. eh. 42, trad. p. 82. Dans le prologue, l'ha'giographe, vraisemblablement le
même Anysios, dit avoir trouvé le texte dans un très vieux livre, lacuneux, sans ordre,
et rédigé dans une langue commune (eh. 1, p. 30).
4. Ibid. ch. 42, p. 82.

Revue des Études Byzantines 53, 1995. p. 279-284.


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Maraval traduit πρώτος του βουλευτηρίου par «greffier du tribunal»,


et se demande si le texte n'a pas conservé la signature authentique du
greffier5. Au Bas-empire, pourtant, βουλευτήριον ne signifie pas «tribu
nal».Son usage est réservé à la curie municipale ou à l'ordre curiale6.
Plus rarement, ce mot se réfère aux «curies» des deux capitales de
l'empire, à savoir les sénats de Rome et de Constantinople 7. Quant au
mot πρώτος, il peut désigner la place occupée par un greffier dans la
hiérarchie du bureau auquel il appartient8, mais non la fonction de
«greffier» elle-même9. Hilarios n'était donc pas le greffier du tribunal,
mais un «premier», un principalis, d'une curie municipale d'une cité
qui n'est pas mentionnée10. Il peut s'agir de Sébasteia, la cité où le
martyre a eu lieu, ou, ce qui est plus vraisemblable, de Sébastopolis,
dont dépendait le village de Pédachthoé. Le mot τηνικαΰτα indique
qu'Hilarios était principalis lors du martyre d'Athénogène, donc en
303 ou 304 n. Le texte lui donne le surnom « Pyrrhachas», que Marav
al traduit par «le Roux», et mentionne aussi son fils, appelé lui aussi
Hilarios. La mention du fils n'est pas en usage dans les souscriptions,
si celle du surnom l'est12. Ceci suggère que la souscription dans son
état actuel n'est pas de la main d'Hilarios le père. Ce n'est donc pas
une souscription proprement dite, mais plutôt l'attribution d'un texte
à un auteur par un rédacteur ultérieur.
Hilarios le fils est άπό κυοαστόρων, c'est-à-dire un ancien questeur.
Des trois questures existant à l'époque, la questure de Rome, la ques-

5. Ibid. p. 83 et, p. 82, n. 89.


6. E.g. Athanase, Ilistoria Arianorum, eh. 78, PG 25, col. 788 B; Synésius de
Cyrène, De Prouidentia I, 16, éd. N. Terzaghi, Rome 1944, p. 103. Voir aussi F. Prei-
sigke, Wörterbuch der griechischen Papyrusurkunden, III, Leipzig 1931, s.v., p. 99 ;
Supplement, I, éd. Ε. Kießling, Amsterdam 1971, p. 370. La plupart de ces références
sont des 3e-4e siècles.
7. E.g. Procope, Bella V, 5, 19 (le sénat de Constantinople). Cf. Codex Theodosia-
nus, éd. Mommsen et Meyer, Berlin 1905, XI, 39, 3 (334) pour un usage pareil du mot
curia.
8. Voir Synésius de Cyrène, epist. 61, éd. A. Garzya, Rome 1979, p. 102.
9. Les mots pour greffier sont en latin excepter, notarius (les deux sont souvent
transcrits en grec), et en grec, άντιγραφεύς, όξυγράφος, ταχυγράφος ou ύπογραφεύς. Sur les
greffiers, voir II. C. Teitler, Notarii and Exceptores. An inquiry into role and signifi
canceof notarii and exceptores in the imperial and ecclesiastical bureaucracy of the Roman
Empire (from the Early Principale to circa 450 A.D.), Utrecht 1983 (en néerlandais avec
un résumé en anglais). P. 104-197 l'auteur donne une prosopographie des greffiers
(ler-5P siècles), dont plusieurs sont connus par les Actes des martyrs.
10. Sur les équivalents grecs de principalis, voir P. Petit, Libanius et la vie munici
pale à Antioche au IVe siècle après J.-C, Paris 1955, p. 82-83.
11. C. P. Jones, p. 247.
12. Pour l'usage du surnom dans les documents voir R. Calderini, Ricerche sul
doppio nome personale nell'Egitto greco-romano, Aegyplus 21, 1941, p. 258-260; pour
la formule (ό) επικαλούμενος voir ibid. p. 235-236. L'exemple le plus ancien est de 110
avant notre ère, et les plus récents, du 4e siècle.
LA PASSION DE SAINT ATHÉNOGÈNE DE FÉDACHTHOÉ 281

ture municipale et celle du palais sacré, c'est la dernière dont il s'agi


rait ici. L'ancienne questure républicaine, transformée par Constantin
I en un muniis assumé par les fils des sénateurs, est attestée à Rome
jusqu'à la deuxième ou troisième décennie du 5e siècle de notre ère i:i.
Mais elle n'est jamais mentionnée à Constantinople14. D'ailleurs,
Hilarios le père n'a certainement pas été de rang sénatorial, ce qui
exclut que son fils ait assumé ce munus. La questure municipale existe
encore au 4P siècle, mais cette magistrature est propre aux municipia
ou coloniae^. Cela n'est le cas, en l'état actuel de nos connaissances,
ni de Sébasteia, ni de Sébastopolis16. Cette questure est d'ailleurs
rarement mentionnée en Orient 17. Et en tout état de cause, si Hilarios
le fils était questeur municipal, on ne voit pas pourquoi un rédacteur
ultérieur aurait éprouvé le besoin de préciser sa fonction pour pré
senter son père. Celui-ci, en tant que principally curiae, était d'un
rang plus élevé dans la hiérarchie de sa cité qu'un ancien questeur
municipal. Reste donc la qnaestura sacri palaliim, dont les titulaires
sont souvent désignés comme quaeslores tout court U). D'après l'histo
rienZosime, cette questure n'était pas appelée de ce nom avant
Constantin I ~°. On n'en connaît pourtant aucun titulaire sous cet

13. A. H. M. Jones, The Later Roman Empire, Oxford 1964, p. 530-534; A. Chas-
tagnoi.. Le sénat romain à l'époque impériale, Paris 1992, p. 242-243, 356.
14. D'après la Suda, le célèbre médecin Oribase a été nommé κοαίστωρ... Κων
σταντίνου πόλεως par l'empereur Julien (Suidae Lexicon, éd. A. Adler, III, Stuttgart
1967, s.v. 'Ορειβασίας, p. 555). Mais il s'agit évidemment de la questure du palais sacré.
Sur la questure d'Oribase, voir S. Faro, Oribasio Medico, Quaestor di Giuliano l'Apos-
tata. dans Sludi in Onore di Césare Sanfilippo, VU, Milan 1987, p. 261-268.
15. Sur la questure municipale, voir G. Wesener, Quaestor, BE I xxiv/1, Stuttgart
1963, col. 825; W. Langhammer, Die rechtliche und soziale Stellung der Magistratiis
municipales und der Decuriones, Wiesbaden 1973, p. 157-161. Pour l'Afrique, voir
C Lepei.ley, Les cités de l'Afrique romaine au Bas-empire, I. Paris 1979, p. 164-165;
pour l'Italie, voir F. A. Ausbüttei.. Die Verwaltung der Städte und Provinzen im spa
tantiken Italien, Francfort 1988, p. 22.
16. Pour Sébasteia. voir F. Ηιι.η. M. Restle, Tabula Imperil Bgzantini, II Kap-
:

padokien, Vienne 1981, p. 274-276; pour Sébastopolis, voir B. Le Guen-Poi.et, Sébas


topolis du Pont (Sulusaray). Epigraphica Anatolica 13, 1989, p. 51-86.
17. Voir CIL III 6866 = Monumenta Asiae Minoris Antiquae IV, 236 (octroi du
statut de civitas à Tymandus en Pisidie par un empereur païen, probablement de la fin
du 3P siècle ou du début du 4e); M. Sartre. Inscriptions grecques et latines de la Sgrie,
XIII/1 Rostra, Pans 1982, n" 9112 (325/6). Pour le statut colonial de Bostra voir ibid.
:

p. 129.
18. Sur cette questure, voir G. Wesener, Quaestor, col. 819-823; J. D. Harries,
The Roman Imperial Quaestor from Konstantine to Theodosius II. Journal of Roman
Studies 78, 1988. p. 148-172.
19. E.g. Codex Theodosianus VI, 9. 1.
20. Zosime, Historia A'oea. éd. Mendelssohn. Leipzig 1887, V. 32. 6.
282 A. LAN I ADO

empereur, sauf le cas bien douteux de Flavius Hermogenes21. En


effet, le premier titulaire de titre et date certains est Montius Magnus,
quaestor du César Gallus en 351-353/4, donc sous Constance II22. Si
l'on s'en tient au témoignage de Zosime, il faudra conclure que l'attr
ibution de la Passion d'Athénogène à Hilarios le père n'est pas anté
rieure au deuxième quart du 4e siècle. Mais si l'on donne la prépondé
rance aux données prosopographiques concernant les quaeslores sacri
palatii, il faudra placer cette attribution ca. 350 au plus tôt. Rien ne
permet de savoir si Hilarios le fils a été quaestor sacri palatii effectif ou
honoraire, mais d'après son titre c'était un personnage eminent, jouis
sant du rang honorifique d'un spectabilis23. Le fait que le fils d'un
principalis d'une cité provinciale ait occupé une dignité si élevée ne
doit pas nous surprendre ; c'est un exemple intéressant de la mobilité
sociale des habitants des provinces au Bas-empire24. C'est sans doute
la dignité eminente du fils, qui sera désormais un des premiers
quaestores sacri palatii connus, qui explique sa mention dans la sous
cription.
Hilarios est mentionné aussi dans la version arménienne de la Pas
sion d'Athénogène20, dont l'avant-dernier paragraphe dit : «Un hon
nête et pieux personnage nommé Héliaros, alors président du Conseil, fils
du grand et honorable Hibalak, ayant appris le martyre de St. Athéno-
gène, et en recueillant soigneusement les détails, écrivit toute celte véri-
dique histoire. Le même Héliaros avait demandé au bienheureux Athéno-
gène vivant les cinq hymnes capitales qu'il avait composées. El
jusqu'aujourd'hui, dans cette maison, les descendants de Héliaros les
conservent et se les enseignent l'un à l'autre en mémoire du bienheu
reux»26. On apprend ainsi que le père d' Hilarios le principalis était un
certain «grand et honorable Hibalak». Il est difficile de retracer l'an-
throponyme grec dont on aurait ici la transcription. Ce serait, peut-
être, Ίππάλκης, un nom rare dont aucune attestation n'a été trouvée

21. A. H. M. Jones (et alii), The Prosopography of the Later Roman Empire, I
(260-395), Cambridge 1971, s.v. Hermogenes 9, p. 424-425 (désormais PLRE I).
22. Ibid. s.v. Magnus 11, p. 535. Sur les quaestores sacri palatii sous Constance II
voir aussi Cii. Vogler, Constance // et l'administration impériale, Strasbourg 1979,
p. 222-224.
23. Le quaestor sacri palatii ne devient illustris que vers la fin du 4e siècle, entre 380
et 390. Voir Wesener, Quaestor, col. 821.
24. Pour ne donner que deux exemples : Ablabius, préfet du prétoire sous Constant
in I, était un crétois d'origine humble (PLRE I, s.v. Ablabius 4, p. 3); Clearchus,
préfet de Constantinople en 372-373 et 382-384, était issu d'une famille riche de Thes-
protie en Épire (PLRE I, s.v. Clearchus 1, p. 211).
25. RHO 118. Le texte a été publié par les Méchitaristes dans Vitae et Passiones
Sanctorum Selectae ex Eclogariis, I, Venise 1874, p. 46-67. Nous citons la traduction de
Cyrille Eloyan, dans le périodique Razmavep 39, 1881, p. 28-32 et 127-130.
26. Ibid. p. 129-130.
LA PASSION DE SAINT ATHÉNOGÈNE DE PÉDACHTHOÉ 283

pour l'époque en question"27. Inconnu par ailleurs, ce Hibalak aurait


été, lui aussi, un membre distingué de l'ordre curiale de sa cité. On
apprend également qu'Hilarios le principalis a connu Athénogène et a
reçu de lui «les cinq hymnes capitales». C'est un deuxième témoignage
sur l'activité hymnographique d'Athénogène, qui s'ajoute à celui bien
connu de Basile de Césarée"28.
Mais l'intérêt principal de la souscription arménienne est de faire
d'Hilarios l'auteur d'une «véridique histoire» du martyre d'Athénog
ène. Le texte dit qu'il a «appris le martyre», ce qui démontre qu'il
n'avait pas assisté au procès en personne. On peut en déduire qu'il n'a
pas été citoyen de Sébasteia, mais de Sébastopolis, ce qui s'accorde
bien avec le fait qu'il ait connu Athénogène avant le procès'29. Le
texte ajoute qu'il a «recueilli soigneusement les détails» du martyre,
et il n'y a pas de raison d'en douter. Les recherches sur d'autres
Passions des 2e-4e siècles démontrent, en effet, que les procès-verbaux
officiels étaient accessibles au public après les procès, et pouvaient
ainsi servir à la rédaction des textes par les fidèles30. Ce fut apparem
ment le cas avec les actes officiels du procès d'Athénogène devant le
gouverneur Agricolaos31, élaborés par Hilarios quelque temps après le
procès. En effet, le texte actuel conserve encore un détail qui semble
remonter à un document officiel32. Il est également probable qu'à
part les procès-verbaux, le noyau originel du texte a inclus aussi quel
ques détails biographiques tels la naissance d'Athénogène, son
mariage ou son voyage chez les Goths pour le rachat des captifs33.
Il faut maintenant s'interroger sur la chronologie des deux sous
criptions attribuant le martyre à Hilarios. Le texte grec actuel semble
avoir été rédigé en trois étapes successives, dont la première serait

27. Voir W. Pape, (ï. Benseler, Wörterbuch der griechischen Eigennamen3, I.


Braunschweig 1911, p. 560.
28. Basile de Césarée, De Spiritu Sancto, ch. 29. PG 32, col. 205 A. Voir aussi
G. Emereau. Hymnographi Byzantini, EO'2\, 1922, p. 275; H. Foi.ueri, Initia Hym-
norum Ecclesiae Graecae, V/l, Gittà del Vaticano 1966, p. 251 ; K. Mttsakis, Βυζαντινή
Ύμνογρχφίχ, I, Thessalonique 1971, p. 60-61.
29. Noter toutefois que la version arménienne ignore tout de Sébastopolis, et fait
dépendre Pédachthoé de Sébasteia.
30. Lanata, Gli atti dei martiri corne documenti processuali, p. 15-20; 23-32. Timo-
thée, l'auteur des Actes de Sainte Marine (Antioche de Pisidie, 303/305), déclare même
avoir acheté les υπομνήματα aux greffiers. Voir Acta Sanctae Marinae et Christophori, éd.
II. Usener. Bonn 1886, p. 16 (BHG 1165).
31. G. P. Jones pense qu'il était praeses de la province Armenia Prima (p. 246 et
248). La date de la création de cette province n'est pas connue, mais elle a eu lieu,
probablement, sous Dioctétien. Voir T. D. Barnes. The New Empire of Diocletian and
(Konstantine, Cambridge Mass. et Londres 1982, p. 216.
32. Maravai., p. 7: ch. 23, p. 50 et p. 51, n. 51.
33. Ibid. eh. 2-3, p. 30-32.
284 A. LANIADO

l'oeuvre d'Hilarios, et la dernière, de la plume d'Anysios. La


deuxième étape, à ce qu'il paraît, a consisté à incorporer dans le texte
des épisodes légendaires, tels le dragon tué par Athénogène, l'incendie
éteint par la prière, le miracle des juments, ou les miracles pos
thumes34. Cette rédaction intermédiaire est conservée par la version
arménienne : on y trouve les mêmes épisodes que dans la version
grecque, et dans le même ordre. Mais il manque la souscription
d'Anysios, le prologue, qui est probablement de lui, et les emprunts
que, d'après Maraval, il a faits à la Passion épique d'Athénogène35.
La souscription arménienne est donc antérieure à Anysios. Les deux
souscriptions qui mentionnent Hilarius lui sont en tout cas posté
rieures et seraient à lier à la deuxième étape de la rédaction, qui est
difficile à situer dans le temps. On a vu que la souscription grecque
n'a pas pu être écrite avant ca. 325 au plus tôt. D'autre part, la
souscription arménienne provient d'un manuscrit qui, selon toute pro
babilité, était resté à la possession de la famille d'Hilarios pendant
plusieurs générations. Si l'on compte trois ou quatre générations, on
arrive à une date ca. 400. Mais cette indication est bien floue.
En dépit de l'incertitude chronologique, les deux souscriptions ins
pirent la confiance. La plupart des renseignements ne peuvent pas, il
est vrai, être contrôlés par d'autres sources, mais rien n'y éveille le
soupçon. Un rédacteur tardif, vivant au 5e ou 6e siècle, n'aurait pas
songé à attribuer le texte d'une manière fictive à un personnage aussi
obscur qu'Hilarios le principalis ; il aurait plutôt pensé à un auteur
célèbre, tel Basile de Césarée ou Jean Chrysostome. Ces deux sous
criptions plaident donc en faveur de l'authenticité des procès-verbaux
— qui sont le noyau de la Passion — , soutenue par Maraval et par
d'autres36.
Faute de pouvoir lire la version arménienne dans l'original, et
compte tenu de l'existence d'une version géorgienne, toujours iné
dite37, nous n'avons pas entrepris ici l'étude approfondie que le dos
sier hagiographique d'Athénogène mériterait. Une étude pareille
pourrait compléter certaines des remarques faites ci-dessus.

Avshalom Laniado
Komanon 4
GR - 11142 Rizoupolis, Athènes

34. Ibid. ch. 4-6, p. 32-34; ch. 8, p. 34-36; ch. 9-10, p. 36-8; ch. 40, p. 80-82.
35. Maraval, p. 11. La Passion épique d'Athénogène (BHG 197) est éditée et tra
duite par Maraval à la suite de la Passion ancienne.
36. Maraval, p. 7-9; Flusin, p. 282; Devos, p. 167-168; C. P. Jones, p. 245-246.
37. M. TARCHNièviLi, Geschichte der kirchlichen georgischen Literatur, Città del Vati-
cano 1955, p. 471.

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